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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 28 - Témoignages du 11 avril 2017


OTTAWA, le mardi 11 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 1, pour son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis Ghislain Maltais, du Québec. Avant de poursuivre, je vais demander aux sénateurs de se présenter, à commencer par le vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Chantal Petitclerc : Sénatrice Chantal Petitclerc, de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous recevons les représentants du Conseil canadien du commerce de détail: M. David Wilkes, vice- président principal, Direction des épiceries et relations gouvernementales, et M. Jason McLinton, vice-président, Direction des épiceries et affaires réglementaires. Bienvenue.

Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Veuillez nous présenter votre exposé.

[Français]

Jason McLinton, vice-président, Direction des épiceries et affaires réglementaires, Conseil canadien du commerce de détail : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à venir discuter avec vous des étapes que les détaillants canadiens prennent pour protéger l'environnement, en particulier en ce qui concerne les aliments. Je vais vous présenter rapidement le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

[Traduction]

Le CCCD est la voix du commerce de détail au Canada depuis 1963.

[Français]

Le commerce de détail est le plus important employeur privé au Canada. Plus de 2,2 millions de Canadiens travaillent dans notre industrie. En 2015, le secteur a généré des salaires évalués à plus de 59 milliards de dollars et les ventes du secteur ont atteint 340 milliards de dollars, sans compter les ventes de véhicules et de carburant. Les membres du Conseil canadien du commerce de détail représentent plus des deux tiers des ventes au détail réalisées au Canada. Le CCCD est un organisme sans but lucratif financé par l'industrie et représente des détaillants de petite, moyenne et grande taille dans l'ensemble des collectivités d'un bout à l'autre du pays.

Reconnu comme la voix des détaillants au Canada, le CCCD représente plus de 45 000 commerces de tous types, notamment de grands magasins, des épiceries, des magasins spécialisés, des magasins à rabais, des magasins indépendants et des marchands en ligne.

[Traduction]

Notre Direction des épiceries représente plus de 95 p. 100 de la vente d'aliments au détail au Canada et compte d'importantes marques privées dans toutes les catégories.

Nous savons que des représentants d'autres secteurs ont eu l'occasion de venir témoigner devant ce comité au sujet des effets des changements climatiques sur l'agriculture et l'agroalimentaire. Nous tenons à vous remercier encore, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à venir vous donner une perspective légèrement différente, c'est-à-dire vous fournir de l'information sur certains des programmes que les magasins d'alimentation ont mis en place pour réduire au minimum leur empreinte environnementale.

Nous voulons en particulier vous donner deux exemples, aujourd'hui, soit premièrement la gestion des déchets alimentaires et deuxièmement la gestion des produits chimiques.

En ce qui concerne les initiatives de réduction des déchets alimentaires, il est important de noter que la salubrité des aliments passe en premier. Tous les membres respectent les normes les plus rigoureuses à cet égard, que ce soit pour la vente de produits alimentaires dans leurs magasins ou pour leur participation à des initiatives de réduction des déchets alimentaires. Toutes les grandes chaînes d'alimentation au Canada ont conclu des partenariats avec des banques alimentaires, qui ramassent et redistribuent les aliments de magasins et de centres de distribution qui seraient autrement gaspillés.

En plus de leurs partenariats avec des banques alimentaires, la plupart des chaînes d'épiceries au Canada offrent leurs fruits et légumes meurtris à prix réduit.

Tous les épiciers ont des procédures internes de conservation des aliments et de gestion de la chaîne du froid, en plus de la conception de l'emballage, et veillent ainsi à ce que les consommateurs rapportent à la maison les aliments les plus frais possible. Toutes les grandes chaînes d'épicerie ont les moyens de réutiliser les aliments non vendus en les traitant et en les cuisinant afin d'offrir, par exemple, des mets à emporter. Toutes les grandes chaînes d'épiceries ont des programmes de récupération afin de s'assurer que les déchets sont compostés, en dernier recours.

De nombreux épiciers organisent aussi des ateliers pour donner aux consommateurs des trucs sur les façons de tirer le maximum du contenu de leur frigo. D'autres participent à des campagnes promotionnelles de concert avec les administrations locales afin d'informer les consommateurs des meilleures manières de conserver les aliments.

Les détaillants participent aussi au Plan de gestion des produits chimiques qui relève de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE, et qui est reconnu mondialement comme étant un programme de tout premier ordre. Les produits chimiques font naturellement partie de la vie au quotidien; ils sont essentiels à notre économie, à nos collectivités, à nos foyers et aux produits que nous achetons.

Les produits chimiques procurent des avantages, mais ils peuvent aussi être nocifs pour les humains, dans l'environnement, s'ils ne sont pas gérés convenablement. Les membres du CCCD participent activement à ce programme et fournissent à Environnement et Changement climatique Canada de l'information précieuse sur l'utilisation, les applications et la prévalence des substances préoccupantes. Citons en guise d'exemple les mesures prises pour des produits comme les microbilles et la réfrigération à base d'HFC, entre autres.

Le gouvernement ne pourrait pas obtenir sans aide cette information, étant donné les innombrables vendeurs et fournisseurs qui se lancent en affaire ou qui ferment, partout dans le monde. Cette information est essentielle au gouvernement qui s'en sert pour prendre des décisions sur la gestion des risques pour l'environnement.

Outre les initiatives relatives à la gestion des déchets alimentaires et des produits chimiques, les détaillants s'adonnent à d'autres activités dans le but de réduire leur empreinte environnementale et ont, notamment, des programmes de gestion du parc de véhicules et de réduction des gaz à effet de serre qui leur permettent à la fois d'être rentables et de réduire l'empreinte environnementale du commerce de détail, ainsi que des programmes d'intendance environnementale et de recyclage, bien que cela ne se limite pas aux détaillants en alimentation.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir donné de nouveau l'occasion de discuter avec vous des mesures prises par les détaillants canadiens pour protéger l'environnement, surtout en ce qui concerne les aliments. C'est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, de votre présence. Nous vous en savons gré.

Vous avez mentionné au début de votre exposé vos relations avec les banques alimentaires de partout au pays. Premièrement, c'est une bonne chose; deuxièmement, je ne pense pas que les Canadiens sont au fait des contributions des détaillants en alimentation aux banques alimentaires.

Avez-vous des chiffres sur le volume de produits acheminés par les détaillants aux banques alimentaires? Et avez- vous aussi une analyse de la fréquence de cela?

De toute évidence, le problème continuel des banques alimentaires, c'est l'accès constant à des produits aux moments où les besoins sont les plus grands pour les Canadiens qui doivent malheureusement utiliser les banques alimentaires.

David Wilkes, vice-président principal, Direction des épiceries et relations gouvernementales, Conseil canadien du commerce de détail : Je vous remercie de cette question. Veiller à ce que les banques alimentaires aient les bons aliments au bon moment est difficile, mais c'est aussi une chose à laquelle notre industrie et nos membres travaillent très activement.

En ce qui concerne les chiffres, c'est une estimation, alors il faudrait que je vérifie, mais si vous regardez l'industrie dans son ensemble, je dirais que cela peut se situer n'importe où entre 10 et 15 millions de livres de produits qui sont donnés chaque année à l'échelle du pays. Cela dépend de l'épicier et de sa capacité de faire don de nourriture.

De plus, le secteur de l'alimentation verse des contributions financières au système de banques alimentaires; il ne faut pas non plus sous-estimer l'aide offerte par les bénévoles, de même que les activités organisées par les grandes chaînes alimentaires pour donner un coup de main aux banques alimentaires. Il n'y a pas que le produit, le soutien financier et le bénévolat, mais aussi l'expertise relative à la gestion des aliments acheminés au système de banques alimentaires.

Vous avez mentionné certaines des difficultés que les banques alimentaires connaissent. L'une des plus importantes est le maintien de la chaîne du froid. Nos discussions avec Banques alimentaires Canada nous ont permis de constater que dans le système des banques alimentaires, une des difficultés réside dans la façon d'entreposer les fruits frais et la viande et dans la nécessité de veiller à ce que l'intégrité de ces produits soit maintenue, et comme l'a dit M. McLinton, à ce que la salubrité des aliments ne soit pas compromise. Bien des banques alimentaires n'ont pas l'infrastructure nécessaire pour accepter des dons de produits frais ou périssables. C'est un aspect qu'il serait possible d'améliorer. Cela aiderait les Canadiens qui ont besoin des banques alimentaires à avoir accès à des aliments plus variés, et cela faciliterait les dons.

