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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 8 - Témoignages du 5 octobre 2016


OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour étudier et produire un rapport sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, nous sommes dans une pièce différence aujourd'hui, et nous serons probablement ici demain aussi. Veuillez en prendre note. Il semble y avoir un problème de communication dans la pièce 9, et il n'y a pas de télévision.

Bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je suis David Tkachuk et je suis le président du comité. Aujourd'hui, nous tenons notre première séance sur notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Nous sommes ravis d'accueillir les coauteurs d'un document de politique publique de l'Université de Calgary intitulé Planifier l'infrastructure pour réaliser le potentiel du Canada : le concept de corridor. Nous accueillons M. Andrei Sulzenko, un conseiller en politiques publiques spécialisé dans l'innovation microéconomique liée au commerce et à l'investissement. Depuis 2005, son cabinet de consultation a travaillé à de nombreux dossiers de politiques, principalement pour des ministères et des agences du gouvernement fédéral. Il a aussi travaillé pour des organisations du secteur privé comme le Conseil canadien des affaires, ainsi que pour des groupes d'experts et des organismes consultatifs parrainés par le gouvernement et menés par le secteur privé, notamment les groupes d'experts sur les politiques en matière de concurrence, sur l'innovation dans le secteur privé et sur l'approvisionnement en matière de défense.

Nous avons aussi M. Kent Fellows, associé de recherche, Politique énergétique et environnementale, à l'École de politique publique de l'Université de Calgary. Kent a récemment terminé son doctorat en économie à l'Université de Calgary. Sa recherche portait sur l'économie de la réglementation et sur les négociations bilatérales et se concentrait particulièrement sur l'industrie canadienne des pipelines. Il a précédemment travaillé comme assistant de recherche pour l'École de santé publique de l'Université de l'Alberta ainsi que comme stagiaire à l'Office national de l'énergie.

Bienvenue, messieurs. Merci d'être là aujourd'hui. Nous sommes ravis d'amorcer nos audiences sur cette étude avec vous. Veuillez nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

Andrei Sulzenko, membre exécutif, École de politique publique, Université de Calgary : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs. Nous vous savons gré de nous avoir invités aujourd'hui pour comparaître devant le comité pour vous parler d'une question que nous estimons très importante.

Comme vous l'avez mentionné, nous sommes les auteurs du rapport récemment publié par l'École de politique publique de l'Université de Calgary de concert avec notre partenaire de recherche, CIRANO, un groupe de recherche établi à Montréal. Nous en avons des versions papier pour les membres du comité.

Je vais d'abord vous donner des renseignements généraux. L'École de politique publique a été fondée en 2009 sous la direction de M. Jack Mintz, principalement pour faire le pont entre les chercheurs universitaires, le monde des affaires et le gouvernement. L'école estime que la politique publique doit être fondée sur des recherches pratiques et pertinentes pour donner de bons résultats. Vu cette mission, notre institution est devenue l'une des écoles de politique les plus influentes et les plus souvent citées au Canada.

Maintenant sous la direction de M. P.G. Forest, l'école continue d'avoir pour objectif de promouvoir les recherches appliquées, pertinentes et évaluées par les pairs de manière à éclairer la politique publique, notamment en ce qui concerne la planification à long terme des besoins en matière d'infrastructure et de transport du Canada.

Même si M. Fellows et moi sommes les auteurs du rapport et que la mise en garde habituelle concernant l'expression d'opinions précises s'applique, nous aimerions insister sur le fait que l'École de politique publique et CIRANO estiment qu'il est très important de mener un programme de recherche pour faire un suivi des questions soulevées dans le rapport. Nous sommes ici aujourd'hui pour présenter l'opinion générale de l'école et de CIRANO à ce sujet. M. Fellows dirige les efforts qui sont déployés et décrira où nous en sommes dans le cadre de notre processus de planification.

Cependant, je vais commencer par expliquer brièvement au comité les raisons pour lesquelles nous sommes emballés par le concept de corridor et nous pensons qu'il est dans l'intérêt national du Canada de participer à un programme de recherche pour donner suite aux questions clés mentionnées dans notre rapport initial.

Les changements récents touchant l'approbation des infrastructures par le gouvernement fédéral ont mis en lumière les difficultés auxquelles le Canada fait face lorsqu'il s'agit de trouver un juste équilibre entre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux divergents dans le contexte de l'exploitation de nos ressources naturelles.

