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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 49 - Témoignages du 26 avril 2018


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 1, pour étudier comment le secteur des aliments à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je préside ce comité. Je commencerai en demandant aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le sénateur R. Black : Rob Black, de l’Ontario.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Merci, mesdames et messieurs. Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur la façon dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Notre premier groupe de témoins est composé de Brian Innes, vice-président aux affaires publiques, Conseil canadien du canola, de deux représentants de la Canadian Canola Growers Association, Jack Froese, président, et Catherine Scovil, directrice des relations gouvernementales, et de Chris Vervaet, directeur exécutif de la Canadian Oilseed Processors Association.

Je tiens à remercier les témoins d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui. C’est un plaisir de vous avoir parmi nous. Je demanderai maintenant aux témoins de faire leurs exposés, et je crois comprendre que c’est M. Brian Innes qui parlera en premier.

Brian Innes, vice-président, Affaires publiques, Conseil canadien du canola : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler de la façon dont le secteur du canola à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Je voudrais tout d’abord vous dire un mot sur le Conseil canadien du canola. Nous sommes une organisation de la chaîne de valeur qui représente l’industrie du canola, les 43 000 producteurs de canola, les producteurs de semences, les transformateurs qui moulent les graines pour en obtenir de la moulée pour le bétail et de l’huile pour l’alimentation humaine et les exportateurs qui envoient le canola en vue de sa transformation dans d’autres pays. Je suis ici aujourd’hui avec les représentants de deux des segments de notre chaîne de valeur qui sont les plus intéressés par les moyens d’accroître la compétitivité de notre secteur de la transformation à valeur ajoutée.

Nous sommes ici aujourd’hui parce que la compétitivité sur les marchés d’exportation mondiaux revêt une importance cruciale pour l’industrie du canola. Plus de 90 p. 100 de tout ce que nous cultivons au Canada est exporté vers les marchés extérieurs, et nous constatons une demande mondiale croissante pour l’huile et les protéines saines que nous produisons.

La question est de savoir comment nous pouvons répondre à cette demande et accroître la transformation à valeur ajoutée au Canada.

Dans ce but, notre industrie, devant l’appétit mondial croissant pour des huiles et des protéines plus saines, a établi un plan, appelé Keep it Coming 2025, qui vise à accroître la demande d’huile, de tourteau et de graines de canola et à y répondre au moyen d’une production durable et d’une amélioration du rendement, plan qui devrait nous permettre de produire 26 millions de tonnes métriques d’ici 2025.

Pour mettre les choses en perspective, ce niveau de production représentera 4,5 milliards de dollars d’exportations supplémentaires pour le Canada. Comme nous visons collectivement à atteindre l’objectif, fixé par le gouvernement du Canada, de 75 milliards de dollars d’exportations d’ici 2025, la création de conditions propices à la croissance à valeur ajoutée est un élément clé pour notre industrie, dont la contribution représentera 4,5 des 75 milliards de dollars de cet objectif.

Pour atteindre cet objectif, il faut que notre secteur à valeur ajoutée demeure concurrentiel à l’échelle mondiale. Comment y parvenir et quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer pour aider à créer un cadre permettant d’assurer notre compétitivité sur les marchés mondiaux? C’est la question dont nous sommes saisis.

Voyons d’abord ce qui nous a amenés ici aujourd’hui. Notre industrie de transformation du canola, déjà de classe mondiale, a connu une croissance de plus de 150 p. 100 au cours de la dernière décennie. Plus de 1,5 milliard de dollars ont été investis dans la construction ou la modernisation d’installations pendant cette période, et toute la capacité supplémentaire résultant de cet investissement a servi à répondre à la demande du marché d’exportation.

La stabilité et la liberté du commerce ont été un facteur clé de cette croissance. Cela s’explique par le fait que nos exportations de produits transformés n’ont pas été assujetties à des tarifs douaniers ou que nous avons bénéficié de tarifs semblables à ceux de nos concurrents, et aussi que nous avons pu exporter nos produits à valeur ajoutée sans barrières non tarifaires.

La croissance future de nos exportations à valeur ajoutée exigera un commerce stable et ouvert, libre de barrières tarifaires et non tarifaires.

Prenons un exemple. Les médias parlent beaucoup de l’ALENA. Avant l’ALENA, nos exportations de tourteau de canola vers les États-Unis étaient assujetties à un tarif douanier de 37 p. 100. Aujourd’hui, les États-Unis sont notre plus grand marché du fait de la suppression de ce tarif. Lorsque nous préparons la voie à de futures exportations à valeur ajoutée, nous devons nous assurer d’un accès concurrentiel sur les marchés étrangers. Songez aux obstacles suivants auxquels notre secteur est actuellement confronté pour les exportations à valeur ajoutée.

Au Japon, aucun tarif douanier ne s’applique à nos graines brutes, mais notre huile transformée est frappée d’un tarif douanier pouvant atteindre 16 p. 100. Nous perdons du terrain par rapport à l’Australie sur ce marché parce que les tarifs douaniers applicables à l’huile de canola australienne sont plus bas que les nôtres. Le Japon a conclu un accord de libre-échange avec l’Australie qui prévoit la suppression progressive des tarifs douaniers sur l’huile australienne.

Au Vietnam, marché où la demande d’huile santé est en pleine croissance, nous devons absorber un tarif douanier de 5 p. 100 sur l’huile de canola. En Colombie, les tarifs douaniers sont variables, pouvant atteindre jusqu’à 40 p. 100. Les exportations concurrentielles d’huile des États-Unis ne sont pas assujetties à ces tarifs. Leur accord de libre-échange a éliminé le système des tranches de prix qui impose des tarifs douaniers sur nos exportations à valeur ajoutée.

En Inde, les tarifs douaniers sur l’huile de canola fluctuent énormément. À l’heure actuelle, l’Inde impose un tarif de 35 p. 100 sur l’huile de canola du Canada.

Aux États-Unis, malgré l’ALENA, nos produits transformés comme la margarine et le shortening sont frappés d’un tarif de 8 p. 100.

Cette énumération peut porter au découragement. Qu’est-ce que tous ces obstacles ont en commun? La réponse, c’est que le Canada est en train de négocier un accord de libre-échange avec ces pays, ou en a conclu un qui n’est pas encore entré en vigueur. La priorité du gouvernement du Canada devrait donc être de conclure et de mettre en application des accords commerciaux avec ces pays afin de nous permettre d’y avoir un accès concurrentiel et d’éliminer les obstacles que je viens de décrire.

Je conclurai en disant que, pour une industrie qui exporte 90 p. 100 de sa production, ce n’est pas une option. C’est un impératif. Au nom de notre industrie et du quart de million d’emplois canadiens qu’elle représente, nous vous remercions de vous pencher sur cette question d’extrême importance, où il s’agit de déterminer comment maintenir notre compétitivité dans le secteur des produits à valeur ajoutée. Je serai heureux de répondre à vos questions, après que mes deux collègues de l’industrie auront fait l’exposé d’autres moyens à prendre pour maintenir notre compétitivité.

La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Nous entendrons maintenant M. Jack Froese.

Jack Froese, président, Canadian Canola Growers Association : Merci de nous avoir donné l’occasion de participer à l’étude du comité sur la façon dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel dans les marchés mondiaux.

Comme vous l’avez dit, je m’appelle Jack Froese. Je suis un agriculteur de quatrième génération du Sud du Manitoba et je siège actuellement comme président de la Canadian Canola Growers Association. Je suis accompagné de Catherine Scovil, directrice des relations gouvernementales de la CCGA.

La CCGA, l’association nationale des producteurs de canola, représente les intérêts de 43 000 agriculteurs de l’Ontario jusqu’à la Colombie-Britannique.

Premièrement, j’aimerais vous parler de l’importance du secteur à valeur ajoutée pour les producteurs de canola. En 2017, 43 p. 100 du canola produit au Canada a été transformé ici, en huile et en tourteau. La transformation du canola au Canada, bien qu’il soit destiné à être exporté vers d’autres marchés, permet de conserver les avantages économiques liés à cette activité au pays et de soutenir les collectivités canadiennes en favorisant la création et le maintien d’emplois et en offrant un choix d’options d’expédition aux producteurs.

Dans ma région, j’ai la chance de pouvoir expédier mes récoltes aux silos à grains locaux ou à une usine de transformation de canola qui se trouve à environ 40 kilomètres de mon exploitation agricole. J’ai également accès à une usine de transformation aux États-Unis, située à moins de 100 kilomètres de chez moi. L’accès à plusieurs options d’expédition crée un environnement plus concurrentiel.

Cela me permet de rechercher le meilleur prix et de négocier les meilleures conditions contractuelles pour mon exploitation agricole. L’usine de transformation m’offre souvent un prix plus élevé que l’exploitant de silos, puisque j’évite de passer par un intermédiaire. Par ailleurs, les entreprises de transformation ont besoin d’un approvisionnement régulier de canola pour maintenir leurs activités.

Le maintien de notre industrie de transformation à valeur ajoutée et sa croissance future favoriseront à la fois mon secteur et l’économie canadienne, en conservant des emplois au pays. Or, pour atteindre ce résultat, il nous faut des traités commerciaux solides, un système de transport efficace et des politiques intérieures qui ne nuisent pas à notre capacité concurrentielle.

Le fait que nous exportons 90 p. 100 de notre production de canola, sous forme de graines, d’huile ou de tourteau, souligne le besoin critique d’un environnement commercial ouvert et prévisible. Or, les tarifs douaniers ont une forte influence sur le choix des produits que nous exportons. Par exemple, au Japon, notre troisième marché d’exportation, les graines de canola sont exemptes de droits de douane, tandis que l’huile de canola est soumise à un tarif douanier de 16 p. 100. Par conséquent, en 2017, le Canada a exporté au Japon des graines d’une valeur de 1,4 milliard de dollars, mais seulement 6,4 millions de dollars en huile.

Cette pratique, appelée la progressivité tarifaire, consiste à appliquer des droits plus élevés aux produits transformés qu’aux produits primaires, de sorte que le pays importateur puisse tirer profit des activités de transformation à valeur ajoutée.

L’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, le PTPGP, permettra d’éliminer cet écart de tarifs. En effet, l’abolition, sur une période de cinq ans, des droits imposés par le Japon sur l’huile devrait stimuler la demande pour l’huile de canola canadienne. Une étude commandée par le Conseil canadien du canola, ainsi que par Brian Innes, prédit une augmentation des exportations de 780 millions de dollars par année, soit l’équivalent d’environ un million de tonnes d’huile et de tourteau de canola. La hausse de la demande favorisera directement la croissance et la productivité du secteur de la transformation à valeur ajoutée au Canada.

Au nom des producteurs de canola canadiens, je recommande vivement au gouvernement de ratifier le PTPGP dans les plus brefs délais et de veiller à ce que le Canada soit l’un des six premiers pays à le mettre en œuvre. Cela permettra de renforcer l’avantage concurrentiel du Canada par rapport aux États-Unis et de limiter l’avantage dont bénéficie l’Australie en vertu de son accord de libre-échange.

Dans le même ordre d’idées, la structure tarifaire actuelle entrave aussi l’accès au marché chinois. La Chine impose des droits de 9 p. 100 sur le canola et de 3 p. 100 sur les fèves de soya, un substitut du canola; une situation ayant un effet dissuasif sur les ventes de canola. L’abolition de ces droits, notamment au moyen d’un accord de libre-échange, éliminerait l’écart entre les tarifs sur la fève de soya et le canola et améliorerait la compétitivité de l’huile et du tourteau produits au Canada.

Passons maintenant au transport. Je ne saurais trop insister sur la nécessité d’un réseau ferroviaire de premier ordre au Canada. Chaque tonne de canola doit parcourir en moyenne 1 500 kilomètres pour atteindre un port d’exportation. C’est pourquoi il nous faut absolument un réseau ferroviaire efficace, fiable et rapide. À l’heure actuelle, nous n’avons pas accès à un tel réseau. Le projet de loi C-49 a le potentiel d’améliorer considérablement notre réseau ferroviaire et nous continuons d’attendre son adoption avec impatience.

L’investissement dans l’infrastructure est tout aussi important. En fait, même nos clients dans nos marchés d’exportation critiquent notre réseau ferroviaire. Chaque année, l’industrie du canola rencontre des clients du Japon — et nous le faisons depuis 42 ans —, car le marché japonais est un importateur important et stable. En discutant avec ces clients, j’ai vite compris qu’ils trouvaient eux aussi que le réseau de transport canadien avait besoin d’améliorations.

