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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 44 - Témoignages du 19 mars 2018 (séance du matin)


VANCOUVER, le lundi 19 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 10 h 15, pour étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le sénateur Maltais, notre vice-président.

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le sénateur R. Black : Le sénateur Rob Black, de Wellington-Centre, en Ontario.

La présidente : Mesdames et messieurs, je tiens à tous vous rappeler le fait que nous utilisons des microphones. Nous devons appuyer physiquement sur le bouton nous-mêmes, il n’y a pas quelqu’un derrière nous pour le faire comme c’est le cas dans beaucoup d’autres réunions. Je veux aussi bien sûr le dire à nos invités.

Donc, aujourd’hui, le comité poursuit son étude au sujet des répercussions sur l’agriculture, ou l’impact potentiel du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. Nous sommes heureux d’être ici, à Vancouver, pour parler de la façon dont on compose avec les changements climatiques dans les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier de la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins, nous commençons par des représentants du Bureau des pratiques forestières. Mme Hannah Horn, gestionnaire, Enquêtes spéciales, et M. Andrew Campbell, Gestion du rendement et des communications.

Vous allez devoir m’expliquer exactement ce que cela signifie. Vous pourriez nous expliquer exactement de quelle façon tout cela fonctionne.

Merci à vous deux d’avoir accepté notre invitation à témoigner. Nous allons vous demander de présenter votre déclaration puis, bien sûr, nous allons tous vous poser des questions.

Pour commencer, j’ai une motion à présenter. Je propose ce qui suit :

Que, durant les réunions publiques du comité à Vancouver, en Colombie-Britannique et à Calgary, en Alberta, du 19 au 22 mars 2018, et nonobstant la motion adoptée par le comité le 11 décembre 2015, conformément à l’article 12-17 du Règlement, la présidente soit autorisée à tenir des réunions et à recevoir des témoignages et à en autoriser la publication même lorsque le quorum n’est pas respecté, si au moins deux membres du comité sont présents.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : La motion est adoptée. Nous pouvons maintenant revenir à nos témoins.

Merci, mesdames et messieurs, la parole est à vous.

Hannah Horn, gestionnaire, Enquêtes spéciales, Bureau des pratiques forestières : Bonjour, madame la présidente, monsieur le vice-président et mesdames et messieurs les sénateurs. Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui. Pour commencer, je vais laisser Andrew expliquer ce en quoi consiste la gestion du rendement et des communications.

La présidente : Merci.

Andrew Campbell, Gestion du rendement et des communications, Bureau des pratiques forestières : Je suis un étudiant de l’Université de Victoria, où j’étudie la géographie. Je fais une mineure liée aux dimensions humaines du changement climatique. Je travaille pour le service des communications au sein du bureau. En raison de ma formation scolaire, essentiellement, j’ai aidé Hannah à préparer le présent exposé. J’espère pouvoir participer durant la période de questions.

Mme Horn : Je vais vous parler aujourd’hui principalement de trois domaines. Je vais présenter le Bureau des pratiques forestières et le cadre réglementaire que nous appliquons en Colombie-Britannique et la façon dont tout cela est lié aux changements climatiques. Je vais vous parler de ce que nous avons observé au sujet des changements climatiques dans le cadre de notre travail et formuler à votre intention certaines idées sur ce qu’il est possible de faire à l’échelon fédéral en mettant l’accent sur la foresterie et les pratiques forestières.

La mission de notre bureau est de servir l’intérêt public en tant qu’organisme de surveillance indépendant des saines pratiques forestières et pastorales en Colombie-Britannique. L’aspect principal, ici, c’est que nous sommes un organisme indépendant dont le mandat est de superviser les pratiques forestières et pastorales du gouvernement et de l’industrie. Cela fait de nous une entité unique au Canada et, selon nous, dans le monde entier.

Notre objectif fondamental, c’est d’améliorer les pratiques et de promouvoir une saine gestion des valeurs forestières et pastorales au sein du public, parce que, comme vous le savez tous, une importante portion des terres en Colombie-Britannique sont publiques, 95 p. 100, et les deux tiers sont des forêts; on parle donc d’environ 60 millions d’hectares de forêt.

Notre mandat est établi dans la Forest and Range Practices Act, qui permet la supervision des forêts et des pratiques forestières, des activités forestières, sur les terres publiques de la Colombie-Britannique. En outre, nous assumons une fonction de surveillance, encore une fois, indépendante du gouvernement.

Nous n’avons aucune capacité ni aucun pouvoir pour réglementer ou faire respecter des pratiques ni même de modifier les règles. Nous ne pouvons pas arrêter des travaux ni pénaliser les parties. Nos pouvoirs sont liés à notre indépendance. Nous produisons des rapports objectifs après des enquêtes rigoureuses et nous communiquons l’information au grand public et aux ministères du gouvernement.

Nous bénéficions d’un haut niveau de confiance au sein du public. Dans le cadre de notre récent sondage auprès des intervenants de 2015, près de 80 p. 100 des répondants ont déclaré que notre travail était très ou extrêmement important. Nous faisons des choses comme mener des vérifications des pratiques industrielles, des entreprises privées et des opérations gouvernementales, et des activités d’application de la loi du gouvernement. Nous réagissons aux plaintes du public. Nous devons mener des enquêtes lorsqu’il y a des plaintes du public, et nous pouvons aussi lancer des enquêtes générales qui sont dans l’intérêt public plus général, comme des enquêtes sur les effets cumulatifs, la gestion des anciennes forêts, les habitats halieutiques et ainsi de suite.

Nous participons à des processus d’appels administratifs, remettons en question les décisions du gouvernement au nom du public en ce qui a trait aux décisions de l’application de la loi et aux sanctions imposées et nous formulons des recommandations au gouvernement, à l’industrie et aux associations professionnelles de façon à améliorer les pratiques et les résultats.

Nos pratiques sont régies par deux lois, la Wildfire Act, qui concerne la prévention des incendies de forêt découlant des activités forestières et pastorales, puis la Forest and Range Practices Act, ce que nous appelons la FRPA, et il s’agit là d’une loi fondée sur les résultats. Le gouvernement établit des objectifs en ce qui a trait aux ressources forestières, puis les entreprises forestières définissent les résultats et les stratégies permettant d’atteindre ces objectifs, et c’est là que notre rôle de surveillance entre en jeu. Notre surveillance est principalement opérationnelle. Nous ne nous occupons pas de concessions ni d’affectation des ressources forestières. Notre rôle se limite presque exclusivement à ce qui se produit sur le terrain dans le domaine forestier.

Je tiens simplement à souligner que la Forest and Range Practices Act ne contient pas de directive précise en ce moment sur les changements climatiques, et je ne suis au courant d’aucune étude visant à déterminer de quelle façon on pourrait intégrer de telles dispositions.

Par conséquent, pourquoi pouvons-nous parler de changements climatiques? Nous sommes sur le terrain tout le temps. Nous regardons. Nous sommes l’une des rares organisations qui examinent les pratiques forestières et les résultats et les répercussions sur les ressources forestières et autres. Nos employés et nos administrateurs ont des décennies d’expérience en gestion forestière et ils observent les répercussions des changements climatiques en temps réel, sur le terrain. Puisque les changements climatiques ne sont pas abordés directement dans la loi, notre bureau ne peut pas faire les vérifications à ce sujet. Cependant, nous formulons fréquemment des observations sur le lien entre les répercussions des changements climatiques et la gestion forestière dans nos rapports.

Je vais vous parler rapidement des observations que nous avons formulées dans nos rapports. Elles ne vous surprendront pas, j’en suis sûr, vu tout le travail que vous avez fait.

Les changements climatiques ont une incidence sur les ressources forestières et le bois d’œuvre, et ce, de plus d’une façon. En ce qui a trait à la santé des forêts, nous composons avec un certain nombre de problèmes liés à des insectes et des maladies. Le dendroctone du pin a endommagé à lui seul plus de 18 millions d’hectares de forêt en Colombie-Britannique, et il a fallu plus de 1 milliard de dollars de fonds provinciaux et fédéraux pour lutter contre les dommages liés à l’infestation et assurer la reforestation, la protection de la faune et la stabilité communautaire et la création d’emplois. Les espèces de plantes envahissantes sont de plus en plus présentes, et cela entraîne une modification — positive ou négative — de la composition des stocks de fourrage et la qualité de ceux-ci de façons que nous ne comprenons pas encore totalement.

Bien sûr, la modification des tendances météorologiques, des précipitations et de la température a une incidence sur les conditions de croissance sur place, ce qui signifie que, une fois les forêts exploitées, on peut parfois avoir des problèmes de régénération des forêts. Le gouvernement provincial a déployé certains efforts pour composer avec les éventuelles répercussions des changements climatiques et la modification des conditions de croissance à différents endroits et, bien sûr, la fréquence et l’intensité accrues des feux de forêt.

Je tiens à souligner que, dans la trousse que nous avons fournie au comité, il y a des notes d’allocution, et nous avons inclus dans ces notes des liens vers les rapports du bureau.

L’autre façon dont les changements climatiques influent sur les valeurs forestières, c’est en raison de l’incidence sur les valeurs non forestières. La Forest and Range Practice Act cerne 11 valeurs liées aux ressources qu’il faut gérer dans les forêts et les pâturages, et les 11 sont touchées par les changements climatiques : la qualité de l’eau, la faune, les poissons, la biodiversité, le patrimoine culturel, les loisirs et ainsi de suite. Le problème des changements climatiques, c’est qu’ils augmentent le stress sur toutes ces ressources, ce qui fait en sorte qu’elles ont une moins bonne résilience aux activités humaines subséquentes, forestières ou pastorales.

Parmi les répercussions que nous avons constatées, sur le terrain, il y a des modifications de la qualité et de l’écoulement de l’eau, la modification de l’hydrologie des bassins versants, ce qui peut avoir des répercussions sur l’approvisionnement en eau potable et les habitats halieutiques, l’augmentation des glissements de terrain, ce qui a aussi une incidence sur la qualité de l’eau, et la modification de la structure forestière, de la composition des espèces et des conditions, ce qui modifie les habitats fauniques et halieutiques. Mentionnons aussi les feux de forêt, bien sûr, qui entraînent directement la perte d’habitats forestiers et de biens connexes.

Je vais vous parler de trois exemples différents qui ont été déclarés dans nos rapports; le premier, c’est la gestion des matières combustibles près des collectivités. Comme je l’ai mentionné, nous jouons un rôle dans les vérifications et les enquêtes liées à la Wildfire Act, et nous avons réalisé deux enquêtes portant sur les efforts visant à contenir les feux de forêt en milieu périurbain, c’est-à-dire là où se rencontrent les collectivités et la forêt. Nous avons réalisé des rapports en 2010 et 2015, et, dans les deux rapports, nous avons conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de fonds pour protéger les collectivités des feux de forêt et que les activités de prévention des feux de forêt dans ces milieux périurbains sont insuffisantes, ce qui expose les collectivités à un risque. Cette réalité a été soulignée à nouveau dans un rapport de 2018 du vérificateur général de la Colombie-Britannique. Cette réalité est tout particulièrement importante puisque nous constatons une augmentation de la fréquence et de l’intensité des feux de forêt en raison des changements climatiques, et cela inclut un manque de financement lié à la gestion des matières combustibles dans les terres fédérales en milieu périurbain.

Vous savez, bien sûr, que 2017 a été la pire année pour les feux de forêt en Colombie-Britannique, avec 1,2 million d’hectares brûlés et un état d’urgence qui a duré 10 semaines. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées.

Mon deuxième exemple, c’est le traitement du dendroctone du pin et l’effet sur la circulation de l’eau. Comme je l’ai mentionné, des millions et des millions d’hectares de forêt ont été endommagés par ce parasite, puis il y a eu un réel effort pour se rendre sur place, procéder à des coupes, et protéger la forêt de ces zones aux prises avec le parasite en très peu de temps, très, très peu de temps, ce qui a entraîné des modifications rapides du paysage, puisqu’il y a eu de très grands blocs de coupe dans ces régions, et tout cela a eu une incidence sur l’hydrologie des bassins versants. J’ai parlé rapidement et de façon générale tantôt du fait que, lorsqu’on modifie la couverture forestière et le paysage rapidement, cela peut entraîner des répercussions cumulatives découlant des coupes de récupération, par exemple, des débits de pointe plus élevés dans les cours d’eau, de faibles débits plus bas, une moins bonne qualité de l’eau, la présence de sédiments — par exemple, en raison des apports sédimentaires —, la modification du drainage naturel et des structures des cours d’eau, et les répercussions connexes sur l’approvisionnement en eau potable et les habitats halieutiques.

