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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 4 - Témoignages du 22 mars 2016


OTTAWA, le mardi 22 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 29 pour étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous.

Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui assistent à la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur la chaîne CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan. J'ai l'honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J'invite mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut. Bonjour à tous.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

Le sénateur Enverga : Sénateur Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik. Bonjour et bienvenue.

La présidente : Merci, sénateurs.

Le mandat de notre comité est d'examiner les lois et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada dans leur ensemble. Ce matin, nous continuons d'entendre les témoignages en lien avec notre étude du logement dans les collectivités du Nord, qui porte plus spécifiquement sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Notre premier témoin est le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, M. Natan Obed.

Monsieur Obed, vous pouvez faire votre présentation puis, les sénateurs vous poseront des questions. Merci beaucoup. Nous entendrons ensuite un deuxième groupe de témoins.

Monsieur Obed, vous avez la parole.

Natan Obed, président, Inuit Tapiriit Kanatami : Merci beaucoup, Madame la présidente. Merci infiniment de me permettre de comparaître devant vous ce matin.

Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, est l'organisation nationale qui représente les 60 000 Inuits du Canada. Les Inuits vivent sur un territoire immense, qui représente 35 p. 100 de la masse terrestre du Canada et plus de 50 p. 100 de ses zones côtières. Il y a quatre régions distinctes qui sont couvertes par des accords sur des revendications territoriales : le Nunatsiavut, dans le Nord du Labrador; le Nunavik, dans le Nord du Québec; le Nunavut; et la région des Inuvialuits, dans les Territoires du Nord-Ouest.

ITK travaille à différents dossiers touchant à la santé, au bien-être et au statut socioéconomique des Inuits du Canada. Nous avons conclu des accords sur des revendications territoriales exhaustifs, qui constituent les fondements de notre relation avec la Couronne et jettent les bases de notre démocratie inuite, en vertu de laquelle chacun des bénéficiaires des quatre accords sur des revendications territoriales vote pour un président régional, et les quatre présidents régionaux élisent ensuite le président d'ITK.

Je suis donc ici à titre de représentant de tous les Inuits du Canada et du processus démocratique en fonction duquel nous interagissons avec le gouvernement et tous les Canadiens.

Dans nos collectivités, le logement durable n'a jamais été une réalité. Nous n'avons jamais eu de services d'enseignement adéquats dans notre propre langue non plus. Nous n'avons jamais pu entrer en relation avec le Canada selon nos propres conditions, mais nous allons dans cette direction et notre sentiment d'autodétermination se renforce.

Le processus de revendications territoriales qui a été entamé dans les années 1970 a donné d'excellents résultats pour ce qui est de la capacité des Inuits de se mobiliser, de conclure les accords et de décider ce qui est important pour eux. Il reste toutefois un immense fossé entre notre mode de vie et celui de la plupart des Canadiens. Pour en comprendre les raisons, il faut examiner la façon dont notre relation a commencé.

Ce n'est qu'après la Deuxième Guerre mondiale que le gouvernement canadien s'est employé sérieusement à regrouper de force les Inuits en collectivités. Il est vrai qu'avant la Deuxième Guerre mondiale des missionnaires avaient installé des Inuits un peu partout dans Inuit Nunangat — c'est ainsi que nous appelons notre terre natale — et que certaines situations, comme des famines ou d'autres incidents, avaient amené des Inuits à se réinstaller ailleurs. Ce n'est toutefois qu'après la Deuxième Guerre mondiale que des collectivités ont été créées et que des Inuits ont été déplacés en masse au gré de la volonté du gouvernement fédéral, qui lui seul jugeait où il était approprié que les Inuits vivent.

C'est aussi à ce moment que nous avons été installés pour la première fois dans des logements du type qu'on voit dans le Sud. Traditionnellement, nous vivions dans des igloos l'hiver et dans des huttes de terre pendant l'été. Le passage de notre mode de vie et de logement traditionnel à cette nouvelle réalité a engendré une crise de santé publique dans les années 1950 et a aussi transformé le lien que nous avions avec notre communauté et avec la terre.

Imaginez ce qui s'est passé chez nous dans les années 1950 et 1960. Dans bien des cas, les gens qui se faisaient envoyer dans des collectivités se faisaient promettre un logement. Il existe de nombreux témoignages d'Inuits qui se sont fait dire qu'ils auraient un logement gratuit et qu'on s'occuperait d'eux s'ils s'installaient dans une collectivité. Soit on leur fournissait un logement totalement inadéquat qu'on surnomme « boîte d'allumettes », c'est-à-dire une boîte carrée sans électricité et sans eau courante faite de quatre murs de bois à peine isolés, soit ils devaient s'occuper eux- mêmes de leur logement. Ils devaient fouiller dans les dépotoirs pour trouver de quoi se bâtir de peine et de misère un abri de fortune adapté au milieu arctique.

Nos hivers durent de sept à neuf mois. Les logements doivent être adéquats pendant toute l'année. Le parc de logements était tellement petit à l'époque. La première épidémie que cette situation a engendrée était la tuberculose, dans les années 1950. Au début des années 1960, plus de la moitié de la population inuite avait passé du temps dans les sanatoriums du Sud. On embarquait les Inuits sur des bateaux dans l'Arctique et on les amenait vers le Sud pour les installer dans des sanatoriums, où ils passaient un, deux ou trois ans. Parfois, certains mouraient. D'autres ne trouvaient pas de façon de rentrer chez eux.

Ce fut la première conséquence de l'entassement de la population et d'une politique du logement qui n'était pas adaptée à l'environnement et à la culture.

À cette époque, notre société a changé à bien des égards : le massacre de nos chiens, les pensionnats, et bien d'autres facteurs de stress encore, comme l'absence de continuité de notre système de justice ou notre emprise très limitée sur la façon de gérer nos affaires dans les collectivités. Tous ces facteurs ont entraîné une série de problèmes socioéconomiques qui ont mené aux écarts qui s'observent encore de nos jours.

Le taux de suicide chez la première génération d'Inuits ayant grandi dans des collectivités permanentes a grimpé. Notre taux de suicide historique est très faible et est comparable à celui de la population canadienne en général. Toutefois, on voit qu'il monte en flèche au sein de la première génération d'enfants dont les parents ont vécu tant de difficultés, ont été arrachés à leurs terres et ont été établis dans des collectivités fortement surpeuplées où les débouchés économiques étaient pratiquement nuls.

Il y a maintenant une génération que nous parlons d'une crise du logement. En 2001, ITC, à l'époque, a publié un rapport sur le sujet et parlait d'une crise du logement chez les Inuits au Canada. Selon la SCHL, en 1991, 26 p. 100 des logements d'Inuits étaient surpeuplés. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, les plus récents chiffres, ceux de 2011, montrent que 39 p. 100 des logements d'Inuits sont surpeuplés. Depuis 15 ans, le taux de surpeuplement des logements a augmenté de 50 p. 100. La situation ne s'améliore pas; elle s'aggrave. Notre population est jeune — l'âge médian est de 23 ans — et nous accusons un retard considérable pour ce qui est du niveau de scolarité, du revenu médian et de l'accès à l'éducation postsecondaire.

Les solutions habituelles pour la réussite socioéconomique et l'établissement d'un marché du logement privé n'existent toujours pas dans nos collectivités pour permettre aux Inuits, au niveau individuel et au niveau communautaire, de suivre un chemin clair vers le succès et de prendre leur vie en main. Cela ne veut pas dire que c'est ce que nous voulons. Nous voulons l'autodétermination. Nous sommes un peuple fier et nous voulons trouver des solutions à long terme.

Je suis ici pour parler des causes profondes du problème et des raisons pour lesquelles on ne peut pas trouver une solution miracle et la mettre en œuvre sans prendre d'abord et avant tout en considération ces causes et la nature générationnelle de la situation.

J'ai parlé un peu des liens entre le logement et les autres indicateurs socioéconomiques, et je crois que les déterminants sociaux de la santé sont interreliés. Le logement est la pierre d'assise de la totalité de nos déterminants sociaux.

Dans les situations de surpeuplement, il est difficile de s'assurer que les enfants peuvent étudier le soir ou manger suffisamment, et le risque de violence est exacerbé. Il y a également des risques de propagation de maladies contagieuses. Le fait que le taux de tuberculose chez les Inuits soit 254 fois plus élevé que chez les Canadiens non autochtones qui sont nés au Canada et 38 fois plus élevé que la moyenne nationale est un indicateur des effets qu'a le surpeuplement des logements sur notre population.

Bon nombre d'Inuits qui ont connu la violence n'ont nulle part où aller et se retrouvent coincés dans un cycle de violence parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, à part peut-être celui d'aller dans le Sud. Les réseaux d'aide pour les victimes de violence ne sont pas aussi développés chez nous qu'ici. Tous ces facteurs sont exacerbés par notre crise du logement.

Nous pouvons parler d'innovation, de nouveaux projets pilotes et d'autres sujets connexes, mais au bout du compte, il faut injecter de l'argent dans le logement social. La majorité des Inuits vivent dans des logements sociaux. Au Nunavik, je crois que plus de 95 p. 100 des Inuits habitent dans des logements sociaux. Au Nunavut, c'est aussi la vaste majorité. Au total, pour nos quatre régions, c'est environ 2 milliards de dollars qui seraient nécessaires rien que pour ramener le taux de surpeuplement à la moyenne canadienne. Ce montant ne tient pas compte des coûts de fonctionnement et d'entretien, ni du taux de croissance de notre population.

C'est un montant énorme, et nous savons bien que le gouvernement canadien se trouve dans une situation où, d'un point de vue politique, s'il ne verse pas cet argent immédiatement, il pourrait donner l'impression qu'il ne veut rien faire ou qu'il ne fait pas sa part. J'espère toutefois que nous pouvons trouver une façon réaliste de faire changer les choses. Il faut mettre de l'argent dans le logement social, dans l'innovation et dans la collaboration, et il faut trouver une façon de réduire le coût de chaque unité de logement. Il faut trouver la voie de l'autodétermination dans le domaine du logement.

