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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 53 - Témoignages du 31 mai 2018


OTTAWA, le jeudi 31 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, afin d’étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité.

J’aimerais demander aux sénateurs de se présenter. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, de la province de Québec. Bon matin.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, de la province de Québec. Bienvenue au comité.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur R. Black : Rob Black, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, de la province du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci, chers collègues.

Le comité poursuit aujourd’hui son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

Notre groupe d’experts est composé aujourd’hui de M. Keith Kuhl, président et chef de la direction de la Southern Potato Company, et de Mme Jane Proctor, vice-présidente, Gestion des politiques et des enjeux, de l’Association canadienne de distribution de fruits et légumes.

Merci d’avoir accepté notre invitation de venir témoigner aujourd’hui. Je vais demander à Jane de commencer la présentation des observations préliminaires.

Jane Proctor, vice-présidente, Gestion des politiques et des enjeux, Association canadienne de la distribution de fruits et légumes : Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner aujourd’hui pour vous parler du secteur alimentaire à valeur ajoutée et de la manière dont il peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

En guise de présentation, au cas où vous ne connaîtriez pas notre groupe, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, connue aussi sous le sigle ACDFL, représente plus de 870 entreprises de la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais, de la ferme à l’assiette. Notre secteur a une incidence économique de 14 milliards de dollars sur le PIB du Canada et est à l’origine de plus de 181 000 emplois au pays.

Nous sommes fiers du rôle que nous jouons dans les collectivités locales et fiers d’approvisionner les consommateurs canadiens en fruits et légumes sains, sûrs et nutritifs, tout au long de l’année.

Le secteur des produits frais traverse actuellement une période faste puisque nous assistons à une croissance importante du développement et des ventes des produits à valeur ajoutée chez les consommateurs. Le secteur des produits frais a mis sur le marché des produits à valeur ajoutée dans l’espoir de répondre aux besoins des consommateurs, des enfants aux personnes âgées en passant par les milléniaux, qui privilégient les produits alimentaires pratiques et sains.

En effet, selon un rapport publié en 2017 par le département de l’Agriculture des États-Unis sur les décisions en matière d’achat de produits alimentaires, les milléniaux recherchent plus que les autres générations les produits pratiques, consacrent une plus large part de leur budget alimentaire à des produits prêts à la consommation et privilégient les fruits et les légumes dans leurs achats de nourriture à consommer chez eux, par comparaison aux générations de personnes plus âgées. Bien que ce soit des données de sources américaines, nous sommes convaincus qu’elles reflètent également les préférences des milléniaux du Canada.

Beaucoup de nos membres ont profité de cette tendance pour créer des produits qui sont faciles à cuisiner à la maison et à manger sur le pouce. C’est le cas notamment des pommes de terre assaisonnées prêtes à cuire au four à micro-ondes, des pâtes à base de légumes, des tomates de serre présentées en emballage-portion et bien autres produits.

Incontestablement, les milléniaux représentent un marché clé pour nos membres, mais c’est également le cas des personnes âgées qui recherchent des façons plus simples de cuisiner sans sacrifier les aspects nutritifs de la nourriture qu’ils consomment, ou encore les enfants qui sont curieux de goûter les nombreuses saveurs, textures et couleurs que leur offrent les produits frais.

Les distributeurs américains ont déjà commencé à mettre l’accent sur les produits à valeur ajoutée, mais nos membres canadiens sont de plus en plus nombreux à prendre conscience des possibilités qu’offre la valeur ajoutée et conçoivent des produits et des emballages qui répondent aux consommateurs soucieux de leur santé et constamment en mouvement. Je mentionne les États-Unis, étant donné que c’est notre principal partenaire commercial.

Les membres de notre association qui offrent des produits à valeur ajoutée ont connu une croissance de 25 à 30 p. 100 sur 12 mois, sans montrer aucun signe de ralentissement. On trouve une quantité remarquable de nouveaux produits à valeur ajoutée sur les tablettes des épiceries et dans les allées de produits frais. Ces produits à valeur ajoutée vont des emballages-portion de fruits frais destinés aux enfants aux pâtes à base de légumes. Et ce n’est qu’un début. En effet, les détaillants eux-mêmes tirent parti des possibilités qu’offrent les produits à valeur ajoutée en proposant une gamme de nouveaux produits sous leur propre étiquette maison. Je suis certaine que plusieurs d’entre vous ont vu ces produits dans les magasins.

Pour que le succès soit garanti, l’industrie doit tenir compte de nombreux facteurs et commencer par comprendre le marché. Par exemple, on a constaté qu’un produit spécialisé à valeur ajoutée récemment mis sur le marché avait connu un succès mitigé dans les grands magasins, alors qu’il se vendait très bien dans les plus petites chaînes. Cela s’explique sans doute par le fait que les gourmets s’approvisionnent souvent dans des plus petites boutiques qui attirent des consommateurs prêts à payer plus cher pour obtenir des produits novateurs, en particulier si ces produits répondent à leur définition de « produit local ».

Le Canada dispose des ressources naturelles qui nous permettent de jouer un rôle clé dans la distribution de produits alimentaires dans le monde entier. Les produits à valeur ajoutée joueront un rôle important dans cette mission. Le Canada est réputé à l’échelle internationale pour sa production de denrées alimentaires de haute qualité, sûres et nutritives. C’est un avantage concurrentiel de taille sur certains marchés mondiaux, en particulier lorsque de nombreux consommateurs de pays comme la Chine et le Japon sont prêts à payer un prix plus élevé pour obtenir le type de saveur qu’offrent les produits canadiens. Par ailleurs, ces consommateurs considèrent le Canada comme une source sûre de produits alimentaires, critère qui revêt désormais une importance croissante pour beaucoup de consommateurs et beaucoup de marchés.

Comment pouvons-nous doubler la mise en tirant parti de cet avantage concurrentiel et faire en sorte que nos produits à valeur ajoutée soient les plus recherchés du monde? Pour le secteur canadien des fruits et légumes frais, cela signifie que le gouvernement fédéral doit continuer à soutenir la recherche et l’innovation et maintenir ses investissements dans ce secteur. Notre industrie s’engage à aider le gouvernement à atteindre son objectif consistant à exporter chaque année des produits agroalimentaires d’une valeur de 75 milliards de dollars d’ici 2025, et nous pensons que les produits à valeur ajoutée représentent un élément important dans l’atteinte de cet objectif. À cette fin, le financement du gouvernement à l’appui de la recherche et de l’innovation en matière d’emballage, d’amélioration de la conservation des produits frais et dans d’autres domaines est essentiel à la croissance des produits à valeur ajoutée dans notre secteur et au Canada.

Par ailleurs, le gouvernement doit explorer différentes façons d’inciter les entreprises à confectionner leurs produits à valeur ajoutée au Canada avant de les exporter. Permettez-moi de citer un de nos membres dont l’entreprise se spécialise dans les produits à valeur ajoutée. Selon lui : « Beaucoup trop de produits naturels ou non modifiés prennent la direction des États-Unis pour être transformés et recevoir une valeur ajoutée. Le gouvernement devrait offrir aux entrepreneurs canadiens des incitatifs pour exporter leurs produits, mais également pour créer des filiales aux États-Unis plutôt que de les voir déménager la totalité de leurs activités chez nos voisins du Sud. »

Cela devrait être un objectif important du gouvernement et de votre comité. Afin d’empêcher nos entreprises de s’installer aux États-Unis, nous encourageons le gouvernement à examiner les facteurs qui font que nous sommes moins concurrentiels que nos voisins du Sud. Pour ce faire, le gouvernement doit s’assurer que notre industrie offre des salaires compétitifs et des intrants de culture appropriés, et doit créer un climat économique permettant à nos membres d’attirer au Canada des dirigeants expérimentés du secteur alimentaire.

Nous devons aussi prendre conscience des importants défis que posent les pénuries de main-d’œuvre d’une part et notre régime fiscal d’autre part. Nous espérons que l’étude consacrée à l’agriculture primaire fournira des résultats à long terme qui aideront à remédier aux importantes pénuries de main-d’œuvre dans le secteur agricole au Canada, pénuries qui se manifestent surtout dans le secteur de l’horticulture.

En outre, nous espérons que le gouvernement entreprendra un examen complet du régime fiscal, dans l’intention de faire du Canada un des pays les plus progressistes et les plus compétitifs sur le plan fiscal dans le monde. Les changements apportés à la déduction pour petites entreprises accordée aux sociétés membres d’un groupe et la taxe sur le carbone, pour ne citer que ces deux-là, figurent parmi les changements fiscaux les plus récents qui continuent à avoir un impact négatif sur nos membres et qui risquent d’étouffer la croissance. Plusieurs de ces changements fiscaux sont élaborés et mis en œuvre indépendamment les uns des autres, mais ils ont une incidence sur le même contribuable.

On ne saurait trop insister sur l’impact que notre régime fiscal a sur nos membres, en particulier si on le compare aux récentes modifications fiscales mises en place aux États-Unis et aux incitatifs fiscaux offerts aux entreprises par différents États afin d’encourager l’ouverture de nouvelles installations, incitatifs dont se sont prévalues certaines de nos entreprises canadiennes.

En conclusion, j’aimerais encore remercier le comité de m’avoir invitée à venir témoigner aujourd’hui. L’ACDFL est résolue à collaborer avec le gouvernement relativement à chacun de ces aspects, afin que notre industrie des fruits et légumes frais demeure productive et compétitive pour les générations à venir.

Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du comité après l’intervention de mon collègue Keith. Merci.

La présidente : Merci pour vos observations. Nous allons maintenant entendre M. Kuhl.

Keith Kuhl, président et chef de la direction, Southern Potato Company : Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, de m’avoir invité à venir parler aujourd’hui du secteur alimentaire à valeur ajoutée et de la façon dont il pourrait être plus compétitif sur les marchés globaux.

Avec mes deux fils, j’exploite la Southern Potato Company, une entreprise située à Winkler, au Manitoba, dont nous sommes propriétaires. Mon père a créé cette entreprise en 1960, sur des terres qu’il avait achetées de son propre père. La transmission de l’exploitation à la quatrième génération, mes fils, est actuellement en cours. La cinquième génération, représentée par mes petits-enfants, est déjà active dans l’exploitation.

La Southern Potato exploite une superficie d’environ 6 500 acres dont 2 000 acres sont consacrées à la production annuelle de pommes de terre. Le reste de l’exploitation est consacré à la culture du blé, du maïs, du canola et du soya.

Notre production de pommes de terre comprend les pommes de terre fraîches, les pommes de terre à frire que nous fournissons à l’entreprise Old Dutch Foods de Winnipeg, ainsi que les pommes de terre de semence que nous commercialisons partout au Canada et aux États-Unis.

Notre production de pommes de terre fraîches comprend surtout la pomme de terre à pelure rouge et à chair blanche. Nous produisons aussi une pomme de terre à pelure blanche et à chair jaune qui est très demandée sur le marché depuis une dizaine d’années. Depuis cinq ou six ans, nous avons commencé à produire des pommes de terre de spécialité. C’est de ce type de produit que je voudrais vous parler aujourd’hui, car il s’agit d’un produit à valeur ajoutée.

Depuis quelques années, nous avons continué à augmenter notre production de pommes de terre de spécialité. Nous produisons entre autres des pommes de terre de type grelot et fingerling qui existent dans diverses variétés de couleurs. Les grelots sont les petites pommes de terre que l’on sert souvent dans les restaurants, tandis que les fingerlings ont la forme d’un pouce. Beaucoup de ces pommes de terre sont utilisées dans le secteur des services alimentaires, les restaurants, et cetera, mais on les retrouve de plus en plus souvent dans les épiceries, car elles sont prisées par les gens qui aiment cuisiner chez eux.

Le coût de production des pommes de terre de spécialité est de trois à quatre fois plus élevé que celui des pommes de terre fraîches ordinaires. Les pommes de terre de spécialité sont vendues de cinq à huit fois plus cher que les pommes de terre fraîches ordinaires.

La production de pommes de terre de spécialité présente certains défis : le rendement est généralement plus faible; le coût de production, comme on l’a déjà dit, est nettement plus élevé; il faut faire appel à un équipement spécialisé qui nécessite d’importantes dépenses; il faut effectuer des recherches pour que nous soyons garantis d’obtenir les meilleures variétés et de connaître les meilleures méthodes de production. Enfin, la plupart de ces recherches doivent être effectuées dans notre exploitation.

La culture des pommes de terre de spécialité exige des terres à haut rendement. Les terres doivent être drainées et irriguées afin de compenser l’augmentation du coût de production. En conséquence, nous devons être propriétaires des terres et investir dans des tuyaux de drainage et une infrastructure d’irrigation.

Compte tenu des travaux d’amélioration, le coût de préparation des terres s’élève à environ 15 000 $ l’acre. Le coût de production des pommes de terre de spécialité peut atteindre jusqu’à 9 000 $ l’acre.