Finalement, nous devons nous assurer que nos politiques intérieures favorisent notre capacité concurrentielle et éviter qu’elles lui nuisent. Nous savons tous que l’environnement et la durabilité sont des priorités majeures, et les agriculteurs s’engagent à les respecter. Grâce aux changements apportés à nos pratiques agricoles, nous sommes parvenus à accroître les quantités de carbone stockées dans le sol. De plus, nous utilisons de nouveaux outils et équipements qui nous permettent de réduire les émissions. En tant qu’agriculteurs, nous souhaitons être reconnus pour notre travail. Nous ne pouvons pas accepter des politiques intérieures, telles que la taxe sur les émissions carboniques, qui nuisent à notre capacité concurrentielle.

La norme sur les carburants propres présente une occasion intéressante pour l’industrie de la transformation à valeur ajoutée. En effet, les biocarburants à base de canola peuvent faire partie de la solution, puisqu’ils produisent jusqu’à 90 p. 100 moins d’émissions de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles. Une indication claire, telle que l’élargissement du mandat relatif aux biocarburants, contribuerait à réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à encourager les entreprises de transformation à investir en toute confiance dans l’expansion de leurs installations.

En conclusion, l’élimination des barrières à l’exportation du canola sous forme d’huile et de tourteau, l’amélioration du réseau de transport et l’adoption de politiques intérieures qui favorisent notre capacité concurrentielle, au lieu de lui nuire, permettront de développer nos marchés d’exportation de produits à valeur ajoutée.

Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner.

Chris Vervaet, directeur exécutif, Canadian Oilseed Processors Association : Madame la présidente et membres du comité, au nom de la Canadian Oilseed Processors Association, la COPA, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l’occasion de contribuer à cette importante étude. Je m’appelle Chris Vervaet et je suis le directeur général de la COPA.

La COPA travaille en partenariat avec le Conseil canadien du canola pour représenter les intérêts des transformateurs d’oléagineux. L’association agit au nom des entreprises qui détiennent et qui exploitent 14 installations de transformation, de l’Alberta au Québec. Ces installations transforment le canola et le soja cultivés par des agriculteurs canadiens en des produits à valeur ajoutée pour les secteurs de la transformation des aliments, de l’alimentation animale et des biocarburants. Cela crée non seulement une demande incroyable pour les oléagineux cultivés par les céréaliculteurs canadiens, mais aussi des emplois stables et bien rémunérés dans les collectivités urbaines et rurales où nous exerçons nos activités.

Les entreprises membres de la COPA ont déterminé que le Canada est un bon endroit où investir, en triplant presque la capacité de transformation au cours de la dernière décennie et en se fixant comme objectif de transformer 14 millions de tonnes de canola d’ici 2025. On estime que la transformation du canola et du soja au Canada est maintenant responsable d’une activité économique de 7,8 milliards de dollars par année et, selon le document intitulé Canadian Industrial Outlook: Food Manufacturing—Winter 2017 du Conference Board du Canada, notre secteur a été le principal moteur de la croissance de l’industrie de la fabrication des aliments.

Malgré ce succès, l’industrie est actuellement confrontée à des vents contraires difficiles pour stimuler des investissements supplémentaires et atteindre son objectif de 2025. Le témoignage d’aujourd’hui portera sur certains des défis qui ont une incidence sur notre capacité concurrentielle et qui influencent les décisions de notre industrie en matière d’investissement au Canada.

Tout d’abord, j’aimerais parler brièvement du commerce. Mes collègues ont déjà abordé cette question en détail, mais je tiens à souligner que le succès de notre industrie repose en réalité sur la capacité de commercer sur le marché mondial.

J’aimerais attirer l’attention sur le service ferroviaire. Un service ferroviaire prévisible et constant est l’élément vital de notre entreprise. Environ 80 p. 100 de nos produits à valeur ajoutée sont transportés par chemin de fer vers les marchés continentaux et étrangers.

Le manque de constance du service ferroviaire est malheureusement un problème chronique au Canada, ce qui continue d’avoir une incidence sur notre capacité de servir nos clients de façon fiable et rapide. Lorsque les clients ne peuvent pas s’approvisionner adéquatement auprès des transformateurs d’oléagineux au Canada, ils se tournent rapidement vers d’autres fournisseurs du marché mondial.

En l’absence d’un contexte concurrentiel pour les chemins de fer, la COPA est d’avis que la mise en place de lois et de règlements est nécessaire afin de tenir les entreprises ferroviaires responsables de la prestation du service requis pour assurer le succès de notre industrie. À cet égard, nous appuyons le projet de loi C-49 modifié par le Sénat. Il contient plusieurs éléments essentiels qui, selon les transformateurs d’oléagineux, amélioreront l’équilibre commercial entre l’expéditeur et les entreprises ferroviaires. Nous encourageons le Sénat à travailler en étroite collaboration avec la Chambre des communes pour faire en sorte que le projet de loi soit adopté avec des modifications dès que possible.

Nous encourageons également le gouvernement à intervenir au besoin pour prévenir les problèmes de service ferroviaire en raison d’interruptions de travail. Tout arrêt de travail aura des répercussions négatives importantes sur notre industrie, sur la chaîne de valeur du canola et, en fait, sur l’ensemble de l’économie canadienne.

Troisièmement, j’aimerais parler brièvement des changements climatiques et des politiques de tarification du carbone. Nos membres reconnaissent le rôle du gouvernement dans la lutte contre les changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre au moyen de lois et de règlements. La transformation des oléagineux est une opération énergivore qui nécessite des quantités importantes de gaz naturel et d’électricité. En raison de cette dépendance à l’énergie, les membres de la COPA reconnaissent depuis longtemps l’importance de l’efficacité des ressources et de l’énergie pour réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre.

Bien que l’industrie ait mis en œuvre des technologies pour maximiser l’efficacité, la tarification du carbone imposera un lourd fardeau financier à l’industrie. Des tarifs du carbone de 50 $ la tonne de CO2 coûteront aux transformateurs d’oléagineux 30 millions de dollars de plus par année.

En raison de la nature concurrentielle de notre industrie à l’échelle mondiale, ces coûts supplémentaires ne peuvent être absorbés par la chaîne d’approvisionnement, ce qui a une incidence sur notre capacité de livrer concurrence, en particulier par rapport aux pays qui n’ont pas mis en place de mécanismes de tarification du carbone.

Il est essentiel que le Canada maintienne et améliore le contexte commercial afin d’attirer les investissements dans la transformation des produits agricoles tout en s’attaquant au défi que posent les changements climatiques. À cet égard, la COPA est encouragée par le fait que le filet de sécurité fédéral en matière de tarification du carbone propose des mesures d’atténuation pour contrebalancer les coûts associés à la tarification du carbone et pour tenir compte des répercussions sur la capacité concurrentielle.

Des mesures semblables sont mises en œuvre ou proposées dans d’autres administrations canadiennes; il est donc essentiel que le filet de sécurité fédéral et les initiatives provinciales n’entraînent pas de multiples obligations réglementaires pour notre industrie.

Il est tout aussi important que les autres politiques et règlements proposés en vertu du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques ne fassent pas double emploi ou n’imposent pas les mêmes coûts sur les mêmes émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec les provinces et l’industrie pour élaborer des politiques sur les changements climatiques qui maintiennent la capacité concurrentielle et réduisent au minimum le fardeau réglementaire, tout en encourageant des réductions raisonnables des émissions.

En conclusion, un marché ouvert et stable, un service ferroviaire prévisible et des politiques liées aux changements climatiques sont des enjeux clés qui déterminent la capacité concurrentielle de notre industrie. Toutefois, il existe une multitude d’autres facteurs qui influent sur le caractère concurrentiel de notre industrie, notamment un environnement réglementaire national prévisible pour la sécurité des produits destinés à l’alimentation humaine et animale, l’accès à la main-d’œuvre et des mesures incitatives et des programmes gouvernementaux qui appuient l’efficacité et améliorent la productivité.

Je n’aurai pas le temps aujourd’hui de parler de tous ces facteurs, mais je serais heureux de répondre à vos questions sur ces aspects, mais aussi sur d’autres sujets, qui déterminent la capacité de notre industrie de livrer concurrence sur le marché.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Je demanderais aux sénateurs de poser leurs questions aux deux témoins lors du premier tour et nous ouvrirons une liste pour le deuxième tour, si vous voulez poser des questions supplémentaires.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs. Vous avez des notes très intéressantes. J’ai quelques questions à vous poser. Premièrement, est-ce que le projet de loi C-49 dans son état actuel réglera une partie des problèmes de transport d’interconnexion?

[Traduction]

M. Vervaet : Je peux répondre à cette question.

Nous sommes certainement d’avis que le projet de loi C-49, tel qu’il a été rédigé à l’origine et tel qu’il a été modifié, constitue un pas dans la bonne direction pour régler certains des problèmes chroniques auxquels nous transformateurs sommes confrontés vis-à-vis du service ferroviaire, notamment la capacité d’imposer des pénalités réciproques lorsque les chemins de fer ne fournissent pas le service dont nous avons besoin pour transporter nos produits. Nous sommes persuadés que c’est un élément très important du projet de loi. Nous estimons que d’autres mesures, comme la disposition sur l’interconnexion de longue distance, sont un pas dans la bonne direction pour assurer un meilleur service, mais aussi pour introduire un certain niveau de concurrence sur le marché. Nous pensons que les amendements à cette disposition particulière proposés par le Sénat sont très importants pour rendre cette possibilité réalisable si le projet de loi arrive à son terme.

Nous sommes donc convaincus que le projet de loi C-49 dans son ensemble est un pas dans la bonne direction et nous encourageons le gouvernement à adopter le projet de loi modifié le plus rapidement possible.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie. Deuxièmement, quelle sera l’incidence de la taxe sur le carbone sur les producteurs de canola? Monsieur Froese, vous êtes vous-même un producteur.

[Traduction]

M. Froese : Nous commençons à peine à en voir les effets sur les prix du carburant, mais cela aura certainement une incidence sur nos coûts. Les coûts auxquels nous sommes confrontés sur les exploitations agricoles n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières années, et cela dans de nombreux secteurs, dont celui-ci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce suffisant pour vous rendre non concurrentiels sur les marchés internationaux?

[Traduction]

M. Froese : Il est difficile de répondre parce que nous n’avons pas vraiment constaté d’incidence sur la taxe en elle-même. Cela vient tout juste d’entrer en jeu.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’ai une toute dernière question. Combien de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre émettent les producteurs de canola? Avez-vous des chiffres?

[Traduction]

Catherine Scovil, directrice des relations gouvernementales, Canadian Canola Growers Association : Nous n’avons pas de chiffres précis, mais il y a des chiffres sur la production céréalière en général, nous nous ferons un plaisir de les obtenir et de les communiquer au comité.

[Français]

M. Innes : Si vous me permettez de répondre.

[Traduction]

En agriculture il importe de ne pas seulement penser aux émissions, mais aussi à la capacité de notre secteur de piéger le carbone dans le sol. Beaucoup de recherches ont porté sur la capacité de l’agriculture de piéger le carbone dans le sol. L’évaluation de l’impact et des bienfaits de l’agriculture porte également sur notre capacité à extraire le carbone de l’air grâce aux plantes, de le piéger dans le sol et d’avoir un effet sur les émissions globales par notre capacité de capturer le carbone de l’air en le piégeant dans le sol et dans la plante.

Le sénateur Mercer : Merci d’être ici. J’aimerais revenir un instant au projet de loi C-49. Ce projet de loi a été renvoyé du Sénat à la Chambre des communes le 29 mars. Nous sommes aujourd’hui le 26 avril. La Chambre des communes n’a pas discuté des amendements qui lui ont été renvoyés. C’est cette même Chambre des communes qui a harcelé le Comité sénatorial permanent des transports et des communications — je suis également membre de ce comité — pour qu’il adopte le projet de loi.

Nous avons tous reçu des appels de députés. Certains d’entre nous ont reçu des appels de ministres qui voulaient que nous adoptions le projet de loi dans sa forme initiale. Ce n’est pas ce que nous avons fait. Nous l’avons renvoyé et je pense que nous l’avons amélioré, surtout en ce qui concerne le transport. Je voulais simplement le signaler. Vous le savez probablement, mais les gens qui nous regardent ne le savent peut-être pas.

Je veux parler de quelque chose qui déroute toujours les gens lorsqu’ils nous regardent tenir ces débats. Nous continuons de parler de valeur ajoutée et d’exportation, mais nous ne savons pas comment nos clients achètent du canola. Quand j’achète du canola, je vais à mon magasin Sobey’s en Nouvelle-Écosse, j’achète de l’huile de canola en bouteille et je l’utilise pour faire la cuisine chez moi. Je fais la majeure partie de la cuisine quand je suis chez moi, alors j’utilise le canola. Comment les consommateurs du Japon, du Vietnam, de la Colombie et de l’Inde utilisent-ils le canola?

