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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour poursuivre son étude sur les effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[français]

Le président: Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[traduction]

Je suis le sénateur Ghislain Maltais du Québec, je suis président du comité. J’aimerais tout d’abord demander aux honorables sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Mercer: Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Beyak: Lynn Beyak, de l’Ontario.

 [français]

Le sénateur Boisvenu: Sénateur Boisvenu, du Québec.

[traduction]

La sénatrice Tardif: Claudette Tardif, de l’Alberta.

Le sénateur Woo: Sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Bernard: Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

 [français]

La sénatrice Petitclerc: Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Pratte: André Pratte, du Québec.

[traduction]

Le sénateur McIntyre: Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ogilvie: Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

 [français]

Le président: Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. Je souhaite la bienvenue à nos témoins ce matin.

[traduction]

Nous avons M. Cam Dahl de Cereals Canada et M. Phil de Kemp du Conseil de l’orge du Canada.

Monsieur Dahl, je vous invite à faire votre exposé.

Cam Dahl, président, Cereals Canada: Au nom de Cereals Canada, je tiens à remercier le comité permanent de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui. Je m’appelle Cam Dahl, et je suis président de Cereals Canada, une organisation de la chaîne de valeur qui inclut des agriculteurs, des entreprises de développement de semences et de cultures, des transporteurs, des exportateurs et des entreprises de transformation. Notre conseil d’administration comprend d’ailleurs des représentants de chacun de ces groupes de partout au pays.

J’aimerais tout d’abord parler de la contribution de l’agriculture. Le mémoire que vous avez reçu explique plus en détail les progrès réalisés au cours des dernières décennies sur le plan de la durabilité de l’agriculture. Pour moi, la durabilité signifie cultiver des aliments d’une manière qui donne un bon moyen de subsistance aux agriculteurs et qui laisse les terres et l’eau en meilleur état pour les agriculteurs qui nous succéderont.

C’est justement ce que les agriculteurs canadiens font. Depuis 20 ans, le carburant nécessaire pour produire une tonne de blé a diminué de 39 p. 100, et les agriculteurs produisent plus de céréales par hectare. C’est incroyable, en particulier à une époque où les gouvernements dans le monde cherchent à adopter des politiques pour réduire la consommation d’énergie.

Chaque année, les agriculteurs canadiens augmentent la matière organique du sol. Chaque augmentation de la matière organique du sol se traduit par une augmentation du carbone séquestré. Les agriculteurs contribuent à la séquestration du carbone tout en améliorant la santé du sol, et ils le font sans y avoir été forcés par une mesure réglementaire. Quelle quantité de gaz carbonique le secteur des cultures du Canada séquestre-t-il dans le sol? Si une tonne de CO2 veut 15 $, cela représente un peu moins de 1 milliard de dollars.

Le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire compte parmi les principaux secteurs qui contribuent à la croissance des exportations canadiennes et à notre PIB. Le Comité consultatif sur l’économie du ministre des Finances l’a par ailleurs désigné comme l’un des secteurs canadiens susceptibles de favoriser la croissance et le développement économiques du Canada. Si les agriculteurs canadiens sont désavantagés sur le plan de la concurrence par rapport à d’autres grands exportateurs, nous ne pourrons pas tirer profit de ce potentiel de croissance.

Les producteurs et les exportateurs de céréales canadiens font face à une féroce concurrence à l’échelle mondiale. Une hausse élevée du coût de la production canadienne rendrait cette activité non viable pour beaucoup d’entre eux. La hausse des coûts et la baisse des revenus pourraient contraindre des producteurs à envisager d’autres activités et d’autres cultures favorisant peut-être moins la durabilité environnementale que les pratiques agricoles modernes. Dans un pareil cas, la mise en œuvre de politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre pourrait avoir l’effet contraire.

Il importe que les décideurs politiques comprennent bien les pratiques agricoles modernes et les raisons pour lesquelles les agriculteurs les utilisent; cette compréhension ne peut être acquise que dans le cadre d’une étroite collaboration et d’une concertation avec l’industrie.

J’aimerais souligner brièvement ce que les gouvernements peuvent faire. Ils peuvent aider activement le secteur à réaliser son potentiel en fournissant des services d’éducation, de vulgarisation, de même que des incitations financières visant à réduire les obstacles à l’adoption des pratiques agricoles les plus prometteuses.

Cereals Canada a six principes directeurs. C’est en collaborant que nous pourrons élaborer des politiques qui sont garantes d’un avenir prospère, axées sur les résultats et fondées sur des données scientifiques fiables; des politiques qui sont réactives au marché; des politiques qui sont viables économiquement, ce qui est essentiel; des politiques qui reconnaissent l’importante contribution déjà apportée par le secteur des cultures aux efforts de réduction des gaz à effet de serre et de développement durable à l’aide de pratiques agricoles modernes; des politiques qui sont d’envergure nationale et des politiques qui soutiennent les efforts de communication destinés au grand public afin d’éclairer la discussion sur le dossier de la très forte durabilité de l’agriculture moderne.

Que cela signifie-t-il en pratique? Qu’est-ce que les gouvernements peuvent faire? Ils peuvent investir pour surmonter les obstacles à l’adoption de pratiques exemplaires en matière de gestion fondée sur les 4B, soit le bon produit, la bonne dose, le bon moment et le bon endroit. Ils peuvent encourager l’adoption de systèmes de fluide d’échappement diesel, faciliter l’adoption accrue d’outils de précision, comme la commande sectionnelle sur les unités d’ensemencement et de plantation, et investir dans des sondes de sol et à eau afin d’accroître l’efficacité de l’irrigation et de réduire la consommation d’énergie.

Ce ne sont que des exemples, mais toutes ces suggestions stratégiques ont une chose en commun: elles visent à améliorer la compétitivité de l’agriculture canadienne, tout en augmentant l’apport du secteur des cultures au développement durable du Canada.

Bien souvent, l’amélioration de la durabilité va de pair avec l’amélioration de la rentabilité. En pareil cas, la modification des pratiques de production se traduit par une situation gagnante à tous points de vue, parce que cela favorise l’atteinte des objectifs du gouvernement et améliore la compétitivité des producteurs.

J’ai hâte de répondre à vos questions. Le mémoire que vous avez contient de plus amples renseignements.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur de Kemp, allez-y.

Phil de Kemp, directeur exécutif, Conseil de l’orge du Canada: Je remercie les membres du comité. Je sais que certains d’entre vous me connaissent et sont des membres de longue date du comité, mais je rappelle que le Conseil de l’orge est une organisation nationale qui regroupe toutes les commissions de producteurs d’orge de la Colombie-Britannique à l’Île-du-Prince-Édouard ainsi qu’une bonne partie de la chaîne à valeur ajoutée du secteur. L’industrie brassicole, qui est le deuxième plus important exportateur de malt dans le monde, est membre du Conseil. Les membres de Bière Canada représentent 85 p. 100 de la bière produite et vendue au Canada, et cet organisme appuie grandement le conseil et est un membre très influent au conseil d’administration. Notre conseil inclut également des chercheurs et des entreprises de semences et de développement de semences. Pour faire le point sur la situation, notre conseil d’administration se compose de 14 personnes: 7 représentants de groupes de producteurs et 7 représentants de l’industrie.

En ce qui concerne les changements climatiques, les questions que nous a fait parvenir le greffier portaient sur les possibilités, les répercussions et le rôle possible des gouvernements en ce qui concerne ce qu’ils peuvent faire pour aider le secteur agricole à prendre des mesures nécessaires pour atténuer les effets des changements climatiques et réduire les émissions de gaz carbonique et de gaz à effet de serre.

En ce qui a trait aux possibilités, l’agriculture est très sensible aux changements climatiques. C’est le secteur le plus vulnérable aux risques et aux répercussions des changements planétaires quant à l’imprévisibilité des conditions et aux phénomènes météorologiques extrêmes. En raison des risques connexes, il est nécessaire d’avoir un solide cadre de gestion des risques qui assurera la protection et la viabilité financières des exploitations agricoles dans l’avenir, en particulier pour les nouveaux agriculteurs. Si nous connaissons des conditions météorologiques difficiles, c’est d’autant plus important dans leur cas, parce qu’ils n’ont pas les moyens ou les ressources qu’ont à leur disposition certains agriculteurs de longue date qui ont mis de l’argent de côté en prévision des mauvais jours.

Une plus grande diversité en matière de type de champ et un prolongement des saisons de croissance sont des possibilités, mais cela ne compense certainement pas les répercussions d’une plus grande imprévisibilité des évènements météorologiques.

Par contre, les terres agricoles continuent de représenter un moyen de contribuer à atténuer régionalement les changements climatiques. Les progrès que nous avons réalisés au fil des décennies en ce qui concerne les pratiques de gestion des terres, comme le travail de conservation du sol, la réduction des pratiques de jachère d’été, un échantillonnage accru des sols, l’adoption de l’agriculture de précision, une meilleure rotation des cultures, une utilisation plus efficace de l’azote, une combustion plus efficace pour les moteurs diesels et un engagement ferme des agriculteurs pour lutter contre la dégradation des sols, ont grandement augmenté la quantité de CO2 retirée de l’atmosphère et stockée dans le sol.

Voici des exemples. En Alberta, à l’heure actuelle, ce que nous appelons la séquestration du carbone atmosphérique dans le sol grâce à la gestion par la culture sans travail du sol a permis de séquestrer près de 4,1 millions de tonnes vérifiées de carbone depuis 2007. Ce sont certainement des estimations prudentes, mais je vais vous présenter une donnée encore meilleure qui s’appuie sur un plus grand nombre d’études.

Le Prairie Soils Carbon Balance Project est une collaboration entre la Saskatchewan Soil Conservation Association et des pédologues d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ils ont analysé des milliers d’échantillons de sol prélevés à intervalles réguliers sur une période de 15 ans dans chaque exploitation agricole et chaque zone de sol de la région où sont cultivées des céréales en Saskatchewan.

Ce projet a permis de constater sur une période de 15 ans qu’environ 0,38 tonne métrique de carbone par acre est séquestrée dans le sol par les agriculteurs de la Saskatchewan en adoptant le système de culture sans préparation du sol ou ce que nous appelons aussi le système de semis directs.

Qu’est-ce que cela représente? Il y a 23 millions d’hectares de terres agricoles actuellement cultivées en Saskatchewan. Le carbone que permettent de séquestrer dans le sol les agriculteurs en Saskatchewan équivaut à retirer chaque année de la circulation 1,83 million de véhicules. Cette pratique a également permis d’accroître la productivité des cultures deux fois plus rapidement qu’augmentaient les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2013. En 2000, pour la première fois de l’histoire canadienne, les terres agricoles ont séquestré plus de carbone que ce qu’émettaient les pratiques agricoles. C’est ce que rapporte Agriculture et Agroalimentaire Canada. Permettez-moi de le répéter. Pour la première fois de l’histoire canadienne, les terres agricoles ont séquestré plus de carbone que ce qu’émettaient les pratiques dans le secteur agricole.

Même si les innovations et les technologies d’adaptation actuellement disponibles sont souvent avantageuses sur le plan des affaires pour les agriculteurs, une politique publique et une sensibilisation sont nécessaires pour en stimuler l’adoption en vue d’influer sur les décisions des entreprises agroalimentaires et d’éviter de laisser les agriculteurs en assumer seuls les coûts.

Nous entendons beaucoup parler des répercussions d’un mécanisme de tarification du carbone. Nous en avons évidemment un en Alberta actuellement, et les autres provinces vont de l’avant et adoptent des politiques, notamment des mécanismes de tarification du carbone, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Avant d’adopter une nouvelle pratique, un producteur doit certainement tenir compte des répercussions sur sa viabilité économique, sa compétitivité et ses pratiques exemplaires de gestion.