Nous avons accordé beaucoup d'attention aux secteurs pétrolier et gazier, mais nous risquons aussi de perdre des occasions d'agir dans les secteurs de l'exploitation minière, des forêts et de l'agriculture en raison de l'accès aux voies maritimes permettant l'exportation vers les marchés outre-mer.

Nous croyons que le concept de corridor offre une solution potentiellement viable au problème en créant un droit de passage multimodal à travers le Nord et le Moyen Nord du Canada qui donne un accès à des installations portuaires sur les trois côtes, y compris la baie d'Hudson.

La création d'un droit de passage sur un même corridor pour différents projets ponctuels a pour principal avantage de faciliter une approche intégrée à long terme pour l'approbation, la construction et l'exploitation d'infrastructures majeures. Nous croyons, paradoxalement, qu'une telle approche globale est plus viable qu'une série d'étapes multiples, car elle peut répondre aux besoins d'intérêts divers.

Dans ce contexte, il revient clairement aux gouvernements d'établir un cadre stratégique pour la création d'un droit de passage sur un corridor en collaboration avec les intervenants intéressés. Puisqu'il s'agit d'une initiative pancanadienne, le gouvernement fédéral se doit de jouer un rôle de leadership pour en arriver à un consensus entre les participants des secteurs privé et public et des Premières Nations. Le concept de corridor devrait créer un climat offrant une plus grande certitude pour ce qui est de la planification et de la gouvernance des infrastructures de transport futures.

En plus d'accroître considérablement les possibilités d'exportation du Canada, un corridor nord-canadien aurait de nombreux avantages. Je vais vous en donner six que nous avons soulignés dans notre rapport.

Premièrement, il favoriserait la création d'emplois et la croissance puisque des milliards de dollars seraient investis à long terme, ce qui favorisera le développement économique régional et le commerce entre les régions. L'accès accru à des marchés importants et connaissant une forte croissance favorisera aussi la croissance économique et permettra de diversifier les marchés, ce qui constituera un élément important pour le Canada.

Deuxièmement, il créerait des occasions pour les Canadiens autochtones de profiter des avantages que procurent les investissements et la diversification économique. Les collectivités autochtones doivent être consultées et obtenir des avantages tangibles; ce sont là des éléments clés de l'initiative.

Troisièmement, il améliorerait la qualité de vie de tous les habitants du Nord en leur offrant de nouveaux débouchés, comme le tourisme; en réduisant le coût de la vie; en assurant une source fiable d'électricité peu polluante et en améliorant la connectivité et d'autres services.

Quatrièmement, il améliorerait la qualité de vie des Canadiens vivant dans les centres urbains en permettant la réhabilitation subséquente des droits de passage existants pour le trafic du fret aux fins de transport urbain et ex-urbain ou à d'autres fins dans l'intérêt public.

Cinquièmement, il minimiserait les répercussions environnementales des infrastructures de transport en en limitant l'empreinte et atténuerait les risques en assurant une surveillance efficace.

Enfin, sixièmement, il contribuerait aux objectifs de souveraineté du Canada dans l'Arctique lorsque d'autres intérêts chercheront vraisemblablement à faire valoir leurs droits.

Monsieur le président, mon collègue, M. Fellows, va maintenant vous parler des recherches requises pour donner aux décideurs les informations probantes dont ils ont besoin.

Garret Kent Fellows, associé de recherche, Politique énergétique et environnementale, École de politique publique, Université de Calgary : Merci, Andrei. Monsieur le président, honorables sénateurs, j'aimerais vous remercier aussi de nous avoir invités à témoigner devant le comité. C'est exactement pour faciliter ce genre de dialogue que l'École de politique publique effectue des recherches et en dissémine les résultats.

La recherche sur le concept d'un corridor nord-canadien est au cœur du programme de recherche sur les infrastructures nationales et l'accès aux marchés administré par l'École de politique publique. Notre rapport présente diverses questions qu'il faut étudier soigneusement pour déterminer la viabilité et l'intérêt d'un corridor nord-canadien. Selon notre plan actuel de recherche, le projet durerait trois ans et serait mené par des chercheurs universitaires sous la direction de l'École de politique publique et de CIRANO, notre partenaire. Le projet consisterait en une série d'études évaluées par les pairs qui porteraient sur les différentes dimensions stratégiques du concept de corridor dans le contexte canadien.

Notre approche pour ce genre de recherches englobe des activités de liaison, par exemple des tables rondes dirigées qui sont tenues périodiquement afin de recueillir différentes opinions et les conseils de spécialistes, ainsi que de discuter des recherches en cours. Ce genre de dialogue contribue à la qualité et à l'efficacité de nos recherches.