Mon troisième et dernier exemple est lié à ce qu’on constate sur la côte de la Colombie-Britannique. On constate en effet une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements de pluie très abondante, ce qui provoque une augmentation des glissements de terrain. Dans l’une de nos études, nous nous sommes intéressés aux événements de glissement de terrain se produisant immédiatement après des pluies extrêmes sur la côte de la Colombie-Britannique. Il y avait quasiment 10 fois plus de glissements de terrain dans la zone touchée, ce qui nous a poussés à souligner le besoin de reconnaître la possibilité que ces situations se répètent lorsqu’on planifiera à l’avenir la construction de routes et les blocs de coupe. Ce ne sont là que certains exemples et, à la lumière de ceux-ci, nous avons formulé certaines idées sur la façon dont le gouvernement fédéral pourrait aider à composer avec la question du changement climatique et la foresterie.

Premièrement, il faut soutenir les gouvernements provinciaux et travailler en collaboration avec eux pour promouvoir l’adaptation aux changements climatiques, les mesures d’atténuation connexes et la résilience, parce que c’est vraiment un enjeu prédominant et majeur, et il faut miser sur la collaboration de tous les ordres de gouvernement. Deuxièmement, on a un besoin criant de fonds pour réduire l’utilisation des carburants dans les zones à risque en milieu périurbain, et cela inclut les terres fédérales. Il faut aussi poursuivre les efforts de collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux en matière d’atténuation des risques liés aux matières combustibles.

Troisièmement, il faut soutenir la recherche et la surveillance. Nos forêts changent tellement rapidement en raison des changements climatiques, et nous devons pouvoir faire un suivi de ces changements et les comprendre afin de savoir ce qu’on perd, la façon dont les changements surviennent et la meilleure façon de réagir, y compris en se préparant pour l’inattendu.

Pour terminer, nous tenons à suggérer qu’il serait peut-être utile de créer un chien de garde public des questions liées au changement climatique — je vous le dis à la lumière de notre expérience — puis d’assurer la production de rapports objectifs et indépendants des milieux politique et industriel de façon à fournir des renseignements qui encouragent le gouvernement et l’industrie à agir de façon proactive sans avoir à adopter des lois ou à prendre d’autres mesures.

C’est tout ce que j’avais à dire actuellement. Merci beaucoup de nous avoir donné l’occasion de témoigner. Vous verrez au verso du document que nous vous avons remis les coordonnées de notre site web, si jamais vous voulez aller consulter nos rapports ou nous suivre sur Twitter et Facebook.

La présidente : Merci de votre exposé complet. J’ai bien aimé. Je suis sûre que les sénateurs ont beaucoup de questions.

Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Horn, monsieur Campbell, merci beaucoup d’être ici.

Écoutez, je suis surpris d’entendre — et je suis fort heureux — le Bureau des pratiques forestières. Je pense que c’est unique à la Colombie-Britannique et je ne crois pas que l’on ait ça dans les Maritimes, au Québec ou en Ontario. Je ne suis pas au courant pour les provinces centrales. Alors je vous félicite, parce qu’habituellement lorsqu’on est juste pris avec la loi, il y a beaucoup d’avocats qui sont spécialistes pour la contourner. Alors un groupe comme vous est là pour les ramener dans le droit chemin. C’est l’encadrement des bonnes pratiques et c’est la seule façon de sauver nos forêts. Et j’en suis tout à fait ébahi de vous avoir entendus et je suis également très heureux de voir que vous êtes accompagnés d’un jeune qui s’intéresse grandement aux forêts, aux pratiques forestières, à l’écologie et à l’émission des gaz à effet de serre.

J’aimerais vous entendre un petit peu plus. Vous êtes un organisme indépendant du gouvernement. Vous ne relevez pas du gouvernement. D’où provient votre financement? Est-ce que vous avez un certain financement? Est-ce que ça provient du privé? De quel endroit cela provient-il?

[Traduction]

Mme Horn : Notre financement vient du gouvernement, mais pas d’un ministère précis. Au début des années 1990, durant la guerre dans les forêts de la Colombie-Britannique, il y a eu vraiment beaucoup de méfiance quant aux pratiques forestières. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé le Forest Practices Code. Ce code de pratique forestière était le premier texte législatif portant sur ces pratiques.

Il était très normatif, et, au fil du temps, la loi a été changée. Il y a environ 10 ans, c’est devenu la Forest and Range Practices Act, qui met davantage l’accent sur l’établissement d’objectifs gouvernementaux qu’il revient aux entreprises forestières d’essayer d’atteindre plutôt que sur une liste normative de ce que ces entreprises doivent faire. Durant ce changement, d’un texte législatif à l’autre, le gouvernement a maintenu le rôle indépendant du Bureau des pratiques forestières afin qu’il continue à assurer son rôle de surveillance, surtout en raison du fait qu’on mettait maintenant plus l’accent sur les pratiques axées sur les résultats.

Nous sommes un tribunal et nous bénéficions d’un poste distinct dans le budget du gouvernement, sans aucune surveillance ministérielle.

[Français]

Le sénateur Maltais : D’accord. Autre point, qui est particulier à la Colombie-Britannique, c’est que 95 p. 100 des terres appartiennent à la Couronne. C’est assez rare là. Je regarde les Maritimes, le Québec, l’Ontario, même l’Ouest, je ne m’y connais pas, je pense que ma collègue pourrait donner des explications là-dessus. Par exemple, comment le partage des pacages et des terres agricoles se fait-il? Il en reste 5 p. 100, si j’ai bien compris, et il y a quand même une agriculture fort prospère en Colombie-Britannique. Il y a les produits maraîchers, le vin — qui ne connaît pas le vin de la Colombie-Britannique. Maintenant que nous avons aboli les frontières provinciales au Québec, on peut déguster ce vin, tout à fait exceptionnel. Nous sommes aussi producteurs de vin et l’on vous l’envoie. Et je trouve ça bien intéressant, mais comment le partage se fait-il? Moi, si j’ai 200 ou 300 brebis, j’ai besoin d’un pacage pour mes brebis. À qui vais-je m’adresser et comment le partage de cela se fait-il?

[Traduction]

Mme Horn : Je parle précisément dans le cadre de notre rôle sur l’utilisation des pâturages sur les terres publiques. Il y a un cadre complexe de partage des terres publiques entre l’utilisation forestière et l’utilisation pastorale. Par conséquent, il y a des zones particulièrement adaptées pour les vaches en pâturage, pour les cultures fourragères, puis il y a des zones bonnes pour faire pousser des arbres. Par conséquent il y a souvent des arrangements en vertu desquels on attribuera un permis de coupe, les arbres seront coupés, puis cette zone deviendra accessible aux fins de pâturage sous occupation publique puis, lorsque les arbres poussent, le cycle recommence. Par conséquent, il y a une utilisation partagée de ces terres publiques.

Ai-je répondu à votre question?

[Français]

Le sénateur Maltais : Oui, très bien. Je vais continuer une dernière fois, madame la présidente, je vous le jure.

Je vais m’adresser à M. Campbell. On sait que l’an dernier vous avez été durement frappé par de grands incendies forestiers. Mme Horne en a parlé abondamment dans son mémoire que ça va affecter les sols, les ruisseaux et même les rivières. J’ai un vœu extraordinaire : protégez les rivières à saumons. Je suis un grand amateur de pêche au saumon et je ne voudrais pas que les rivières de la Colombie-Britannique ne soient plus bonnes pour la pêche au saumon.

Comment la reconstruction d’une forêt se fait-elle? C’est quand même un demi-million d’hectares de forêt brûlée. Il y a du bois qui est récupérable. Il y en a qui n’est pas récupérable. Comment allez-vous recomposer cette forêt-là, qui va garder, somme toute, la terre productrice pour l’avenir. Parce que vos arbres ne sont pas hauts de même, là, ils sont immenses. Ils sont en moyenne quatre fois la grandeur de ceux du Québec. Alors comment allez-vous vous y prendre pour remettre de l’ordre après cette catastrophe? Monsieur Campbell, je vous écoute.

[Traduction]

M. Campbell : Eh bien, je dirais que c’est un enjeu très important actuellement, et, comme vous l’avez dit, tout ça relève des pratiques sylvicoles. Par conséquent, il s’agit de régénérer des peuplements après la récolte. Je crois que, si une entreprise possède un permis dans une zone et qu’il y a un feu de forêt, elle a le droit de récolter le bois qu’elle peut. De plus, c’est dans son intérêt de replanter des arbres et de prendre des mesures comme le débroussaillage, qui consiste à éliminer les autres espèces végétales pouvant faire concurrence aux arbres. Cela exige beaucoup de soins et la surveillance continue des blocs de coupe.

C’est tout particulièrement important dans le contexte des changements climatiques, en raison des possibles crédits de carbone. À mesure que les changements climatiques et le carbone deviendront une composante plus importante de notre économie, ces pratiques sylvicoles, le fait de faire repousser les arbres, seront plus encouragées, parce qu’il y aura un prix lié au carbone. Vu la perte, de capacités de stockage du carbone, liée à ces arbres réduits en cendres, les entreprises forestières seront plus incitées à en faire davantage pour assurer la repousse dans ces zones. Selon la façon dont la situation évoluera, je crois qu’on déploiera beaucoup plus d’efforts pour assurer la régénération dans les zones brûlées.

Ai-je répondu à votre question?

Mme Horn : Puis-je ajouter quelque chose?

Le sénateur Maltais : Oui.

Mme Horn : Il y a beaucoup, beaucoup de ressources forestières, même dans les zones brûlées. Ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique fait actuellement, c’est qu’il tient beaucoup de discussions sur la façon dont nous traitons ces zones une fois qu’elles ont été brûlées, parce qu’on ne veut pas nécessairement tout retirer le bois. Il y a une valeur écologique liée au fait de ne pas toucher à certaines zones. Il faut planifier pour l’avenir, s’assurer de réduire les risques de feu de forêt à l’avenir. On discute donc beaucoup de la planification et du besoin de s’assurer de procéder consciencieusement et d’essayer de façon proactive de faire ce qu’il y a de mieux pour la forêt à l’avenir.

La sénatrice Gagné : Merci de votre exposé. C’était très instructif. J’ai bien aimé. Le Bureau des pratiques forestières est une entité unique à la Colombie-Britannique.

Vous avez mentionné dans vos recommandations qu’on devrait peut-être créer un chien de garde public des changements climatiques. Je me demande si ce rôle serait différent de celui de la Commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand. Est-ce que ce serait différent ou similaire? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Horn : Je serai heureuse de le faire. Oui, nous savons très bien, bien sûr, que la commissaire à l’environnement et au développement durable a fait beaucoup de travail sur les changements climatiques.

L’idée que nous proposons, ce serait un organisme, tout à fait, indépendant qui travaille sans aucun lien de dépendance avec les ordres de gouvernement. Nous n’avons pas réfléchi longuement à la forme que cela pourrait prendre, mais, bien sûr, nous voulons reconnaître le travail qu’a fait la commissaire dans ce domaine.

La sénatrice Gagné : Diriez-vous que votre organisation est un chien de garde pour la Colombie-Britannique?

Mme Horn : Ce n’est pas vraiment de cette façon que nous sommes définis dans la loi. Par exemple, il y a un certain nombre de personnes en Colombie-Britannique qui aimeraient que nous soyons non pas le Bureau des pratiques forestières, mais plutôt le Bureau des ressources naturelles de la province et que nous nous intéressions non seulement à la foresterie, mais aussi au secteur minier et à d’autres domaines. Ce n’est pas le cas dans la situation actuelle. Notre structure serait propice à ce que nous soyons un chien de garde des changements climatiques, mais, actuellement, il n’y a aucune discussion à ce sujet.

La sénatrice Gagné : Vous avez mentionné dans votre déclaration qu’il faut probablement s’attendre à une augmentation des différents types d’insectes et de maladies qui ont une incidence sur la santé des forêts et la qualité des cultures fourragères. Êtes-vous au courant de recherches à ce sujet, parce qu’il y a probablement beaucoup de maladies qui viendront d’autres secteurs, probablement du Sud et du Nord, non?

Mme Horn : Oui, il se passe beaucoup de choses.

La sénatrice Gagné : Que fait-on actuellement quant à la réalisation de recherches sur la probabilité que d’autres maladies surviennent et la façon dont on peut l’empêcher?

Mme Horn : Je ne peux pas formuler des commentaires à ce sujet moi-même. Andrew le sait peut-être.

Je sais que beaucoup de recherches sont réalisées. J’ai étudié à l’Université de l’Alberta en 2010. Je sais qu’il y a des travaux très intéressants qui sont réalisés là-bas, et, bien sûr, c’est tellement important.

Andrew, êtes-vous au fait de recherches actuellement réalisées?

