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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 55 - Témoignages du 25 septembre 2018


OTTAWA, le mardi 25 septembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 25, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Je préside le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

Avant d’entendre les témoins, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui un témoin expert qui représente Les Fermes Cavendish Incorporée, Daniel A. Richard, conseiller général principal et directeur des relations gouvernementales à J.D. Irving Ltd.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître ce soir. Nous vous demandons de faire votre exposé, et nous vous poserons ensuite des questions. Vous avez la parole.

Daniel A. Richard, conseiller général principal et directeur des relations gouvernementales, J.D. Irving Ltd., Les Fermes Cavendish Incorporée : Merci. Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir et merci de m’avoir invité à participer à l’important travail de votre comité.

Je m’appelle Daniel Richard, comme vous l’avez dit. Je travaille pour la famille Irving, le groupe d’entreprises Irving, depuis maintenant huit ans. Les Fermes Cavendish, une entreprise familiale canadienne, produisent des pommes de terre congelées. Elles font partie du groupe d’entreprises J.D. Irving, qui existe depuis 1882 et qui compte maintenant 15 000 employés au Canada et aux États-Unis.

Les Fermes Cavendish ont commencé leurs activités en 1980 avec une usine à l’Île-du-Prince-Édouard et sont progressivement devenues le quatrième producteur de pommes de terre congelées en Amérique du Nord grâce à trois usines de pommes de terre congelées et à une usine de hors-d’œuvre congelés au Canada ainsi qu’à une usine de pommes de terre congelées au Dakota du Nord. L’entreprise continue d’investir et de croître. Nous construisons actuellement une nouvelle usine de pommes de terre congelées à Lethbridge, en Alberta. En plus de la vente au détail de sa grande marque de frites, Cavendish approvisionne aussi en frites de nombreux établissements de restauration à l’échelle nationale et internationale.

J’ai regardé le travail du comité et, du point de vue d’un producteur de pommes de terre congelées qui tente de soutenir la concurrence internationale, le Canada a des avantages relatifs. Nous avons un régime sanitaire respecté, de bons agriculteurs, un environnement propre ainsi qu’un bon climat pour faire pousser des pommes de terre, bien que cela devienne plus incertain dernièrement. Nous avons facilement accès aux ports de la côte Est, et nous avons également accès à un grand marché prospère au sud.

Ces avantages sont toutefois contrebalancés par des défis. Certains de ces défis dépassent la portée de l’examen du comité. Nous avons depuis peu des problèmes d’approvisionnement à l’Île-du-Prince-Édouard, que les changements climatiques et la répartition des précipitations compliquent davantage. Nous faisons aussi concurrence aux producteurs américains de l’État de Washington, qui ont plus facilement accès au marché asiatique, mais ce n’est qu’une question de géographie.

Dans certains cas, les obstacles émanent du gouvernement, ou le gouvernement peut en venir à bout. Je vais les énumérer et ensuite en parler plus en détail.

L’un d’eux est le taux d’imposition, le régime fiscal. Il y a aussi le coût des produits soumis à la gestion de l’offre, de même que l’imminent régime de tarification du carbone. De plus, il y a la question de l’accès aux marchés de l’ALENA.

Lorsque Cavendish a commencé ses activités en 1980, on cultivait et consommait la majorité des pommes de terre en Europe, en Amérique du Nord et dans des pays de l’Union soviétique. La production et la demande ont depuis fait l’objet d’une augmentation spectaculaire en Asie, en Afrique et en Amérique latine. La Chine est maintenant la plus grande productrice au monde, et de loin, car plus du quart des pommes de terre y sont cultivées.

Le Canada est maintenant le huitième producteur de pommes de terre au monde. Nous faisons toutefois partie des premiers exportateurs mondiaux, surtout pour ce qui est des produits de pommes de terre congelés. Moins de 50 p. 100 des pommes de terre sont consommées crues, alors que le reste est transformé, surtout pour en faire des frites, mais aussi des croustilles et d’autres produits comme la fécule et ainsi de suite. À mesure que la classe moyenne internationale prend de l’expansion, surtout en Asie, la consommation de produits transformés plutôt que crus augmente. C’est un marché croissant que Les Fermes Cavendish veulent pénétrer. Cavendish et d’autres producteurs canadiens peuvent exploiter ce marché en expansion.

Toutefois, comme je l’ai brièvement mentionné dans mon entrée en matière, les producteurs canadiens qui livrent concurrence à l’échelle internationale font face à de multiples difficultés, et je veux en mentionner quelques-unes aujourd’hui.

La récente réforme fiscale aux États-Unis a sérieusement affaibli la compétitivité fiscale du Canada. En effet, le taux combiné d’imposition du revenu des sociétés fédéral-État des États-Unis est un peu plus faible que le taux combiné d’imposition du revenu fédéral-provincial au Canada. De plus, les entreprises américaines peuvent maintenant déduire entièrement de leurs profits le coût de la machinerie et de l’équipement au lieu de l’amortir. Ces importants changements à l’imposition des entreprises ont une incidence sur le prix relatif de la main-d’œuvre et du capital dans les deux pays et sur le rendement du capital investi. Si le Canada souhaite soutenir la compétitivité de l’industrie agroalimentaire à valeur ajoutée, il a besoin d’une réponse stratégique à la réforme fiscale des États-Unis.