En termes d’accès au capital, nous dépassons la limite de capital imposable de 15 millions de dollars, étant donné que nous continuons à investir dans les terres, l’irrigation, les tuyaux de drainage, l’équipement spécialisé, l’entreposage approprié, les installations d’emballage et la commercialisation. Il s’ensuit que nous sommes désormais imposés au taux élevé pour chaque dollar de profit. Nous sommes imposés dès le premier dollar de profit.

Nous ne sommes pas admissibles à la déduction de 500 000 $ offerte aux petites entreprises. En 1974, l’exemption de taxe consentie aux petites entreprises était fixée à 500 000 $ pour les entreprises dont le capital imposable était inférieur à 15 millions de dollars. Ce seuil de 15 millions de dollars n’a jamais été indexé pour tenir compte de l’inflation. S’il avait été indexé, la limite serait aujourd’hui de 80 millions de dollars. Nous sommes arrivés à ce chiffre en utilisant la feuille de calcul de l’indice d’inflation du gouvernement.

En 1974, le gouvernement a compris qu’en accordant un allègement fiscal, il encouragerait les entreprises à réinvestir leurs bénéfices dans leur propre commerce, afin d’encourager la croissance. Le régime fiscal actuel pénalise les entreprises qui mettent trop l’accent sur la croissance. La structure fiscale actuelle réduit notre capacité à atteindre nos objectifs à valeur ajoutée.

Les programmes de gestion des risques de l’entreprise proposés par l’intermédiaire d’Agriculture et Agroalimentaire Canada encouragent les exploitations agricoles, qui produisent des récoltes à fort apport économique, à intervenir de manière énergique afin de cerner et d’atténuer les risques. Les programmes offerts dans la série de gestion des risques de l’entreprise ne reconnaissent pas les démarches qui consistent à cerner et atténuer les risques. En conséquence, les exploitations comme la nôtre ne sont pas admissibles à certains programmes du gouvernement tels qu’Agri-stabilité et Agri-protection et nous ne retirons que des avantages minimes de programmes tels qu’Agri-investissement.

Les programmes de gestion des risques de l’entreprise devraient encourager et récompenser les exploitations agricoles qui cernent et atténuent les risques. Jusqu’à présent, Agriculture et Agroalimentaire Canada n’a pas répondu de manière positive aux demandes de changement.

En matière de recouvrement des comptes débiteurs, nous sommes également plus exposés, étant donné que les produits que nous commercialisons augmentent de valeur. Pendant des décennies, le secteur canadien des fruits et légumes frais a collaboré avec le gouvernement canadien afin de garantir une certaine protection financière en cas de faillite et d’insolvabilité des clients, en s’inspirant de la Perishable Agricultural Commodities Act des États-Unis, loi mieux connue sous l’acronyme de PACA.

J’encourage le gouvernement à travailler avec les dirigeants des organismes nationaux de fruits et légumes frais tels que l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et le Conseil canadien de l’horticulture, afin de trouver une solution à la protection contre les risques financiers pour l’industrie des fruits et légumes frais.

En matière d’accès à la main-d’œuvre, les tables rondes sur les chaînes de valeur ont reconnu, depuis 2012, que l’accès à la main-d’œuvre constitue l’enjeu principal du secteur de l’agriculture et de l’agriculture à valeur ajoutée. Si le gouvernement souhaite que les ventes du secteur agricole à l’exportation atteignent 75 milliards de dollars d’ici 2025, il doit prendre les moyens nécessaires pour lever les obstacles qui empêchent actuellement l’accès aux travailleurs étrangers temporaires.

Notre exploitation est située à un mille de la frontière américaine. Nous exportons environ 30 p. 100 de notre production vers les États-Unis. À mesure que nous continuons à prendre de l’expansion et à augmenter la valeur des produits que nous cultivons, nous nous posons également des questions sur le territoire où nous allons réaliser notre expansion. Il est, de plus en plus, tentant pour nous d’envisager de nous tourner vers les États-Unis pour agrandir notre exploitation, compte tenu des allègements que le gouvernement américain apporte actuellement au fardeau fiscal des entreprises. Notre gouvernement doit s’assurer que nous demeurions compétitifs sur le marché mondial.

Je suis maintenant prêt à répondre aux questions du comité. Encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de venir témoigner aujourd’hui.

La présidente : Merci. Nous venons d’entendre deux exposés très complets et les membres du comité ont de nombreuses questions à poser. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Proctor et monsieur Kuhl, bienvenue au comité, et félicitations pour votre entreprise familiale qui est presque ancestrale maintenant! Je constate que vous êtes en âge d’avoir une succession, et c’est très bien. Bravo pour votre entreprise!

Monsieur Kuhl, vous parlez d’une fiscalité qui vous désavantage. Pourriez-vous expliquer exactement en quoi la fiscalité actuelle désavantage votre entreprise pour la deuxième et la troisième transformation?

[Traduction]

M. Kuhl : Certainement. Comme je l’ai dit, en vertu de l’exonération fiscale établie à 500 000 $ pour les petites entreprises par le gouvernement en 1974, la première tranche de profit de 500 000 $ n’est pas imposable au Manitoba pour les entreprises admissibles. Je crois que le gouvernement fédéral vient tout juste de réduire à 9 p. 100 la taxe qui s’applique en vertu de l’exonération fiscale des petites entreprises. Cependant, n’étant pas admissible à cette exonération, je suis imposé au maximum sur chaque dollar gagné. En conséquence, il est beaucoup plus difficile pour moi de continuer à investir dans la croissance de mon entreprise.

Comme je l’ai dit au cours de mon exposé, c’est mon père qui a créé l’entreprise en 1960. Évidemment, l’entreprise a connu des changements de propriété et, à chaque transition, il faut disposer d’un capital important. Ce capital provient de bénéfices non répartis dans l’entreprise ou doit être emprunté.

La limite de 15 millions de dollars en capital imposable est généralement calculée à partir des bénéfices non répartis et de la dette totale de l’entreprise. Si l’on veut conserver l’exploitation dans la famille et la transmettre à la prochaine génération, on se met essentiellement le couteau sous la gorge, étant donné que l’on finit par ne pas pouvoir bénéficier de l’exonération puisque la limite de 15 millions de dollars n’a jamais été indexée pour tenir compte de l’inflation.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, si le système de fiscalité actuel n’est pas modifié, cela empêchera votre entreprise de se développer en matière de recherche et développement et d’achat de nouveaux équipements concurrentiels. La concurrence est toujours là. Étant donné que vous n’êtes pas reconnu comme une entreprise agricole, mais simplement comme une PME, la fiscalité actuelle ne vous convient pas. Je suis tout à fait d’accord avec vous là-dessus. Si vous aviez une recommandation précise à nous faire, quelle serait-elle?

[Traduction]

M. Kuhl : Encore une fois, merci pour cette question. Personnellement, je pense que la solution consisterait à indexer en fonction de l’inflation le capital imposable de 15 millions de dollars établi en 1974. Cela ferait en sorte que ma limite serait portée à 80 millions de dollars. Il y aurait cette solution ou une autre possibilité qui consisterait à exonérer l’ensemble du secteur agricole afin de le rendre admissible à la limite fiscale accordée aux petites entreprises.

Le sénateur Mercer : Merci à tous les deux d’être ici aujourd’hui. J’ai une question pour vous deux et je vais tenter d’être concis.

Madame Proctor, j’ai remarqué que vous utilisiez des données américaines. N’avons-nous pas de données canadiennes qui seraient plus pertinentes pour la discussion? Par ailleurs, lorsque vous recueillez ces données, n’est-il pas possible de séparer celles qui concernent la production alimentaire de celles qui touchent l’exploitation agricole et les entreprises à valeur ajoutée?

Lorsque je m’adresse aux témoins et au public, je m’efforce toujours de souligner qu’il y a une différence entre le monde urbain et le monde rural. Les politiciens urbains étant plus nombreux que ceux qui proviennent des régions rurales, nous devons constamment leur rappeler l’importance du secteur rural. C’est la raison pour laquelle je pose la question.

En même temps, comment garantir l’assurance de la qualité? Quelle mesure prenez-vous à ce sujet, madame Proctor?

Mme Proctor : Pour répondre rapidement à votre première question, les données canadiennes sont très difficiles à obtenir. Je suppose que cela est dû à la taille du marché américain et aux fonds que le gouvernement consacre à la collecte de données. Malheureusement, nous n’avons pas accès au même type de données ici. Nous devons toujours nous démener pour obtenir des données qui peuvent contribuer à enrichir les connaissances au sein de l’industrie. De fait, nous collaborons actuellement avec l’ACIA — je n’entrerai pas dans les détails — à propos du codage utilisé pour identifier les produits, ce qui nous permettra de recueillir des données plus détaillées. Toutefois, c’est un défi de taille.

Honnêtement, il nous arrive souvent d’extrapoler à partir des données américaines. Franchement, même lorsqu’il s’agit d’obtenir des statistiques sur nos propres importations ou exportations aux États-Unis, nous obtenons parfois de meilleures données des États-Unis car ils obtiennent ce type de données directement du Canada ou ils les recueillent eux-mêmes chez nous. C’est un défi qui continue à se poser. Les données présentent toujours un défi pour nous.

En matière d’assurance de la qualité, la qualité et la salubrité sont deux éléments dont il est beaucoup question dans notre secteur. Notre secteur accorde beaucoup d’importance à ces deux éléments tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Je sais que Keith va en parler.

Ici, au Canada, nous avons notre propre programme, CanadaGAP, un système complet de contrôle de la salubrité des aliments qui a été conçu ici au Canada, sur le modèle de l’Initiative mondiale de salubrité des aliments. Ce programme est très important — pour les producteurs, évidemment — mais également tout au long de la chaîne d’approvisionnement, jusqu’aux consommateurs qui veulent toujours s’assurer de la salubrité des aliments qu’ils achètent.

Bien entendu, chaque entreprise a son propre personnel de contrôle de la qualité au sein de ses services, ainsi que dans les grandes centrales d’achat. Keith pourra en parler, car il a de l’expérience dans le domaine, puisqu’il œuvre dans ce secteur. Les entreprises ont du personnel chargé de l’assurance de la qualité.

Dans toute la chaîne d’approvisionnement, les responsables de l’assurance de la qualité effectuent en permanence ce type de contrôle. Évidemment, lorsqu’on procède à la transformation de la matière première pour lui ajouter de la valeur, il faut prendre en compte les changements qui modifient la qualité ou la salubrité des aliments, si cela s’applique.

Le sénateur Mercer : Monsieur Kuhl, vous avez expliqué qu’en raison du succès de votre entreprise, vous n’êtes pas admissible à l’incitatif lié à la limite du capital imposable. Devrait-on hausser cette limite et à quel niveau?

M. Kuhl : C’est dû en partie à notre succès et en partie au fait que nous avons toujours eu tendance à conserver nos profits à l’intérieur de l’entreprise afin de favoriser sa croissance, plutôt que de les encaisser et de mener une vie plus luxueuse.

Le sénateur Mercer : Je pensais que tous les agriculteurs vivaient dans le luxe.

M. Kuhl : Absolument. Cela ne fait aucun doute!

Comme je l’ai dit, les règles de base concernant l’imposition des petites entreprises n’ont jamais changé depuis 1974. À cette époque-là, on pouvait acheter de la terre agricole au prix de 200 $ l’acre. Je viens tout juste de faire l’acquisition d’une autre parcelle de terre agricole au coût de 11 500 $ l’acre. Par conséquent, si je veux agrandir mon entreprise, j’ai besoin de ces bénéfices non répartis et je dois aussi faire appel à la banque. Cependant, je dois abandonner une partie importante de mes bénéfices, puisque 28 p. 100 d’entre eux sont directement absorbés par l’impôt.

Le sénateur Doyle : Rétrospectivement, les accords commerciaux de plus en plus nombreux auxquels nous avons adhéré au fil des années — l’accord de libre-échange et tous les autres accords que nous sommes sur le point de signer — ont-ils eu une incidence notable sur l’exportation de pommes de terre et d’autres produits agricoles?

M. Kuhl : Probablement moins sur les exportations de pommes de terre que d’autres produits agricoles. Bien entendu, notre exploitation agricole étant située au centre de l’Amérique du Nord, il est pratiquement prohibitif financièrement pour nous de tenter d’accéder à des marchés étrangers autres que celui des États-Unis, en raison des coûts de transport.

Plusieurs d’entre vous savent que des provinces comme l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick consacrent elles aussi une grande partie de leur superficie agricole à la culture de la pomme de terre. Dès lors que ces provinces se tournent vers les marchés étrangers, l’offre devient moins grande en Amérique du Nord, ce qui me permet d’obtenir un meilleur prix pour mes produits. Par conséquent, les accords de libre-échange sont extrêmement importants pour nous.