M. Campbell : Il n’y a rien qui me vient à l’esprit précisément, mais je sais que l’Université de la Colombie-Britannique compte un très important département de foresterie. Je suis sûr que vous allez rencontrer beaucoup de ces universitaires et qu’ils pourront vous en parler beaucoup mieux que moi.

La sénatrice Gagné : Selon vous, quel sera le plus grand changement dans l’industrie forestière canadienne au cours des 10 prochaines années?

Mme Horn : C’est une grande question. Dans le contexte de ce dont nous parlons ici, les changements climatiques ont une incidence tellement forte sur tout, de façons, que nous pouvons prévoir, et de façons, que nous ne pouvons pas prévoir, qu’ils auront très probablement une incidence majeure sur la manière dont nous faisons les choses. Pour ce qui est de savoir ce à quoi on peut s’attendre, je ne peux pas vraiment formuler de commentaires à ce sujet. Une bonne partie de notre public, en Colombie-Britannique, participe au domaine forestier et, bien sûr, les changements climatiques auront une incidence importante sur ce que nous faisons au niveau provincial. Par conséquent, je dirais que, pour notre part — et il y en beaucoup d’autres qui le font aussi — nous réfléchissons à ce à quoi on peut s’attendre, et nous tentons de le prévoir.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup de votre exposé.

Au début de votre exposé, vous avez décrit votre organisme comme un tribunal sans pouvoirs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous préciser de quelle façon les membres réagissent à cette situation? Vous avez des membres?

Mme Horn : Non, nous sommes comptables au grand public.

Le sénateur R. Black : Si vous êtes un tribunal sans pouvoirs, que faites-vous pour vous assurer que les gens passent à l’action?

Mme Horn : Notre réputation est primordiale. Nous sommes une organisation qui enquête de façon vraiment rigoureuse, mais équitable, et on nous fait confiance. Un aspect clé, c’est que nous réalisons des vérifications et des enquêtes liées au gouvernement et à l’industrie. Nous ne ciblons pas une personne ou une organisation précise. Ce qui nous intéresse, ce sont de saines pratiques forestières sur les terres publiques, et c’est là-dessus qu’on se concentre. Je crois que cela nous donne de la crédibilité, et, par conséquent, selon l’expérience que nous en avons, les gens réagissent bien à nos recommandations. Nous ne formulons pas simplement des recommandations sans avoir bien réfléchi aux répercussions pour les entités ciblées. Les gens réagissent habituellement bien à nos recommandations et ils y donnent suite. Encore une fois, c’est parce que les gens ont confiance en ce que nous disons et parce que ça se retrouve dans le domaine public.

Le sénateur R. Black : De quelle façon avez-vous obtenu ce haut niveau de confiance?

Mme Horn : De quelle façon l’avons-nous obtenu? Tout ce que nous faisons est transparent. Nous publions toutes nos constatations et, comme je l’ai mentionné tantôt, tout ce que nous faisons est fondé sur les principes d’enquête et de rapports justes et équilibrés, et je crois que c’est peut-être aussi en raison de notre structure. Notre bureau est composé de personnes ayant un très large éventail d’intérêts dans toutes sortes de domaines. Nous comptons aussi sur des gens très spécialisés, qui ont beaucoup de compétence et d’expérience dans le domaine de la gestion forestière, mais aussi dans des domaines comme l’environnement, la conservation, les Premières Nations, le milieu universitaire et le secteur des loisirs. Nous comptons sur une personne responsable des loisirs actuellement, et nos employés ont des décennies et des décennies d’expérience professionnelle. Je crois que tout ça rehausse notre crédibilité aussi.

La présidente : J’ai quelques questions.

Dans son coffre à outils, le gouvernement fédéral a essentiellement deux types d’outils : l’un d’eux sont les instruments économiques.

Quant aux recommandations précises que vous nous avez formulées, je dirais qu’elles concernent davantage les instruments économiques, s’il fallait les classer en deux catégories. L’autre type d’outil, ou l’autre catégorie, c’est la réglementation. J’imagine que vous n’avez pas parlé du tout de réglementation parce que, bien sûr, les forêts relèvent de la compétence provinciale, sauf dans le cas des parcs nationaux ou de certaines autres terres fédérales.

Mme Horn : Oui.

La présidente : Ce n’est pas un oubli, c’était volontaire.

Mme Horn : Nous avons vraiment les deux pieds dans la compétence provinciale, oui.

La présidente : Et, dans cette compétence provinciale, j’ai remarqué que votre responsabilité est liée principalement aux terres publiques.

Mme Horn : Uniquement les terres publiques, oui.

La présidente : Dans d’autres régions du Canada, comme l’a déjà souligné le sénateur Maltais, il y a des boisés privés, surtout d’où je viens, dans les Maritimes; c’est là une composante importante de l’industrie forestière. Y a-t-il un équivalent provincial des terres privées en Colombie-Britannique?

Mme Horn : Je crois que vous recevrez deux témoins qui font partie du même groupe, ce matin, le Private Managed Forest Land Council et la Federation of Woodlot Associations.

La présidente : Oui.

Mme Horn : Ce sont eux qui s’occupent davantage de la composante privée des pratiques forestières.

La présidente : Je leur poserai la même question lorsqu’ils seront là. Essentiellement, même si ces organisations ont leur rôle à jouer, ce n’est pas exactement la même chose que ce que vous faites pour les terres publiques?

Mme Horn : La Private Managed Forest Land Act et son règlement portent sur des enjeux très similaires liés à la gestion des ressources découlant des activités forestières. C’est donc similaire. Elle s’occupe de terres différentes, alors ce n’est pas le même contexte.

La présidente : Je suis sûre que nous découvrirons de quelle façon elle travaille lorsqu’elle sera là.

J’ai trouvé intéressant ce que vous avez dit sur les menaces qui pèseront sur les valeurs liées aux bois d’œuvre et aux pâturages en raison des changements climatiques et, bien sûr, l’une des menaces, ce sont les espèces envahissantes, qui modifient la composition des pâturages et ont une incidence sur la qualité fourragère de diverses façons. J’imagine que, à plus d’un titre, ces changements seront peut-être négatifs, mais y a-t-il aussi des choses positives qui ressortiront, selon vous, de cette transition?

Mme Horn : Dans le matériel que je vous ai présenté, j’ai fait attention de dire que nous pourrions être touchés de différentes façons, parce qu’il peut y avoir des plantes rustiques, des plantes fourragères rustiques qui reviennent, et qui, en fait, contribuent au stock de fourrage, mais il y a assurément de très, très nombreuses espèces pouvant avoir une incidence négative sur le stock de fourrage.

La présidente : Pouvez-vous me donner un exemple d’une espèce envahissante qui a peut-être fait le plus de mal?

Mme Horn : Je ne suis pas spécialiste des pâturages. J’ai réalisé une enquête sur les terres pastorales et j’ai été témoin de changements, mais je ne suis pas la mieux placée pour en parler.

La présidente : Nous allons donc aussi poser cette question à quelqu’un d’autre. C’est le problème lorsqu’on passe en premier, n’est-ce pas?

Nous allons maintenant commencer une deuxième série. Le sénateur Maltais a une question.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’en ai même deux.

Lorsqu’on subit un feu de forêt comme vous avez subi, il y a une repousse naturelle qui se fait, pas nécessairement de la même essence. Ça peut être des essences étrangères ou des essences qui avaient été étouffées par la grandeur des arbres. Comment reboise-t-on sans détruire ces plantes-là qui ont un rôle à jouer sur la renaissance du sol? Je pense par exemple aux petits arbres fruitiers qui vont pousser cette année et ainsi de suite, qui vont mourir avec le temps lorsque les arbres vont grandir. Comment reboise-t-on tout ça sans détruire ce qui est nécessaire à former un nouvel humus du terrain?

[Traduction]

Mme Horn : Il y a toute une science liée à la sylviculture et à la façon de replanter les arbres en Colombie-Britannique, et tout ça est lié aux décisions qu’il faut prendre sur la composition future des terres, selon qu’on veut les consacrer au pâturage du bétail ou à la production de bois d’œuvre économiquement viable ou encore à d’autres fins, comme laisser tout ça pousser pour créer des habitats, par exemple. Nous avons un territoire très diversifié, ici. Vous allez sans aucun doute recevoir des universitaires qui vous diront que nous comptons sur une immense biodiversité, et c’est la raison pour laquelle la science de la sylviculture est si complexe. Chaque région a ses propres conditions, sa propre composition en espèces arborescentes son propre sous-bois forestier. Ce qui prime, c’est d’établir des objectifs, de savoir ce qu’on veut produire au bout du compte, à l’avenir, et de savoir de quelle façon y parvenir à court terme.

[Français]

Le sénateur Maltais : D’accord. Dernière question, madame la présidente. Vous avez parlé — et c’est la première fois que je l’entends — d’un ombudsman forestier. Et je pense que c’est là une excellente idée. On a toutes les sortes d’ombudsmans, mais un ombudsman forestier, c’est la première fois que je l’entends. Quel rôle aimeriez-vous qu’il ait, une fois nommé, une fois en place? Comment allez-vous définir son rôle pour vous assurer que la forêt est bien exploitée, qu’elle est bien reboisée? Et est-ce que cette personne-là aura des pouvoirs quasi judiciaires? Est-ce que cette personne-là aura seulement des pouvoirs de recommandations? Comment voyez-vous son rôle?

[Traduction]

Mme Horn : Il faut faire attention, ici. Nous ne recommandons pas la création d’un ombudsman des forêts; nous disons plutôt que nous jouons un rôle similaire à celui d’un ombudsman pour les forêts et que les membres du public peuvent se tourner vers nous s’ils ont des plaintes à formuler. C’est l’aspect de notre rôle qui est similaire à celui d’un ombudsman. Nous jouons aussi un rôle un peu similaire à celui d’un vérificateur général, parce que nous réalisons des vérifications et nous produisons des rapports publics. Nous sommes donc une entité un peu hybride. C’est ainsi que nous nous décrivons. Nous sommes un peu à la fois ombudsman et procureur général des forêts.

[Français]

Le sénateur Maltais : Et comment êtes-vous accueillie par exemple par l’entreprise privée qui exploite des terres forestières? Est-ce avec le sourire?

[Traduction]

Mme Horn : Non, ils ne sourient pas. Il y a toujours des tensions là-bas, bien sûr. Nous sommes un chien de garde. De façon générale, nous constatons que les gens coopèrent très bien, mais, bien sûr, comme vous le savez, si Revenu Canada vient cogner à votre porte et dit : « Je veux réaliser une vérification », personne n’aime ça. Nous avons donc une bonne relation avec les entreprises forestières, mais il y a toujours un peu de tension.

La présidente : Vous avez répondu à toutes nos questions, dans votre déclaration ou en répondant aux questions qui vous ont été posées. Je tiens à vous remercier tous les deux de votre comparution, aujourd’hui. Nous vous remercions beaucoup.

Nous avons maintenant quatre invités. Nous accueillons M. Stan Vander Waal, président, et Reg Ens, directeur général, du Conseil agricole de la Colombie-Britannique. Nous accueillons aussi M. Pinder Dhaliwal, président, et M. Glen Lucas, directeur général de l’Association des fruiticulteurs de la Colombie-Britannique.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Nous allons vous demander de présenter vos déclarations en premier, puis nous passerons aux questions. La parole est à vous.

Stan Vander Waal, président, Conseil agricole de la Colombie-Britannique : Madame la présidente et membres du comité, merci de nous donner l’occasion de comparaître devant vous pour présenter les points de vue du Conseil agricole de la Colombie-Britannique, le CACB, sur l’adaptabilité et la résilience des producteurs agricoles relativement aux changements climatiques.

Le CACB est l’organisation agricole cadre de la Colombie-Britannique. Nous sommes un conseil de groupes de producteurs et, par l’intermédiaire de nos membres, dont le nombre augmente, nous représentons la majeure partie des familles d’agriculteurs de la Colombie-Britannique qui, quant à eux, produisent 96 p. 100 des recettes à la ferme en Colombie-Britannique. Notre conseil d’administration compte une représentation régionale et est composé d’agriculteurs et d’éleveurs de la Colombie-Britannique qui travaillent en collaboration pour assurer la durabilité économique, sociale et environnementale du secteur agricole de la Colombie-Britannique.

Je suis accompagné de Reg Ens, directeur général du conseil. Nous sommes heureux de comparaître.

