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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 55 - Témoignages du 27 septembre 2018


OTTAWA, le jeudi 27 septembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je vais demander à chaque sénateur de se présenter, à commencer par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Bonjour. Je suis Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur R. Black : Rob Black, de l’Ontario.

La présidente : Merci.

Dans notre premier groupe de témoins d’aujourd’hui, nous avons Mme Denise Allen, présidente et chef de la direction de Fabricants de produits alimentaires du Canada, Irv Teper, chef de la direction de Concord Premium Meats, et, de Bonduelle Amériques, Mark McNeil, chef de la direction, et Jean-Pierre Haché, vice-président Assurance qualité et santé et sécurité.

Denise Allen, présidente et chef de la direction, Fabricants de produits alimentaires du Canada : Bonjour. Je vous remercie de nous donner l’occasion de comparaître devant le comité permanent pour exprimer notre point de vue sur la façon dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Depuis 1989, Fabricants de produits alimentaires du Canada, FPC, est la voix nationale reconnue et respectée des dirigeants, des propriétaires et des investisseurs canadiens dans le secteur de la transformation des aliments. En tant que représentante de FPC, je suis ravie de pouvoir m’adresser au comité en compagnie de M. Irv Teper, chef de la direction de Concord Premium Meats et membre du conseil exécutif de FPC. M. Teper est un propriétaire d’entreprise et un expert en la matière concernant le Programme d’exonération des droits, le PED. M. Teper présentera un témoignage sur la valeur et l’importance de ce programme en ce qui concerne la capacité du secteur alimentaire à valeur ajoutée de demeurer concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Je me réjouis de présenter M. Teper au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ce matin.Au nom du conseil d’administration de FPC et en mon nom, nous vous remercions encore une fois de nous donner l’occasion d’ajouter notre important point de vue.

Irv Teper, chef de la direction, Concord Premium Meats Ltd. : Merci madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Je comparais au nom de Concord pour discuter de cet enjeu important.

Lorsque l’étude a été lancée, le communiqué du comité en date du 17 avril 2018 comprenait la déclaration suivante du vice-président Maltais :

Le Canada exporte environ la moitié de ses produits agricoles. Il y a là une occasion extraordinaire d’ajouter de la valeur à la production agricole du Canada en la transformant en produits finis prêts à consommer que les gens d’autres pays sont impatients de manger. Il est parfaitement logique sur le plan des affaires d’effectuer ce travail ici même au Canada.

Nous convenons qu’il est parfaitement logique sur le plan des affaires de promouvoir la production et les exportations à valeur ajoutée ici au Canada.Nous comparaissons ce matin devant le comité pour expliquer l’importance du Programme d’exonération des droits pour notre capacité de continuer à développer des produits à valeur ajoutée et de les exporter du Canada aux États-Unis.

Nos observations se rangent sous les thèmes suivants :premièrement, qui nous sommes; deuxièmement, nous ne pouvons pas faire d’investissements majeurs ni créer d’emplois au Canada sans nos exportations de produits de volaille; et troisièmement, nous ne pouvons pas exporter de produits sans le Programme d’exonération des droits du gouvernement du Canada.

La société Concord a été fondée en 1993. J’en suis un des cofondateurs. Elle est vouée à la transformation de second cycle à valeur ajoutée de produits carnés.Nos produits, notamment notre marque Marc Angelo, sont commercialisés au Canada et aux États-Unis.Nous employons plus de 600 personnes dans la région du Grand Toronto et à Saint-Eustache, au Québec, au nord de Montréal, où nous produisons des aliments prêts à consommer et prêts à cuire, y compris des produits aviaires.Comme vous le savez, les produits aviaires sont assujettis à la gestion de l’offre, ce qui nous empêche d’utiliser du poulet canadien pour le transformer en produit d’exportation à prix concurrentiel.Heureusement pour nous, il existe un programme, appelé le Programme d’exonération des droits.

En tant que producteur et exportateur canadien de volaille, nous avons directement intérêt à améliorer la compétitivité du secteur des aliments à valeur ajoutée sur les marchés mondiaux.

Pour être concurrentielle sur les marchés canadien et mondial, Concord doit constamment investir et améliorer ses installations en Ontario et au Québec.Nous ne pouvons pas compter uniquement sur le marché intérieur limité du Canada pour justifier cet investissement. Compte tenu de la population de 30 millions de personnesdu Canada, il est très difficile d’investir dans de l’équipement si nous n’avons pas l’option de vendre un plus vaste éventail de produits.

Nous ne pouvons donc pas nous contenter du marché intérieur canadien. Pour investir, croître et aller de l’avant, nous devons continuer à augmenter nos exportations vers les États-Unis et à développer des marchés en Asie et ailleurs.Sans produits d’exportation, l’industrie canadienne de la transformation de second cycle de produits aviaires à valeur ajoutée ne peut prospérer au XXIe siècle.

Nous ne pouvons pas exporter sans le Programme d’exonération des droits du Canada. En vertu du système de gestion de l’offre du Canada, le prix du poulet acheté au Canada est nettement plus élevé que celui du poulet transformé aux États-Unis. Donc, pour nos exportations américaines, nous avons besoin du Programme d’exonération des droits pour pouvoir importer du poulet américain au Canada, le transformer, puis exporter notre produit. C’est le même nombre de kilos qui entre et qui sort, plus ou moins, compte tenu des résidus et de la perte de rendement, mais il n’y a pas de « poulet américain » qui est détourné sur le marché canadien.

Les producteurs de poulet canadiens sont incapables de nous fournir des poulets qui nous permettront de demeurer concurrentiels sur les marchés mondiaux. Le prix fixe des intrants avicoles nationaux est trop élevé pour être concurrentiel sur les marchés internationaux pour les produits de volaille transformés. Le Programme d’exonération des droits est le seul programme rentable auquel nous pouvons avoir recours au chapitre des exportations. Le Programme d’exonération des droits du Canada prévoit une exonération du paiement des droits, au moment de l’importation, sur les produits importés qui sont transformés au Canada et qui en sont exportés. Dans mon mémoire, vous trouverez un lien vers un site web qui fournit plus d’information sur ce programme.

Le Programme d’exonération des droits permet à Concord d’importer des intrants avicoles à prix concurrentiel que nous utilisons pour fabriquer des produits à valeur ajoutée comme des brochettes de poulet prêtes à cuire, que nous exportons aux États-Unis. Compte tenu de l’importance du Programme d’exonération des droits pour le secteur alimentaire à valeur ajoutée du Canada, nous sommes préoccupés de constater dans les médias que les 2 800 agriculteurs représentés par les Producteurs de poulet du Canada continuent de faire pression contre cet important programme.

Par exemple, le 25 février 2016, les représentants des Producteurs de poulet du Canada ont comparu devant le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes, ont fait allusion à une annonce électorale du gouvernement Harper en 2015 et ont déclaré :

Trois mesures précises ont été annoncées par le gouvernement lors de la signature du PTP le 5 octobre 2015. Il est essentiel que le gouvernement mette en œuvre ces mesures sans délai. Elles ont été annoncées dans le cadre du PTP, mais elles ne sont pas liées au PTP.

Ce ne sont pas mes propos, mais ceux des Producteurs de poulet du Canada.

La première consiste à exclure le poulet du Programme d’exonération des droits. Il s’agit d’un programme de l’Agence des services frontaliers du Canada qui permet aux entreprises d’importer du poulet, de garder ce poulet au Canada pendant quatre ans — pas sûr de quoi il aura l’air après quatre ans —, d’éventuellement le remplacer par un produit de moindre valeur puis de le réexporter.Nous considérons que c’est une façon frauduleuse de contourner les contrôles à l’importation que nous avons.

Fin de la citation. Je ne suis pas au courant des éléments probants fournis par les PPC pour appuyer leurs affirmations sur la substitution et le contournement frauduleux. Je peux vous dire très clairement que rien de tout cela ne se fait dans mon organisation.

Concord est tout à fait en désaccord avec la campagne de lobbying et les témoignages des PPC, et ce, pour les quatre raisons suivantes. Premièrement, en ce qui concerne les produits que nous importons, Concord ne les remplace pas par des produits de moindre valeur et ne les réexporte pas. Nous produisons plutôt des produits à valeur ajoutée ici, au Canada.

Deuxièmement, nous utilisons le Programme d’exonération des droits pour créer des emplois au Canada et accroître nos exportations et non comme une façon frauduleuse de contourner le contrôle des importations que nous avons.

Troisièmement, le représentant des PPC a omis de mentionner que l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, applique le Programme d’exonération des droits, et en assure l’intégrité.

Enfin, le représentant des PPC prétend également que le Programme d’exonération des droits fait double emploi avec le Programme d’importation pour réexportation du Canada, le PIR. Nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette affirmation.

Concord a eu recours au PIR par le passé, et nous avons trouvé que ses règles rigides nous empêchaient de livrer une concurrence féroce sur les marchés d’exportation.Le livret de données 2017 des PPC montre que l’utilisation du PIR diminue régulièrement depuis plus de cinq ans, passant de 81,5 millions de kilos de poids éviscéré en 2011 à 13,8 millions en 2016.

En conclusion, compte tenu de ce que je viens de vous dire, nous avons demandé de comparaître devant le comité afin de lui donnerl’heure juste sur le Programme d’exonération des droits et d’expliquer le rôle essentiel qu’il joue pour rendre le secteur alimentaire à valeur ajoutée du Canadaplus concurrentiel sur les marchés mondiaux. Si nous perdons l’accès au Programme d’exonération des droits, nous ne pourrons plus utiliser nos installations de fabrication canadiennes pour produire des exportations concurrentielles. À l’instar des autres transformateurs de produits de volaille canadiens qui ont déjà cessé d’investir au Canada, nous serons forcés d’investir ailleurs en vue de laproduction de nos produits destinés à l’exportation. Puisque nous voulons continuer d’investir et de créer des emplois ici au Canada,nous demandons respectueusement au comité de recommander au gouvernementdu Canada de préserver le Programme d’exonération des droits.

Nous remercions le comité de nous avoir donné l’occasion de présenter des mémoiresdans le cadre de votre étude importante. Nous sommes là pour répondre à toutes vos questions.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé. Nous allons passer à l’exposé suivant. Quand nous aurons terminé, les sénateurs pourront vous poser des questions à tous. C’est à vous, monsieur McNeil.

Mark McNeil, chef de la direction, Bonduelle Amériques : Bonjour madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Après avoir passé les 10 dernières années au sud de la frontière, c’est vraiment formidable de revenir chez soi. L’occasion de présenter un exposé devant ce groupe prestigieux est l’une des nombreuses raisons que j’ai d’être ravi de revenir au Canada.

Je m’appelle Mark McNeil, et je suis chef de la direction de Bonduelle Amériques, une entreprise de transformation d’aliments d’origine végétale d’une valeur de 900 millions de dollars ayant des bureaux à Montréal, au Québec. J’occupe mes fonctions depuis moins de trois mois. Je suis donc accompagné de Jean-Pierre Haché, vice-président Assurance qualité et santé et sécurité, au Bureau de gestion des projets.

Comme je l’ai dit, Bonduelle Amériques est une entreprise d’une valeur de 900 millions de dollars qui produit principalement des légumes en conserves et surgelés. Nous sommes de loin la plus grande entreprise de transformation de légumes au Canada, et grâce à quelques acquisitions récentes, nous sommes en bonne voie d’occuper ce rang aux États-Unis également. Notre société mère, le Groupe Bonduelle, dont le siège social se trouve à Lille, en France, est le leader mondial du secteur des aliments d’origine végétale, avec ses 55 installations de production partout dans le monde, ses employés dont le nombre dépasse les 10 000, et ses revenus annuels de plus de 3,5 milliards de dollars. Au Canada, nous avons huit installations de production situées dans trois régions en croissance, soit l’Ontario, le Québec et l’Alberta. Nous y comptons 2 200 employés dévoués et avons 725 partenaires agricoles qui produisent des légumes sur plus de 80 000 acres de magnifiques terres canadiennes.

Vous nous connaissez peut-être par nos marques, Arctic Gardens et Del Monte. Cependant, nous sommes aussi le fier fournisseur primaire de marques privées à l’échelle du Canada, notamment celles de Loblaws, Metro, Sobeys, Walmart et Costco.

J’ai essentiellement passé les huit dernières années sur la route à visiter toutes nos régions et toutes nos installations, et à prendre le pouls de notre entreprise, des producteurs agricoles et de nos installations de production. Chaque visite d’installation commence par un exposé sur l’installation : sa taille, ses employés, ses capacités de production, le volume, les résidus, la consommation d’eau et ainsi de suite.