Nos agriculteurs sont dépendants des cours mondiaux et, par conséquent, des preneurs de prix. Les effets d’une mesure réglementaire qui entraîne une augmentation du coût des intrants, comme le carburant et l’engrais, ne peuvent pas être lentement transférés aux acheteurs. Ils sont donc entièrement assumés par les producteurs, ce qui aura des conséquences sur la viabilité économique et la compétitivité futures du secteur agricole.

Pour ce qui est du secteur des récoltes, le plus grand effet d’un mécanisme de tarification du carbone dans les exploitations agricoles sera certainement l’utilisation du gaz naturel pour le séchage du grain; étant donné que les conditions météorologiques sont plus instables en raison des changements climatiques, cette pratique pourrait grandement gagner en importance lorsque nous commencerons à voir plus de fluctuations et d’évènements météorologiques extrêmes.

Le deuxième effet le plus important pourrait être une augmentation des coûts du transport sur mesure du grain. Les agriculteurs s’inquiètent de l’effet que cela aura, en raison des faibles marges de profit. C’est le dilemme par rapport au transport du grain. Certains d’entre vous m’ont déjà entendu parler de la question du transport lors de mes comparutions précédentes au comité, mais le nombre d’élévateurs à grains est passé de 3 000 ou 4 000 à 380, ce qui signifie qu’il faut transporter le grain sur une plus longue distance. Ces mesures ont permis d’améliorer le transport ferroviaire, mais les agriculteurs en subissent les conséquences, parce qu’ils doivent parcourir une plus longue distance pour acheminer le grain aux terminaux céréaliers.

Des mesures incitatives pourraient aussi être adoptées concernant la chaîne de valeur agroalimentaire dans le secteur des récoltes, comme l’industrie brassicole, l’industrie de la trituration, les élévateurs à grains, les acheteurs et les minotiers, pour contribuer à réduire l’énergie consommée. Cela permettrait de nous assurer que les coûts ne sont pas ajoutés à la base ou transférés à nos producteurs.

Enfin, en ce qui concerne les rôles des gouvernements provinciaux et territoriaux et ce qu’ils peuvent faire, il est essentiel que ces gouvernements comprennent que l’agriculture, en particulier le secteur des récoltes, comme je l’ai déjà mentionné, a un bilan carbone neutre.

Il est généralement admis que le potentiel des méthodes biologiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le stockage ou le remplacement, peut de loin dépasser les émissions des secteurs d’où cela provient, en particulier dans le domaine agricole.

Selon les estimations, les mesures d’atténuation biologiques des émissions de gaz à effet de serre au Canada pourraient retirer de 53 à 65 millions de tonnes de carbone par année. L’étude mentionne jusqu’à 200 millions de tonnes, mais il est en gros mentionné de diviser ce chiffre environ par quatre ou de viser 30 p. 100 de cette estimation.

L’un des messages que les producteurs qui siègent à notre table veulent certainement vous transmettre aujourd’hui est que, si les entreprises qui émettent des gaz à effet de serre sont pénalisées par l’imposition d’une taxe sur le carbone en ce qui a trait à la pollution ou aux limites d’émissions ou de réductions, il est raisonnable de conclure que les entreprises qui retirent du gaz à effet de serre de l’atmosphère par la séquestration ou le captage du carbone devraient être compensées de manière égale.

Par ailleurs, cela ne devrait pas seulement remonter jusqu’en 2005 ou en 2009. Il faudrait remonter jusqu’au début. Les agriculteurs adoptent des pratiques durables; autrement, ils ne feraient pas long feu. Nous devrions reconnaître cet apport et ne pas partir d’une année donnée, comme je l’ai mentionné plus tôt.

Le gouvernement fédéral et les provinces peuvent investir pour compenser certains de ces coûts par l’entremise d’un système de partage des frais ou d’encouragements fiscaux ou de la bourse du carbone dont nous entendons parler en Saskatchewan et en Alberta.

Enfin, en ce qui a trait au prochain cadre stratégique pour l’agriculture, nous devrions inclure des initiatives conçues pour atténuer de manière pratique les émissions les plus attribuables au secteur des récoltes, et il ne fait aucun doute que cela visera entre autres l’oxyde de diazote. Actuellement, le CO2 représente environ 80 p. 100 des gaz à effet de serre au Canada, et seulement 2,8 p. 100 de ce 80 p. 100 sont attribuables à l’agriculture. Quant à lui, l’oxyde de diazote représente 6 p. 100 des gaz à effet de serre. Selon ce que nous en comprenons, il est fortement possible de réduire cela de 15 à 25 p.100 dans le secteur agricole.

Pour conclure, des incitations financières dans le prochain cadre stratégique pour l’agriculture peuvent encourager l’adoption des nouvelles pratiques nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques et éviter d’engendrer d’autres coûts pour les producteurs. En ce qui concerne les coûts, qui les assumera? D’où l’argent proviendra-t-il? Voici un exemple parfait de la contribution de l’industrie de l’orge. Je crois que certains d’entre vous m’ont déjà entendu le dire, mais je remarque qu’il y a de nouveaux membres au comité. Le Conference Board du Canada a réalisé une étude il y a quelques années pour le compte de Bière Canada. L’objectif était de déterminer la contribution fiscale de l’industrie de la bière dans les coffres du gouvernement du Canada et des gouvernements provinciaux.

L’industrie brassicole, dont je suis encore président, achète environ 75 millions de dollars d’orge qu’elle transforme en malt pour l’industrie canadienne de la bière. Cela représente seulement 300 000 tonnes d’orge qui servent à produire de la bière pour l’industrie canadienne. Cela permet de générer environ 5,8 milliards en recettes fiscales, dont 5,4 milliards de dollars en taxes d’accise fédérales et provinciales lorsque vous achetez des caisses de bières. Le reste, soit 400 millions de dollars, provient des impôts des sociétés et des taxes municipales. Cela ne concerne pas l’impôt sur le revenu tiré d’un emploi. Ce sont des recettes fiscales directes de 5,8 milliards de dollars pour 300 000 tonnes d’orge.

De notre point de vue, ces 5,8 milliards de dollars permettent de financer entièrement Agriculture et Agroalimentaire Canada, dont le budget est de 2,7 milliards de dollars, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, dont le budget est de 2,2 milliards de dollars, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, dont le budget est de 800 millions de dollars, la Commission canadienne des grains, la Commission canadienne du lait, ainsi que le Bureau du Conseil privé, dont le budget est de 160 millions de dollars. Tout cela est rendu possible grâce à seulement 300 000 tonnes d’orge.

Selon nous et selon tous nos partenaires de l’industrie agricole, l’argent est là. Il ne reste qu’à décider de l’endroit où l’utiliser.

Merci de votre temps, monsieur le président.

Le sénateur Mercer: Monsieur de Kemp, si le ministre des Finances ou le premier ministre sont à l’écoute, la solution aux problèmes financiers est vraiment de cultiver davantage d’orge.

M. de Kemp: À ce sujet, l’industrie de la bière n’est même pas satisfaite du budget. Il est question d’indexer chaque année la taxe sur la bière en fonction de l’Indice des prix à la consommation ou de l’inflation.

À un moment donné, il serait préférable d’avoir plus de gens qui consomment de la bière, de cultiver plus d’orge et d’accroître l’assiette fiscale liée à la consommation de manière responsable plutôt que de tout bonnement augmenter tout le temps les taxes.

Le sénateur Mercer: J’y mets du mien.

M. Dahl: J’aimerais seulement faire valoir rapidement un autre élément, parce que vous avez raison. Si nous examinons l’excédent commercial du Canada au cours du dernier trimestre, l’agriculture et l’agroalimentaire ont été l’une des principales raisons pour lesquelles le Canada a un excédent commercial. C’est l’un des moteurs de l’économie. C’est une industrie technologique qui a un énorme potentiel de croissance. C’est l’un des moteurs de l’économie.

Je suis d’accord avec vous, sénateur. Cultiver davantage d’orge, de légumineuses, de canola et de céréales stimulera certainement l’économie et la croissance.

Le sénateur Mercer: Si vous pouviez tous les deux nous faire une seule recommandation ou si vous rencontriez le ministre MacAulay ou le premier ministre, quelle serait votre principale recommandation?

M. Dahl: Ce serait de reconnaître l’apport de l’agriculture et d’être conscient des conséquences imprévues de cet apport. Si des politiques rendent la production agricole plus dispendieuse et moins viable économiquement, c’est possible qu’elles aient l’effet contraire. Elles pourraient en fait nuire à la durabilité.

M. de Kemp: Je souhaiterais pouvoir vous en donner plus qu’une.

Les politiques relatives au secteur des récoltes doivent être de nature fluide. Comme la situation évoluera en raison des changements climatiques, je ne crois pas que nous pouvons avoir des politiques uniques pour tous. Nous pouvons parler d’innovation pour les producteurs et les organisations. Même si cela comporte des risques, si le financement vise des innovations à la fine pointe de la technologie, certains transformateurs prendront le risque de voir si cela fonctionne.

Selon ce qu’en disent nos producteurs, je sais qu’ils séquestrent dans le sol énormément de carbone, et il faudrait le reconnaître. Cela contribuerait à réduire certains coûts additionnels et leur permettrait de continuer d’être concurrentiels. Ils seraient ainsi au moins compensés pour avoir adopté des pratiques durables, parce qu’ils ne le seront pas par un importateur d’un autre pays.

Le sénateur Mercer: Depuis que je suis ici, le dernier budget est celui qui a le plus insisté sur l’agriculture et son objectif de contribuer à la croissance économique. C’est une bonne nouvelle du moment qu’on y donne suite. C’est une chose de faire des promesses budgétaires, mais c’en est une autre de les tenir.

La sénatrice Tardif: Je crois comprendre que l’industrie agricole produit plus d’émissions d’oxyde nitreux que de dioxyde de carbone. Je ne sais pas si c’est exact, mais je crois savoir aussi qu’un des facteurs pourrait être l’utilisation d’engrais que la terre convertit en oxyde nitreux.

Que fait votre industrie pour régler la question des émissions d’oxyde nitreux et pour réduire l’utilisation des engrais?

M. Dahl: Je pourrais peut-être soulever trois arguments à cet égard. Il est important de mentionner que les pratiques agricoles modernes, y compris l’utilisation d’engrais et d’autres intrants de culture, expliquent en grande partie pourquoi l’agriculture isole plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en émet. Ce sont des pratiques durables.

Si on pense aux tempêtes de poussière de 1930 dont il est question dans Google, la raison pour laquelle elles se sont produites ou pour laquelle nous avons été témoins de cette catastrophe naturelle était la culture excessive. Étant donné qu’on ne disposait pas d’engrais et d’intrants de culture modernes, il fallait laisser les terres en jachère pendant l’été pour contribuer à la fertilité du sol.

L’utilisation d’engrais ne fait pas partie du problème, mais bien de la solution. C’est en partie grâce à elle que l’agriculture est durable aujourd’hui.

Que pourrions-nous faire de plus? On a des raisons d’encourager l’adoption du programme 4R pour accroître l’efficacité de l’utilisation d’engrais. C’est utile pour les producteurs parce qu’il s’agit d’un intrant coûteux.

L’agriculture de précision est aussi utile, car elle permet aux agriculteurs de déterminer où et quand éteindre certaines parties de l’équipement aux endroits où il pourrait ne pas être nécessaire d’utiliser de l’engrais et de se servir d’un GPS et de technologie satellite pour guider l’équipement. L’utilisation croissante de l’agriculture de précision aidera aussi à le faire mais, au départ, ce n’est pas l’agriculture moderne qui pose problème; elle offre plutôt la solution.

M. de Kemp: J’aimerais enchaîner brièvement là-dessus. Le programme 4R consiste en l’utilisation d’une bonne dose du bon produit au bon endroit et au bon moment. C’est toute une image de marque de l’industrie de l’engrais.