Le modèle traditionnel qui consiste à être propriétaire de sa maison n'existe pas dans la plupart de nos collectivités. Ce sont de petites localités où il n'y a jamais eu de marché immobilier privé, qui ne comptent aucun inspecteur en bâtiment et où on ne trouve pas les services bancaires sur lesquels la plupart des gens peuvent compter. Les possibilités d'obtenir un prêt hypothécaire sont très limitées. De plus, les coûts des aliments, des déplacements et du transport, entre autres, sont très élevés.

Il est possible de diversifier les options de logement. Il faut simplement que cela se fasse d'une manière différente du marché immobilier du Sud et au moyen de solutions autres que celles qui ont fonctionné pour le Sud du Canada par le passé. Il faut aussi que les solutions soient générationnelles. Nous devons avoir une vision à long terme en pensant à notre population jeune et croissante et en tenant compte des contraintes que subit actuellement notre infrastructure globale. Il ne suffit pas de construire de nouvelles maisons; il faut faire en sorte que l'approvisionnement en énergie ne dépende pas uniquement de centrales au diesel construites il y a 40 ou 50 ans. Nos collectivités ont besoin de systèmes de traitement des eaux usées. Nous avons besoin de ports. Nous avons besoin d'incinérateurs pour gérer nos déchets d'une manière respectueuse de l'environnement.

Je crois que nous pouvons fonder notre vision du Canada dans son ensemble sur ce qu'on a voulu faire dans certaines de ses régions. Notre Canada est le même que votre Canada. Comme Josie Kusugak disait toujours lorsqu'il parlait de la façon dont les Inuits se perçoivent à l'intérieur du Canada : « Premiers Canadiens, Canadiens en premier. »

Vous comprendrez, d'après ce que je vous ai dit aujourd'hui, qu'il y a un élément essentiel sur lequel il nous faut travailler avec le Canada pour établir des conditions gagnantes pour notre peuple. Le logement, comme je l'ai dit, est à la base de nos efforts pour améliorer notre sort et pour nous permettre d'être des Canadiens aussi fiers et épanouis que tous les autres. Nous pouvons nous doter de logements salubres et bâtir des collectivités fortes, au lieu de créer des situations dangereuses et le genre de collectivités qui produisent les écarts socioéconomiques que nous voyons aujourd'hui.

La présidente : Merci pour votre présentation. Vous nous avez bien expliqué les fondements historiques de la situation actuelle.

Avant de laisser la parole à notre vice-président, le sénateur Patterson, j'aimerais que vous nous donniez un bref aperçu des accords sur les revendications territoriales qui s'appliquent dans la majeure partie du Nord. Est-ce que l'entrée en vigueur de ces accords a amélioré quelque peu la situation avant que les choses ne se détériorent au fil du temps? Quels ont été les effets des accords sur les revendications territoriales sur la situation du logement dans le Nord?

M. Obed : La conclusion de nos accords sur les revendications territoriales a eu des incidences variables, selon l'accord. La Convention de la baie James et du Nord québécois contient des dispositions qui permettent l'investissement de fonds fédéraux dans le logement social, et les Cris ont pu en profiter. Par contre, les Inuits se battent toujours pour obtenir de l'argent pour le logement social en fonction de leurs accords sur les revendications territoriales.

Ailleurs, il n'est pas facile de lier la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales à la réduction du surpeuplement ou au manque d'options en matière de logement, notamment parce que ces accords ne sont pas conçus comme des accords sociaux. Ils visent surtout les rapports à la terre, les titres ancestraux, les activités de développement économique, la faune et d'autres structures de cogestion.

Les structures sociales établies dans nos accords sur les revendications territoriales relèvent principalement de l'aspiration. En effet, on souhaitait que ces accords se muent en accords sociaux qui permettraient à notre peuple de s'épanouir pleinement. C'est toujours le cas, mais je crois qu'il y a beaucoup d'aspects qui n'ont pas été mis en œuvre comme nous l'aurions souhaité. On en revient au logement. Si les dispositions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut qui concernent le nombre représentatif d'Inuits au sein de la main-d'œuvre étaient appliquées de manière idéale, le revenu médian des Inuits serait beaucoup plus élevé et les gens auraient beaucoup plus d'argent à consacrer au logement. La mise en œuvre des accords est primordiale, mais je ne peux pas envisager un scénario où les revendications territoriales seraient directement liées au problème spécifique du surpeuplement.

Le sénateur Patterson : Bienvenue, et merci de cette présentation qui donne à réfléchir.

Je suis curieux à propos du plan stratégique triennal que vous venez d'annoncer et à l'un de vos objectifs pour ITK. Si je ne m'abuse, vous avez dit croire que l'on vous jugerait à l'aune de la concrétisation de ces objectifs, si j'ai bien entendu, au moment de l'annonce, ce qui est impressionnant.

M. Obed : Oui.

Le sénateur Patterson : On peut lire dans le plan stratégique que l'un des objectifs consiste à appuyer la mise sur pied de programmes d'accession à la propriété privée dans toutes les régions inuites de l'Arctique. Nous savons que, comme vous l'avez dit, en matière de logement, les Inuits étaient autosuffisants avant l'arrivée des Européens. De plus, ils sont reconnus pour leur grande ingéniosité et leur débrouillardise. Après tout, ils ont su survivre durant des millénaires dans le climat le plus rigoureux du monde. Vous avez aussi signalé, ce matin, que les investissements requis en matière de logement social pourraient totaliser 2 milliards de dollars pour l'ensemble des régions inuites, un montant qui ne tient pas compte des frais courants et de l'entretien de ces logements, pas plus que de la croissance démographique.

Nous savons que les Inuits enregistrent une croissance démographique nettement supérieure à celle du reste de la population canadienne. De 1996 à 2006, leur population a en effet grimpé de 26 p. 100, contre 8 p. 100 environ parmi les Non-Autochtones au pays. Il s'agit manifestement de la plus forte poussée démographique au Canada et peut-être même dans le monde.

Étant donné cet essor démographique et le coût élevé qu'impliquent la construction, le fonctionnement et l'entretien des maisons, il est tout à fait logique de préconiser l'accès à la propriété privée et le retour à l'autosuffisance immémoriale des Inuits. Selon vous, quels éléments sont nécessaires pour favoriser l'accès à la propriété privée? Comment le Canada peut-il faciliter le processus?

M. Obed : Au-delà de la question de l'obtention du financement initial, ce qu'il faut se demander, c'est comment notre peuple peut envisager un retour à l'autosuffisance et revendiquer son autodétermination. Nous vivons désormais au Canada. Nous avons beaucoup de valeurs en commun avec les autres Canadiens. Nous avons une économie mixte, et l'idée de la propriété privée, sur le plan de l'investissement, est aussi quelque chose d'inédit. Parmi les Inuits, il est rarement question de commencer à amasser un capital individuel qui peut se transmettre d'une génération à l'autre. Or, pour réussir au Canada, nous devons pour le moins en faire un facteur lorsque nous envisageons la question dans son ensemble.

Comme je l'ai dit dans ma présentation, je ne crois pas qu'il suffise de trouver comment parvenir à s'acheter une maison, à en assumer les frais courants et à l'entretenir, surtout lorsque le revenu médian des Inuits est inférieur à 30 000 $ alors que le coût de la vie est nettement supérieur. Beaucoup d'Inuits n'ont pas même terminé leurs études secondaires, n'ont pas fait d'études professionnelles ou sont incapables de contribuer comme ils le voudraient à l'économie. Aussi, dans de nombreux villages, il n'y a carrément pas de débouchés. Il y a des postes dans la fonction publique et chez un ou deux grands détaillants, mais c'est à peu près tout.

Il faut considérer la question sous divers angles. Le premier, c'est l'objectif que nous visons. Ce serait super d'avoir un marché immobilier diversifié axé non seulement sur les logements sociaux, mais sur d'autres options de logement. Il faut convaincre les gens qu'un autre parcours est possible. J'hésite à employer le terme « propriété privée », car je pense qu'il faudra trouver une espèce de solution hybride. La réalité actuelle des Inuits est telle que je suis absolument incapable d'affirmer qu'il est possible, à très court terme, d'élargir considérablement le marché du logement.

Un parcours de ce genre lancerait le message qu'on peut être tout aussi fier d'être propriétaire que d'être locataire, une situation qui réduit les frais courants et les frais d'entretien, et qu'il y a de la lumière au bout du tunnel en ce qui concerne la propriété privée, qui représente un début de capital que l'on peut faire valoir pour réaliser d'autres projets, qu'il s'agisse d'exploiter sa propre entreprise ou de s'assurer d'un revenu de retraite. Beaucoup d'Inuits ont du mal à prendre leur retraite parce qu'ils doivent leur logement à leur poste de fonctionnaire et qu'ils ne sont pas en mesure d'obtenir un logement social; ils travaillent donc pour les mauvaises raisons.

Je sais que je tourne un peu autour du pot, mais personne ne sait exactement quel est ce parcours. Il faut discuter franchement et ouvertement de la manière dont on peut ouvrir cette voie, ensemble. Le travail que vous accomplissez ici et le travail que peuvent accomplir les représentants des Inuits ainsi que les idées que nous pouvons trouver et mettre en œuvre entraîneront une transformation. Nous cesserons de considérer les choses sous l'angle des besoins pour adopter une perspective d'avenir ancrée dans l'espoir et susceptible de correspondre aux aspirations de bien des gens. Le logement social sous toutes ses formes n'est pas censé être une solution permanente, la vie durant. C'est une solution de transition destinée aux personnes qui ont désespérément besoin d'aide et qui espèrent constamment pouvoir passer à une autre option de logement. Or, dans notre réalité, dans l'Inuit Nunangat, beaucoup de gens pensent qu'il n'existe aucune autre option. C'est comme ça, un point, c'est tout. Nous devons ouvrir une discussion franche, respectueuse et rassembleuse afin d'imaginer et de concrétiser un autre parcours pour revenir à l'autodétermination et à l'autosuffisance.