Je suis un des nombreux agriculteurs de la Colombie-Britannique, et j’exploite une ferme, un endroit que j’appelle mon chez-moi. Avec mon épouse et mes enfants, nous produisons des fleurs — j’aime dire que c’est de la nourriture pour le mieux-être personnel — à Chilliwack, en Colombie-Britannique, et dans le Sud de l’Alberta et à Lethbridge. En tant qu’agriculteurs actifs, nous estimons être des innovateurs qui investissent afin d’améliorer constamment ce que nous faisons, pour assurer la durabilité à long terme, du point de vue tant du climat que de l’environnement, l’environnement, justement, que nous espérons pouvoir continuer d’exploiter pour les générations à venir.

J’aimerais vous dire certaines des choses que nous faisons, personnellement, en tant qu’entreprise pour nous adapter au climat d’aujourd’hui et aux besoins environnementaux. Nous sommes un exemple parmi tant d’autres agriculteurs et éleveurs en Colombie-Britannique. Parmi les faits marquants, mentionnons la circulation et la recirculation de l’eau dans nos serres, ce qui permet de réduire notre consommation d’eau dans une proportion pouvant atteindre 50 p. 100. Plutôt que de rejeter l’eau dans l’environnement, nous la réutilisons. On réduit ainsi la consommation d’engrais de 35 p. 100. Nous utilisons aussi une chaudière à bois ou un système de chauffage au biocarburant pour brûler les déchets ligneux afin de chauffer nos serres. Il s’agit de déchets ligneux que les gens appellent « pelures », qui proviennent de la production de poteaux de clôture pour les fermes. Ces déchets ligneux sont utilisés pour chauffer les serres. On a ainsi pu réduire de façon importante notre empreinte carbonique.

Un autre projet que nous avons réalisé concerne l’éclairage à DEL dans les serres. Comme vous le savez, beaucoup de serres utilisent un éclairage pour augmenter les niveaux lumineux surtout durant les périodes de l’année où il y a moins de lumière, la période dont nous venons de sortir, et nous avons ainsi pu réduire notre consommation d’énergie du tiers.

Nous réalisons aussi un programme de recyclage complet, et, bien sûr, le recyclage mise sur les trois R : réduction, réutilisation et recyclage. Pour ce qui est de la réduction, essentiellement, nous réutilisons les mêmes pots que ceux que nous utilisions dans le passé. Si certains produits ne se rendent pas dans les marchés, on réutilise les pots. La composante de recyclage consiste à séparer les différents plastiques afin de pouvoir en fait les réutiliser et, au bout du compte, les retourner aux fabricants de plastique, qui réutilisent ces matériaux dans le cadre de leur programme de recyclage.

Vous vous demandez peut-être quel est le coût comparativement aux avantages de toutes ces merveilleuses initiatives? Regardons donc les quatre initiatives dont je viens de vous parler.

Certains des défis liés à la circulation de l’eau, c’est-à-dire lorsqu’on recycle, en fait, l’eau, c’est que l’eau qu’on ramène dans le système — en d’autres mots, la même eau que celle avec laquelle on a déjà arrosé les plantes — n’est plus exactement la même, et il y a des effets secondaires. Il peut s’agir d’agents pathogènes présents dans les sols. Il pourrait s’agir d’un différent niveau d’engrais comparativement à ce qui a été utilisé initialement pour nourrir les plantes. Il faut s’adapter à tout ça. Ce sont là certains des défis liés à la recirculation de l’eau.

Lorsque nous sommes passés au biocarburant pour notre système de chaudière à bois, nous avons constaté que, en utilisant les déchets ligneux comme source de chauffage, nous devons composer avec une source de carburant plus variable. Et ce que je veux dire par « variable », c’est que le gaz naturel arrive toujours à la même pression, il possède toujours le même pouvoir calorifique, tandis que, lorsqu’on utilise le bois, il y a toujours des variations. En outre, la taille des particules utilisées peut changer, être plus grande ou plus petite, tout ça peut produire plus ou moins de chaleur, ce qui influe sur la façon dont on réalise les activités. Ensuite, il faut composer avec les émissions produites par les systèmes de chaudières, ce qui exige l’épuration des particules. Tout ça peut être très dispendieux.

L’éclairage à DEL est une nouveauté dans le domaine de la culture. Ce type d’éclairage existe depuis probablement cinq ou six ans. Beaucoup de cultivateurs y réfléchissent, et un aspect important de la question, ce sont les coûts, mais certains des principaux changements sont liés à la façon dont fonctionne le système d’éclairage. On peut utiliser trois couleurs différentes pour éclairer une serre, le blanc, le rouge et le bleu, et on peut modifier les spectres. On peut obtenir des résultats très intéressants. Prenons le cas très simple de la laitue rouge. Si on utilise du bleu et du rouge, on peut rendre la laitue encore plus rouge. On peut obtenir des résultats intéressants et constater des choses surprenantes lorsqu’on utilise un éclairage à DEL.

Il y a toujours un défi lorsqu’on recycle, lorsqu’on automatise les processus et qu’on tente de maintenir des niveaux de production élevés. Il peut être difficile de maintenir le rythme lorsqu’on utilise quelque chose qui a déjà servi, parce qu’il peut y avoir des saletés, et le processus automatisé ne fonctionne pas toujours aussi bien. Ce sont certains des défis rencontrés.

De plus, les exigences en matière d’investissement peuvent être majeures. Lorsqu’on pense à certaines choses comme le recyclage de l’eau et la prévention de l’écoulement de lixiviat dans les couches aquifères, on constate qu’il est très dispendieux de contenir l’eau. C’est là que beaucoup de cultivateurs auront de la difficulté, parce qu’il faut apporter d’importants changements aux systèmes, et qu’il faut beaucoup d’argent pour y arriver.

Regardons maintenant l’incidence des changements climatiques et environnementaux pour les agriculteurs et les éleveurs de la Colombie-Britannique. Premièrement, nous allons parler de l’agriculture et du climat.

Le besoin de composer avec un climat en constante évolution est au cœur de ce que font les agriculteurs, et c’est quelque chose que nous faisons depuis les débuts de l’agriculture. Ce qui a changé, c’est la complexité de l’agriculture et la vitesse à laquelle les changements se produisent. Naturellement, les agriculteurs s’adaptent. Nous adoptons depuis longtemps des innovations grâce à la technologie, à l’éducation et au recours à de meilleures pratiques de gestion de façon à améliorer la durabilité environnementale, économique et sociale.

Ce n’est pas d’hier que les agriculteurs canadiens s’améliorent constamment. Ils comptent aussi depuis longtemps parmi les producteurs de denrées agroalimentaires les plus axés sur la durabilité du monde. Cependant, nous œuvrons dans un marché mondial où, trop souvent encore, c’est le prix le plus bas qui fait loi. La meilleure façon, la façon la plus importante pour le gouvernement d’encourager le changement et d’aider les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques, c’est de s’assurer que les politiques et la réglementation en place soutiennent un secteur agricole sain, dynamique et rentable.

Deuxièmement, qu’avons-nous fait en Colombie-Britannique pour aider les agriculteurs? La Colombie-Britannique est le chef de file au pays relativement à certaines activités liées aux changements climatiques. Le secteur agricole de la Colombie-Britannique est aussi le chef de file au pays. En 2008, on a mis au point la BC Agriculture and Food Climate Action Initiative, la BCAC, grâce à du financement fourni par Agriculture et Agroalimentaire Canada et le ministère de l’Agriculture de la Colombie-Britannique, pour soutenir une approche proactive et panagricole en matière de gestion des enjeux liés aux changements climatiques auxquels sont confrontés les agriculteurs.

De 2008 à 2012, l’initiative a permis l’élaboration et la réalisation d’un certain nombre de projets liés à l’atténuation des répercussions liées au changement climatique et à l’adaptation. En 2010, la Colombie-Britannique a produit son plan d’action lié aux changements climatiques dans le secteur agricole, suivi d’une série de six rapports résumant les répercussions climatiques des principales cultures dans les cinq régions de la Colombie-Britannique.

Depuis 2013, l’initiative permet de fournir des directives stratégiques et des services de gestion de programme dans le cadre des programmes d’adaptation aux changements climatiques du ministère de l’Agriculture de la Colombie-Britannique. Sur la dernière page du dépliant que nous vous avons distribué, vous pouvez voir une liste des projets récents. Selon nous, il y a plusieurs raisons pour lesquelles notre travail donne des résultats. Les projets ont été lancés et défendus par des agriculteurs, des personnes passionnées par l’environnement qui font partie du milieu. Nous mettons l’accent sur les enjeux pratiques auxquels on peut s’attaquer dès aujourd’hui. Il y a encore beaucoup de choses au sujet des changements climatiques que nous ne savons pas. Dans le cadre de notre travail, nous avons tenté d’apporter des changements à la lumière de ce que nous savons et tout en sachant que les choses changeront. Il s’agit d’une approche d’équipe qui mise sur la collaboration. Les évaluations et les projets régionaux misaient sur la participation des agriculteurs, des gouvernements régionaux et de spécialistes techniques.

L’autre raison pour laquelle les travaux réalisés en Colombie-Britannique sont couronnés de succès, c’est le leadership et le soutien d’une petite équipe provinciale de gestion de projet. L’organisation des groupes locaux, le fait de s’assurer que les gens participent aux réunions, la prestation d’un soutien technique, la réduction au minimum des dédoublements d’efforts, tout ça prend du temps que les bénévoles n’ont pas. Cette équipe de coordination joue aussi le rôle de carrefour de communication. Sans cette coordination centralisée, qui est actuellement financée par les deux principaux gouvernements, tout ce travail ne pourrait pas se faire.

Troisièmement, quels sont les enjeux cruciaux en ce moment? Trois choses me viennent à l’esprit : l’eau, les événements météorologiques extrêmes et les espèces envahissantes. En ce qui a trait à l’eau, durant une récente conférence à Ottawa, un chercheur des États-Unis a déclaré que l’eau est une répercussion visible des conditions météorologiques variables et des changements climatiques. Pour les agriculteurs et les éleveurs, après l’accès aux terres, la ressource la plus cruciale, c’est l’accès à un approvisionnement d’eau propre, abordable et fiable. Vu les tendances météorologiques changeantes, l’élimination de l’excédent d’eau et l’accès à un approvisionnement en eau sont cruciaux. En Colombie-Britannique, nous constatons que la fonte des neiges est plus rapide. Cela entraîne de bas débits vers la fin de l’été, lorsque l’eau est nécessaire pour les poissons et à des fins d’irrigation. La construction de capacités de stockage d’eau en hautes terres est une façon pratique de répondre à ces deux besoins.

Certains des événements météorologiques extrêmes… Vous avez tous vu des images des feux de forêt catastrophiques de l’année dernière dans les communautés d’éleveurs de la Colombie-Britannique. Cependant, quelques semaines avant ces feux, des agriculteurs dans certaines des mêmes régions devaient composer avec des inondations. Malheureusement, ces événements météorologiques extrêmes qui se produisaient peut-être aux 200 ans se produisent maintenant aux 100 ans, et peut-être aux 50 ans. Ils continuent d’être plus courants.

En ce qui concerne ce qu’on peut faire relativement aux événements météorologiques extrêmes, je peux donner en exemple un projet dirigé par la BC Cattlemen’s Association et la Climate Action Initiative visant à mettre au point un outil de planification et de préparation aux feux de forêt. L’outil est actuellement utilisé dans le cadre d’ateliers un peu partout dans la province. L’outil permet de réduire les pertes à l’avenir.

Passons aux espèces envahissantes. Comme c’est le cas des conditions météorologiques, les agriculteurs ont toujours dû lutter contre les ravageurs, mais les conditions climatiques qui changent rapidement, créent de nouvelles menaces de nouveaux ravageurs, de nouvelles maladies et plantes envahissantes en Colombie-Britannique. Ces envahisseurs ont une incidence non seulement sur l’agriculture et l’élevage, mais, dans de nombreuses situations, ils constituent aussi une menace pour les espèces autochtones. Il est essentiel de prévenir leur introduction et leur propagation lorsqu’il est possible de le faire. Les agriculteurs et les éleveurs ont besoin que des recherches soient réalisées par des organisations comme Agroalimentaire Canada et les universités afin d’apprendre à gérer les répercussions de ces nouveaux parasites.

Dans les trois situations — l’eau, les conditions météorologiques extrêmes et les ravageurs, des mesures peuvent être prises au niveau des fermes ou des élevages, mais il y a beaucoup d’occasions et de solutions qui exigent une approche régionale plus globale, par exemple, dans le cas de l’eau, des infrastructures et des recherches sur les parasites.