En ce qui concerne l’oxyde nitreux, 80 p. 100 des gaz à effet de serre sont des émissions de carbone tandis que 6 p. 100 sont des émissions d’oxyde nitreux. Environ 2,8 p. 100 des émissions de carbone découlent de l’agriculture. M. Dahl parlait de ce qu’ils essayaient de faire dans le cadre du programme 4R pour réduire l’oxyde nitreux de 15 à 25 p. 100. Si les producteurs le font, un nombre est attribué aux économies considérables qui sont réalisées par acre.

Tout le monde reconnaît, au fil des ans, que les exploitations agricoles ne survivraient pas si elles n’étaient pas durables. Les agriculteurs ne sont pas seulement des gens d’affaires. Ils doivent aussi être, entre autres, agronomes pour rester en affaires et profiter des nouvelles technologies. C’est ce qui fait que leurs exploitations fonctionnent et qu’elles sont profitables et concurrentielles.

La sénatrice Tardif: Je comprends cela. En conjonction avec le programme 4R dont vous avez parlé, existe-t-il un programme éducatif pour sensibiliser les agriculteurs aux quatre éléments que vous avez mentionnés?

M. Dahl: Il existe un certain nombre d’initiatives qui, encore une fois, ne sont pas nécessairement gouvernementales. Un autre point important est que les agriculteurs appliquent des mesures pour améliorer la santé du sol et réduire le carburant sans réglementation fédérale.

Il existe des programmes comme le « Certified Crop Adviser ». La plupart des grandes exploitations agricoles commerciales feront appel à des agronomes. Nombreuses sont celles qui se tournent maintenant vers des entreprises qui les aideront avec l’agriculture de précision et les programmes concernant l’utilisation des engrais. Les agriculteurs disposent d’un certain nombre d’outils, mais il serait utile d’accroître la participation à des programmes comme celui des 4R.

[français]

Le sénateur Boisvenu: Merci beaucoup pour vos présentations. J'ai travaillé pendant une quinzaine d'années au ministère de l’Environnement dans le sud du Québec. Nous entretenions des relations très étroites avec les producteurs agricoles pour l'ensemble de la production. Durant ces années, j'ai fait plusieurs constats, et vous me direz si j’ai tort ou raison.

On a constaté, au Québec, une augmentation importante de la culture du maïs. Cette augmentation était surtout attribuable à la production de biocarburant, plutôt qu’à la production de nourriture à des fins de consommation animale ou humaine.

On a aussi constaté une augmentation importante de l'usage d'engrais chimique plutôt qu’animal. Je pense ici au lisier, soit de bovin ou lié à l’industrie porcine. J'ai aussi remarqué une augmentation de la durée des saisons. Au cours des années 2000, on cultivait le maïs au mois d'octobre, selon des normes très strictes, pour faire en sorte que l'épandage se fasse le plus tôt possible dans la saison afin que le sol absorbe les engrais. Maintenant, au Québec, on récolte le maïs presque au mois de décembre.

J'ai l'impression qu'on a étiré beaucoup la sauce, notamment pour ce qui est de la production du maïs, une industrie importante au Québec, et on s’appuie sur le principe de la productivité plutôt que de l’innovation. C'est le premier constat que j’ai fait, et vous me direz si j'ai tort ou raison.

J'ai fait un stage en France, pendant un an, sur la production animale. La France éprouvait alors des problèmes importants liés aux cours d'eau, particulièrement dans la région de la Bretagne. Or, la France a beaucoup innové en termes de production, surtout en ce qui concerne les trappes à nitrate. Vous êtes sans doute au courant de ce principe où on accélère la récolte à l'automne et on sème une nouvelle production, surtout dans le secteur fourrager et des légumineuses — je pense au colza et à ce type de céréales. Cela favorise le captage des nitrates dans le sol, au lieu d’étirer la saison le plus possible et de laisser les sols à nu, ce qui entraîne des problèmes d’érosion et de dégradation des sols.

L'industrie agricole du Québec et du Canada n’a-t-elle pas plutôt axé son action sur l'augmentation de la production et de la productivité au lieu de développer de nouvelles méthodes pour faire en sorte que la gestion de l'environnement soit en harmonie avec cette industrie?

[traduction]

M. Dahl: Premièrement, je suis très fier que les Producteurs de grains du Québec soient membres de Cereals Canada. Pour répondre à votre question, pour moi, ce n’est pas l'un ou l’autre. On ne doit pas choisir entre la productivité et l’environnement. Ils vont de pair.

Nous l’avons constaté avec la baisse de l’utilisation du carburant. Au Canada, elle a baissé avec chaque tonne de grains produite. Aujourd’hui, on utilise 39 p. 100 de carburant de moins qu’il y a 20 ans. C’est un chiffre incroyable.

La santé du sol s’améliore. Chaque année, la matière organique du sol augmente. Il s’agit là d’innovations qui émergent grâce à des pratiques agricoles novatrices comme la réduction du travail du sol, la conservation du sol et l’absence de travail du sol. Elles émergent aussi grâce à des innovations au chapitre de l’utilisation d’engrais et des technologies en matière de semences.

Elles favorisent la durabilité, et elles réduisent l’empreinte environnementale de l’agriculture, qui s’améliore sans cesse. Parallèlement, elles accroissent la rentabilité des exploitations agricoles.

La productivité et les profits vont de pair avec un meilleur bilan sur le plan de la durabilité.

M. de Kemp: Si je puis me permettre, je vais vous donner un exemple parfait. J’ai une exploitation agricole spécialisée dans la culture du maïs et du soya à 20 kilomètres d’ici. Elle se trouve juste en face de l’ancienne ferme expérimentale sur l’avenue Woodroffe. Elle a été expropriée par la CCN à l’époque, et nous avons continué de l’exploiter.

Mon père a été un des premiers producteurs de maïs dans l’Est ontarien. Pour vous donner une idée de la production par rapport à l’environnement, à l’époque, je ne pouvais pas travailler comme agriculteur parce que, après mes études, les taux d’intérêt se situaient à 23 p. 100. J’étais son seul fils, et il m’a dit: « Désolé, je ne peux pas t’aider ».

À l’époque, on se contentait d’épandre l’engrais sur de larges bandes. On avait un cadran qu’on tournait. Ce n’était pas précis. On avait coutume d’enfoncer nos boyaux d’arrosage dans le ruisseau pour pomper l’eau qu’on mélangeait avec les herbicides et les produits chimiques, et il y avait des déversements et des dangers du genre.

Maintenant, nous avons des andains et des mesures de protection des cours d’eau à la ferme. Nous parlons de changements climatiques et du lien avec les biocarburants et tout cela. Nous avons maintenant celui de Prescott. Lorsque nous avons commencé à cultiver du maïs, nous avions de 2 100 à 2 200 unités thermiques dans l’Est ontarien. Les unités thermiques se rapportent au nombre de jours d’ensoleillement et de chaleur et donnent une idée du type de semences qu’il faut acheter. À l’heure actuelle, ma sœur et moi achetons des semences de maïs avec environ 2 800 ou 2 900 unités thermiques.

Pour ce faire, nous avions l’habitude de combiner les unités en octobre, mais maintenant, tout le monde le fait en novembre. C’est en partie parce qu’on hausse les unités thermiques et en partie en raison des taux de dessiccation. Plus les grains restent longtemps dans le champ, plus ils sont secs et moins on doit utiliser de gaz naturel pour faire fonctionner le séchoir. Manifestement, c’est utile quand Dame nature se charge du séchage.

À l’époque, nous ne cultivions jamais de soya. Maintenant, avec les rotations, on a commencé à en voir. En ce qui concerne la production par rapport aux répercussions sur l’environnement, j’ai été à même de constater comment ces techniques ont changé. On pratique la pulvérisation et l’épandage d’engrais de précision dans l’Est ontarien. La plupart des grandes exploitations agricoles embauchent des agronomes privés. On n’a plus de personnel de vulgarisation sur le terrain qui vient des provinces. Cette époque est presque révolue.

 [français]

Le sénateur Boisvenu: Je suis tout à fait d’accord avec vous. L’arrivée des agronomes en masse dans le secteur agricole a fait en sorte qu'on a beaucoup changé les pratiques agricoles. De ce fait, on a amélioré l’état des sols et des cours d'eau. Bien sûr, pour réparer les 30 ans de gaspillage, il faudra un certain temps avant de ramener les cours d’eau à ce qu’ils étaient il y a 30 ans. Toutefois, on a peu innové. Les gains réalisés au chapitre de la protection de l’environnement sont liés aux pratiques agricoles. L'innovation ne s’est pas réalisée à grande échelle.

Pourquoi, au Québec, ne pourrions-nous pas récolter le maïs au mois d'octobre, quitte à l’ensacher à l’aide d’équipements existants? Maintenant, on ensache le maïs dans les champs, alors qu’auparavant, on l’ensachait dans des entrepôts. En se servant des sols pour un autre type d’agriculture, on compenserait l’usage intensif des engrais et la pratique.

Je suis de l'école qui dit que la pratique a amélioré constamment l’agriculture au Canada. Cependant, on n'a pas beaucoup innové sur le plan des changements et des habitudes. On étire la saison. Au lieu de conserver la même durée de saison, on utilise ce gain saisonnier à d'autres fins pour pousser la production agricole à son extrême. C'est ce sur quoi porte mon jugement en ce qui a trait à l’agriculture au Québec, entre autres.

[traduction]

M. de Kemp: Une des raisons pour lesquelles les agriculteurs récoltent maintenant le maïs plus tard en saison est qu’ils doivent s’occuper d’une récolte de soya à l’avance en octobre.

C’est vraiment utile dans nos fermes, car on utilise moins d’engrais en raison des nodules d’azote sur les racines. On retourne de l’azote biologique naturel dans le sol si bien qu’on n’a pas à en utiliser autant l’année suivante durant la rotation. Pour ce qui est d’utiliser le même tracteur, on peut s’en servir pour d’autres choses. On fait pousser plus de soya. Cette culture est la première à être prête, en octobre.

Peu d’agriculteurs utilisent toujours le maïs d’ensilage traditionnel, pour un certain nombre de raisons. Ils prolongent la saison de croissance. Ils trouvent d’autres cultures à faire pousser dans l’intérim, ce qui aide à améliorer le sol et à réduire l’utilisation d’engrais, en particulier en ce qui concerne le soya ou la culture de l’année suivante, qu’il s’agisse de maïs, d’orge ou autre. Je ne peux que parler de mon expérience personnelle.

 [français]

Le président: Quatre sénateurs ont demandé de prendre la parole. Il reste à peine 20 minutes. Je demanderais aux sénateurs de poser des questions plus courtes et aux témoins de répondre brièvement.

[traduction]

Le sénateur McIntyre: Messieurs, merci de vos présentations. Dans la conclusion de votre mémoire, vous énoncez quatre options stratégiques que les gouvernements devraient envisager pour améliorer la compétitivité du secteur agricole canadien. Autrement dit, et je cite:

Les gouvernements devraient envisager des options stratégiques pour l’agriculture qui répondent à ces critères, au lieu de privilégier des politiques punitives qui augmentent les frais de fonctionnement.

Très brièvement, pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par politiques punitives?

M. Dahl: Les politiques qui hausseraient le coût de l’engrais et feraient en sorte qu’il soit plus coûteux d’utiliser les pratiques agricoles modernes pourraient donner des résultats contraires aux attentes.

Si les politiques haussent le coût de l’engrais et des pratiques modernes, les agriculteurs pourraient être obligés de retourner aux pratiques d’il y a 30 ou 40 ans pour accroître les cultures, par exemple. Cela aurait pour effet de réduire la durabilité.

Le sénateur McIntyre: J’ai une autre question brève qui porte sur les mécanismes d’instauration d’un prix sur le carbone. En gardant à l’esprit que les concurrents du Canada sont le Brésil, l’Union européenne et les États-Unis, savez-vous si ces pays ont eu à adopter pareils mécanismes? Dans l’affirmative, quelle incidence ont-ils eue sur leurs agriculteurs?