La présidente : Vous avez dit que la propriété privée, c'est comme voir la lumière au bout du tunnel. Cette vision s'applique-t-elle aux Inuits? Est-ce ce à quoi ils aspirent? Vous avez parlé de rassembler les gens pour imaginer et concrétiser un nouveau parcours d'avenir. Est-ce déjà commencé? Les Inuits conçoivent-ils la propriété privée comme nous, dans le Sud, ou y a-t-il quelque chose d'un peu différent qui permettrait à la communauté d'aller de l'avant? Sommes-nous en train d'essayer d'imposer notre conception de la propriété privée aux gens du Nord alors que ce n'est pas nécessairement leur but premier? Savons-nous quel est ce but premier?

M. Obed : Je dirais que les Inuits forment un peuple fier. Nous avons vécu bien des temps durs, où nous avons eu besoin de soutien et d'aide, mais je suis convaincu que les Inuits ne veulent pas vivre aux crochets de l'État et qu'ils préféreraient pouvoir donner libre cours à leur imagination et vivre leur vie comme ils l'entendent, de la manière qui leur convient le mieux, à leur famille et à eux.

L'accès à la propriété privée ou un parcours menant à autre chose qu'au logement social correspond, selon moi, aux aspirations de nombreuses personnes. C'est souvent un souhait secondaire, après ceux de faire des études, de trouver un emploi, de pouvoir parler sa propre langue dans son village ou d'accéder à des soins de santé, mais, au final, si tout cela fonctionnait de concert, les gens auraient davantage de possibilités sur le plan du logement.

Dans le contexte actuel du logement social, notre peuple vit des difficultés immenses, et je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens qui s'estiment satisfaits ou qui se sentent heureux de vivre dans un logement surpeuplé, d'être soumis aux barèmes des loyers ou de croupir des années durant, voire des décennies, sur une liste d'attente.

Si je parle de la lumière au bout du tunnel, ce n'est pas dans le contexte tel qu'on le connaît dans le Sud, mais plutôt dans l'optique de réinventer le logement dans l'Arctique, sans que je sache nécessairement quel pourrait être le résultat. C'est une réalité que nous cernerons ensemble, mais, encore une fois, il faut commencer par le besoin immédiat et le fait que tout cela aura des conséquences majeures sur notre peuple, nos villages et la manière dont l'État dépense et investit ses fonds en fonction du surpeuplement actuel.

Le sénateur Patterson : Vous revenez souvent sur le surpeuplement, et avec raison. Les membres du comité se rendront dans l'Inuit Nunangat, et nous serons sans doute à même de constater la situation de nous-mêmes.

Je veux aborder un sujet très délicat parce que j'aimerais savoir s'il en a été question parmi les dirigeants inuits. Il s'agit de la croissance démographique. Nous n'arrivons tout simplement pas à suivre le rythme. Au cours de la dernière législature, le gouvernement fédéral a investi 300 millions de dollars dans le logement au Nunavut. Bien que beaucoup d'unités aient été construites, la croissance démographique naturelle ne cesse d'aggraver le surpeuplement. On parle aussi parfois d'enfants qui ont des enfants. Je suis convaincu que vous avez déjà entendu cette expression. Je me demande si les dirigeants inuits ont déjà réfléchi au fait que cette situation exacerbe la crise du logement et s'ils devraient se pencher sur la manière de la régler. Je sais que c'est un sujet délicat, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il a été abordé et si vous estimez que c'est un facteur qui contribue au problème.

M. Obed : Au cours de ma carrière, j'ai eu le privilège de prendre part à de nombreuses discussions sur les valeurs sociétales inuites et j'ai pu écouter les sages réflexions de beaucoup de nos anciens à propos de ce qui constitue une saine communauté et leurs préoccupations entourant la transmission du savoir entre les générations. Bien des Inuits qui sont aujourd'hui, des anciens ne voient pas nécessairement dans l'âge un indicateur de la préparation à la parentalité. Pour eux, c'est principalement la capacité à s'occuper d'un enfant qui doit déterminer si quelqu'un devrait ou non avoir un bébé.

Nos ancêtres considéraient qu'un enfant éclairait la vie et qu'il constituait un atout précieux pour le groupe familial, pour les petits groupes que nous formions. L'idée que davantage d'enfants, des enfants en bonne santé, sont des éléments aussi merveilleux qu'essentiels dans nos vies demeure au cœur de notre identité. Cependant, la question de savoir qui est prêt à être parent du point de vue traditionnel, à savoir, pour un homme, être en mesure de chasser et de subvenir aux besoins de sa famille et, pour la femme, de s'occuper des enfants, de coudre des peaux et tout le reste, tout cela relève d'une époque révolue.

Nous n'avons pas changé. Nous conservons les mêmes valeurs sociétales fondamentales, mais je pense qu'il faut discuter davantage de la manière dont nous incitons nos enfants à fonder une famille, dont nous nous attendons à ce que les jeunes et tout membre de notre société se demandent quand ils fonderont une famille. Il faut s'interroger sur la manière dont la discussion est amenée sur le tapis et rester plus cohérents avec le mode de vie de nos anciens. La maturité n'arrive pas au même âge pour tout le monde. Il n'est pas facile de discuter du fait que nous ayons une population jeune et en essor et que beaucoup d'adolescents deviennent parents, mais je pense que nous pouvons insérer cette discussion dans le contexte des valeurs sociétales inuites. Nous pouvons également tenir compte dans nos réflexions des apprentissages des anciens sur la manière d'élever les enfants, le moment d'en avoir et le respect de tous.

Lorsque l'on constate le nombre d'enfants pris en charge, lorsque l'on constate le nombre de cas d'agression physique ou sexuelle dont sont victimes les enfants inuits, on voit bien que quelque chose ne tourne pas rond. On voit bien qu'il y a un problème et qu'il faut le régler. Cinquante pour cent des Inuites rapportent avoir été agressées sexuellement dans leur enfance; c'est 25 p. 100 chez les hommes. Ces chiffres montrent que nous n'en faisons plus autant pour nos enfants et que l'évolution de la manière de les élever a entraîné des dysfonctions.

Il s'agit de discussions délicates et difficiles, mais nécessaires. Il faut faire face à la réalité concrète. C'est tout aussi vrai pour le climat social que pour des sujets comme le logement.

Je vous remercie de la question. Je ramènerais le débat sur la manière dont les Inuits considèrent le sujet dans le contexte traditionnel. Nous pourrons ainsi nous mobiliser pour le présent de manière à consolider les fondements de notre société.

Le sénateur Tannas : Merci de votre présentation et de votre présence.

J'ai été frappé par les 2 milliards de dollars. C'est un montant faramineux pour 40 000 ou 50 000 personnes, dans ces eaux-là, selon mes estimations. J'oublie. On connaît le nombre d'Inuits. C'est un montant énorme étant donné qu'il y a du logement actuellement, quel qu'il soit. Cependant, j'ai décidé de laisser la question de côté.

Lorsque je me suis joint au comité, il y a trois ans, je ne connaissais pas grand-chose aux Autochtones et à leur situation. Je croyais qu'il y avait des solutions toutes faites et qu'il suffisait d'y mettre un peu d'effort. J'ai fini par comprendre qu'il n'existe pas de solution miracle. Cependant, ce que je trouve encourageant, à propos des Premières Nations, c'est qu'il y a une bonne centaine d'entre elles, peut-être même plus, sur quelque 600, qui font des progrès rapides et qui commencent à montrer comment on peut changer les choses. On peut voir des gouvernements, un taux d'activité élevé, des logements superbes et une société dont les membres sont heureux et épanouis.

Je me demandais s'il y avait, dans vos communautés, des modèles inspirants. Y a-t-il, selon vous, des communautés où l'avenir s'annonce prometteur? Le cas échéant, pouvez-vous nous donner des exemples?

M. Obed : Il existe assurément des exemples brillants au niveau individuel, mais aussi aux échelons locaux et régionaux. Ils revêtent de nombreuses formes. Certains Inuits deviennent médecins et nous avons toute une classe d'avocats au Nunavut qui mettent à profit leur diplôme et accomplissent un travail extraordinaire. Chaque année, des gens entreprennent des études postsecondaires et ils obtiennent d'excellents résultats. Nous avons beaucoup d'exemples de réussite individuelle, au sens où on l'entend dans le Sud.

Il y a aussi un nombre considérable d'Inuits qui croient en leur culture, en leur langue et en leur société et qui font tout ce qu'ils peuvent pour acquérir le savoir et les compétences que possédaient leur père, leur mère et leurs grands- parents. Ces personnes sont tout aussi stimulantes et porteuses de changements que celles qui vont dans le Sud, y font des études et deviennent des modèles de réussite selon la conception traditionnelle qui prévaut dans le Sud.

Au niveau local, il y a un certain nombre de groupes communautaires formidables qui offrent des services à la population. On peut penser à des institutions comme Ilisaqsivik, à Clyde River, au Nunavut, qui font œuvre utile dans la foulée des compressions visant la Fondation autochtone de guérison et certaines activités de développement communautaires destinées expressément aux Inuits. Nous avons d'excellents programmes de prévention du suicide, dans l'ouest du Nunavut et ailleurs. Au Nunatsiavut, d'où je viens, il y a des initiatives admirables visant à rassembler les aînés et les jeunes autour des pratiques traditionnelles de même que des initiatives de partage de la nourriture. Toutes sortes d'initiatives locales incarnent l'espoir de ce que nous envisageons comme évolution de la société.