Je pose la question parce que nous étudions la valeur ajoutée et celle-ci pourrait peut-être venir d’une transformation après la récolte, afin de proposer le produit sous une forme plus intéressante, ce qui permettrait de créer plus d’emplois au Canada, et ainsi de suite. Quels sont les besoins de ces consommateurs en matière de canola? Sous quelle forme en ont-ils besoin et à quoi l’utilisent-ils?

M. Innes : Pour commencer, les consommateurs du monde entier apprécient le canola pour les mêmes raisons que les Nord-Américains : parce qu’il s’agit d’une huile très saine qui peut réduire le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète, qui contient très peu de gras saturés et qui est très polyvalente pour un certain nombre de cuisines différentes. Que vous fassiez cuire des gyozas ou des tempuras au Japon, que vous fassiez sauter des aliments à feu vif en Chine ou frire des tortillas au Mexique, c’est une huile très polyvalente. Les propriétés qui font qu’elle s’intègre bien au régime alimentaire canadien, peu importe notre origine culturelle, la rendent aussi très bien adaptée aux régimes alimentaires du monde entier.

La raison pour laquelle nous cultivons tant de canola est que cela nous permet d’offrir une huile saine et polyvalente qui s’intègre aux cuisines de nombreuses cultures différentes. À l’avenir, il sera également possible de tirer davantage de valeur de la protéine contenue dans le canola. À l’heure actuelle, la protéine est destinée au bétail et nous cherchons des moyens de la rendre encore plus précieuse pour l’alimentation d’un plus grand nombre de variétés de bétail et de poissons.

Lorsque nous envisageons l’avenir et les résultats des recherches et des efforts que nous déployons en ce moment, nous voyons des occasions liées aux protéines végétales et à la possibilité d’extraire ces protéines de la graine de canola, de les transformer et de les incorporer dans l’alimentation humaine également.

Le canola contient essentiellement de l’huile et des protéines. L’huile est déjà très prisée pour l’alimentation et les biocarburants et la protéine constitue pour nous une occasion d’ajouter à l’avenir encore plus de valeur à ce produit.

M. Froese : J’aimerais ajouter dans le cas de la farine de canola, un sous-produit, que l’industrie laitière l’apprécie vraiment comme aliment, parce qu’elle permet de produire un litre de lait supplémentaire par vache et par jour lorsqu’elle est présente dans les rations. C’est important.

Le sénateur Mercer : Oui. C’est pourquoi nous posons des questions intéressantes.

Parmi les pays qui figurent sur la liste citée dans votre exposé, notre plus grand marché reste les États-Unis. Les grands marchés potentiels proviennent du Partenariat transpacifique, le PTP, n’est-ce pas? Il s’agit de marchés qui devraient en toute logique vouloir utiliser l’huile de canola, ce qui comprend le Japon, le Vietnam et en particulier l’Inde.

Nous avons accepté l’entente, tout comme nos partenaires. Est-ce la signature ou la mise en œuvre de l’entente qui nous empêche pour le moment d’en profiter?

M. Innes : C’est exact. Nous avons signé l’entente, mais tant que nous ne l’aurons pas soumise au Parlement, elle ne sera pas en vigueur. Comme Jack l’a souligné, l’entente entrera en vigueur lorsque six pays l’auront soumis à leur processus législatif. Nous devons la mettre en œuvre.

J’étais à Auckland lorsque nous avons signé cette entente il y a plus de deux ans. La signature est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant pour que nous puissions exporter davantage de produits à valeur ajoutée.

Le sénateur Mercer : L’une des choses qui permettent d’avancer dans cette ville, c’est que des gens comme vous nous disent combien d’emplois seront créés lorsque le Parlement aura finalement ratifié l’entente. Ce qui motive les députés et les sénateurs, c’est le nombre final d’emplois qui seraient créés et si nous savons où les emplois seront créés, c’est encore mieux. Pouvez-vous nous aider à cet égard? Qu’y a-t-il dans les rouages de cette entente qui entrera en vigueur lorsque la ratification aura lieu?

M. Innes : Je vais commencer puis je laisserai mes collègues vous donner quelques exemples.

Jack a souligné que nous estimons pouvoir exporter 780 millions de dollars de plus de produits à valeur ajoutée lorsque l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, le PTPGP, entrera en vigueur. Ces emplois se trouvent dans toute la chaîne de valeur, mais surtout dans le secteur de la transformation et cela concerne aussi tous les emplois soutenus directement et indirectement par les installations de transformation.

Je vais laisser Chris et Jack vous expliquer comment, lorsque nous augmentons les exportations, nous pouvons créer plus d’emplois.

M. Vervaet : Le PTP, et pour être plus précis, c’est sans doute le plus important d’ailleurs, l’accès au marché japonais qui est crucial pour l’huile de canola.

À titre d’anecdote, la Canadian Oilseed Processors Association a récemment changé de bureaux. Je vidais de vieux classeurs et je suis tombé sur un mémoire de maîtrise de 1978 qui parlait de l’importance de l’accès au marché japonais pour l’huile de canola. Des décennies plus tard, nous en sommes toujours au même débat. Cela simplement pour souligner l’importance que nous accordons à l’accès au marché japonais pour pouvoir atteindre notre objectif de 14 millions de tonnes d’ici 2025.

Nous espérons toujours pouvoir atteindre cet objectif. Comme je l’ai dit dans mon témoignage, nous avons des défis à relever. Parmi ces enjeux, il y a la capacité d’accéder à ces marchés importants dont le Japon fait partie. Il est essentiel de ratifier et de mettre en œuvre le PTPGP le plus tôt possible.

La présidente : Monsieur le sénateur Mercer, nous vous donnerons la parole au deuxième tour de questions et vous pourrez revenir sur ce point.

Le sénateur Mercer : Cela démontre, madame la présidente, la lenteur du gouvernement.

Le sénateur Oh : Bienvenue, messieurs. Tout ceci est très instructif sur la question des exportations.

Je pense que ce qui vous préoccupe le plus, ce sont les exportations, la recherche de nouveaux marchés émergents, peut-être dans la région Asie-Pacifique. Vous vous battez aussi pour les tarifs. Récemment, j’ai assisté à une conférence où l’on s’inquiétait du protectionnisme grandissant et de la hausse des tarifs douaniers entre les pays.

Comment envisagez-vous l’avenir? Croyez-vous qu’il y aura davantage de droits de douane — de nouveaux tarifs — qui auront une incidence sur vos exportations, à part celles vers le Sud?

M. Innes : Le monde d’aujourd’hui est très incertain — beaucoup plus qu’il y a cinq ans. La vision mise en avant par le gouvernement du Canada, selon laquelle nous pouvons tous prospérer grâce au commerce doit être constamment expliquée aux Canadiens et aux gens partout dans le monde, parce que nous assistons à un protectionnisme de la part des États-Unis. Le Royaume-Uni s’est aussi éloigné du libre-échange, avec le Brexit et nous avons vu que partout dans le monde les forces protectionnistes refont surface.

La prospérité de notre secteur, et la possibilité qu’a eue Jack d’exporter ses récoltes a été soutenue, selon nous, par la possibilité d’exporter en franchise de droits.

M. Vervaet : J’ajouterai que les droits de douane sont un élément important — la taxe sur les produits elle-même —, mais ce qui nous préoccupe davantage ce sont les barrières non tarifaires ainsi que le fait d’essayer de les gérer au niveau de notre secteur industriel. Ce sont probablement les principaux défis auxquels nous faisons face lorsque nous exportons sur le marché mondial.

M. Froese : Cela crée beaucoup de volatilité et d’instabilité. Nous avons besoin de stabilité. Chaque fois qu’il y a ce genre d’actions, des substitutions se produisent et les pays s’approvisionnent à différents endroits. Cela cause beaucoup de volatilité.

Le sénateur Oh : Diriez-vous que l’Australie est sans doute votre concurrent en ce qui concerne l’huile de canola? L’Australie est-elle le principal concurrent du Canada?

M. Vervaet : En ce qui concerne l’huile de canola, l’Australie est l’un des principaux acteurs.

Toutefois, lorsque nous étudions le marché mondial, nous considérons la place de l’huile végétale dans son ensemble. Nous sommes en concurrence avec d’autres producteurs de canola et d’autres fournisseurs d’huile à l’échelle mondiale, mais notre principal concurrent, je dirais, ce sont les huiles de palme et les huiles de soja du monde entier. Nous sommes en concurrence avec d’autres huiles végétales, pas seulement avec les autres producteurs d’huile de canola présents sur le marché.

Mme Scovil : Chris commençait à dire que nous voulons que nos gouvernements concluent des accords de libre-échange pour vraiment s’attaquer aux tarifs douaniers, mais aussi aux barrières non tarifaires. C’est essentiel. Ce sont celles qui semblent revenir régulièrement sur le tapis. Nous comptons sur notre gouvernement et sur les fonctionnaires pour nous aider à éliminer ces barrières non tarifaires. C’est un travail quotidien, de semaine en semaine, de mois en mois, que nous devons poursuivre. L’industrie et le gouvernement doivent travailler ensemble.

Le sénateur Oh : Savons-nous si l’Australie fait les mêmes choses que le Canada concernant les changements climatiques? Si nous allons trop loin en matière de changements climatiques, n’allons-nous pas perdre l’avantage si ce pays ne suit pas les mêmes étapes que nous?

M. Vervaet : C’est une excellente question et un très bon point. Je ne prétends pas être un expert des politiques mondiales sur les changements climatiques, mais s’agissant de la position de l’Australie, j’ai lu qu’il y avait eu à un moment donné une taxe sur le carbone. Cette disposition a été abrogée depuis. Nous sommes également en concurrence avec des pays comme les États-Unis, qui sont l’un des plus grands pays de broyage du soja au monde et dans lequel il n’y a pas non plus de taxe sur le carbone.

Encore une fois, nous sommes en concurrence sur le marché mondial, que ce soit avec un pays producteur de canola comme l’Australie ou un pays producteur de soja comme les États-Unis. Lorsque des politiques comme la taxe sur le carbone sont mises en place au Canada et pas dans les autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence, il est certain que nous le pensons.

M. Froese : En ce qui me concerne, il y a une usine de transformation qui se trouve à 40 kilomètres de mon exploitation agricole, au Canada et une autre à 100 kilomètres, aux États-Unis. S’il y a une taxe sur le carbone qui a une incidence sur l’industrie, une fois que le produit est dans le camion, qu’il faille faire 40 kilomètres ou 100 kilomètres, peu importe, mais si cela me permet de mettre 5 $ ou 10 $ de plus par tonne dans ma poche, devinez où ira ce produit.

Le sénateur Oh : Je sais que vous irez en Chine en novembre pour vendre plus d’huile de canola. Je vous souhaite bonne chance. J’espère que vous en vendrez davantage.

La sénatrice Gagné : Je me demandais s’il y avait suffisamment d’usines de transformation au Canada.

M. Vervaet : Je dirais que non. Ce serait formidable si nous pouvions en traiter davantage.

Je crois que c’est Jack qui a dit dans son exposé que la moitié du canola produit au Canada est transformé au Canada, puis vendu à l’étranger comme produit à valeur ajoutée. Notre objectif est d’atteindre la transformation de 14 millions de tonnes. Nous en sommes actuellement à environ 9 ou 10 millions de tonnes. Nous avons du chemin à faire et notre objectif est d’en faire davantage. Nous pensons que le Canada est un bon endroit où investir là et on y voit un certain développement des activités, mais nous avons besoin d’un cadre réglementaire adéquat pour pouvoir faire ces investissements.

La sénatrice Gagné : Dans quelle mesure l’accès à la main-d’œuvre représente-t-il un défi?

M. Vervaet : C’est une très bonne question. Elle est posée de temps à autre au conseil d’administration des membres de la Canadian Oilseed Processors Association. Évidemment, dans l’Ouest, lorsque le secteur des ressources tourne à plein régime, il est un peu difficile de maintenir suffisamment de main-d’œuvre dans les installations de transformation que nous exploitons.

Parfois, il peut être très difficile d’avoir accès à la main-d’œuvre, puis de conserver les emplois chez nous.

La sénatrice Gagné : Richardson Oilseed est membre de votre organisation. Le 4 avril, cette entreprise a annoncé un investissement de plus de 30 millions de dollars pour mettre sur pied un centre d’innovation au cœur du centre-ville de Winnipeg, où l’on trouve des technologies et de l’équipement de pointe pour la recherche et le développement de produits. C’est une excellente nouvelle pour le Manitoba et pour le Canada. Êtes-vous d’accord pour dire que cela témoigne de l’optimisme qui règne au sujet de l’industrie agricole de l’Ouest canadien et de son potentiel de croissance?