Les usines de Cavendish à l’Île-du-Prince-Édouard, en Ontario et en Alberta font également face à des coûts incertains, mais importants en fonction de leur consommation de carbone. Sans remettre en question les objectifs louables du plan de protection environnementale, je mentionne qu’aucun de nos concurrents aux États-Unis ne produit ses frites dans un État où le carbone est tarifé. Lorsque nous livrons concurrence, nous le faisons donc en assumant un coût supplémentaire, contrairement à eux. Nous demandons donc un examen approfondi de l’incidence sur la compétitivité internationale lorsqu’un régime de protection environnementale est adopté.

Il y a un autre obstacle considérable au succès des exportations de l’usine de hors-d’œuvre de Cavendish, qui se trouve en Ontario et qui vend ses produits partout dans le monde, y compris à des restaurants. De toute évidence, le problème associé aux produits soumis à la gestion de l’offre est complexe, surtout dernièrement. Nous n’allons pas nous mouiller aujourd’hui. Dans les faits, le coût des produits soumis à la gestion de l’offre empêche Cavendish d’offrir de nombreux produits que demandent nos clients américains et internationaux. Cavendish croit que le report des droits visant les produits importés aux fins de réexportation favoriserait l’essor de l’industrie agroalimentaire à valeur ajoutée sans nuire au système de gestion de l’offre du Canada.

Le fardeau réglementaire des producteurs canadiens continue de s’alourdir, alors que c’est tout le contraire aux États-Unis. À l’heure actuelle, nous nous engageons dans des directions tout à fait différentes sur le plan réglementaire. Aujourd’hui, je veux entre autres parler de l’initiative d’étiquetage sur le devant de l’emballage, que votre comité connaît probablement bien. Cette initiative va à l’encontre des efforts du comité pour améliorer la compétitivité économique du Canada en faisant correspondre davantage notre réglementation à celle de nos partenaires commerciaux de l’ALENA. L’initiative proposée d’étiquetage sur le devant de l’emballage sèmerait la confusion chez les consommateurs tout en rendant le Canada moins attrayant pour les investisseurs. De plus, l’initiative proposée semble être, du point de vue de tout exportateur, une barrière commerciale de protection. Or, Cavendish croit au libre-échange. Nous ne voulons pas que nos partenaires commerciaux, tout comme le Canada, dressent des barrières commerciales non tarifaires.

La démarche la plus importante que le gouvernement du Canada peut accomplir pour soutenir la croissance des exportations agroalimentaires à valeur ajoutée des producteurs canadiens, c’est la renégociation de l’ALENA, et dans une moindre mesure d’autres accords de libre-échange. Pour pouvoir livrer concurrence sur la scène internationale, les producteurs canadiens doivent accroître la production dans une mesure qui n’est possible qu’en ayant accès au marché intérieur nord-américain. Les investissements dans la production agroalimentaire à valeur ajoutée sont également tributaires d’un accès en franchise de droits au meilleur matériel de production qui soit, quelle que soit sa provenance. Nous demandons que tous les efforts soient faits pour ratifier l’ALENA le plus tôt possible.

Je vais m’arrêter là-dessus. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Nous sommes prêts à vous en poser.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Richard, vous parlez toujours bien le français.

M. Richard : C’est un français acadien, par contre.

Le sénateur Maltais : C’est très joli. Tout d’abord, je vous remercie d’être avec nous ce soir. Il y a cinq ou six ans, le sénateur Mercer et moi sommes allés à Cavendish. Je tiens à vous féliciter. Votre usine est très belle et très propre. J’ai eu l’occasion de descendre sur le plancher et de parler aux dames qui y travaillent. Il y avait un siècle qu’elles n’avaient pas vu de sénateur. Nous avons discuté avec elles et avons pu voir les produits que vous fabriquez. Cela dit, combien d’usines possédez-vous au Canada?

M. Richard : Nous avons trois usines de frites et une usine d’appetizers. Je ne sais pas comment le dire en français. On est en train de construire une nouvelle usine en Alberta.

Le sénateur Maltais : Vous avez une usine à l’Île-du-Prince-Édouard. Où sont situées les deux autres?

M. Richard : Nous avons deux usines à l’Île-du-Prince-Édouard et une en Ontario pour les appetizers, à Wheatley.

Le sénateur Maltais : Les chaînes de restauration rapide s’approvisionnent-elles chez vous?

M. Richard : Ce sont, de loin, nos principaux clients.

Le sénateur Maltais : Elles achètent des produits canadiens, c’est déjà bien. Lorsqu’on parle de produits à valeur ajoutée, qu’ajoutez-vous exactement?

M. Richard : Pour ce qui est de la patate, c’est limité. Nous sommes vraiment spécialisés dans les frites. Pour ce qui est des légumes, surtout à notre usine en Ontario, il n’y a pas de limite à ce qu’on peut faire. Nous pouvons transformer pratiquement n’importe quel repas à l’avance et l’expédier. Dans le cas des produits comme le fromage et le poulet, entre autres, même s’ils sont concurrentiels sur le marché national — parce que tout le monde est assujetti à la gestion de l’offre —, le coût des produits laitiers et de la volaille est tel qu’il est impossible d’être concurrentiel sur le marché international.

Le sénateur Maltais : J’ai une dernière petite question. La tarification du carbone vous inquiète-t-elle?

M. Richard : Énormément.

Le sénateur Maltais : Avec raison.

Qu’en est-il de l’ALENA?

M. Richard : Énormément.

Le sénateur Maltais : Vos usines de l’Île-du-Prince-Édouard sont déjà désavantagées en raison du pont à péage, n’est-ce pas?

M. Richard : Oui.

Le sénateur Maltais : Cela vous coûte déjà quelques sous de plus par rapport aux autres Canadiens. Je trouve cela injuste, mais c’est la réalité.