Au chapitre du développement économique, nous pouvons compter sur d'extraordinaires entreprises et sociétés dirigées par nos gens. La Société Makivik en est un excellent exemple dans le Nord du Québec; elle gère un groupe diversifié d'entreprises qui travaillent dans l'intérêt des Inuits, que ce soit dans le secteur minier ou aérien.

Pour ce qui est de l'application des ententes sur les revendications territoriales, le Nunatsiavut jouit de l'autonomie gouvernementale. Des discussions sont en cours en vue de doter le Nunavik et la région des Inuvialuits d'un gouvernement autonome. Le Nunavut a été créé dans la foulée des revendications territoriales. Nous avons changé le visage du Canada.

Il y a lieu d'être extrêmement fiers de bon nombre des réalisations de la dernière génération. Nos avancées futures reposent sur l'atteinte d'un équilibre. La réussite, pour nous, sera un mélange de succès au sens où on l'entend dans le Sud et de succès typiquement inuit. À mes yeux, les gens qui maîtrisent bien l'inuktitut et qui savent chasser, pêcher et confectionner de beaux vêtements sont tout aussi épatants et constituent tout autant des exemples de réussite que quiconque s'est rendu dans le Sud pour suivre des cours, possède sa propre entreprise ou réussit très bien financièrement dans le contexte du Sud.

Il nous faut continuer sur notre lancée. La réconciliation et tout ce qu'elle implique sont très importants, car on nous a privés à bien des égards du sentiment de notre propre valeur et de notre identité, et ce, de manière calculée, de façon à créer une coquille vide et à briser nos liens avec notre société, notre culture, notre langue. Nous avons surmonté ces épreuves et le sentiment qui en découle est très puissant. Je puise dans cette force tous les jours.

Notre résilience est très grande. Je crois que nous pouvons miser sur elle pour induire la transformation de notre société.

En matière de logement, toute mesure pour concrétiser nos souhaits doit faire fond sur ces principes. Voyons où en est le Canada à l'heure actuelle. Le gouvernement a présenté des excuses au sujet des pensionnats autochtones. Il a dit qu'il mettrait en œuvre les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation. Il a dit vouloir honorer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je l'ai dit à maintes reprises, mais je pense qu'il s'agit d'éléments fondamentaux. Il faut éviter de considérer les Inuits comme on avait l'habitude de le faire autrefois. Il faut abandonner cette image d'un peuple qui vit en marge et qui reçoit de l'argent ou des cadeaux à l'égard desquels il ne se montre pas suffisamment reconnaissant. Cette réalité n'est plus. J'ai espoir que, désormais, nous puissions concerter nos efforts pour trouver des solutions à ces problèmes importants, mais aussi reconnaître et respecter nos réussites actuelles et essayer d'en tirer parti pour assurer un avenir encore plus prospère.

La sénatrice Beyak : Vous avez fait un excellent exposé. Vous connaissez bien vos dossiers, vous avez une attitude positive et vous êtes très impressionnant. Je partage vos sentiments. Je crois que vous avez répondu à mes deux questions dans vos dernières déclarations. Nous habitons dans le Nord de l'Ontario, à Dryden. Si vous examinez une carte du Canada, vous verrez le Sud de l'Ontario et tous les villages et les villes le long de la frontière. Puis, il y a nous, dans le Nord, et vous, dans le Grand Nord. Nous avons la même difficulté que vous à trouver un équilibre entre passé et futur. Beaucoup de jeunes me disent ne pas savoir s'ils ont envie de rester dans notre région ou s'ils préfèrent aller dans le Sud. Ce n'est certes pas une décision facile. Comment vos gens se sentent-ils? La plupart d'entre eux souhaitent- ils vivre là-bas? Veulent-ils venir dans le Sud?

Vous avez parlé des vieilles centrales au diesel et de nouvelles possibilités de chauffage — peut-être à l'énergie solaire ou éolienne. Comment les gens voient-ils l'avenir? Qu'est-ce qui leur donne de l'espoir? Comment arrivez-vous à les convaincre de rester et d'embrasser ce mode de vie? Ma région voit constamment ses jeunes s'en aller dans le Sud de l'Ontario.

M. Obed : Pour autant que nous sachions, si nous nous fions aux chiffres que nous avons, environ 25 p. 100 de notre population vit dans le Sud. Cette proportion ne cesse d'augmenter. Même ici, à Ottawa, la population avoisine les 3 000 personnes, ce qui en ferait, je crois, la deuxième ou troisième communauté en importance au sein d'Inuit Nunangat.

La réalité de notre peuple est en train de changer, et un grand nombre de migrations et de mouvements de population ne découlent pas nécessairement d'une décision consciente de s'en aller. Certaines choses peuvent forcer les gens à quitter leur milieu, que ce soit la violence, l'obligation de purger une peine de prison ou d'autres facteurs socioéconomiques. Les gens peuvent ensuite ne pas être en mesure de revenir chez eux. Par ailleurs, nous ne disposons pas de ressources adéquates en santé pour pouvoir aider les enfants atteints d'une maladie grave.

Une transformation est en train de s'opérer. Je crois fermement que les Inuits demeurent très fiers de leurs origines et que leur terre natale reste chère à leur cœur. Peu importe l'endroit où je me trouve sur la planète, je considère la région entourant Nain, au Nunatsiavut, comme mon chez-moi. Cela demeure un lieu spécial pour moi. Tous les Inuits ressentent la même chose à l'égard de l'endroit d'où ils proviennent; beaucoup de non-Autochtones ne comprennent pas ce sentiment.

Que tous vivent dans le Sud, ce n'est pas ce que nous voulons ni ce que nous espérons. Nous voulons vivre dans nos communautés. Nous souhaitons garder nos liens avec la terre. Or, bien des raisons peuvent nous amener à partir. Il peut s'agir de problèmes sociaux dans la communauté. Une personne peut penser que c'est la seule façon pour elle de faire des études ou d'obtenir l'emploi qu'elle désire. Nous devons accroître nos efforts pour diversifier l'économie de l'Arctique et donner aux habitants des possibilités de faire des études chez eux.

Il n'y a pas d'université dans l'Arctique. Nombreux sont ceux qui n'ont pas l'occasion d'étudier sur leur propre territoire. Nous n'avons toujours pas réussi à créer un modèle permettant aux gens d'obtenir une éducation de calibre mondial tout en continuant à résider dans leur localité, ou du moins dans la région où ils se sentent le mieux.

En ce qui a trait aux solutions de rechange aux centrales de diesel, nous avons l'obligation de respecter notre environnement. Des solutions acceptables ici, dans le Sud, risquent de ne pas fonctionner à moins 40 ou moins 50 degrés Celsius. Nous devons favoriser les investissements dans les sources d'énergie de remplacement et assumer les coûts en immobilisations de projets durables tels que les projets hydroélectriques, mais nous n'avons pas les fonds nécessaires.

Voilà la dernière composante de base d'un Canada équitable, un Canada qui inclut tous les peuples également dans la prestation des services essentiels. En signant nos ententes sur les revendications territoriales, nous n'avons pas abandonné notre droit à un système d'éducation équitable ou à un système qui comble nos besoins. Il en va de même des services essentiels. Les Canadiens estiment qu'ils y ont droit, que cela fait partie de la vie au Canada. Nous devrions tous pouvoir jouir du même niveau de vie.

Il est impératif de réduire notre empreinte carbone. Nous, Inuits, devons montrer la voie à suivre dans l'Arctique pour aider le Canada à atteindre ses objectifs. Les résultats de nos efforts sont peut-être négligeables, mais nous luttons symboliquement contre les changements climatiques depuis la fin des années 1990. Ceux-ci ont des répercussions sur notre milieu bien plus graves que dans le Sud. J'espère que les sources d'énergie de remplacement contribueront non seulement à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à faire diminuer le prix de l'énergie, de sorte que les communautés arctiques soient plus durables.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie de votre réponse. J'ai vu un article dans l'édition du 6 février du Maclean's. L'auteur, Scott Gilmore, parlait des Canadiens et des difficultés auxquelles il faut faire face quand on vit dans le Nord. Qu'on soit Inuit ou non-Inuit, il faut trouver un équilibre qui nourrit l'espoir qu'on arrivera à relever les défis inhérents à la vie si loin de la ville. Merci de votre réponse.

Le sénateur Watt : Je vous remercie pour votre excellent exposé. Dans tous les dossiers que nous traitons, nous espérons voir la lumière au bout du tunnel. Nous partageons tous votre point de vue.

Quatre régions visées par une entente sur des revendications territoriales — pas nécessairement toutes les régions — ont pris des mesures dans le domaine du logement. Au Nunavik, nous avons dû traiter de la question du logement durant les négociations visant à résoudre les différends liés aux piètres conditions de notre communauté au moment de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Le logement était source de préoccupations. Cette année-là, il n'y avait pas de logements à proprement parler, car tout le monde habitait dans des cabanes. Certaines personnes vivaient encore dans une tente l'été, à la limite des arbres. Plus au nord, dans la toundra, il y avait encore des gens qui, l'hiver, vivaient par intermittence dans un igloo. Voilà qui montre l'étendue de la pénurie de logements à cette époque.

Après la conclusion et la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, nous nous sommes adressés au gouvernement fédéral. Le rapport Tait a été publié. Nous devrions mettre la main dessus. Nous avons utilisé le programme de l'ACSTA. Nous avons réussi, croyez-le ou non.