Évidemment, le véritable travail commence une fois que l’accord est en place. Les services du Secrétariat de l’accès aux marchés, qui nous permettent de recueillir des informations sur l’ensemble des marchés étrangers, constituent un élément extrêmement important des services offerts par le gouvernement. Nous nous appuyons aussi sur les données fournies par l’ACIA relativement aux questions sanitaires et phytosanitaires sur les marchés étrangers, afin de nous assurer d’être au courant des règles et des attentes qui s’appliquent avant de nous lancer sur ces marchés; parallèlement, cela nous permet de continuer à protéger notre biosûreté nationale lorsque les produits sont importés au Canada.

Le sénateur Doyle : D’après les notes que j’ai ici, vous avez dit qu’en 2014 les États-Unis ont supprimé l’accès du Canada à leur système de protection des paiements relatifs aux produits agricoles périssables. Ont-ils voulu nous punir d’être trop compétitifs sur leur marché?

M. Kuhl : Non. Je crois que les dispositions fiduciaires relevant de la PACA sont entrées en vigueur aux États-Unis en 1984. Lorsque la loi a été adoptée, le Canada avait obtenu un traitement préférentiel. Nous étions le seul pays au monde à bénéficier de la même protection que les producteurs des États-Unis sur le marché américain. Selon l’entente conclue à l’époque, le Canada devait progressivement offrir une protection analogue à l’industrie et offrir le même traitement aux vendeurs américains sur nos marchés.

Entre 1984 et 2014, l’ACDFL et des exploitants agricoles comme nous ont collaboré avec le gouvernement pour tenter de le convaincre de respecter l’engagement qu’il avait pris en 1984. En 2014, constatant que le Canada ne s’acquitterait vraisemblablement pas de son engagement, les États-Unis ont supprimé le privilège spécial qu’ils nous avaient accordé sur leur marché.

Ce fut une énorme déconvenue pour nous, car, comme vous le savez, les États-Unis continuent d’être notre premier marché d’exportation mondial.

Le sénateur Doyle : Merci.

[Français]

La sénatrice Gagné : Bienvenue au comité et merci de vos présentations.

[Traduction]

Monsieur Kuhl, vous avez parlé de la difficulté d’accès à la main-d’œuvre. D’autres témoins sont venus nous parler également de ce défi pour l’industrie. On nous a dit que le programme actuel tente d’appliquer un modèle universel à différents types d’industries et de secteurs. Quels sont les types de changements que vous souhaiteriez voir apporter au programme pour qu’il soit mieux adapté aux besoins de votre secteur?

J’aimerais simplement ajouter qu’on nous a dit qu’il était extrêmement difficile de conserver les travailleurs, même lorsqu’ils avaient une expérience essentielle et qu’ils avaient été formés en cours d’emploi. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

M. Kuhl : Comme plusieurs d’entre vous le savent déjà sans doute, une partie du défi tient au fait que le Canada continue à s’urbaniser de plus en plus. Une énorme proportion de la population vit dans les villes. En conséquence, les exploitations agricoles ont de la difficulté à trouver de la main-d’œuvre, car celle-ci est trop éloignée.

Nous avons collaboré étroitement avec l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et avec le Conseil canadien de l’horticulture. Une grande partie de la main-d’œuvre nécessaire dans le domaine horticole est manuelle. Les travailleurs sont courbés la plupart du temps pour faire la cueillette.

Dans mon exploitation, nous avons réussi à poursuivre nos activités sans faire appel au Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais je vois arriver le moment où nous aurons peut-être besoin de faire appel à ce programme. Il me semble que le gouvernement ne fait pas confiance aux exploitations agricoles et que des organismes comme Emploi et Développement social Canada et Service Canada font de plus en plus de difficultés aux exploitations agricoles qui souhaitent avoir accès à la main-d’œuvre étrangère dont elles ont besoin.

À mon avis, c’est un constat très triste pour la société canadienne. Le gouvernement devrait collaborer avec les producteurs pour favoriser leur réussite. Il ne devrait pas créer des obstacles. Je crois vraiment qu’il est nécessaire d’établir un dialogue ouvert et de trouver des solutions.

Étant donné que je voyage assez souvent, j’ai toujours une carte NEXUS. Cela signifie que je suis un voyageur de confiance. Les employeurs qui font venir des travailleurs étrangers temporaires depuis des décennies et qui ont noué des relations avec eux, devraient aussi obtenir une carte NEXUS. Il faudrait leur faire confiance, car ils ont déjà fourni toute la documentation nécessaire au gouvernement depuis des décennies. Pourtant, chaque année, le gouvernement les considère comme des nouveaux venus à qui il ne fait pas confiance et les force à tout recommencer à zéro.

La sénatrice Gagné : Merci. C’est un excellent point. Madame Proctor, avez-vous des commentaires à ajouter?

Mme Proctor : Évidemment, nous avons discuté de tout cela avec le gouvernement et il y a eu beaucoup de tables rondes. Nous constatons une plus grande volonté de la part des divers ministères à collaborer avec l’industrie.

Pour ce qui est de la confiance — c’est le plus petit commun dénominateur —, les gens sont très inquiets — je ne citerai pas de noms car, bien évidemment, s’il y a un incident et que les médias en parlent, cela fera mauvais effet. Toutefois, malheureusement, c’est un très petit pourcentage d’exploitants agricoles qui ne se comportent pas comme ils le devraient. Et pourtant, cette méfiance est générale. C’est tellement injuste.

Il y a les programmes d’importateurs de confiance. Les encadrements sont omniprésents. Il existe, au sein du gouvernement, un précédent concernant en particulier les personnes qui ont toujours respecté la réglementation du gouvernement, appliqué les normes et offert des possibilités d’amélioration de leur existence aux personnes qui viennent chez nous et s’en retournent après dans leur pays où elles peuvent mener une vie meilleure. Il est vraiment dommage que l’on entende toujours parler du plus petit commun dénominateur. C’est comme si c’était le but recherché par tous.

Quand de bonnes politiques sont en place et que l’industrie ou que la population en général les respecte, le gouvernement doit se faire un devoir de les appuyer et de parler des personnes qui les respectent. Elles font ce qu’elles ont à faire et respectent les règlements. Comme je l’ai dit, cela s’est répandu dans de nombreux ministères et programmes gouvernementaux.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins. Monsieur Kuhl, je tiens à vous féliciter de faire partie de la quatrième génération d’une famille d’exploitants agricoles. J’espère que ce n’est qu’un commencement et qu’il y en aura quatre autres.

Je suis un peu inquiet. Vous avez parlé un peu plus tôt de la différence entre le Canada et les États-Unis sur le plan fiscal, notamment en matière d’investissement. Nous sommes pratiquement à la croisée des chemins, puisque les États-Unis réduisent leurs taxes afin d’attirer des investissements, alors que nous allons dans une autre direction. La taxe sur le carbone, les problèmes de main-d’œuvre, toutes sortes de difficultés se pointent à l’horizon. Comment voyez-vous l’avenir? Je suis un peu inquiet pour votre quatrième génération.

M. Kuhl : Merci pour cette question. Les États-Unis ont modifié leur politique fiscale afin de réduire l’imposition des entreprises. Selon les articles que j’ai lus, la nouvelle politique permet essentiellement aux entreprises de continuer à réinvestir dans leur commerce et dans leurs employés et, grâce à cela, à augmenter leur chiffre d’affaires. Si je parviens à augmenter mon chiffre d’affaires de 10 p. 100 chaque année et que je peux bénéficier d’un taux de taxation raisonnable, le montant total des impôts que je devrai payer demeurera exactement le même.

Par conséquent, soit le gouvernement impose aux entreprises des taux de taxation réalistes afin de leur permettre de continuer à investir leurs bénéfices dans l’entreprise, soit nos gouvernements mettent en place des taxes exorbitantes qui réduisent la capacité de croissance des entreprises, inhibant du même coup la capacité de croissance à long terme de notre économie en général.

Le sénateur Oh : Est-ce que votre association ou vous-même avez fait part de vos préoccupations à ce sujet? La nouvelle administration emprunte une direction et nous allons dans la direction opposée. C’est très important. Peut-être qu’il ne se passera rien, mais, au bout de deux ou trois ans, une fois que l’on a changé, il faut revenir en arrière.

M. Kuhl : En effet. J’ai été très clair à ce sujet. Au moment de préparer le plan de succession, de transmettre l’exploitation agricole à mes enfants, je me suis demandé entre autres si je devais scinder l’entreprise en deux pour la transmettre à mes deux fils et créer ainsi deux entreprises distinctes, dans l’espoir qu’ils puissent à nouveau bénéficier d’un taux inférieur en matière d’imposition des entreprises. Pourtant, on est plus efficace quand on travaille ensemble. Selon moi, il n’est pas normal que des familles qui ont travaillé ensemble pendant des décennies décident soudain de se séparer. On ne devrait pas forcer les familles à se séparer; on devrait plutôt encourager les familles à poursuivre leurs activités professionnelles communes.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Woo : Je vous remercie pour votre témoignage. L’élément principal que nous tentons d’examiner dans le cadre de la présente étude consiste à définir comment nous pouvons améliorer, renforcer et étendre le secteur à valeur ajoutée dans notre pays. Je tiens donc à mettre l’accent sur cette question.

Il y a beaucoup de mesures que nous pouvons prendre pour améliorer la compétitivité du secteur agroalimentaire en général, notamment en matière de régime fiscal. D’après ce que j’ai entendu, en particulier de la part de Mme Proctor, on a assisté à une grande augmentation des produits à valeur ajoutée, mais nous sommes encore en retard par rapport à certains pays. Voilà ce que j’ai cru entendre dans vos propos.

Pourriez-vous, pour commencer, brosser un tableau de la situation au Canada en matière de recherches, d’incitatifs, d’appuis à l’industrie, et cetera, dans un effort concerté pour créer des produits à valeur ajoutée, et nous dire quels sont les obstacles qui s’opposent au développement continu du secteur à valeur ajoutée?

Mettons de côté pour le moment les considérations fiscales. Je pense que nous en avons déjà parlé et que nous comprenons bien le problème. Ce que j’essaie de dire, c’est que nous aurons beau trouver une solution au problème fiscal, tant que nous n’aurons pas le bon écosystème, les incitatifs adéquats ou la culture appropriée, nous continuerons à vendre des produits très peu transformés dans le monde, sans une grande valeur ajoutée.

Mme Proctor : Merci pour cette question. Évidemment, j’invite Keith à ajouter ses propres commentaires.

Nous sommes en retard par rapport à certains pays qui, dans certains cas, ont saisi l’occasion d’accroître la valeur ajoutée en mettant l’accent sur les emballages, et cetera. C’est tout simplement pour répondre à la demande des consommateurs.

Il n’est pas surprenant que l’on fasse référence aux États-Unis. En effet, les États-Unis ont commencé à mettre l’accent sur la valeur ajoutée depuis de nombreuses années, mais je ne voudrais pas que le Comité ait l’impression que les producteurs, les transformateurs et les expéditeurs canadiens ne font rien pour innover. Au contraire, le Canada offre des produits extrêmement novateurs. À l’occasion de notre congrès qui vient juste de se dérouler, nous avons présenté un salon au cours duquel nos membres pouvaient exposer leurs nouveaux produits. Beaucoup de ces produits offraient une valeur ajoutée.

Je crois sincèrement que c’est ce secteur qui offre les meilleures possibilités de croissance. Le gouvernement fédéral propose des programmes qui mettent l’accent sur l’innovation. Je crois que l’on demande parfois que l’innovation soit un peu plus poussée sans prendre trop d’envergure — bien entendu, il est utile de privilégier les grappes de très grandes dimensions et on leur a consacré beaucoup de fonds. Il est important que les programmes gouvernementaux continuent à appuyer cette recherche et à permettre à l’industrie de la faire.

Les gouvernements précédents ont fermé certaines stations de recherche et leur ont consacré moins de fonds. Ces stations de recherche réparties un peu partout au Canada sont excellentes. Il y en a une pas loin d’ici, dans la région du Vineland, qui est extraordinaire. On y fait des recherches fascinantes. Ces stations de recherche aident l’industrie à élaborer de nouveaux produits et à les cultiver dans de nouvelles conditions. Elles offrent de grandes possibilités.

Il est important que le gouvernement continue à investir et à encourager les stations de recherche, mais aussi les autres domaines — certaines universités et certains collèges effectuent des recherches agricoles. Il faut que le gouvernement continue à les appuyer.

Honnêtement, l’industrie est capable d’innover quand on lui donne un premier coup de pouce financier et que l’on appuie la recherche. Avec une aide initiale, l’industrie peut aller loin. Elle ne cherche pas à obtenir des faveurs. Elle veut simplement trouver des façons d’apprendre.