Quatrièmement, j’aimerais vous parler de la tarification du carbone. Je veux formuler un bref commentaire sur la tarification du carbone à la lumière de mon expérience en tant qu’agriculteur et exploitant de serre. L’ajout d’un coût pour le carbone peut être un outil qui aidera à gérer les changements climatiques, mais il faut tenir compte des conséquences imprévues. Lorsque la Colombie-Britannique a mis en place sa taxe sur le carbone, beaucoup d’exploitants de serres avaient déjà commencé à utiliser des biocarburants lorsque cela était possible. Ils utilisaient ce qui était considéré à l’époque comme étant les toutes dernières technologies et les meilleures pratiques de gestion. Cependant, ils n’ont reçu aucun crédit pour ce travail.

Je dois payer une taxe sur le carbone lorsque je fais pousser des cultures dans mes serres à 60 milles à l’est de Vancouver. Un cultivateur à 60 milles au sud de Vancouver, c’est-à-dire, en d’autres mots, aux États-Unis, qui travaille dans les mêmes conditions que moi, mais qui est visé par un régime fiscal beaucoup moins gourmand, ne paye pas de taxe sur le carbone. En quoi aide-t-on l’environnement ou l’économie canadienne? Nous pouvons être des chefs de file, mais il faut s’assurer que les règles du jeu sont équitables pour tous.

Quand la taxe sur le carbone a été adoptée en Colombie-Britannique, un certain nombre d’agriculteurs ont envisagé de vendre des compensations pour les émissions ou des crédits de carbone, mais, en raison des niveaux requis et du coût de vérification, la participation n’était pas économiquement viable pour la plupart des exploitations agricoles familiales. Les programmes, visant à encourager la prise de mesures d’atténuation liées au climat, doivent être adaptés à la taille des exploitants.

J’aimerais conclure en formulant quelques commentaires. Merci de nous avoir permis de comparaître aujourd’hui. Comme je l’ai dit au départ, les agriculteurs ont toujours composé avec des conditions climatiques changeantes, mais les conditions changent plus rapidement que dans le passé. Les efforts visant à faciliter les mesures d’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques doivent être intégrés avec les autres politiques prioritaires. Nous ne pouvons pas examiner cet enjeu isolément.

Je vous laisse avec une citation de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique :

Un secteur agricole solide qui fournit une source de nourriture sûre est essentiel pour soutenir les résidents de la Colombie-Britannique.

Merci.

La présidente : Merci de votre exposé.

Nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe de témoins.

Pinder Dhaliwal, président, Association des fruiticulteurs de la Colombie-Britannique : Bonjour. Merci de nous donner l’occasion de comparaître aujourd’hui.

Les changements climatiques sont très importants pour le secteur des fruits de verger. Je m’appelle Pinder Dhaliwal et je suis président de l’Association des fruiticulteurs de la Colombie-Britannique. Je suis accompagné aujourd’hui de Glen Lucas, directeur général de l’association.

L’Association des fruiticulteurs de la Colombie-Britannique représente 520 producteurs de fruits de verger, des vergers familiaux de la Colombie-Britannique, qui génèrent des revenus de 118 millions de dollars par année, pour une valeur de vente au détail de 218 millions de dollars, tout en générant une activité économique annuelle de 776 millions de dollars.

Quelle est l’incidence des changements climatiques sur le secteur fruiticole? Les changements climatiques ont été définis comme l’augmentation des températures moyennes. Le réchauffement planétaire était et reste un sujet chaud. Même si la science prévoit une augmentation à long terme de la température mondiale moyenne, tandis que l’air se réchauffe, il conserve plus d’humidité et d’énergie. Les changements climatiques sont maintenant définis comme la variabilité accrue et les probabilités accrues d’événements météorologiques extrêmes.

Dans le domaine fruiticole, ces événements extrêmes peuvent causer du tort à notre industrie : des inondations lorsque fond le manteau neigeux en plus haute altitude, ce qui peut noyer nos arbres, la propagation des maladies en raison des hauts taux d’humidité découlant des inondations printanières, de fréquentes périodes de pluie, surtout en juin et août, lorsque les cerises mûrissent, ce qui cause beaucoup de dommages, les dommages des fruits provoqués par le vent, l’ensoleillement excessif qui brûle les fruits, la production de plus petits fruits en raison du stress lié à la chaleur et à la sécheresse, parce que la croissance des fruits arrête lorsque la température atteint 80, 85 degrés Fahrenheit. Heureusement, les fruits de verger ne sont pas victimes des feux de forêt ni de la fumée connexe. Les changements climatiques entraînent des événements météorologiques qui sont : a) de plus en plus extrêmes; b) de plus en plus fréquents.

Glen Lucas, directeur général, Association des fruiticulteurs de la Colombie-Britannique : J’aimerais vous parler de là où sont situés les producteurs fruiticoles de l’Okanagan et de la zone biogéoclimatique en question.

La vallée de l’Okanagan se trouve dans le secteur de l’intérieur de la Colombie-Britannique, à environ 220 kilomètres à l’est d’ici. La vallée s’étend du nord au sud, est relativement étroite et est longue de 150 kilomètres. La vallée de Similkameen, Shuswap et la vallée de Creston sont les zones fruiticoles associées à celle de l’Okanagan.

Le fond de la vallée de l’Okanagan est situé à environ 1 100 pieds au-dessus du niveau de la mer, et la vallée est entourée d’un plateau qui s’élève à 4 000 pieds. Les montagnes de ce plateau sont les meilleurs endroits du monde pour skier, et le plateau stocke naturellement l’eau sous forme de manteau de neige jusqu’à la fonte, de la fin du printemps jusqu’au début de juin. Au moment de la fonte, les ruisseaux deviennent de violents torrents pouvant causer des inondations. De mémoire, les plus grandes inondations se sont produites au printemps 2017.

M. Dhaliwal : L’autre caractéristique de la vallée de l’Okanagan, ce sont les lentes pluies estivales. La moyenne de précipitations annuelles s’élève à 387 millimètres, ou 15,2 pouces. L’Okanagan est une zone semi-aride et abrite le seul désert de la Colombie-Britannique, à Osoyoos.

Le climat de l’Okanagan est idéal pour la production fruiticole. Les hivers sont froids, mais pas assez. Les hivers froids favorisent la nouaison et tuent certains des ravageurs qui hivernent tout en contribuant à l’élagage, puisqu’un petit pourcentage de bourgeons est endommagé durant l’hiver. Rarement, les hivers sont le théâtre de froids extrêmes qui causent de graves dommages aux bourgeons de fruits ou, justement, les bourgeons peuvent geler au printemps en raison d’une vague de froid soudaine. Des arbres peuvent être endommagés ou mourir dans des cas très extrêmes, mais c’est quelque chose qu’on subit tous les 50 ou 100 ans. Les coups de froid peuvent être, tout particulièrement, néfastes si les grands froids frappent avant le stade de dormance des arbres. Le dernier coup de froid remonte à 1968, et mon voisin a dit que la température avait atteint -33 degrés et qu’il n’y avait pas eu de fruits de la frontière Osoyoos jusqu’à Vernon. Un seul abricotier, selon lui, avait produit quelques abricots à Penticton.

Les étés dans la vallée de l’Okanagan sont chauds et secs. Les arbres fruitiers vivent un stress lorsque les températures dépassent 30 degrés Celsius, et, au-dessus de 35 degrés Celsius, la croissance des plantes s’interrompt. Les producteurs observent des chaleurs extrêmes plus élevées durant les étés que dans le passé, et cela a une incidence sur le besoin d’irriguer en raison de l’évapotranspiration et les besoins en matière de refroidissement.

M. Lucas : Comme Stan l’a mentionné, les solutions locales sont bonnes pour notre secteur. Les gouvernements régionaux de l’Okanagan ont été très proactifs dans le cadre des efforts d’adaptation aux changements climatiques grâce à la planification de l’utilisation de l’eau. La province a amélioré son contrôle des manteaux de neige et des sécheresses. Un aspect important de ces nouvelles activités, c’est la production de rapports pour tous les autres organismes dans la région, y compris les associations agricoles, et j’en ai un exemple pour vous, un rapport produit le 1er septembre 2017.

Le rapport produit alors disait que, en juin, juillet et août, Kelowna a fracassé son record concernant les plus faibles précipitations durant l’été, avec seulement 7,3 millimètres d’accumulation. Penticton et Vernon sont sur le point de battre leur propre record pour ce qui est du temps estival sec. Kelowna a aussi fracassé des records de chaleur en juillet et août. Tout ça à la suite d’un printemps sans précédent où l’on a connu le plus de précipitations de mars à mai, à Vernon, où il s’agissait des deuxièmes précipitations en importance, à Kelowna, qui venait au quatrième rang, et à Penticton, qui a connu plus de précipitations qu’au cours des 100 dernières années.

Il convient de souligner qu’il y a plusieurs initiatives dans le secteur fruiticole dont l’objectif est l’adaptation à ces événements climatiques extrêmes. Le secteur fruiticole est passé d’un système d’arroseurs qu’on déplaçait à la main à un système plus efficient de microjets et de micro-irrigation pour conserver l’eau. Comme l’a mentionné le CACB, la Climate Action Initiative a aidé notre région à mettre au point un outil de planification de l’irrigation, à adopter un système d’aide à la prise de décisions qui mise sur les prévisions météorologiques des deux semaines suivantes afin d’aider les producteurs à savoir d’avance ce qui s’en vient du point de vue des ravageurs et des traitements pour les plantes. De plus, nous avons cartographié le climat de l’avenir pour déterminer les zones d’expansion de la culture fruiticole en Colombie-Britannique. Par conséquent, à mesure que les températures estivales augmentent, nous pouvons faire pousser des arbres fruitiers plus au nord.

La station de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire à Summerland a été un chef de file en matière de modélisation et de cartographie des changements climatiques. Le gouvernement et l’industrie ont fait preuve d’innovation, mais certains risques augmentent, des risques pour lesquels nous ne sommes pas prêts.

M. Dhaliwal : Pour ce qui concerne l’amélioration de la façon dont l’industrie fruiticole et l’agriculture en général s’adaptent aux changements climatiques, il y a plusieurs lacunes dignes de mention en matière de programmes qu’il faut combler, et nous allons passer en revue quatre éléments.

Premièrement, dans le cadre des préparatifs en vue de sécheresse pluriannuelle grâce à l’entreposage d’eau et à la conservation de l’eau, nous recommandons de donner la priorité à l’augmentation du stockage de l’eau à des fins agricoles et pour les villes. Plus particulièrement, nous recommandons fortement de ressusciter l’Administration du rétablissement agricole des Prairies qui a malheureusement été éliminée par le gouvernement précédent à une époque cruciale où les risques associés aux changements climatiques augmentent. L’ARAP était respectée, efficace, professionnelle et efficiente. C’était l’équivalent canadien de l’Army Corps of Engineers des États-Unis, et il faut la rétablir.

Deuxièmement, parlons de l’augmentation de l’approvisionnement en eau pour l’agriculture. Nous recommandons que l’augmentation du stockage de l’eau soit admissible à du financement d’infrastructure, et ce, de façon prioritaire. En raison des mises à niveau onéreuses liées à la qualité de l’eau dans la région de l’Okanagan et de Creston, les réseaux hydrographiques agricoles risquent d’être laissés pour compte. Nous recommandons de fournir des fonds fédéraux pour le dédoublement de l’approvisionnement en eau. Le fait de séparer les conduites destinées à l’agriculture de l’approvisionnement en eau résidentiel pourrait exiger un investissement parallèle dans le système d’approvisionnement en eau agricole pour que l’on puisse s’assurer que l’eau reste disponible.

M. Lucas : Troisièmement, il faut s’occuper de façon proactive des conditions météorologiques extrêmes dans le cadre du programme d’assurance-production. Par exemple, les dommages causés par des vents extrêmes étaient une nouveauté dans le domaine fruiticole en 2015, et ce n’était pas un risque couvert par la portion liée à la qualité du programme d’assurance-production provincial. Ce risque a par la suite été ajouté lorsque nous avons appris qu’il y avait là un danger, mais c’est une maigre consolation pour ceux qui ont été victimes de dommages en 2015 et qui n’étaient pas couverts. Nous recommandons que du financement lié au changement climatique soit utilisé pour étudier les répercussions futures des changements climatiques et afin qu’on adapte l’assurance-production afin qu’elle tienne compte des divers risques et qu’elle offre une couverture avant que les cultivateurs soient touchés.

Quatrièmement — et c’est un thème connexe —, on suggère d’envisager d’utiliser AgriFlex pour améliorer d’autres programmes et renforcer la protection contre les risques associés aux changements climatiques. AgriFlex ne fonctionne pas pour les catastrophes météorologiques localisées, comme des tempêtes de grêle extrêmes qui provoquent des dommages supérieurs à ce qui est prévu dans les programmes d’assurance-production. Nous recommandons d’utiliser AgriFlex pour renforcer l’assurance-production liée à des risques non spécifiés et des risques qui ne sont pas couverts adéquatement par les programmes d’assurance-récolte actuels.