Ce que je veux dire, c'est que la population continue de croître, au même titre que les besoins en capitaux. Nous avons donc obtenu une importante somme d'argent du gouvernement fédéral, qui a servi à financer des programmes de logement. Les besoins ont été comblés à court terme, mais pas à long terme. Il est nécessaire d'offrir plus de logements. La pénurie ne pourra que s'accentuer. Le gouvernement du Canada doit comprendre que les besoins augmentent, mais cela ne lui arrive pas souvent. Je suis sûr que vous en êtes conscient. D'un côté, le gouvernement exige qu'on lui fournisse des données claires, mais, de l'autre, quand il existe encore des besoins, il ne fait pas preuve de beaucoup de clarté à l'égard des intervenants. Vous l'avez souligné à juste titre. Le gouvernement a tendance à tenir compte de ses propres besoins et de sa propre compréhension des choses et à exiger de la clarté, mais il oublie que ses interlocuteurs ont aussi besoin de clarté.

Cela nous ramène à la question de l'équilibre. Or, trouver un juste équilibre a un prix. Il faut tenir compte des besoins en capitaux et du coût élevé de la vie et des transports. C'est la situation actuelle.

Ma communauté est la plus proche du Sud. Mon pouvoir d'achat ne représente que 25 ¢, par rapport à un dollar à Québec, Montréal et Ottawa. Dans le Nord, le pouvoir d'achat n'est que de 25 ¢.

Il y a de quoi devenir fou à réfléchir aux besoins et à la provenance des capitaux et à essayer de trouver une solution. Comment allons-nous répondre aux besoins de la population alors que la valeur du dollar reste faible?

J'estime que le comité devrait se pencher sur la question après son étude sur le logement, car les deux problèmes vont de pair. Les deux enjeux sont indissociables. N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il faut se pencher sur les besoins en capitaux? La valeur du dollar et le pouvoir d'achat ne sont pas les mêmes dans le Nord. Il faut prendre cela en considération. Nous devons établir une nouvelle formule, même si la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit déjà une formule, en quelque sorte. Si un projet relève de la compétence du fédéral, le gouvernement fournit 75 p. 100. S'il relève de la compétence de la province, le gouvernement fournit 25 p. 100. S'il ne relève de la compétence ni d'un palier ni de l'autre, le gouvernement fournit 25 p. 100. Voilà la formule actuelle, mais le gouvernement ne la respecte pas. Il me semble que le gouvernement n'a pas injecté d'argent frais au Nunavik depuis un bon bout de temps.

Je me demandais simplement si vous trouviez comme moi que le comité devrait étudier certains des aspects que j'ai soulignés et essayer de cerner des solutions. Nous pourrions agir en collaboration avec ITK, avec vos organisations. Nous pourrions travailler ensemble, échanger de l'information et ainsi de suite. Je vous laisse le soin de répondre à la question comme il vous plaira.

M. Obed : Le coût élevé des activités commerciales dans l'Arctique, par comparaison au Sud du Canada, est l'un des enjeux clés de la discussion sur l'orientation à prendre. Dans le cadre du programme Nutrition Nord, par exemple, on tient pour acquis que les aliments coûtent beaucoup plus cher dans le Nord qu'ailleurs. Il y a des subventions particulières pour les aliments nutritifs. On pourra dire ce qu'on voudra du programme, il repose sur l'idée qu'il faut tenir compte de cette réalité. Le logement ne fait pas exception. Le principe qui sous-tend Nutrition Nord Canada devrait aussi servir de base aux investissements fédéraux dans le logement dans Inuit Nunangat — cette idée que le logement coûte plus cher et que les besoins sont tels qu'il faudrait créer un programme de subventions à cette fin précise.

Je suis favorable dans l'ensemble à une collaboration entre les Inuits et les autorités provinciales et territoriales dans le respect des ententes sur les revendications territoriales, mais il importe de prendre en considération cette réalité globale.

La présidente : Vous avez une brève question?

Le sénateur Watt : Oui, une brève question, que j'estime importante. Le premier ministre lui-même est ministre de la Jeunesse. J'ai déjà porté cette information à l'attention de mes collègues ici présents. Lorsqu'un jeune quitte le Nord pour aller étudier dans le Sud, il est presque assuré de ne pas pouvoir trouver de logement à son retour. Il faut remédier à ce problème.

J'essaie de faire valoir à mes collègues qu'il faut que les gens en parlent; ce n'est pas moi qui peux le faire. Le problème a été soulevé, il faut maintenant le définir. Nous devons voir par quels moyens il serait possible de répondre aux besoins des jeunes, ceux qui veulent étudier puis, rentrer chez eux. Peut-être faudrait-il envisager de créer un programme distinct pour les étudiants, afin de les encourager à finir leurs études. Souvent, les jeunes nous disent que même s'ils voulaient poursuivre leurs études, ils ne le pouvaient pas, car ils savaient qu'une fois partis, ils n'auraient plus de logis. Ils se retrouveraient sur une longue liste d'attente de deux, trois, cinq ou même dix ans. Voilà la situation dans le Nord.

Si vous pensez que la chose est réalisable — pourvu que nous établissions le fonds pour dépenses en capital, comme vous l'appelez, d'où proviendraient des fonds du gouvernement fédéral —, il me semble que le moment serait bien choisi pour aborder la question sous cet angle — puisque le premier ministre est le ministre de la Jeunesse. Je prévois pour ma part soulever la question si nous allons visiter des communautés inuites.

La présidente : M. Obed, avez-vous une réponse à cela?

M. Obed : Oui. Comme je l'ai mentionné, notre population est très jeune. L'âge médian est de 23 ans, ce qui est indicatif du type de logement qu'il nous faudrait, dans un monde idéal. La majorité de ces logements serait sans doute des studios, afin que les jeunes adultes disposent de l'espace dont ils ont besoin et se sentent à leur aise dans leur propre collectivité. Dans bien des cas, ceux-ci doivent rester dans une maison familiale surpeuplée. Pareille situation a des effets documentés sur la santé mentale ainsi que sur les capacités d'apprentissage pour ceux qui sont encore à l'école ou sur l'émigration interne.

J'ai embauché bien des gens au fil des ans, à titre de gestionnaire. La principale préoccupation dans l'Arctique est toujours l'accès à un logement abordable. Cela fait écho à la dernière question. Bien des personnes ne peuvent pas retourner chez elles. Si elles le font, elles doivent accepter de vivre dans des conditions dans lesquelles des salariées refusent de vivre. Si, simplement pour pouvoir travailler dans leur collectivité, elles n'ont d'autre choix que de retourner vivre chez leurs parents ou avec d'autres membres de leur famille, dans un espace déjà surpeuplé, elles choisiront pour la plupart de rester dans le Sud. C'est la simple réalité.

Il nous faut une solution qui tient compte de notre réalité. Or, la question des jeunes domine dans bon nombre de problèmes bien concrets auxquels il nous faut apporter des solutions.

La présidente : Notre temps est écoulé, mais si vous avez une courte question, posez-la, je vous en prie, sénatrice Raine.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup d'être ici. J'ai beaucoup de questions. Si cela ne vous ennuie pas, je vous demanderai d'y répondre sous forme de suivi. Vu votre poste, vous pourriez y penser un peu et nous donner quelques exemples.

Pourriez-vous donner des exemples de collectivités, dans les quatre régions inuites, où vous avez réussi à régler tous les problèmes de logement ou certains d'entre eux? Si oui, quels sont les facteurs de réussite? Nous voyons que la façon d'attribuer les logements diffère grandement. Si nous voulons voir la lumière au bout du tunnel, mieux vaut se concentrer sur ce qui fonctionne et sur les façons de progresser.

Vous avez aussi parlé des maisons préfabriquées. Nous savons que de nombreux concepts innovateurs, qui tiennent compte des commentaires de personnes vivant dans le Nord, sont en cours de développement afin de créer une meilleure maison préfabriquée. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, d'autant plus que vous avez vécu dans le Nord et dans le Sud. Merci beaucoup de votre présence.

La présidente : Monsieur Obed, si vous pouvez répondre en une minute, je vous en prie, allez-y.

M. Obed : Oui. Je m'engage à faire un suivi et à vous fournir de l'information sur certaines pratiques exemplaires touchant nos collectivités et le logement dans l'Arctique.

J'aurais également beaucoup à dire sur les différentes initiatives innovantes en cours dans nos régions portant sur l'architecture résidentielle. Il faut toutefois dire que nous n'avons pas encore trouvé un bon concept de logement social, bien aéré et à bas prix, qui convient aux Inuits, qui répond à nos besoins et qui nous permettrait de participer à la construction, au fonctionnement et à l'entretien de la structure. Nous n'en sommes pas encore là. Bien des architectes et d'autres personnes souhaitent nous prêter main-forte. Avec un peu de chance, les régions inuites pourront collaborer, canaliser les idées de ces experts désireux de travailler avec nous et faire appel aux aînés, qui ont d'excellentes idées et un point de vue essentiel sur la façon de résoudre ce problème. Ainsi, nous pourrons travailler tous ensemble à trouver une solution.

La présidente : Je vous remercie.

Le deuxième groupe à témoigner aujourd'hui, par vidéoconférence, se compose de Colleen O'Keefe, directrice, Génie, et de Morley Linstead, directeur, Politiques, recherche et surveillance de la Société d'habitation de Terre-Neuve- et-Labrador.

Je vous remercie. Nous sommes impatients d'entendre votre présentation.

Morley Linstead, directeur, Politique, recherche et surveillance de la Société d'habitation Terre-Neuve-et-Labrador : Je vais commencer. Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant le comité.

Sur le plan provincial, à Terre-Neuve-et-Labrador, il est question des besoins en matière de logement des collectivités du Nord depuis de nombreuses années. Selon moi, le plus souvent, ces besoins ont été négligés parce que le manque de documentation et de preuves concrètes concernant les besoins indiqués portait à croire que ceux-ci étaient grandement exagérés.