L’exposé vise ensuite les risques et les possibilités. J’ai été agréablement surpris de constater que chaque installation avait plus de possibilités que de risques. Cependant, j’ai trouvé la constance des risques inquiétante. La main-d’œuvre, l’automatisation et l’innovation sont les trois premières préoccupations de chacune des installations et de notre entreprise, de nos jours.

Aujourd’hui, nous discutons des façons de rendre le secteur alimentaire à valeur ajoutée plus concurrentiel sur les marchés mondiaux. Après trois mois, j’en suis arrivé à la conclusion que nous devons à court terme nous concentrer sur la protection de la capacité de Bonduelle de demeurer concurrentielle dans un marché comportant de plus en plus de défis tout en trouvant des solutions aux aspects opérationnels liés au soutien et à la protection de l’entreprise que nous avons aujourd’hui.

Dans l’optique de la main-d’œuvre, notre entreprise fait face en ce moment à des défis de taille. Étant donné que nous sommes une entreprise saisonnière, nous produisons essentiellement 90 p. 100 de notre volume annuel à l’intérieur d’une période de quatre mois. Il est donc essentiel que nous puissions compter sur des travailleurs saisonniers qualifiés et compétents.

Selon notre modèle opérationnel, il nous faut environ 1 000 travailleurs saisonniers chaque année. Cette année seulement, 350 postes ont été pourvus au moyen du Programme des travailleurs étrangers temporaires, ou PTET. Pour mettre le problème de la pénurie de main-d’œuvre canadienne en perspective, je vous dirai que 1 722 candidats locaux ont été identifiés et invités à des entrevues. De ces 1 722 candidats, 42 se sont présentés à leur entrevue. On a offert un emploi à ces 42 personnes. L’écart est effrayant.

Pour notre entreprise, il est plus important que jamais d’avoir un PTET plus efficace. Étant donné que nos travailleurs ne sont plus admissibles au Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, il est crucial que le PTET soit plus souple, plus rapide et plus rentable. Bonduelle travaille au sein de multiples organismes à cerner les préoccupations et, surtout, à offrir des solutions. Nos préoccupations sont les suivantes : des droits de demande de 1 000 $ même si les travailleurs ne sont requis que pour cinq à sept mois; la limite fixée à 10 p. 100 de l’effectif, si nous les employons pour plus de six mois; le salaire médian affiché sur le Guichet emplois, qui ne correspond pas à la nature de l’activité agricole locale de notre entreprise dans les régions; le maximum de 180 jours pour le PTET, qui est restrictif et cause des problèmes de main-d’œuvre constants; et l’exigence voulant que des sociétés comme Bonduelle subissent annuellement le coût d’études de marché, sachant très bien que le marché ne peut tout simplement pas fournir la main-d’œuvre nécessaire.

Malgré tous ces efforts, nous avons en ce moment 137 postes vacants et 158 postes saisonniers vacants. Globalement, cela donne un taux de postes vacants de près de 15 p. 100, et nous faisons face, de ce fait, à des défis sur le plan des opérations et de l’approvisionnement que nous devons résoudre pour pouvoir demeurer concurrentiels et viables en vue des décisions relatives aux dépenses en immobilisations futures. En passant, nous acceptons les candidatures, s’il y a des intéressés.

La présidente : Notre réunion est télévisée.

M. McNeil : En ce qui concerne l’innovation et l’automatisation, ce sont deux aspects aussi importants l’un que l’autre pour que Bonduelle Canada puisse demeurer à l’avant-garde de ce qui est en train de devenir un marché mondial véritablement concurrentiel. La pression constante à la baisse sur les prix conjuguée à un marché du travail difficile nous a forcés à accélérer nos investissements dans l’automatisation à l’échelle de toutes nos installations. Il y a, dans le contexte canadien, divers facteurs qui rendent les investissements difficiles.

Premièrement, il y a l’amortissement d’actifs qui ne fonctionnent que quatre mois par année. Cela a pour effet d’étirer la période de récupération, obstacle qui vient s’ajouter à des échéances peu attrayantes. Deuxièmement, la taille et les taux de croissances du marché canadien font que d’autres régions comme les États-Unis s’accompagnent d’un rendement plus intéressant.

Troisièmement, de nombreux programmes d’aide fédérale, sinon tous, sont structurés principalement en fonction de prêts qui sont, dans de nombreux cas, liés à la création d’emplois, ce qui est contraire à l’un de nos objectifs en matière d’automatisation.

Bonduelle Canada doit se battre au sein même du Groupe Bonduelle contre d’autres divisions afin d’obtenir des investissements en capital. Malheureusement, il semble dernièrement que d’autres divisions obtiennent ce qui devrait être la part canadienne des investissements.

Nous estimons que l’industrie et le gouvernement ont une merveilleuse occasion de travailler ensemble à positionner les sociétés comme Bonduelle sur la scène mondiale, en ce qui concerne la différenciation des produits grâce aux technologies transformatrices.

Notre initiative la plus récente, InFlavor, est un exemple parfait de la façon dont le gouvernement et l’entreprise peuvent et devraient travailler ensemble. Grâce à un solide partenariat avec une autre entreprise canadienne novatrice, l’entreprise vancouvéroise EnWave, nous avons conçu une technologie de déshydratation qui nous permet de surgeler des légumes frais de qualité. Cette technologie retire l’humidité des légumes à haute teneur en eau, comme les poivrons, les oignons et les champignons, et les empêche d’être endommagés par la congélation. Ces légumes peuvent alors servir à des usages pour lesquels on ne pouvait qu’envisager des légumes frais auparavant.

On peut notamment les utiliser dans les comptoirs à salade, les repas préparés, les sandwiches, les pains et les pâtisseries sans devoir s’occuper des résidus des produits frais, ainsi que des enjeux de santé et de sécurité qui accompagnent les légumes frais.

Après des années de recherche et développement, ce produit est officiellement depuis trois semaines sur le marché, et déjà, nos groupes affiliés français, brésiliens et russes manifestent de l’intérêt pour cette technologie révolutionnaire.

L’innovation pure comme InFlavor est cependant loin d’être peu coûteuse. Ensemble, Bonduelle et le gouvernement fédéral ont investi plus de 5 millions de dollars pour commercialiser ce produit. Cependant, nous avons maintenant un avantage concurrentiel exclusif à l’échelle mondiale, car nous croyons que c’est un produit véritablement perturbateur, et propre au Canada. Pour Bonduelle, « La nature, notre futur », c’est plus qu’un simple slogan. C’est notre ADN.

Malheureusement, les légumes ne poussent pas dans les grandes régions métropolitaines ou dans la neige et la glace. Nos usines et nos bureaux sont situés près de nos champs et de nos cultivateurs. Nos usines sont des prolongements de l’exploitation agricole familiale. Dans certains cas, nous employons autant de gens qu’il y a d’habitants dans les petits villages où nous sommes situés.

Trouver et retenir des employés pendant de courtes périodes dans ces régions est un défi important qui peut nous empêcher d’atteindre notre plein potentiel à l’échelle nationale ou à l’échelle mondiale. Malheureusement, cela pourrait mener à des investissements stratégiques ailleurs.

Pour compenser les difficultés en matière de recrutement auxquelles nous faisons face, nous devons innover dans nos produits, nos processus de fabrication, nos technologies et nos stratégies de mise en marché. Nous devons travailler ensemble pour réussir. Si nous pouvons faciliter et accélérer nos processus, nous pourrons devenir une référence mondiale en matière de bien-vivre grâce aux aliments d’origine végétale dans un contexte propre au Canada.

Nous avons hâte de collaborer à la concrétisation de ce projet. Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.

La présidente : J’aimerais remercier les témoins de leurs exposés. Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame, messieurs, bienvenue. Merci pour votre excellent exposé. Je vais d’abord commencer par M. Teper. Vous nous avez parlé de l’exonération des droits compensatoires. Lorsque vous importez du poulet aux États-Unis, je crois que vous payez une taxe. Est-ce que je me fais bien comprendre? Lorsque vous le transformez au Canada et que vous le revendez aux États-Unis, vous payez une taxe supplémentaire. C’est ce que vous appelez les droits « in and out », n’est-ce pas?

[Traduction]

M. Teper : Merci, sénateur, de votre question. Le Programme d’exonération des droits s’applique lorsque nous importons de la volaille à des fins de transformation, et tant et aussi longtemps que nous la réexportons, il n’y a pas de droits à payer. La volaille est importée en franchise de droits, pourvu que le produit ne demeure pas au Canada par la suite.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci de la précision. Lorsque vous importez de la volaille américaine, est-ce de la volaille de réforme ou du poulet pour consommation immédiate?

[Traduction]

M. Teper : Je suis désolé, monsieur. Je ne comprends pas cette question.

[Français]

Le sénateur Maltais : Lorsque vous importez de la volaille des États-Unis, est-ce du poulet de réforme ou du poulet prêt pour la consommation sur le marché canadien?

[Traduction]

M. Teper : Il ne s’agit pas de poulet de réforme. Il s’agit de poulet à rôtir. C’est le poulet qui est assujetti à des droits. Les poulets de réforme, autrement connus sous le nom de poules, ne sont pas assujettis à des droits. Nous ne parlons pas de poulets de réforme.

[Français]

Le sénateur Maltais : D’accord, merci. De toute évidence, le poulet canadien, avec le système de gestion de l’offre, vous coûte plus cher que vos compétiteurs à l’achat. Lorsque vous achetez du poulet canadien pour le transformer au Canada afin de le vendre à l’extérieur, vous êtes désavantagé par rapport aux États-Unis et au Mexique, qui ne sont pas assujettis à ce système de gestion de l’offre, c’est exact? La gestion de l’offre comporte des désavantages pour votre entreprise.

[Traduction]

M. Teper : Oui, c’est vrai. Ce n’est pas une légère différence. En ce qui concerne la différence sur le marché, aujourd’hui, je peux acheter du poulet américain importé pour 2,80 $ le kilo. Le poulet d’ici coûte plus de 7 $ par kilo. Nous parlons d’un facteur de différence de 100 p. 100. Ce n’est pas une petite différence de 10 cents ou 15 cents. Il ne s’agit pas de tenter d’obtenir des intrants à un prix concurrentiel en raison d’une différence mineure ou d’essayer de réaliser une marge de 1 p. 100 ou de 2 p. 100. Il s’agit de pouvoir survivre comme entreprise ou non.

Pour nous, ce n’est pas une question de gestion de l’offre. Nous n’avons rien contre la gestion de l’offre. Nous comprenons sa raison d’être. Nous sommes de fiers Canadiens et quelle que soit la décision du gouvernement, nous la respecterons. Cependant, en raison de cette difficulté, il est absolument impossible d’être au Canada et d’opérer sur des marchés d’exportation, à cause de l’ordre de grandeur. En effet, lorsqu’il y a des poulets à 2,80 $ et des poulets à 7 $, une entreprise ne peut pas survivre. Ce n’est pas une légère différence, c’est la différence entre survivre et fermer.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’aimerais revenir sur la question de la transformation. Vous transformez de multiples façons le poulet ou d’autres viandes, que vous vendez sur les marchés internationaux. L’accord commercial Canada-Europe représente-t-il des débouchés pour vous? L’accord de Partenariat transpacifique, lorsqu’il sera ratifié, comportera-t-il également de bons débouchés pour votre entreprise?

[Traduction]

M. Teper : Je crois, sénateur, qu’il faudrait un certain temps pour développer ces marchés. Je ne suis également pas convaincu que nous aurons l’avantage d’importer des poulets à un prix approprié du marché sur lequel nous exportons. Pour utiliser mon exemple des poulets à 7 $, je ne suis pas sûr qu’il existe un marché en Europe pour vendre ces produits. Il existe un marché quotidien d’Américains qui souhaitent consommer les produits que nous fabriquons. Nous avons probablement investi 5 millions de dollars dans une technologie robotique qui nous donne un avantage marqué et absolu dans la transformation du poulet. Notre objectif est de garder les emplois ici, au Canada.

Il est vrai que nous serons en mesure d’explorer des marchés étrangers. Ici, il existe un marché prêt à acheter de 100 à 200 millions de dollars en produits canadiens. Les gens veulent réellement obtenir ce produit. Nous possédons une technologie exclusive qui nous permet de transformer ce poulet de façon très abordable, mais sans le Programme d’exonération des droits, ce marché nous sera fermé.

Le sénateur Woo : J’ai des questions pour les deux témoins. J’aimerais d’abord m’adresser à M. Teper.

Vous avez mentionné un autre programme appelé le Programme d’importation aux fins de réexportation, et il semble très semblable au Programme d’exonération des droits. Pouvez-vous nous parler de la différence entre les deux?

M. Teper : Merci, sénateur. La principale différence entre les deux programmes, c’est le délai. En effet, le Programme d’importation aux fins de réexportation fixe la période de possession du produit à 90 jours ou moins, de sa date d’entrée à sa date de sortie.