Le sénateur Mercer : Il ne faut pas l'oublier: vous êtes d'importants donateurs de produits et de fonds aux banques alimentaires. Mais en plus, de nombreux magasins servent aussi de véhicules pour la collecte d'aliments donnés par les clients. Il n'est pas rare que je trouve un bac pour recueillir les dons, à mon Sobeys de Sackville, au Nouveau- Brunswick, et ce, en particulier pendant certaines périodes de l'année comme à Noël et à l'Action de grâce. Il serait aussi possible — du moins chez les détaillants que je fréquente — de faire preuve de plus de créativité en préparant des emballages attrayants pour les dons aux banques alimentaires, dans le sens qu'elles obtiendraient des aliments nutritifs faciles à utiliser, à transporter et à entreposer. Au lieu d'acheter un sac de macaroni, je pourrais avoir l'option d'acheter un emballage contenant du macaroni, de la sauce et d'autres produits connexes. Au lieu d'acheter un seul produit, parce que ce serait un emballage attrayant, je finirais par acheter cinq ou six choses à donner.

Avez-vous des données sur ce que les magasins recueillent pour les banques alimentaires — pas juste ce qu'ils donnent?

M. Wilkes : Malheureusement, je n'ai pas de chiffres là-dessus, outre la quantité générale que je vous ai donnée. C'est cependant très important, ce que vous dites, sénateur — que l'industrie du commerce de détail, tant en alimentation que dans l'industrie en général, a un engagement important envers les collectivités qu'elle sert. Notre industrie est unique, en ce sens qu'elle se trouve, comme j'aime à le dire, dans toutes les collectivités à l'échelle du pays, d'un océan à l'autre, de l'est à l'ouest et dans le Grand Nord.

En plus d'offrir des dons aux banques alimentaires, il existe des programmes par lesquels on encourage les particuliers ou les clients à donner un petit montant d'un dollar ou deux à la caisse. Notre industrie a une solide tradition d'aide à divers programmes de bienfaisance comme le Club des petits déjeuners, qui n'est pas nécessairement une banque alimentaire, mais qui aide à fournir des petits déjeuners nutritifs aux jeunes écoliers qui n'ont peut-être pas leur plus important repas de la journée.

Nos contributions prennent des formes très diverses, et je vous remercie d'avoir porté cela à l'attention du comité. Nous veillons à ce que les aliments des magasins soient convenablement utilisés et donnés, et à ce qu'ils ne soient pas gaspillés, en fonction des conditions décrites, mais nous veillons aussi à servir de carrefour d'activités de bienfaisance et à encourager nos clients à donner pour une bonne cause.

Le sénateur Mercer : Toujours en ce qui concerne les efforts pour faciliter les dons, je remarque, dans les commerces de détail que je fréquente, que la plupart ont des salles communautaires où se tiennent des événements comme des fêtes d'enfants, et cetera. Je ne fréquente pas très souvent ces activités, mais est-ce qu'il y a une intégration de ces installations? Je sais qu'il y a des cours de cuisine à l'occasion, mais est-ce qu'il y a des cours pour lesquels on fait un travail de coordination avec les banques alimentaires ou autres organismes communautaires afin d'enseigner la préparation et l'entreposage d'aliments nutritifs et d'aider les familles à tirer le maximum de ce qu'elles ont?

M. Wilkes : Oui. Cela ne se limite pas nécessairement aux locaux des magasins et à ces salles communautaires. Je me souviens d'ailleurs d'en avoir déjà loué une quand ma fille était bien plus jeune, pour diverses activités. Cela revient à ce que je disais tout à l'heure — que le détaillant ou le magasin fait partie de la collectivité. En plus de donner de l'emploi à 2,2 millions de Canadiens, nous disons avec fierté, M. McLinton, nos collègues de partout au pays et moi, que nous sommes le plus important employeur du secteur privé au Canada et que nous offrons aussi bien des postes intéressants et stimulants de très hauts dirigeants que des emplois à temps partiel pour les étudiants. Le commerce de détail est vraiment un moteur de l'économie canadienne, et honnêtement, sénateurs, nous avons un peu de difficulté à être reconnus pour cela.

Pour en revenir à votre question sur l'information relative à la meilleure façon d'utiliser les aliments, bon nombre de nos membres offrent des cours sur la façon de réduire le gaspillage dans la cuisine et d'interpréter les étiquettes des produits concernant la date « meilleur avant ». Cette date n'est pas une date d'expiration, mais elle est une indication de la fraîcheur; c'est une indication de la qualité, et non de la salubrité.

Il y a une variété d'activités et de programmes gérés par des groupes. Je sais qu'il y en a un à Vancouver dont j'oublie le nom: vous allez sur un site web où vous apprenez comment gérer convenablement vos achats d'aliments et les aliments que vous avez chez vous pour vous assurer de ne pas les perdre.

C'est une responsabilité importante. C'est une responsabilité que l'industrie assume avec beaucoup de soin, et je pense qu'au fil des mois et des années à venir, vous allez voir l'industrie alimentaire investir beaucoup plus dans la réduction des déchets alimentaires, tout simplement parce que le temps est venu de le faire.

M. McLinton : J'ajouterais à ce que disait M. Wilkes — que nous faisons partie des collectivités de partout au pays —, et à propos des dates « meilleur avant », que ces types de programmes d'éducation sont particulièrement importants dans les collectivités nordiques. Certaines de ces collectivités n'ont pas nécessairement accès à certains fruits et légumes et autres produits qu'on tient pour acquis dans les collectivités du Sud. Les détaillants du Nord s'engagent aussi dans de telles activités, et c'est vraiment essentiel pour ces collectivités.

Le sénateur Mercer : Je dirais à cela que c'est très vrai, d'après moi. Mon fils, il y a bien des années, est allé pendant une semaine au Nunavut dans le cadre d'un échange. Nous avions demandé à l'avance ce qu'il pourrait apporter à la famille qui l'accueillerait pour les remercier tout en leur faisant plaisir. On nous a dit d'envoyer des légumes frais, et mon fils est donc parti avec un sac supplémentaire rempli de pommes de terre, de carottes, d'oignons et de choses comme ça.

Mon fils nous a demandé pourquoi il leur apportait ça, et je lui ai dit: « Ils vont être très reconnaissants quand tu vas arriver avec ça. » Il a confirmé après que ce cadeau de remerciement avait été très bien accueilli. Plutôt que de recevoir quelque chose qu'ils pouvaient trouver là-bas, ils ont reçu quelque chose qu'il était difficile d'obtenir chez eux. Je trouve que cela valait la peine d'être mentionné.

Le sénateur Woo : Bonjour. Je suis le sénateur Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique, comme vous l'avez déjà deviné.

Quelle est la proportion de déchets après l'achat, par rapport à la proportion des déchets après la récolte, chez les détaillants? Avez-vous des chiffres?

M. Wilkes : La majorité des aliments qui sont jetés le sont par le consommateur, selon les estimations, et cela varie. Encore une fois, je vais vous demander de traiter les chiffres que je vous donne comme des estimations, mais je dirais que c'est autour de 30 à 40 p. 100. Et c'est dans les circonstances où il existe des possibilités comme ce que décrivait le sénateur Mercer, pour l'éducation et tout cela.

Il y a parmi ces déchets les pelures et restes qui viennent normalement avec la préparation des aliments. Il faut interpréter ces chiffres prudemment. Mais il y a des étapes pour chaque partie de la chaîne alimentaire, de la ferme au consommateur, en passant par le transformateur et les détaillants, et il y a des occasions aussi de réduire les déchets alimentaires. Cependant, il y a beaucoup de gaspillage à la maison.

Le sénateur Woo : Je comprends ce que vous dites: il faut éduquer le consommateur sur le gaspillage alimentaire, et nous pourrions réduire la quantité de déchets organiques qui sont ramassés chaque semaine chez nous. Je me demande toutefois si vous avez une opinion sur l'éducation du consommateur concernant les choix alimentaires.