En ce qui a trait à l’ALENA, on est du même avis que vous. On espère que cela se réglera bientôt. Il s’agit de débouchés importants, non seulement pour votre usine, mais également pour toutes les usines dans les Maritimes qui travaillent dans le domaine de la transformation, soit le poulet, les patates, les bleuets, et cetera. Si j’ai un souhait à vous formuler, c’est que l’entente Canada-Europe vous ouvre des débouchés que les autres n’ont pas. Ils ont bien des choses, mais il y a certaines choses qu’ils n’ont pas. Je crois qu’il s’agit là d’une solution à envisager pour les années à venir.

M. Richard : Certainement. Nous, c’est ce que nous visons. Nous souhaitons faire affaire partout dans le monde. Nous voulons également importer de l’équipement. Les Européens — l’Allemagne et les Pays-Bas — fabriquent des équipements pour les patates. Nous souhaitons pouvoir importer de l’équipement sans avoir à payer les taxes douanières canadiennes. Cela apporterait un soutien à notre capacité d’exportation. L’accord de l’ALENA est devenu existentiel pour l’ensemble des entreprises Irving.

Le sénateur Maltais : Le programme de Cavendish destiné à accompagner les jeunes producteurs pour ce qui est de la relève des fermes à l’Île-du-Prince-Édouard existe-t-il toujours? À une certaine époque, vous vous étiez associé à un propriétaire pour transférer sa ferme à son fils, non? Vous leur apportiez une aide financière, il me semble.

M. Richard : Je peux m’informer. C’est une source de préoccupation pour nous d’assurer la relève, car, malheureusement, la nouvelle génération semble moins attirée par la vie sur la ferme. Nous considérons nos fermiers comme des partenaires. Nous avons plusieurs programmes à cet égard. Je peux faire un suivi, si vous voulez.

Le sénateur Maltais : Merci, c’est très gentil.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Merci d’être ici.

Il doit être très difficile et très complexe de tenter d’avoir accès aux marchés de nos jours. À l’heure actuelle, estimez-vous que les programmes du gouvernement du Canada sont utiles pour vous aider à mettre au point de nouveaux produits et à pénétrer de nouveaux marchés, y compris de nouveaux marchés d’exportation?

M. Richard : Certes, mais d’autres pays ont également leurs programmes. À titre d’exemple, les États-Unis ont un programme qui leur permet d’offrir un soutien aux entreprises américaines et à leurs efforts de commercialisation dans d’autres pays. Nous n’avons rien de semblable. Le Canada a des missions commerciales, bien sûr, mais vu la taille de nos opérations, elles ne nous intéressent pas forcément.

Cela nous cause aussi des problèmes. Nous avons été frappés de plein fouet par la situation en Arabie saoudite. Nous avions de la marchandise en cale et nous ne savions pas si les navires seraient refoulés. Nous avons perdu beaucoup de relations commerciales par la suite.

Je dirais cependant que le corps diplomatique est excellent. Quel que soit le pays, les diplomates canadiens nous sont d’une aide précieuse. Ils sont prêts à nous aider et c’est formidable.

Nous rencontrons des problèmes, comme c’est le cas avec l’Arabie saoudite, où la politique influe sur nos affaires.

Le sénateur Doyle : Vous avez mentionné la taxe sur le carbone il y a quelques minutes. À quel point la taxe sur le carbone peut-elle nuire à votre chiffre d’affaires lorsque vous exportez votre produit vers un pays qui n’a pas de taxe comparable? Serez-vous alors dans une position moins concurrentielle?

M. Richard : Nous avons réagi avec véhémence à plusieurs reprises. On s’entend : nous vendons des frites. Les frites fabriquées par quelqu’un d’autre sont essentiellement... Nous utilisons les mêmes pommes de terre. Nous vendons un produit. Nos clients achètent un produit à bas prix en grandes quantités. Le prix est le facteur dominant. Normalement, un contrat conclu avec McDonald, Burger King ou Wendy’s est établi en fonction d’un prix de quelques cents la livre. Si vous y ajoutez le coût du carbone alors que vos concurrents ne le font pas, notamment si votre régime fiscal est moins favorable pour les nouveaux investissements, tous ces facteurs s’ajoutent et on a l’impression d’avoir les mains liées sur le marché international.

Sur le marché intérieur, par contre, les règles du jeu sont les mêmes pour tous.

Le sénateur Doyle : Vous vous réveillez demain, et il n’y a plus d’ALENA. Qu’arrive-t-il à votre industrie? Quelles seraient les conséquences pour votre industrie s’il n’y avait pas d’ALENA?

M. Richard : Nous produisons beaucoup plus de frites au Canada que ne mangent les Canadiens. Nous exportons la vaste majorité de notre production aux États-Unis.

Ces frites ne faisaient pas l’objet de tarifs avant l’ALENA. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas à l’avenir. En ce moment, on propose des tarifs sur le secteur automobile. Si cela devait nous arriver, par contre, nous ne pourrions plus exister. Il suffit de faire le calcul : nous vendons le même produit que nos concurrents. Si nous n’arrivons pas à le vendre au même prix, personne ne l’achètera.

Le sénateur Oh : Merci d’être venu. Vous avez indiqué dans votre déclaration que la réforme fiscale aux États-Unis vous inquiétait beaucoup. Il y a tellement d’incitatifs. Avez-vous vu le gouvernement faire quelque chose pour vous aider? Qu’attendez-vous du gouvernement, car les réformes américaines seront bientôt en vigueur?