De nos jours, le secteur alimentaire est devenu très complexe. Il ne s’agit pas uniquement de créer de nouveaux produits. Il faut s’assurer qu’ils soient salubres. Comment s’assurer que l’emballage continue à préserver la qualité du produit? Ces aspects sont tellement importants lorsqu’on veut ajouter de la valeur au produit, car dès le moment où on le modifie, à moins qu’on le fasse en magasin et que le produit soit vendu en vrac — mais même cela est très peu courant. Il faut mettre l’accent sur ces aspects.

Il est extrêmement important de continuer à investir dans la recherche qui vise à apporter des changements à l’emballage, des changements qui permettent d’assurer la qualité et la salubrité des aliments, comme l’a dit le sénateur Mercer. Je vous répète que l’industrie ne demande pas que tout soit entièrement financé. Elle a simplement besoin d’une aide initiale.

Keith, je ne sais pas si vous voyez autre chose à dire. Vous produisez de la valeur ajoutée.

M. Kuhl : Oui. Comme je l’ai dit, depuis près d’une décennie, nous travaillons à la production d’une pomme de terre de spécialité. Il faut choisir un objectif et prendre ensuite les mesures nécessaires pour l’atteindre. Il ne sert à rien de mettre en place un vaste plan de marketing ou de valeur ajoutée tant que l’on n’est pas capable de fabriquer le produit.

Nous sommes arrivés au point où nous croyons être capables de produire une pomme de terre spéciale à laquelle nous consacrons une superficie d’environ 200 acres. Cependant, jusqu’à présent, la plupart de nos produits sont expédiés vers des entreprises de reconditionnement, soit en Ontario, soit aux États-Unis principalement, dans des grands sacs qui peuvent contenir par exemple jusqu’à 2 600 livres de produits. Notre prochaine étape consistera à essayer de livrer nos produits sur le marché dans des sacs d’une et deux livres, étant donné que cela nous permettra d’ajouter une grande valeur au produit et d’obtenir un meilleur prix.

Bien sûr, il faut disposer d’un important capital pour élaborer le plan de marketing et faire connaître la marque, mettre en place l’infrastructure, l’équipement nécessaire pour le conditionnement. Il faut tout planifier dans les détails pour assurer le succès de l’opération.

Le sénateur R. Black : Ma question porte sur la recherche et le sénateur Woo a plus ou moins demandé la même chose. Cependant, M. Kuhl a présenté une recommandation concernant les mesures touchant la fiscalité qu’il souhaitait voir dans notre rapport final. De votre côté, madame Proctor, quelle serait la recommandation que vous souhaiteriez inscrire dans notre rapport si vous en aviez la possibilité?

Mme Proctor : Je sais que nous avons déjà parlé de la fiscalité et de la main-d’œuvre, mais on ne saurait trop insister sur l’importance de ces deux aspects. Nous devons cesser d’exporter notre capital accru, notre savoir, notre industrie, aux États-Unis. Nous devons améliorer l’environnement ici, au Canada.

La fiscalité est une chose. Le modèle fiduciaire de type PACA et les questions de main-d’œuvre sont tous des éléments qui contribuent, mais le contexte réglementaire est lui aussi un élément important. Le nouveau règlement sur l’approvisionnement des Canadiens en denrées alimentaires saines va entraîner d’énormes changements et permettra, espérons-le, de régler beaucoup de choses.

Les règlements sont importants pour toutes sortes de raisons, mais les associations et l’industrie n’ont de cesse de contester certains aspects mis en place pour des raisons qui peuvent sembler très louables, mais qui nuisent en fait à la croissance de l’industrie. Ce sont plus ou moins des obstacles techniques.

Je ne peux m’empêcher de penser à Keith quand il a parlé des emballages de tailles différentes. C’est un très bon exemple des exigences très strictes qui s’appliquent au Canada, pour de bonnes raisons, aux nouveaux produits à propos de la taille des emballages autorisés, et cetera. Nous tentons d’encourager l’innovation et la création de nouveaux produits. Il faut bien faire attention que les nouveaux règlements, avec les meilleures intentions, n’étouffent pas cette innovation.

Keith, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose. Je sais que les nouvelles dimensions des emballages peuvent poser problème.

M. Kuhl : En effet. Nous avons, vous et moi, signalé que le gouvernement s’était donné pour objectif de hausser ses ventes à l’exportation au niveau de 75 milliards de dollars d’ici 2025. Pour l’industrie, je peux vous assurer que cela ne pose aucun problème. Nous sommes bien préparés et prêts à aller de l’avant. Cependant, il faudrait que le gouvernement fasse en sorte que les politiques qu’il a mises en place appuient cette croissance et nous rendent la tâche la plus facile possible pour atteindre ce niveau de croissance. Tous les différents éléments évoqués par Mme Proctor, le modèle fiduciaire de type PACA, les problèmes de main-d’œuvre, la fiscalité, sont essentiellement liés. Le gouvernement devrait tout simplement se demander quelles sont les conditions qu’il devrait mettre en place pour faciliter le plus possible la réussite des entreprises.

La présidente : Très bien. Merci. Il nous reste 10 minutes et il y a encore deux personnes et moi-même qui devons intervenir au cours du premier tour. Ensuite, trois personnes sont inscrites pour le deuxième tour. Il faudrait donc que les témoins soient plus brefs dans leurs réponses.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux témoins. Ma première question s’adresse à Mme Proctor. Vous avez parlé de la transformation qui se fait aux États-Unis. C’est peut-être plus rentable de le faire aux États-Unis. Avez-vous des indications financières qui pourraient nous aider à rédiger des recommandations à insérer à notre rapport sur la façon dont les choses se déroulent quand vos produits sont transformés aux États-Unis?

[Traduction]

Mme Proctor : Merci. Je ne voudrais pas vous donner l’impression qu’il ne s’agit que des activités de transformation. Malheureusement, c’est aussi la production. De nombreux producteurs s’installent aux États-Unis pour des raisons fiscales et parce que les incitatifs offerts par les États sont très attrayants. Certains membres de notre association ont déplacé d’importantes activités de production aux États-Unis pour de telles raisons.

Je n’ai pas les données financières sous la main. Comme je l’ai déjà dit, il est malheureusement très difficile d’obtenir ce type de données au Canada. Nous pouvons faire quelques recherches auprès de nos membres. Nous pouvons communiquer avec ceux qui, à notre connaissance, ont des activités aux États-Unis. C’est le type de problème que nous rencontrons quand nous voulons obtenir des données. Nous pouvons vous présenter des études de cas ou vous donner des exemples d’activités de production au Canada et vous indiquer quel est le pourcentage, en termes de dollars, de leurs activités qui ont été déplacées aux États-Unis. Cela pourrait aider. En raison des conditions de collecte actuelles, il est impossible pour nous d’obtenir des données complètes, mais ce type d’information peut nous permettre sans doute de savoir si, par exemple, tel exploitant de serre a déménagé du Canada pour installer des serres géantes aux États-Unis. Cela pourrait aider. Si c’est le cas, nous serions heureux de vous fournir ce type d’information. Je suis sûre que nous pouvons l’obtenir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma prochaine question s’adresse à M. Kuhl. Vous avez beaucoup parlé de la fiscalité au Canada et de l’aide que le gouvernement pourrait vous apporter. Il s’agit tout de même d’une industrie de plusieurs milliards de dollars qui crée beaucoup d’emplois. Vous avez aussi mentionné la fameuse taxe sur le carbone. Vous avez dit que cette taxe ne vous aiderait pas et que, au contraire, elle pourrait vous occasionner des problèmes. À titre d’industrie qui génère plusieurs milliards de dollars et beaucoup d’emplois, avez-vous pris part à des consultations avec le gouvernement lorsqu’il a décidé d’imposer la taxe sur le carbone? Est-ce qu’on vous a rencontré?

[Traduction]

M. Kuhl : Tout d’abord, merci pour la question. Cela me fait vraiment plaisir.

Non, le gouvernement ne nous a pas consultés. À notre connaissance, aucune étude n’a été effectuée pour tenter de déterminer quel est l’investissement que l’entreprise a déjà fait en vue de réduire la quantité de combustibles carbonés que nous utilisons. Dans mon exploitation, le matériel que nous utilisons aujourd’hui est beaucoup plus économe qu’autrefois sur le plan énergétique. Nous avons mis en place des systèmes visant à réduire la quantité d’électricité que nous utilisons. Le gouvernement ne s’est jamais penché là-dessus.

Selon moi, il serait bien préférable que le gouvernement propose un système qui encourage les entreprises à adopter l’innovation et le changement plutôt qu’un système qui les pénalise et qui les frappe d’une taxe supplémentaire. Les entreprises seraient ainsi plus encouragées à se développer et à évoluer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur Kuhl. C’est une excellente réponse.

[Traduction]

Mme Proctor : Très rapidement, un des aspects sur lesquels notre secteur se penche actuellement est la définition de l’agriculture par le gouvernement. Nous souhaiterions que cette définition soit plus cohérente. En effet, la définition de l’agriculture contenue dans la loi actuelle sur la tarification du carbone exclut les serres. C’est un problème systémique, selon moi. Je travaille beaucoup sur les normes mondiales et le manque de cohérence dans les définitions utilisées par les divers ministères du gouvernement canadien me paraît tout à fait regrettable. À mon avis, ce serait une bonne recommandation pour tous les ministères.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Excellente réponse, madame Proctor.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser une question rapidement. J’essaie de comprendre le rôle ou l’importance de la certification CanadaGAP, s’il en est, dans le contexte de la valeur ajoutée. Pouvez-vous m’éclairer à ce sujet? Je comprends qu’il s’agit d’une certification, mais est-ce une démarche volontaire? J’aimerais avoir une idée du rôle qu’elle joue dans ce contexte

Mme Proctor : Comme je l’ai dit, CanadaGAP est un programme de référence. Essentiellement, l’évaluation de la sécurité alimentaire, toute la conception des normes ainsi que leur vérification, partie extrêmement importante, sont toutes des démarches volontaires. Le Canada impose des règlements exigeant que les consommateurs puissent s’approvisionner en denrées alimentaires saines, mais il incombe à l’industrie elle-même de mettre en place les critères qui permettent de garantir la salubrité alimentaire. Le gouvernement propose des listes de vérification, et cetera, mais l’industrie va, bien entendu, au-delà de ces indications.

L’application de CanadaGAP est-elle exigée par la loi? Non, absolument pas. Cependant, on peut dire que l’industrie s’impose elle-même un programme de référence fondé sur CanadaGAP ou sur d’autres critères de l’IMSA, l’Initiative mondiale de la sécurité alimentaire. Ces normes vont au-delà des exigences gouvernementales en matière de salubrité alimentaire. Par conséquent, c’est très important et c’est une exigence à laquelle les entreprises ne peuvent se soustraire. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Petitclerc : Tout à fait. Est-ce que cela vous rend plus compétitifs sur le marché?

Mme Proctor : Absolument. En fait, la plupart des détaillants ou des acheteurs de services alimentaires sur le marché mondial n’ont d’autre choix que d’appliquer un de ces programmes de référence de l’IMSA — il y en a beaucoup dans le monde, mais le processus d’évaluation est difficile et rigoureux. Les entreprises qui ne veulent pas s’y soumettre doivent faire face à la réalité et accepter que la plupart des acheteurs ne fassent pas affaire avec elles. Cela devient de plus en plus important, surtout dans les vastes marchés émergents comme la Chine et l’Inde, auxquels nous avons maintenant accès. La salubrité alimentaire est capitale. C’est pourquoi, il est absolument important pour notre secteur et, en fait, pour toute industrie, de mettre en place un programme de salubrité alimentaire, d’accepter d’être vérifié et d’être capable de montrer qu’il respecte les critères de salubrité.

M. Kuhl : Essentiellement, sans des programmes comme CanadaGAP, nous ne serons jamais en mesure d’atteindre l’objectif de 75 milliards de dollars d’ici 2025. De tels programmes sont absolument indispensables sur le marché mondial.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La présidente : Très bien, il nous reste juste assez de temps pour une question très brève, parce qu’il y a un autre groupe qui attend.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ce sera très court. Il est vrai que notre mandat est d’examiner la deuxième et la troisième transformation. On n’a pas besoin d’être économiste pour savoir que la fiscalité est la base d’une entreprise. J’aimerais savoir, monsieur Kuhl, comment le transfert de votre entreprise se fait de génération en génération. Est-ce par la vente d’actions, où celui qui vend est imposé et celui qui achète a des problèmes? Comment fonctionnez-vous dans un groupe familial comme le vôtre, monsieur Kuhl?

[Traduction]

M. Kuhl : Dans mon cas, ce n’était pas véritablement un problème, mais le scénario était différent. J’ai une fille et deux fils. Ma fille a décidé de ne pas rester à la ferme, et je l’en félicite. J’ai donc dû créer une société de gestion des actifs familiaux en plus d’une entreprise d’exploitation, afin que mes fils puissent à long terme devenir propriétaires de cette entreprise et que la famille continue d’être propriétaire des autres actifs.