Un représentant de Pulse Canada nous a présenté un exposé très intéressant. Il nous a dit que nos choix d'aliments ont des incidences différentes sur l'environnement et a essentiellement parlé d'indices de consommation, soulignant que les protéines végétales étaient meilleures pour l'environnement que les protéines animales. Il ne l'a pas dit précisément de cette manière, mais il privilégie l'industrie des lentilles — des légumineuses.

Que pensez-vous de cette idée? On sait depuis un certain temps que si nous mangeons moins de viande, l'effet sur la planète serait nettement moindre. Est-ce qu'il incombe au détaillant d'éduquer le consommateur là-dessus?

M. Wilkes : Je pense que le travail des détaillants est de répondre aux demandes des consommateurs. Nous avons des responsabilités fondamentales, la première étant la salubrité des aliments. Les détaillants en alimentation doivent comprendre les demandes des consommateurs et y répondre. Cependant, je joue un rôle de représentation de l'industrie des marchés d'alimentation depuis plus de 18 ans, et ce qui ressort de plus en plus clairement, ce sont tous les changements que nous connaissons depuis deux ou trois ans. Et ces changements viennent vraiment de ce que les consommateurs demandent. Ils veulent en savoir plus sur l'origine de leurs aliments. Ils veulent en savoir plus sur leur valeur nutritive. Ils s'intéressent à la traçabilité et veulent connaître toute l'information.

Je crois qu'on ne voit pas un détaillant affirmer que c'est le bon ou le mauvais choix pour vous, car nous veillons plutôt à réagir au large éventail de choix qui s'offre aux consommateurs et aux renseignements qu'ils souhaitent obtenir pour prendre les bonnes décisions pour leur famille, que ce soit au sujet du type de produit, des effets sur le climat, du style de vie ou des produits biologiques.

De nos jours, les consommateurs ont énormément de choix et ils demandent une quantité astronomique de renseignements à l'égard de ces choix. Mais ce qui est encore plus important, c'est que la capacité de fournir ces renseignements par l'entremise de plateformes numériques ou d'un balayage de code à barres est phénoménale. Je crois que la demande dans ce domaine ne fera que s'accroître, et lorsque le gouvernement envisage d'adopter des lois visant l'alimentation saine ou d'autres éléments, il doit vraiment veiller à intégrer les solutions dans un cadre numérique, et faire en sorte que ces solutions soient conçues pour la technologie de demain, plutôt que pour un cadre « analogique » dans lequel on inscrit tout sur l'emballage, par exemple.

Je crois que le nombre de consommateurs comme moi diminue de plus en plus dans les magasins et que nous sommes remplacés par des jeunes de la génération du millénaire qui sont nés à l'ère du numérique et qui ont grandi en ayant instantanément accès à toute l'information qu'ils désiraient au bout des doigts. Ces gens souhaiteront non seulement scanner les prix, mais également obtenir des renseignements liés aux changements climatiques par ce processus.

Bref, l'industrie est en évolution. En effet, les consommateurs demandent de plus en plus de renseignements et cela représente un défi, mais aussi une occasion à saisir pour notre industrie. Je pense que les modifications réglementaires doivent refléter cela et veiller à ne pas restreindre la diffusion de ce type de renseignements. Mais en ce qui concerne la question de savoir s'il revient au détaillant de déterminer qu'un choix est meilleur qu'un autre, peu importe le point de vue, que ce soit celui que vous suggérez ou d'autres, je ne le crois pas.

Le sénateur Woo : Nous tentons surtout de déterminer les réponses stratégiques appropriées et leurs effets sur le secteur agricole — par exemple, l'idée de la tarification du carbone.

Pouvez-vous nous parler de la façon dont les détaillants en alimentation de la Colombie-Britannique se sont adaptés à la taxe sur le carbone imposée dans cette province?

M. Wilkes : La taxe sur le carbone a des effets indirects sur les détaillants. Elle devient une partie des coûts liés à nos activités plutôt qu'une réaction à la façon dont nous menons nos activités. C'est un coût plutôt qu'une approche.

Nous avons certainement participé à des consultations sur la taxe sur le carbone aux échelons provincial et fédéral. Dans l'ensemble, nous soutenons que l'approche ne doit pas servir à remplacer l'augmentation des recettes fiscales, mais qu'elle doit avoir comme objectif de réduire les émissions de carbone.

Dans le milieu des détaillants en alimentation, on observe qu'une grande partie des interventions visent à réduire les effets des émissions de carbone. Pour répondre à la question, on observe que des changements se produisent, et ces changements se produisent avant l'adoption d'une nouvelle approche réglementaire ou d'une taxe sur le carbone ou d'un système de plafonnement et d'échange, que ce soit par l'entremise de la gestion de nos parcs de véhicules ou de celle de nos camions frigorifiques. On peut aussi apporter de petits changements, par exemple utiliser des ampoules qui consomment moins d'énergie et modifier la façon de gérer les magasins. La réfrigération est un autre domaine important, car il faut veiller à ce que les unités n'aient pas de fuite. De plus, un grand nombre de nos membres ont des données qui indiquent dans quelle proportion les fuites ont été réduites. Il suffit de petites choses. Par exemple, on peut installer des portes sur les congélateurs debout, lorsqu'ils ont des rideaux à la place des portes. On ne peut pas faire la même chose avec toutes les enceintes, car les consommateurs s'attendent à une certaine disposition physique dans ces enceintes frigorifiques.

Sénateur, nous observons des interventions qui visent à assumer la responsabilité de réduire les émissions de carbone plutôt qu'un effet particulier comme ce serait peut-être le cas pour mes collègues du secteur pétrolier et gazier.

Le sénateur Ogilvie : C'est intéressant. Nous ne parlons manifestement pas directement des effets sur la température, mais dans l'ensemble, les effets sont les mêmes, car il faut nourrir la planète, et vous avez abordé deux ou trois points qui n'avaient pas été mentionnés auparavant. On a abordé la question des produits chimiques, mais en ce qui concerne l'idée du gaspillage, si on commence au producteur, à l'exploitation agricole, et qu'on avance jusqu'aux consommateurs, comme vous l'avez dit, on estime que le pourcentage de nourriture gaspillée est énorme.

D'un autre côté, tout effort de changement demande beaucoup d'énergie. En effet, on ne peut pas ramasser toutes ces choses sans consommer de l'énergie. Il faut organiser le processus. Nous l'avons vu dans les villes, et toutes ces choses dont vous avez parlé sont d'excellents exemples, mais elles ne peuvent tout simplement pas fonctionner efficacement. Plus une communauté est rurale, plus c'est difficile, et plus il faut d'énergie, et cetera. Une grande partie de cela repose sur les bénévoles.

C'est une solution à la recherche d'une façon de fonctionner et de régler ces problèmes. Je suis très heureux que vous ayez soulevé la question, car la quantité de nourriture gaspillée représente un pourcentage important de l'ensemble de la nourriture produite dans notre pays.

J'aimerais revenir à la question des produits chimiques, surtout en ce qui concerne les antibiotiques. Je sais que dans votre secteur, on ne cherche pas nécessairement à obliger les gens à faire certains choix alimentaires, mais la réalité, c'est que dans notre pays, l'utilisation d'antibiotiques dans la production animale représente l'une des grandes préoccupations liées au développement d'une résistance aux antibiotiques.

Les données scientifiques qui justifient leur utilisation et les affirmations selon lesquelles ils favorisent la croissance ne sont pas très fiables. En fait, on soupçonne fortement que les antibiotiques ne favorisent pas la croissance dans le cas de la production de viande, c'est-à-dire la volaille, le porc et les produits laitiers.

Nous savons que certains grands consommateurs, par exemple des chaînes de restauration rapide, soutiennent qu'ils utilisent seulement des produits sans antibiotiques, et cetera. Il y a peut-être d'autres exemples que je ne connais pas.

Y a-t-il de la place, dans le secteur de la vente au détail — vous offrez maintenant des produits biologiques et des produits réguliers — pour une section de produits sans antibiotiques? Sont-ils déjà offerts? Votre sourire m'indique que vous êtes sur le point de me dire qu'ils sont déjà offerts.

M. Wilkes : Je souris parce que vous avez prévu ma réponse sur les produits biologiques. Ce sont des choix offerts aux consommateurs.