Le Programme d’exonération des droits s’applique à de nombreux produits, et pas seulement aux produits agricoles. C’est la raison pour laquelle il a la règle des quatre ans. Nous utilisons habituellement de 9 à 15 mois de cette période, car le prix du poulet est cyclique. Si vous pouvez acheter du poulet maintenant — nous faisons actuellement des provisions de poulet — et le transformer et le vendre au printemps lorsque le prix de la matière première est élevé, vous avez une entreprise.

Si vous devez acheter le poulet lorsqu’il est peu commun et que l’offre est peu élevée, le prix et la demande sont élevés, et vous n’êtes pas concurrentiels.

C’est seulement cette règle du délai de 90 jours qui nous empêche de mener nos activités commerciales. De plus, le processus de fabrication prend parfois plus de 90 jours.

Le sénateur Woo : Dans le cadre du Programme d’importation pour réexportation, devez-vous payer des droits et ensuite obtenir une remise après la réexportation?

M. Teper : Non, c’est la même chose. Il offre une exonération complète.

Le sénateur Woo : D’accord.

M. Teper : Nous utilisions autrefois le Programme d’importation pour réexportation, mais les restrictions inhérentes au programme nous empêchent d’être concurrentiels sur le marché.

Le sénateur Woo : Je peux voir que, à cause du délai plus long, l’exonération de droit serait beaucoup plus avantageuse. Je ne sais pas pourquoi on utiliserait le Programme d’importation pour réexportation lorsqu’il y a un Programme d’exonération des droits. Je comprends votre préférence à cet égard.

Y a-t-il d’autres intrants dans votre processus de production qui sont également assujettis à une exonération des droits ou pour lesquels vous aimeriez être admissibles à une exonération des droits, car il s’agit d’un élément clé de vos besoins en matière de production?

M. Teper : Nous avons un produit qui a une étiquette assez simple. Il s’agit surtout de poulet, de quelques épices, d’un grand nombre d’humains et de nombreuses machines. C’est la recette. Nous n’avons aucune autre limite. Il s’agit surtout de la matière première, et le poulet est de loin la matière première la plus importante. Je n’ai pas la recette avec moi, mais je dirais qu’il représente de 90 à 95 p. 100.

Le sénateur Woo : En ce qui concerne la technologie exclusive, je présume que vous faites référence aux robots dans votre chaîne de transformation. Pouvez-vous nous expliquer un peu comment cette technologie a été mise au point et si des leçons tirées de la mise au point de cette technologie pourraient être appliquées dans d’autres secteurs de l’industrie de la transformation alimentaire du Canada, afin d’accroître l’innovation dans l’ensemble de notre industrie?

M. Teper : Votre question arrive juste à temps. En effet, je suis revenu, hier, d’un voyage de six jours en Italie, où j’ai quelques partenaires d’affaires. L’un de ces partenaires est un cocréateur de la technologie robotique. Ce qu’on peut voir en Italie et en Europe dans ce secteur est absolument incroyable. Après avoir débarqué de l’avion, je suis allé chez moi pour le souper et j’ai pris un autre avion pour venir ici. Je racontais à ma femme que nous marchions dans une usine où il y avait deux petits robots. Ils faisaient environ 3 mètres de long sur 1 mètre de large. Ils se déplaçaient dans l’usine sans fil, sans rien, car personne ne les contrôlait. Des lignes de contrôle pour ces robots étaient intégrées au plancher de l’usine. Dans ces usines, ils déplaçaient l’équipement de façon efficace et silencieuse, sans risque de dommage pour les autres employés, et ils travaillent 24 heures sur 24, même après la fermeture de l’usine et le départ des employés.

Les robots étaient équipés d’une balance. Ils soulevaient l’étagère, la pesaient et la remettaient sur le plancher. Ils peuvent ainsi calculer la perte de rendement. C’était une usine de fabrication de salami. Nous avons donc vu ce type de technologie.

La mise au point de notre technologie a probablement nécessité trois ans et 5 millions de dollars. Elle améliore la sécurité et l’efficacité des aliments, car les gens ne manipulent pas tous les produits à la main. En effet, plus on touche le produit, plus il se réchauffe et plus il est vulnérable aux bactéries, et cetera.

Il est important que le gouvernement du Canada et les entrepreneurs canadiens regardent vers l’avenir. C’est très utile. Nous voulons certainement employer des gens, mais nous voulons qu’ils fassent des choses intéressantes et qu’ils utilisent des compétences stimulantes. Nous ne voulons pas qu’ils accomplissent de simples tâches répétitives. Je crois que Mark est probablement du même avis. Dans la mesure où le gouvernement peut nous aider et redéployer les ressources vers la technologie, c’est l’avenir.

Le sénateur Woo : J’ai une question semblable pour M. McNeil. Devrais-je attendre la deuxième série de questions?

La présidente : Oui, si vous le voulez. Vous aurez de nouveau la parole pendant la deuxième série de questions.

Le sénateur R. Black : J’aimerais parler davantage des enjeux liés à la main-d’œuvre. Merci, monsieur McNeil, des renseignements que vous nous avez fournis.

J’aimerais savoir si vous avez des recommandations à formuler au sujet du Programme des travailleurs étrangers et d’autres éléments liés à la main-d’œuvre. Monsieur Teper, j’aimerais également savoir si vous faites face à des enjeux semblables en ce qui concerne la main-d’œuvre, car je ne crois pas que vous ayez abordé le sujet. Encore une fois, avez-vous des recommandations à formuler?

M. Teper : Je laisserai M. McNeil répondre en premier.

M. McNeil : Je n’ai peut-être pas l’ordre exact, mais comparativement au Programme des travailleurs étrangers temporaires, le PTET, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, nous accordait une plus grande souplesse en raison de la nature unique de nos activités, qui sont très saisonnières. Nous avons besoin de souplesse, étant donné les conditions en temps réel auxquelles nous sommes exposés, comme les conditions météorologiques, l’offre et la demande.

À notre avis, l’un des principaux obstacles qui se posent dans le cas du PTET, c’est qu’il entraîne des coûts élevés. En effet, il faut débourser 1 000 $ par demande. Je crois que le coût équivalent, dans le PTAS, était de 50 $. C’est donc un coût élevé.

Il y a également un délai. Pour mettre les choses en perspective, si nous souhaitons embaucher des travailleurs saisonniers qui commencent la récolte en juin, nous devons lancer le processus en octobre. Il est difficile de recruter localement, en octobre, des travailleurs pour un emploi qui commencera en juin. Il y a donc la question du temps.

De plus, ce qui a des répercussions sur le temps et les coûts, c’est que chaque année, malgré les chiffres auxquels j’ai fait référence — 1 700 postulants locaux et 42 postulants qui se présentent à l’entrevue —, nous devons mener une étude de marché afin de valider ce fait. Il y a donc un élément lié aux coûts et au temps. Nous avons désespérément besoin d’employés.

L’autre défi unique auquel nous faisons face, c’est que nous utilisons un calcul fondé sur le salaire médian pour déterminer le salaire. Le calcul du salaire médian se fonde sur les industries de la région pour établir le salaire. À cause de cela, nous pourrions faire venir des travailleurs étrangers temporaires dans une usine où ils gagneraient non seulement un salaire plus élevé que le salaire minimum, mais également plus élevé que celui d’employés qui y travaillent depuis 15 ou 20 ans.

Ironiquement, nous ne faisons pas face à ce problème dans nos usines syndiquées. C’est seulement un problème dans nos usines non syndiquées. Cela crée un dilemme unique car, dans une usine syndiquée, on utilise la convention collective.

L’autre défi auquel nous avons fait face cette année, en raison des frais liés aux demandes, c’est que si un employé ne fait plus l’affaire au milieu de la saison, nous ne pouvons pas le remplacer dans le cadre de cette demande. En effet, nous devons recommencer le processus au début. Il faut donc payer un autre montant de 1 000 $. Nous disons que c’est 1 000 $, mais cela représente 500 000 $ par année pour notre entreprise.

Les dépenses, les délais et le nombre limite d’employés potentiels permis dans le cadre du PTET sont les plus grands défis auxquels nous faisons face. Nous avons participé à différents environnements pour présenter ce qui, à notre avis, serait un type d’hybride entre ce qui fonctionnait pour notre entreprise dans le cadre du PTAS et certaines des caractéristiques du PTET, étant donné le caractère unique de notre entreprise.

M. Teper : Notre modèle d’affaires est légèrement différent de celui de M. McNeil. En effet, nos centres de transformation sont situés dans de grandes villes. Toutefois, la grande majorité de nos employés sont de nouveaux Canadiens. Ces gens peuvent travailler dans notre usine et acquérir de l’expérience sans avoir une expérience canadienne préalable. Ils peuvent travailler pour nous même si l’anglais est leur langue seconde ou même si leur niveau d’anglais est faible. Nous embauchons des superviseurs qui parlent la même langue qu’un grand nombre de nouveaux Canadiens que nous employons. Nous sommes très chanceux que le Canada ait une solide politique en matière d’immigration et que nous soyons situés dans deux régions qui attirent les immigrants, à savoir Toronto et Montréal.

Nous n’avons pas les mêmes besoins en matière de travailleurs étrangers temporaires. Nous offrons des emplois stables aux nouveaux Canadiens. C’est important. Toutefois, c’est seulement parce que nous avons intentionnellement construit nos usines plus loin des poulets, mais plus près des gens. Si nous étions établis dans une petite collectivité agricole... Nous employons de 600 à 800 ou même 900 employés. Vous n’avez pas ce nombre de personnes.

M. McNeil : C’est le contraire pour nous. Nous devons être situés près de l’exploitation agricole, et nous le sommes, ce qui signifie que nous sommes établis dans de petites régions. Il nous est difficile d’attirer des gens qui habitent à 40 ou 50 kilomètres.

Le sénateur R. Black : Merci.

Le sénateur Oh : J’aimerais remercier les témoins de leurs exposés. C’est très intéressant.

J’aimerais aborder la question de la pénurie de main-d’œuvre. Nous avons maintenant de nombreux immigrants illégaux. Ils traversent la frontière en grand nombre. N’êtes-vous pas en mesure de profiter d’une partie de cette ressource? Ces gens sont déjà ici et vous voulez les payer adéquatement, mais ils ne viennent toujours pas travailler pour vous. Pourquoi avez-vous autant de problèmes à obtenir des travailleurs étrangers? Il y a une grande pénurie. Vous avez parlé des nouveaux Canadiens. Ce sont tous des nouveaux Canadiens qui traversent la frontière. Pourriez-vous nous dire pourquoi le gouvernement ne vous aide pas? Que vous dit le gouvernement?

M. McNeil : Si cela ne vous dérange pas, je vais laisser Jean-Pierre gagner son voyage ici.

Jean-Pierre Haché, vice-président Assurance qualité et santé et sécurité, Bonduelle Amériques : Je vous remercie de votre question. Le plus grand défi auquel nous faisons face, c’est le fait que nous sommes dans une région rurale. Il faut amener les travailleurs aux usines. S’ils sont tous dans la région de Montréal ou de Toronto, par exemple, notre usine la plus proche de Montréal est située à 45 minutes de voiture. Souvent, ces gens n’ont pas de véhicule ou de moyen de transport pour se rendre à notre usine. C’est notre plus grand défi. Si nous pouvions les utiliser, nous le ferions, mais il faut les amener jusqu’aux usines dans les régions où nous sommes établis. C’est vraiment le défi auquel nous faisons face.

M. McNeil : De plus, sur le plan des coûts pour notre entreprise, les travailleurs étrangers temporaires sont — pour arrondir — 4 $ de l’heure plus dispendieux, en raison des demandes, des déplacements et des logements. En effet, nous fournissons les logements et nous devons donc les trouver. Nous devons acheter des propriétés. Nous faisons de notre mieux pour créer une communauté pour ces travailleurs étrangers temporaires, afin qu’ils sentent qu’ils font partie de notre entreprise et qu’ils reviennent.

Aux États-Unis, pour des chiffres semblables, la majorité de ces emplois sont occupés par des Portoricains. C’est la même chose avec les logements temporaires. Certains employés sont avec nous depuis 30 ans. Ils reviennent chaque année et sont un prolongement de notre entreprise. Toutefois, il y a des coûts liés à cela, et ils sont assez élevés.

Comme Jean-Pierre l’a dit, le défi, c’est d’obtenir ces employés potentiels — et je ne suis pas certain de savoir comment répondre à la question sur les immigrants légaux ou illégaux — et à mon avis, nous voulons nous concentrer sur les moyens légaux d’amener des talents dans notre organisation. C’est le problème.

Le sénateur Oh : Nous avons un gros problème ici, car il y a une pénurie de logements à Montréal et à Toronto pour les immigrants qui traversent la frontière. Vous fournissez les logements. Cela aiderait beaucoup le gouvernement, n’est-ce pas?