Dans une exploitation familiale, le plan de succession consiste essentiellement pour le père et la mère à transmettre la majorité des actifs à leurs enfants. Pour le moment, heureusement, je peux céder mes actifs agricoles à la prochaine génération sans que mes enfants soient obligés de payer d’énormes montants de taxes. Si cela devait changer, la plus grande partie de l’agriculture canadienne serait anéantie.

[Français]

Le sénateur Maltais : De là l’importance de se doter d’une bonne fiscalité. Merci, monsieur Kuhl.

[Traduction]

La présidente : Je remercie les témoins. C’était une intéressante discussion. Je sais que nous aurions pu poursuivre plus longtemps, mais il y a un autre groupe de témoins qui attend. Je vous remercie.

Nous allons entendre un deuxième groupe de témoins. Nous accueillons maintenant Ray Price, président de Sunterra Farms Limited, et Tia Loftsgard, directrice générale de l’Association pour le commerce des produits biologiques du Canada.

Merci d’avoir accepté de venir témoigner aujourd’hui. Nous allons demander à M. Price de commencer.

Ray Price, président, Sunterra Farms Ltd. : Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter mon témoignage devant le comité.

En guise de présentation, je vais commencer par vous dire que Sunterra est une entreprise agricole familiale. Voilà comment nous avons démarré. Nous sommes installés en Alberta, mais nous avons des installations en Ontario, dans le Dakota du Sud et en Iowa. En Alberta, nous exploitons environ 4 000 acres de terre et nous produisons environ 450 000 porcs chaque année. Nous avons aussi une usine de transformation de la viande en Alberta. Nous exportons de 75 à 80 p. 100 de notre production au Japon essentiellement, mais nous commençons aussi à nous installer sur le marché chinois. Nous avons neuf magasins de détail à Calgary et Edmonton. Nous avons donc une entreprise familiale assez diversifiée.

Je vais maintenant évoquer, sans aucun ordre particulier, divers aspects dont il faut absolument parler, car ils constituent des obstacles pour le secteur alimentaire à valeur ajoutée. C’est, je crois, le sujet étudié par votre comité.

Les entreprises moyennes manquent de capitaux. Nous nous considérons comme une entreprise moyenne, mais au sein de l’industrie alimentaire, nous sommes une petite entreprise. Les institutions de financement ont de la difficulté à se concentrer sur l’agriculture et, en particulier, sur le secteur à valeur ajoutée, surtout dans l’Ouest canadien.

Il est important pour nous d’avoir accès aux marchés. Dans le secteur de la production porcine, nous exportons plus de 60 p. 100 de notre production. Il est donc absolument indispensable pour nous de continuer à avoir un bon accès aux marchés. Selon nous, il faut entre autres ratifier le plus rapidement possible l’accord PTPGP, afin que nous soyons parmi les premiers pays à bénéficier de cet accord qui sera favorable à l’ensemble de notre industrie, celle du bœuf et celle du porc.

Je crois que le transport ferroviaire a fait l’objet d’un débat à la Chambre et au Sénat. Selon nous, le fait de mettre l’accent sur la valeur ajoutée fera en sorte que l’on aura moins besoin du transport ferroviaire, puisque les marchandises à transporter seront moins nombreuses. Évidemment, la construction d’un pipeline est indispensable pour que l’on ait moins besoin des trains pour transporter le pétrole et qu’on libère ainsi de l’espace pour transporter d’autres produits par voie ferroviaire. Les agriculteurs améliorent sans cesse leur productivité. Dans notre cas, nous produisons notamment du canola. Notre production a probablement augmenté de 100 p. 100 l’acre par rapport à ce qu’elle était il y a 10 ans. En termes de volume, nous allons produire de plus en plus. Je ne pense pas que nous serons en mesure de doubler la voie ferrée jusqu’à Vancouver dans un laps de temps raisonnable. À long terme, nous serons limités. Il serait donc préférable de transporter par rail une plus grande quantité de produits à valeur ajoutée en vue de leur exportation, plutôt que d’autres produits de base.

Enfin, je sais que le groupe de témoins précédent a parlé de la main-d’œuvre. Dans les régions rurales du Canada, et en particulier en Alberta, nous faisons appel au Programme des travailleurs étrangers temporaires, que nous appelons le programme des travailleurs étrangers en transition. Environ 90 p. 100 des personnes que nous faisons venir au pays par l’intermédiaire de ce programme deviennent des citoyens canadiens ou des immigrants reçus. Ce programme nous a été très utile, mais nous nous sentons désormais limités par lui. Notre usine de transformation de la viande emploie environ 150 personnes. Nous voudrions en engager 50 de plus, mais nous ne pouvons pas les obtenir. Cela signifie que nous perdons environ l’équivalent de 15 millions de dollars en ventes d’exportation tout simplement parce que nous ne pouvons pas obtenir la main-d’œuvre nécessaire. Pour nous, il n’y a rien de temporaire dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous donnons une formation à ces travailleurs. Cette formation dure de six à huit mois. Nous les payons bien. Ils gagnent généralement de 20 à 30 $ de l’heure. Nous pensons que c’est un assez bon salaire pour quelqu’un qui vit dans une petite ville albertaine. Je pense que beaucoup des connotations négatives qui entourent le Programme des travailleurs étrangers temporaires sont fausses. Pour nous, ce programme est une voie vers l’immigration. C’est un élément indispensable pour nous. Si nous ne pouvons pas compter sur un programme efficace de travailleurs étrangers temporaires aboutissant à l’immigration, il serait indispensable de modifier les règles d’immigration pour que nous puissions faire venir des travailleurs au pays. Ces travailleurs peuvent suivre une formation, acquérir des compétences et gagner de bons salaires, surtout dans les régions rurales du Canada qui, selon moi, devraient et devront générer la plupart des activités agricoles à valeur ajoutée.

C’est tout ce que je voulais vous dire. J’espère que vous allez poser des questions. Je vous remercie.

La présidente : Merci pour votre exposé.

Tia Loftsgard, directrice générale, Association pour le commerce des produits biologiques du Canada : Sénatrices et sénateurs du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, bonjour. Je vous remercie de m’avoir invitée et je suis heureuse de pouvoir vous présenter, au nom de la Table ronde sur la chaîne des valeurs des produits biologiques, nos commentaires sur la compétitivité du secteur biologique à valeur ajoutée au Canada.

Je suis la directrice générale de l’Association pour le commerce des produits biologiques du Canada, qui est un organisme-cadre qui représente l’industrie, avec un membre associé, la U.S. organic trade association, ce qui fait de nous le principal porte-parole de l’industrie biologique en Amérique du Nord.

En Amérique du Nord, le secteur biologique repose à 50 p. 100 sur la demande des consommateurs qui vivent ici en Amérique du Nord. La demande mondiale et la compétitivité du secteur biologique sont des questions d’actualité, compte tenu de nos échanges commerciaux globaux et des négociations d’accords de libre-échange qui sont en cours avec nos partenaires commerciaux.

En ce qui concerne la production primaire de produits biologiques, nous nous situons au-dessous de la moyenne mondiale qui est de 1,5 p. 100. Dans le domaine de la production primaire, nous nous situons à 2,2 p. 100. Par contre, dans celui de la création de valeur ajoutée, nous perdons du terrain. Nous ne regroupons que 884 transformateurs de produits biologiques sur les près de 5 000 entreprises biologiques qui existent au Canada, mais ils représentent quand même 1,6 milliard de dollars de ventes par rapport au total des ventes de produits biologiques au Canada qui est de 5,4 milliards de dollars.

L’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique sont les chefs de file des produits régionaux et à multi-ingrédients. Au Canada, les entreprises sont très diverses. Il y a des multinationales comme General Mills, WhiteWave/Danone, Saputo, Mondelez ainsi que des petites et moyennes entreprises familiales comme Nature’s Path, Clif Bar, Fruit d’Or et Manitoba Harvest, qui sont des chefs de file dans leurs propres secteurs.

Toutes ces sociétés sont des leaders et des pionniers dans le secteur biologique pour ce qui est de la création de valeur ajoutée au Canada; elles ont surmonté tous les obstacles que je vais vous décrire et elles ont réussi à se construire une bonne réputation et à apporter des sommes considérables à l’économie en tant que producteurs alimentaires ayant adopté une approche équilibrée qui fait en sorte que les consommateurs tout comme les organismes concernés par l’environnement savent qu’elles fabriquent les meilleurs produits possible pour la santé et l’environnement.

Voici les tendances constatées parmi les entreprises du secteur biologique à valeur ajoutée : il y a une croissance de 10 p. 100 pour l’ensemble du secteur. Il y a de nombreuses entreprises qui croissent plus rapidement, mais la moyenne générale au Canada est de 10 p. 100. L’économiste en chef d’Exportation et développement Canada a établi une comparaison entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique. Cela comprend l’agriculture et les produits à valeur ajoutée. Le secteur biologique a une croissance de 15 p. 100, alors que le marché conventionnel a une croissance de 4 p. 100. C’est bien le secteur où la croissance est la plus forte et que nous devons suivre de près.

C’est une excellente nouvelle que ces entreprises biologiques novatrices suscitent un nouvel intérêt de la part de nouvelles entreprises qui veulent exercer également leurs activités dans le secteur biologique. Les pionniers du secteur biologique ont bien souvent réussi à surmonter les obstacles qu’ils ont rencontrés et ce sont bien souvent eux qui stimulent l’innovation dans ce secteur, qui étudient les engagements sur le plan environnemental, comme la neutralité carbone, l’innovation dans le conditionnement des produits pour ainsi prolonger leur durée de conservation, ainsi que le refus d’utiliser les produits GM et l’adoption de solutions durables en matière de conditionnement.

D’après la recherche, ces sociétés ont pris des engagements multiples qui vont au-delà du biologique à la durabilité prise dans son sens large et à l’adoption d’objectifs en matière de responsabilité sociale. Nombreuses sont celles qui ont également la certification Commerce équitable, B Corp, sans OMG.

Qu’est-ce qui empêche ces entreprises de demeurer au Canada? Je connais malheureusement de nombreuses entreprises prospères qui ont décidé d’exercer leurs activités aux États-Unis parce que leur principal marché se trouve dans ce pays, de sorte que, du point de vue de la fabrication et du transport, il paraît logique de se localiser dans ce pays pour atténuer la fluctuation des devises, qui est un facteur majeur pour celles qui achètent leurs ingrédients et souhaitent être plus proches de leurs sources d’approvisionnement pour atténuer les risques liés à la fluctuation des devises.

Veuillez noter qu’un bon nombre de ces fabricants achètent leurs produits au Canada pour les transformer aux États-Unis. Ce sont en vérité des produits fabriqués au Canada qui doivent être envoyés de l’autre côté de la frontière pour être transformés. Il serait difficile pour ces sociétés de les réimporter et de continuer à exercer leurs activités au Canada.

Il arrive que les exploitants canadiens qui achètent les produits biologiques assument des coûts qui sont parfois deux à trois fois supérieurs à ceux des produits conventionnels, en raison de facteurs qui alourdissent les coûts, à savoir l’achat de quantités moindres de produits qui ne sont pas toujours vendus au Canada; la fluctuation des devises qui affectent les achats effectués à l’extérieur du Canada; le transport et les droits de douane qu’exigent l’importation et l’achat de produits de régions éloignées de leurs centres de fabrication; le coût du stockage des ingrédients et de l’altération des aliments dans le cas où les ventes ne correspondent pas aux prévisions, les coûts associés à la fabrication par lots, puisqu’il faut alors isoler les produits biologiques, en particulier si l’on trouve dans la même unité de fabrication, des produits biologiques et des produits conventionnels; les loyers des installations louées sont bien souvent plus élevés pour les petites et moyennes entreprises qui doivent produire par lots et elles obligent parfois la marque du produit à assumer le coût de la certification biologique.

Malgré toutes les difficultés que posent l’approvisionnement et l’accès à des installations de fabrication et de transformation appropriées, les entreprises continuent à innover, car la demande mondiale des produits biologiques est insatiable, ce qui donne un avantage aux entreprises qui sont axées sur l’innovation. Les normes biologiques interdisent l’utilisation d’auxiliaires technologiques, d’additifs alimentaires, de colorants, d’agents de conservation, d’ingrédients OMG et d’emballages fabriqués avec des ingrédients OMG. C’est pourquoi ce secteur est toujours à la pointe de l’innovation.

Heureusement que la demande s’accompagne d’innovation en matière de fabrication et l’apparition de solutions biologiques en matière de colorants alimentaires, de levure et d’enzymes aide les entreprises biologiques à innover et à offrir ces nouvelles solutions biologiques.