On peut faire valoir deux points liés à la question des antibiotiques. Le premier concerne le fait que nous comptons sur Santé Canada. En effet, nous vendons seulement les produits approuvés pour la vente au Canada et jugés sécuritaires par le ministère auquel revient cette responsabilité, à savoir Santé Canada.

Permettez-moi d'utiliser l'exemple d'un produit du saumon modifié génétiquement. Ce produit a été approuvé par Santé Canada. Très peu de détaillants ont choisi de le vendre, car il n'était pas recherché par les consommateurs. Cela revient à la discussion que j'ai eue plus tôt sur la nécessité de fournir des renseignements.

Les détaillants comptent réellement sur Santé Canada pour juger si l'utilisation des antibiotiques est une pratique suffisamment sécuritaire. Le ministère a manifestement indiqué qu'elle l'était.

La capacité d'offrir des choix aux consommateurs par l'entremise des produits biologiques indique, à mon avis, qu'on a réagi dans ce domaine. On a fait la même chose pour les protéines. C'est une réponse périphérique, mais nos membres préfèrent également compter sur les produits cultivés à l'échelle locale.

Manifestement, nous sommes un pays hivernal et nous ne pouvons pas obtenir des fruits et légumes canadiens à longueur d'année, mais en général, encore une fois, je crois qu'en moyenne, dans l'industrie, environ 30 p. 100 des produits que nous achetons proviennent de fournisseurs canadiens. En saison, cette proportion grimpe à 40 ou 45 p. 100.

Nous sommes responsables de répondre à la demande des consommateurs. Nous offrons un choix, comme nous l'avons décrit, par l'entremise des produits biologiques. Nous comptons sur Santé Canada pour veiller à ce que tous les produits que nous vendons soient sécuritaires. Nous reconnaissons également que nos consommateurs s'attendent à ce que les produits cultivés localement, que ce soit de la façon que vous avez décrite ou autrement, soient offerts sur nos tablettes. C'est également une bonne chose, car nous soutenons ainsi leur communauté.

Le dernier point est périphérique, mais il est important de le soulever.

Le sénateur Ogilvie : Je ne tentais pas de faire valoir que les produits de viande provenant d'animaux dont la nourriture contenait des antibiotiques étaient non sécuritaires. Ils sont complètement sécuritaires. Ce n'est pas le problème.

Le problème, c'est le développement d'une résistance aux antibiotiques. En effet, nous nous dirigeons vers une ère post-antibiotique. Vous savez, et tous les gens présents le savent aussi, qu'il existe des bactéries résistantes aux antibiotiques dans pratiquement tous les hôpitaux du pays. Par exemple, la bactérie C. difficile est partout.

Nous approchons d'une situation dans laquelle les antibiotiques ne nous protègent plus contre les infections bactériennes lorsque nous sommes malades. Ces antibiotiques ne sont pas dans nos aliments, mais ils sont utilisés dans la production de ces aliments. De plus en plus de preuves laissent croire que l'usage massif d'antibiotiques dans la production alimentaire sur les exploitations agricoles contribue au développement d'une résistance à ces antibiotiques chez les bactéries environnantes. Cela se répercute dans la chaîne alimentaire.

Je tenais à fournir ces explications, car je ne voulais pas que vous pensiez que je doutais de la salubrité des aliments qui sont sur les tablettes. Ils sont excellents. Ce n'est pas le problème.

Je vais m'arrêter ici, car je ne crois pas que vous ayez beaucoup de contrôle sur cet enjeu. Vous traitez avec les consommateurs et vous veillez, comme vous l'avez correctement indiqué, à ce que les aliments que vous manipulez soient approuvés et sécuritaires pour les consommateurs.

Je tiens également à préciser que je ne laissais pas entendre que vous, les détaillants, êtes liés à la cause de ce problème. Je voulais tout simplement savoir si vous assumiez une part de responsabilité sociale dans cette situation.

M. Wilkes : Je vous remercie de ces éclaircissements.

Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie de votre réponse.

M. Wilkes : C'est un enjeu important. J'aimerais également souligner le bon travail effectué par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou l'ACIA. Lorsqu'il s'agit de la sécurité alimentaire dans les domaines que vous avez mentionnés, je crois que nous ne reconnaissons pas suffisamment le travail accompli par Santé Canada et l'ACIA pour répondre à ces préoccupations et tenter de demeurer à l'avant-garde des percées scientifiques. Notre monde est en évolution. Je crois qu'on peut tous convenir que nous vivons plus longtemps que jamais, mais il y a également des enjeux importants comme celui que vous avez soulevé.

Il est important de reconnaître le travail de ces agences.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. J'ai deux questions pour vous. La première est très simple, mais il faut revenir en arrière.

J'aimerais me faire une idée de la portée et de l'impact de l'industrie du commerce de détail sur l'environnement. Cela m'aiderait si vous pouviez dresser le portrait de ce que représente l'industrie à cet égard et établir une comparaison avec d'autres industries. Je sais que c'est peut-être une tâche difficile.

La semaine dernière, ou il y a deux semaines, par exemple, nous avons entendu des représentants de l'industrie du bœuf. Il est très facile de décrire l'impact de cette industrie sur l'environnement. Votre milieu est un peu plus complexe. C'est difficile de se faire une idée de ce que cela représente exactement sur le plan de la portée et des défis liés à l'environnement.

Vous avez mentionné l'entreposage et le transport.

M. Wilkes : Permettez-moi de vous décrire notre chaîne d'approvisionnement. Il faudrait que je me lève et que j'utilise un tableau. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir reconnu qu'il s'agit d'une industrie extrêmement complexe. Si vous commencez par la fin, c'est-à-dire par les magasins, vous pouvez voir à quel point les tablettes sont magnifiques tous les jours — à l'exception des périodes où certains produits particuliers posent un défi en raison des conditions de croissance dans une région qui subit des pénuries. En effet, les tablettes sont bien remplies. Les fruits et légumes sont frais, la viande est fraîche, et il manque très peu de produits. C'est le résultat final.

Je simplifie à l'extrême. Comme je l'ai mentionné, je représente cette industrie depuis 18 ans, et je peux donc facilement m'enfarger dans les fleurs du tapis. Mais des produits sont livrés au centre de distribution. Ces centres de distribution — il y en a un à Laval, et un autre au bout de la rue — sont d'énormes édifices de centaines de milliers de pieds carrés. Ils peuvent contenir 30 aires de réception pour les livraisons par camion. Ces camions arrivent aux portes de ces entrepôts ou de ces centres de distribution chaque jour.

Les produits sont déchargés des camions et dans certains cas, ils sont entreposés dans les centres de distribution, et dans d'autres cas ils sont transbordés, comme on dit, ou immédiatement déplacés de l'autre côté. Ensuite, des camions se rendent aux différents magasins. Certains camions sont chargés de façon à recevoir en dernier les produits du premier magasin où ils s'arrêteront. Les gérants de ces magasins nous envoient des commandes tous les jours. Le centre de distribution qui sert un magasin est responsable, chaque jour, dans la plupart des cas — environ deux jours maximum — d'envoyer ces camions au magasin, de les décharger et de s'assurer que les produits sont livrés.

Monsieur le président, si vous souhaitez visiter un centre de distribution ou un magasin, je suis sûr que c'est possible. L'espace d'entreposage est très réduit dans un magasin. Il ne fait même pas la taille de cette pièce. Il fait peut-être le tiers de cette pièce. Les produits qui se trouvent dans le magasin sont sur les tablettes. En effet, les produits arrivent à la porte arrière, demeurent quelques instants dans le fond du magasin et les produits réfrigérés ou surgelés sont immédiatement apportés à l'intérieur. Il s'agit réellement d'un modèle « juste à temps » dans lequel les produits sont immédiatement placés sur les étagères.

Ensuite, les consommateurs achètent ces produits. Si un produit doit retourner dans le système, cela peut se faire de deux façons. Il peut être donné à une banque alimentaire, comme nous l'avons dit plus tôt. S'il s'agit d'un produit endommagé impropre à la vente, certains fournisseurs le ramassent et l'éliminent s'il est non sécuritaire ou, encore une fois, le donnent à une banque alimentaire s'il s'agit seulement d'une boîte de conserve cabossée, par exemple.