M. McNeil : Oui.

Le sénateur Oh : Vous venez de dire que vous fournissez les logements. Cela aide beaucoup à diminuer les pressions qui s’exercent sur Toronto et sur Montréal.

La présidente : Je crois que la dernière intervention était un commentaire plutôt qu’une question.

M. Haché : La plus grande différence entre les travailleurs étrangers temporaires et les immigrants, c’est que les immigrants viennent avec leur famille. Les travailleurs étrangers temporaires qui viennent au pays habitent dans des résidences. Ils sont seuls. Ils sont également tous des hommes. Lorsque les gens arrivent avec leur famille, ils doivent s’installer dans une communauté, avec leurs enfants et leur partenaire. C’est ce qui représente un défi, et c’est très différent du cas des travailleurs étrangers temporaires.

La présidente : Je vous remercie d’avoir apporté ces précisions.

Le temps est presque écoulé. Il nous reste environ 13 minutes. J’aimerais rappeler aux témoins de fournir de brèves réponses. Mesdames et messieurs les sénateurs, veuillez poser de brèves questions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. McNeil. Je trouve intéressant que vous nous parliez des travailleurs étrangers. Parfois, la bureaucratie peut ralentir l’efficacité. Lorsque vous versez 1 000 $ par travailleur, à qui les versez-vous? Qu’est-ce que vous obtenez en retour? Est-ce que ce montant vaut le coup ou est-ce une taxe déguisée qu’on vous impose?

M. McNeil : Je vais vous donner mon opinion et si M. Haché veut ajouter quelque chose, il pourra le faire. C’est une sorte d’impôt, 1 000 $ à titre de frais administratifs pour amorcer le processus de travail d’un nouvel employé. C’est extrêmement cher et ce n’est pas compétitif. J’ai mentionné qu’avant, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers demandait des frais de 50 $ pour le même genre de travail. Nous comprenons qu’il y a un coût associé à cela. Cependant, comme les frais sont de 1 000 $ et qu’ils ne suivent pas une demande d’embauche, mais plutôt une personne, et compte tenu du taux de roulement, ils devraient se situer entre 50 $ et 1 000 $. Ce sont des frais administratifs, mais ils devraient être plus près de 50 $ que de 1 000 $.

Le sénateur Dagenais : Nous parlons de taxe déguisée. Personne n’a abordé la taxe sur le carbone. Monsieur Teper, est-ce que la taxe sur le carbone aura une influence sur votre compétitivité? Vous avez parlé des États-Unis, qui n’ont pas cette fameuse taxe. J’aimerais vous entendre là-dessus. J’imagine que cela vous touche ou vous touchera à l’avenir.

[Traduction]

M. Teper : Vous avez raison; nous n’y échapperons pas.

Au quotidien, la taxe sur le carbone est presque invisible, mais on la voit quand même bien. Elle majore les frais de transport et les autres frais qui tombent sous le coup de la fiscalité du carbone. Elle ne s’est pas encore fait sentir. Elle en est encore à ses débuts. Tout ce qui nous rend moins concurrentiels à l’échelle mondiale est fâcheux.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Un témoin nous a dit qu’aux États-Unis les producteurs et agriculteurs qui investissent dans leurs industries pour diminuer les gaz à effet de serre ont droit à une déduction fiscale. Vous améliorez votre équipement et c’est déductible d’impôt. Cela touche directement les producteurs et cela aide à réduire les gaz à effet de serre. Pensez-vous qu’on devrait faire la même chose au Canada? Au lieu de vous imposer une taxe sur le carbone pour diminuer les gaz à effet de serre, on dirait : « Modifiez vos équipements, ça réduit les gaz à effet de serre et ça encourage l’industrie, comme aux États-Unis. » Seriez-vous d’accord avec cela? Nous pourrions l’indiquer dans notre rapport.

[Traduction]

M. Teper : En quelques mots, je suis tout à fait d’accord avec cette façon de faire. Nous approuvons tout ce qui nous aide à investir dans des processus carboneutres ou même carbonégatifs.

La sénatrice Petitclerc : Ma question, sur un aspect complètement différent, pourra se satisfaire d’une courte réponse. Étant donné les particularités de vos entreprises et de votre secteur, je suppose que vous avez suivi, tout comme moi, l’élaboration du nouveau guide alimentaire. Je songe particulièrement à l’étiquetage frontal des emballages. J’ai suivi ce dossier de très près. Je ne cherche pas tellement à savoir si vous pensez du bien de cette façon de faire, mais comment ça changera les coûts dans votre secteur.

Estimez-vous avoir suffisamment de temps pour vous adapter? Est-ce que ça vous obligera à créer une gamme différente de produits, ici ou à l’étranger? Quelles sortes de conséquences y aura-t-il? Je pose la question à tous. J’ignore si vous y avez réfléchi. Qui veut répondre le premier?

M. Teper : Cette question, en soi, ne concerne pas le sujet dont nous discutons, le report de droits, parce que, pour vendre nos produits aux États-Unis, nous devons nous plier aux exigences de ce pays en matière d’étiquetage. Toutefois, nous sommes désavantagés. Les produits canadiens qui ne font pas l’objet d’un report de droits ou d’une gestion de l’offre exigent, en cas de rivalité directe, si l’autre pays applique des règles différentes, des règles équitables pour tous les joueurs. Je renvoie la question à Mme Allen, qui est une spécialiste.

Mme Allen : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Compte tenu de l’ensemble de la situation et des raisons de notre réunion, les mesures d’étiquetage frontal qui nous permettraient de mieux affronter la concurrence mondiale nuiraient surtout à l’investissement différentiel de nos membres pour, en sus de l’étiquetage nutritionnel, mettre la politique en œuvre. Nous sommes également désavantagés dans notre concurrence pour le linéaire avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis, puisque, visiblement, ce pays n’aura pas à se plier aux mêmes exigences pour ses exportations au Canada.

De plus, nous devrions chercher des moyens d’aplanir les obstacles non tarifaires et d’harmoniser nos politiques d’étiquetage alimentaire. C’est l’un des dossiers les plus difficiles à régler pour l’harmonisation des politiques. Il entraînera notamment des coûts de renonciation. Pour se conformer aux nouvelles exigences en matière d’étiquetage, nos membres s’exposent à devoir réduire leurs investissements différentiels ailleurs dans leurs entreprises. Ils seront également désavantagés dans la concurrence et l’exportation aux États-Unis. Globalement, nos objectifs devraient être la disparition des obstacles non tarifaires et l’harmonisation des exigences en matière d’étiquetage.

M. McNeil : J’ai eu la chance de faire partie de la commission de la Grocery Manufacturers Association, qui essayait de louvoyer au moment de la résolution 1599 de la Chambre des représentants sur l’étiquetage nutritionnel et celui des OGM. J’ai tout vu. Je pourrais donner beaucoup de détails sur notre conduite dans ce dossier américain.

Je crois dans les technologies intelligentes, que ce soit une étiquette intelligente ou un code QR. Plus que jamais, elles nous permettront d’accéder à une transparence complète pour le consommateur sur la provenance du produit, sa composition et l’endroit où il a été cultivé ou élevé. Voilà l’avenir, bien plus que les six pouces carrés du panneau frontal que se disputent une foule de messages discordants. Tant que la solution est technologique, elle donnera aux fabricants comme nous la largeur de bande pour combler les attentes du consommateur, et c’est considérable.

La sénatrice Ataullahjan : Ma question vous est adressée, monsieur McNeil. Vous avez dit que votre organisation avait besoin d’environ 1 000 travailleurs saisonniers et qu’il était difficile de répondre localement à ce besoin. Quel pourcentage de ce besoin est satisfait chaque année? En dollars, quelles sont les conséquences pour votre productivité?

M. McNeil : Nous satisfaisons localement à la moitié du besoin, l’autre moitié étant comblée dans une certaine mesure par des travailleurs étrangers ou, comme je l’ai dit dans mes remarques du début, non comblée. Pour un besoin de 1 000 travailleurs saisonniers, nous en recrutons 500 localement et nous avons besoin d’encore 500 travailleurs étrangers temporaires. L’année dernière, nous en avons obtenu 350 et nous aurions pu en embaucher encore 150 ou 200. Voilà, en gros, le calcul.

Cela nous coûte cher en heures supplémentaires. Dans le plus fort de l’activité de notre usine, il nous manque 15 p. 100 des employés dont nous avons besoin. Dans l’industrie ou la vie courante, la privation subite de 15 p. 100 de ses ressources pour faire un travail est invalidante. Les heures supplémentaires, la baisse de productivité, les ralentissements de cadence, les soucis d’approvisionnement, notre activité en souffre continuellement.

Ensuite, un autre besoin, dont je n’ai pas encore parlé aujourd’hui, mais qui est aussi préoccupant, est celui de main-d’œuvre qualifiée, c’est-à-dire mécaniciens et conducteurs de chariots élévateurs. J’ai parlé de nos besoins de main-d’œuvre, mais nous avons énormément de difficultés à attirer localement les talents dans ces postes qualifiés. Il faut une solution. Elle combinerait, automatisation et, nous l’espérons, plus de flexibilité, de vitesse et d’efficacité chez les travailleurs étrangers temporaires.

La sénatrice Ataullahjan : Merci.

La présidente : Une petite question et, mesdames et messieurs les témoins, de courtes réponses.

[Français]

Le sénateur Maltais : Très rapidement, est-ce que vos entreprises seront présentes au Salon International de l’Alimentation (SIAL) de Paris? Serez-vous là? Merci.

[Traduction]

M. McNeil : Nous y serons.

La présidente : Vous y serez? Tous? Pas nous, malheureusement.

Le sénateur Maltais : J’y serai.

Le sénateur Woo : Revenons à l’innovation que représente InFlavor dans votre compagnie: y a-t-il a des leçons à tirer des partenariats, du modèle d’innovation, qui pourraient servir dans d’autres secteurs de l’industrie à la mise au point de technologies brevetées aussi intéressantes et profitables pour le Canada?

M. Haché : Je pense que le projet a bénéficié, dès le départ, de la collaboration et de la confiance de tous. La meilleure façon de répéter l’expérience serait à petite échelle. Le projet était considérable et il a nécessité un gros investissement. Il a fallu plus de cinq ans pour mettre le produit en marché. Beaucoup d’innovations, bien que modestes, exigent néanmoins des investissements. Si nous pouvions attirer l’attention sur les petits projets et les rendre attrayants pour une mise en marché accélérée. Voilà comment procède le marché, particulièrement pour les technologies nouvelles et l’Internet. Nous devons agir vite, pas nécessairement à grande échelle.

Le sénateur Woo : Qui étaient les partenaires?

M. Haché : Il y avait InFlavor, le gouvernement fédéral, par différents programmes, certains du gouvernement du Québec, et EnWave, notre partenaire à Vancouver.

Le sénateur Woo : Différentes compagnies se sont unies pour collaborer avec l’administration fédérale et la province?

M. Haché : Oui. Elles avaient la technologie. Nous l’avons adaptée aux légumes, avec l’aide de programmes fédéraux.

La présidente : Cela semble un bel exemple à suivre.

Je tiens à remercier nos témoins. La discussion a été très intéressante. Nous aurions pu la prolonger, mais un autre groupe de témoins arrive. Sur ce, je lui demande de s’approcher.

La présidente : Parmi ce deuxième groupe de témoins se trouve une ancienne collègue et ancienne membre de notre comité, l’honorable JoAnne Buth. Je vous remercie d’être ici. Actuellement, elle représente l’Institut international du Canada pour le grain. Elle parlera au nom de Protein Industries Canada. Nous accueillons aussi le directeur du Conseil de l’orge du Canada, M. Phil de Kemp.

Merci d’honorer notre invitation. Nous avons hâte d’entendre vos exposés, qui, bien sûr, seront suivis d’une période de questions.

L’honorable JoAnne Buth, chef de la direction, Institut international du Canada pour le grain : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. Je suis ravie d’être ici. Je voudrais vous entretenir de deux organisations qui ont multiplié les initiatives dans le secteur agricole.

La première, dont je suis chef de la direction, est l’Institut international du Canada pour le grain. Cet organisme sans but lucratif accorde son appui technique au secteur céréalier canadien. Formé en 1972, il collabore avec les acheteurs de blé canadien à l’étranger. Il possède de grandes compétences dans la mouture du blé et l’analyse de la farine et du blé pour en déterminer les caractéristiques boulangères, et dans la fabrication de nouilles et de pâtes. Nous n’avons pas beaucoup d’expérience dans la fabrication de produits canadiens, parce que nous nous focalisons sur les produits de nos clients étrangers.