M. Dahl: J’ajouterais les pays de l’ex-Union soviétique. Les États de la mer Noire sont maintenant les premiers exportateurs de blé au monde. Ils ont déjà été nos principaux clients. Non, ils ne sont pas soumis à des mécanismes d’instauration d’un prix sur le carbone. C’était le cas de l’Australie, mais plus maintenant.

Si les agriculteurs canadiens doivent faire face à des coûts que nos concurrents n’ont pas à assumer, il leur sera plus difficile de rester compétitifs dans un marché international où la concurrence est intense.

Le sénateur Pratte: Je veux enchaîner là-dessus. J’aimerais approfondir un peu une idée dont vous avez parlé tous les deux d’une façon ou d’une autre; vous avez mentionné que puisque le secteur agricole isole plus de carbone qu’il n’en produit, les agriculteurs devraient être dédommagés s’il existe un mécanisme d’instauration d’un prix sur le carbone dans une province ou une autre ou à la grandeur du pays.

Avez-vous songé à la façon dont cela pourrait fonctionner exactement? Procéderait-on à l’échelle des exploitations agricoles ou de l’industrie? Si une province est dotée d’un système de plafonnement et d’échange, par exemple, comment cela fonctionnerait-il? Si vous isolez plus de carbone dans un système de plafonnement et d’échange, vous pouvez en tirer un avantage économique. Comment cela fonctionnerait-il? Y avez-vous songé?

M. de Kemp: À l’heure actuelle, il existe un programme en Alberta. Je crois comprendre qu’il n’a pas très bien fonctionné. Je sais que les producteurs discutent avec le gouvernement provincial de le modifier.

En Saskatchewan, je crois comprendre qu’on en discute avec toutes les organisations, car le système de plafonnement et d’échange est une question de compétence provinciale. Il est clair qu’ils aimeraient être dédommagés. C’est un peu comme une banque de terres ou une banque de carbone. Lorsqu’ils font les calculs chaque année, il leur reviendrait de décider s’ils veulent le vendre cette année ou peut-être l’année suivante.

Il est probable qu’à un moment donné, le prix du carbone monte et descende comme dans un marché à terme. Une année, ils pourraient ne pas avoir besoin du revenu. Si le prix augmente l’année suivante, ils voudront peut-être en profiter, et ils devraient avoir la possibilité de le faire.

Si nous pouvions refiler la facture au pays auquel nous vendons nos produits, s’ils pouvaient reconnaître les coûts de la durabilité, son incidence à l’échelle mondiale et le fait que nous améliorons les choses, et s’ils sont prêts à payer pour cela, nous ne discuterions pas des coûts.

Comme Cam l’a mentionné, les États de la mer Noire ne le font pas et l’Australie ne le fait plus. Si vous pouviez refiler ces coûts et que la durabilité devenait la marque de commerce du Canada, nous n’aurions pas à nous en inquiéter. Cependant, nous ne sommes pas dédommagés à l’heure actuelle.

Le sénateur Pratte: Si nous commençons à accorder des exceptions ou des exemptions à une industrie en fonction des bons arguments, quels qu’ils soient, qu’elle peut présenter en sa faveur, je crains que de nombreuses industries puissent en faire autant.

Le sénateur Woo: Pour enchaîner sur la question du sénateur Pratte, la conception du système de plafonnement et d’échange pourrait prévoir qu’on accorde des crédits aux secteurs qui réduisent la quantité de carbone dans l’atmosphère. Pour moi, cela serait tout à fait sensé et cela permettrait de régler le problème des bons arguments en faveur d’une industrie, car l’industrie ou l’entreprise concernée devrait montrer qu’elle réduit vraiment la quantité de carbone dans l’atmosphère ou qu’elle l’élimine.

Cela soulève alors la question du coût de référence. En théorie, on ne voudrait récompenser que les gains progressifs. On ne peut pas vraiment récompenser les gains historiques, mais vous avez fait valoir qu’on devrait le faire.

Pouvez-vous nous répéter cet argument? Je suis certain qu’il en sera de nouveau question en temps et lieu. Des gens intelligents arriveront à concevoir un système qui punit comme il se doit, si vous voulez, les industries et les gens qui émettent du dioxyde de carbone et qui récompense les autres secteurs de la société qui réduisent ces émissions. Il devrait y avoir un système que nous sommes en mesure de concevoir, mais le point de référence sera extrêmement important. Pouvez-vous nous donner des arguments en faveur d’un point de référence antérieur?

M. de Kemp: En ce qui concerne les cas, même dans la province de la Saskatchewan, on étudie la question depuis 15 ans. Ils ont bien compris les chiffres. Ils ont commencé à les étudier il y a 15 ans avant que nous n’entamions même ces débats. Ils ont fait preuve de vision, sont sortis des sentiers battus et ont planifié à long terme. Ils devraient être récompensés pour ces efforts.

Le sénateur Woo: Il faut reconnaître leurs efforts.

M. de Kemp: Comme Cam l’a mentionné, le rapport Barton parle de passer de 55 milliards de dollars à 75 milliards de dollars d’exportations au cours des 10 prochaines années. Le secteur agricole a toujours prêché par l’exemple. Chaque fois que nous signons un accord de libre-échange ou autre, on dit que nous allons accroître les exportations.

Je sors des sentiers battus, et il s’agit de mon point de vue à moi. Ce serait bien si nous pouvions bénéficier d’un avantage concurrentiel. S’il vous est impossible de réaliser des profits sur les exportations parce que vos marges concurrentielles sont très étroites, peut-être que vous y arriverez grâce au carbone. Cela vous donnera un avantage concurrentiel dans le marché.

Le sénateur Woo: C’est très créatif. C’est bien.

M. Dahl: J’ajouterais que nous ne pouvons pas oublier les conséquences involontaires. Si nous instaurons des incitatifs qui encouragent les industries et les agriculteurs à annuler les gains qu’ils ont réalisés au chapitre de l’environnement et de la durabilité simplement pour réinitialiser leurs points de référence afin de réaliser à nouveau ces gains progressifs, il s’agit d’une conséquence perverse.

Nous courons le risque de le faire. Nous courons le risque d’établir des politiques qui auront des conséquences involontaires négatives qui réduiront la durabilité de l’environnement canadien au lieu de l’accroître.

Le fait d’avoir un point de référence à partir d’aujourd’hui encouragerait les agriculteurs à diviser toutes les terres qu’ils cultivent de façon continue depuis les 20 dernières années pour réinitialiser leur point de référence. Personne ne veut que cela se produise.

Le sénateur Woo: Quelle est l’incidence relative du prix du carbone sur les diverses catégories d’intrants agricoles qui touchent votre industrie, c’est-à-dire l’engrais par rapport au carburant et d’autres intrants?

M. Dahl: Je ne peux pas vous donner de réponse relative à brûle-pourpoint.

Le sénateur Woo: Cela aurait-il une incidence encore plus marquée sur les coûts de l’engrais?

M. Dahl: Les coûts de l’engrais et du carburant sont au sommet de cette liste. Je n’ai pas de chiffre à vous donner, mais l’engrais est en tête de liste.

La sénatrice Beyak: L’isolement du carbone dans le sol était très impressionnant. J’avais la même question que le sénateur Pratte, mais vous y avez répondu en grande partie. Je me demande à qui d’autre vous présentez cet argument à part le Sénat. Travaillez-vous avec d’autres groupes? Discutez-vous avec le gouvernement fédéral ou laissez-vous aux provinces le soin de le faire?

M. Dahl: On a entrepris un certain nombre d’initiatives nationales. La Table ronde canadienne sur la production durable des cultures en est un exemple et le plan environnemental national de la ferme en est un autre.

Oui, nous discutons avec Environnement Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada, et oui, nous discutons aussi avec les provinces.

M. de Kemp: En ce qui concerne les commissions provinciales, elles mettent autant d’accent et de pression sur les provinces pour insister sur l’importance de faire ce qu’il faut dans les programmes provinciaux. Elles ne passent pas leur temps à cogner aux portes.

 [français]

Le président: Avant de terminer, j'aimerais reprendre deux points qui ont été soulevés. Avec 300 tonnes d'orge, on fait beaucoup de soupe, mais on fait aussi beaucoup de bière. Ma mère faisait une excellente soupe à l'orge, mais elle ne savait pas que cette céréale pourrait être aussi rentable pour faire de la bière.

En ce qui concerne le transport du grain, chaque année, c'est le même refrain. Y a-t-il une solution « miracle » pour régler ce problème pour de bon? Si on continue ainsi, on aura le même problème en 2050. Une année, c'est le CP, l'autre année, c'est CN, le port de Churchill, le port de Vancouver, et cetera. C'est la faute de tout le monde, mais de personne. Y a-t-il une solution au problème du transport du grain?

[traduction]

M. Dahl: Combien d’heures nous reste-t-il? La réponse brève est que l’industrie a été très encouragée par l’annonce stratégique que le ministre Garneau a faite en octobre concernant le projet de loi qui serait présenté ce printemps pour équilibrer le pouvoir entre les sociétés ferroviaires et les expéditeurs et rehausser la responsabilité commerciale dans le système.

Nous avons trouvé ces annonces très encourageantes et avons hâte que ce projet de loi soit déposé.

 [français]

Le président: Merci beaucoup, messieurs Dahl et de Kemp, pour vos témoignages qui seront très utiles à notre comité. Malheureusement, nous n’avons plus de temps. Je vous remercie de vous être déplacés, et vous souhaite bon retour. Si jamais vous avez d'autres recommandations à faire à notre comité, n’hésitez pas à les transmettre à notre greffier.

[traduction]

Notre prochain témoin est M. Gordon Bacon, président-directeur général de Pulse Canada. Merci d’avoir accepté de venir témoigner devant nous.

Gordon Bacon, président-directeur général, Pulse Canada: Merci et bonjour à tous. Je vous sais gré de me donner l’occasion de vous faire part aujourd’hui de certains points de vue de Pulse Canada.

Étant donné que le comité est intéressé à connaître les opinions concernant les répercussions des mécanismes d’instauration d’un prix sur le carbone sur la compétitivité des agriculteurs canadiens, mes remarques porteront là-dessus. Je veux aussi vous faire part de ce que pense Pulse Canada concernant les rôles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Je vais entrer dans le vif du sujet en commençant par vous donner une importante mise en garde. Il ne faut pas examiner les émissions de gaz à effet de serre séparément. Il s’agit d’un indicateur environnemental parmi tant d’autres dont il faut tenir compte. L’efficacité de l’utilisation des terres est importante lorsqu’on songe à trouver des solutions mondiales pour nourrir entre 9 et 10 milliards de personnes. La biodiversité mondiale l’est aussi.

Il est également important que nous pensions aux autres questions de politiques publiques pour éviter de réaliser des progrès dans un secteur et d’être contre-productifs dans un autre.

La plupart des gens aiment entamer une discussion sur l’empreinte carbone de la nourriture en ciblant l’agriculture, mais je vais commencer par parler de la façon dont nous avons besoin de percevoir la nourriture et de remonter vers l’agriculture primaire. C’est une bonne manière de voir comment une solution pourrait fonctionner et l’impression qu’elle donnera lorsqu’elle sera abordée sous un autre angle.

La deuxième diapositive dans la présentation qui vous a été remise se penche sur la contribution de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre pour le Canada et les compare avec les émissions à l’échelle mondiale.

Les agriculteurs au Canada ou n’importe où dans le monde cultiveront ce que les consommateurs veulent manger et ce qu’il est judicieux pour eux de faire pousser dans leurs fermes. Comparativement aux indicateurs mondiaux, la pondération des contributions du Canada aux émissions de gaz à effet de serre diffère légèrement de celle des données agglomérées mondiales.

Si je me fie à mon expérience de l’agriculture, je peux ajouter que nous savons que les agriculteurs canadiens font un très bon travail et qu’ils seraient classés parmi les meilleurs, ou carrément les meilleurs, au monde pour ce qui est de produire des aliments de façon durable.