Dans le cadre de cette explication simplifiée à l'extrême du fonctionnement du système, il existe de nombreuses occasions d'avoir une influence sur le changement climatique, par exemple par l'entremise de la gestion du parc des véhicules et des camions frigorifiques, comme nous l'avons dit. On peut aussi veiller à ce que le centre de distribution soit aussi écoénergétique que possible. De nombreuses initiatives sont en cours à cet égard. On peut également veiller, pendant l'approvisionnement des magasins, à ce que les unités frigorifiques soient gérées de façon appropriée et que les portes soient ouvertes et fermées au besoin, et on peut aussi examiner le système d'éclairage.

La complexité de l'industrie du commerce de détail offre des occasions qui ne sont pas offertes à d'autres industries. J'espère que cela vous donne une idée du système, sénatrice. Étant donné que notre secteur est multidimensionnel, cela nous fournit également une occasion unique, à mon avis — et je crois que nos membres sont d'accord —, et une responsabilité unique de faire partie de la solution.

La sénatrice Petitclerc : Vous n'avez probablement pas ce chiffre, mais j'aime les chiffres. Au Canada, par exemple, quel pourcentage de l'empreinte écologique votre secteur représente-t-il, à votre connaissance?

M. Wilkes : Je suis désolé, mais je n'ai pas ce chiffre.

La sénatrice Petitclerc : J'étais seulement curieuse.

[Français]

Le président : Avant de passer à la prochaine question de la sénatrice, permettez-moi de poser quelques questions en rafale. J'aimerais que vous transmettiez nos félicitations à vos membres, parce que vous employez beaucoup de jeunes, dès l'âge de 16 ans, comme emballeurs. J'en vois souvent dans les épiceries que je fréquente. En parlant avec ces jeunes, ils nous disent qu'ils ont un horaire flexible. Non seulement c'est bon pour leur argent de poche, mais cela les habitue à travailler dans la vie, et ce que font vos détaillants est formidable.

Au Canada, la très grande majorité des détaillants ont mis fin à l'usage des sacs de plastique. Il faut payer 5 cents si on a besoin d'un sac, mais maintenant, on utilise des sacs de coton. J'ai fait comme tout le monde, je me suis procuré des sacs de coton. Cependant, lorsque j'arrive à la maison et que je déballe mon épicerie, je me retrouve avec un tas de petits sacs: un pour les oignons, un pour les légumes, un pour les échalotes, un autre pour les tomates, pour les bananes, les fruits, les raisins. Finalement, il y a beaucoup de sacs.

Qu'est-ce que vous envisagez faire? Il y a 20 ans, c'est dans des sacs de papier qu'on mettait notre épicerie. C'était des sacs biodégradables. Donc, pourquoi ne pas retourner au papier? On retrouverait beaucoup moins de sacs dans l'océan.

Enfin, est-ce que les grandes chaînes comme Walmart ou Costco sont membres de votre association?

[Traduction]

M. Wilkes : Oui.

[Français]

Le président : Vous pouvez répondre rapidement à mes questions pour laisser du temps à ma collègue.

[Traduction]

M. Wilkes : La question des sacs de plastique ne permet pas de donner une réponse brève.

Permettez-moi d'aller directement au but. Dans la ville de Montréal, la province de Québec mène en ce moment une analyse du cycle de vie des sacs de plastique et des sacs de papier. Dans de nombreux cas, l'empreinte écologique des sacs de papier est plus importante que celle des sacs de plastique à cause de la façon dont ils sont produits.

C'est un aspect important. Vous avez raison: de nombreux choix s'offrent aux consommateurs pour transporter leurs produits alimentaires. Les sacs réutilisables figurent en tête de liste.

De plus, en ce qui a trait aux sacs de plastique utilisés pour les oignons ou d'autres produits, c'est aussi partiellement une question de salubrité et de contamination croisée, pour s'assurer que le produit ne touche pas à certaines choses. Dans certains cas, il y a des problèmes d'allergie, tandis que dans d'autres cas, il s'agit tout simplement d'assurer la propreté et la salubrité des aliments.

Il est également possible de recycler les sacs de papier, comme l'a mentionné Jason dans sa déclaration liminaire. L'une des responsabilités assumées par les détaillants est le recyclage du carton, du papier, des sacs de plastique, des produits électroniques, des meubles et des pneus — à peu près tout ce que le consommateur achète. Il est également possible, monsieur le sénateur que vous reveniez chez vous avec des sacs de plastique minces, comme nous les appelons. Il y a des raisons à cela, et on peut également les recycler.

Les détaillants prennent de nombreuses mesures d'atténuation, mais je signale que les sacs de papier ne sont pas une panacée, mais ils représentent une des options si l'on se fie à l'analyse du cycle de vie.

[Français]

Le président : Au Québec la semaine dernière, il y avait un article dans le journal au sujet de l'entrée des produits qui proviennent de l'extérieur du Canada. En particulier, on parlait de l'huile d'olive et des épices — essentielles au sénateur Mercer, qui est un grand chef. Cependant, il s'est aperçu que son huile d'olive n'avait que le nom sur la bouteille. En fait, il s'agissait d'un composé de toutes sortes de matières, mais de très peu d'huile d'olive. Il s'est aperçu que ses fines épices étaient composées à 36 p. 100 de feuilles de fraise concassées avec un petit parfum d'épice.

Or, c'est Santé Canada qui fait l'inspection de ces produits lorsqu'ils arrivent au Canada. Ce n'est pas le détaillant, il ne peut pas ouvrir le sac, ce n'est pas son travail. Comment se fait-il qu'autant de produits importés non vérifiés passent sous le nez de Santé Canada?

[Traduction]

M. McLinton : Comme vous le savez certainement, c'est une responsabilité conjointe. En fait, les importateurs — et il arrive souvent que les détaillants soient les importateurs directs de référence — ne sont pas tenus de garantir que le produit qu'ils vendent est bien étiqueté et qu'il est en fait ce à quoi le consommateur s'attend. Il faut donc tenir compte de cette responsabilité.

Du point de vue du gouvernement, il y a également une responsabilité conjointe. Santé Canada, à titre de principal organisme de réglementation, et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui relève également du portefeuille de la santé, sont responsables de l'inspection.

Je ne peux pas me prononcer sur un incident précis, mais nous avons un des meilleurs systèmes alimentaires au monde. En ce qui a trait à l'étiquetage, il s'agit de fournir au consommateur une représentation adéquate, mais il arrive parfois que ce soit également une question de santé et de salubrité. Si un ingrédient occupe plus de place que les autres, il faut absolument que ce soit bien indiqué. Comme nous l'avons déjà mentionné à quelques reprises, la salubrité des aliments est primordiale pour nos membres.

C'est une responsabilité conjointe, et je serais curieux d'en apprendre davantage à propos de ce cas précis. Les membres ont intérêt à répondre aux besoins de leurs clients. Au bout du compte, c'est une question de réputation. Ils veulent s'assurer que le produit qu'ils vendent est salubre et qu'il répond exactement aux attentes du consommateur.

[Français]

Le président : Merci. Nous allons retracer l'article en question et nous vous le transmettrons.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Excusez-moi d'être en retard. À cette période-ci de l'année, nos fonctions au Sénat et au sein des comités semblent se chevaucher. Je vais regarder vos exposés ce soir sur le site web du Sénat.

Veuillez m'excuser si quelqu'un vous a déjà posé la question, mais nous avons beaucoup entendu parler du gaspillage d'aliments qui se produit pendant le trajet, après le départ de la ferme, et de la façon dont cela contribue aux changements climatiques.

Je me demandais si vous en aviez parlé dans vos observations, si c'est un problème dans le secteur de la vente au détail.

M. Wilkes : Nous avons eu une bonne discussion sur le gaspillage alimentaire. Il a été question du soutien que nous apportons aux banques alimentaires. Les détaillants prennent également d'autres mesures.

Nos mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire tombent dans trois catégories: la prévention, la récupération et le recyclage.