M. Dhaliwal : En résumé, la météo, pour paraphraser Mark Twain, tout le monde en parle, mais personne n’agit. Nous encourageons le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts à prendre les devants et à rajuster les programmes agricoles, à rétablir l’Administration du rétablissement agricole des Prairies et à créer de nouveaux programmes et de nouveaux fonds liés aux changements climatiques.

Merci de l’occasion que vous nous avez offerte.

La présidente : Merci beaucoup de vos exposés. Ils étaient tous très intéressants.

Le vice-président, le sénateur Maltais, commencera la période de questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci infiniment de votre présentation dans chacun vos domaines. On constate que l’étau se resserre à la même vitesse dans tous les secteurs de production. D’abord, pour un Québécois, de rencontrer des producteurs de la vallée de l’Okanagan c’est un privilège parce qu’on entend souvent parler de vous, mais on ne vous rencontre pas tous les jours.

Le problème de l’eau, on sait que c’est un problème majeur. C’est un problème qui n’est pas facile à régler. Je vous rappelle le problème que l’on a eu en Ontario et au Québec, avec les pluies acides des Grands Lacs que, finalement, on est venu à bout de régler. Parce qu’à ce moment-là l’air était contaminé, les pluies étaient contaminées, on perdait les récoltes de la vallée du Niagara et du sud-ouest du Québec. Aujourd’hui, avec des mesures du côté américain, de l’Ontario et du Québec on est venu à bout de régler le cas.

Je m’intéresse, monsieur Vander Waal — vous en avez parlé beaucoup — au recyclage de l’eau. C’est évident lorsqu’on recycle l’eau, si l’on ne la filtre pas, on risque de se ramasser avec des pathogènes, des ravageurs endormis. J’ai visité des fermes en Europe et même au Québec et en Ontario où ils recyclent l’eau, mais avec un système de filtrage sablonneux, rocailleux, pour enlever ces pathogènes.

Est-ce que ça a été essayé ici? Est-ce que vous en avez fait l’expérience?

[Traduction]

M. Vander Waal : Merci de la question. Oui, nous utilisons différents systèmes de filtrage. Il y a en fait plusieurs processus différents utilisés. Dans un environnement confiné, dans une serre, dans ce cas-ci, essentiellement, nous récupérons 100 p. 100 de l’eau. Le premier filtrage se fait à l’aide d’un filtre en tissu pour retirer les gros contaminants. Puis, l’eau passe par un filtre à sable ou… il y a tellement de traitements différents. On peut utiliser l’infrarouge. On peut utiliser du chlore de base, si on veut. Il y a beaucoup de traitements différents permettant de réduire le niveau de pathogènes. L’objectif principal, c’est de ne pas tuer l’eau. L’eau est un organisme vivant, et elle doit rester en vie. Le plus gros défi consiste probablement à maintenir l’équilibre, et on peut y arriver, mais il faut parfois plusieurs années pour trouver la solution.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci.

Je reviens aux gens de la vallée de l’Okanagan. Essentiellement, c’est une région de produits fruitiers en très grande partie, en tout cas.

Est-ce que les changements climatiques apportent de nouveaux ravageurs que vous ne connaissiez pas il y a peut-être 10 ou 15 ans? Est-ce que les changements climatiques apportent ces ravageurs-là, que les arbres n’étaient pas habitués à combattre, que vous n’étiez pas habitués à combattre? Est-ce que vous avez pu constater ce genre de choses?

[Traduction]

M. Dhaliwal : En raison des changements météorologiques survenus au cours des 15 et 20 dernières années, nous avons connu des hivers un peu plus froids, ce qui a été préjudiciable pour les insectes qui endommagent nos cerises, nos pommes et d’autres fruits fragiles. Nous sommes aux prises avec la drosophile à ailes tachetées et, quand les hivers sont plus doux, ces insectes survivent et pondent des œufs au printemps et, au moment de la récolte, ils endommagent nos fruits, ce qui a des répercussions économiques. Ces insectes ciblent les cultures qui sont très importantes dans notre région : les pommes, les cerises et les pêches.

M. Vander Waal : Pour poursuivre sur la lancée de Pinder, l’un des principaux défis associés aux changements environnementaux concerne les nouveaux parasites et le fait de faire entrer le bon traitement, que ce soit un traitement biochimique ou autre, au Canada. C’est l’une des importantes choses qu’il faut retenir de la discussion, et il faut procéder le plus rapidement possible à l’enregistrement. Le Canada possède un beaucoup plus petit marché que les États-Unis, et les États-Unis font beaucoup de tests. Il y a certaines méthodes rapides qui sont accessibles, ici, au Canada, mais c’est toujours difficile d’avoir accès à de nouveaux produits chimiques, des produits biochimiques, qui, en fait, sont enregistrés, surtout de nos jours où l’on met beaucoup l’accent sur la biochimie, plutôt que sur les produits chimiques grossiers d’antan. Il est donc très important que ces nouveaux produits soient accessibles sur le marché le plus rapidement possible, et il faudrait faire tout ce qui est possible pour accélérer le processus.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si je vous ai bien compris, vous nous demandez de mettre l’accent sur la... Un peu plus que les produits homologués soient rapidement adoptés pour que vous puissiez vous en servir.

Qu’en est-il de la recherche? Vous avez quand même deux fameuses universités, UBC et Fraser. Comment les agriculteurs fonctionnent-ils avec les centres de recherche? On les a déjà visités, d’ailleurs on va y retourner cette semaine. Comment fonctionnez-vous avec eux? Est-ce qu’il y a une étroite collaboration? Est-ce que ça donne des résultats? Est-ce qu’ils ont assez de financement pour remplir vos demandes?

[Traduction]

M. Lucas : Le Centre de recherche de Summerland joue un rôle très important en ce qui a trait à la gestion des parasites découlant des changements. C’est là assurément un élément assez central. Les universités sont aussi très importantes. Il y a aussi la Station de quarantaine des plantes du Canada à Saanich, qui réalise actuellement un processus de très grande envergure dans le cadre duquel on se penchera sur les phytovirus. Habituellement, les responsables de la station examinent les matériaux importés pour détecter des phytovirus, mais, en raison de leur expertise, ils essaieront d’en savoir plus au sujet de ces phytovirus et miseront aussi sur les recherches des universités et les recherches provinciales en génomique. Nous espérons que le projet ira de l’avant. On en est aux dernières étapes de planification, et les responsables espèrent obtenir de bons résultats dans le cadre de leur demande de très grande envergure présentée au gouvernement fédéral.

En plus des recherches réalisées dans les universités et par Agriculture Canada sur les espèces envahissantes, ce qui peut être très utile, c’est d’adopter une approche à l’échelle régionale. Je crois que Stan l’a mentionné aussi dans sa déclaration. Par exemple, un chercheur d’Agriculture Canada pourrait très bien trouver un prédateur qui s’attaque à un ravageur. Il faut ensuite élever ce prédateur, et il ne faut pas seulement l’introduire dans une ferme. Beaucoup de fermes dans une région doivent le faire. Nous avons un programme modèle dans l’Okanagan; c’est un programme qui consiste à relâcher des insectes stériles. Nous aimerions bien vous le montrer, si jamais vous venez. Ce programme bénéficie d’une renommée internationale, et il aide à réduire le recours aux pesticides et à contrôler les ravageurs. Par conséquent, c’est le type d’initiative que nous aimerions bien voir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bravo. Dernière question, madame la présidente.

Est-ce que vous avez des contacts avec les autres régions productrices de fruits? Je pense, entre autres, à la vallée du Niagara et dans le Sud de l’Ontario, qui sont quand même des régions très importantes en arbres fruitiers. Est-ce que vous avez pu comparer les exemples que vous nous avez donnés? Est-ce que vous vivez les mêmes problèmes que ces gens-là? Est-ce qu’il y a des choses à améliorer que l’on pourrait faire conjointement? Est-ce que c’est possible?

[Traduction]

M. Dhaliwal : Merci de la question. Nous revenons tout juste d’une réunion du Conseil canadien de l’horticulture qui s’est tenue la semaine dernière et nous avons mis des idées en commun avec des représentants du Québec, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, toutes les régions fruiticoles et d’autres, aussi, des cultivateurs d’autres fruits et d’autres légumes d’un peu partout au Canada, pour parler du métier, de la main-d’œuvre, des produits chimiques dont nous avons besoin. Il y a donc beaucoup d’interactions et de mise en commun en ce qui concerne les recherches. Je sais que c’est aussi le cas de la Fédération canadienne de l’agriculture. Il y a beaucoup d’interconnexions et de compréhension commune d’une province à l’autre et d’une région productrice à l’autre.

La sénatrice Gagné : J’ai vécu sur une ferme jusqu’à l’âge de 17 ans, et c’était assez simple à ce moment-là; en tout cas, c’est ce que j’imaginais. Je ne sais pas si mes parents auraient dit la même chose. Si je me souviens bien, mes parents investissaient tout leur argent dans des terres. Ils contractaient même des prêts. Ils mettaient tout dans le sol, en s’assurant de bien répartir tout cela. Ils priaient pour la pluie, ils priaient pour qu’il n’y ait pas de pluie et ils priaient pour être payés. Et tout recommençait l’année suivante. C’est le souvenir que j’ai de la vie à la ferme.

Évidemment, les choses ont changé et, si je vivais sur une ferme aujourd’hui, je suis certaine que les gens discuteraient probablement encore d’investissements. Ce serait assurément un aspect important de la chose. Nous nous tournerions aussi probablement vers les nouvelles technologies, vu les changements climatiques auxquels nous sommes maintenant confrontés. Nous regarderions probablement tous les renseignements et toutes les données accessibles, les technologies de l’information, les capteurs, les technologies vertes, les technologies liées au sol, puis il y a les drones, les robots, la fixation de l’azote, la biologie et la manipulation génomique. Nous regarderions toutes ces recherches et toute cette innovation. J’aimerais que vous formuliez des commentaires sur la façon dont les nouvelles technologies aident les agriculteurs à s’adapter aux changements climatiques. J’aimerais que vous nous en parliez tous les deux.

M. Vander Waal : Je vais commencer, alors, et je suis sûr que tout le monde aura quelque chose à ajouter à ce sujet.

En ce qui concerne le commentaire sur l’ajout de technologies, toutes les dernières innovations que nous avons apprises, que ce soit du côté de la génétique des plantes, des façons d’irriguer, des technologies liées aux drones… c’est sans fin.

Vous avez commencé par parler du fait que vos parents priaient pour la pluie, et priaient pour qu’il ne pleuve pas. Je crois qu’on doit le faire encore aujourd’hui. Rien n’a changé, parce que nous ne contrôlons pas la météo. Cependant, il y a eu beaucoup de réalisations en ce qui concerne la génétique. Je pense ici à certaines des techniques différentes que nous utilisons de nos jours. L’une des choses importantes que nous utilisons, c’est ce que nous appelons la « gestion intégrée des ravageurs », et ce n’est pas un terme si compliqué. Il y a des années, la gestion des parasites était assez simple. Tous les je ne sais plus combien de jours, on utilisait le pulvérisateur et on en mettait partout, pour ainsi dire; c’est comme ça qu’on procédait dans les serres. Les gens utilisaient probablement la même technique pour toutes les autres cultures.

Aujourd’hui, nous utilisons un processus appelé la « gestion intégrée des ravageurs », et cela consiste à faire du dépistage et à chercher des parasites. Croyez-le ou non, habituellement, les parasites n’arrivent pas tout simplement pour attaquer tout. Ils commencent en fait dans un petit coin, puis ils se répandent de plus en plus. Par conséquent, avec un bon dépistage, on peut réussir à cerner l’endroit où les parasites se trouvent.

Non seulement ça, grâce à certains produits chimiques intéressants, et le terme « produit chimique » n’est plus aussi péjoratif qu’avant... Il y a beaucoup de bons produits chimiques de nos jours qui sont en fait des dérivés des plantes et ce genre de choses, ce qui permet d’en atténuer la force brutale. De nos jours, on peut en fait tuer des insectes en les stérilisant ou, ce qui est encore mieux, nous utilisons de bons et de mauvais insectes et nous trouvons un juste équilibre dans tout cela.

Je vais m’arrêter ici, mais comme vous pouvez le voir, de nos jours, nous utilisons des produits qui ont une incidence beaucoup plus limitée sur l’environnement et nous misons sur des mesures de contrôle très efficaces. C’est la raison pour laquelle je disais qu’il faut avoir rapidement ces produits sur le marché.