Comment devons-nous nous attaquer aux gaz à effet de serre du point de vue de la production alimentaire? Tel qu’il est indiqué sur la diapositive 3, la plus importante entreprise de pâtes alimentaires au monde et la plus importante entreprise de collations au monde ont montré que la plus grande incidence des émissions de gaz à effet de serre relative à la production alimentaire se situe au niveau de la ferme, mais la production des ingrédients ne s’attache qu’à une seule variable. Nous voulons aussi nous arrêter à ce que les gens choisissent de manger et à la façon dont la nourriture qu’ils consomment peut être conçue et produite pour réduire sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre. Nous devons nous pencher à la fois sur un certain nombre de questions stratégiques relatives à la nourriture qui sont importantes au plan social.

La diapositive 4 ajoute d’autres questions à notre discussion, comme l’incidence des aliments sur la santé humaine. Comme elle le montre, près de 2 milliards de personnes dans le monde accusent un surpoids ou sont obèses. En 2016, le Canada se classait 166e sur 190 pays pour le nombre d’adultes en surpoids ou obèses. C’est un peu choquant et troublant de penser qu’il n’y avait que 24 pays sur les 190 qui avaient un pourcentage plus élevé que le nôtre d’adultes en surpoids ou obèses.

Comme l’obésité est un des principaux facteurs de risques pour les maladies cardiovasculaires et le diabète, cela laisse entendre qu’il nous faut trouver des solutions alimentaires qui amélioreront non seulement la santé de la planète, mais aussi celle des personnes.

Ajoutons un troisième facteur à notre discussion. Les aliments ont occupé une place prépondérante dans le rapport récent du Conseil économique en tant qu’éventuel secteur dominant de croissance économique pour le Canada. Nous avons ce qu’il faut: les terres, l’eau et un bilan éloquent en matière d’innovation et de salubrité des aliments. Nous sommes un exportateur net de céréales, de légumineuses et d’oléagineux. Le Canada a l’occasion de faire une contribution à ces défis mondiaux en nourrissant une population en pleine expansion tant pour ce qui est du nombre que, malheureusement, du tour de taille avec des aliments qui sont à la fois sains et durables.

La diapositive 5 montre le cadre que Pulse Canada estime être le barème en fonction duquel les initiatives qui portent sur les aliments devraient être mesurées. Allons-nous dans la bonne direction avec les initiatives stratégiques lorsque nous les évaluons en fonction de questions stratégiques d’importance comme la croissance économique, la durabilité environnementale et la contribution des aliments à l’amélioration des indicateurs sociaux de la santé, comme l’obésité et le caractère abordable de la nourriture? N’oublions pas que le conseil consultatif a également formulé une mise en garde contre les approches réglementaires élaborées de façon suboptimale et de portée limitée.

Voyons où se situe la tarification du carbone par rapport à cette mesure de l’évaluation du programme. Dans quelle mesure est-elle efficace en ce qui concerne l’incidence sur la compétitivité économique et la croissance des exportations?

Comme des témoins précédents l’ont mentionné, la tarification du carbone hausse les coûts d’intrants clés comme l’engrais et le carburant. La tarification du carbone est un coût que les agriculteurs d’autres nations agricoles exportatrices n’assument pas. Dans un marché ouvert, les agriculteurs canadiens ne peuvent transférer ces coûts à la chaîne des valeurs, ce qui nuit à la compétitivité du secteur agricole canadien à l’échelle internationale.

On a suggéré qu’une hausse des prix servira de catalyseur pour stimuler l’innovation. Les agriculteurs assument déjà les coûts de l’engrais et du carburant, si bien qu’ils ont toujours eu un incitatif économique pour être efficaces. Les agriculteurs canadiens ont été des chefs de file mondiaux en matière d’innovation pour optimiser le rendement de leurs investissements ainsi que des choses comme les engrais en mettant au point et en adoptant de nouvelles technologies.

Les incitatifs pour être efficaces et optimiser des intrants comme l’engrais existent sans ajouter les coûts du carbone. La tarification du carbone sous-optimisera le potentiel de croissance économique dans le secteur de l’agriculture et de la production alimentaire au Canada et pourrait réduire la production canadienne à mesure que les agriculteurs revoient leur utilisation optimale d’intrants.

Afin de nourrir une population mondiale affamée, on pourrait finir par déplacer la production alimentaire vers d’autres régions du monde qui sont moins efficientes en matière de carbone que les agriculteurs canadiens, mais qui sont maintenant plus efficientes au plan économique en raison d’un régime fiscal plus avantageux.

J’ajouterais aussi que les consommateurs ne reçoivent aucun signe direct quand la tarification du carbone est appliquée au milieu de la chaîne des valeurs. Lorsque l’incidence se fait sentir à l’échelon de la ferme et pas à celui des consommateurs, les consommateurs ne changeront pas leurs habitudes. Les habitudes des entreprises alimentaires ne changeraient pas puisque les agriculteurs canadiens auront toujours besoin de leur vendre leurs produits à des prix concurrentiels sur le marché international.

J’estime que cette politique n’incite pas la chaîne de valeur entière à innover. Il est clair que la tarification du charbon ne règle pas des questions comme les coûts grandissants des soins de santé associés aux taux croissants d’obésité ainsi qu’aux maladies cardiovasculaires et au diabète qui en découlent.

Dans quelle mesure une politique de tarification du carbone sera-t-elle efficace pour réduire les émissions de carbone qui découlent de la production agricole? C’est une question clé. Nous devrons la poser aux personnes qui ont élaboré la politique. J’aimerais savoir quelle est la réduction graduelle mesurée en tonnes de gaz à effet de serre qui sera observée et qui est associée à l’échelle progressive des prix de 10 $ à 50 $ par tonne d’ici 2022.

Une bonne décision stratégique est une décision qui a une cible claire en matière de tonnes et une justification solide qui lie les prix croissants à la réduction croissante des émissions de gaz à effet de serre. Cette justification et la cible à atteindre ne sont pas évidentes pour cette politique en ce qui concerne la production agricole.

Voici mon tableau des résultats concernant l’efficacité de la tarification du carbone pour atteindre l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre: elle n’est pas prouvée; pour ce qui est de la stimulation de la croissance économique potentielle du secteur, comme l’a souligné le rapport de Dominic Barton: elle est suboptimale, pour reprendre son terme. Je pense que « suboptimale » est beaucoup trop faible. Elle aura une incidence mesurable sur la réduction des possibilités de croissance économique dans ce secteur au Canada. Cette politique ne montre pas qu’elle a la moindre utilité pour ce qui est de traiter la question des maladies non transmissibles, alors nous pouvons dire qu’elle n’a aucune incidence sur la réduction des économies de coûts dans le domaine des soins de santé.

Passons à la deuxième question qui vous intéressait et que j’ai dit que je soulèverais, en l’occurrence, le rôle des gouvernements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et traiter les autres questions importantes au plan social que sont les soins de santé et la croissance économique.

La diapositive 6 porte sur la même question qui a été soulevée par un autre groupe. Le Forum économique mondial a abordé la question de savoir comment nous pouvons construire le monde que nous voulons et dont nous avons besoin. C’est une approche beaucoup plus globale que celle de simplement essayer de régler un problème en ayant recours à l’outil surutilisé qu’est l’imposition.

Allons au-delà de ce dont le Forum économique mondial a parlé afin d’examiner les mesures que d’autres pays ont déjà prises pour traiter une vaste gamme de questions importantes au plan social. Les diapositives 7 et 8 montrent ce que font quatre pays pour influencer et modifier les connaissances des consommateurs de façon à ce qu’ils fassent des choix alimentaires éclairés. Peut-être qu’aucune recommandation alimentaire n’est aussi claire que celle qui apparaît à la diapositive 8, où on montre que le guide alimentaire suédois dit, à la page 2:

La nourriture n’est pas seulement importante pour votre bien-être; elle est aussi importante pour l’environnement.

Nous pouvons aller au-delà des énoncés de politique du gouvernement et des recommandations alimentaires et suivre l’exemple de l’industrie alimentaire. Plus tôt cette année, une entreprise privée française a annoncé un investissement de 400 millions de dollars à Portage la Prairie, au Manitoba, pour construire une usine de fractionnement des légumineuses. La diapositive 9 contient des citations du président de Roquette et du PDG de la société. Cet investissement au Canada d’une entreprise qui se spécialise dans une denrée alimentaire s’inscrit dans les mesures que les sociétés alimentaires sont déjà intéressées à prendre pour répondre à l’intérêt croissant des consommateurs et honorer leurs propres engagements d’entreprise à l’égard de la réduction des répercussions sur l’environnement.

Regardons ce qui se passe chez nous. Les entreprises canadiennes repensent déjà la formule des aliments pour en rehausser la valeur nutritive de façon à donner aux Canadiens l’option d’opter pour des aliments plus sains et durables. Elles le font en utilisant des ingrédients et des processus de fabrication novateurs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce sont des chefs de file pour ce qui est de réinventer notre approche à l’égard des aliments en vue de contribuer à la santé des gens et de la planète.

Permettez-moi d’illustrer ce point en prenant pour exemple ce que l’on peut faire avec une tranche de pain canadien. La diapositive 10 montre comment nous pouvons remanier la formule des aliments et transformer la santé des gens et celle de la planète avec chaque tranche de pain; pendant que j’en parle, j’aimerais que vous songiez à la vaste gamme d’aliments du monde entier qui sont confectionnés avec des grains, qu’il s’agisse de collations, de céréales matinales, de pâtes alimentaires, de craquelins ou de biscuits.

Dans l’exemple que j’ai mentionné, une tranche de ce nouveau pain, 45 grammes de pain Country Harvest aux haricots rustiques du Canada, est comparée à la même tranche de 45 grammes de pain blanc, ce qui, en fait, représente deux tranches. Le pain aux haricots rustiques du Canada a une teneur en fibres trois fois plus élevée et une fois et demie la teneur en protéines que la même quantité de pain blanc. En ajoutant 20 p. 100 de farine de pois au pain, nous serions en mesure de réduire de 23 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre associées à cet aliment simplement en changeant tout de suite sa formule.

Nous devons nous pencher sur la question de savoir combien de temps il faudra à la tarification du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui découlent de la production alimentaire. Il est seulement possible d’évaluer l’efficacité d’une politique quand on considère la nature de certaines des autres options.

Acceptons de changer notre façon de percevoir la nourriture. Voilà ce que l’avenir nous réserve au plan alimentaire. C’est la voie de l’innovation et de la croissance pour les agriculteurs canadiens et les marchés auxquels ils vendent leurs produits. C’est la voie de l’innovation pour stimuler la croissance des fabricants de produits alimentaires canadiens. C’est la voie à suivre pour améliorer la santé des Canadiens tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre associées à la production alimentaire.

Si le secteur privé procède déjà à des changements importants, quel est le rôle du gouvernement? C’est la deuxième question que j’ai dit que j’allais aborder. Le gouvernement a-t-il fourni le cadre pour encourager ce type d’innovation? Non, il ne l’a pas fait. Nous avons la possibilité de faire rayonner le Canada une fois de plus, laissez-nous prendre les commandes pour montrer au monde entier que nous sommes des gens en santé qui produisons de la nourriture saine et écologiquement viable. Voilà la possibilité qui s’offre à nous.

Je vais terminer en donnant un exemple de ce que le gouvernement peut faire pour créer cet environnement qui permettrait de composer avec les préoccupations à la fois relatives à l’environnement et à la santé humaine. Le Canada est un des deux seuls pays qui réglemente la qualité des protéines qu’utilisent les entreprises. Notre réglementation, qui est fondée sur des méthodes instaurées en 1913, n’est malheureusement plus à jour et décourage les entreprises alimentaires canadiennes d’innover et de proposer des produits alimentaires novateurs aux consommateurs canadiens.