Permettez-moi de me concentrer sur la prévention. Dans certains cas, vous avez des produits qui sont légèrement imparfaits, comme une pomme qui n'a peut-être pas exactement la forme que veut le consommateur, qui est un peu terne, qui a une petite marque et qui est donc considérée comme imparfaite, si vous voulez, même si rien ne porte atteinte à la salubrité générale du produit. Ce qu'on voit, c'est un nombre croissant de détaillants qui offrent des aliments imparfaits ou légèrement tachés à un prix plus abordable. Les détaillants ont pris de nombreuses mesures pour réduire le gaspillage alimentaire.

Il a également été question de travailler avec les consommateurs pour qu'ils sachent comment bien gérer leur cuisine, quelle quantité de nourriture acheter, quelles sont les bonnes techniques de cuisson, quel genre de portions ils devraient préparer; bref, comment ils peuvent faire partie de la solution. Nos membres travaillent assidûment pour fournir cette information à leurs clients.

La sénatrice Beyak : À propos de la question du président sur les sacs de plastique, j'étais en Europe il y a quelques années, et on y mettait au point une machine pour la maison dans laquelle on pouvait tout jeter pour chauffer la maison et l'alimenter en électricité — les sacs de plastique, les pelures de banane, le marc de café, absolument tout.

Savez-vous s'il y a quelque chose de nouveau dans ce domaine?

M. Wilkes : Je crois que vous parlez d'un biodigesteur. De nombreux travaux de recherche portent là-dessus. Dans certains cas, des règles municipales interdisent l'utilisation de cet appareil. C'est un autre aspect du défi, mais oui. Nous ne pouvons éliminer aucune solution, et la biodigestion en est certainement une.

C'est une possibilité sur laquelle on se penche dans le cadre des programmes de recyclage. Il existe des programmes très sophistiqués de recyclage des matières organiques et d'autres produits dont j'ai parlé. C'est de cette façon qu'on procède actuellement. La biodigestion est une chose sur laquelle nous devons nous pencher à l'avenir.

Le président : Monsieur Wilkes, monsieur McLinton, merci beaucoup de comparaître aujourd'hui. Il est très important pour nous de prendre connaissance des points de vue de votre organisme.

[Français]

Merci à vos membres de continuer leur beau travail. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir d'ici la fin de notre mandat. C'est toujours très intéressant de savoir qui nous fait manger. Les producteurs cultivent les aliments, mais ce sont vos membres qui les mettent sur les étalages. Vous jouez un rôle important au sein la société canadienne. Merci, et bon retour.

Nous accueillons maintenant de nouveaux témoins.

[Traduction]

Nous accueillons Rod Scarlett, qui est directeur général au Conseil canadien du miel, ainsi que Mme Lydia Carpenter, qui est 1re vice-présidente de la politique à l'Union nationale des fermiers et qui se joint à nous par vidéoconférence. Bienvenue.

M. Scarlett prendra la parole en premier.

Rod Scarlett, directeur général, Conseil canadien du miel : Chers membres du comité, au nom du Conseil canadien du miel, je suis heureux d'avoir l'occasion de contribuer à votre étude sur l'impact potentiel des effets des changements climatiques sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier ainsi que sur les mesures prises pour renforcer la capacité d'adaptation et les stratégies de réduction des émissions.

Le Conseil canadien du miel représente plus de 9 000 apiculteurs, qui gèrent plus de 750 000 colonies d'un bout à l'autre du Canada. Leur contribution au secteur agricole canadien dépasse les 4,5 milliards de dollars. Les apiculteurs et les agriculteurs ont une relation mutuellement avantageuse. En effet, les apiculteurs dépendent souvent des agriculteurs pour l'accès au territoire, tandis que les agriculteurs profitent d'une meilleure pollinisation des cultures, ce qui leur permet d'avoir un rendement accru. Les politiques sur les changements climatiques auront non seulement une incidence directe sur les apiculteurs, mais elles pourraient également avoir des effets secondaires selon la façon dont les propriétaires fonciers seront touchés.

La gestion de l'apiculture offre des possibilités uniques par rapport aux changements climatiques. Par exemple, en tant que culture propice à la pollinisation, la production de canola est extrêmement importante pour les abeilles domestiques au Canada, surtout dans les Prairies. Comme vous le savez probablement, le canola couvre plus de 20 millions d'acres au Canada, et selon certaines études, la présence de trois colonies d'abeilles sur chaque acre ferait croître la production d'environ 10 p. 100. On parle d'une hausse de 10 p. 100 sans ajout d'engrais et sans épandages ni ressources supplémentaires. Pour y parvenir, il faudrait faire passer le nombre actuel de 750 000 colonies au Canada à plus de 60 millions. Cela procurerait tout un avantage, mais que ferions-nous avec ces abeilles pendant les 11 mois suivants?

Les avantages d'une bonne pollinisation ne se limitent pas à l'exemple du canola. La récolte de pratiquement toutes les plantes cultivées peut être bonifiée grâce à la pollinisation intense des abeilles domestiques, sans qu'il n'y ait de répercussions importantes sur le climat. Le défi consiste à trouver la bonne combinaison d'habitats favorables aux abeilles et de pratiques agricoles intensives pour s'assurer d'avoir une incidence positive sur les changements climatiques.

Je crois qu'il est juste de dire que l'industrie apicole dans son ensemble n'a pas participé grandement aux discussions sur l'incidence des changements climatiques et des politiques mises en œuvre par le gouvernement à cet égard. Les taxes sur le carbone visant le carburant auront certainement des répercussions économiques importantes, car les apiculteurs ont tendance à parcourir de longues distances pour s'occuper de leurs ruchers. La hausse des coûts de production influe toujours sur la compétitivité, et son effet sur les propriétaires fonciers, qui doivent se demander s'il faut changer les pratiques agricoles — comme la rotation des cultures ou le type de semences cultivées —, est tout aussi préoccupant.

La culture de nouvelles plantes qui nécessitent une pollinisation serait sans aucun doute favorable au secteur apicole. En revanche, si on cultive un plus grand nombre d'acres de plantes prisées par les pollinisateurs au détriment du canola, la capacité de croissance de la production apicole en général sera extrêmement limitée.

Plus loin dans la chaîne de valeur, les politiques gouvernementales qui augmentent les coûts de production, par exemple, pour l'électricité, peuvent avoir une énorme incidence sur la compétitivité. Si les dépenses d'un emballeur de miel augmentent dans une mesure où les coûts dépassent les profits, les ventes de miel seront touchées, car le prix du miel pourrait carrément écarter le produit du marché. Avec une marchandise comme la nôtre, alors qu'il y a un nombre limité d'emballeurs, cela pourrait représenter un gros problème. Tous les ordres de gouvernement doivent faire attention de ne pas exposer les entreprises à un fardeau financier excessif — un fardeau qui finira par hanter les producteurs.

À mesure que progressent les discussions sur les changements climatiques et que le gouvernement édicte des mesures, la tarification du carbone pourrait être une question clé. À l'instar des autres producteurs agricoles, les apiculteurs se font imposer un prix et ne peuvent pas l'augmenter à la suite d'une hausse des coûts de production. Par conséquent, il incombe à tous les ordres de gouvernement de mettre en œuvre des politiques qui garantissent la compétitivité et la rentabilité.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le siège.

Le vice-président : Merci. Madame Carpenter, nous aimerions entendre votre exposé, et vous répondrez ensuite tous les deux aux questions des sénateurs.

Lydia Carpenter, 1re vice-présidente (politique), Union nationale des fermiers : Je remercie le comité d'entendre mon témoignage. Je représente l'Union nationale des fermiers, qui est le principal organisme agricole à adhésion volontaire directe du Canada. L'UNF représente des exploitants de fermes familiales de tous les secteurs agricoles à l'échelle du pays. Ses membres sont d'avis que les fermes familiales doivent être la principale source de production alimentaire au Canada.

Je suis ici aujourd'hui en tant que membre de l'UNF, mais aussi en tant qu'agricultrice. Je pratique l'agriculture avec mon époux dans le sud-ouest du Manitoba. Nous élevons surtout du bétail — des bovins, des moutons et des porcs. À 32 ans, je commence ma carrière en agriculture. J'espère être en mesure de poursuivre mes activités agricoles dans le scénario climatique à court terme, c'est-à-dire de 2021 à 2050.

Toutefois, pendant cette période, nous nous attendons à voir — et nous voyons déjà — une hausse de la température dans les Prairies canadiennes, une augmentation des précipitations hivernales et printanières, des fontes rapides suivies d'inondations, un nombre accru de jours sans gel ainsi qu'un plus grand nombre d'événements météorologiques extrêmes.