M. Richard : Effectivement. Si j’avais mon mot à dire, ce serait évidemment de baisser les taux d’imposition.

Je ne veux pas parler au nom du gouvernement. La situation est de toute évidence fort complexe. Autrefois, notre régime fiscal se comparait avantageusement à celui des États-Unis, mais maintenant c’est le contraire. Nous sommes désavantagés. Nous sommes déjà situés plus au nord. Nous devons acheminer notre produit vers leur marché. Nous avons déjà suffisamment de défis et il ne faudrait pas en rajouter à cause de notre régime fiscal qui se compare mal à celui de nos concurrents. Actuellement, s’il fallait décider l’emplacement d’une usine, je ne veux pas parler au nom des autres, mais...

Le sénateur Oh : Dites-le; sentez-vous libre.

M. Richard : Si j’utilisais mon argent, je ne dis pas l’argent des Irving, mais le mien, j’investirais aux États-Unis. Le marché offre de la sécurité et le régime fiscal avantageux me permet d’inscrire à titre de dépenses mes investissements. Cela va presque de soi.

Le sénateur Oh : Que proposez-vous? Avez-vous parlé au ministre des Finances ou à un ministère pour demander de l’aide? Comme vous l’avez dit plus tôt, le régime américain ne prévoit plus l’amortissement.

M. Richard : C’est exact. Les Américains permettent d’inscrire les profits à titre de dépenses. Nous en avons parlé, mais honnêtement, en ce moment nous sommes plutôt préoccupés par le dossier de l’ALENA et les tarifs. Nous nous retrouvons également dans le collimateur des mesures de rétorsion du Canada, ce qui nous gêne, notamment lorsque nous faisons construire une usine en acier. Les difficultés sont nombreuses.

Nous avons essayé de parler avec quiconque veut nous entendre. Nous n’avons rien entendu qui nous ferait croire qu’une solution est imminente.

Le sénateur Mercer : Merci d’être venu. Le sénateur Maltais a mentionné notre visite des installations de Cavendish il y a quelques années déjà, lorsque nous avons eu l’occasion de voir d’autres usines. Le sénateur Maltais et moi-même apprenons bien des choses chaque fois que nous nous déplaçons.

M. Richard : Vous êtes toujours les bienvenus.

Le sénateur Mercer : Nous continuons à nous instruire. Dans le secteur des frites, nous avons appris que la fabrication est beaucoup plus spécialisée que ne le devinerait le consommateur. La taille, la couleur et l’épaisseur de la frite sont choisies selon les goûts du consommateur. Si le consommateur veut une frite d’une certaine longueur, épaisseur et couleur, vous êtes en mesure de livrer la marchandise. Si vous ne pouvez pas le faire, vous n’allez pas vendre vos frites.

Vous avez mentionné plusieurs fois dans votre déclaration la gestion de l’offre et le fait que le prix de ces produits vous gênait. De quels produits s’agit-il? Je devine que ce sont les œufs, le beurre et probablement le poulet.

M. Richard : Ce n’est pas vraiment un enjeu qui concerne les frites. C’est plutôt un problème pour les hors-d’œuvre, dans lesquels nous voudrions incorporer des œufs, du fromage et de la volaille. Nos clients aiment bien acheter une gamme de produits. Ils achèteront des frites, bien sûr, mais ils voudront également acheter des hors-d’œuvre et d’autres produits s’ils le peuvent.

Nous ne pouvons tout simplement pas concurrencer nos rivaux étrangers pour ce qui est de tout produit qui contient l’un de ces ingrédients assujettis à la gestion de l’offre. On ne peut convaincre un Américain d’acheter nos produits lorsqu’on tient compte du prix du fromage canadien.

C’est une position politique que nous respectons. Le gouvernement peut décider la façon dont il gère l’offre intérieure, mais cela devient problématique si l’on veut être concurrentiel. Nous pensons qu’il existe une solution raisonnable, c’est-à-dire permettre l’importation en franchise de ces produits soumis à la gestion de l’offre dans la mesure où ils seront réexportés et non écoulés sur le marché intérieur. À ce moment-là, il n’y a aucune incidence sur l’offre et la consommation intérieures. Nous pensons que cela permettra aux entreprises canadiennes d’être concurrentielles vis-à-vis des fabricants étrangers.

Le sénateur Mercer : Il y a la question de la volaille de réforme importée des États-Unis. Nous avons été en mesure d’acheter plus de 125 p. 100 de la volaille de réforme produite aux États-Unis, une impossibilité mathématique plutôt intéressante qui a fait l’objet de nombreux débats ici.

Proposez-vous deux régimes, c’est-à-dire que nous continuions d’entretenir un marché intérieur avec la gestion de l’offre, mais que nous trouvions une façon, dans le cas des exportations, de permettre à un producteur comme Cavendish d’importer de grandes quantités de volaille et de la transformer afin de revendre le produit à nos voisins américains?

M. Richard : C’est ce que je vous dis. Nous ne sommes pas forcément d’avis qu’il faut maintenir la gestion de l’offre; en fait, cela nous est égal.

Le sénateur Mercer : Je tiens à maintenir la gestion de l’offre.

M. Richard : Je vous suggère de conserver votre système de gestion de l’offre, mais de nous permettre, dans la mesure où nous intervenons dans les marchés internationaux, de nous approvisionner auprès de ces marchés. Cela n’aura aucune incidence sur les agriculteurs canadiens.

Le sénateur Mercer : Notre système de gestion de l’offre est très efficace. C’est l’une des raisons pour lesquelles il fonctionne. Il ne requiert même pas un dollar du Trésor canadien. Comme je ne cesse de l’affirmer en comité, et mes collègues en ont assez de l’entendre, la pièce d’équipement la plus importante dans une ferme américaine est la boîte aux lettres.