Toutefois, au cours des dernières années, au Nunatsiavut, en particulier, de nombreux efforts ont été déployés pour fournir des preuves et étayer certains cas isolés dont les gouvernements locaux parlaient depuis des années. Il y a eu notamment l'Inuit Housing Needs Assessment de 2012-2013, une évaluation sur les besoins en matière de logement des Inuits, réalisée en collaboration avec trois ordres de gouvernement. Elle décrit très clairement les besoins importants au sein du parc de logement actuel des collectivités inuites. Elle porte notamment sur les réparations à apporter aux logements privés, sur la nécessité d'améliorer l'efficacité énergétique, compte tenu des changements climatiques dans ces collectivités, ainsi que sur le manque total de logements abordables, une situation qui entraîne une forte surpopulation, laquelle est à l'origine de certains problèmes sociaux.

Parallèlement, la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador a un peu trop d'unités de logements sociaux, surtout dans les plus grandes collectivités du Nunatsiavut. Nous avons aussi été partenaires de l'Association régionale de logement Torngat, qui offre des logements abordables. Nous avons eu quelques échanges avec ses représentants, mais nous sommes en désaccord avec certaines de leurs politiques.

En outre, nous avons tenté de promouvoir les programmes provinciaux, surtout ceux concernant la réparation domiciliaire dans les collectivités, souvent sans succès. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi les collectivités du Nord ne profitent jamais de certains programmes qui existent pourtant.

Malgré tous les efforts déployés, d'aucuns continuent de réclamer une augmentation de l'aide au logement. Nous nous sommes donc réjouis d'avoir la possibilité de nous adresser au comité, car nous croyons que le moment est bien choisi pour envisager différentes approches afin de répondre aux besoins en matière de logement du Nunatsiavut.

Colleen, qui est assise à côté de moi, est la directrice du Génie. Au cours des dernières années, nous avons construit certaines unités à Nain et à Hopedale. Elle est notre experte technique en ce qui a trait à nos pratiques de construction dans ces collectivités.

La présidente : Les sénateurs peuvent maintenant poser leurs questions. Je vais commencer, pendant qu'ils réfléchissent.

Tout d'abord, vous indiquez que vous avez un rapport qui documente les besoins et que des programmes existent, par exemple, celui des réparations domiciliaires. Je n'ai pas vraiment compris si vous vouliez dire que le programme ne fonctionne pas ou qu'il existe, mais que pour une raison ou une autre, il n'est pas utilisé. Pourriez-vous éclaircir la question des programmes de réparation?

M. Linstead : Bien sûr. En tant qu'organisme gouvernemental chargé du logement social à Terre-Neuve-et- Labrador, nous offrons un certain nombre de programmes de réparations domiciliaires. Il y en a pour des réparations d'ordre général, d'autres qui portent plus particulièrement sur l'amélioration écoénergétique et il y en a un qui touche les exigences d'accessibilité à domicile.

Nous avons constaté que, dans les cinq collectivités du Nord du Nunatsiavut, il y avait une nette sous-représentation dans la participation à ces programmes. Cela, en dépit de mes propres efforts. J'ai visité les cinq collectivités, j'y ai apporté des demandes et organisé des réunions publiques pour promouvoir nos programmes et favoriser la participation. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi il n'y a pas d'intérêt pour les programmes généraux de la province.

Par ailleurs — il y a maintenant presque deux ans —, nous avons conclu un partenariat avec le gouvernement du Nunatsiavut pour offrir un programme de réparation domiciliaire sur mesure à ces collectivités. Nous avons contribué financièrement, et le gouvernement du Nunatsiavut a versé une somme égale à la nôtre. Le Nunatsiavut a reçu les fonds lui permettant d'offrir des programmes de réparations domiciliaires et d'amélioration écoénergétique. Cette approche a donné de bien meilleurs résultats. Il y a eu une bonne participation et plusieurs maisons ont été réparées.

La présidente : Si je puis enchaîner, il semble que le financement fait partie du problème. Vous avez parlé d'un cas au Nunatsiavut où vous dites qu'une fois les fonds versés, le programme a semblé aller de l'avant. Je me demande si l'un des problèmes n'est pas le manque de fonds dont disposent les... eh bien, il ne s'agit pas nécessairement de propriétaires, mais plutôt de locataires. Est-ce que les locataires doivent contribuer?

M. Linstead : Voilà une différence qui pourrait expliquer en partie l'écart. Le programme provincial est conçu pour les propriétaires. Au Nunatsiavut, il y a bien sûr quelques propriétaires de résidence privée. Il y a un certain nombre de personnes qui vivent dans les résidences de l'Association régionale de logement Torngat, et il est difficile de dire à qui celles-ci appartiennent. Il y a un peu de débats, même à Nunatsiavut, car les propriétaires considèrent qu'ils sont des locataires et veulent que l'Association régionale de logement Torngat effectue toutes les réparations et les modifications à leurs maisons. Toutefois, l'association affirme qu'elle n'est qu'une simple société hypothécaire et que les locataires ou propriétaires sont en fait propriétaires de leurs logis et responsables de leurs propres rénovations. Si j'ai bien compris, cette situation a provoqué certaines dissensions.

Ces résidences sont exclues du programme provincial, car nous considérons les personnes qui y vivent comme des locataires. Les fonds que nous avons envoyés au Nunatsiavut pour le programme de rénovation domiciliaire il y a deux ans étaient aussi axés sur les propriétaires de résidence privée.

La présidente : Je vous remercie. Avez-vous une idée du nombre de propriétaires habitant des logements qui arrivent à la fin de leur vie utile, si l'on veut? Y a-t-il un gros pourcentage de logements qui ont dépassé leur cycle de vie?

M. Linstead : Comme j'ai visité les collectivités, je dirais oui. Je pense à certaines informations que j'ai en main sur l'évaluation des besoins en matière de logement réalisée en 2012-2013. Pour cette évaluation, le Bureau de la statistique de Terre-Neuve-et-Labrador a embauché des gens pour qu'ils aillent sur le terrain, faire du porte-à-porte et sonder tous les résidents des cinq collectivités. Ils ont appris qu'environ 75 p. 100 des habitations dans les cinq collectivités avaient besoin de réparations majeures ou mineures. Il y en avait 75 p. 100 qui avaient besoin de certaines réparations. Cette proportion inclut les propriétés privées, les logements de l'Association régionale de logement Torngat et nos propres unités de logements sociaux.

La présidente : Je cède maintenant la parole au vice-président du comité, le sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre présentation.

J'aimerais en savoir plus sur les autorités compétentes en matière de logement dans la région du Nunatsiavut. Je crois comprendre que le gouvernement du Nunatsiavut est responsable du logement dans la région, qu'il élabore les politiques du logement pour la région et qu'il fournit des fonds aux organisations comme l'Association régionale de logement Torngat. De son côté, Torngat supervise les projets résidentiels, y compris la réparation et la construction. Pouvez-vous nous expliquer la relation qui existe entre la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador et le gouvernement du Nunatsiavut?

M. Linstead : L'un des défis dans la relation que vous venez de décrire — et vous avez peut-être déjà parlé au gouvernement du Nunatsiavut de l'Association régionale de logement Torngat — est que l'association est une entité autonome dont l'existence précède celle du gouvernement du Nunatsiavut. L'Association régionale de logement Torngat, en tant que telle, a un important conseil d'administration. Bien que le gouvernement du Nunatsiavut lui transfère des fonds, elle semble plutôt autonome et prend de nombreuses décisions que les représentants du gouvernement Nunatsiavut n'approuvent pas ou n'apprécient pas nécessairement. Voilà un aspect problématique que je voulais souligner.

Pour le reste, la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador est une entité distincte. Nous sommes le fournisseur de logements sociaux de la région. Il semble que la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador fournit des logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin — les personnes ayant les revenus les plus faibles. L'Association régionale de logement Torngat fournit ensuite des logements aux personnes dont le revenu dépasse notre seuil. Dans le Nord, le seuil de revenu est aux environs de 56 000 $, si je ne m'abuse, et l'Association régionale de logement Torngat fournit surtout des logements aux personnes dont le revenu est légèrement supérieur à ce montant, jusqu'à concurrence de 100 000 $ par année.

Mais il s'avère que l'association Torngat nous livre une vive concurrence qui pose problème, avec des loyers ou des hypothèques à prix très bas, d'environ 100 $ par mois, pour ceux qui peuvent en bénéficier. Des gens qui seraient certainement admissibles à des logements sociaux préfèrent un logement de l'Association régionale de logement Torngat parce que c'est vraiment meilleur marché pour eux.

Le sénateur Patterson : Merci. Comme nous sommes un comité du Parlement fédéral, nous cherchons à envisager la question sous l'angle du gouvernement fédéral. Pourriez-vous nous dire comment votre société d'habitation ou, si vous voulez, le gouvernement du Nunatsiavut et les autorités du logement qui sont financés par lui dépendent, directement ou indirectement, des contributions fédérales? Autrement dit, quel est le rôle du gouvernement fédéral en matière de logement au Nunatsiavut?

M. Linstead : Là aussi, les représentants du gouvernement du Nunatsiavut seraient mieux placés que nous pour répondre à cette question. La population du Nunatsiavut éprouve des problèmes particuliers, notamment un problème dont j'ai entendu parler à de nombreuses reprises, à savoir qu'elle n'a pas droit au financement fédéral dont jouissent d'autres collectivités inuites du Canada parce que, si je comprends bien, elle ne se trouve ni dans une réserve ni au nord du 60e parallèle. C'est un problème majeur qui limite certainement la quantité d'argent fédéral dont la population du Nunatsiavut peut bénéficier. Les données issues de l'évaluation des besoins en logement montrent que 75 p. 100 des habitations avaient besoin de réparations majeures ou mineures et que 50 p. 100 des habitations de Hopedale, par exemple, contenaient de la moisissure. Un financement fédéral accru serait certainement avantageux pour résoudre certains problèmes dont souffre cette population, notamment les problèmes critiques qu'elle a relevés.