Cependant, depuis 10 ans, nous nous intéressons aux légumineuses, à leur mouture et à leur intégration dans des produits du blé: pains, céréales à déjeuner, pâtes alimentaires et collations. Bien sûr, vous connaissez la renommée mondiale du Canada pour son blé de qualité supérieure. Le blé est la principale culture du Canada, qui en est le cinquième exportateur mondial. Nous produisons principalement du blé de meunerie très protéiné.

En 2017, le Canada a produit plus de 29 millions de tonnes de blé, notamment de blé dur, et nous en avons exporté 22 millions. Le blé commun canadien, y compris le blé de force roux de printemps de l’Ouest canadien est prisé pour sa propreté, sa consistance et la qualité de son gluten, toutes des caractéristiques importantes pour de nombreux produits comme les pains moulés de grand volume.

Le blé dur canadien est renommé dans le monde entier pour sa couleur jaune vif de qualité supérieure et son rendement en semoule, facteurs importants dans la fabrication des pâtes et des couscous de la meilleure qualité.

Les huit premiers débouchés extérieurs du blé canadien sont l’Indonésie, le Japon, les États-Unis, le Pérou, le Nigeria, le Mexique, la Colombie et le Bangladesh. Il y en a beaucoup d’autres.

Bien sûr, ce blé est exporté avec une valeur ajoutée limitée. Il serait difficile pour le Canada de moudre tout son blé conformément aux exigences des centaines de clients étrangers. L’industrie canadienne en est la première utilisatrice: elle en consomme de 2 à 3 millions de tonnes par année. Sept provinces se répartissent une cinquantaine de meuneries industrielles de blé, d’avoine et de maïs. Ces meuneries expédient leur production dans une large gamme de marchés, qui vont du client occupant un créneau local aux grands acheteurs nationaux et internationaux.

Je pense que vous avez tous entendu les prévisions de croissance vertigineuse de la population mondiale, qui devrait atteindre près de 10 milliards d’habitants d’ici 2050. Cette croissance s’accompagne d’une augmentation de l’importance des classes moyennes et d’une demande plus grande de protéines animales, ce qui signifie qu’on aura besoin de plus de provendes. La demande de protéines végétales est forte, et, aujourd’hui, de nombreux produits d’épicerie vantent leur teneur accrue en protéines.

Je tiens à mentionner une compagnie avec laquelle nous avons collaboré pour augmenter la teneur en protéines de ses produits de boulangerie au Royaume-Uni. Warburtons y est le premier détaillant de produits de boulangerie. Depuis 25 ans, il achète à contrat du blé canadien. Il importe aussi désormais de la farine de légumineuses du Canada. Warburtons a noué un partenariat avec notre institut, bénéficiant surtout du financement de Saskatchewan Pulse Growers Association pour enrichir en protéines divers produits, grâce à l’ajout d’ingrédients tirés de légumineuses.

Le partenariat a conduit au lancement de cinq nouveaux produits de Warburtons sur les tablettes des épiceries du Royaume-Uni. J’en ai apporté pour vous des échantillons. Du pain et des bagels minces, mais sans grille-pain. Sentez-vous libres d’y goûter. Fraîchement arrivés du Royaume-Uni, ils sont congelés depuis. Ils sont encore frais.

Beaucoup d’obstacles s’opposent à l’ajout d’ingrédients à base de légumineuses aux produits de boulangerie. Quelles légumineuses ajouter, pois, haricots, lentilles ou féveroles? En quelles quantités? De quelle mouture? Comment atténuer les saveurs? Le pois jaune est la première légumineuse produite dans les Prairies, mais personne ne veut de son goût dans une rôtie.

Voilà l’une des initiatives dont je voulais parler.

L’autre initiative est assez importante. Il s’agit de la formation d’une grosse grappe qui s’étend à la grandeur des Prairies et qu’on appelle Protein Industries Canada. C’est un consortium animé par l’industrie et constitué d’entreprises de toutes tailles de la filière agroalimentaire et des services alimentaires. Leurs activités englobent la recherche-développement, la mise au point de technologies, le développement économique, les finances et l’investissement, l’éducation et la formation. Nous nous concentrons sur le développement du potentiel des protéines végétales tirées de diverses cultures comme les légumineuses, le chanvre, l’avoine, le blé, le canola et le lin.

Par voie de concours, Protein Industries Canada a réussi à obtenir du financement fédéral dans le cadre de l’Initiative des supergrappes d’innovation d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Un financement de 150 millions de dollars. Nous croyons que cette initiative aidera l’industrie à faire du Canada le centre incontournable de produits et technologies d’alimentation des humains et des animaux, y compris d’ingrédients, fractions, protéines et coproduits nouveaux.

Nous nous attendons à ce que les entreprises de la grappe collaborent à la mise au point d’une nouvelle gamme d’aliments, d’ingrédients et de denrées d’origine végétale grâce à la transformation des protéines et d’autres ingrédients végétaux comme la cellulose, l’amidon, les glucides et les produits de santé naturels, à leur emploi dans les aliments, les boissons et les produits de santé et d’hygiène naturels, les aliments pour animaux de compagnie, poissons, bétail et dans des produits non alimentaires. Nous croyons que l’initiative de la supergrappe est ce dont l’industrie a besoin pour saisir les occasions, donner de la valeur ajoutée aux produits agricoles canadiens et développer des marchés dans le monde entier.

Phil de Kemp, directeur exécutif, Conseil de l’orge du Canada : Madame la présidente, chers membres du comité, bonjour. Je me nomme Phil de Kemp. Je suis président du Conseil de l’orge du Canada et de l’Association de l’industrie brassicole du Canada. Je vous remercie de votre invitation à venir parler de la façon par laquelle l’industrie de l’orge, l’industrie brassicole et l’industrie de la bière peuvent devenir plus concurrentielles sur les marchés mondiaux.

Le Conseil de l’orge du Canada est le porte-parole national du secteur de l’orge. Notre conseil d’administration comprend des représentants recrutés dans la chaîne de valeur de l’orge de tout le pays, y compris dans les commissions provinciales de producteurs agricoles d’orge, chez tous les brasseurs canadiens et dans l’industrie brassicole, celle des provendes et du bétail, certaines entreprises exportatrices de céréales et la collectivité des chercheurs et des semenciers du secteur de l’orge.

Le Canada occupe le troisième rang des producteurs d’orge dans le monde. Il en produit environ 8,5 millions de tonnes chaque année, qui sont destinées à l’alimentation animale, à l’industrie brassicole et à l’alimentation humaine. Cela comprend 2 millions de tonnes d’orge brassicole qui sert à la fabrication de malt qui entrera dans la production de bière, de whisky et de vodka ainsi que comme additif alimentaire aromatisant.

Les malteurs canadiens achètent environ 60 p. 100 de toute l’orge brassicole produite au Canada pour les brasseurs canadiens et étrangers. Le Canada est le deuxième exportateur mondial de malt. Notre production de malt à valeur ajoutée s’écoule notamment aux États-Unis, au Japon, en Corée du Sud, au Mexique et en Chine.

On m’a invité à venir parler de la façon dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée du Canada pourrait devenir plus concurrentiel sur les marchés mondiaux. Rappelons d’abord les trois facteurs importants, non seulement pour les industries à valeur ajoutée, mais, également, pour les producteurs d’orge et de grains en général : le commerce, le transport et la fiscalité.

Les accords commerciaux et le commerce sont d’une importance capitale pour le pouvoir concurrentiel de nos entreprises sur les marchés mondiaux et les marchés nord-américains, y compris le Canada. L’une de nos priorités, pour le secteur de l’orge — et je pense que certains d’entre vous ont rencontré certains d’entre nous jusque dans l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire —, c’est la ratification du Partenariat transpacifique global et progressiste, adopté par la Chambre des communes et qui sera probablement soumis à l’approbation du Sénat, quelque part la semaine prochaine. Nous espérons que le Sénat l’approuvera et que le partenariat deviendra loi d’ici la fin de l’année. C’est extrêmement important pour toute l’industrie, l’orge étant exportée sous forme de porcins ou de vaches d’élevage à viande ou, bien sûr, de malt, grâce à la chute des tarifs, des majorations et des contingents tarifaires par pays. Le Canada a peut-être la possibilité d’exporter de 300 000 à 400 000 tonnes de plus d’orge sous ces formes à valeur ajoutée destinées à la transformation au Japon.

En ces temps d’instabilité et d’incertitude économiques sans précédent en Amérique du Nord, nous devons également moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain, en plus d’adopter une stratégie agressive dans tous les marchés afin d’y conclure des accords de libre-échange, particulièrement en Chine. Nous devons faire comprendre à tous nos partenaires commerciaux que nous sommes ouverts aux affaires et prêts à mettre nos produits alimentaires de calibre mondial sur le marché.

Il va sans dire que toute perturbation du commerce aura des conséquences de taille pour nos agriculteurs et nos industries à valeur ajoutée, comme nous l’avons certainement constaté récemment avec l’annonce relative à l’Arabie saoudite.

Même si l’accroissement des exportations de produits agroalimentaires sur les marchés étrangers constitue une grande priorité sur le plan de la compétitivité, nous ne pouvons atteindre cet objectif à moins de disposer d’un réseau de transport fiable, transparent et adaptable. C’est le deuxième facteur. Notre conseil espère que le projet de loi C-49 élaboré tout récemment permettra d’atteindre ces objectifs, pas seulement dans le secteur du grain, mais aussi dans les industries à valeur ajoutée comme celle du malt. Cependant, notre industrie de plusieurs milliards de dollars étant dépendante du commerce, nous ne pouvons simplement espérer des transports fiables en temps opportun. Notre conseil et tous les membres qui le composent sont très reconnaissants envers le gouvernement fédéral, le ministre Garneau, le ministre MacAuley et le Sénat en ce qui concerne l’adoption du projet, car ils ont jusqu’à présent prêté l’oreille aux producteurs et aux transformateurs à valeur ajoutée et respectent leur promesse d’améliorer les transports au Canada. Nous demandons à ce que dans l’avenir, l’amélioration du service ferroviaire, afin de le rendre plus fiable, demeure une priorité.

Le projet de loi C-49 prévoyait que les compagnies ferroviaires annoncent leurs plans d’intervention et d’urgence à l’automne. Une réunion s’est tenue il y a quelques semaines. Les compagnies pouvaient notamment fournir jusqu’à 11 000 wagons. La capacité du réseau de transport en ce qui concerne les élévateurs est de quelque 18 750 wagons par semaines. Nous sommes dans l’hémisphère Nord. Quand notre production quitte les champs, nous pouvons transporter beaucoup plus de grains et les agriculteurs peuvent obtenir de bien meilleurs prix beaucoup plus rapidement en six mois quand nous récoltons et livrons le produit alors que nous attendons toujours l’arrivée des récoltes d’Australie, d’Argentine et du Brésil. Nous disposons d’une capacité substantielle que nous pouvons exploiter pour être plus concurrentiels et pour obtenir un prix supérieur sur les marchés pendant cette période de l’année. J’avais pensé porter ce fait à votre attention.

Je veux en arriver au troisième facteur, soit celui des taxes. Les industries canadiennes des aliments à valeur ajoutée œuvrent dans un marché très concurrentiel en Amérique du Nord. Or, la Tax Cuts and Jobs Act annoncée récemment aux États-Unis rendra le secteur du commerce encore plus concurrentiel en Amérique du Nord. En particulier, les transformateurs américains auront maintenant la capacité d’amortir leurs investissements en capital et leur matériel en l’espace d’un an à peine, alors que le calendrier d’amortissement des transformateurs canadiens est bien plus long, prévoyant des périodes de 3, 10 ou 20 ans selon l’équipement.

Dans le marché nord-américain, nous imposons aussi la taxe sur le carbone sur les produits fabriqués et à nos agriculteurs, alors que nos voisins du Sud ne le font pas. Voilà qui ajoute un coût supplémentaire à l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire. Pour l’instant, le gouvernement n’a pas encore donné de réponse définitive quant aux répercussions de l’augmentation des coûts sur les familles canadiennes.

Enfin, en 2017, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi pour accroître automatiquement la taxe sur la bière chaque année, et ce, indéfiniment. C’est ce que nous appelons la taxe ascenseur. Ce mécanisme d’augmentation qui permet au gouvernement d’accroître les taxes imposées aux Canadiens sans supervision parlementaire annuelle équivaut à une augmentation des taxes sans fin sur la bière, augmentation qui se fera au détriment des buveurs de bière, des brasseurs et, au bout du compte, des cultivateurs d’orge canadiens.

Cette nouvelle taxe sur la bière contraste de façon frappante avec l’orientation empruntée aux États-Unis, où la Tax Cuts and Jobs Act réduit la taxe fédérale sur la bière imposée aux brasseurs américains. Les États-Unis équipent donc leurs brasseurs pour la victoire, alors que le Canada fait le contraire.