M. Vervaet : Oui, je pense que la construction du centre d’innovation est importante et témoigne de l’engagement de l’industrie envers le secteur des céréales et des oléagineux en général. En fait, je vois la construction de ce centre depuis la fenêtre de mon bureau. C’est très encourageant, chaque fois que je me retourne, de constater les progrès réalisés.

Je pense que l’innovation menant à la création de nouveaux produits afin de répondre aux demandes des consommateurs est un élément important du succès continu de toute notre chaîne de valeur. Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose. Mais encore une fois, il est encourageant de voir ce genre d’investissement et d’engagement envers le secteur.

M. Froese : Je suis d’accord, mais c’est une preuve supplémentaire que nous devons améliorer notre système de transport. Nous pourrions transporter les deux produits, mais ce n’est pas le cas. Une fois que vous avez le produit transformé, il doit être transporté. Il doit être transporté rapidement. Je pense également que nous devrons avoir une vision à long terme pour l’un ou l’autre des ports, nous assurer que les couloirs de transport sont en place et aussi regarder l’infrastructure. Nous sommes un pays exportateur. Quatre-vingt-dix pour cent de ce que nous produisons est exporté, qu’il s’agisse de céréales, de potasse, de produits forestiers, de pétrole ou de gaz et tout le monde cherche à emprunter les mêmes couloirs pour acheminer ses produits vers les marchés. Aujourd’hui cela n’a pas lieu dans de bonnes conditions. Nous devons corriger cela.

La sénatrice Gagné : Je lisais le bulletin publié par Financement agricole Canada, qui portait sur les perspectives du secteur canadien de la transformation des aliments pour 2018. Il a été publié en janvier. Dans ce bulletin d’information, il est écrit que les aliments transformés comme l’huile de canola, le bœuf, le porc, le chocolat et le pain constituent un point d’équilibre parfait pour les exportateurs canadiens. Les préparations alimentaires, une catégorie actuellement en croissance sur les marchés mondiaux, présentent également un potentiel. J’imagine que c’est en partie la raison pour laquelle Richardson Oilseed investira dans les préparations alimentaires dans ce centre d’innovation. Ai-je raison?

M. Vervaet : Je ne parlerai pas ici des raisons pour lesquelles Richardson a pris l’initiative de ce centre d’innovation alimentaire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. Innes.

J’aimerais revenir sur les droits de douane imposés par différents pays, dont vous nous avez parlé, et qui vous privent de revenus d’exportation de produits transformés.

Entre autres, si par exemple le marché de l’Australie abolissait des frais, j’imagine que vous devriez adopter une offensive pour contrer l’abolition des frais de l’Australie. Pouvez-vous évaluer combien pourrait coûter une offensive? Parce que les choses bougent continuellement, entre différentes ententes. Pouvez-vous évaluer combien cela pourrait coûter pour contrer l’Australie si elle abolissait les frais de douane?

M. Innes : Merci de votre question. Pour ce qui est de la question des frais de douane et combien cela nous coûte, nous avons un désavantage par rapport à d’autres pays.

[Traduction]

Le canola canadien est exporté surtout au Japon. L’Australie, autre grand exportateur de canola dans le monde, a la capacité d’accroître ses exportations d’huile de canola vers le Japon. Ce que nous risquons, c’est de perdre notre part actuelle de marché des exportations de graines de canola vers le Japon et la possibilité d’exporter davantage de produits à valeur ajoutée comme l’huile de canola.

Comme l’a indiqué M. Froese, nos exportations vers le Japon se chiffrent actuellement à environ 1,2 milliard de dollars. Lorsque l’Australie a l’avantage, comme c’est le cas maintenant, elle nous enlève une partie de notre marché d’exportation de graines de canola; nos exportations tombent donc sous la barre des 1,2 milliard de dollars plutôt que d’augmenter comme elles le devraient. Ses droits de douane diminuent avec le temps, et maintenant, l’Australie commence vraiment à pouvoir exporter de l’huile de canola vers le Japon. Nous commençons à peine à voir cette évolution. Plus le temps passe, plus les tarifs douaniers australiens diminuent et plus l’Australie érode nos exportations de semences et nous prive de la possibilité d’ajouter une valeur à nos exportations d’huile de canola.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci.

Monsieur Froese, quand on regarde ce qui se passe actuellement aux États-Unis, on voit les discussions sur l’ALENA, entre autres, et l’attitude protectionniste des États-Unis. Je lisais encore ce matin dans les journaux qu’ils considèrent de nouveau la fameuse « clause crépusculaire ». Autrement dit, les États-Unis pourraient mettre fin dans cinq ans à l’ALENA sans autre explication. Il faut aussi se rappeler que les propriétaires d’usines américaines reçoivent des avantages fiscaux — ils en ont toujours reçu — de la part de l’État américain.

Pouvez-vous nous parler un peu plus des prix que vous pouvez obtenir de chaque côté de la frontière? Il y a en effet une forte concurrence. Est-ce que vous avez envisagé où vous pourriez vous retrouver dans cinq ans, par exemple, si rien ne changeait?

[Traduction]

M. Froese : À l’heure actuelle, il y a très peu de différence. Il y a beaucoup de transparence. Je reçois quotidiennement des rapports sur les marchés américain et canadien. En ce qui concerne le prix du canola, il n’y a que quelques cents de différence. Si nous considérons le commerce avec les États-Unis et la consommation de tourteau de canola sur le marché américain des produits laitiers, s’ils nous fermaient ce marché, cela aurait un effet catastrophique sur nos usines de transformation. Une bonne partie du tourteau est destiné à ce marché.

Chaque fois qu’on observe une perturbation des échanges commerciaux entre ces deux pays, il y a tellement d’échanges pour tous les différents produits, notamment le marché des oléagineux. Je ne vois pas ce qui s’oppose vraiment au commerce entre nos deux pays.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai une dernière question. On sait que le dollar canadien fluctue beaucoup. Il était à 80 cents la semaine dernière, et maintenant il avoisine les 77 cents. Certains le voient même à 70 cents. Est-ce que cela influence vos marchés?

[Traduction]

M. Froese : Oui, certainement. C’est le cas actuellement, même avec un dollar à 80 cents. Aux États-Unis, beaucoup d’exploitations agricoles entament leurs fonds propres. Elles ne sont pas très rentables. C’est ce taux de change de 20 p. 100 qui contribue considérablement à notre rentabilité. Je suppose que si le dollar était à 70 cents, les produits américains que nous importons ou que nous consommons seraient bien inférieurs à ce que nous recevons pour nos produits. Un dollar faible est bon dans un sens pour les agriculteurs canadiens.

M. Vervaet : C’est une question de taux de change. C’est manifestement un facteur qui influe quotidiennement sur la compétitivité des prix. Pour ce qui est des facteurs fondamentaux qui inciteraient les transformateurs d’oléagineux à investir, ce n’est pas tant une question de taux de change. Les principaux facteurs que nous avons abordés dans notre témoignage sont le commerce, les obstacles réglementaires, qu’il s’agisse de la taxe sur le carbone ou d’autres choses, et le transport.

La sénatrice Petitclerc : Je voulais parler des travailleurs parce que nous avons entendu parler de l’accès à la main-d’œuvre et de la réglementation, mais vous avez abordé la question en partie.

Cette question n’est peut-être pas si fondamentale, certainement pas autant que les accords commerciaux ou la taxe sur le carbone, mais dans quelle mesure est-il important ou pertinent, sur le plan de la valeur ajoutée, de créer une marque canadienne pour le canola? Sommes-nous reconnus à l’échelle internationale? Est-ce que cela s’applique à ce genre de produit? Par exemple, certains produits présentent un avantage sur le marché parce qu’on dit : « Oh, vous savez, je veux ce produit canadien en raison de son image de marque ou de sa réputation. » Cela s’applique-t-il ou devrait-il s’appliquer?

M. Innes : Dans le secteur du canola, le Canada représente environ 70 p. 100 de tout le canola vendu dans le monde. Les deux tiers du canola qui traverse les frontières viennent du Canada. Le canola est déjà une marque canadienne. Il s’agit d’huile canadienne à faible teneur en acide. Les lettres « Can » font déjà partie de notre identité. Il s’agit de quelque chose que nous avons créé ici. Nous en sommes très fiers, et cela évoque le Canada dans le nom même.

Nous voyons qu’il y a des avantages à posséder un produit canadien et à l’appeler can-ola. Tout dépend de la façon dont nos clients veulent utiliser notre produit. Par exemple, dans les épiceries haut de gamme de Beijing ou de Shanghai, nous voyons des produits canadiens en bouteille sur les étagères à des prix très élevés. Nous voyons la même chose en Inde, où nous pouvons disposer d’un avantage.

Ce n’est pas pour toutes nos exportations, seulement pour certaines d’entre elles. Là où il y a des avantages, nos membres en tirent profit; ils envoient des produits en bouteille clairement identifiés comme provenant du Canada et sont à même de saisir ces avantages.

Le sénateur R. Black : Selon les renseignements fournis par Agriculture et Agroalimentaire Canada, le Canada produit une vaste gamme d’aliments fonctionnels et de produits de santé. Je crois comprendre que l’huile de canola à forte teneur en caroténoïdes est un aliment fonctionnel amélioré. D’autres produits du canola sont-ils considérés comme des aliments fonctionnels?

M. Innes : En ce qui concerne les attributs fonctionnels, le canola a été créé pour être un produit beaucoup plus fonctionnel. Lorsque nous sommes passés du colza au canola, nous en avons éliminé les composés non nutritionnels pour que l’huile soit bonne pour l’homme et que le tourteau soit bon pour le bétail.

Depuis cette innovation originale, de nombreuses autres innovations ont vu le jour. Par exemple, nous avons au Canada un programme pour une huile spécialisée très stable. C’est une huile extrêmement stable pour la friture et l’alimentation.

Nous assistons actuellement à l’introduction d’une huile à forte teneur en oméga-3 ou en ADH, qui peut servir à nourrir les poissons et offrir à l’homme une source durable d’ADH d’origine végétale. Nous constatons que nos innovations se poursuivent dans le canola pour créer ces attributs fonctionnels.

Qu’il s’agisse de la production de canola, d’huile à haute stabilité, d’huile riche en oméga-3 ou de la prochaine génération de protéines fonctionnelles, nous voyons de grands débouchés pour que ces innovations émergent.

M. Vervaet : Nous parlons souvent d’huile à propos du canola, à juste titre, mais je pense que mes collègues ont déjà indiqué qu’il ne faut pas oublier la farine. Il y a un potentiel important de production de farine, d’aliments pour animaux beaucoup plus fonctionnels pour les animaux, mais il est également possible d’utiliser la farine pour l’alimentation humaine.

Le sénateur R. Black : Si la situation était parfaite et que des accords commerciaux étaient mis en place demain, combien de temps faudrait-il pour produire et transformer la quantité supplémentaire nécessaire?

M. Vervaet : C’est une très bonne question. La chaîne de valeur correspond déjà bien à l’offre. Les producteurs cultivent le produit. La majorité des produits sont exportés sous forme de semences. Nous aimerions qu’il y ait davantage de transformation au Canada. Il existe un processus en plusieurs étapes pour construire une nouvelle installation de traitement ou même pour agrandir une installation existante.

Je ne sais pas exactement quels sont les délais, sénateur, mais cela prendrait certainement du temps. On n’accéderait pas du jour au lendemain aux marchés, mais cela constituerait certainement un incitatif important pour que les premiers investissements soient réalisés.

Le sénateur Marwah : Je vous remercie tous de vos exposés très instructifs. J’ai posé bon nombre de mes questions, mais permettez-moi de présenter les choses un peu différemment. Comme cette étude porte sur des produits agricoles à valeur ajoutée, quel pourcentage de vos ventes ou de vos profits serait consacré à la R-D? Pour ce qui est de créer des produits novateurs pour que nous ne soyons pas toujours à la merci du jeu des prix, mais plutôt que nous jouions le jeu en étant à la fine pointe de la créativité et en modifiant nos produits en fonction du marché et de ce que veut le marché plutôt que l’inverse, quel pourcentage serait consacré à la R-D? Sommes-nous à la hauteur du reste du monde en matière de recherche, de développement, d’innovation, de nouveaux produits, de nouvelles façons de faire?

M. Innes : Je vais commencer par le développement des cultures, et M. Vervaet pourra vous parler de la transformation. Si l’on prend la R-D et le canola, il ne s’agit pas seulement de transformation, mais de l’ensemble du secteur. Les producteurs investissent des dizaines de millions de dollars chaque année dans la recherche sur l’amélioration de la productivité de la production.