M. Richard : C’est exact.

Le sénateur Mercer : C’est là qu’arrivent les chèques des subventions du gouvernement.

Compte tenu de l’excellent marché que représentent Cavendish Farms et nos autres producteurs d’aliments surgelés, s’ils s’adressaient, entre autres, aux producteurs de poulet et aux producteurs d’œufs et qu’ils leur disaient : « Voici un marché, et voici la quantité de produits dont nous avons besoin. Pouvez-vous nous faire un prix? » Ces producteurs s’emploient à vendre leurs produits.

M. Richard : Je vous dis que, si nous le pouvions, nous le ferions. Nous nous employons à tenter de faire de l’argent. Nous avons envisagé de nombreuses façons de satisfaire nos clients, mais nous finissons toujours par avoir besoin d’importer certains produits des marchés internationaux.

Je ne conteste pas vos paroles. Je dis simplement que nous avons constaté, en particulier en ce qui concerne les produits laitiers, que nous avons du mal à approvisionner le marché international. Au sein du marché national canadien, tous les intervenants respectent les règles du jeu. Cela ne pose donc pas de problème. En ce qui concerne le marché international, j’ai vu certains chiffres qui appuient vos dires, à savoir qu’il y a un marché qui ressemble un peu au nôtre. Toutefois, ce n’est pas l’expérience que nous avons eue.

[Français]

La sénatrice Gagné : Monsieur Richard, merci de votre présentation. On sait très bien que l’innovation est l’une des principales sources de valeur ajoutée dans le domaine de la transformation des aliments.

J’aimerais que vous nous parliez des investissements en innovation que fait votre entreprise.

M. Richard : Notre produit n’est certainement pas le produit le plus innovateur. L’innovation est plutôt du côté de la transformation. Des procédés nous permettent d’utiliser moins d’eau et moins d’électricité, de recycler davantage nos déchets et de récupérer l’énergie pour faire du biogaz, par exemple.

À notre usine de l’Île-du-Prince-Édouard, nous récupérons les morceaux de patate qui ne sont pas utilisés, et avec les microbes et tout, nous produisons du biogaz qui alimente nos usines.

Une nouvelle technologie nous permet de dépenser moins pour réchauffer nos pommes de terre avant de les couper. Grâce à un procédé électrique très novateur, nous coupons nos pommes de terre sans avoir à les chauffer. Cela réduit énormément l’énergie qui est utilisée dans les usines de pommes de terre. Cette technologie sera intégrée dans toutes nos usines.

Sans compter les nouvelles recettes, diverses innovations se font du point de vue de la transformation de nos produits de façon plus économique et écologique.

Comme nous sommes également des fermiers, de nouvelles technologies dans la production des pommes de terre nous permettent de réduire la consommation d’eau. Il y a de nouvelles techniques agricoles qui sont plus écologiques et qui demandent moins d’engrais, ce qui aide nos fermiers, mais également l’environnement.

Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.

La sénatrice Gagné : Oui, absolument. Avez-vous des mesures à proposer au gouvernement qui pourraient appuyer les petites et moyennes entreprises dans un tel contexte?

M. Richard : Rien ne me vient en tête en ce moment. Si vous me le permettez, lorsque je serai de retour au bureau, je ferai des consultations. Je serai donc en mesure de vous répondre par la suite.

La sénatrice Gagné : Avez-vous des usines dans d’autres pays?

M. Richard : Nos usines sont toutes en Amérique du Nord. Nous avons une usine de frites Cavendish au Dakota du Nord. Nous avons aussi des fermes au Minnesota et au Dakota du Nord. La famille Irving exploite des usines un peu partout aux États-Unis. On en voit des deux côtés de la frontière, si on peut dire.

La sénatrice Gagné : Vous êtes donc concentrés au Canada et aux États-Unis. Y a-t-il des marchés potentiels ailleurs?

M. Richard : Oui, mais la famille Irving est vraiment une famille canadienne. Ses membres se perçoivent vraiment comme des Canadiens. Dans la mesure où on peut faire des affaires à partir de l’Amérique du Nord et exporter, c’est notre préférence. Nous faisons affaire avec plus de 100 pays partout dans le monde.

La sénatrice Gagné : Merci, monsieur Richard.

Le sénateur Dagenais : J’ai lu que vous aviez dû fermer l’une de vos usines, le 30 juillet dernier, en raison d’une pénurie de pommes de terre. Que comptez-vous faire pour éviter la fermeture d’une usine d’emballage?

M. Richard : Nous avons un gros problème à l’Île-du-Prince-Édouard quant à notre capacité de fournir nos usines en patates. Plusieurs problèmes relèvent de compétences provinciales plutôt que fédérales. L’Île-du-Prince-Édouard est la seule juridiction en Amérique du Nord où il n’y a pas d’irrigation. C’est une industrie de plus d’un milliard de dollars par année qui est entièrement dépendante de la pluie. Les dernières années n’ont pas été très pluvieuses.

Il y a aussi le phénomène du réchauffement climatique, qui nuit à la culture de la pomme de terre à l’Île-du-Prince-Édouard.

Il faudra trouver des solutions pour soutenir l’industrie de la pomme de terre à l’Île-du-Prince-Édouard. Il faudra avoir recours à l’irrigation et peut-être même à la fumigation. Ce problème nous a obligés, l’an passé, à faire venir des pommes de terre de l’Alberta afin de fournir notre usine de l’Île-du-Prince-Édouard. Ce sera vraisemblablement le même scénario cette année.

En ce moment, nos usines de l’Île-du-Prince-Édouard manquent de patates. Nous avons dû fermer l’usine de pommes de terre fraîches pour éviter de cannibaliser notre usine de frites.

Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir à la fameuse taxe sur le carbone. Comment envisagez-vous l’augmentation des coûts de production dans votre industrie? J’imagine que la taxe sur le carbone engendre des coûts. On sait très bien que, tôt ou tard, cela représentera un fardeau pour le consommateur. Comment envisagez-vous cela?

M. Richard : C’est un autre problème auquel nous n’avons pas encore trouvé de solution. À l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons déjà fait de gros investissements pour réduire notre empreinte écologique. Dans nos usines de l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons déjà respecté nos engagements. Nous avons réduit considérablement nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons réussi à satisfaire aux exigences de la province de l’Île-du-Prince-Édouard dans le cadre de l’accord de Kyoto.

Il n’est pas certain que nous pourrons réduire suffisamment notre consommation de carbone pour éviter les coûts. Nous ne pourrons pas non plus nécessairement transférer les coûts, parce que nous devons prendre les prix globaux pour nos produits qui sont essentiellement des commodités. Donc, si nos concurrents vendent leurs produits à un certain prix, nous ne pouvons pas les vendre plus cher.

Quand je dis que c’est un problème existentiel, ce n’est pas très loin de la réalité. Nous n’avons pas encore trouvé de solution, et on ne sait pas si nous pourrons bénéficier de mesures d’accommodement, parce que nous sommes une compagnie qui est exposée à l’importation ou à une concurrence qui n’est pas assujettie à cela.

Le sénateur Dagenais : Le comité soumettra un rapport. Que souhaitez-vous qu’on recommande en matière de politiques fiscales? Sait-on jamais, peut-être qu’il y aura un changement de gouvernement l’an prochain qui abolira la tarification du carbone. Cela réglerait une partie de vos problèmes.

Je reviens aux politiques fiscales. Quels changements envisagez-vous pour rendre vos exportations plus compétitives?

M. Richard : Plus on est compétitif, plus on est concurrentiel, plus on fait d’argent. En affaires, il faut toujours optimiser ses opérations afin d’être le plus concurrentiel possible. D’un point de vue fiscal, si on pouvait être au même niveau que les États-Unis en matière d’investissements, cela contribuerait à notre expansion. Aussi, il faudrait réduire le niveau d’imposition de nos compagnies afin d’être au même niveau que les entreprises américaines. Dans le secteur agroalimentaire, on ne doit pas être désavantagé si on veut faire face à la concurrence.

Le sénateur Dagenais : Vous souhaitez donc que tout nouvel équipement soit déductible d’impôt. C’est ce que font les Américains.

M. Richard : Cela ferait une grande différence. C’est une situation qui est difficile pour nous. Nous construisons une usine en Alberta tout en sachant que nos concurrents, qui construisent une usine à Washington, ne paieront pas d’impôt pendant un certain temps.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur Richard.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Merci, monsieur Richard. Je souhaite vous interroger à propos des produits à valeur ajoutée destinés aux marchés non traditionnels. Vous avez parlé un peu de l’importance que revêt la croissance de la classe moyenne dans les marchés émergents, en particulier en Asie, et de la mesure dans laquelle ces marchés s’intéressent aux pommes de terre frites et aux produits que vous vendez habituellement en Amérique du Nord. Vous avez absolument raison de dire que les jeunes Chinois, Indiens et Sud-Asiatiques mangent une plus grande quantité de pommes de terre frites qu’auparavant. En même temps, leurs parents leur conseillent de modérer leur consommation de pommes de terre frites.

Bon nombre de ces marchés comptent des recettes et des plats traditionnels qui requièrent des pommes de terre combinées à d’autres ingrédients et épices qui, j’aurais pensé, auraient pu offrir différents genres de débouchés à une entreprise productrice de pommes de terre, comme la vôtre. Que faites-vous premièrement pour tenter de répondre aux besoins des marchés soi-disant ethniques au Canada, puis à l’échelle mondiale, où la taille des marchés est beaucoup plus importante?

M. Richard : Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas adopté cette approche. Nous avons suivi le régime alimentaire nord-américain à mesure qu’il gagnait du terrain à l’échelle mondiale. Jusqu’à maintenant, cela nous a été profitable. Nous utilisons toutes les pommes de terre que nous pouvons produire. Il y a encore un grand potentiel de croissance au Manitoba et en Alberta, en particulier, en ce qui concerne la consommation de pommes de terre. Ce sont des régions en pleine croissance qui pourraient continuer de s’élargir quand nous déciderons de nous attaquer aux marchés internationaux.

Nous sommes tout à fait conscients qu’il y a des marchés que nous n’exploitons pas. À l’heure actuelle, nous disposons d’un bureau au Japon; nous avons toujours eu un bureau au Japon, mais nous avons maintenant ouvert un bureau à Singapour, en partie dans le but de recueillir des renseignements. Il est toujours plus facile de vendre les produits que vous confectionnez déjà. Comme les pays du monde deviennent de plus en plus compétitifs et qu’en ce moment, notre industrie est en pleine expansion — de nombreuses nouvelles capacités deviennent opérationnelles —, nous ferons face à un nombre croissant de concurrents. Je soupçonne que l’innovation et la façon dont nous pouvons satisfaire les besoins de nos clients deviendront des aspects plus importants.