Les responsables des entreprises canadiennes ne déploieront tout simplement pas les efforts nécessaires, car ils n’estiment pas qu’un modèle fondé sur la santé des rats soit un indicateur efficace des effets sur la santé humaine. Au minimum, nous recommandons que le Canada opte provisoirement pour l’approche qui a été prise aux États-Unis, mais qu’il agisse rapidement pour adopter l’approche européenne complètement différente à l’égard des protéines.

Peut-être que le comité envisagera de repenser l’approche que le Canada pourrait privilégier pour changer notre perception de la nourriture comme le vecteur nécessaire pour répondre à des besoins sociaux clés comme la durabilité ainsi que la croissance économique dans le contexte de questions sociales d’importance comme les soins de santé destinés aux humains et leurs coûts.

Retournez à la diapositive 6 et tenez compte du besoin de collaborer au-delà de l’approche cloisonnée du gouvernement ainsi que de la possibilité générale de parler des occasions au plan social, économique et environnemental et d’aider les consommateurs à faire des choix éclairés.

Je vais terminer avec l’argument que voici: nous pouvons calculer le nombre de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre qu’il serait possible de réduire si on remaniait la formule des aliments et on réalisait des innovations alimentaires en utilisant des ingrédients issus de systèmes de culture durable au Canada. Encourageons les entreprises et les consommateurs à faire des choix éclairés quant à ce qu’ils produisent et consomment. Parlons de l’approche que nous approuvons tous, celle d’encourager les Canadiens et les entreprises canadiennes à choisir un avenir sous le signe de la santé des gens et de la planète.

Le sénateur Mercer: Monsieur Bacon, merci pour votre présentation très intéressante. Pour ce qui concerne la tarification du carbone, j’en déduis que vous avez vos doutes.

La question est complexe. Elle est de plus en plus compliquée pour nous au Canada, car nous avons des voisins qui ne sont peut-être pas aussi résolus à nous aider à régler le problème qu’ils l’étaient il y a six mois. Cela ne veut pas dire que nous n’agirons pas.

Que faire pour régler le problème que nous avons? Tout le monde doit faire sa part, car aucune frontière n’empêche les gaz à effet de serre de circuler. La question du changement climatique nous concerne tous.

Si ce n’est pas la taxe sur le carbone, qu’est-ce que les Canadiens peuvent offrir qui soit efficace et qui lance un mouvement planétaire pour régler ce problème? Si ce n’est pas la taxe sur le carbone, est-ce simplement les changements alimentaires, une des choses que vous avez suggérées? Quelle est la chose que nous devrions faire?

M. Bacon: Faisons en sorte que chaque Canadien en fasse une affaire personnelle et montrons-leur comment faire des choix éclairés en ce qui concerne leur régime alimentaire. Encourageons-les à faire des choix en ce qui concerne les aliments traditionnels. Nous pouvons aussi faire du pain entièrement avec du blé, mais le fait de produire de la farine avec du blé provenant de systèmes de culture durable aura une incidence énorme.

Nous devons ramener la question à l’échelle des Canadiens et les encourager à modifier leur façon de voir la nourriture. Nous ne pouvons pas parler du pain comme avant parce qu’il y a déjà des entreprises qui confectionnent des pains totalement différents. Nous devons repenser notre façon d’envisager la nourriture et nous demander comment nous pourrions inciter les Canadiens à diminuer de 20 p. 100 leur contribution personnelle aux émissions de gaz à effet de serre provenant de leur alimentation. Fixez-vous cet objectif, puis trouvez comment l’atteindre.

Le sénateur Mercer: Je suis le principal responsable des achats à l’épicerie de mon foyer, et c’est habituellement moi qui cuisine lorsque je suis à la maison. Compte tenu de ma taille, je ne réussis évidemment pas trop bien quant aux habitudes alimentaires. Lorsque j’achète un produit, j’aime choisir des options plus saines, mais les aliments que je vois sur les tablettes ne me crient pas qu’ils sont plus santé que leur voisin.

M. Bacon: Vous avez tout à fait raison. Vous n’avez aucune indication sur la qualité des glucides que contient un pain par rapport à un autre. L’étiquette ne vous donne aucune mesure de la durabilité d’un produit alimentaire par rapport à un autre. Si nous voulons aider les consommateurs à faire des choix éclairés, nous devons mettre en place des systèmes qui permettent de communiquer aux consommateurs les facteurs importants tels que la qualité des glucides. Mentionner l’indice glycémique d’un aliment sur l’étiquette serait une façon d’y arriver.

En ce qui concerne la durabilité environnementale, nous avons tous des devoirs à faire pour trouver une façon d’y arriver, et ces efforts doivent être coordonnés à l’échelle mondiale.

Le sénateur Mercer: Il y a quelques années, notre comité avait visité les Aliments Maple Leaf, à Toronto. Nous avions rencontré M. McCain, le président et chef de la direction de la société, afin de discuter de toutes sortes de choses. Pour revenir au fait que je suis le responsable de l’épicerie dans ma famille, étant donné que ma femme fait les autres courses, j’avais parlé à M. McCain d’un jambon tranché sans gluten que j’achetais au Sobeys de ma municipalité. Je lui ai demandé si le produit contenait du gluten avant que l’emballage ne porte la mention « sans gluten », et il m’a répondu que le jambon n’en a jamais contenu. En fait, la société recevait sans cesse des appels de consommateurs voulant savoir s’il y avait du gluten dans le produit, de sorte qu’Aliments Maple Leaf a commencé à l’inscrire sur ses étiquettes, ce qui a amélioré les ventes.

Est-ce bien ce que nous devons faire pour sensibiliser les fabricants? Est-ce une bonne idée d’emboîter le pas à cette société et d’indiquer la mention « sans gluten » sur un produit qui n’a jamais contenu de gluten?

M. Bacon: Les consommateurs demandent énormément d’information. Il n’y a probablement pas assez de place sur l’étiquette pour tout indiquer, mais c’est pourquoi nous pourrions envisager une initiative d’étiquetage intelligent visant à fournir plus d’informations aux consommateurs au moyen des téléphones intelligents et d’autres outils.

Nous devons faire en sorte que les Canadiens se fixent un objectif personnel, puis leur fournir les informations dont ils ont besoin pour faire un choix éclairé non seulement pour leur santé, mais aussi pour la durabilité environnementale de leurs choix alimentaires.

Le sénateur Mercer: Je vous félicite de ne pas avoir passé votre temps à nous dire d’intégrer plus de légumineuses à notre alimentation, même si vous avez parlé de pain aux haricots.

M. Bacon: Il s’agit d’un important changement d’orientation chez Pulse Canada. Nous voulons désormais parler de choix alimentaires. Nous devons trouver des solutions qui s’appliquent à l’industrie laitière, à l’industrie du blé de Cam, ainsi qu’à l’industrie de la viande. Nous devons trouver des façons de permettre aux consommateurs de faire les choix conformes à leurs désirs. Nous devons aussi agir à l’échelle mondiale.

Si nous nous associons à des groupes comme Diabète Canada, entre autres, ceux-ci ne voudront pas faire la promotion des légumineuses à notre place. Voilà pourquoi il faut s’intéresser aux choix alimentaires et faire en sorte que l’information soit indiquée sur l’étiquette et communiquée aux consommateurs.

Le rôle du gouvernement consiste principalement à moderniser ses pratiques. Aux États-Unis, dans le plus récent message sur les recommandations en matière d’alimentation, un groupe d’experts proposait que le guide alimentaire américain mentionne la durabilité des produits alimentaires. Or, le Canada n’a même pas encore eu ce genre de discussions.

Le sénateur Mercer: Le Guide alimentaire canadien que nous connaissons tous devrait-il être remanié pour inclure un volet sur les gaz à effet de serre?

M. Bacon: Je crois que nous pouvons nous inspirer de certaines des meilleures pratiques que nous retrouvons dans des pays comme la Suède, le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. Nous devons examiner les politiques de ces pays. Comme je l’ai indiqué aux diapositives 7 et 8, tous ces guides alimentaires font référence à l’importance de la santé humaine à court et à long terme. La protection de l’environnement fait d’ailleurs partie de la stratégie à long terme de ces pays, et je crois que cela devrait aussi faire partie de la nôtre.

Le sénateur Pratte: J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la tarification du carbone. Je veux tout d’abord m’assurer de bien comprendre. Vous dites que la tarification du carbone n’est pas une politique judicieuse dans le secteur agricole.

Je veux remettre les choses dans leur contexte. Je ne sais pas si vous voudrez en parler, mais avez-vous quoi que ce soit à dire sur la tarification du carbone en général? Croyez-vous qu’il s’agit généralement d’une politique souhaitable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre? Pensez-vous que cette tarification ne devrait pas s’appliquer au secteur agricole seulement, ou bien que c’est une mauvaise politique de façon générale?

M. Bacon: Je vais vous donner l’exemple d’une stratégie fiscale sur l’alcool ou le tabac. Il y a des cas où la taxation vise à encourager la modification d’un comportement. Dans de tels exemples, la politique est presque toujours accompagnée de programmes de sensibilisation des consommateurs dont l’objectif est de les inciter à modifier leur comportement.

Je crois qu’il faut aborder la réduction des gaz à effet de serre à l’extrémité de la chaîne, c’est-à-dire à l’échelle du consommateur. Une telle politique doit s’inscrire dans le cadre d’un programme de sensibilisation. Je trouve donc que la politique est incomplète s’il s’agit uniquement d’une taxe.

Le sénateur Pratte: Toutes les politiques de tarification du carbone ne sont pas équivalentes. Il y a aussi des politiques de plafonnement et d’échange, qui sont fort différentes d’une taxe sur le carbone. Si les consommateurs faisaient des choix différents au point d’avoir une incidence, certains agriculteurs changeraient de culture ou opteraient pour une culture dont les émissions de gaz à effet de serre sont inférieures. Ils pourraient bénéficier d’une politique de plafonnement et d’échange et l’utiliser pour générer des retombées économiques. Vos propos sur la politique de tarification du carbone s’appliquent-ils aussi au système de plafonnement et d’échange?

M. Bacon: Je ne commence jamais par discuter d’un système de plafonnement et d’échange parce que je trouve que nous ne nous attaquerions pas au bon endroit. Nous devrions plutôt nous doter d’une politique alimentaire. Je me demande en quoi une politique de plafonnement et d’échange inciterait les consommateurs à changer leur comportement. Une telle politique fiscale n’est pas équivalente à une taxe comme la TPS, qui est imposée au bout de la chaîne dans le but de changer le comportement des consommateurs et d’avoir un effet sur toute la chaîne.

Je ne suis pas un économiste, mais je ne comprends pas l’intérêt de commencer au beau milieu de la chaîne. Une telle politique n’incite aucunement les consommateurs à adopter un comportement différent. Cela devrait pourtant être l’objectif prépondérant d’une économie de marché. Nous devons certainement explorer davantage cette possibilité pour la comparer à des enjeux comme le système de plafonnement et d’échange et d’autres formes de tarification du carbone visant à encourager ou à dissuader certains comportements.

Le sénateur Pratte: J’aurais une brève question complémentaire à vous poser. Si les changements climatiques constituent un problème urgent et qu’il est urgent, selon presque tous les scientifiques, de modifier notre système économique, avons-nous le temps d’adopter la politique que vous proposez afin d’éduquer les consommateurs pour qu’ils puissent modifier leurs comportements et de changer les pratiques agricoles, notamment? Je n’en suis pas convaincu.

M. Bacon: À mon avis, le remaniement de la formule alimentaire aurait un impact immédiat. Aucun calendrier n’a été établi. Vous devrez m’expliquer le calendrier qui fait en sorte qu’une échelle mobile pour la tarification du carbone permettra de réduire les émissions. Tout cela dépend de la rapidité avec laquelle la technologie évoluera pour produire quelque chose permettant de réduire les émissions de carbone.