Reg Ens, directeur général, Conseil agricole de la Colombie-Britannique : L’autre question relativement à laquelle nous avons reçu des commentaires des agriculteurs, c’est, comme vous l’avez souligné, le caractère complexe de l’agriculture. Les innovations, c’est merveilleux, et Stan a une merveilleuse équipe. Il compte sur une équipe imposante, ce qui lui permet de diviser le travail pour réussir et fournir un accès à cette information.

Beaucoup de propriétaires de petites fermes, des nouvelles exploitations agricoles, se plaignent parce qu’ils sont dépassés par la quantité d’information. De quelle façon peut-on évaluer la toute dernière percée et la meilleure innovation, et dans quelle mesure est-ce logique de l’adopter dans sa ferme? Nous constatons en Colombie-Britannique — et c’est aussi quelque chose que beaucoup de collègues un peu partout au pays m’ont dit — un manque de sensibilisation des gens — les services d’extension — dans les fermes pour assurer un transfert du savoir. Il y a un manque de ressources dans l’industrie pour aider ces agriculteurs à évaluer ces excellentes technologies. Je sais que Stan se rend régulièrement dans des salons professionnels en Europe. Mais de quelle façon faut-il adapter ces technologies à la Colombie-Britannique et au Canada? Je crois que, ici, on pourrait faire un meilleur travail en collaboration.

M. Dhaliwal : On peut toujours prier.

Simplement pour en revenir à l’eau, lorsque j’étais jeune, on changeait l’eau toutes les 12 heures, et les pulvérisateurs répandaient 50 gallons l’heure. Tout ça a changé grâce aux détecteurs d’eau, à l’automatisation des systèmes d’irrigation partout dans la vallée. Il y a maintenant des rotations aux six à huit heures. L’eau est appliquée au moment opportun et de façon ciblée afin de maximiser la croissance des arbres et des fruits.

Nous avons aussi parlé du système d’aide à la prise de décisions, qui inclut l’intégration de tous les systèmes météorologiques de la vallée de l’Okanagan. Le système est aussi connecté à Washington, de façon à ce que nous disposions des bonnes données pour contrôler les parasites au bon moment. Et maintenant, on est passé à 7 ou 10 jours en ce qui concerne les produits chimiques inutiles. Tout ça aide aussi à assurer la croissance des arbres. De façon générale, il y a beaucoup de choses qui sont réunies pour que tout soit efficient et que l’on puisse composer avec le climat.

Le sénateur R. Black : Je viens de l’Ontario. Le CACB est-il l’équivalent de la FAO?

M. Ens : Oui et non. C’est similaire quant à la fonction, mais notre structure organisationnelle est différente.

Le sénateur R. Black : D’accord.

Il y a une minute, vous avez parlé du fait que les activités d’extension disparaissent, le soutien à l’extension et le transfert du savoir. L’obtenez-vous d’ailleurs et, dans l’affirmative, devez-vous payer pour l’obtenir? Nous savons tous que, à une époque, il y avait de ces bureaux un peu partout dans les provinces et à l’échelle du pays. Obtenez-vous ce service ailleurs?

M. Ens : Ça dépend, eh oui. Je dirais que les producteurs comme Stan et des organisations comme l’Association des producteurs en serre de la Colombie-Britannique, des associations qui comptent un petit nombre de grands producteurs, ont tendance à tout faire par eux-mêmes et à payer la facture. Certains des petits groupes travaillent ensemble à ce sujet, et on est en voie d’y arriver, mais on n’y est pas encore.

Je crois que l’autre chose que, souvent, les gens ne comprennent pas, c’est le niveau de soutien dont bénéficient nos compétiteurs. Au sud de la frontière, si on regarde les universités dotées de terres fédérales et le travail qu’elles font comparativement à ce qu’on fait, ici, au Canada... Les règles du jeu ne sont pas équitables.

M. Vander Waal : Je veux tout simplement ajouter que c’est très bien dit.

Le sénateur R. Black : Y a-t-il des occasions de cogénération, par exemple, des occasions d’utiliser des émanations des décharges et ce genre de choses... Et les usines d’éthanol, le partage du CO2, et tout le reste? Est-ce que ce sont des choses que vous faites, ici, en Colombie-Britannique?

M. Vander Waal : On ne travaille pas beaucoup avec l’éthanol en Colombie-Britannique. Ça concerne davantage les producteurs de céréales. Je ne sais pas si le marché est assez grand pour le faire. Dans les Prairies, je crois qu’il y a une usine d’éthanol en Saskatchewan.

De toute façon, pour revenir sur la cogénération, certaines personnes utilisent cette méthode dans le secteur des serres, ici. Un des bons défis, en Colombie-Britannique, c’est que nous avons une abondance d’hydroélectricité, et c’est vraiment la façon la moins coûteuse de produire de l’électricité. Quand on adopte un système de cogénération, croyez-moi, il faut y penser. Beaucoup de travail a été réalisé dans les secteurs, du côté de la production de fleurs et de végétaux en serre. Des responsables ont rencontré le gouvernement, pour essayer de mettre en place une structure électrique... appelons-la écologique. Essentiellement, cela signifierait que l’énergie cogénérée serait transférée dans le réseau et que les gens pourraient l’acheter en tant qu’énergie verte et ce genre de choses. C’est assez peu populaire, et c’est vraiment parce que l’exploitation d’une centrale de cogénération coûte quasiment le double — lorsqu’on parle, par exemple, de kilowattheure — comparativement à l’hydroélectricité pure et simple.

M. Ens : En plus de tout ça, nous avons fait beaucoup de travail sur ce que nous appelons l’« énergie produite par les vaches ». Nous avons réalisé une initiative sur le biogaz, dans le sillage de ce qui avait été fait en Allemagne et en Ontario. Comme Stan l’a dit, nous avons une source d’énergie verte, alors ce n’était pas économique. On commence à voir de l’énergie renouvelable qui entre dans le réseau. C’est en train de devenir une réussite. L’impulsion derrière tout ça dans le secteur laitier, c’est le désir d’extraire certains des nutriments des déchets et des produits résiduaires du fumier. Lorsqu’on fait passer tout ça dans une installation de cogénération, il y a une homogénéisation du mélange, ce qui permet l’adaptation d’autres technologies permettant d’extraire le phosphore, par exemple, et de lui donner une forme marchande.

Le sénateur R. Black : Nous avons entendu parler de l’aire de croissance des arbres, des arbres fruitiers, qui monte vers le nord. Y a-t-il d’autres domaines agricoles dont les activités se dirigent vers le nord en raison des changements climatiques?

M. Ens : On constate un peu cette tendance, et je crois que c’est plus en raison du prix des terres qu’en raison des conditions climatiques. L’autre facteur limitatif, c’est la main-d’œuvre; l’infrastructure et la main-d’œuvre sont très centralisées. Cependant, je crois qu’on s’efforce d’aller vers le nord, et les innovateurs sont à l’affût des occasions.

M. Vander Waal : Ça n’a rien à voir avec le climat, mais l’autre défi lié au fait de se déplacer vers le nord tient aux installations de transformation. Il y a un manque criant de capacité de transformation, particulièrement dans l’Ouest canadien, et ça, c’est un gros défi.

Le sénateur R. Black : Merci de vos exposés.

La présidente : Le gouvernement fédéral a deux ou trois outils importants dans son coffre. D’un côté, il y a la réglementation, et de l’autre, les instruments économiques. J’ai remarqué que, dans votre exposé, vous avez mentionné que, en 2008, Agriculture & Food Climate Change Initiative de la Colombie-Britannique a bénéficié de financement d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Puis, vous avez souligné, un peu plus loin, que le Plan d’action sur les changements climatiques produit en 2010 était très efficace, en raison de l’approche axée sur le travail d’équipe et la collaboration choisie, et le fait que du financement avait été fourni par les deux principaux gouvernements. Vous avez souligné que, sinon, ce travail n’aurait pas pu être fait.

Y a-t-il eu d’autres exemples de cas où le financement fédéral vous a aidé en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques dans votre industrie?

M. Ens : Je crois que le seul financement reçu a été fourni dans Cultivons l’avenir 1 et Cultivons l’avenir 2. D’après ce que j’en sais, tout est venu de ce financement.

M. Lucas : Je suis assez d’accord avec la réponse de Reg. Une source de financement de programme que j’ai oublié de mentionner, ce sont les grappes de recherche auxquelles nous participons à l’échelle nationale qui, encore une fois, sont associées à Cultivons l’avenir ou au nouveau Partenariat canadien pour l’agriculture. Ces grappes sont une source de financement. Je connais seulement notre grappe qui est liée aux pommes, et nous effectuons certaines recherches, par exemple, sur la production durable de pommes. Cela fait intervenir la question de la gestion des parasites, mais aussi la gestion de l’eau et tout le reste. C’est une importante source de financement pour nous. Cependant, c’est du financement fédéral qui est associé à Cultivons l’avenir.

M. Ens : La Fédération canadienne de l’agriculture a souligné le fait que beaucoup des initiatives liées aux changements climatiques ne se limitent pas à l’agriculture. Ce sont des types de projet visant à créer un nouveau monde. La gestion des inondations dans les Prairies est autant un problème urbain que dans la vallée du bas Fraser où nous avons beaucoup d’eau, mais sommes aux prises avec des problèmes de pénurie d’eau potable. Dans les serres, à Delta, L’approvisionnement en eau potable est connecté au réseau de la région métropolitaine de Vancouver, et l’eau est chlorée de façon à être potable pour l’homme. Nous n’avons pas besoin du même niveau de qualité en serre, mais on ne peut pas utiliser l’eau dans les fossés en raison des problèmes de maladies et de bactéries. Par conséquent, si on pouvait créer l’infrastructure nécessaire pour approvisionner en eau quasi potable les serres, on aiderait autant la région métropolitaine de Vancouver que les intervenants du secteur de l’agriculture. Il y a certaines occasions de réfléchir au-delà de l’agriculture relativement à certains des programmes d’infrastructure et au genre d’initiatives liées à la gestion et au contrôle des inondations.

La présidente : C’est très intéressant.

M. Lucas : Madame la présidente, si vous me permettez d’ajouter quelque chose, une source à laquelle nous n’avons pas accès et nous aimerions bien y avoir accès, c’est l’Administration du rétablissement agricole des Prairies. Cet organisme avait fait du très bon travail depuis les années 1930 et, ici, nous sommes confrontés à des sécheresses et des enjeux similaires. Nous aimerions vraiment avoir accès à cet outil dans notre coffre, et ce n’est pas le cas depuis quelques années. L’organisation faisait très bien ce travail avant. C’était très encourageant de voir les projets d’adaptation et même tout simplement les études réalisées. Nous avons parlé des services d’extension qu’elle pouvait assurer, pas seulement dans les Prairies, mais aussi en Colombie-Britannique et dans les autres provinces.

La présidente : Je vais y revenir, c’est quelque chose que j’ai souligné dans votre exposé.

Pour revenir à la question du financement fédéral, il y a récemment eu une annonce liée au financement du PCA qui pourrait aussi aider dans le secteur agricole. Je parle du Partenariat canadien pour l’agriculture et des fonds qui seraient accessibles dans le cadre de ce partenariat pour la réalisation de recherches. Y a-t-il, selon vous, des façons dont tout ça pourrait être utile à vos deux organisations?

M. Ens : Bien sûr. Nous avons principalement accès au PCA par l’intermédiaire d’un accord bilatéral fédéral-provincial, et, malheureusement, la Colombie-Britannique n’a pas encore signé un tel accord. Par conséquent, c’est quelque chose que nous attendons encore en retenant notre souffle. On m’a dit qu’ils sont en train de peaufiner le tout et que les travaux liés au climat restent une priorité pour le gouvernement provincial.

La présidente : Voulez-vous, vous aussi, répondre?

M. Lucas : Je dirais simplement que les grappes de recherche, encore une fois, sont associées au PCA, et nous y avons accès dans le secteur fruiticole, comme c’est aussi le cas pour d’autres secteurs, d’après ce que j’en sais, en Colombie-Britannique.

M. Ens : Les grappes de recherche pilotées par l’industrie ont très bien fonctionné pour les produits épaulés par de solides organisations fédérales ou nationales. La coordination de la grappe de recherche sur les pommes fonctionne très bien, parce qu’il y a un solide secteur pomicole qui est capable d’assurer une partie de cette administration et d’assurer un certain leadership relativement à certaines des tâches administratives qui sont déléguées dans ces situations.

Nous constatons que, pour certains groupes de produits plus petits, même dans le cas de quelque chose comme les bleuets — relativement auxquels, comme vous le savez, l’Est et l’Ouest canadiens débattent quant à savoir ce qui est meilleur, les bleuets en corymbe ou les bleuets nains, mais c’est une question que nous allons laisser de côté pour l’instant — se réunissent pour avoir accès à ces grappes de recherche à l’échelle nationale. C’est un domaine où, selon nous, une aide serait probablement opportune.