Comme cela a été mentionné, les risques sont nombreux dans ce secteur, ce qui n’empêche pas les entreprises d’innover, de créer leur propre technologie et leurs propres machines pour répondre à la demande. Plusieurs fabricants réussissent à innover et à être des chefs de file, de façon à profiter de ce marché biologique qui représente 50 p. 100 de la demande mondiale et qui se trouve à proximité. L’autre 50 p. 100 de la demande se trouve en Europe et en Asie, des régions où les marques biologiques canadiennes sont très demandées.

La première des trois principales choses que nous recommandons dans le but d’aider le secteur biologique au Canada est de créer des incitatifs pour que la fabrication de produits à valeur ajoutée demeure au Canada et d’atténuer les risques associés aux devises et de réduire les obstacles à l’importation d’ingrédients biologiques qui entraînent des coûts prohibitifs lorsqu’ils sont utilisés dans la fabrication de produits à valeur ajoutée. Un exemple de mesure qu’ont prise les États-Unis est une classification spéciale du sucre pour le sucre de canne biologique, qui est exonéré de tout droit de douane pour les importateurs.

Deuxièmement, il faudrait renforcer les incitations destinées à favoriser la production nationale et la fabrication de produits à valeur ajoutée lorsque ces derniers peuvent être fabriqués au Canada. Par exemple, de nombreuses céréales sont nettoyées et traitées aux États-Unis, malgré le grand nombre d’installations existant au Canada, ce qui nous place dans une situation désavantagée puisque le produit final se retrouve aux États-Unis.

Troisièmement, il faudrait faire un suivi des exportations et importations de produits biologiques en mettant sur pied une base de données nationale en collaboration avec l’ACIA, l’ASFC, Agriculture Canada et Statistique Canada, de façon à mieux comprendre les flux des produits biologiques. À l’heure actuelle, il y a de nombreuses catégories de produits biologiques qui sont codées conventionnels. Nous devons être sensibilisés à la perte de possibilités que cela entraîne au sein de notre économie canadienne.

Je remercie le comité de prendre le temps d’examiner nos recommandations ainsi que les répercussions qu’auront les vôtres sur notre secteur.

La présidente : Je vous remercie tous les deux pour des exposés concis et substantiels. J’aime beaucoup qu’on me présente des recommandations précises. Cela nous donne une base à partir de laquelle travailler. Nous allons commencer les questions par celles du vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Loftsgard et monsieur Price, bienvenue au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Nous sommes heureux de vous entendre.

Monsieur Price, vous avez une entreprise au Manitoba. Quel est le pourcentage de produits biologiques qui sont vendus au Manitoba?

[Traduction]

M. Price : Nous exerçons nos activités agricoles en Alberta et aux États-Unis. Nous ne nous occupons aucunement de produits biologiques.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Loftsgard, pour garder la valeur ajoutée au Canada, vous avez fait des recommandations bien précises. Est-ce qu’une aide gouvernementale, une meilleure fiscalité ou une exemption sur la taxe sur le carbone seraient nécessaires? Lequel de ces choix préférez-vous?

[Traduction]

Mme Loftsgard : Je pense que nous avons besoin d’aides gouvernementales. Nous avons présenté plusieurs recommandations visant à créer des programmes incitatifs comme ceux qui existent aux États-Unis, comme un programme de certification à coût partagé pour réduire en partie les coûts qui y sont associés et obtenir un effet incitatif. Lorsque les producteurs et les fabricants doivent être certifiés, cela entraîne bien entendu des coûts supplémentaires pour ce qui est de l’approvisionnement, et le reste. Certaines idées que nous vous avons présentées font appel au gouvernement. Je pense que l’industrie fait tout ce qu’elle peut sans aide gouvernementale, et elle est à la traîne puisque nous voyons que ce secteur se développe aux États-Unis parce qu’ils ont adopté de nombreux programmes intéressants.

[Français]

Le sénateur Maltais : Y a-t-il des conditions spéciales pour vos produits dans l’ALENA?

[Traduction]

Mme Loftsgard : Non, nous avons des ententes en matière d’équivalences avec 90 p. 100 de nos partenaires commerciaux dans le monde entier. Cela ne fait pas partie d’une entente commerciale officielle. C’est une simple entente informelle entre l’USDA et l’ACIA, de sorte que nos procédures de certification respectives sont reconnues comme étant équivalentes. Nous avons beaucoup travaillé avec l’ACIA sur cette question. Cela a été un point critique parce que les marchés mondiaux allaient bloquer le Canada, si les fabricants n’acceptaient pas d’être réglementés par l’ACIA. Cela été un des principaux éléments qui a débouché de ces efforts, à savoir, ces ententes en matière d’équivalences. Cela n’avait rien à voir avec l’ALENA, même si l’ALENA est un accord extrêmement important pour nous, comme il l’est pour les autres industries.

Le sénateur Doyle : Monsieur Price, vous avez dit que vous aviez un élevage de 450 000 porcs. C’est un élevage de taille considérable. Générez-vous de l’énergie ou des engrais à partir des sous-produits du lisier de porc, ce qui vous permettrait de réduire vos coûts? Est-ce que vous le faites ou est-ce que vous examinez cette possibilité dans le but de moderniser encore davantage vos installations?

M. Price : Nous avons beaucoup fait depuis 30 ans sur l’amélioration de l’utilisation du lisier de porc. Nous l’injectons directement dans le sol. Dans le secteur que nous exploitons, les 4 000 acres, en général, nous utilisons les engrais chimiques uniquement pour équilibrer la composition du sol. Il nous arrive de devoir ajouter un peu de phosphate ou un produit comparable pour obtenir l’équilibre qui convient à nos cultures. C’est exact, nous pensons que nous réutilisons dans le sol environ 100 $ de lisier par acre, ce qui réduit d’autant la quantité d’engrais chimiques nécessaires.

En outre, étant donné que nous exerçons nos activités en Alberta, en Ontario et aux États-Unis, je peux dire que le Dakota du Sud et l’Iowa connaissent beaucoup mieux que nous ce processus et lui accordent plus d’attention que nous le faisons en Alberta ou en Ontario. Ces agriculteurs ont un accès à des capitaux qui leur permettent de construire des granges dans lesquelles loger nos porcs et d’utiliser notre lisier sur leurs terres. Ils creusent des rigoles autour des granges pour pouvoir utiliser le lisier sur leur terrain et éviter ainsi d’avoir à acheter autant d’engrais chimiques. C’est une très bonne approche synergique.

Le sénateur Doyle : Pour ce qui est des produits biologiques, il y a eu une époque où nous payions un supplément pour acheter des produits biologiques et seuls les écologistes convaincus en achetaient parce que leur prix était beaucoup plus élevé. Les choses ont-elles vraiment changé? Je penserais que oui. Vous avez déclaré que vous étiez maintenant en mesure de faire concurrence aux produits agricoles traditionnels.

Mme Loftsgard : Je ne dirais pas que nous leur faisons concurrence. Je dirais que la plupart des agriculteurs que je connais recherchent des solutions écologiques de façon à favoriser la santé du sol. Il y a beaucoup de producteurs conventionnels qui utilisent des techniques biologiques et j’encourage tous ceux qui veulent obtenir les avantages qui y sont associés à obtenir une certification complète.

Pour ce qui est de la demande des consommateurs, je dirais que 80 p. 100 des Canadiens achètent nos produits toutes les semaines. Ce document, que je me ferai un plaisir de transmettre au comité, contient toutes les statistiques actuelles relatives aux ventes et à la demande des consommateurs.

Je crois que notre secteur ne dispose pas de ce genre de données et c’est une faiblesse par rapport au secteur conventionnel. Notre industrie doit rassembler cette information. Nous travaillons avec Statistique Canada pour inclure des questions plus précises dans le formulaire du recensement de façon à mieux comprendre les revenus qui sont générés dans les exploitations agricoles, mais je peux vous dire qu’il se fait de la recherche très intéressante sur la question du retour sur investissement, non seulement pour ceux qu’effectuent les agriculteurs, mais également ceux des consommateurs. Les millénaires sont notre principal groupe de consommateurs. Nous savons que d’ici 2020, ils seront plus nombreux que les baby-boomers. C’est un aspect qui ne changera pas.

Le sénateur Doyle : Est-ce que les produits biologiques font face à des obstacles non tarifaires à l’étranger? Est-ce un facteur?

Mme Loftsgard : Absolument. J’ai présenté l’année dernière un exposé au comité permanent au sujet de nos difficultés. Il y a encore des problèmes de contamination. Le glyphosate est un grave problème pour nous en Europe à l’heure actuelle. Il y a une alerte sur ce produit. Nous devons analyser nos produits deux ou trois fois avant de pouvoir les exporter. Cela entraîne, bien entendu, des coûts supplémentaires.

La principale recommandation que nous voulons faire est qu’il faut renforcer l’assurance-récolte pour les producteurs de produits biologiques. Cette assurance n’existe que dans quelques provinces. Nous devons diversifier les techniques d’atténuation du risque pour préserver la plus-value associée au biologique et pour que nous puissions effectivement vendre nos produits sur ces marchés étrangers.

Le sénateur Oh : Merci d’être venus nous fournir beaucoup d’information.

Combien de membres compte l’Association pour le commerce des produits biologiques du Canada?

Mme Loftsgard : Dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, plus de 9 000 membres.

Le sénateur Oh : Neuf mille en Amérique?

Mme Loftsgard : Dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, avec notre section américaine.

Le sénateur Oh : Sur le plan international, vous avez dit que votre chiffre d’affaires était de 1,6 milliard de dollars.

Mme Loftsgard : Oui.

Le sénateur Oh : Vous avez également parlé de commerce international. Vos membres exportent-ils leurs produits vers l’Asie, la Chine et le Japon? Les classes moyennes ont explosé dans ces pays et elles veulent avoir accès à des produits sains et de qualité provenant du Canada et des États-Unis. Exportez-vous beaucoup d’aliments biologiques dans ces pays? Quelle est la situation?

Mme Loftsgard : Oui. La situation est excellente. Nous travaillons avec ces pays. Nous organisons des missions pour le développement des exportations. J’ai assisté à la manifestation phare qu’est Foodex Japan. En fait, tous les magasins Costco japonais donnent la priorité au porc canadien; c’est cette viande qui est achetée en priorité, ce qui est extraordinaire. La demande chinoise de produits biologiques est supérieure à la demande canadienne. Cette demande est considérable et elle facilite bien sûr l’exportation des produits canadiens.

J’ai présenté un exposé qui a été pris en compte par la Table ronde économique au sujet de nos objectifs en matière d’exportation qui sont de 75 milliards de dollars. Le biologique nous offre la possibilité de combler l’écart de 9 milliards de dollars dont ils parlent. Nous pensons que les produits biologiques pourraient répondre aux besoins et ajouter 3 milliards de dollars aux exportateurs si nous disposions d’une aide bien conçue et s’il y avait aussi un suivi des flux. À l’heure actuelle, nous ne suivons pas correctement ces échanges. Il n’y a que 12 codes d’exportation.

Le sénateur Oh : Avec votre organisation, avez-vous une idée du nombre des emplois créés par le secteur biologique?

Mme Loftsgard : Je vais étudier cette question avec le CRAC, j’espère, parce que nous ne disposons toujours pas de statistiques ventilées.

Cependant, chez les agriculteurs, ce sont les jeunes femmes et la génération du millénaire qui s’intéressent à la production durable. Les agriculteurs âgés quittent le secteur, et les nouveaux arrivants utilisent principalement des méthodes de production durable.

Je suis certaine qu’il se pose également des problèmes de relations de travail et il faut davantage de main-d’œuvre pour fabriquer les produits biologiques. J’aimerais beaucoup vous reparler de cette question quand j’aurai cette étude.

Le sénateur Oh : Il serait bon de connaître le nombre total des personnes qui sont employées dans ce secteur. C’est un aspect important.

Mme Loftsgard : J’en conviens.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Petitclerc : Madame Loftsgard, je m’intéresse au secteur biologique. Je n’ai pas de chiffres ni même de noms, mais je constate une tendance selon laquelle les petites entreprises ou les petites marques et certains produits sont éventuellement absorbés par les grandes chaînes alimentaires conventionnelles. En tant que consommatrice, cela me surprend parfois parce que je crois que j’achète un produit, mais finalement il appartient à une multinationale qui n’est pas particulièrement biologique. Dans le contexte de la valeur ajoutée, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ou est-elle évitable? Les petites sociétés qui commencent dans le créneau des produits biologiques sont-elles satisfaites de cette tendance? Est-ce parce qu’elles n’ont pas le choix ou est-ce simplement une possibilité d’affaires? J’aimerais connaître le contexte de cette tendance. Ce n’est peut-être même pas une tendance.

Mme Loftsgard : Je crois qu’il y a effectivement une tendance. Les grandes sociétés ont compris qu’il y avait là des possibilités et ces marques sont tellement réputées qu’elles veulent les ajouter à leur inventaire.