La nouvelle politique fiscale du gouvernement ne cadre pas avec son désir d’encourager l’industrie agroalimentaire canadienne à prendre de l’expansion et à être concurrentielle sur la scène internationale.

Certains d’entre vous m’ont peut-être entendu tenir les propos qui vont suivre, mais je pense qu’ils valent la peine d’être répétés en ce qui a trait aux taxes. Au Canada, il s’achète environ 75 millions de dollars d’orge auprès des agriculteurs, ce qui permet de produire 250 000 tonnes de malt fabriqué uniquement pour vendre à l’industrie brassicole canadienne.

Ce 75 millions de dollars d’orge qui sert à produire 250 000 tonnes de malt se retrouve dans une bouteille de bière qui générera 5,4 milliards de dollars en recettes fiscales pour les gouvernements fédéral et provinciaux, et ce, seulement à la caisse. À l’achat d’une caisse de bière, les taxes constituent presque la moitié du prix. Pour chaque dollar d’orge acheté, 72 $ en recettes fiscales sont prélevés à la caisse, selon le Conference Board du Canada. Aucun autre secteur ne générera autant de recettes fiscales au pays.

Pour mettre les choses en perspective, en Alberta, les redevances annuelles sur le pétrole, le bitume et le gaz naturel s’élèvent à 2,35 milliards de dollars. Nous considérons que nous faisons notre part à titre de cultivateurs d’orge, d’industrie du malt et de secteur de la bière à valeur ajoutée.

Les chiffres ne mentent sûrement pas. Le secteur canadien de la bière, de l’orge et du malt appuie environ 149 000 emplois et fait une contribution de quelque 13,6 milliards de dollars au PIB national. L’apport de l’orge et de la bière devrait être souligné et reconnu. J’annoncerai donc ici pour la première fois que le Conseil de l’orge, en partenariat avec Bière Canada et l’industrie canadienne de la bière, planifiera au cours des prochains mois de demander officiellement au gouvernement fédéral d’adopter une loi du Parlement pour tenir annuellement, chaque mercredi précédant l’Action de grâce, la journée nationale de la bière pour souligner l’incidence unique et sans pareille que le secteur de l’orge et de la bière a sur l’identité canadienne.

Nous savons certainement tous que la bière canadienne fait partie intégrante de notre trame nationale. Notre secteur a sur notre identité nationale une incidence plus durable et plus bénéfique que presque tout autre secteur, peut-être comme l’industrie de la fourrure il y a 300 ans. Deux des plus anciennes compagnies du Canada, soit les Brasseries Molson, établies en 1786, et Labatt, établie en 1847, existaient bien avant la Confédération.

Enfin, madame la présidente, que ce soit lors des matchs de hockey, des jours de congé passés en famille, des joutes de curling ou des froides soirées d’hiver, la bière et, par conséquent, l’industrie de l’orge et sa chaîne à valeur ajoutée sont synonymes d’activités rassembleuses authentiquement canadiennes. Voilà pourquoi nous réclamerons la tenue d’une Journée nationale de la bière.

Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner. Si vous avez des questions au sujet de l’utilisation de la capacité, des activités d’expansion de marché, de l’aide du gouvernement fédéral ou quoi que ce soit d’autre, j’y répondrai avec le plus grand plaisir. Merci.

La présidente : D’accord. Huit sénateurs sont présents, alors que nous disposons d’un peu plus de 35 minutes. Je sais que vous critiquerez la manière dont je répartis le temps, mais nous accorderons un maximum de cinq minutes à chaque intervenant. Nous commencerons par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue à l’honorable JoAnne Buth.

Il y a un certain temps, nous avons siégé ensemble à ce comité pendant deux ans. Aujourd’hui, vous êtes ici à titre d’invitée. C’est un grand plaisir de vous accueillir.

Monsieur de Kemp, je voudrais mentionner que la bière est brassée au Québec et au Canada depuis 1632. Les Voûtes Talon, à Québec, existent depuis 1632. Elles ne servent plus à brasser de la bière. Cependant, rappelez-vous que la bière de la compagnie Dow, qui était la plus grande compagnie de bière au Québec avant Molson et Labatt, était brassée aux Voûtes Talon, à Québec.

Cela dit, madame Buth, nous avons perdu un gros client dans le domaine du blé : l’Italie. Que s’est-il passé avec l’Italie? C’était un gros client du Canada depuis de nombreuses années et ce pays nous a tourné le dos. Êtes-vous au courant de ce qui s’est passé?

[Traduction]

Mme Buth : Merci, sénateur, de cette question. L’Italie a toujours été un marché où les agriculteurs tentent de protéger leur marché, à l’instar de la plupart des agriculteurs du monde. Les groupes de fermiers italiens ont toujours été à l’affût d’occasions de bloquer les importations, considérant que les produits importés font essentiellement concurrence aux leurs, ce qu’ils font manifestement, particulièrement dans le cas du blé dur canadien, car, en raison de sa grande qualité, les meuniers et les fabricants de pâtes italiens ont toujours voulu avoir du bon blé dur canadien d’un beau jaune vif.

Au fil des ans, les agriculteurs ont trouvé une variété de problèmes pour tenter d’empêcher le Canada d’accéder au marché. Pendant un certain temps, il y a eu celui des mycotoxines et, plus récemment, ils s’en sont pris au glyphosate et aux résidus potentiels pouvant se trouver dans le blé dur. Cet herbicide est communément connu sous le nom de Roundup, bien qu’on le retrouve dans d’autres produits également.

Par conséquent, les pressions exercées sur le gouvernement de l’Italie l’ont essentiellement poussé à imposer un obstacle non tarifaire sur le blé dur canadien en exigeant qu’il soit totalement exempt de résidus. Or, nous savons tous à quel point il est difficile de faire en sorte qu’il n’y ait aucun résidu de nos jours. Grâce à la science, la technologie permet de détecter des parts par milliard, soit l’équivalent d’une seconde en 32 ans. Essentiellement, nous serons incapables de satisfaire aux exigences.

Les fabricants de pâtes, réticents, n’ont donc pas acheté de blé dur canadien. Voilà la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il faut se rappeler que, après la Seconde Guerre mondiale, l’Italie était moins réticente vis-à-vis de l’exportation du blé canadien. À cette époque, avec le plan Marshall, on le donnait; vous vous en souvenez sans doute.

Monsieur de Kemp, vous êtes un exportateur d’orge et de malt très important au niveau de la fabrication de la bière. Pensez-vous que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe vous avantagera ou vous désavantagera en ce qui concerne l’exportation du malt et de l’orge?

[Traduction]

M. de Kemp : En ce qui concerne l’AECG, je dis que c’est comme amener du charbon à Newcastle. L’Europe produit quelque 50 millions de tonnes d’orge par année et est le plus grand exportateur de malt. Il n’y aura donc pas vraiment de débouchés, outre quelques créneaux pour une poignée de brasseurs artisanaux, mais c’est à peu près tout. Ce n’est pas un marché qui aura la moindre conséquence, malgré l’accord conclu.

[Français]

Le sénateur Maltais : L’accord de Partenariat transpacifique est-il plus intéressant pour vous?

[Traduction]

M. de Kemp : Certainement, à deux égards. En ce qui concerne le Japon, nous sommes le plus important exportateur de malt à valeur ajoutée. Nous produisons environ 160 000 à 165 000 tonnes métriques de malt. Nous avons obtenu un quota de 89 000 tonnes, que nous atteindrons de toute façon. Nous avons fixé ce quota, qui est plus symbolique qu’autre chose. Pour ce qui est des réductions du tarif sur l’orge fourragère, les tarifs seront réduits jusqu’à zéro pour l’orge brassicole au Vietnam, bien évidemment. Plus importante est la réduction substantielle des tarifs imposés sur le bœuf et le porc canadiens transformés. Les États-Unis le savent. Nous bénéficierons d’un avantage considérable à cet égard; cela signifie donc qu’une plus grande quantité de l’orge produite dans l’Ouest canadien restera ici pour être consommée par un porc ou une vache et transformée ici afin d’être exportée au Japon. Nous pensons qu’il se produira au moins 300 000 à 400 000 tonnes métriques d’orge supplémentaires pour en faire un produit à valeur ajoutée.

La présidente : Nous vous inscrirons au deuxième tour, sénateur.

La sénatrice Ataullahjan : Je vais m’adresser à ma collègue, la sénatrice JoAnne Buth.

Ma question comprend deux parties, dont une concerne le fait que l’Arabie saoudite a cessé d’acheter le blé et l’orge canadiens. Nous sommes dans l’impasse, avec les Saoudiens qui sont vexés par les propos du Canada sur les droits de la personne et le Canada qui refuse de se rétracter. Apparemment, les cultures ont connu une mauvaise année en Russie en raison des aléas de la météo. Les exportations auraient donc pu augmenter, particulièrement pour l’orge. Quelles conséquences cette situation aura-t-elle si l’Arabie saoudite n’achète pas un seul de nos grains? S’agissait-il d’un marché important? Aurions-nous pu y accroître nos exportations?

M. de Kemp : Je répondrai en ce qui concerne l’orge et JoAnne pourra répondre au sujet du blé.

Jusqu’à il y a un an, l’Arabie saoudite était le plus grand acheteur d’orge du monde. La Chine l’a supplantée, mais ce marché demeure important. L’Arabie saoudite importe principalement des produits des marchés de la mer Noire, surtout de l’Ukraine, ainsi que de l’Australie et du Canada quand nous sommes concurrentiels, car nous sommes éloignés du marché.

Certaines années, nous y exportions, alors qu’à d’autres, nous en étions exclus. L’an dernier, un ou deux Panamax ont vendu 60 000 à 120 000 tonnes. Cette année, nous aurions eu l’occasion d’y exporter en raison des conditions météorologiques en Australie et en mer Noire. La situation a été difficile dans certaines régions du Sud de l’Alberta. À défaut d’un meilleur terme, disons que la diplomatie Twitter nous fait du tort, notamment aux cultivateurs d’orge.

Je l’ai déjà dit. Je l’ai dit hier et plus tôt cette semaine, quand nous avons rencontré des députés au sujet des accords commerciaux actuels et futurs: je pense que nous devons faire la distinction entre les objectifs que vous visons dans les accords commerciaux et nous en tenir aux questions commerciales, en évitant d’aborder une panoplie d’autres questions quand on tente de conclure un accord commercial. Nous avons eu l’occasion de le faire et elle nous a échappé.

Mme Buth : Merci de cette question, sénatrice. La perte de tout marché est grave. L’Arabie saoudite n’était pas un marché important pour nous. Nous y exportions ou non, selon la production de la région de la mer Noire et de la Russie.

Le blé canadien est principalement mélangé à l’étranger pour améliorer la qualité d’autres blés qui n’ont pas une teneur en protéines ou en gluten aussi élevée. L’Arabie saoudite en importait de 250 000 tonnes jusqu’à un maximum de 800 000 tonnes par année. Le blé canadien sera-t-il toujours exporté? Bien sûr. Les exportateurs et les compagnies de grains trouveront des débouchés. Habituellement, toute la récolte de blé disponible aux fins d’exportation quittera le pays.

Le sénateur Maltais a évoqué l’Italie, problème auquel s’ajoute celui de l’Arabie saoudite et les questions de mesures sanitaires et phytosanitaires en ce qui concerne le Vietnam et les graines de chardon.

Des problèmes se posent dans toutes les régions du monde où nous nous heurtons à des obstacles non tarifaires au commerce et à l’exclusion des marchés. Chaque perte sur le marché aura sur nous des conséquences à long terme.

La sénatrice Ataullahjan : Nous exportons des légumineuses en Inde. Or, des problèmes se sont posés au chapitre de la réglementation. L’an dernier, à l’automne, si mes souvenirs sont bons, un incident s’est produit quand les tarifs ont augmenté jusqu’à 60 p. 100 alors que deux de nos expéditions étaient en route vers l’Inde. Je sais que l’une d’elles a alors été envoyée en Chine et l’autre l’a été au Pakistan. Que s’est-il passé dans ce dossier? La situation a-t-elle évolué? Je pense que cette affaire a quelque chose à voir avec la fumigation. Le même problème se manifeste-t-il maintenant au Pakistan, où nous expédions la plus grande partie de nos légumineuses et de nos pois chiches?

Mme Buth : Je ne suis pas experte des légumineuses. Je pense que vous avez entendu Gordon Bacon, de Pulse Canada. J’ignore s’il a traité de la question. La situation a eu des répercussions sur l’industrie des légumineuses quand les tarifs ont été imposés. Deux problèmes se posent : celui des tarifs et celui de la fumigation.