Nos créateurs de semences investissent plus de 100 millions de dollars par an pour rendre les semences plus résistantes au stress, qu’il s’agisse d’insectes, de maladies ou des conditions météorologiques. Lorsque nous examinons la façon dont nous pouvons investir dans la R-D, le nouveau défi réside dans ces supergrappes d’innovations en protéines dans lesquelles le secteur investit collectivement des centaines de millions de dollars pour nous permettre de produire des protéines végétales à partir des cultures des prairies, y compris le canola.

Il existe plusieurs niveaux d’investissement et de recherche-développement. M. Vervaet pourrait peut-être nous parler davantage des installations de transformation.

M. Vervaet : Je ne sais pas si je peux vous dire précisément quel pourcentage des recettes pourrait être consacré à la R-D. Pour revenir à ce qui a été dit plus tôt au sujet du centre d’innovation de Winnipeg, par exemple, bon nombre de mes membres disposent de leurs propres centres d’innovation pour investir et faire de la recherche-développement sur de nouveaux produits. Il faut continuer d’innover pour répondre à la demande des consommateurs, et je dirais que tous les membres en sont conscients et investissent. Je n’ai pas de pourcentage précis à donner.

Le sénateur Marwah : Diriez-vous que nous sommes concurrentiels sur le plan de l’innovation et de la R-D à l’échelle mondiale? En faisons-nous assez par rapport à l’Australie ou à d’autres producteurs ou transformateurs?

M. Innes : Lorsque je dis que nous représentons 70 p. 100 du commerce mondial du canola, c’est ici qu’il faut investir dans l’innovation pour ce produit. On ne peut pas compter sur des innovations réalisées ailleurs et les adapter ici. Si nous nous penchons sur les investissements que nous faisons dans le canola, nous constatons qu’ils doivent se poursuivre. Les investissements du programme de Supergrappe canadienne des innovations en protéines sont très utiles pour nous aider à suivre le rythme, mais nous ne pouvons pas compter sur les investissements passés. Nous avons créé le canola dans les années 1970, mais le monde change constamment et il faut donc continuer à investir. À l’heure actuelle, nous suivons le rythme, mais nous ne voyons pas d’augmentation des investissements dans la recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada, par exemple.

Selon le cadre stratégique actuel, nous y consacrons le même montant qu’il y a cinq ans, et nous savons tous que les coûts ne sont pas les mêmes qu’il y a cinq ans. En ce sens, nous prenons du retard, mais nous entrevoyons des possibilités grâce aux innovations en protéines au Canada.

M. Froese : Du côté des exploitations agricoles, l’amélioration génétique des semences, comme la résistance à l’éclatement des gousses de graines, m’a permis pour une seule transaction de gagner un ou deux boisseaux de plus par acre par la conservation des semences lorsque je récolte.

Je peux laisser la récolte mûrir complètement avant l’andainage, puis j’obtiens une meilleure qualité pour l’huile et la semence elle-même. C’est un filet de sécurité agricole, parce que mes employés n’ont pas à se lever au milieu de la nuit pour andainer le canola lorsqu’il y a de la rosée. Ils peuvent le faire le matin, ce qui améliore leur bien-être physique. Ce n’est là qu’une petite modification génétique.

Si je pousse cette petite modification un peu plus loin, la durabilité de mon exploitation est assurée. Par exemple, nous labourions auparavant la terre trois ou quatre fois avant de semer et de tout récolter. Maintenant, un seul passage dans un champ et la semence et l’engrais sont enfouis dans le sol. Nous économisons deux passages, et voyez l’empreinte carbone ainsi que les émissions de gaz à effet de serre que nous évitons.

Il y a tellement de choses qui reviennent à l’essentiel. Qu’il s’agisse d’une petite caractéristique ou d’une modification, il s’agit de recherche et de développement.

Le sénateur Doyle : J’ai une petite question. Vous avez dit que vous approvisionniez environ 70 p. 100 du marché mondial du canola. Qu’en est-il des États-Unis? Quelle est leur part du marché? Alimente-t-on surtout le marché local aux États-Unis?

M. Innes : Au Canada, nous excellons dans la culture du canola. Les États-Unis sont bons pour d’autres cultures et importent beaucoup de canola sur une base nette. Ils exportent beaucoup de produits comme le soja et le maïs, mais ils importent du canola. Leur marché est surtout à l’intérieur du pays, tandis que notre marché — excellent pour la culture du canola, avec des producteurs comme M. Froese, notre climat étant très bon pour le canola — est largement tourné vers l’exportation.

Le sénateur Doyle : Ils approvisionneraient leur marché local?

M. Innes : C’est exact. Seulement local.

La présidente : Notre temps est écoulé. Je remercie les sénatrices et les sénateurs de leurs questions, et tout particulièrement les quatre témoins. Excellentes présentations et excellentes réponses aux questions. Nous avons été très heureux de vous accueillir aujourd’hui.

M. Froese : J’aimerais ajouter une observation. Je tiens à remercier le Sénat pour le travail qu’il a fait sur le projet de loi C-49. C’est un travail bien fait.

La présidente : Merci.

Sénatrices, sénateurs, nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons la présidente et PDG de l’Association canadienne des importateurs et exportateurs, Mme Joy Nott, et, par vidéoconférence, d’Oakville, en Ontario, nous entendrons M. Keith Mussar, vice-président des affaires réglementaires.

Merci à tous deux d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Nous allons vous demander de faire votre exposé, et nous allons commencer par Mme Nott. Nous vous poserons ensuite des questions.

Vous avez la parole.

Joy Nott, présidente et chef de la direction, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Merci, madame la présidente, sénatrices et sénateurs. Tout d’abord, je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître ici aujourd’hui. L’Association canadienne des importateurs et exportateurs, aussi appelée I.E. Canada, a été fondée il y a 86 ans. La principale raison de sa création était probablement de s’opposer au protectionnisme américain. Quatre-vingt-six ans plus tard, voici où nous en sommes.

Nous avons un comité des aliments très actif à I.E. Canada. L’association représente, bien entendu, les importateurs et les exportateurs de tous les secteurs de l’industrie. Nous avons des membres du secteur pétrolier et gazier, des producteurs d’aliments, des fabricants, des détaillants et des distributeurs. Nous représentons des entreprises de transport et des fournisseurs de services aux importateurs et exportateurs. Comme l’a dit la présidente au début, Keith Mussar, vice-président des affaires réglementaires, est ici aujourd’hui. Notre association l’appelle couramment notre gourou de l’alimentation. Je vais demander à M. Mussar de répondre à toutes les questions techniques sur les aliments.

Après avoir examiné les questions énoncées dans les Journaux du Sénat du 15 février, M. Mussar et moi avons discuté avec certains de nos membres et conclu que nous devions soulever quelques points aujourd’hui.

Pour commencer, les personnes présentes dans la salle ne seront pas surprises du fait que le Canada jouit d’une excellente réputation mondiale pour tous les produits alimentaires. Nous sommes perçus comme un pays propre, sain, sûr et sensible aux questions phytosanitaires. Nous devons notre bonne réputation à la qualité supérieure de tous nos produits.

Je pense que beaucoup d’autres pays aimeraient jouir d’une telle réputation. Nous l’avons, et je pense que nous n’y accordons pas autant d’importance et que nous ne l’exploitons pas suffisamment. À certains égards, nous l’avons acquise depuis tant d’années, c’est peut-être pourquoi nous n’y prêtons pas aussi attention que nous le devrions.

I.E. Canada croit toutefois que certains aspects de notre cadre réglementaire empêchent les producteurs alimentaires canadiens de profiter pleinement de cette réputation, notamment d’attirer des investissements étrangers au Canada.

Je vais parler un instant des chaînes d’approvisionnement. L’endroit où les biens sont fabriqués dépend en fait d’un certain nombre de facteurs différents. C’est le cas lorsqu’on parle d’aliments ou de tout autre produit. Il y a le coût de la main-d’œuvre, l’importance des capacités, le contexte fiscal du pays, le cadre réglementaire global et, bien entendu, les infrastructures de transport. Si l’on envisage de produire quoi que ce soit, y compris des produits alimentaires à valeur ajoutée, les décideurs considèrent tout cela et déterminent à quel point un marché donné est attrayant pour les investisseurs étrangers.

Si le Canada veut vraiment être un chef de file dans ce domaine, nous disposons de tous les ingrédients nécessaires. Je vois le sénateur juste à ma gauche. C’est comme pour les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver : nous avions décidé qu’en tant que pays, le podium était à nous. Nous pourrions avoir une place beaucoup plus grande dans ce secteur si nous adoptions collectivement l’idée que c’est ce que nous voulons.

Nous l’avons fait récemment dans d’autres secteurs, comme ceux de l’informatique et des produits pharmaceutiques, dans une certaine mesure. Nous créons des supergrappes, et nous affirmons résolument que nous voulons être des chefs de file dans ces domaines, mais ce n’est pas tellement le cas dans le secteur alimentaire. Nous sommes assurément reconnus mondialement et nous sommes fiers de nos exploitations agricoles, mais qu’en est-il de l’intégration verticale, de la valeur ajoutée après les exploitations, qu’il s’agisse de la valeur ajoutée d’une culture ou des produits comestibles de cette culture?

Nous devrions examiner sérieusement certaines des politiques que nous avons mises en place par le passé pour déterminer si elles sont toujours dans l’intérêt des agriculteurs et des citoyens canadiens au XXIe siècle.

À certains égards, le Canada souffre d’un léger complexe d’infériorité. Dans de nombreux domaines, nous ne pensons pas que notre pays puisse être concurrentiel sur la scène mondiale lorsqu’il s’agit de certaines choses. À cause de cette crainte, nous revenons parfois à des politiques protectionnistes réfléchies.

Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que nous ne prétendons pas que le Canada doit renoncer à toutes les politiques susceptibles d’être considérées protectionnistes par d’autres pays, mais je pense que nous devons être stratégiques. Par le passé, nous avons adopté des mesures qui étaient nécessairement protectionnistes, mais qui nous semblaient nécessaires il y a à peine une dizaine d’années. Le climat mondial a cependant évolué, comme l’ont fait remarquer les témoins précédents, et une mesure qui nous a peut-être protégés il y a 10 ans pourrait bien nous nuire aujourd’hui.

Les chaînes d’approvisionnement sont un comme train qui passe : soit vous y accrochez votre wagon et vous faites route avec, soit vous restez sur le quai de la gare à le regarder passer en sifflant. Il existe certains critères comme la norme d’identité, le fait d’avoir des conteneurs d’une taille différente de ceux de nos principaux partenaires commerciaux — par le passé, par exemple, on croyait que le fait d’avoir des conteneurs d’une taille différente était une garantie d’emplois au Canada. On croyait que cela nous obligeait à les remplir et à exécuter ici certaines activités de la chaîne d’approvisionnement, pour la simple raison qu’ils n’étaient pas de la même taille que ceux des autres.

En ce début du XXIe siècle, nous devons tenir compte de la mondialisation et de la montée du protectionnisme en Europe, du Brexit au Royaume-Uni et de l’arrivée d’une nouvelle administration aux États-Unis. Il y a quand même des points positifs, comme l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, et il y a des pays qui veulent faire des affaires. Compte tenu de cette conjoncture et après avoir intégré tous ces facteurs au fameux tableur et avoir établi les coûts, il semble que le Canada — même si nous sommes un marché de 35 ou 36 millions de personnes — ne soit plus aussi attractif comme destination d’affaires à cause de petits obstacles commerciaux non tarifaires.

La récente mise en place de mesures de surveillance spéciales, comme je les appelle, incite certaines entreprises implantées ici à se demander si elles ont vraiment envie de continuer à exercer leurs activités ici. Ces dernières années, des usines ont fermé leurs portes. Les décideurs observent les tendances mondiales. Jetez un coup d’œil sur la liste des facteurs que je vous ai lue tout à l’heure : les décisions sont basées sur des facteurs comme l’impôt sur le revenu et le régime réglementaire.