J’ai déjà exploité une petite entreprise. Je n’y travaille plus, mais je peux vous dire qu’il y a de plus en plus de petites sociétés qui apparaissent chaque année. Notre plus grand salon commercial, Natural Products Expo, se tient à Anaheim. Il a fallu le déplacer à Las Vegas parce qu’il y a des milliers de nouvelles marques qui apparaissent chaque année. C’est un secteur où l’innovation est très forte.

Je crois que nous allons continuer à constater ces tendances. Campbells Soup vient d’acheter Pacific; Annie’s a été achetée par General Mills. Nous le constatons de plus en plus. C’est à chaque organisation de décider si c’est là une opportunité d’affaires. Clif Bar refuse depuis des années ces offres et c’est une entreprise indépendante.

La sénatrice Petitclerc : Vous ne pensez donc pas que cette tendance soit nécessairement négative? Est-ce que cela dépend de l’entreprise?

Mme Loftsgard : Oui, je crois que c’est le cas. C’est une bonne chose que la gamme des produits augmente. Je sais que Loblaws offre 250 produits de marque à l’heure actuelle dans les collectivités rurales et il est possible que cela ait pour effet de réduire les prix. C’est une excellente chose qu’il y ait plus de choix.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

Monsieur Price, j’ai une question générale. Je suis en ce moment sur votre site web et je constate que vous avez effectivement une grosse entreprise, mais vous indiquez également clairement que vous recherchez la qualité et que vous voulez offrir de bonnes conditions de travail à vos employés. En plus des produits, il semble qu’il y ait beaucoup de valeurs qui soient importantes pour vous. Ma question est sans doute très générale, mais, lorsqu’il s’agit de réglementation, de certification ou de financement pour les entreprises comme la vôtre, avec ce genre de profil, faites-vous face à des obstacles ou à des difficultés que les autres entreprises n’ont pas? Notre pays vous aide-t-il ou est-ce qu’il rend les choses plus difficiles, je crois que c’est là ma question.

M. Price : Eh bien, le Canada est le meilleur pays au monde, je suis donc partial sur ce point et je crois que l’Alberta est réellement un endroit très agréable où vivre au Canada. Cela se reflète dans ce que nous faisons.

Il est certain que nous sommes de moins en moins compétitifs sur le plan international, en particulier par rapport aux États-Unis, à l’Australie et la Nouvelle-Zélande et, lorsqu’il s’agit d’agriculture à valeur ajoutée. Cela s’explique en partie par la politique fiscale et je sais que vous avez beaucoup parlé de la fiscalité avec le groupe de témoins précédent, mais cela a certainement un effet. Je peux vous donner un exemple. Au Dakota du Sud, le taux d’imposition est de 40 p. 100 inférieur à ce qu’il est en Alberta et à peu près le même qu’en Ontario, de sorte que cela joue certainement un rôle.

Il y a aussi beaucoup de règlements. Au Dakota du Sud, nous pouvons construire une grange en trois ou quatre mois. Ailleurs au Canada, en particulier en Alberta et en Ontario, les provinces que je connais le mieux, il faut 6 à 12 mois, ce qui complique les choses.

En même temps, il y a beaucoup de banques des États-Unis qui sont prêtes à investir dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Ici, il n’y a pratiquement que FAC, qui fait de l’excellent travail, mais cela est limité. Les grandes banques ne s’intéressent en général pas beaucoup à l’agriculture. Le portefeuille agricole des grandes banques est limité. Leur attitude varie beaucoup. Elles sont prêtes à financer l’achat de terres, mais beaucoup moins l’agriculture à valeur ajoutée.

C’est à cause de tous ces petits obstacles qui s’ajoutent les uns aux autres qu’il est difficile de se développer. Nous avons confiance dans le Canada, en l’Alberta en particulier, malgré tout cela, parce que nous pensons que c’est un endroit où il fait bon vivre et que nous voulons offrir à nos employés beaucoup de possibilités. Le plus grand danger qui nous guette est de ne pas avoir suffisamment de main-d’œuvre pour continuer à croître et à être efficaces. Tout dépend de l’accès à la main-d’œuvre. Nous savons que nous vendons moins de produits à l’exportation pour la raison que nous n’avons pas suffisamment de personnel dans les régions rurales de l’Alberta. Nous avons accès à la main-d’œuvre dans les grandes villes mais, dans les régions rurales de l’Alberta, nous avons de la difficulté à embaucher la main-d’œuvre nécessaire à nos activités.

En outre, je dirais simplement que sur le plan biologique, nous avons neuf magasins alimentaires. Nous vendons des produits biologiques dans ces magasins. Nous vendons des produits conventionnels aussi bien que biologiques. Cela dépend de ce que demande le consommateur et il est vrai qu’il y a une tendance favorable aux produits biologiques, qui vient du fait que notre secteur agricole à valeur ajoutée exporte des milliards de dollars de produits. Je crois que ce qu’apporte le secteur biologique, dans le domaine de la science, de la technologie et de l’agriculture — c’est que nous avons très bien réussi à adapter la science et la technologie à nos besoins. Si nous voulons atteindre ce seuil de 75 milliards de dollars, une partie représentera le secteur biologique, mais la plus grande partie sera, à mon avis, la viande, l’huile de canola, l’huile de soya, ce genre de choses.

Bien sûr nous voudrions équilibrer les choses, mais nous sommes vraiment convaincus que le Canada est capable de nourrir le monde entier. Quelqu’un nous a qualifiés de superpuissance alimentaire et c’est ce que nous devrions être. Nous avons les terres et l’eau et nous devrions produire beaucoup d’aliments pour le monde entier. Il y a des obstacles et des difficultés qui nous ralentissent, mais nous devrions progresser.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos témoins. J’ai plusieurs questions à vous poser. Je vais d’abord m’adresser à M. Price. Vous venez de mentionner que les banques canadiennes ne s’intéressent pas à l’agriculture, comme c’est le cas des banques américaines. Normalement, si les banques américaines ont senti qu’il était bon d’aider les agriculteurs, pourquoi les banques canadiennes ne le font-elles pas?

[Traduction]

M. Price : La structure bancaire du Canada est très différente de celle des États-Unis. Il y a quelques années, on avait dit que notre système bancaire était le meilleur au monde parce qu’aucune de nos banques n’avait fait faillite. À mon avis, ce n’est pas nécessairement le meilleur système au monde parce que, si personne ne fait faillite, cela veut dire que les banques ne prennent pas suffisamment de risques. Toutes les autres entreprises font parfois faillite.

Ce qui est arrivé, à mon avis, c’est que les banques canadiennes sont devenues plus conservatrices depuis cette période, alors que les banques américaines ont continué à prêter en prenant parfois plus de risques et il y a aussi la compétitivité. Nous avons accès à peu près à 10 ou 12 banques dans ce secteur aux États-Unis, et c’est la seule chose qu’elles font, agriculture et agroalimentaire. Lorsque je dis agriculture, je parle d’agriculture à valeur ajoutée jusqu’à la vente directe au consommateur. Ces banques prêtent aux entreprises de transformation et aux exploitations agricoles.

Par ici, en particulier dans l’Ouest, j’ai constaté que si vous êtes un producteur agricole, vous pouvez obtenir des fonds pour acheter des terres, il n’y a pas de problème, auprès des grandes banques, mais FAC est en fait le seul organisme qui s’intéresse vraiment à la valeur ajoutée.

Je vais vous faire une petite comparaison. Aux États-Unis, nous pouvons obtenir des prêts qui représentent 75 p. 100 du coût de la construction. En Alberta, le rapport dette avoir propre est au plus de 50 p. 100, cela veut donc dire qu’il est beaucoup plus difficile de se développer et de croître parce qu’il faut davantage de revenus, de recettes et de flux de trésorerie pour pouvoir réinvestir et construire des infrastructures.

Je ne critique pas les grandes banques parce que leurs principales activités et sources de bénéfices ne sont pas l’agriculture. C’est pourquoi elles recherchent les bénéfices relativement faciles à obtenir alors que l’agriculture, l’agroalimentaire et la valeur ajoutée sont des secteurs complexes. Ils sont plus difficiles à comprendre.

Par conséquent, en particulier dans l’Ouest où nous n’avons pas connu la valeur ajoutée — l’Ontario en a davantage tout comme le Québec, de sorte que c’est plus connu. Cependant, pour ce qui est de l’Ouest, cela représente un obstacle qui empêche les gens de dire : « Allons-y et faisons-le. »

Si je peux vous donner un dernier exemple, nous sommes en train de construire une usine de transformation de la viande à l’italienne, à valeur ajoutée de 15 millions de dollars en Alberta. Nous avons des partenaires italiens qui ont investi le même montant que nous, c’est une famille italienne qui possède la technologie. Cela fait près de 50 ans que Sunterra existe, mais nous n’avons quand même pas pu obtenir un financement de 50 p. 100 de notre usine qui offre, d’après nous, un grand potentiel de valeur ajoutée.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous parliez des États-Unis, et j’aimerais aborder la question de l’ALENA. On sait que la ministre Freeland est revenue bredouille des États-Unis. Entre-temps, il n’y a pas de réglementation pour l’ALENA. Il y avait une rumeur voulant que le Mexique puisse se retirer de l’accord ou en être exclu. Si, pour une quelconque raison, le Mexique devait se retirer de l’ALENA, qu’est-ce que cette situation changerait pour l’agriculture canadienne?

[Traduction]

M. Price : Une excellente question. Je ne sais pas. Je pense que l’ALENA, et avant lui l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, ont beaucoup apporté à notre agriculture dans notre secteur parce que ces accords ont fixé un ensemble de règles qui prévoyaient un mécanisme d’appel pour le cas où les Américains imposeraient des droits de douane ou des droits compensatoires ou des choses de ce genre. Nous avons très souvent utilisé ces dispositions dans le secteur du bœuf et du porc. Il a fallu beaucoup trop de temps pour résoudre ces problèmes, mais au moins, ils ont été résolus. Vous vous souvenez peut-être de l’étiquetage du pays d’origine; c’est un des problèmes qui a été très long à résoudre, mais au moins nous avions un mécanisme pour le faire. Par conséquent, le risque que l’ALENA soit abandonné ou que le Mexique le quitte, ce qui nous placerait dans une situation difficile, mettrait en danger nos investissements ainsi que nos opérations.

L’ALENA est un accord très important. Nous devons quand même penser à nos autres accords et nous diversifier du point de vue de l’agriculture. C’est la raison pour laquelle j’estime que le PTPGP est un accord très important pour nous parce qu’il nous offre l’accès à un autre marché. S’il n’est pas adopté dans le même délai, nous allons encore prendre du retard. Il y a aussi l’AECG qui nous donne également l’occasion de profiter de possibilités très intéressantes, mais les Européens utilisent beaucoup d’obstacles non tarifaires qui rendent difficiles les échanges commerciaux avec l’Europe.

Pour moi, il faut une approche à trois volets. Il faut terminer les négociations concernant l’ALENA, si cela est possible, mais parallèlement, il faut veiller à ce que nous ayons accès à d’autres marchés de sorte qu’en cas d’échec, nous aurons d’autres débouchés pour nos produits.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai une courte question concernant le transport ferroviaire. On a évité une grève du Canadien Pacifique qui aurait pu être dommageable pour tout le monde. Ça demeure quand même un problème. Le transport ferroviaire est un incontournable. Avez-vous cerné des problèmes avec le transport ferroviaire ou avez-vous des recommandations à nous faire pour tenter d’améliorer la situation?

[Traduction]

M. Price : Oui, je crois que, dans le secteur du transport, il y a des blocages qui se produisent tous les ans, en particulier lorsque l’hiver est très froid, pour ce qui est de transporter nos produits. Dans notre cas, nous n’avons pas suffisamment confiance dans le réseau ferroviaire pour utiliser ce moyen pour envoyer de la viande fraîche au Japon. Elle est transportée par camion plutôt que par le train. Dans notre petite entreprise, il est important de fournir un excellent service à nos clients japonais et cela veut dire respecter autant que possible les délais. De sorte que oui, le transport ferroviaire au Canada est problématique.

Les interruptions de service sur les quais de Vancouver ont également constitué un problème. Nous avons finalement envoyé plus de 100 tonnes de porc par avion pour pouvoir respecter nos engagements, ce qui est très coûteux, mais nous voulions être sûrs que nos clients soient satisfaits.

Avec toutes ces interruptions de service, il est très difficile d’être un fournisseur fiable. Je sais que, pour des produits comme l’huile de canola, l’huile de soja et le blé, si nous ne sommes pas en mesure de les livrer à nos clients, nous sommes considérés comme des fournisseurs non fiables et la fiabilité s’apprécie de différentes façons. C’est un secteur où il est important d’assurer la fiabilité dans nos échanges et de tenir compte du fait que nous avons qu’une seule option pour expédier les marchandises à Vancouver. On peut espérer qu’avec le temps, Rupert pourra accueillir davantage de navires, en particulier des porte-conteneurs. Pour nous, c’est un élément essentiel sur lequel nous devons pouvoir compter, étant donné que la plupart des secteurs céréaliers de l’Ouest du Canada sont bien évidemment très éloignés d’un port.