À ce que je sache — et j’enverrai une note au comité si je fais erreur —, aucun de ces problèmes n’a été résolu. Celui de la fumigation n’a plus d’importance puisque les tarifs empêchent essentiellement le Canada d’accéder au marché.

Je ne connais pas l’état des récoltes de légumineuses en Inde. Si le pays manque de légumineuses, il pourrait réduire les tarifs. Je suppose que cela nous ramène au problème qui est le nôtre parce que nous exportons des produits bruts.

En ce qui concerne les légumineuses, nous tentons de les moudre et de les fractionner afin de les incorporer à d’autres ingrédients, particulièrement comme compléments de protéines et de fibres. Nous devons aussi composer avec la fécule. Il y a fort à faire pour utiliser des produits comme une légumineuse ou même le blé, le canola, le lin ou le chanvre, afin d’utiliser les produits dans leur intégralité pour leur conférer le plus de valeur possible.

Je pense que le soutien à la R-D est une solution. Nous évoquons souvent la vallée de la mort entre la R-D et la commercialisation, un problème qui nous cause bien des soucis. Je sais que votre comité s’est penché sur la question ces dernières années. Le problème semble venir du fait que l’industrie canadienne trouve peut-être des débouchés, et vous avez bien sûr entendu le groupe précédent traiter de la question, mais il faut vraiment qu’elle noue des partenariats avec les établissements de recherche canadiens. Si vous examinez ce que Protein Industries Canada tente d’accomplir avec la supergrappe, vous verrez qu’elle réunit tous ces groupes.

L’intérêt de la supergrappe, c’est qu’elle est dirigée par l’industrie. Les universités et les autres établissements se sont peut-être dit : « Formidable! Voilà 150 millions de dollars qui seront investis dans la recherche. » Eh bien, cet argent ira dans la recherche dirigée par l’industrie. Cette dernière présentera des projets et des questions qu’elle veut résoudre. Je pense qu’il existe vraiment une occasion à ce chapitre.

Nous avons tenu un atelier sur les supergrappes. Aucun autre pays n’a investi autant que le gouvernement l’a fait dans la formation de supergrappes. Ces dernières se forment habituellement de manière organique quand l’industrie et les chercheurs travaillent tous à proximité les uns des autres. C’est un peu expérimental. Nous félicitons le gouvernement d’avoir pris cette initiative. Il doit toutefois faire de même en ce qui concerne les questions commerciales. Comme M. de Kemp l’a souligné, nous devons affecter des ressources supplémentaires afin de résoudre ces questions commerciales.

Le sénateur Woo : Merci à nos deux témoins.

Je veux poursuivre dans le sens de la dernière portion de votre réponse concernant les moyens à prendre pour créer de nouveaux produits à valeur ajoutée. Je comprends bien sûr que les conditions du marché sont un élément déterminant pour le fonctionnement de l’industrie en général. La conjoncture commerciale revêt une importance capitale, et il en va de même des réseaux de transport et de la compétitivité du régime fiscal. Je m’intéresse donc particulièrement aux mesures prises par l’industrie pour innover et développer de nouveaux produits à valeur ajoutée pouvant pénétrer les marchés existants et émergents.

Madame Buth, vous nous avez cité l’exemple de Warburtons. J’aimerais savoir comment cela a pu être possible. Quelles conditions ont permis à une entreprise britannique, celle possédant la plus grande part du marché du pain au Royaume-Uni, de travailler en partenariat avec une entité canadienne pour innover en mettant à contribution notre expertise? Comment pourrions-nous reproduire ailleurs des conditions semblables pour pouvoir développer encore davantage de produits à valeur ajoutée?

Monsieur de Kemp, je ne crois pas que vous nous ayez dit quoi que ce soit au sujet des innovations qui ont cours dans le secteur de l’orge. Vous nous avez amplement parlé des problèmes de concurrence et de la nécessité d’abaisser les barrières commerciales avec l’Asie et l’Europe, notamment. Nous pouvons essayer d’éliminer ces barrières autant que cela est possible, mais ce sont d’autres fournisseurs qui prendront notre place si nous n’arrivons pas à être concurrentiels, parce que nous nous limitons aux produits de base dans l’exploitation de nos ressources.

Notre étude vise à déterminer comment nous pourrions améliorer notre situation sur la chaîne de valeur. J’aimerais bien connaître votre point de vue à tous les deux sur cet aspect.

Mme Buth : Merci, sénateur. Vous vouliez en savoir plus au sujet de notre partenariat avec Warburtons. Cette entreprise s’est tournée vers le Canada il y a environ 25 ans. C’est une société qui met vraiment l’accent sur la qualité. Elle a jugé bon d’intégrer à ses produits de boulangerie et de pâtisserie certaines variétés de blé canadien à identité préservée.

Nous avons eu nos premiers contacts avec cette entreprise lorsqu’elle a commencé à effectuer des tests sur le blé canadien expédié là-bas. Nous avons ensuite établi un partenariat pour mener ces tests de concert.

C’est un partenariat fondé sur la confiance et la négociation. C’est un partenariat où chacune des parties peut marquer une pause pour s’interroger sur la meilleure façon de faire les choses. Il faut un champion au sein de l’industrie pour se pencher sur les problèmes particuliers qui se présentent. De quoi cette entreprise a-t-elle besoin pour satisfaire aux exigences de ses clients? Il s’agit donc d’un véritable partenariat avec une organisation qui se consacre à la recherche appliquée.

L’établissement de bonnes relations est l’un des éléments importants. J’espère voir se former des relations semblables avec Protein Industries Canada. Il faut vraiment que des gens se fassent les champions de cette cause.

On peut prendre l’exemple du canola qui est composé d’huile à 42 p. 100, le reste servant essentiellement à nourrir le bétail. Il en est ainsi, parce que nous n’avons pas encore trouvé la façon de nous en servir pour la consommation humaine. C’est d’ailleurs l’un des mandats que s’est donné Protein Industries Canada. Que pourrions-nous faire avec la farine de canola? Nous en produisons de grandes quantités au Canada et nous la broyons pour en extraire une huile à valeur ajoutée qui représente près de la moitié de nos récoltes. Par contre, que faire de la farine qui reste? C’est un excellent fourrage pour le bétail, surtout pour les vaches laitières. Il y a sûrement d’autres possibilités du point de vue alimentaire. Nous espérons qu’un projet semblable pourra se réaliser.

Il s’agirait d’un partenariat réunissant plusieurs entreprises, dont Corteva Agriscience et d’autres de plus petite taille, et le Conseil national de recherches. Il y a un champion qui voit à cela. Si nous pouvions contribuer à trouver des champions dans les différents secteurs, les chances de réussite seraient nettement améliorées. Je crois pour ma part que ces champions doivent venir de l’industrie.

M. de Kemp : Pour ce qui est des innovations dans notre secteur, parlons d’abord du malt et de la bière. La fermentation est sans doute l’un des procédés chimiques les plus anciens. Voilà quelques milliers d’années déjà que nous fabriquons du vin et de la bière. On procède à peu près toujours de la même manière. Il y a toutefois deux choses qui ont changé, et l’une d’elles est la prise de conscience des changements climatiques. C’est ainsi que les entreprises ont recours à des mécanismes novateurs pour récupérer et réutiliser la chaleur et l’eau de manière à réduire leur empreinte écologique.

Il n’y a pas vraiment de nouvelles technologies qui sont utilisées, à part peut-être certains processus, notamment pour le dégermage. Comme vous pourrez sans doute le constater et en discuter au cours de la prochaine année, la valeur ajoutée viendra dans le cas de l’orge de mesures comme les redevances de fin de chaîne. Dans les secteurs de l’orge et du blé, mais encore plus dans celui de l’orge, les agriculteurs doivent réutiliser leurs semences. Les innovations issues de la recherche devraient surtout nous permettre d’accroître le rendement des superficies limitées à notre disposition. L’enjeu ne se résume pas aux seuls rendements, surtout dans le cas du malt et de la bière.

Il nous faut parvenir à maximiser la quantité de malt que l’on extrait de chaque grain. Plus vous extrayez de malt, plus vous êtes susceptible d’obtenir un prix élevé grâce à la teneur accrue en bétaglucanes ou en enzymes. C’est à ce niveau que l’innovation se concrétisera, même si elle ne sera pas nécessairement d’ordre technologique.

Chose intéressante — je suppose que c’est la même chose pour l’industrie du blé, et JoAnne me corrigera si j’ai tort —, lorsque nous vendons notre malt ou notre orge brassicole sur les marchés mondiaux — et je ne parle pas du fourrage —, nous ne nous situons pas dans la fourchette inférieure des prix. Nous sommes plutôt au haut de l’échelle. Nous en tirons un prix plus élevé. Cela s’explique du fait qu’on l’utilise pour faire des mélanges. Je considère que notre orge brassicole est un peu comme le xérès de cuisson. Il en va de même de notre blé roux vitreux de printemps, comme l’indiquait JoAnne tout à l’heure. Nous en obtenons un prix plus élevé en raison de sa qualité, de ses caractéristiques et de la façon dont on va l’utiliser.

Cette capacité de création variétale nous procure un léger avantage, mais nous ne pouvons pas en faire plus.

Il n’y a pas d’innovations technologiques pour ce qui est de l’orge fourragère. Il y a un aspect que nous n’avons pas encore abordé, mais dont nous devrions parler. Il faut se réjouir du travail accompli par le gouvernement avec ces nouvelles grappes de recherche dans le cadre du prochain programme quinquennal. Nous en avons une pour l’orge. C’est le Conseil de l’orge du Canada qui va en assurer la gestion. Je ne peux pas vous donner le montant, car il n’a pas encore été annoncé. Le financement a toutefois été approuvé. Nous n’avons pas pris connaissance des contrats, et le ministre non plus. Disons simplement que c’est une aide considérable qui va contribuer à améliorer les choses.

C’est un partenariat entre les agriculteurs, le gouvernement et d’autres organisations qui ont avancé des fonds pour la recherche et la création de nouvelles variétés. Ce partenariat a été bénéfique, assurément en tout cas pour les activités de développement des marchés, dans le cadre des anciens programmes Cultivons l’avenir 1 et 2 ainsi que du nouveau programme annoncé pour la promotion générique de nos produits. Quant aux innovations technologiques pour les procédés de fermentation, ce sont des façons de faire qui datent d’un bon millier d’années. C’est tout ce que je peux vous dire au sujet de la recherche.

Le sénateur Oh : Bienvenue encore une fois. Vous êtes deux personnes importantes, car vous faites le bonheur d’un grand nombre de Canadiens en leur donnant accès à un mode de vie sain. J’ai visité la brasserie Tsingtao. On y trouve une section où les produits canadiens sont mis en valeur. Tous vos produits s’y retrouvent. On indique que la bière est fabriquée à partir de grains et de blé du Canada.

Une série de différends commerciaux ont opposé récemment le Canada et l’Italie concernant nos exportations de blé dur. Ce sont les mesures discriminatoires d’étiquetage du pays d’origine imposées par les Italiens qui posent problème. Allez-vous exhorter le gouvernement à interjeter appel devant l’Organisation mondiale du commerce? Est-ce que le gouvernement du Canada devrait s’adresser à l’OMC pour contester les règles d’étiquetage de l’Italie?

Mme Buth : Merci pour la question, sénateur. L’industrie aimerait voir le gouvernement canadien prendre les choses en main pour régler ce différend. Si l’on considère l’AECG et les avantages qu’il est censé nous procurer, il faut avouer que les mesures prises par l’Italie vont à l’encontre des visées de cet accord. On nous impose en fait une barrière non tarifaire en exigeant l’étiquetage du pays d’origine et en fixant à zéro la limite maximale des résidus de glyphosate.

Nous travaillons en partenariat avec Céréales Canada. Je sais que leurs représentants ont déjà comparu devant votre comité, et je suis persuadée qu’ils vous ont dit que le gouvernement devrait intervenir activement pour régler ce différend.

[Français]

Le sénateur Dagenais : C’est un plaisir de revoir la sénatrice Buth. Avec tous les traités qui sont signés de part et d’autre, est-ce que c’est le prix de base du grain qui pourrait augmenter ou est-ce seulement par le volume de l’exportation que l’industrie canadienne va survivre?

[Traduction]

Mme Buth : Je veux m’assurer de bien comprendre votre question, sénateur. Est-ce que vous voulez savoir quelles sont les répercussions des accords comme l’AECG et le Partenariat transpacifique (PTP) pour notre industrie?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Oui.

[Traduction]

Mme Buth : Je n’ai pas les chiffres exacts en main. Nous savons qu’il existe des possibilités d’accès au marché de l’Union européenne à la suite de la suppression de leurs mesures de contrôle sur l’importation du blé à haute teneur en protéines. Nous y voyons l’un des débouchés possibles dans le cadre de l’AECG.