Le sénateur Woo : Je vais formuler une observation ou une question supplémentaire. Elle concerne la question des investissements dans d’autres pays, que vous avez décrits comme nuisibles aux intérêts canadiens. Certes, si un investissement dans un autre pays se fait aux dépens d’un investissement au Canada, alors nous perdons au change, pour ainsi dire, en raison des emplois non créés, et cetera. Je ne suis pas le genre de personne qui dissuade une entreprise d’investir à l’étranger si cela fait partie d’une stratégie de mondialisation globale qui renforce l’entreprise et qui lui permet d’innover, d’exploiter de nouveaux marchés et, finalement, de réinvestir ses profits au siège social, là où ces revenus peuvent être utilisés pour payer les salaires des emplois de qualité soi-disant supérieure, comme la recherche, le développement, l’innovation, et cetera.

Pouvez-vous parler de cette partie de la stratégie et de la façon dont vous pourriez lui donner suite?

M. Richard : Je ne suis pas certain d’être en mesure de répondre à votre question d’un point de vue stratégique. Je devrais peut-être être en mesure de le faire. Lorsque j’ai répondu à la question posée plus tôt, je voulais dire que l’objectif de votre comité consiste probablement davantage à développer l’industrie canadienne. En tant qu’entreprise, si nos usines du Dakota du Nord ou de l’Alberta nous rapportent de l’argent, cela nous satisfait toujours. Nous sommes fiers d’être une entreprise canadienne, et nous souhaitons que notre marché national prospère. Cela importe, car c’est là que se trouve notre base.

Nous avons tendance à croître là où nos clients nous demandent de le faire. Par exemple, dans le cadre de notre production de papier hygiénique, nous construisons une usine dans l’État de Georgie, parce que nous avons tendance à nous développer à partir de nos bases d’attache. Nous suivons nos clients. La même stratégie est utilisée en Asie, là où certains de nos clients internationaux exercent leurs activités. Nous les avons suivis là-bas. Lorsqu’ils nous demanderont de nouveaux produits, nous nous efforcerons de satisfaire à leurs besoins.

Notre stratégie repose toujours sur le fait que notre entreprise est canadienne. Nous nous efforçons de participer à l’économie internationale à partir de notre base d’attache et, à ce jour, cela demeure notre stratégie. Le marché canadien représente toujours un important marché pour nous, bien que nous ayons eu tendance jusqu’à maintenant à considérer l’Amérique du Nord comme un tout et comme notre base en raison de l’ALENA. L’ampleur de nos entreprises fait qu’elles dépendent de l’économie nord-américaine. Je ne crois pas qu’elles survivraient si elles dépendaient uniquement de l’économie nationale canadienne.

Le sénateur Woo : Merci.

La présidente : J’ai quelques questions à vous poser. Ensuite, trois personnes figurent sur la liste pour la deuxième série de questions.

Vous avez mentionné des défis environnementaux, comme le réchauffement planétaire et le manque de pluie. Vous avez fait état de difficultés en matière de réglementation. Vous avez également mentionné les avantages fiscaux dont bénéficient certains autres pays. Vous semblez faire face à de nombreux défis.

M. Richard : Oui, et je peux vous en citer d’autres, notamment les ressources humaines — il est difficile de trouver des travailleurs. Je peux vous énumérer d’autres difficultés si vous désirez une liste plus longue encore.

La présidente : Nous avons entendu parler de certaines d’entre elles — par exemple, les longues périodes d’attente avant l’admission de travailleurs étrangers temporaires dans notre pays. Nous allons mener un projet spécial à cet égard.

Je crois que le sénateur Doyle ou Dagenais vous a interrogé à propos de la compétitivité et des mesures qui aideraient votre entreprise à devenir plus compétitive. Ensuite, vous avez recommencé à parler de certaines de vos difficultés et de la façon de les surmonter. Je souhaite maintenant prendre un peu plus les devants en vous posant la question suivante : quelles mesures recommanderiez-vous que le gouvernement prenne pour soutenir la production à valeur ajoutée?

M. Richard : Si vous souhaitez avoir une production à valeur ajoutée, cela nécessitera des investissements de capitaux. Nous croyons que vous devez prendre n’importe quelle mesure — que ce soit la passation en charges ou un traitement fiscal préférentiel — qui appuie des investissements dans notre pays, plutôt que dans un autre. Si vous ajoutez de la valeur, vous devez alors investir des capitaux.

La présidente : Comment considérez-vous que cela devrait être utilisé? Envisageriez-vous cette aide comme une subvention, ou comme des incitations à la recherche et au développement?

M. Richard : En ce qui nous concerne, nous aimerions voir si l’impôt... Je pense que j’ai manqué la dernière partie de votre question.

La présidente : Verriez-vous cela aussi comme une incitation à la recherche et au développement?

M. Richard : C’est exact; des incitations à la recherche et au développement, ainsi que des incitations à l’investissement. Dans le passé, nous avons bénéficié du soutien du gouvernement dans le cadre de projets qui nécessitaient des infrastructures. Cela nous a été profitable.

Nous ne cherchons certainement pas à obtenir des subventions, car elles ont tendance à être accompagnées de nombreuses conditions si vous commercez à l’échelle internationale. Nous souhaiterions voir le gouvernement prendre des mesures qui sont davantage axées sur l’ensemble de l’économie canadienne. Toute mesure qui appuiera les investissements dans l’industrie sera bénéfique. Je ne demande pas au gouvernement de choisir qui sera le gagnant, mais ce serait bien si le taux d’imposition était abaissé et si nous pouvions passer en charges nos investissements.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Richard, en 2009, vous avez inauguré une usine au biogaz à l’Île-du-Prince-Édouard qui a permis de réduire les émissions de GES de 35 à 40 p. 100. Vous avez fait l’envie de beaucoup de monde avec cette initiative.