Je voudrais que nous puissions exporter davantage de porc, de bétail, de pâtes et de produits à valeur ajoutée pour que nous les transportions par rail et que le système écoule des produits plus denses et de plus grande valeur, si c’est la bonne façon de le dire, du point de vue des produits. Il faut environ 10 boisseaux de blé ou d’orge pour produire un porc et nous pouvons envoyer 40 kilos de ce porc en Asie. Cela réduit d’autant le volume du produit que nous transportons par rail, si nous arrivons à le faire dans l’Ouest du Canada.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Pour ce qui est du Programme des travailleurs étrangers temporaires, faut-il, d’une façon générale, le mettre à jour, le modifier ou l’abandonner et le repenser? Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

M. Price : À notre avis, les résultats du Programme des travailleurs étrangers temporaires varient selon les secteurs de l’agriculture concernés. Dans notre cas, nous préférons ne pas employer de travailleurs étrangers temporaires. Nous préférons avoir des employés permanents. Nous pensons que les Canadiens préfèrent souvent vivre et travailler dans les villes et exercer des tâches différentes de celles qu’il faut exécuter dans une ferme. Il y a beaucoup de gens dans le monde qui voudraient vraiment venir au Canada. Étant donné que nous sommes tous venus au Canada à un moment donné, cela nous donne la possibilité de former ces travailleurs.

Il ne faut pas supprimer le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour certains secteurs de l’agriculture et celui de la valeur ajoutée. J’aimerais qu’il existe une façon prévisible d’immigrer au Canada.

Je pense que le Programme des travailleurs étrangers temporaires s’il devenait, comme je l’ai déjà dit, un programme de travailleurs étrangers transitoires qui nous permettrait de faire venir et de parrainer vraiment pendant deux ans un travailleur étranger temporaire que nous souhaitons accueillir pour qu’il devienne un citoyen canadien ou un immigrant ayant le droit d’établissement, cela donnerait la possibilité — au Canada, à nos sociétés et à l’employé — de savoir si ces personnes aiment vivre ici, si elles aiment leur travail, pour que nous leur fournissions un emploi satisfaisant de sorte qu’ils aient un travail qui les attend le jour où ils arrivent. Pour moi, dès leur arrivée, ils devraient commencer à travailler, à payer des impôts et à faire toutes les choses que nous voulons qu’ils fassent. Si nous pouvons les transformer en une main-d’œuvre permanente, en particulier dans les régions rurales du Canada, cela serait profitable pour l’économie canadienne à la fois grâce à leur apport, mais aussi pour les taxes versées aux collectivités rurales.

Notre usine de transformation se trouve à Trochu en Alberta. Il y a environ 1 100 habitants. C’est une des rares zones agricoles où l’école a été rénovée parce que la population de la ville a augmenté, en partie parce que nous avons moins d’enfants, mais les gens qui viennent d’ailleurs en ont davantage. Il y a davantage d’enfants à l’école, de sorte qu’ils ont rénové l’école. La population de Trochu est enchantée qu’il y ait davantage de personnes qui viennent s’installer dans leur ville. Elle est située à environ 110 milles de Calgary, de sorte qu’elle est un peu isolée, mais c’est une façon efficace de le faire.

Il nous faut trouver une façon d’aider les immigrants et s’il faut avoir recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires, c’est très bien. Quatre-vingt-dix pour cent des travailleurs temporaires étrangers qui travaillent dans le secteur de la viande ont obtenu le droit d’établissement et ils restent en moyenne 10 ans dans notre entreprise, ce qui est beaucoup plus long que ce qui se passe habituellement avec les travailleurs étrangers non temporaires.

Le sénateur R. Black : Merci.

Madame Loftsgard, pouvez-vous nous en dire davantage sur la nécessité d’avoir des données? Vos derniers commentaires portaient sur les données. Dans quel but? Quelle est la fréquence et la nature exacte de ce besoin? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Loftsgard : Bien sûr. Dans les codes SH qui servent à suivre les données relatives aux échanges commerciaux, nous sommes regroupés avec les produits conventionnels. Si nous posons la question qu’a posée le sénateur Oh, nous pouvons uniquement vous dire que nos exportations représentent 607 millions de dollars, ce qui est tout à fait inexact. Nous suivons les produits sans valeur ajoutée. Ces derniers concernent uniquement les produits non transformés.

Le sénateur R. Black : « Nous » veut dire le Canada?

Mme Loftsgard : Oui, c’est un « nous » collectif. Compte tenu de l’importance du secteur biologique, nous avons du mal à savoir ce qui se passe du côté des exportations, mais aussi à connaître les opportunités manquées parce que nous importons en fait ces produits.

Lorsque j’ai parlé de produits à valeur ajoutée d’une valeur de 1,6 milliard de dollars au Canada, je peux vous garantir qu’au moins la moitié de ces produits n’ont certainement pas été fabriqués au Canada. Ce sont des produits importés, mais je ne peux pas vous le confirmer parce que je ne dispose pas de données à ce sujet.

J’aimerais préciser un point, à propos de la question sur le Mexique qui a été posée il y a un instant; nous avons des codes SH avec le Mexique et nous avons 55 millions de dollars d’importations alors que nous exportons vers ce pays seulement 23,4 millions de dollars. Lorsqu’on parle de ces échanges commerciaux, et nous sommes en train de négocier une entente sur les équivalences avec le Mexique, il est très important pour nous de disposer de ces données pour savoir si nous devrions conclure ces ententes sur les équivalences, qui relèvent en fait de l’ACIA.

Le sénateur R. Black : Merci. C’est tout.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci de votre présentation, monsieur Price.

[Traduction]

Pourriez-vous nous parler des activités de recherche qui appuient le secteur porcin? Avez-vous identifié des priorités de recherche nationale pour ce secteur? Est-ce un processus multidisciplinaire et multi-institutionnel? La recherche est-elle coordonnée entre les universités, les centres de recherche et l’industrie? J’aimerais avoir vos commentaires sur ce sujet.

M. Price : Bien sûr. J’apprécie la question. J’ai fait partie de plusieurs conseils de recherche et d’innovation. Je pense que le secteur porcin, où il y a eu de nombreux regroupements, s’intéresse beaucoup aux activités de recherche et au travail qui s’effectue avec les universités, le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux pour essayer de rendre la recherche efficace; je pense qu’il a fait du bon travail pour ce qui est de choisir des priorités.

Le porc est une industrie mondiale. Je crois que c’est la viande qui est la plus consommée au monde. La Chine est le plus gros consommateur et le plus gros producteur de porc. Le secteur porcin canadien appartient, tant au niveau de la production qu’à celui de la transformation, à des sociétés canadiennes, pour la plupart des entreprises familiales. C’est une collectivité très serrée qui réussit assez bien à orienter la recherche.

On a fait beaucoup de recherche sur la qualité de la viande et sur les différentes qualités de viande, ce qui me paraît un aspect important, parce que cela concerne en fait les consommateurs. Nous avons étudié les façons de contenir les maladies et d’intervenir. Je dirais que nous avons obtenu ensemble d’excellents résultats pour ce qui est d’éviter que des maladies soient introduites au pays et nous avons une réputation mondiale en matière de salubrité des aliments et de santé des porcs, également. Je crois que cela a été efficace.

La sénatrice Gagné : La génétique, j’imagine.

M. Price : La génétique a été laissée, dans l’ensemble, aux sociétés privées parce que ce sont des sociétés mondiales. Il s’est bien fait certaines choses, mais je crois que ce secteur est plus efficace parce que nous nous trouvons maintenant dans une zone dans laquelle ces sociétés ont des fonds à dépenser et qu’elles ont pris de l’avance sur les institutions gouvernementales parce que ce sont elles qui détiennent les stocks de semences génétiques.

Il n’y a pas beaucoup de centres de recherche qui disposent d’un troupeau suffisamment nombreux pour effectuer des évaluations génétiques. Il est préférable que cette recherche soit confiée à des sociétés privées, mais je pense que la transition s’est faite en douceur. Je préfère que l’industrie travaille sur la viande et la qualité de la viande plutôt que sur la génétique, par exemple.

La sénatrice Gagné : Merci.

La présidente : J’aimerais adresser ma question à Mme Loftsgard. J’ai beaucoup aimé vous entendre dire que les millénaires souhaitaient consommer des aliments biologiques. Le dernier groupe de témoins nous a dit qu’ils s’intéressaient également en général aux fruits et aux légumes, mais qu’ils voulaient qu’ils soient davantage préparés au moment où ils les achètent. Cela veut probablement dire qu’il faudrait augmenter le recours à l’emballage et je crains que cela donnerait davantage de déchets. Que fait l’industrie sur la question des emballages?

Mme Loftsgard : Nous venons tout juste de faire une étude sur les aliments prêts à emporter et à manger. Je me ferais un plaisir de vous l’envoyer parce que ces aliments sont de plus en plus fréquemment offerts dans les Starbucks et c’est là que les millénaires font leurs achats. Je ne pense pas qu’ils veulent des aliments préconditionnés parce qu’ils sont également sensibilisés à l’environnement.

Du côté de l’emballage, je peux vous dire que les normes biologiques contiennent des exigences relatives à l’emploi de produits qui, pour le moins, ne vont pas contaminer l’environnement biologique. Il pourrait s’agir d’emballages utilisant le maïs ou le sucre de betterave. Les normes biologiques n’autorisent pas le recours à ces produits, mais il serait intéressant de faire une étude sur les marques de conditionnement et de savoir si elles diffèrent des autres secteurs. Je ne pense pas que nous disposions de données solides sur ce sujet, à l’exception de cette étude sur la restauration, que je me ferais un plaisir de vous transmettre.

La présidente : Pouvez-vous l’envoyer à la greffière pour que tout le monde l’ait?

Mme Loftsgard : C’est ce que je vais faire.

La présidente : Merci. Ce serait une excellente chose.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’ai une très courte question : est-ce que les produits que vous fabriquez sont compétitifs dans les épiceries canadiennes?

[Traduction]

M. Price : Oui, nos produits soutiennent la concurrence mondiale. Nous exportons 80 p. 100 de notre production en Asie et le Japon est le marché mondial qui est le plus compétitif. La Chine est également en train de devenir très compétitive et nous développons nos ventes dans ce pays. De notre point de vue, il est très important que notre secteur soit compétitif à l’échelle mondiale. Le bœuf et le porc le sont. Dans nos magasins de détail, nous pensons que nous offrons des produits qui sont, en général, locaux et qui sont très compétitifs par rapport aux autres. Je me félicite du fait que nous soyons compétitifs. Il y a bien sûr certains aspects qui compliquent la situation, mais pour l’essentiel, nous devons être compétitifs pour pouvoir vendre nos produits dans le monde entier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Lorsque vous dites que vous exportez en Chine, vous savez que se tiennent à Shanghai de grands salons agroalimentaires. Participez-vous à ces salons?

M. Price : Oui. Canada Pork International est l’association qui s’occupe des exportations; cet organisme a donc un stand au salon de l’association hôtelière et de la restauration de Shanghai et l’industrie est présente dans ce stand. Nous y avons assisté ces deux dernières années, tout comme à Guangzhou et Beijing. Nous sommes de plus en plus connus.

De façon générale, le porc canadien au Canada est excellent. Nous venons d’obtenir la permission de lancer un projet pilote concernant le porc réfrigéré en Chine, ce qui sera le début d’une expérience consistant à fournir du porc canadien de haute qualité sur le marché chinois.

Le sénateur Oh : C’est un marché énorme.

M. Price : C’est le plus grand marché au monde. Il sera également le plus compétitif, mais c’est le plus grand marché au monde et nous devons faire très bien les choses. Nous sommes prêts à répondre à ce défi.

Le sénateur Oh : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Price, je voulais revenir sur la problématique du transport du grain vers l’Ouest. On pourrait peut-être recommander dans notre rapport que le gouvernement canadien fasse l’achat d’un pipeline pour acheminer l’huile de canola vers l’Ouest. C’était simplement un commentaire, madame la présidente.

La sénatrice Gagné : Je croyais que c’était une question.

Le sénateur Dagenais : Non, c’était un commentaire. Merci beaucoup, monsieur Price.

[Traduction]

La présidente : Après ce dernier bref commentaire, j’aimerais maintenant remercier nos témoins. Nous avons passé une matinée très intéressante et nous sommes heureux de vous avoir entendus aujourd’hui. Vous avez présenté d’excellentes recommandations et nous avons eu une bonne discussion.

(La séance est levée.)

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