Le remaniement de la formule des légumineuses alimentaires fait partie de la solution, car cette culture n’a pas besoin d’un engrais nitrique. Le remaniement de formule jumelé à une source d’approvisionnement pour des systèmes durables aurait un impact immédiat. À mon avis, cette option permettrait d’atteindre l’objectif fixé et de réduire immédiatement de 20 p. 100 l’empreinte de GES des aliments que nous consommons. Il serait possible d’atteindre cet objectif en l’espace de quelques décennies.

Le sénateur McIntyre: Il ne fait aucun doute que le consommateur a un rôle à jouer dans la réduction des émissions de GES. Comme vous l’avez souligné, ils pourraient acheter davantage de produits contenant des légumineuses, réduisant ainsi les émissions de GES.

Selon vous, pourquoi les Canadiens n’achètent-ils pas des aliments permettant de réduire les émissions de GES? Est-ce une question de prix?

M. Bacon: Ils peuvent aussi produire et acheter des produits de viande, des produits laitiers et des produits du blé identifiés comme étant produits de façon durable. Je ne suis pas ici pour vanter uniquement les légumineuses.

Le sénateur Mercer a souligné un point important. Au supermarché, rien n’indique sur les emballages qu’il y a une différence entre les aliments. Prenons, par exemple, l’industrie laitière, car j’ai travaillé dans ce domaine pour le gouvernement de l’Alberta. Les exploitants dans le domaine en Alberta utilisent leurs terres de manière très efficace. Ils constituent un exemple à suivre. Nous devons comprendre ce qui se fait dans l’écosystème des produits alimentaires.

Pour répondre brièvement à votre question, la raison, c’est que nous ne leur fournissons pas l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée.

Le sénateur McIntyre: Ma deuxième question concerne les légumineuses et l’utilisation d’engrais. Selon ce que vous dites, il ne fait aucun doute que la culture de légumineuse utilise très peu d’engrais. Donc, il est important, selon vous, d’inclure les légumineuses dans la rotation des cultures.

Qu’est-ce qui limite l’utilisation des légumineuses dans la rotation des cultures? Vous en avez parlé brièvement, mais j’aimerais vous entendre de nouveau sur le sujet.

M. Bacon: Ce serait l’une de mes recommandations, car dans certaines régions du pays, il n’y a pas de légumineuses bien adaptées sur le plan agronomique. Au Québec et en Ontario, les agriculteurs utilisent le haricot, mais il faudrait mener des recherches afin d’améliorer l’efficacité de la fixation de l’azote pour les haricots dans ces régions.

Je souscris certainement à une approche axée sur des systèmes de cultures. Nous devons réduire l’empreinte de toutes les cultures utilisées dans les rotations de cultures. Le blé est meilleur lorsqu’il suit une légumineuse dans la rotation. Ce n’est pas seulement un argument de vente pour les légumineuses. Nous devons utiliser une approche scientifique semblable, changer le comportement des consommateurs et offrir les bons incitatifs aux fabricants de produits alimentaires. Tout cela doit se faire ensemble. Au risque de me répéter, les enjeux, comme la compétitivité économique et la santé et le bien-être des consommateurs, ne doivent pas être examinés en vase clos. Nous devons adopter une approche intégrée et l’information du consommateur est un élément clé d’une telle approche.

La sénatrice Bernard: Ma question est dans la même veine que celle du sénateur McIntyre. Merci pour ce préambule que je n’ai plus besoin de faire.

Je vous remercie beaucoup du travail que vous faites et de l’accent que vous mettez simultanément sur la santé environnementale et la santé humaine. J’aime aussi le travail que vous dites faire et qui doit être fait pour briser les vases clos et régler ces problèmes.

Ce dont je n’ai pas entendu parler encore, c’est de la pauvreté et de l’influence de la pauvreté dans les choix alimentaires. Nous savons que les pauvres et ceux qui vivent dans des communautés pauvres ont plus tendance à vivre dans des déserts alimentaires. Ce sont davantage des consommateurs que des producteurs. Il est plus probable qu’ils n’aient pas accès à des supermarchés de qualité dans leur région, même s’ils parcourent de longues distances. Il est plus probable qu’ils n’aient pas accès à un moyen de transport pour se rendre dans les régions où il y a des supermarchés de qualité pour faire de meilleurs choix alimentaires. Ils ont plus tendance à avoir des problèmes de santé, comme ceux dont vous avez parlé: l’obésité, les problèmes cardiovasculaires, le diabète. En tant que sénatrice de la Nouvelle-Écosse, je sais, par exemple, que la communauté des Micmacs et la communauté africaine de la Nouvelle-Écosse ont une proportion plus élevée de personnes atteintes du diabète. Tous ces aspects ont une incidence sur les choix alimentaires.

Votre organisation tient-elle compte de ces réalités? Certains consommateurs achètent en fonction de leur situation économique. De nombreuses personnes au pays vivent sous le seuil de la pauvreté.

M. Bacon: La réponse est oui. L’un des projets que nous avons amorcés dans le cadre de l’Année internationale des légumineuses 2016, en collaboration avec Community Food Centres Canada, est de développer du matériel de formation pour éduquer les consommateurs sur la façon d’inclure les légumineuses dans un régime alimentaire abordable. Ce projet ne règle pas les problèmes d’accessibilité et de proximité de produits frais abordables, mais il permet d’éduquer les consommateurs.

De plus, une transformation alimentaire nécessite un changement en matière d’alimentation, des approches alimentaires, la rééducation des consommateurs et la disponibilité des aliments pour que cette approche, nouvelle pour certains Canadiens, puisse être adoptée. Cela fait partie de la solution. Il faut rééduquer le consommateur sur la façon d’utiliser des produits meilleurs pour la santé. Cela nous ramène aux initiatives nécessaires pour faire évoluer rapidement cet enjeu, comme l’impression sur les emballages de l’indice glycémique du produit pour aider les gens à faire de bons choix.

La sénatrice Bernard: Vous semblez dire qu’il faut changer les attitudes relativement aux aliments et à la consommation. Cela peut être difficile également sur le plan culturel. Des recherches intéressantes ont été menées au Canada sur la relation entre la culture et le lien historique avec certains aliments et les bons choix alimentaires, par exemple.

Vous connaissez ces recherches? Les résultats de ces recherches influencent-ils vos travaux, surtout le volet éducation? On ferait fausse route de se présenter dans des communautés avec un programme d’éducation qui ne tient pas compte de la relation culturelle avec les aliments.

M. Bacon: Je suis tout à fait d’accord avec vous. Dans le cadre de mes travaux dans l’industrie mondiale de la légumineuse, j’ai découvert que de nombreux éléments culturels ont été perdus. La modernisation de l’industrie alimentaire a entraîné la perte de traditions importantes.

Je vous donne un bref exemple. L’histoire des trois sœurs est une histoire traditionnelle des Premières Nations dans les Amériques. Elle raconte le partenariat qui existe entre trois sœurs: le maïs, qui fournit les hydrates de carbone; la courgette, un fruit frais qui se conserve bien; et le haricot, une source de protéine. Cette histoire parle de nutrition, de l’importance de la durabilité environnementale et de la collaboration intégrée.

Il y a de nombreuses histoires similaires dans les cultures du monde entier. Bien sûr, les régimes traditionnels comprennent la légumineuse à grain à titre de source de protéine. La consommation accrue de viande et de produits laitiers est un phénomène moderne. Cela ne fait pas partie de la tradition. Cela dépend jusqu’où il faut remonter pour certaines de ces traditions et régimes traditionnels.

Les civilisations de l’Asie et du Moyen-Orient se sont développées autour de la culture des légumineuses à grain et des céréales. Ce n’est que lorsque nous avons connu la richesse que nous avons pu passer à des sources de protéine animales.

[français]

Le sénateur Boisvenu: Merci de votre exposé très intéressant. En lisant votre curriculum vitæ, je constate que votre organisation est orientée vers l'innovation. Est-ce exact?

M. Bacon: Oui.

Le sénateur Boisvenu: L'industrie agricole fait affaire avec des millions de travailleurs qui sont propriétaires de leurs sols et de leurs équipements. En fin de compte, c'est un monde conservateur. Le sol nous appartient et, changer nos pratiques, c'est plus difficile que pour un travailleur d'usine qui n'est pas propriétaire de l'équipement et à qui on demande de changer des habitudes de travail pour des raisons de santé et de sécurité. L'industrie automobile a beaucoup innové depuis 50 ans pour réduire les émissions et la consommation en adoptant de nouvelles pratiques, mais aussi en innovant. Le rôle que jouent les organisations comme la vôtre est-il vraiment efficace sur le plan de l’innovation pour atteindre les objectifs en matière de protection de l'environnement? Ces organisations sont-elles au même niveau que d'autres industries qui ont fait des pas de géant?

 [traduction]

M. Bacon: Dans le cadre de mon travail, j’ai pu visiter plus de 60 pays. Je suis fier du leadership du Canada à de nombreux égards. Je souligne que nous sommes un leader mondial en matière d’innovation dans la production agricole primaire. Nous sommes un modèle en matière d’efficacité, d’échelle et de portée pour les autres pays.

C’est le secteur de la production agricole primaire qui finance mon organisation. Les agriculteurs primaires ont aussi fait preuve de vision et financent depuis 20 ans le travail de Pulse Canada, qui s’est transformé au fil des années. Avant, nous parlions de production agricole; aujourd’hui, nous parlons de la transformation du système alimentaire.

Aujourd’hui, en collaboration avec l’École polytechnique fédérale de Zurich, l’une des 10 plus grandes universités du monde, nous finançons le développement d’un système de mesure des aliments afin d’examiner leur incidence sur la santé humaine et environnementale.

Nous encourageons l’innovation sur le plan de la production. Nous collaborons avec des agriculteurs novateurs, qui assurent également un leadership stratégique. Je suis très fier de faire partie d’une industrie qui croit fermement que nous pouvons changer le monde.

Le Canada peut encore une fois être un grand leader à cet égard et passer du grenier du monde qu’il était il y a 150 ans à un pays innovateur qui favorise la santé de la population et de la planète grâce à une vaste approche en matière d’alimentation. Je crois que nous sommes rendus là.

[français]

Le sénateur Boisvenu: Ma dernière question sera brève. Est-ce que le gouvernement fédéral est suffisamment dynamique dans le rôle qu’il joue, ou croyez-vous qu’il puisse jouer un rôle différent?

[traduction]

M. Bacon: Je reconnais la qualité des cadres stratégiques établis au cours des 20 dernières années, qui ont permis l’octroi d’un financement de contrepartie à certaines industries comme Pulse Canada, pour encourager cette réflexion au-delà des approches traditionnelles.

Je ne critique pas ce que nous avons fait, mais je dis que pour l’avenir, nous devons vraiment adopter une approche de transformation. Il est temps d’éliminer le cloisonnement. Le premier ministre a donné au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire le mandat d’élaborer une politique alimentaire pour les Canadiens.

À mon avis, la politique alimentaire doit aborder des questions qui relèvent de la compétence d’Environnement et Changement climatique Canada, de Santé Canada, d’Industrie Canada et d’Affaires mondiales Canada. Il est maintenant temps de procéder à une transformation; le ministre pourra agir seul ou en collaboration avec ses collègues à cet égard. Je crois que nous ne pouvons plus simplement nous centrer sur l’amélioration progressive de nos pratiques actuelles. Il faut transformer notre rapport aux aliments, pour un meilleur avenir.

Le sénateur Woo: Vous soulevez un point très important: ce sont les choix des consommateurs qui ont une incidence sur la réduction des gaz à effet de serre. Nous savons que dans le cas du transport, par exemple, nous avons le choix d’acheter des voitures qui augmentent la production d’énergie. Nous savons que nombre d’entre nous préfèrent vivre dans des maisons unifamiliales loin du travail, ce qui entraîne plus d’émissions de carbone, alors que nous pourrions vivre dans des appartements à forte densité, par exemple. Comme vous l’avez fait valoir, c’est aussi le cas pour nos choix alimentaires, qui ont une incidence sur les types de cultures que l’on fait pousser et les produits que l’on offre. Je suis d’accord avec tout cela.