Nous vivons le climat tous les jours. L'agriculture comporte sans aucun doute des risques, mais nous estimons qu'une plus grande capacité d'adaptation est nécessaire compte tenu de la rapidité accrue des changements. Nous sommes donc d'avis que le Canada doit mettre en œuvre des mesures pour aider les agriculteurs à s'adapter aux changements climatiques, tout en atteignant les cibles de réduction des émissions. Afin de réduire les émissions et de promouvoir l'adaptation et la résilience, les agriculteurs ont besoin de travailler avec les gouvernements pour réduire au minimum les productions axées sur une utilisation intensive des combustibles fossiles; pour maximiser la capacité des plantes cultivées à travailler avec les micro-organismes du sol dans le but de convertir les émissions atmosphériques de carbone en séquestrant plutôt le carbone dans les sols; pour réduire les risques courus par les entreprises en augmentant la biodiversité à la ferme, ce qui pourrait également atténuer le risque lié au climat; et pour promouvoir le transport, le stockage et les installations de traitement ainsi que pour soutenir la production dans les marchés locaux et régionaux.

De nombreuses exploitations agricoles cherchent des solutions de gestion dans les sources ouvertes pour accroître la biodiversité dans les fermes et pour améliorer la santé des sols. On ne cherche pas nécessairement toujours des solutions technologiques qui exigent beaucoup de capitaux, bien qu'elles aient également leur place. En tant qu'agricultrice de première génération, en ce qui me concerne, je n'ai pas nécessairement de valeurs mobilières multigénérationnelles à offrir en garantie pour me permettre d'emprunter. De nombreuses autres exploitations agricoles sont dans cette situation. Nous n'avons pas nécessairement les capitaux nécessaires pour investir dans des technologies qui exigent beaucoup de capitaux ou des solutions de culture intensive. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre ce genre de risque en plus du risque que présente déjà un climat variable.

À notre ferme, nous employons des stratégies de diversification pour réduire le risque économique, et nous nous protégeons du même coup contre la variabilité du climat. Nous avons adopté des pratiques de pâturage, nous diversifions les élevages, nous louons d'autres terres plutôt que d'en acheter et de recourir à la vente directe. Dans la production de céréales, cela peut se rapprocher ou prendre la forme de rotations, de cueillettes multiples, d'une intégration des récoltes et du bétail, ainsi que d'une gestion de l'eau et de travaux à forfait à la ferme.

Au Canada, l'agriculture est pluraliste, et les solutions doivent l'être également pour s'attaquer à la question de l'atténuation des changements climatiques et de l'adaptation. La diversité inhérente aux différentes activités agricoles signifie que la question de la résilience et de l'adaptation aux changements climatiques doit être abordée au sein de plusieurs ordres de gouvernement. Au moment de nous pencher sur la capacité d'adaptation et la résilience en agriculture, nous ne pouvons pas dissocier l'agriculture et les aliments de l'agriculteur.

Aujourd'hui, nous examinons la question des changements climatiques, mais au cours des 10 prochaines années, nous verrons de nombreuses terres passer d'une génération à la suivante. Donc, au moment de nous pencher sur l'adaptation aux changements climatiques, nous devons également tenir compte des personnes qui vont gérer les terres agricoles du Canada et déterminer quelles mesures nous pouvons prendre maintenant pour encourager la prochaine génération à exercer le métier d'agriculteur de manière à contribuer à la réduction des émissions.

Je souscris à certaines des observations formulées par M. Scarlett concernant ses préoccupations à l'égard d'une taxe sur le carbone. Les agriculteurs et les producteurs de produits de base se font dicter les prix. Ils ne peuvent pas nécessairement refiler facilement la note à quelqu'un d'autre et il est possible que ce soit eux qui se retrouvent dans cette situation. Au bout du compte, les méthodes de production à faibles émissions, qui permettront aux agriculteurs d'économiser et qui amélioreront les fruits de leur gagne-pain, ainsi que la diversification et la bonne gestion des sols, qui aide à y renforcer la vie et à y accroître les stocks de carbone, permettront d'accroître la résilience des fermes.

Merci.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Mercer : Merci à vous deux d'avoir été concis dans vos exposés compte tenu du temps à notre disposition.

Monsieur Scarlett, vous avez parlé du coût du transport des abeilles d'un endroit à l'autre. Les membres du comité s'y connaissent compte tenu de l'importante étude qu'ils ont menée sur les abeilles. Je dois vous dire que cela a été un des rapports — j'allais dire « les plus populaires » — les plus lus que nous avons produits récemment.

Vous êtes agriculteur. Donc, lorsque vous déplacez vos abeilles, pouvez-vous utiliser des véhicules agricoles qui consomment de l'essence marquée contrairement à des véhicules qui fonctionnement à l'essence normale?

M. Scarlett : Certainement, oui.

Le sénateur Mercer : Vous bénéficiez d'une réduction des coûts de transport, mais sur le plan environnemental, les émissions provenant de cette essence ne diffèrent pas beaucoup des émissions provenant de l'essence que j'ai dans ma voiture.

M. Scarlett : En effet. C'est réservé aux exploitations apicoles commerciales; les apiculteurs amateurs ne peuvent pas utiliser de l'essence marquée. Je vais dire, par exemple, que les apiculteurs des Prairies — ils se rendent aux ruchers toutes les deux semaines pendant la période d'activité des abeilles — peuvent parcourir une superficie de 300 à 400 milles carrés pour s'occuper de leurs ruchers, selon l'endroit où se trouve leur exploitation apicole.

Le sénateur Mercer : Comme vous l'avez mentionné, l'Union nationale des fermiers est le principal organisme qui représente des agriculteurs d'un bout à l'autre du pays. Nous connaissons bien l'union. Certains de nos collègues, que ce soit ici ou à la Chambre des communes, ont pratiqué l'agriculture; ils ont été membres ou sont des membres actifs de l'UNF.

Vous avez dit que vous êtes une nouvelle venue en agriculture, mais je présume que certains membres de votre famille ne le sont pas. À quelle fréquence la question du gaz à effet de serre est-elle abordée à l'UNF?

Mme Carpenter : On en a discuté plus souvent dernièrement. La province du Manitoba — sous le gouvernement précédent — a donné du financement à l'Union nationale des fermiers pour faire une étude sur l'adaptation aux changements climatiques et les mesures d'atténuation. On en parle davantage, surtout de la question de la taxe sur le carbone. Il y a donc eu un rapport qui portait sur les crédits de carbone ou qui comparait le système de plafonnement et d'échange à la tarification du carbone.

Nous avons une politique sur les changements climatiques, qui porte surtout sur l'atteinte des cibles internationales que le gouvernement s'est engagé à respecter au nom des agriculteurs, ainsi qu'une politique qui porte plus précisément sur la santé des sols et la séquestration du carbone dans les sols.

C'est un sujet de discussion. L'Union nationale des fermiers comprend également un groupe de jeunes agriculteurs de 35 ans et moins, et nous nous attendons à ce qu'il soit question de cette préoccupation lorsque le moment sera venu de modifier les politiques pendant notre carrière en agriculture. C'est donc un sujet important.

Le sénateur Mercer : Il y a un autre enjeu. Nous avons discuté avec des personnes du milieu agricole de la restriction que certains détaillants de matériel agricole imposent sur l'entretien après-vente. Ainsi, un agriculteur qui veut faire l'entretien d'une marque donnée de véhicule doit faire affaire avec le concessionnaire en question, de sorte que celui-ci peut dicter le prix.

Avez-vous constaté que ce problème gagne en importance ces dernières années, étant donné que les coûts d'entretien sont désormais considérables? Aussi, se pourrait-il que des gens retardent l'entretien de leur véhicule, ce qui peut faire grimper les émissions de gaz à effet de serre étant donné qu'ils n'entretiennent pas leur matériel aussi bien qu'ils le devraient?

Mme Carpenter : En réponse à la première partie de votre question, je dirais qu'il y a bel et bien eu des discussions sur la hausse des prix et des frais. Le fait qu'il y ait peu de concessionnaires pouvant réparer l'équipement, étant donné que bon nombre des commerces locaux ont fermé leurs portes, provoque une augmentation des prix. Cela augmente également le temps d'attente des agriculteurs qui ont besoin de réparations rapides.