M. Richard : Oui.

Le sénateur Maltais : Avez-vous installé ce dispositif dans vos autres usines à l’extérieur de l’Île-du-Prince-Édouard ou envisagez-vous de le faire?

M. Richard : Plusieurs raisons expliquent pourquoi c’était particulièrement avantageux à l’Île-du-Prince-Édouard, parce que la population consomme une quantité énorme de pommes de terre. La matière première est donc présente en grande quantité. Nos deux usines combinées traitent plus de 1,5 milliard de livres de pommes de terre par année. Cela génère beaucoup de déchets. De plus, il n’y a pas d’approvisionnement en gaz naturel à l’Île-du-Prince-Édouard. Donc, nous devons transporter notre propre gaz naturel. Nous prenons le gaz naturel au Nouveau-Brunswick, nous le compressons dans nos propres camions et nous le transportons vers l’Île-du-Prince-Édouard.

Pour ce qui est des autres régions où le gaz naturel est moins cher qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, il y a moins de force économique qui nous pousse à utiliser le biogaz. On y songe tout de même. En général, le problème est d’avoir la matière première, car il y a une demande pour nos déchets aussi. Les fermiers les utilisent pour nourrir leur bétail. À l’Île-du-Prince-Édouard, il n’y a pas assez de bétail pour consommer toutes nos pommes de terre. Plusieurs facteurs doivent entrer en ligne de compte pour que ce soit viable.

Le sénateur Maltais : En contrepartie, c’est un avantage pour le marketing. Vous pourrez dire que les pommes de terre de Cavendish sont plus vertes à l’Île-du-Prince-Édouard. Les écologistes en achèteront plus.

M. Richard : Oui. Nous envisageons toujours des façons de faire qui sont plus écologiques. Nos clients sont très exigeants sur ce point. Les grandes chaînes de restauration rapide veulent pouvoir dire à leurs clients qu’ils utilisent un produit qui a une empreinte écologique moindre. Nous subissons beaucoup de pression pour offrir des produits écologiques.

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur Richard.

La sénatrice Gagné : Une question m’est venue à l’esprit plus tôt : collaborez-vous avec des universités ou des établissements de recherche?

M. Richard : Oui.

La sénatrice Gagné : Comment cela se passe-t-il?

M. Richard : C’est une partie importante du point de vue de l’innovation. Même chez les agriculteurs — cela peut paraître simple, parce qu’ils exploitent leurs fermes depuis des siècles —, il y a toujours des façons d’améliorer les pratiques. En Alberta, par exemple, nous collaborons avec l’Université de Lethbridge. À l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons un institut où on développe de nouvelles recettes. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec un collège là-bas. Une part importante de nos efforts d’innovation est de créer des associations avec d’autres institutions. Pour ce qui est de nos activités forestières, nous collaborons étroitement avec l’Université du Nouveau-Brunswick. C’est une partie importante de notre innovation qui passe par nos relations avec les universités.

[Traduction]

La présidente : Merci.

Sénateur Mercer, le dernier mot vous appartient. Limitez-vous à une question, s’il vous plaît.

Le sénateur Mercer : Il est rare que j’aie le dernier mot au sein du comité.

J’ai une question très simple à vous poser. Vous travaillez pour Les Fermes Cavendish et l’entreprise Irving. Nous avons entendu votre opinion. Vous achetez toutes vos pommes de terre auprès d’agriculteurs qui les cultivent sur leur ferme. Quel est leur principal besoin dans ce contexte? Qu’est-ce qui les aiderait à accroître leur production et à maintenir leurs coûts à un niveau qui leur permettrait de faire des profits?

M. Richard : La réponse à cette question variera en fonction de l’agriculteur auquel vous parlez. Si votre ferme est à l’Île-du-Prince-Édouard, votre principale préoccupation en ce moment est le fait d’avoir à composer avec un climat qui vous est de moins en moins favorable. En raison du réchauffement de la planète et du changement climatique, les pluies sont imprévisibles et ont tendance à ne pas se produire quand vous en avez besoin. Même la chaleur et les chaudes nuits d’été ne sont pas propices à la culture de la pomme de terre. Une pomme de terre a besoin de nuits fraîches et d’une certaine quantité de pluies. Les agriculteurs souhaitent être en mesure d’irriguer leurs champs. Ils veulent pouvoir investir dans une technologie qui sera coûteuse, mais qui rapportera à long terme. À l’heure actuelle, le gouvernement verse à ces agriculteurs des indemnités d’assurance-récolte en raison de leurs pertes de culture. Je pense que la plupart des agriculteurs préféreraient faire de l’argent en vendant leurs récoltes qu’en recevant des indemnités d’assurance.

Il en va de même en Alberta et au Manitoba, mais les cultivateurs de pommes de terre ne traversent pas exactement les mêmes épreuves, car ils ont irrigué leurs champs; leurs cultures sont bien soutenues. Je soupçonne qu’ils se soucient davantage des installations d’entreposage, qui représentent des investissements majeurs pour n’importe quel agriculteur. Si vous souhaitez être novateur et disposer du meilleur système d’entreposage, cela semble assez simple. Cependant, une installation d’entreposage est dotée de nombreuses technologies. Si vous souhaitez entreposer vos pommes de terre pendant 12 mois, vous devez investir dans bon nombre de technologies coûteuses. Je le répète, si vous voulez des investissements dans l’innovation, vous devez les traiter de manière à ce que le régime fiscal puisse les favoriser.

Le sénateur Mercer : Merci beaucoup.

La présidente : J’aimerais remercier notre invité de la discussion fort intéressante qui s’est déroulée ici ce soir. De plus, les sénateurs ont posé d’excellentes questions.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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