À part la taille des conteneurs, j’ai un bon exemple de contexte réglementaire à vous donner et j’espère que cela vous aidera à comprendre ce que nous essayons de dire. Cet exemple n’a rien à voir avec la santé et la sécurité; ce n’est pas ce genre d’exigence réglementaire. Depuis 2012, il est difficile d’importer au Canada des arômes de viande, en raison des changements apportés à la réglementation. Keith pourra vous donner beaucoup de détails que moi à ce sujet. Depuis les modifications réglementaires de 2012, il est pratiquement impossible pour un producteur alimentaire canadien qui a besoin d’arômes de viande comme ingrédient d’en importer au Canada. La raison, pour simplifier à outrance, c’est que le Canada définit un « produit de viande » différemment des États-Unis. Chez nos voisins du Sud, tout produit contenant 30 p. 100 ou plus de viande est considéré comme un produit de viande. Au Canada, un produit de viande est tout ce qui contient 2 p. 100 ou plus de viande. L’écart est très grand entre les deux définitions. Lorsque des arômes de viande arrivent à la frontière, puisqu’ils sont considérés comme des produits de viande au Canada, c’est la réglementation canadienne sur la viande qui s’applique. En revanche, lorsque les mêmes arômes de viande arrivent à la frontière américaine, ils ne sont pas considérés comme un produit de viande et ne sont donc pas assujettis au même examen réglementaire.

Arrêtons-nous un instant à ce produit. L’arôme de viande est un ingrédient très courant dans une foule d’aliments transformés. Demandez-vous maintenant pourquoi nous avons adopté cette définition de « produit de viande ». Quelle que soit la raison, et peu importe depuis quand elle est en vigueur, est-elle toujours à notre avantage au XXIe siècle? Sommes-nous en train de nous tirer dans le pied en essayant de protéger nos emplois et nos produits alimentaires?

Bien entendu, je représente l’Association canadienne des importateurs et des exportateurs. Notre position officielle est que nous voulons vivement que le gouvernement canadien protège les emplois canadiens et les agriculteurs canadiens. Les importateurs canadiens sont des citoyens canadiens. Nous mangeons ici, nous envoyons nos enfants dans des écoles ici et nous travaillons ici. Cette économie a des répercussions directes sur nos familles. Nous voulons la prospérité des agriculteurs et des manufacturiers canadiens. Voilà le régime d’importation et d’exportation que nous souhaitons et nous sommes ici pour le défendre.

Je ne veux pas prendre trop de temps aujourd’hui, parce que nous aimerions passer aux questions. Je vais donc m’arrêter ici. Nous attendons vos questions et, avec votre permission, monsieur le président, je vais maintenant voir si Keith souhaite ajouter quelque chose.

Le président : Bien sûr.

Keith Mussar, vice-président, Affaires réglementaires, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Merci, Joy, et je remercie les sénateurs de m’avoir invité à participer à la discussion par vidéoconférence.

Je suis entièrement d’accord avec tout ce qu’a dit Joy au sujet des politiques et des différences réglementaires entre le Canada et nos partenaires commerciaux, non seulement les États-Unis, mais bien d’autres pays. De plus, l’une des questions posées au témoin précédent concernait la valeur de l’image de marque du Canada. Je suis d’accord avec les observations formulées précédemment, et auxquelles Joy a fait écho, à savoir que le Canada occupe une place enviable à bien des points de vue. Premièrement, nous avons un système exceptionnel et reconnu d’assurance de la salubrité des aliments. Nous y apportons des améliorations par le biais du projet de Règlement sur la salubrité des aliments au Canada qui, nous l’espérons, sera adopté au cours des prochains mois. Ce règlement facilitera notre accès aux marchés étrangers.

Nous sommes très fiers des dispositions que nous mettons en place par le biais du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada et nous voulons les protéger; certaines d’entre elles obligent les compagnies canadiennes à garantir la salubrité des produits qu’elles fabriquent, même s’ils sont destinés aux marchés d’exportation. En tant que pays, nous nous sommes engagés non seulement à protéger la santé des Canadiens, mais aussi celle des citoyens des pays avec lesquels nous commerçons.

Un élément central de cette démarche est notre marque canadienne. Il est très important que nous continuions de la soutenir et de la protéger.

Il y a aussi, et Joy en a glissé un mot, l’idée de pureté et d’environnement naturel, qui est associée au Canada.

Nous occupons une place exceptionnelle sur la planète, non seulement du point de vue climatique, mais parce que nos ancêtres et tous ceux qui nous ont précédés ont mis en valeur le magnifique environnement naturel du Canada qui fait l’envie de nombreux pays. C’est un atout que nous faisons souvent valoir quand nous faisons la promotion de nos produits alimentaires ici au Canada, mais aussi des produits que nous commercialisons dans le monde entier.

Nous pourrions certes modifier certains éléments de nos politiques et de nos programmes ici au Canada, mais il y a des choses que nous devons absolument continuer à protéger si nous voulons avoir accès aux marchés étrangers.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie, madame Nott et monsieur Mussar, de votre présence ici aujourd’hui. Il est très important pour nous de connaître votre opinion. Comme vous l’avez si bien dit, monsieur Mussar, le Canada jouit d’une excellente réputation depuis de très nombreuses années. Cette réputation n’est pas survenue tout d’un coup. Elle s’est bâtie graduellement. En tant qu’importateurs et exportateurs, avez-vous une relation avec les pays où vous exportez et avec les transformateurs? Je vais vous donner un exemple concret. Le groupe Boeuf canadien perce tranquillement en Chine. Comme les Chinois ne consomment pas le bœuf de la même façon que nous, ils ont accepté d’importer nos carcasses complètes et de les débiter selon sur leur mode de consommation. Y a-t-il d’autres exemples de pays où vous exportez qui obligent le Canada à s’adapter?

[Traduction]

Mme Nott : Je vous remercie pour cette question.

Keith, je ne sais pas si vous pouvez entendre la traduction, mais en gros, il a demandé s’il y a d’autres pays où nous pourrions exporter nos produits alimentaires afin qu’ils soient transformés là-bas, selon les goûts des gens du pays. Il a donné l’exemple du bœuf.

Personnellement, je ne suis pas au courant, parce que je m’occupe de toute la gamme de produits que nos membres exportent, de la machinerie aux produits destinés à la vente au détail. En ce qui concerne les exportations alimentaires, l’un des produits dont il est souvent question au Canada, par exemple, c’est la farine enrichie. Keith, je vais vous demander de donner plus d’explications. Je le répète, l’une des différences réglementaires que nous avons par rapport à d’autres pays, c’est la façon de définir certains de nos ingrédients. Au Canada, nous sommes parfois obligés de produire un aliment d’une certaine façon à cause de notre réglementation, mais pour revenir à votre question, d’autres pays n’ont peut-être pas la même exigence que nous, et cela nous place dans un dilemme.

Par exemple, si on parle de l’exportation de viande de bœuf, de porc ou autre, I.E. Canada siège au conseil d’administration de Bœuf canadien. Nous travaillons étroitement avec cette organisation. Ce sont les seuls produits alimentaires que je connaisse qui sont produits au Canada.

Je vais donc demander à Keith de vous répondre.

M. Mussar : Merci beaucoup pour cette question très pertinente. Permettez-moi de l’aborder sous différents angles.

Premièrement, si vous me permettez de faire une petite digression, j’aimerais d’abord vous expliquer comment fonctionne une multinationale. Je reviendrai ensuite à votre question pour parler des produits que vous avez mentionnés.

Aujourd’hui, certaines grandes multinationales ont des installations ici au Canada. Elles en ont probablement aux États-Unis, en Europe ou ailleurs dans le monde, en Australie par exemple. Ce sont les sociétés internationales qui décident où seront fabriqués les produits. Les produits sont fabriqués à un emplacement, dans une usine, et ils sont ensuite distribués dans le monde. L’époque où le coût du transport des biens d’un endroit à l’autre pesait lourd dans la décision des fabricants et déterminait le lieu de fabrication est bien révolue.

Aujourd’hui, une entreprise canadienne est en concurrence directe avec une entreprise américaine pour obtenir un contrat de fabrication d’un produit qui sera exporté dans le monde entier. Il faut très bien comprendre cela parce que, comme Joy y a fait allusion, lorsque nous commençons à tenir compte de facteurs comme les coûts de la main-d’œuvre, le coût de fabrication, le coût de l’énergie et le coût des biens, que nous devons assumer pour demeurer concurrentiels dans un environnement mondial géré en vertu de modèle d’affaires, nous devons être très concurrentiels par rapport à nos partenaires commerciaux internationaux et les usines de fabrication implantées dans ces pays, toutes catégories confondues, afin de pouvoir fabriquer des biens ici et les exporter aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.

Ces récentes années, nous avons constaté que certaines entreprises canadiennes ont du mal à soutenir la concurrence. Un grand nombre de multinationales ont fermé leurs installations canadiennes de fabrication et délocalisé les emplois aux États-Unis où les produits sont désormais fabriqués. Ces produits ont ensuite été exportés vers le Canada et d’autres marchés internationaux auxquels les entreprises canadiennes avaient auparavant accès.

C’est le premier aspect dont je voulais vous parler. Le deuxième porte plus précisément sur le bœuf et d’autres produits. Le Canada est bien placé et nous avons eu une politique agricole qui nous permettait de fabriquer des produits, de les exporter vers d’autres pays du monde qui investissent dans la main-d’œuvre et dans la production de biens à valeur ajoutée.

Si nous examinons les statistiques d’exportation de nos produits, nous constatons que depuis un certain temps, nos exportations de produits à valeur ajoutée se sont maintenues au même niveau ou sont en baisse. Nous sommes en train de devenir un importateur net de produits alimentaires transformés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne la fermeture des multinationales. On a vu ce que la compagnie Heinz a fait en Ontario. C’est un très bel exemple d’une compagnie qui ne mérite plus la confiance des Canadiens.

Je ne me gène pas pour le dire et je vais le répéter : ils ont trahi la confiance des Canadiens et ils se retournent pour nous vendre leurs produits au Canada. Il devrait y avoir une taxe spéciale sur les produits Heinz de 80 p. 100, comme M. Trump le propose pour les produits canadiens. Cela devrait régler le problème.

Vous êtes tout de même des ambassadeurs du Canada. Vous représentez des exportateurs et des importateurs. Vous êtes les personnes les mieux placées pour savoir exactement comment on peut accroître les exportations et diminuer les importations de nos produits de qualité A1, et pour guider les transformateurs. J’aimerais entendre votre point de vue à ce sujet, parce qu’il s’agit d’un secteur très important.

[Traduction]

Mme Nott : Je pense que cette question est au cœur de toute cette étude : que devons-nous faire, au XXIe siècle, pour protéger les emplois canadiens et tirer profit de tout ce que nous avons au bénéfice des Canadiens et pour mettre fin à l’exode dont parlait Keith? Pour revenir à ce que vous disiez, oui, Heinz a fermé ses portes. Campbell a fermé son installation d’Etobicoke et Kellogg est aussi en train de fermer une usine. C’est une tendance qui n’annonce rien de bon. Comment renverser la vapeur?

Comme je l’ai dit dans mon allocution d’ouverture, nous devons prendre du recul et nous demander pourquoi tout cela arrive. Keith a fait allusion à une foule de facteurs. Il a dit que les décisions étaient prises à l’international. Des centres de fabrication sont implantés dans la région qui satisfait le plus de critères sur la liste : coût de la main-d’œuvre, coût de l’énergie, cadre fiscal et infrastructure de transport.

Nous devons nous demander quels critères nous ne satisfaisons pas. Pourquoi ces sociétés ont-elles tendance à faire cela? Elles se sont implantées ici il y a des années et maintenant, elles trouvent que notre pays n’est plus attractif. Dans chaque cas, pour chaque décideur, les réponses varient sensiblement, mais la tendance est bien là. La tendance, c’est que nous adoptons une attitude protectionniste pour des choses qui nous font peut-être du tort maintenant. Nous devons nous demander s’il n’y a pas lieu de revoir cette attitude protectionniste dans ces niches particulières.

Keith, avez-vous des exemples à donner ou des commentaires à ajouter sur ce que nous pouvons faire pour augmenter le nombre d’emplois canadiens et mettre fin à cette tendance comme celle que nous avons vue chez Heinz?

M. Mussar : Merci beaucoup. C’est une question très complexe et la réponse comporte plusieurs volets. Je vais tenter de vous expliquer, d’après mon expérience, quelques-uns des facteurs qu’il est important de prendre en compte.

Premièrement, il est important de comprendre et d’évaluer les décisions qui sont prises, du moins dans le cas des multinationales, par des structures corporatives qui existent déjà à l’extérieur du Canada. Elles n’ont pas d’affinité particulière envers le Canada. Les décisions sont souvent prises par des gens qui se trouvent aux États-Unis ou en Europe. Il peut donc y avoir des facteurs en jeu dans l’administration de ces pays qui exigent le rapatriement des activités, comme c’est actuellement le cas avec l’administration américaine.

La conjoncture qui préside aux décisions dans le pays étranger intéresse directement le Canada. C’est un aspect que nous devons chercher à mieux comprendre.