J’accepte l’idée que l’éducation permet aux consommateurs de faire de meilleurs choix pour eux et pour la société. Le gouvernement a également un rôle à jouer à cet égard.

Lorsqu’on tente de changer le comportement des consommateurs, on est confronté à de nombreuses questions normatives, culturelles et sociales. Je ne suis pas expert en nutrition, mais dans le cas de l’alimentation, je crois qu’à l’extrême, un régime sans protéine animale et sans produits hautement transformés entraînerait probablement de meilleurs résultats pour toute la population. On réduirait aussi les émissions de gaz à effet de serre.

Je ne crois pas qu’on veuille aller là. Beaucoup de gens seraient très mécontents si le gouvernement faisait la promotion d’un régime sans protéines animales et sans produits transformés comme les croustilles et d’autres, mais nous savons que ce serait mieux pour la société. Selon vos arguments, on réduirait probablement du même coup les émissions de gaz à effet de serre au Canada et dans le monde.

Si nous croyons que le changement climatique est un problème et que nous voulons nous y attaquer, le mécanisme de tarification constitue le meilleur moyen de changer les habitudes des consommateurs sans porter de jugement nominatif sur les effets néfastes de la consommation de viande sur la planète. S’il y a un moyen de saisir tous les éléments externes des émissions de carbone dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la production au transport, jusqu’aux tablettes des épiceries, et qu’ils soient reflétés dans le prix, je crois que cela aura une plus grande incidence sur le comportement des consommateurs que n’importe quelle mesure que vous ou le gouvernement pouvez prendre. C’est du moins la théorie et c’est pourquoi le mécanisme de tarification du carbone est en place.

Vous avez soulevé des points très intéressants quant à l’inefficacité de ces mesures sur certains agriculteurs, mais c’est peut-être parce que vous voyez la situation selon votre position dans la chaîne d’approvisionnement. Il y a une chaîne d’approvisionnement qui comprend les camionneurs, les expéditeurs, les épiceries et les personnes qui emballent les produits. Toutes ces personnes seront affectées d’une manière ou d’une autre par le prix du carbone, et cela aura une incidence sur le prix des produits. Si le prix des produits encourage l’innovation ou la réduction de la consommation de certains produits ou du recours à certaines pratiques qui produisent des gaz à effet de serre, alors on se rapprochera de l’objectif général de réduction des émissions de carbone au pays.

Ainsi, si vous croyez qu’il faut tenir compte des considérations relatives à la santé dans l’approche générale relative au système alimentaire, vous dites peut-être qu’il faut non seulement une taxe sur le carbone, mais aussi une taxe sur les produits alimentaires malsains, qui, à long terme, entraîneront des coûts pour la société.

De la même façon que les émissions de carbone constituent un élément externe qui entraîne un coût pour la société dans son ensemble, certains des problèmes que vous soulevez au sujet des produits alimentaires malsains entraîneront des coûts pour la société, qui ne seront pas seulement imposés aux personnes malades, mais bien à chacun d’entre nous.

Mon intervention se veut un commentaire en partie, mais aussi une invitation à nous faire part de vos idées sur la façon dont nous pouvons résoudre cette énigme de la réduction des gaz à effet de serre dans l’ensemble du système par l’entremise de ce que je considère être un mécanisme de tarification neutre plutôt que par des pressions morales.

M. Bacon: Je souris. Si vous me connaissiez mieux, vous sauriez que j’aime argumenter. Je vais dire que je ne suis pas d’accord avec vous. Je crois que la taxation et la tarification du carbone sont des instruments contondants qui, au bout du compte, vont accroître l’insécurité alimentaire au Canada.

Nous sous-estimons la capacité des consommateurs de faire des choix éclairés. Nous sous-estimons le rôle de leadership du gouvernement dans la transformation alimentaire, qui comprend des mesures incitatives pour la reformulation alimentaire. Cette reformulation donnera lieu à une démarche alimentaire plus abordable. Notre approche actuelle vise à imposer des taxes, à modifier le comportement par une hausse des coûts. Cette approche ne correspond pas à notre obligation de répondre aux besoins des personnes souffrant d’insécurité alimentaire au Canada.

Je crois que nous pouvons faire plus et le faire plus rapidement avec l’approche que je propose qu’avec la taxation.

Le sénateur Woo: Parlez-vous de pressions morales et non de réglementation?

M. Bacon: Je parle de mesures incitatives en matière de réglementation.

Le sénateur Woo: Puis-je poser une question complémentaire?

Le président: Très rapidement.

Le sénateur Woo: Je m’intéresse beaucoup à l’investissement de plus de 400 millions de dollars de la société Roquette dans une usine de transformation de la protéine du pois au Canada, annoncé en janvier.

Pouvez-vous nous expliquer les motifs derrière cet investissement? Je suppose qu’on a investi en sachant que le Canada allait avoir recours à la tarification du carbone.

M. Bacon: Le Canada est l’un des plus grands producteurs et exportateurs de pois au monde; on a donc construit une usine qui nous permet d’assurer un leadership en matière d’innovation, d’améliorer les plantes et de produire des légumineuses à grain.

Il y a une pénurie mondiale de protéines à base de plantes. La protéine des légumineuses à grain suscite l’intérêt de l’industrie alimentaire de par son caractère unique. On n’a qu’à lire les citations du PDG de l’entreprise pour voir que l’industrie alimentaire reconnaît cette occasion et investit déjà dans le domaine.

De façon rhétorique, je vous demanderais ce que le gouvernement a fait pour encourager les entreprises et les aider à aller de l’avant. Je n’ai pas d’exemple à vous donner.

Je crois que le gouvernement du Canada est 20 ans en retard par rapport à d’autres pays. Je crois que nous accusons un retard par rapport aux États-Unis. Nous sommes loin d’être des leaders en la matière. Voilà pourquoi il est temps de faire bouger les choses, et je ne parle pas d’imposer une taxe. Il existe des outils plus efficaces, qui offrent plus de finesse, et qui permettront d’aborder un plus large éventail d’enjeux sociaux que la taxation.

[français]

La sénatrice Petitclerc: Merci beaucoup pour votre présentation.

[traduction]

Je crois que vous avez répondu à ma question. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au livre Diet for a Small Planet, l’un des premiers que j’ai lus à l’université, écrit en 1971. Ce que vous nous dites aujourd’hui fait écho à ce qui a été écrit en 1971.

Pourquoi ne sommes-nous pas plus avancés? Vous avez répondu à cette question en grande partie, mais vous pourriez peut-être nous parler de la plus forte résistance. D’où vient-elle? Des agriculteurs ou des grandes entreprises? Est-ce une trop grande vision? Je suis curieuse de savoir pourquoi nous n’avons pas avancé et d’où vient la résistance.

M. Bacon: Qu’est-ce qu’on apprend aux enfants dans les écoles? Les connaissances alimentaires sont transmises par les parents, mais nous perdons nos connaissances et nos approches traditionnelles relatives aux aliments et nous sommes de plus en plus influencés par l’environnement dans lequel nous vivons.

Je vais revenir à l’idée voulant que la demande des consommateurs soit le moteur du changement. Pour que les consommateurs fassent des choix alimentaires qui amélioreront la santé de la planète, il faut créer une demande en ce sens.

J’ai ouvertement critiqué le Canada lorsque j’ai dit que nous accusions un retard de 20 ans. Nous n’avons pas d’équivalent à l’échelon provincial, fédéral ou territorial, à l’exception du Québec, qui est de loin le leader du pays en ce qui a trait à l’adoption d’une approche sociétale à l’égard d’une transformation alimentaire. Le Québec pourrait aller plus loin si la réglementation fédérale offrait plus de mesures incitatives.

Je ne crois pas qu’on ait fait de cet enjeu une priorité publique, mais comme nous parlons aujourd’hui de questions de politique publique comme le changement climatique et de l’augmentation des coûts liés aux soins de santé, nous ne pouvons tout simplement pas continuer dans cette voie, parce qu’aux dires de certains, nous allons tout simplement atteindre le point d’échec plus rapidement. Il faut procéder à cette transformation. Je crois qu’il s’agit à la fois d’une occasion et d’un défi.

Ma réponse est donc que je ne le sens pas à l’interne. Le gouvernement ne me rappelle pas ce que nous devons faire. Je parle en tant que personne dans la société. Le gouvernement tente maintenant de trouver des façons d’aborder ces questions. Pour revenir à la question du sénateur Woo, je dirais qu’à mon avis, nous devons explorer d’autres avenues.

La sénatrice Beyak: J’ai une question d’ordre pratique également. Je suis certaine que tout le monde à la maison veut savoir si l’on peut se procurer ce nouveau pain ou si vous êtes encore à l’étape de la commercialisation et de la promotion.

M. Bacon: Nous avons deux marques de pain nationales. L’une est distribuée par une famille de l’Ouest canadien, Save-On-Foods du groupe Overwaitea, qui offre la marque Pulse et la marque Country Harvest. J’encourage les gens à se soucier des aliments qu’ils consomment et à s’informer sur les mesures individuelles qu’ils peuvent prendre.

Je ne vais pas faire de la publicité pour Pulse. Vous savez que c’est ce que j’aimerais faire. À mon avis, c’est une question de passion pour les gens. Je crois qu’ils peuvent trouver la solution et le chemin qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs. En passant, c’est un pain délicieux.

La sénatrice Beyak: Je vous remercie de votre commentaire au sujet de l’imposition. Les Canadiens travaillent pour payer leurs impôts jusqu’au 7 juin; à partir de là, ils peuvent garder leur argent. Cette question est importante pour moi et je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit.

[français]

Le président: Monsieur Bacon, vous avez parlé de tout le travail qui s'est fait au fil des années en ce qui concerne la vente de produits nocifs, comme le tabac. Finalement, cela a donné de très bons résultats, notamment grâce à la taxation. À compter du 1er juillet 2018, un nouveau produit qui dégage lui aussi de la fumée pourra être cultivé sur des terres agricoles. Ce produit libérera-t-il autant de carbone que l'orge? Devra-t-on le taxer de la même façon que le tabac? Quelle est votre opinion à ce sujet?

[traduction]

M. Bacon: La taxation du tabac est un très bon exemple. Pour qu’elle soit efficace au Canada, nous avons des contrôles frontaliers très stricts. Nous sommes loin d’avoir de tels contrôles en matière d’alimentation. Une politique de taxation des aliments ne fonctionnerait pas au même titre que la politique de taxation de la cigarette.

La taxation peut uniquement avoir une incidence sur les produits assujettis à la gestion de l’offre associés à des contrôles commerciaux très stricts. Étant donné l’ouverture des frontières et la possibilité pour les entreprises alimentaires de s’approvisionner partout dans le monde, nous ne pouvons pas avoir des politiques uniques au Canada, à moins d’avoir des contrôles frontaliers très stricts. Nous pratiquons le commerce librement et c’est essentiel dans le domaine de l’agriculture, parce que nous exportons 80 p. 100 de notre production.

Je ne peux pas répondre à la question sur l’introduction de nouvelles cultures parce que je ne suis pas au courant de l’empreinte agronomique connexe. Je peux seulement vous parler des principales cultures dont j’ai examiné les données.

[français]

Le président: Ce sera donc une première au Canada; on aura une production agricole qui n'émettra peut-être pas de carbone.

[traduction]

M. Bacon: Après le soleil, le dioxyde de carbone et l’eau, l’azote est le plus important nutriment pour les plantes. Toutes les formes de vie ont besoin d’azote. Pour optimiser la production de cultures, il faut ajouter de l’azote; seules les légumineuses à grain et d’autres légumineuses n’en ont pas besoin. Toutes les autres cultures ont besoin d’azote provenant d’une quelconque source.

[français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bacon, de votre témoignage très intéressant. J'aimerais souligner le fait que vous auriez fait un bon politicien.

(La séance est levée.)

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