Je répondrais donc oui à la première partie de votre question. Quant à la deuxième partie, votre hypothèse semble raisonnable. Je n'ai aucune donnée là-dessus, mais je pense que c'est une hypothèse raisonnable. Si les agriculteurs n'ont pas accès aux pièces et aux installations dont ils ont besoin pour effectuer une réparation, ils continueront peut- être d'utiliser des véhicules dont les émissions sont plus importantes qu'elles ne le seraient à l'habitude, si la réparation avait été faite comme il se doit.

Le sénateur Woo : Madame Carpenter, je vous remercie du document d'information que vous nous avez remis. Il regorge de renseignements et présente un certain nombre d'idées et de suggestions fort intéressantes que nous devrons étudier, notamment le concept de remise sur une taxe sur le carbone sans incidence sur les recettes.

Je ne vais pas vous interroger sur cette proposition, mais je voulais plutôt parler des crédits. Je ne suis pas certain de saisir votre position à ce sujet. Il n'existe peut-être aucune position unique, mais dans le document, vous parlez des avantages et des inconvénients des projets relatifs aux crédits.

Pourriez-vous nous dire ce qu'en pensent l'Union nationale des fermiers, ou UNF, et les agriculteurs en général, ou ce que vous en pensez vous-même? Par exemple, craignez-vous que de tels projets enlèvent des terres au secteur agricole et compromettent vos efforts? D'autre part, s'agit-il d'un moyen de cohabiter avec l'agriculture et de reconnaître le mérite des agriculteurs qui s'adonnent à la séquestration du carbone?

Mme Carpenter : Je peux vous présenter le point de vue de l'UNF et ma propre expérience. Nous faisons brouter le bétail suivant des techniques de pâturage planifié, et des gens du Canada et des États-Unis ont fait la preuve que ce genre de techniques permet la séquestration du carbone dans le sol. La question est la suivante: ces agriculteurs devraient-ils être récompensés de l'avoir fait? Quelle forme devra prendre une telle récompense?

De son côté, le programme de crédits sur le carbone serait un système de plafonnement et d'échange où de tels crédits pourraient éventuellement être achetés. Pour ma part, et j'imagine que d'autres agriculteurs partagent mes préoccupations, je trouve que pour les jeunes agriculteurs, le prix des terres est exorbitant, ce qui rend le coût d'achat un peu prohibitif. Si le carbone est considéré comme une marchandise dans un tel programme de crédits, certains craignent une demande accrue de riches émetteurs à la recherche de crédits, qui achèteraient alors la terre, ce qui en gonflerait encore plus les prix. Je trouve que c'est un problème.

Dans le cas d'un système de plafonnement et d'échange de crédits, comment pourriez-vous créer un programme plus régional afin que les terres demeurent au sein de la communauté ou qu'elles soient réservées à la production alimentaire?

Dans le cas d'un régime de tarification du carbone, je vais faire écho aux inquiétudes de M. Scarlett, que nous partageons. En fait, si les agriculteurs doivent payer une taxe à une extrémité, ils pourraient devoir la payer aux deux extrémités étant donné qu'ils ne pourront pas absorber l'augmentation des coûts des intrants et du transport. Ces coûts pourraient leur être refilés étant donné qu'ils sont des preneurs de prix plutôt que des décideurs de prix.

La sénatrice Petitclerc : Ma première question s'adresse à vous deux, et je vous remercie d'être avec nous. Monsieur Scarlett, je vous invite à répondre le premier.

J'aimerais que vous me parliez de l'importance et de l'incidence des nouvelles technologies dans votre secteur. Les témoins précédents nous ont parlé d'un système de positionnement mondial pour les engrais. J'aimerais que vous me disiez dans quelle mesure cette technologie permet d'augmenter la productivité, comme nous l'espérons, mais aussi de minimiser les répercussions sur l'environnement.

Que pensez-vous de l'accès à cette technologie? Avez-vous l'impression d'avoir suffisamment de soutien, ou êtes- vous laissé à vous-même? Avez-vous besoin d'aide?

M. Scarlett: Je pense qu'il convient de dire que l'industrie apicole canadienne est très peu axée sur la technologie. C'est un travail manuel qui consiste à inspecter visuellement toutes les colonies.

Une technologie émergente permet de peser la ruche pour connaître la croissance de la colonie, mais il faut tout de même en faire une inspection visuelle pour déceler la présence de maladies et de ce genre de problèmes. Bien que la technologie puisse être avantageuse, son effet ne sera pas aussi radical dans le milieu apicole.

Du côté des mielleries, par exemple, au fur et à mesure que la technologie gagne en importance et s'améliore, comme c'est bien sûr le cas dans tout secteur automatisé, elle aura une incidence positive sur des enjeux comme le changement climatique. Par ailleurs, la technologie a un rôle à jouer, mais elle ne pourra certainement pas remplacer notre travail manuel.

Mme Carpenter : Je suis d'accord. Certains secteurs de l'industrie nécessitent une gestion intensive. Je n'ai personnellement aucune expérience ni de l'agriculture de précision, par exemple, ni des techniques de culture sans travail au sol. Nous ne les employons pas puisque nous ne produisons pas de récoltes. Ces techniques ont toutefois leur place dans la transition.

Une des choses dont il faut selon moi discuter, en ce qui concerne l'atténuation des changements climatiques et l'adaptation à cette réalité, c'est la notion de normes de gestion et de compétences élevées à faibles coûts en capital et à rendement élevé. Une des techniques d'élevage que nous employons sur notre exploitation et que d'autres utilisent aux États-Unis, en Australie, dans certains pays d'Afrique et au Canada, ce sont des systèmes de pâturage à gestion intensive.

Nous utilisons bel et bien la technologie, comme des drones, des clôtures électriques et des programmes informatiques. Un logiciel en provenance de Silicon Valley, aux États-Unis, permet aussi de cartographier la gestion du pâturage.

Il existe différentes catégories de technologies. Certaines nécessitent des investissements en capital élevés et servent à des cultures agricoles à grande échelle, alors que d'autres portent davantage sur la gestion et les compétences. C'est là que se situe la gestion du bétail; les producteurs doivent avoir accès à de la formation, des compétences, des logiciels, des drones et ce genre de choses. Je crois bel et bien que ces technologies ont leur place, et je pense qu'elles sont importantes dans différents secteurs de l'industrie. Lorsque je parle de l'industrie, je parle des différentes pratiques agricoles, en fonction de la chaîne de production.

Le président : Madame Carpenter, j'ai une dernière question.

[Français]

Est-ce qu'une taxe sur le carbone serait de nature à décourager les jeunes de la relève agricole ou, selon vous, peuvent-ils composer avec une telle mesure tout en assurant leur avenir sur les fermes agricoles?

[Traduction]

Mme Carpenter : Je crois que les agriculteurs pourraient composer avec une taxe sur le carbone. Il serait préférable d'opter pour une taxe sans incidence sur les recettes, dont les fonds seront réinvestis dans le secteur. Je ne crois pas qu'une telle taxe sur le carbone empêcherait nécessairement les jeunes de devenir agriculteurs.

Je pense qu'il y a des problèmes plus importants à régler pour permettre aux jeunes de vivre de la terre. Certains se rapportent à la succession, à l'accès au capital et à l'accès au régime foncier à long terme.

Pour revenir à ma réponse à propos des crédits sur le carbone, si nous créons un système qui augmente la valeur des terres au point où les jeunes ne peuvent plus se permettre de cultiver, ou si nous ne créons aucun programme pour les jeunes agriculteurs, ce sera alors un élément prohibitif de plus. Sinon, une taxe ne nous empêchera pas d'exploiter la terre.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Scarlett, je vous remercie infiniment de votre témoignage. Madame Carpenter, merci beaucoup.

[Français]

Nous sommes désolés, mais un vote se tient au Sénat. Par conséquent, nous devons abréger un peu nos questions. Je suis certain que nous aurons l'occasion de vous revoir au cours de notre mandat. Merci beaucoup d'avoir témoigné de Winnipeg, et ici, à Ottawa.

(La séance est levée.)

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