Nous ne transférons pas aux localités du Nunatsiavut de l'argent provincial qui leur serait spécialement réservé, à part le programme que j'ai indiqué tout à l'heure, où nous avons fait une fois un projet pilote directement avec le gouvernement du Nunatsiavut. Nous offrons plutôt au Nunatsiavut les mêmes programmes provinciaux qui sont offerts ailleurs. Une personne de St. John's, à Terre-Neuve, peut être admissible à ces programmes tout comme une personne de Nain, au Labrador. Et c'est ce qui fait que la population du Nunatsiavut n'a pas beaucoup recours à notre aide.

Les programmes de rénovation dont j'ai parlé sont cofinancés en majeure partie par les gouvernements provincial et fédéral, alors c'est ainsi que de l'argent fédéral versé à la province finit par être envoyé au Nunatsiavut.

Pour ce qui est de l'Association régionale de logement Torngat, elle est financée entièrement par le gouvernement du Nunatsiavut, dans le cadre de son accord avec le gouvernement fédéral. Nous n'envoyons aucune somme d'argent à l'Association régionale de logement Torngat.

Le sénateur Patterson : Voilà qui nous est très utile. Et, pour compléter cette information rapidement, j'aimerais savoir si la SCHL est bien l'organe fédéral agissant comme interlocuteur du gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador dans le dossier de ce programme à frais partagés. Est-ce bien exact?

M. Linstead : C'est exact.

La sénatrice Raine : Vous dites que certaines personnes qui seraient admissibles à vos logements subventionnés optent plutôt pour les logements fournis par l'Association régionale de logement Torngat parce que ces logements sont meilleur marché. Est-ce meilleur marché parce que le coût mensuel est inférieur ou parce que les habitations sont de meilleure qualité?

M. Linstead : Le coût mensuel est inférieur. Il est d'environ 100 $ par mois.

La sénatrice Raine : Quel est le coût mensuel d'un logement subventionné par la Société d'habitation de Terre- Neuve-et-Labrador?

M. Linstead : Vingt-cinq pour cent du revenu. Le loyer est proportionné au revenu et est fixé à 25 p. 100.

Le sénateur Enverga : Merci pour votre exposé. L'année dernière, en mai 2015, je crois, dans une demande de propositions pour l'examen des modèles de construction et de gestion de logements, le gouvernement du Nunatsiavut a indiqué que 47 p. 100 des habitations du Nunatsiavut appartenaient à leurs occupants. Selon l'information disponible, ce serait le pourcentage le plus élevé des quatre régions inuites.

Selon vous, pourquoi le pourcentage de la population qui est propriétaire de son habitation est plus élevé au Nunatsiavut que dans toute autre région inuite?

M. Linstead : Ces données viennent probablement de l'évaluation des besoins en logement réalisée auprès de toute la population en 2012-2013. Il est difficile de répondre à cette question. Les gens n'ont pas tous la même idée de ce que veut dire être propriétaire. Certaines personnes qui habitent dans les logements de l'Association régionale de logement Torngat croient être propriétaires de leur habitation, tandis que d'autres personnes croient être locataires. Alors, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les points de vue sont partagés.

L'explication réside peut-être dans les compétences que possèdent les gens. Beaucoup sont capables de construire eux-mêmes leur habitation, alors il n'est pas question pour eux de faire appel à un entrepreneur en construction. Un bon nombre d'habitations ont été bâties avec de la main-d'œuvre bénévole. Beaucoup de gens ont bâti leur propre habitation au fil des ans.

Le sénateur Enverga : Êtes-vous en train de nous dire que la proportion de 47 p. 100 est inexacte?

M. Linstead : Non.

Le sénateur Enverga : Elle n'est pas inexacte. Bien.

M. Linstead : Ce n'est pas ce que je suis en train de dire, non.

Le sénateur Enverga : Vous dites que ce n'est peut-être pas conforme à la perception qu'en ont les gens.

M. Linstead : Je dis que la proportion de 47 p. 100 a été calculée à partir des réponses que les gens eux-mêmes ont données. Or, il est possible que certaines personnes qui ont indiqué être propriétaires vivent dans une habitation de l'Association régionale de logement Torngat. Il y aurait matière à débat quant à savoir si les occupants de ces habitations en sont propriétaires ou si l'Association régionale de logement Torngat en est propriétaire. Lorsqu'on est propriétaire de sa maison, on ne peut pas en être expulsé à moins de ne pas faire ses paiements hypothécaires et de se la faire saisir par la banque. Or, même si l'Association régionale de logement Torngat prétend que les occupants des habitations en sont propriétaires et que les 100 $ par mois constituent un paiement hypothécaire, il reste que ces occupants peuvent se faire expulser de leur habitation et que celle-ci peut être donnée à quelqu'un d'autre, par exemple. Ce n'est pas du tout clair.

Le sénateur Enverga : Oui, mais en supposant que le pourcentage est d'environ 47 p. 100, comment pourrions-nous l'améliorer? Quel moyen faudrait-il prendre pour qu'il atteigne 50 ou 60 p. 100? Quels sont les facteurs nécessaires pour améliorer la situation?

M. Linstead : Vous voulez dire les moyens pour améliorer la compréhension de la situation ou pour augmenter le pourcentage de personnes qui sont propriétaires de leur habitation? Excusez-moi, mais je ne suis pas certain de bien comprendre la question.

Le sénateur Enverga : Pourriez-vous nous renseigner sur les deux plans? Compte tenu de la situation actuelle, comment pourrions-nous l'améliorer?

M. Linstead : Je me ferai un plaisir de communiquer avec le Bureau de la statistique de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a réalisé le sondage, afin d'obtenir la proportion d'habitations appartenant à des particuliers, à l'Association régionale de logement Torngat et à la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador. Je peux obtenir ces renseignements pour vous. Je sais que nous les avons déjà obtenus, mais je ne les ai tout simplement pas sous les yeux actuellement.

Pour ce qui est d'améliorer la situation, il faudrait avant tout que l'Association régionale de logement Torngat ou le gouvernement du Nunatsiavut, par l'intermédiaire de l'Association régionale de logement Torngat, précise vraiment la nature de sa relation avec le locataire ou le propriétaire de l'habitation. S'il s'agit vraiment d'une hypothèque et que l'occupant est propriétaire de l'habitation, il faudrait que ce soit établi clairement que tout le monde en soit bien conscient. Évidemment, il est important de savoir à quoi s'en tenir puisque, lorsqu'on se sait locataire et qu'il faut rénover une habitation, on fait appel au propriétaire pour qu'il effectue les travaux nécessaires. Mais, lorsqu'on est propriétaire de l'habitation, il faut soi-même s'occuper des rénovations. Incidemment, je vous signale que des habitations de la région ont cruellement besoin de travaux de rénovation qui n'ont pas été effectués jusqu'ici justement parce que l'on ne sait pas vraiment qui est propriétaire de ces habitations.

Le sénateur Enverga : Ce serait grandement apprécié que vous nous donniez quelques détails parce que, si tout ce que vous dites est vrai, il pourrait s'agir d'un modèle formidable à suivre pour tout le monde.

La présidente : Si vous permettez, je voudrais vous poser une brève question supplémentaire. Quel pourcentage des habitations provient de l'Association régionale de logement Torngat? Serait-ce la moitié ou un quart? Vous nous l'avez peut-être dit, mais je n'ai pas entendu.

M. Linstead : Non. Je n'ai pas ces données sous les yeux actuellement, mais je les obtiendrai et les fournirai au comité.

La présidente : Vous avez dit quelque chose que je n'ai pas bien compris au sujet des gens qui vivent dans les habitations Torngat et qui peuvent se faire expulser ou non.

M. Linstead : On aurait le droit de le faire.

La présidente : Les occupants peuvent se faire expulser. Merci.

M. Linstead : À mon avis, c'est le cas.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être avec nous.

Je voudrais que nous approfondissions votre réponse à la question du président. On dirait que la communication entre votre bureau et l'Association régionale de logement Torngat n'est pas parfaite parce que vous ne semblez pas pouvoir répondre à certaines questions fondamentales. Votre bureau a-t-il autorité sur l'association Torngat?

M. Linstead : Non. C'est une association indépendante dirigée par un conseil d'administration indépendant.

Le sénateur Moore : En 2012, lorsque vous avez fait le sondage, vous avez interrogé les occupants des habitations Torngat également, n'est-ce pas? Je crois que c'est ce que vous avez dit.

M. Linstead : Oui.

Le sénateur Moore : Lorsque vous avez fait ce sondage, monsieur Linstead, avez-vous posé aux gens les questions que les membres du comité vous posent aujourd'hui, concernant la propriété des habitations? Avez-vous posé la question aux occupants des habitations ou êtes-vous allé voir les véritables responsables, c'est-à-dire la direction de l'association, pour déterminer si les gens possèdent leur habitation et ont contracté un prêt hypothécaire ou encore s'ils sont locataires et paient un loyer? Avez-vous posé ces questions?

M. Linstead : Nous avons simplement demandé aux gens s'ils habitaient une maison de l'Association régionale de logement Torngat ou une maison privée. L'association vous répondrait que les occupants possèdent leur maison, qu'elle n'est qu'une société de prêt hypothécaire et que les occupants lui font des paiements hypothécaires mensuels. De nombreux propriétaires ou locataires, peu importe comment vous les appelez, voient les choses du même œil. Mais nous avons appris que beaucoup d'autres ne sont pas du même avis. Ils considèrent qu'ils paient un loyer et ils voient leur relation avec l'Association régionale de logement Torngat comme semblable à celle qu'ils auraient avec la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, une interprétation que rejette l'association Torngat.

Le sénateur Moore : Eh bien, lorsqu'une personne emménage dans une habitation, signe-t-elle un bail ordinaire, un acte notarié ou un contrat du genre d'un bail de 99 ans? Quels instruments légaux sont employés?