La présidente : Revenons à l’ARAP. J’étais au fait de cette organisation pendant des années et des années, puis, tout d’un coup, elle a disparu. Pourquoi a-t-elle disparu? Quelle est la principale raison qu’on vous a fournie?

M. Lucas : Je crois que c’était purement une question de budget. Je ne suis pas au courant d’une analyse des coûts et des avantages qui aurait été réalisée ou d’une justification opérationnelle qui aurait été donnée quand cette organisation a été éliminée.

La présidente : Donc, on ne vous a pas dit que le travail allait être fait par quelqu’un d’autre ou une autre organisation?

M. Lucas : Non.

La présidente : Alors, ce que vous essayez de dire, c’est que ce travail reste à faire?

M. Lucas : Oui. C’était principalement dans le domaine de l’augmentation de l’approvisionnement en eau. Par exemple, si une ferme voulait passer d’une agriculture extensive à une agriculture plus intensive, l’organisation pouvait aider à aménager les choses et à approvisionner en électricité l’exploitation agricole afin qu’il soit possible d’installer le système d’irrigation. Dans les Prairies, je crois que les mares-réservoirs sont très populaires.

Je crois aussi que l’organisation se penchait sur la question de la qualité de l’eau. Et elle réalisait des études similaires à ce qu’on fait dans le cadre de la Climate Action Initiative, mais en mettant davantage l’accent sur l’ingénierie. L’organisation semblait réunir un groupe d’ingénieurs vraiment très motivés à adopter ce type d’approche.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons commencer une deuxième série de questions. Sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je voudrais revenir sur deux petits points.

Le premier, vous l’avez souligné, monsieur Ens, c’est le nombre d’usines de transformation qui diminuent énormément. À quels facteurs est-ce attribuable?

[Traduction]

M. Ens : Je ne fais que spéculer, mais je crois que c’est l’effet combiné de la consolidation dans le système de commercialisation des aliments vendus au détail. Les détaillants veulent l’assurance d’un approvisionnement toute l’année. S’il y a une industrie régionale qui fournit du maïs six semaines par année, ce n’est pas ce que les détaillants cherchent. Ils veulent un approvisionnement toute l’année, et c’est donc l’intégration qui les intéresse.

Le coût des usines est énorme. Par conséquent, en ce qui concerne les investissements dans les nouvelles technologies des 20 ou 30 dernières années, être plus gros a toujours signifié être plus efficient et faire baisser les coûts. Dans les régions où on peut construire des installations à fonction unique pouvant produire un bien pour une plus longue période, on augmente le rendement de cette usine, de cette installation de transformation, et les coûts de production diminuent. C’est le genre de moteur dont on parle.

Cela dit, j’ai entendu des rumeurs au sujet d’une nouvelle technologie qui permet maintenant à de petites installations de livrer concurrence aux grandes installations de transformation. Par exemple, dans le secteur du bœuf, les consommateurs veulent préserver la marque, préserver l’identité. Par conséquent, les caractéristiques uniques d’un produit du bœuf qui le différencient des autres peuvent être importantes pour eux.

J’ai entendu dire récemment que certaines grandes installations albertaines ne peuvent pas offrir le niveau de production que le marché cherche de façon rentable. Le temps qu’il faut pour arrêter la chaîne de transformation et passer du bœuf conventionnel au bœuf biologique, ou peu importe, et trop coûteux. Par conséquent, les nouvelles usines seraient un peu plus petites, mais ce n’est que pure spéculation de ma part.

Je ne sais pas, Glen, du côté des pommes?

M. Vander Waal : Je peux peut-être ajouter une chose. L’autre élément qui me vient à l’esprit, c’est aussi la réglementation concernant la sécurité alimentaire. Puisque les attentes sont de plus en plus élevées, les attentes des consommateurs, celles des détaillants, quant aux critères qu’il faut respecter, disons, pour un petit abattoir, peuvent être difficiles à combler. Certaines des nouvelles technologies offriront peut-être des occasions à cet égard. Il y a la question économique, mais il y a aussi la question du processus réglementaire.

M. Lucas : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose, en plus du coût des usines, nous possédons une infrastructure vraiment vieillissante, et la remplacer est parfois difficile. Un programme qui a été très utile à cet égard, c’est Agri-innovation, qui aide à mettre en place des processus de transformation novateurs. Par malheur, en général, c’est seulement le premier producteur qui s’y met qui peut en bénéficier. On pourrait améliorer ce programme, peut-être, en permettant aux autres producteurs de faire la même chose dans l’année ou dans les deux années suivantes. C’est un bon programme cependant, parce que si l’innovation vient du Québec, par exemple, alors on peut l’utiliser et l’appliquer en Colombie-Britannique. C’est donc une approche régionale, mais, au sein de la région, seulement une innovation est financée.

À l’échelle nationale, notre secteur pomicole s’est réuni et a présenté une proposition, soit des prêts sans intérêt ou à un faible taux d’intérêt sur cinq ans pour inciter les producteurs à renouveler leurs usines et augmenter les capacités de transformation. Selon nous, les fonds seront probablement plus efficaces de cette façon, pour ce qui est d’inciter l’industrie à adapter les nouvelles technologies et les nouveaux processus.

Nous sommes très préoccupés par l’infrastructure vieillissante sur laquelle nous misons. Les coûts semblent plus élevés que dans le cas d’un pays qui entre dans ce domaine de production et construit une toute nouvelle usine à la fine pointe de la technologie. J’imagine que c’est un peu comme le 24, promenade Sussex, où les travaux de rénovation coûteront plus que si on mettait tout à terre pour construire un nouveau bâtiment. Nous devons surmonter cet obstacle, ici, au Canada, et ce, pour tous les produits. Il serait utile de mettre en place un programme quelconque pour aider à cet égard, et ce prêt à taux d’intérêt faible aiderait vraiment notre secteur et tous les autres secteurs aussi.

[Français]

Le sénateur Maltais : Un dernier petit point, monsieur Lucas. Vous avez parlé tout à l’heure de l’assurance récolte. Est-ce que c’est un programme conjoint entre la Colombie-Britannique et Ottawa? Comment cela fonctionne-t-il? Pourquoi y a-t-il des exclusions aux changements climatiques? Parce que dans ma province, c’est un programme uniquement provincial, et il n’y a pas d’exclusion. Le changement climatique est là, on le vit. Je pense que l’Ontario a le même style de programme que nous. Et comment se fait-il que vous ayez des exclusions comme ça chez vous?

[Traduction]

M. Lucas : Merci de poser la question. Notre programme d’assurance-production offre une couverture partagée fédérale-provinciale, similaire à ce qu’il y a en Ontario. Par contre, le tout est géré localement, ce qui signifie que le programme est similaire à ce qu’il y a au Québec et dans d’autres provinces. Par conséquent, le coût est partagé, mais la prestation est locale, régionale.

Puisque c’est un produit d’assurance, une liste des risques est dressée. Par exemple, on peut connaître les éventuels dommages causés par la pluie, et ce risque figure donc dans la liste. Cependant, il peut y avoir différents problèmes liés à la pluie, comme des pluies plus importantes qui causent des types différents de dommages, et il peut y avoir de nouveaux risques qui ne figurent pas dans la liste. Notre exemple, c’était le vent. Il y a eu certains dommages causés par le vent dans le passé dans nos vergers, mais, en fait, rien d’aussi extrême que ce qui s’est produit en 2015 à Oliver, où des arbres ont même été déracinés. C’est un type de risque. Un autre exemple serait la situation en Ontario, où il y a eu un gel en début de saison qui a entraîné une perte totale de la production; ce sont des choses qui ne sont pas vraiment prévues dans le programme d’assurance-production.

M. Dhaliwal : J’aimerais ajouter que ce ne sont pas tous les facteurs qui sont couverts par le programme d’assurance, comme c’est le cas cette année. Il y a eu une sécheresse. Il y a eu 100 jours sans pluie dans la région de l’Okanagan, et cette sécheresse a fait en sorte que les fruits étaient petits, ce qui a entraîné des problèmes de qualité. Nous pouvons compter sur le programme Agri-stabilité, mais cela ne compense pas nécessairement pour l’ampleur des dommages.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si vous permettez, je vous suggère d’ajouter une toute petite clause à vos contrats. Venant d’un ancien courtier d’assurance pendant 20 ans, ajoutez « tous risques ». Et vous allez être tranquille. C’est comme la limite, on met une assurance responsabilité civile complémentaire, mais dans vos contrats d’assurance, ajoutez « tous périls ». Ça les inclut. Parce que prenez le temps de lire les intercalaires d’un contrat d’assurance. C’est écrit en très petit, mais c’est très significatif. Alors, ajoutez « tous risques » et vous allez être correct. Merci.

[Traduction]

M. Lucas : Nous avons besoin de vous au sein de notre comité je crois.

La sénatrice Gagné : Pouvez-vous cerner les régions dans la Colombie-Britannique qui, selon vous, sont les plus sensibles d’un point de vue environnemental?

M. Vander Waal : Faites votre choix.

M. Ens : Oui. Je dirais que tout dépend de ce que vous regardez. Par conséquent, pour ce qui est de la qualité de l’eau, il y a des aquifères, des fleuves ou rivières précis où les débits d’eau sont un enjeu crucial. Dans le sud de Cariboo, près de la région de Merritt, sur l’île de Vancouver, il y a deux ou trois cours d’eau surutilisés, et c’est en raison à la fois de l’agriculture et du développement humain. Du côté de l’urbanisation, on pourrait nommer la vallée du Fraser et de l’Okanagan, parce que c’est là que des populations... C’est là où les plus grandes villes se trouvent, c’est aussi là où se trouvent les exploitations agricoles. Ce sont probablement les régions les plus importantes.

Mes collègues du secteur de l’élevage vous diraient que la région de Cariboo est touchée par le dendroctone du pin et la dévastation au sein de l’industrie forestière, et tout ce que cela provoque en ce qui concerne l’écoulement d’eau. C’est une question difficile.

M. Lucas : C’est une question très vaste, et oui, je suis d’accord avec Reg. Il est évident que des feux de forêt, comme il l’a mentionné, frapperont à Cariboo. J’ai été évacué de ma maison l’été dernier en raison d’un incendie de forêt, tout comme mon fils, qui a dû quitter sa résidence, à Cariboo. Ce sont des facteurs importants.

En ce qui concerne les enjeux réglementaires à l’échelon provincial, assurément, comme Reg l’a mentionné, il y a les aquifères. L’azote est donc préoccupant dans ces endroits. Il est évident que les recherches et les renseignements produits par le gouvernement fédéral sont importants, grâce au financement.

Nous avons eu certains problèmes de surcharge de phosphate dans nos fleuves, nos rivières et nos ruisseaux, et, encore une fois, la recherche sur les eaux douces est très importante à cet égard. Je crois que l’élaboration de nouveaux outils de gestion pour aider à cet égard est très importante, et c’est là une responsabilité du gouvernement fédéral.

Le sénateur R. Black : J’ai une autre question. Je viens de l’Ontario, et nous offrons donc le Programme de planification environnemental à la ferme. Avez-vous un tel programme en Colombie-Britannique?

M. Ens : Oui, et c’est en fait l’une de nos filiales qui en assure la prestation. L’une des choses que nous avons faites, après être passés par la phase pilote de notre Climate Action Initiative, c’est que nous avons procédé à l’intégration avec notre programme des plans environnementaux en agriculture. Par exemple, le programme sur la production à la ferme d’énergie est un nouveau programme que nous avons mis en place il y a trois ou quatre ans. Il fait maintenant partie du programme de PEF.

M. Vander Waal : J’ai quelque chose à dire à ce sujet. Une des choses qu’il est important de savoir, c’est que ce programme est trop populaire. Je crois que c’est à qui réussira à faire accepter sa demande dans le cadre de ce programme. On épuise tout le financement de ce programme dans le temps de le dire.

Le sénateur R. Black : Est-ce que je me trompe ou parle-t-on de créer un programme national, à un moment donné? Actuellement, c’est un programme provincial.

M. Ens : Il y a un groupe de travail qui se penche sur cette question, qui essaie de différencier la législation et les pouvoirs provinciaux et les lois et pouvoirs nationaux. C’est là un aspect. L’élément critique, ici, c’est de s’assurer d’un niveau de compréhension de base des consommateurs, de la société, à l’échelle du pays, puis de permettre à chaque province de bâtir là-dessus. Nous participons activement à ces travaux.

La présidente : Je tiens à remercier les témoins. Comme vous pouvez le voir d’après le nombre de questions, nous tous ici présents sommes très intéressés par ce dossier. Merci d’avoir été là aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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