Deuxièmement, nous devons comprendre quel est le coût de fabrication ici au Canada. Nous devons nous assurer que les entreprises canadiennes ont la capacité de soutenir la concurrence pour ce qui est du coût de fabrication. Il y a toute une gamme de facteurs dont il faut tenir compte pour mettre en place un modèle axé sur le coût de fabrication. Nous devons établir et évaluer d’une manière très honnête et critique quel est ce coût ici au Canada.

De plus, ce coût de fabrication influe sur l’ampleur de la production. Certaines entreprises canadiennes se sont engagées à exercer leurs activités ici au Canada, notamment certains de nos membres. L’un des facteurs dont elles sont bien conscientes, c’est l’échelle de production. Ces entreprises doivent atteindre un certain niveau de production si elles veulent être concurrentielles sur les marchés mondiaux. Nous devons comprendre à quoi ressemblent ces modèles.

Je vais vous donner un exemple tiré de mon expérience. Il y a plusieurs années, j’ai travaillé pour une entreprise brassicole. Nous étions très fiers d’avoir réussi, au fil des ans, à produire au Canada une énorme quantité d’une bière d’une excellente qualité qui plaisait aux Canadiens. Chez nos voisins du Sud, la compagnie mère américaine produisait évidemment en une semaine tout le volume produit par six brasseries canadiennes. Faut-il s’étonner que, dans ce secteur, la grande partie de la production ait déserté le Canada au profit des États-Unis ou d’autres pays.

Il est donc vraiment important que nous comprenions quel est le coût de production; nous devons comprendre sa dynamique et ses vulnérabilités.

Troisièmement, je reviens sur un point abordé par Joy dans son allocution d’ouverture, soit le contexte réglementaire dans lequel nous évoluons. L’exemple de l’arôme de viande est excellent, mais ce n’est pas le seul exemple qui montre à quel point, à cause du cadre réglementaire que nous avons ici, il est difficile, voire impossible, pour des entreprises canadiennes de se procurer les ingrédients dont elles ont besoin pour fabriquer les produits destinés aux marchés étrangers. Si elles ne peuvent se procurer ces ingrédients, les décideurs étrangers n’auront d’autre choix que de délocaliser la production du Canada vers d’autres endroits où ces ingrédients sont facilement disponibles. Les produits finis seront ensuite exportés vers le Canada pour répondre à la demande de notre marché.

L’un de nos membres a récemment agrandi une usine ici au Canada. L’entreprise envisage maintenant de faire affaire avec un fournisseur américain. En raison de notre cadre réglementaire, si elle décide de changer de fournisseur pour faire des économies, elle ne pourra plus obtenir cet ingrédient au Canada, alors que c’est justement ce qui l’avait incitée à agrandir son installation canadienne. Nous avons appris que cette entreprise délocalisera sa production aux États-Unis.

Le président : Nous devons poursuivre. Je suis désolé, nous sommes un peu à court de temps. D’autres sénateurs souhaitent poser des questions, mais vous nous avez donné des exemples fort intéressants.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie les témoins de leur présence. Vous travaillez dans un secteur complexe et difficile, et il le sera de plus en plus avec l’accord de l’ALENA. On parle maintenant d’accord symbolique et de la « clause crépusculaire », c’est-à-dire que les États-Unis pourraient mettre fin à l’ALENA d’ici cinq ans, ce qui est préoccupant.

Cela dit, en vous écoutant, je constate que la marque Canada est une bonne marque, mais qu’elle représente des coûts importants pour les producteurs et les transformateurs. Cela peut nuire à la concurrence de nos produits avec les Américains. Je crois qu’il faut aller chercher des investissements à l’étranger.

Y a-t-il des secteurs dont les perspectives semblent un peu plus positives, où on pourrait aller chercher des investisseurs étrangers, ce qui aiderait à rendre nos produits plus compétitifs? Lorsqu’on traverse la frontière, malheureusement, force est d’admettre que c’est parfois les coûts moins élevés qui attirent les consommateurs de l’autre côté de la frontière. Par exemple, le lait est beaucoup moins cher aux États-Unis, mais on nous dit qu’il est de moins bonne qualité. Pourtant, je n’ai pas vu d’Américain mourir après avoir bu du lait. Y a-t-il des secteurs en particulier où on peut aller chercher des investissements qui pourraient être positifs pour notre économie, nos importateurs et nos transformateurs?

[Traduction]

Mme Nott : Merci beaucoup pour cette question. Notre meilleure possibilité actuellement d’avoir le dessus sur les Américains, c’est l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, l’AECG. Je sais que l’une des raisons pour lesquelles les Européens voulaient conclure un accord de libre-échange avec le Canada, c’est notre accès privilégié au marché américain dans le cadre de l’ALENA.

Pour répondre à votre question en ce qui concerne la clause de temporisation de l’ALENA, à mon avis, si un accord de libre-échange de la taille et de l’envergure de l’ALENA comporte une telle clause, l’accord devient presque nul au moment de sa signature. Un délai de cinq ans ne suffit pas pour une entreprise qui envisage d’investir dans un créneau de cinq ans. Cela n’a aucun sens. Les entreprises se contenteront de dire : « Ce n’est pas vraiment du libre-échange. »

Compte tenu de l’occasion que nous offre l’Accord économique et commercial global, je pense que beaucoup d’entreprises européennes cherchent à s’implanter en Amérique du Nord, le prix étant le marché américain. Étant donné que nous avons cet accord de libre-échange, les possibilités sont énormes. En nous appuyant sur ce que Keith a dit, nous devons, comme pays, déterminer deux choses de façon stratégique : les ingrédients que nous considérons obligatoires à importer et que les plaques tournantes mondiales qui veulent établir des installations de fabrication veulent ces ingrédients. Quels sont les ingrédients qu’il faut importer et pourquoi ne pouvons-nous pas avoir une stratégie qui serait à l’opposé d’une barrière non tarifaire? Avoir un avantage à l’importation pour importer des ingrédients précis, ce qui encouragerait les investissements étrangers dont vous parlez.

Plus précisément, nous avons l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste. Il se peut que le Japon et d’autres économies fassent partie de cet accord commercial. Je sais que les Européens cherchent activement à tirer parti de l’Accord économique et commercial global pour pénétrer le marché américain. Je pense que si nous avions une stratégie relativement à ce que ces entreprises recherchent, à ce que nous pouvons faire pour rendre cela attrayant — je ne parle pas des impôts ou des sommes importantes consacrées aux infrastructures. Je parle d’établir des stratégies sur ce que ces fabricants mondiaux recherchent et de leur offrir cette possibilité.

Le sénateur Doyle : Vous avez parlé d’attirer des investissements étrangers au Canada. Comment vous y prenez-vous? Est-ce que votre organisation a des gens sur place à l’étranger, par exemple, pour chercher des débouchés et essayer d’attirer des investissements, de conclure des accords commerciaux, et cetera? Que fait le gouvernement du Canada pour vous aider à cet égard? Avez-vous avec le gouvernement un dialogue continu sur ces questions qui peut vous aider d’une manière ou d’une autre?

Mme Nott : Nous entretenons effectivement un dialogue continu avec le gouvernement par l’entremise de plusieurs ministères et organismes. Pour répondre brièvement à votre question, à savoir si nous avons ou non des gens en poste un peu partout dans le monde, non, nous n’en avons pas. Tout notre personnel est au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Service des délégués commerciaux du Canada lorsque des occasions précises se présentent. J’aimerais vous laisser sur une réflexion qui fait suite à nos comparutions précédentes devant différents comités sénatoriaux : nous parlons de commerce international comme s’il s’agissait d’un processus, car du point de vue des affaires, il s’agit d’un processus.

Cependant, au gouvernement du Canada, nous avons un ministre chargé des importations et un autre ministre chargé des exportations. Il s’agit de deux ministères distincts et de deux ministres distincts. Pourtant, nous parlons d’importer et d’exporter autour de la table comme s’il s’agissait de respirer, d’inhaler et d’expirer. Nous avons deux ministres distincts et nous n’avons pas nécessairement un accord commercial global.

Le ministre chargé des importations est M. Goodale, qui est responsable de l’ASFC, de la GRC, des prisons et d’autres portefeuilles. Bien entendu, le ministre chargé des exportations est le ministre du Commerce international et, lorsque l’on consulte la lettre de mandat et la structure traditionnelle d’Affaires mondiales, on constate que le ministre du Commerce international se concentre uniquement sur les exportations.

Le sénateur Doyle : Aurait-il été préférable de tout avoir sous une seule entité?

Mme Nott : Absolument. Je pense que c’est l’un des points que nous essayons de faire valoir ici aujourd’hui. Si nous voulons attirer des investissements étrangers, nous devons être clairs quant aux ingrédients, aux pièces dont les fabricants mondiaux ont besoin pour dire : « Le Canada est un bon endroit. »

Premièrement, notre devise est plus faible que la devise américaine, qui est la monnaie du monde. Si nous avions une stratégie et disions que nous allons chercher précisément à essayer d’attirer certains types de processus de fabrication et ensuite déterminer, d’un point de vue alimentaire — parce que c’est ce dont nous parlons ici aujourd’hui — ce dont on a besoin. Je vais prendre l’exemple de l’aromatisation de la viande. Si nous causons des brûlements d’estomac à cause de cette aromatisation de la viande, sans vouloir faire de jeu de mots, alors pourquoi ne pouvons-nous pas envisager la chose sous un angle différent, modifier les règlements et ensuite nous concentrer activement sur une politique commerciale internationale par laquelle nous voulons permettre l’importation d’arômes pour la viande, parce que cela engendrera des investissements étrangers, de la fabrication et des emplois liés à la production au Canada pour exporter les aliments?

Il s’agit de réfléchir à la façon dont nous devons permettre des importations afin que des emplois dans le secteur de la fabrication puissent être créés ici et pour que nous puissions exporter. Il faudrait une vision coordonnée et, à l’heure actuelle, nous avons deux ministres.

Le sénateur Doyle : Faisons-nous des progrès au chapitre de l’exportation d’un plus grand nombre d’aliments transformés? Estimez-vous que nous ne faisons absolument pas de progrès? N’y a-t-il pas une croissance?

Mme Nott : Il n’y a pas de croissance et, de fait, certaines des mesures que nous avons mises en place sont des irritants pour les investissements étrangers. D’après nous, certaines d’entre elles doivent être examinées. Si elles sont des irritants pour les investissements étrangers — peu importe le courant protectionniste qu’il y avait lorsque nous avons pris ces règlements et que nous avons fait cette pondération —, qu’est-ce qui est mieux pour le Canada? S’agit-il de l’avoir comme irritant pour les investissements étrangers, mais nous en avons besoin parce que c’est un plus grand avantage pour le protectionnisme, ou devrions-nous l’éliminer et attirer les investissements étrangers? Je ne pense pas que ce genre d’examen soit fait de façon active. Soit dit en passant, cela ne vaut pas uniquement pour les aliments.

Le sénateur Doyle : Le gouvernement ne le fait pas activement.

Mme Nott : Il ne le fait pas pour tous les produits.

Le sénateur Doyle : Le gouvernement est au courant de tout cela. J’imagine que vous en avez parlé au gouvernement.

Mme Nott : Certains croient toujours que les importations sont mauvaises et que les exportations sont bonnes. Pourtant, au XXIe siècle, il faut importer pour produire ce que vous produisez de façon à pouvoir exporter. Il s’agit d’un processus.

Le sénateur Doyle : C’est dommage.

Le sénateur Oh : J’ai une brève question complémentaire. Parlant de la faiblesse du dollar depuis deux ans et demi, les exportateurs en ont-ils profité? Avez-vous constaté une augmentation des exportations?

Mme Nott : Dans certains secteurs, les exportations ont augmenté, mais il faut le faire ici pour que les gens achètent ici. Le fait que notre monnaie soit faible n’aide que les fabricants qui sont ici. Cela n’aide pas nécessairement les investissements étrangers. Si vous envisagez d’établir une usine parce que le dollar est faible de façon à pouvoir produire des biens à moindre coût, façon de parler. En revanche, si vous ne pouvez pas obtenir vos ingrédients en raison d’une barrière non tarifaire, la faiblesse du dollar n’aide pas.

Le sénateur Oh : Les exportations de devises? Est-ce qu’elles augmentent à cause de la faiblesse du dollar canadien?

Mme Nott : Je dirais que c’est peut-être pour des entreprises très précises, mais globalement, c’est stable, parce que vous devez fabriquer ici avant de pouvoir exporter.

La présidente : Je vais demander des réponses plus brèves, concises. Ces renseignements sont excellents, mais nous n’entendrons pas tout le monde.

Le sénateur Marwah : Je pense qu’il est juste de dire que nous convenons tous que le libre-échange est impératif, surtout pour le Canada, dans le contexte de la mondialisation. Le protectionnisme est un aspect bien en évidence.