M. Linstead : Il y a eu des changements au cours des dernières années. Je supplie votre comité de poser ces questions au gouvernement du Nunatsiavut ou à l'Association régionale de logement Torngat lorsque vous les rencontrerez parce que, dans le passé, les gens signaient un accord d'une page qui ressemblait vraiment à un bail. Mais, vu les critiques, ils ont modifié l'accord, qui est maintenant plus long et qui ressemble davantage à une hypothèque. Changer les perceptions des gens est toutefois une autre paire de manches, et on sort alors de la simple interprétation des documents.

Le sénateur Moore : Avez-vous dit que les occupants des habitations Torngat payaient un loyer de 100 $ par mois, mais pouvaient gagner entre 50 000 $ et 100 000 $ par année? Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Linstead : C'est bien ce que j'ai dit. C'est l'un des problèmes que nous observons dans la gestion de l'Association régionale de logement Torngat.

Le sénateur Moore : Il me semblait, en effet.

M. Linstead : Le gouvernement du Nunatsiavut applique la même règle, lui aussi.

Le sénateur Moore : On dirait que ce n'est pas très équitable.

Aviez-vous fait une autre évaluation des besoins en logement avant celle que vous avez effectuée en 2012. Le cas échéant, quand l'avez-vous faite?

M. Linstead : Je ne me souviens pas qu'il y ait eu une autre évaluation auparavant.

Le sénateur Moore : Vous n'avez pas de point de comparaison pour savoir si le parc immobilier s'est maintenu ou s'il s'est considérablement détérioré sur une courte période. Vous n'avez rien qui puisse vous servir de point de comparaison.

M. Linstead : Malheureusement, non.

Le sénateur Moore : Prévoyez-vous faire une autre évaluation? Celle dont nous parlons a été effectuée il y a quatre ans. Songez-vous à en faire une autre pour mettre à jour vos dossiers et pouvoir comparer?

M. Linstead : Ce n'est pas prévu pour l'instant, mais des réunions devraient avoir lieu au cours des prochaines semaines entre mon ministre et des représentants du gouvernement du Nunatsiavut. Je crois que cette question fera partie des sujets de discussion abordés.

Le sénateur Moore : Une autre évaluation serait certainement utile pour notre comité.

Le sénateur Patterson : Le financement de 700 000 $ qui a été accordé conjointement par votre société et le gouvernement du Nunatsiavut en 2014 devait servir à rénover des maisons à Nain et Hopedale. Auriez-vous l'obligeance de nous fournir maintenant ou ultérieurement un rapport qui nous permettrait de voir dans quelle mesure cet argent a été utilisé efficacement et de déterminer si le programme était valable?

M. Linstead : Je crois que le programme était valable. Au Nunatsiavut, le président de la société s'est récemment adressé au nouveau premier ministre de notre province pour lui demander de maintenir le programme. Évidemment, nous sommes en pleine période de planification budgétaire, alors nous verrons prochainement si cette demande sera accueillie favorablement. Grâce à ce financement non récurrent, le Nunatsiavut a pu fournir de l'aide pour la rénovation de 24 habitations : des travaux de rénovation majeurs, d'une valeur de plus de 30 000 $ par habitation, ont été effectués dans 5 habitations de Nain et Hopedale; d'importantes rénovations ont été réalisées dans les combles de 19 autres habitations pour en améliorer l'efficacité énergétique. Au total, 24 ménages ont reçu de l'aide dans le cadre de ce programme.

De plus, étant donné que les autorités du Nunatsiavut sont sur le terrain dans leurs localités, nous avons pu nous associer à elles et en profiter pour faire réaliser, dans les logements sociaux, certains travaux que nous avons ajoutés au contrat accordé à un entrepreneur, de manière à pouvoir réaliser des économies tout en faisant avancer la rénovation des logements sociaux de la région.

Le sénateur Patterson : On nous dit que les programmes de logement social dans les régions inuites, y compris probablement au Nunatsiavut, sont difficilement viables en raison des coûts élevés du logement social et de la croissance rapide de la population. Certaines personnes pensent que la situation actuelle n'est pas viable.

Puisque la propriété privée pourrait être une façon de mettre fin à l'hémorragie de deniers publics engloutis dans l'exploitation et l'entretien et puisqu'il semble y avoir passablement de propriétaires d'habitation au Nunatsiavut, pourriez-vous nous dire qui devrait agir comme maître d'œuvre d'un projet visant à accroître la proportion de propriétaires d'habitation dans cette région? Votre société pourrait-elle s'en charger?

M. Linstead : Vu la faiblesse de la participation au programme provincial que j'ai pu observer au Nunatsiavut, comparativement au programme de 700 000 $ sur lequel vous venez de me poser une question, je vous dirais que le gouvernement du Nunatsiavut est mieux placé pour se charger d'un tel projet, à titre d'autorité autonome qui recevrait pour ce faire des apports d'argent provincial et fédéral.

Le sénateur Patterson : Êtes-vous présent dans la région? Y avez-vous du personnel et des bureaux? Comment y faites-vous votre travail?

M. Linstead : Notre bureau le plus proche des cinq localités se trouve à Happy Valley-Goose Bay. Nous avions un ouvrier à Nain chargé de l'entretien, mais il nous a quittés récemment pour diverses raisons. Nous n'avons aucun personnel actuellement dans les cinq localités. Une bonne partie des travaux que nous y effectuons sont réalisés par des entrepreneurs ou par du personnel que nous envoyons là-bas pour de courts séjours.

La présidente : Je vous invite à réfléchir à la question suivante : si vous pouviez faire une ou deux recommandations à l'intention de notre comité, quelles seraient-elles?

Pendant que vous y réfléchissez, je vais poser une question à l'ingénieure. Madame O'Keefe, je crois comprendre que vous cherchez à mettre en œuvre des solutions novatrices permettant de construire dans l'Arctique des habitations mieux isolées et plus écologiques que les logements actuels. Pourriez-vous nous dire brièvement si ces habitations répondent aux attentes qui avaient été définies?

Colleen O'Keefe, directeur, Génie, Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador : Bien sûr. Nous avons récemment construit quatre logements à Nain et quatre autres à Hopedale. Les travaux ont été terminés en 2011 et chaque projet a coûté environ 1 million de dollars, soit à peu près 250 000 $ par logement, ce qui est beaucoup.

Je ne sais pas si je qualifierais la construction de novatrice. Nous avons effectivement accordé de l'importance à l'efficacité énergétique, et certains éléments des habitations répondent aux exigences du Code national du bâtiment en matière d'efficacité énergétique, et même les dépassent à certains égards. De façon générale cependant, je dirais que nous privilégions une conception simple et la facilité d'entretien. Nous n'avons pas encore eu recours à des technologies plus novatrices, comme des thermopompes ou autres choses du genre. Je crois que les exigences en matière d'entretien seraient trop élevées.

La présidente : Vous dites que la plupart de ces logements ont été construits de manière à être éconergétiques. Est-ce exact?

Mme O'Keefe : Oui. Les quatre logements construits à Hopedale sont chauffés à l'électricité, et les quatre de Nain sont dotés d'un système de chauffage au mazout.

M. Linstead : Nous avons longuement discuté de ce sujet, notamment des questions concernant les inégalités qui se sont creusées au fil du temps entre les logements sociaux et ce qui est offert par l'Association régionale de logement Torngat. J'ai rencontré la ministre à ce sujet en compagnie de Mme Leo, la présidente du Nunatsiavut. La présidente a reconnu que le gouvernement du Nunatsiavut n'est pas toujours d'accord avec les décisions prises par le conseil d'administration indépendant qui gère l'Association régionale de logement Torngat.

Nous aimerions donc que le gouvernement du Nunatsiavut soit plus présent, qu'il intervienne de façon plus musclée pour ce qui est de déterminer ce que l'Association régionale de logement Torngat peut faire et qui elle peut aider.

Nous avons déjà discuté avec l'Association régionale de logement Torngat de la possibilité qu'elle prenne la relève et assume la responsabilité des logements sociaux gérés par la Société de logement de Terre-Neuve-et-Labrador, étant donné qu'elle a déjà du personnel sur place qui peut s'occuper des travaux d'entretien nécessaires et d'autres tâches du genre. Elle a même un meilleur accès aux entrepreneurs de la région. Nous en avons discuté par le passé, mais les discussions n'ont pas abouti. Je crois que l'association n'était pas prête à prendre en charge notre parc de logements.

Je crois que je recommanderais que le gouvernement du Nunatsiavut participe plus activement à la mise en œuvre des projets et à la construction de logements. Dans le cadre du programme ponctuel dont nous avons parlé, le programme de réparations domiciliaires, nous avons pu constater qu'il accomplit le même travail que nous. À mon avis, nous devrions chercher à renforcer notre relation avec le gouvernement du Nunatsiavut.

La présidente : Merci beaucoup.

D'après l'information que viennent de nous remettre nos très compétents analystes, un peu plus de 40 p. 100 des logements que comptent les cinq collectivités appartiennent à l'Association régionale de logement Torngat, ce qui représente une bonne partie des habitations.

Le sénateur Moore : Sur un total de combien de maisons?

La présidente : Le sénateur Moore aimerait savoir combien de maisons.

Le sénateur Moore : Oui, 40 p. 100 de combien de maisons en tout?

La présidente : Nous pourrons y revenir. Si vous avez cette information, vous pourriez me l'envoyer avec les autres renseignements.

Je vous remercie sincèrement, Colleen O'Keefe et Morley Linstead, d'avoir comparu devant le comité par vidéoconférence et d'avoir formulé une très bonne recommandation.

S'il n'y a pas d'autre question — je ne vois personne se manifester —, nous allons lever la séance. Merci beaucoup à vous tous.

(La séance est levée.)

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