Je ne saurais pas vraiment vous dire ce qui pourrait découler du PTP. Dans certains cas, il peut s’agir d’un plus grand accès aux marchés, ce qui fait bien évidemment notre affaire en raison des restrictions dont nous avons parlé pour des pays comme l’Arabie saoudite, l’Italie et le Vietnam. Je ne pense pas que les prix que nous obtenons vont augmenter à moins d’une croissance exponentielle de nos perspectives d’exportation qui permettraient essentiellement au blé canadien de mieux pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

Comme M. de Kemp et moi l’avons déjà souligné, notre blé est principalement utilisé pour faire des mélanges. Dans ce contexte, il arrive effectivement que nous en tirions un prix plus élevé.

La concurrence est maintenant très forte sur le marché mondial du blé, surtout en raison de l’augmentation de la production en Russie, si bien que le blé canadien doit chercher surtout à maintenir sa part de marché, et pas nécessairement à voir son prix augmenter.

J’espère avoir répondu à votre question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame Buth.

Monsieur de Kemp, vous l’avez mentionné, c’est toujours impressionnant, lorsqu’on se rend aux États-Unis pour acheter une caisse de bière, de se rendre compte que son prix au Québec est le double. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la fameuse « taxe ascenseur » qui est imposée sur la bière? Comment cette taxe est-elle arrivée et quel est son impact sur le coût des produits vendus? On voit que c’est quasiment de l’ordre de 50 à 60 p. 100. Comment est-ce arrivé?

[Traduction]

M. de Kemp : Je veux d’abord vous dire que le Canada exporte de grandes quantités de malt à destination des brasseries américaines. Il n’y a donc à peu près aucune différence pour ce qui est du coût des ingrédients entre une cannette de bière brassée au Canada et une autre produite aux États-Unis. C’est la première chose à savoir.

Avant de répondre à votre question, je veux aussi préciser que les droits de douane imposés sur l’aluminium ont également leur influence. Des droits de douane s’appliquent sur l’aluminium exporté au sud de la frontière et d’autres sont en vigueur pour les cannettes d’aluminium que nous importons. Nous sommes doublement pénalisés alors que de plus en plus de gens achètent des cannettes, plutôt que des bouteilles de bière.

Pour ce qui est de la taxe ascenseur, un dossier piloté l’an dernier par Bière Canada, si les revendications aboutissent chaque année jusqu’à l’étape du comité budgétaire et éventuellement du budget lui-même, les parlementaires ont tout au moins l’occasion d’en débattre. C’est la solution facile pour quiconque veut imposer des taxes.

Pour vous donner un exemple, une caisse de bière est actuellement taxée à hauteur de 47 p. 100. Il faut ajouter à cela un 2 p. 100 par année au titre de l’augmentation du coût de la vie. C’est intégré au prix de la bière. Il y a ensuite la taxe provinciale qui s’applique. Il suffit de faire le calcul pour les 10 prochaines années. On est vraiment en train de tuer la poule aux œufs d’or. Il faudrait que quelqu’un intervienne pour mettre un frein à tout cela. Je crois que nous sommes les deuxièmes au monde pour ce qui est des taxes imposées aux agriculteurs, aux producteurs d’orge et à l’industrie de la bière. J’aimerais bien que les gens de Bière Canada soient ici pour vous le confirmer, mais je pense que nous sommes effectivement deuxièmes. Une grande partie de notre assiette fiscale est basée sur les taxes applicables à ces produits dits de luxe. Comme vous le savez pertinemment, c’est loin d’être négligeable. Le calcul est bien simple. Deux pour cent par année pendant 10 ans plus la taxe provinciale. La caisse de bière devrait coûter entre 60 et 70 $ dans 10 ou 12 ans d’ici. La consommation de bière est en baisse. Nous menons tous des campagnes, seuls ou avec nos associés, en faveur d’une consommation raisonnable. De concert avec Bière Canada, nous offrons des programmes internes et publics qui sont efficaces à cette fin. Tout cela nous fait cependant perdre une partie de notre capacité concurrentielle. De nombreuses bières fabriquées aux États-Unis sont exportées au Canada. La Coors Banquet, par exemple, n’est pas un produit canadien. Elle est fabriquée au Colorado et expédiée ici. Il y a une raison qui explique ce phénomène.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ce que vous me dites, c’est que, lorsqu’on boit un verre de bière, il y a plus de taxes que de bière dans le verre!

[Traduction]

M. de Kemp : Tout à fait. À l’heure actuelle, 47 p. 100 du prix sert uniquement à payer les taxes. Cela n’a rien à voir avec les coûts engagés pour le remplissage des cannettes, leur production, l’emballage et le transport. Ce sont des taxes et rien d’autre dans une proportion de 47 p. 100. Bien des gens ne s’en rendent pas compte. C’est la raison pour laquelle nous essayons de sensibiliser la population et d’obtenir l’instauration d’une journée nationale de la bière. Celle-ci fait partie intégrante du tissu social de notre pays. La bière est au cœur de toutes nos célébrations et de notre identité canadienne.

Je parle ici uniquement des taxes qui sont prélevées au moment de la vente au détail. Il n’est pas question des impôts déduits du salaire des employés, de l’impôt des sociétés ou des taxes municipales. Ce sont uniquement les taxes de vente. Nous espérons que quelqu’un déterminera à un moment donné que la situation a assez duré. Les prix ne pourront pas augmenter indéfiniment sans que notre capacité concurrentielle en souffre, mais une chose est sûre, si une usine doit fermer ses portes, si nos ventes de malt diminuent ou si nos agriculteurs en tirent un prix inférieur, la perte sera attribuable à un seul et unique facteur, les taxes. C’est aussi simple que cela.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur de Kemp.

La sénatrice Gagné : Il est évident que la taxe n’ajoute pas de valeur à votre bière!

[Traduction]

Ce n’est pas ce que je voulais vous demander. Je veux revenir à la question des efforts de recherche et développement. Vous avez tous les deux applaudi la décision du gouvernement d’investir dans des supergrappes. Je pense d’ailleurs que vous allez en bénéficier. Estimez-vous que les investissements en R-D sont suffisants pour appuyer la croissance du secteur agroalimentaire? Qu’est-ce que l’on pourrait faire de plus?

Mme Buth : Vous posez la question à une organisation qui se consacre à la recherche appliquée. Il n’y a jamais personne qui va vous répondre qu’il en obtient suffisamment.

Nous parlons des supergrappes. M. de Kemp traitait des grappes scientifiques qui relèvent d’Agriculture Canada.

J’ai pu constater que ces grappes d’Agriculture Canada mettaient davantage l’accent sur les activités agricoles et de production en s’intéressant moins aux volets alimentation, innovation et valeur ajoutée. Je pense que le gouvernement fédéral pourrait certes investir davantage à ce niveau.

Pour ce qui est des supergrappes, c’est bien évidemment la raison d’être de celle des industries des protéines. Est-ce qu’un financement de 150 millions de dollars est suffisant? Nous ne le savons pas encore. Nous n’avons pas conclu d’entente de contribution. C’est presque réglé. Les premiers transferts de fonds n’ont pas encore été effectués au bénéfice des projets.

Je crois que nous devrions voir des résultats concrets émaner du travail des supergrappes au cours des prochaines années. Nous commençons à voir des produits qui pourraient éventuellement être mis en marché. C’est l’objectif que nous visons avec les supergrappes. Nous voulons aller de l’avant et faire progresser les choses en mettant à profit les possibilités qui s’offrent le plus directement à nous.

J’estime en outre qu’il pourrait y avoir une meilleure coordination entre les instituts de recherche du secteur alimentaire. Les centres de développement de produits alimentaires de tout le pays se coalisent dans leurs différents domaines d’expertise pour essayer de trouver des façons d’éviter le fractionnement des ressources dans une région comme les Prairies, par exemple. On retrouve ainsi une certaine expertise au centre d’Edmonton et une expertise différente à Winnipeg. De nouvelles possibilités de collaboration s’offrent sans cesse à nous. Je veux bien préciser que nous n’avons pas besoin d’un nouvel institut pour tenter d’assurer la coordination. Il faut que la coordination s’améliore de façon naturelle pour assurer une utilisation optimale de nos ressources.

M. de Kemp : Nous ne dirions certes pas non à des fonds supplémentaires pour les activités de recherche et de développement en agronomie. Dans le cas de l’orge et de la création de variétés, le dernier programme quinquennal était fondé sur un partage du financement à raison de 70 p. 100 par le gouvernement fédéral et 30 p. 100 par les producteurs et les organisations. Je peux vous assurer que les montants seront inférieurs. Je ne peux pas vous dire à combien ils se chiffreront, car nous n’avons pas encore signé les ententes, mais ils diminueront malheureusement bel et bien.

Je vous parle de la situation particulière des recherches en agronomie concernant l’orge. Étant donné que la production ne s’élève qu’à 8,5 millions de tonnes, les incitatifs ne sont pas suffisants pour que les entreprises conçoivent de nouvelles semences, car les agriculteurs peuvent utiliser celles qu’ils ont en stock pendant un, deux ou trois ans, exception faite du malt. Un fabricant de bière peut exiger de nouvelles semences homologuées tous les deux ans, étiquettes à l’appui. On cherche ainsi à favoriser l’avancement de la recherche.

Nous sommes une petite industrie aux prises avec des incidences fiscales démesurées. Nous souhaiterions parfois que l’on puisse nous aider davantage en augmentant notre financement, un investissement qui serait proportionnellement négligeable compte tenu de l’ampleur que prendra le programme. Il va de soi que nous ne refuserons jamais des fonds supplémentaires pour la recherche.

Pour ce qui est du développement de nouveaux marchés, nous sommes satisfaits du financement obtenu pour l’industrie du malt, le Conseil de l’orge du Canada et les programmes que nous envisageons actuellement en Chine. Encore là, les coûts sont divisés à parts égales, comme cela devrait toujours être le cas à mon avis. C’est une aide qui nous est très bénéfique.

Je parlais au début de mon témoignage des interventions fiscales envisageables dans le but de permettre davantage de recherche. Si vous prenez de nouvelles mesures pour réduire votre empreinte carbone, en récupérant par exemple l’eau ou la chaleur, et si cela sert à la transformation du malt ou à la production de la bière, il faudrait que vous puissiez déduire les dépenses engagées à cette fin en profitant d’un amortissement nettement accéléré par rapport à la situation aux États-Unis dans un contexte où les taux d’imposition des sociétés deviendront équivalents.

Notre seul avantage concurrentiel résidera dès lors dans le taux de change. On ne devrait jamais avoir à dépendre du taux de change pour maintenir sa capacité concurrentielle, mais nous pouvons nous compter chanceux de pouvoir tout au moins profiter de cet atout. On peut tout de même dire que le financement est suffisant pour l’instant en ce qui a trait à la recherche en agronomie et au développement de nouveaux marchés.

La présidente : J’ai une brève question.

Madame Buth, vous avez parlé dans votre exposé d’un accroissement de la demande pour les protéines, et tout particulièrement pour les protéines végétales. À quoi cette demande accrue est-elle attribuable? Vient-elle de la génération du millénaire ou de la population en général?

Mme Buth : Je n’ai pas en main les études de marché. Je crois qu’il y a croissance pour tous les groupes démographiques. Les baby-boomers sont à la recherche de produits sains pour vivre le plus longtemps possible. Selon moi, les milléniaux et les jeunes de la génération Z s’intéressent davantage à la protection de l’environnement. L’utilisation de légumineuses pour accroître l’apport en protéines va tout à fait dans le sens de cet objectif. Je pense que le phénomène est généralisé.

À ce sujet, il est intéressant de noter ce qui s’est passé lorsque Warburtons a mis sur le marché ses nouveaux produits en faisant valoir leur teneur en protéines. On a ainsi ramené la consommation de pain à l’avant-plan. De nouveaux clients venaient acheter leurs pains de semence avec apport accru en protéines. On n’était pas en train d’augmenter sa part de marché au sein d’un groupe démographique en particulier. On attirait plutôt de nouveaux consommateurs à la recherche de produits santé.

Je pense qu’il y a des débouchés possibles pour accroître les ventes de certains de ces produits à valeur ajoutée.

La présidente : Nous avons une dernière série de questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question sera très courte : serez-vous présents au Salon International de l’Alimentation (SIAL) de Paris?

[Traduction]

Mme Buth : Non.

M. de Kemp : Non.

La présidente : Voilà vraiment une question courte et des réponses qui l’étaient tout autant.

Je tiens à remercier nos deux témoins pour ces échanges fort intéressants. Il va de soi que nous aurions pu continuer encore un bon moment. J’apprécie grandement votre contribution et l’aide que vous nous avez apportée dans le cadre de notre étude.

(La séance est levée.)

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