Nous avons conclu de nombreux accords de libre-échange. Laissons de côté l’AECG et l’ALENA. L’AECG est trop nouveau et l’ALENA est unique. Prenez les autres accords que nous avons conclus, comme ceux avec la Corée, le Pérou et la Colombie. Si l’on regarde le bilan depuis la signature des autres accords, les autres pays semblent en avoir profité plus que nous.

Oui, nos exportations ont augmenté, mais les importations en provenance de ces pays ont augmenté considérablement dans certains cas. Qu’est-ce qui bloque nos exportations? Est-ce parce que nous sommes trop timides? Est-ce que ce sont les barrières non tarifaires? Qu’est-ce qui fait que nous sommes moins agressifs dans nos attaques contre ces marchés par rapport aux importateurs qui semblent attaquer les nôtres?

Mme Nott : Je pense que vous avez visé juste. Pour beaucoup de petites et moyennes entreprises, quand nous parlons d’aller à l’étranger pour exporter ailleurs qu’aux États-Unis, il existe un facteur d’intimidation.

Si vous regardez les statistiques sur le tourisme au Canada et les endroits où les Canadiens vont en vacances, vous constaterez que ce sont ces pays, pour la plupart, où nous sommes à l’aise d’exporter. Si vous avez l’impression de connaître le marché et la culture et que vous avez au moins quelques contacts dans ces pays, vous vous sentirez plus à l’aise d’y exporter. C’est en partie une question de timidité.

Toutefois, il s’agit en grande partie de barrières non tarifaires. Nous collaborons avec Affaires mondiales pour recenser les produits et essayer de les faire retirer de la liste dans le pays étranger qui empêche nos exportations. Encore une fois, et je n’aime pas avoir l’air de me répéter, vous devez les faire ici avant d’exporter. Pour y arriver, il faut attirer les investissements étrangers de façon à accroître le nombre de produits à exporter, à part, le bœuf, le porc et certains des produits pour lesquels nous sommes très réputés au niveau des exportations. Si nous voulons augmenter les exportations, il nous faut un plus gros panier de biens que nous pouvons exporter, ce qui signifie attirer des investissements étrangers.

[Français]

La sénatrice Gagné : Vous avez indiqué que le marché changeait rapidement et que les politiques publiques n’ont pas été modernisées pour refléter ces changements.

Je vais mettre mes lunettes de consommatrice. Je constate, en tant que consommatrice, que je vais pouvoir acheter des aliments en ligne de plus en plus. On sait qu’Amazon a récemment acheté Whole Foods, que Sobeys a aussi annoncé des investissements pour lancer un service d’achat en ligne et que Loblaws va investir dans un service de livraison à domicile. Inévitablement, il y aura une concurrence des prix.

Comment le changement du marché dans le domaine du secteur de la transformation des produits alimentaires va-t-il répondre à cette globalisation des produits alimentaires en ligne, et comment est-ce que cela peut influer sur les importations et les exportations au Canada?

[Traduction]

Mme Nott : Merci de votre question, sénatrice Gagné. Vous avez probablement mis le doigt sur le principal risque pour la santé et la sécurité.

La question, Keith, porte sur le magasinage en ligne, le cybercommerce et les guerres de prix, parce que la tendance est certainement au cybercommerce.

Il y a certainement un risque, car vous avez raison. Je vais utiliser une bouteille de ketchup Heinz, parce qu’un sénateur a utilisé cet exemple un peu plus tôt. Si vous connaissez le ketchup Heinz comme produit et que vous pouvez l’acheter en ligne à 75 cents moins cher qu’ailleurs, vous savez ce que vous achetez. Il va arriver par la poste ou messagerie et ce sera du ketchup Heinz.

Cela rejoint ce que Keith disait tout à l’heure. C’est la nature de la mondialisation. Vous avez mentionné qu’Amazon avait acheté Whole Foods. Walmart se tourne également vers l’épicerie en ligne et c’est un géant. Ces choses deviennent de véritables denrées. Les aliments transformés deviennent des denrées, ce qui peut entraîner des problèmes de santé, de salubrité et de sécurité. Si le produit est fabriqué ailleurs, puis envoyé par la poste, il se peut qu’il n’y ait pas beaucoup de freins et de contrepoids pour s’assurer que ce qui entre au Canada est sécuritaire. Les inspections qui ont lieu à la frontière ne se font pas au bureau de poste lorsqu’il s’agit d’une bouteille de ketchup dans une boîte. Il y a donc un risque.

Cela fait partie de la possibilité. Une partie de cette possibilité consiste à se demander pourquoi nous ne pouvons pas être perçus comme dans le cas du programme « À nous le podium » et dire que nous pouvons non seulement être les fabricants, éventuellement, mais aussi les centres de distribution pour l’Amérique du Nord. Si vous regardez où nous sommes situés sur la planète, du point de vue logistique, nous avons Prince Rupert comme port en eau profonde. Il est plus rapide de passer par le pôle Nord que par le centre. Il y a beaucoup de choses en notre faveur par rapport à notre situation géographique et à notre infrastructure.

Cela fait partie de l’occasion que nous avons de s’accaparer d’une partie du cybercommerce. Nous devons décider stratégiquement ce que nous voulons. Voulons-nous être des fabricants? Voulons-nous être des distributeurs? Voulons-nous être la plaque tournante en matière de logistique? Que voulons-nous? Nous concentrer et nous consacrer à l’atteinte de notre objectif.

Je suis désolée, Keith, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Mussar : Je serai bref et je vous laisserai sur quelques réflexions. Tout d’abord, pour revenir à ce que disait la sénatrice Gagné, nous allons assister à une plus grande centralisation et à une plus grande distribution mondiale des produits alimentaires — une plus grande fabrication dans des endroits centralisés.

Il y a aussi une possibilité, si nous en tirons parti, qui aidera les petites et moyennes entreprises au Canada. Non seulement les fabricants étrangers ont-ils la possibilité de vendre leurs produits sur le marché canadien, mais aussi grâce à la mondialisation et aux ventes sur Internet, les entreprises canadiennes ont une plus grande possibilité et facilité de vendre leurs produits sur le marché international. Je suis certain qu’il y a du travail à faire pour aider les entreprises canadiennes à comprendre comment mieux le faire et leur fournir les bons outils.

La sénatrice Petitclerc : Je vais essayer de formuler ma question de façon à m’assurer de vous donner l’occasion de répondre, mais la réponse pourrait être très longue. Vous avez mentionné à quelques reprises le podium, ce qui m’interpelle beaucoup.

Ce que j’entends, c’est la première fois que nous l’entendons de cette façon. Il ne s’agit pas uniquement d’accords commerciaux, de transport ou d’infrastructure; il s’agit vraiment d’un grand changement ou virage dans la philosophie commerciale, la culture de la concurrence et la mentalité. Cela ressemble beaucoup à ce qui s’est passé à Vancouver lorsque nous avons accueilli les Jeux olympiques. Il s’agissait du programme « À nous le podium ». Tout à coup, tous les intervenants, les entraîneurs comme les athlètes, ont décidé que nous ne pouvions pas seulement être bons, mais que nous pouvions être excellents et remporter des médailles. C’est ce dont vous parlez.

Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps et que la conversation pourrait être longue, mais est-ce une chose à laquelle les intervenants adhèrent? Êtes-vous isolés dans cette conversation? Est-ce en train de se produire?

Mme Nott : En un mot, nous devons cibler nos efforts. Pour beaucoup de petites et moyennes entreprises au Canada — si je reprends ce que disait la sénatrice Gagné —, le cybercommerce est une réalité et il est très difficile de se concentrer sur quelque chose qui fait un mille de largeur sur dix milles de hauteur. Comment vous concentrez-vous sur quelque chose du genre?

Le gouvernement canadien pourrait vraiment aider en communiquant avec ces intervenants et en choisissant certaines choses, parce que les gens veulent quelque chose sur quoi se concentrer. Si nous, comme pays, pouvons nous unir; mettre en place cette stratégie et leur donner quelque chose sur quoi se concentrer, comme « À nous le podium », je pense que vous verrez beaucoup de ces petites et moyennes entreprises se diriger vers cet objectif, parce que c’est ce qu’elles recherchent.

Nous vivons dans un monde effrayant. Les choses changent tellement vite que s’il y a un objectif à atteindre, elles y adhéreraient. J’en suis convaincue.

La présidente : Merci. J’ai une brève question : quelles sont les principales mesures que le gouvernement peut prendre pour éliminer les barrières non tarifaires?

Mme Nott : Keith, voulez-vous répondre à cette question, ou voulez-vous que je le fasse?

M. Mussar : Je serais très heureux d’y répondre.

Tout d’abord, nous avons collaboré avec divers ministères pour éliminer certaines barrières non tarifaires. Si nous nous engageons très sérieusement, et cet engagement doit être pris par notre gouvernement, à éliminer les barrières non tarifaires, nous le ferons et il sera plus facile pour les entreprises canadiennes d’obtenir les ingrédients dont elles ont besoin pour fabriquer des biens ici, au Canada. Voilà pour le premier point.

Ensuite, nous avons une occasion concrète en ce moment, et ce, depuis plusieurs années, c’est-à-dire le Conseil de coopération en matière de réglementation. Il s’agit d’une tribune qui réunit le Canada et les États-Unis. Nous avons pu faire des progrès, mais pas autant que l’industrie le souhaiterait. Nous devons maintenir notre engagement envers cette tribune. De plus, au moment où nous explorons les possibilités commerciales avec des pays comme l’Union européenne, nous devons créer des tribunes semblables qui nous permettront d’éliminer les barrières commerciales entre nos deux pays à mesure que nous progressons dans la négociation de ces accords commerciaux.

Mme Nott : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, Affaires mondiales tient une feuille de calcul des barrières non tarifaires qui existent dans d’autres pays. Si nous faisions le même exercice et le tournions vers nous-mêmes, établir une feuille de calcul, parler aux intervenants et apprendre des décideurs qui ne construisent pas d’usines ici quelles sont les barrières non tarifaires ici qui vous empêchent de prendre de l’expansion et d’investir à l’étranger, chez nous, nous pouvons dresser cet inventaire et nous demander : « En avons-nous toujours besoin? Faudrait-il le modifier, l’élargir, le supprimer? »

Nous n’avons pas vraiment cet inventaire en ce moment. Nous avons l’inventaire de ce que nous envoyons à l’étranger, mais nous ne nous concentrons pas sur nous-mêmes. Voilà un exemple concret de ce que nous devons faire pour nous attaquer aux barrières non tarifaires. Premièrement, nous devons les recenser.

La présidente : Voilà une excellente réponse à ma question. Je vous en remercie. Nous avons une demande pour une question au deuxième tour.

Le sénateur Doyle : Vous avez parlé d’une plus grande centralisation de la distribution alimentaire et de ce genre de choses. Quelle incidence cela a-t-il sur les prix pour un consommateur? Est-ce que cela entraîne une hausse ou une baisse des prix pour le consommateur plus vous centralisez la distribution, et cetera? Quelle sera l’incidence sur mon portefeuille?

Mme Nott : De manière générale, lorsque les choses sont centralisées, on obtient des gains d’efficacité qui surpassent le coût du transport. Lorsque vous pouvez centraliser des plaques tournantes de distribution, et c’est la raison pour laquelle vous en voyez autant aujourd’hui, cela réduit les coûts. Ensuite, bien sûr, selon la nature du produit, s’ils peuvent maintenir le prix élevé, ils augmentent la rentabilité.

À l’heure actuelle, à l’échelle mondiale, les choses deviennent une marchandise et, comme l’a dit la sénatrice Gagné, les guerres de prix commencent à éclater à cause du cybercommerce, tendance qui va se poursuivre. Cela ne va pas ralentir de sitôt. Je peux très rapidement comparer le prix de deux produits en faisant une recherche sur Google. Je peux vous dire qu’ils sont vendus ici à tel prix et à un autre endroit pour tel prix. On peut obtenir ces renseignements instantanément.

En centralisant, cela donnera en effet l’occasion de réduire le coût pour le consommateur. Mais nous sommes en quelque sorte au milieu d’une transition en ce moment. Ce que je viens de dire n’est pas toujours vrai. Si j’ai l’habitude de payer 3,29 $ pour un produit donné qui comporte une importante marge bénéficiaire, ces marges commencent à diminuer, parce que le cybercommerce commence à avoir cette incidence. J’espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Doyle : Oui.

La présidente : J’aimerais remercier les témoins d’être venus aujourd’hui. La discussion a été très intéressante, comme vous pouvez le constater à la lumière des questions qui ont été posées.

(La séance est levée.)

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