La première phase du programme de recherche mettra l'accent sur des questions très importantes reliées aux trois principaux piliers du concept de corridor canadien.

Le premier pilier, celui des dimensions physiques, englobe des questions comme le tracé géographique du corridor, une évaluation des coûts de construction pour les différents modes de transport et un examen des difficultés techniques propres au Nord canadien.

Le deuxième pilier, celui des dimensions financières, regroupe des éléments comme une analyse des investissements servant à recenser les coûts économiques ainsi que les avantages et possibilités potentiels des infrastructures sur le plan du développement économique et social, et un examen des options de financement pour les modes de transport, avec ou sans source de revenus explicites.

Le troisième pilier, celui de la propriété foncière, concerne entre autres l'établissement du droit de propriété et l'obtention d'un consentement préalable et éclairé des collectivités le long du droit de passage, ainsi qu'un plan pour la création d'une structure de gouvernance du corridor qui institutionnalise la prise de décisions en collaboration parmi les gouvernements, les communautés autochtones et le secteur privé.

D'autres études fondées sur les résultats obtenus à la phase un seront menées dans le cadre des phases subséquentes. Elles porteront sur les répercussions socioéconomiques et environnementales et sur d'autres détails liés aux trois piliers de la phase un.

Même si les recherches seront dirigées par l'École de la politique publique et CIRANO, le programme fera appel à l'expertise de chercheurs universitaires et de professionnels de toutes les régions du Canada.

L'École de politique publique évalue les coûts de la phase un du programme de recherche à 800 000 $. Elle a l'intention de solliciter ces fonds de différentes parties, y compris le secteur public, le secteur privé et des sources non gouvernementales. Le principal obstacle à la poursuite des recherches sur la question est actuellement l'absence de fonds.

Je vous remercie de votre attention. Voilà qui termine l'exposé que M. Sulzenko et moi avons préparé. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Black : Messieurs, merci beaucoup de votre présence. Nous vous savons gré d'avoir pris les devants pour lancer la discussion. C'est important. J'ai une multitude de questions, mais le président ne me permettra pas de toutes les poser, alors je vais commencer par me concentrer sur ceci.

Monsieur Fellows, vous avez parlé des trois piliers de la recherche, et les enjeux vont en découler, ce qui semble compréhensible. Quels sont d'après vous les principaux enjeux pour le gouvernement du Canada?

M. Fellows : Je pense que la structure de gouvernance relève manifestement du rôle du gouvernement. Nous avons tendance à voir les projets d'infrastructure comme quelque chose de très concret — les pelletées de terre, la construction de l'infrastructure comme telle. Avec quelque chose comme le concept de corridor nordique, ou le concept de corridor en général, la structure de gouvernance est un élément crucial en raison de la grande diversité de régions géographiques et d'intérêts individuels. Pour en assurer la bonne gouvernance, je pense qu'il incombe au gouvernement fédéral d'assumer le rôle prépondérant de coordination des intérêts sans pour autant chercher à orienter ces intérêts.

M. Sulzenko : J'ajouterais à ce que dit M. Fellows que, compte tenu de notre position actuelle, sans avoir mené la recherche de suivi, il est difficile d'imaginer la façon dont un projet comme celui-là, même aux étapes de planification, pourrait aller de l'avant sans que le gouvernement fédéral fasse preuve d'un leadership considérable.

C'est un projet pancanadien qui s'inscrit dans le pouvoir commercial du gouvernement du Canada. Je peux difficilement imaginer qu'il est possible de faire des progrès sans la participation active du gouvernement. J'irais un peu plus loin que mon collègue à ce sujet.

Autrement dit, si le gouvernement fédéral n'est pas intéressé, je ne vois pas comment cela pourrait se concrétiser.

Le sénateur Black : Nous sommes ici aujourd'hui, alors cela devrait nous dire qu'il y a de l'intérêt.

Vous avez déclaré quelque chose de très intéressant, et c'est que nous sommes très au fait des avantages économiques que le Canada perd parce qu'il n'est pas possible d'amener le pétrole, en particulier, jusqu'aux voies maritimes. Vous avez dit croire, si je vous ai bien compris, que le Canada subit aussi une perte économique pour la même raison du côté de l'exploitation forestière, de l'agriculture et, peut-être, de la potasse — je ne le sais pas.

Avez-vous des données à l'appui de ce que vous dites?

M. Sulzenko : Je vais demander à mon collègue de vous répondre, parce que je pense qu'avec le temps que nous avions pour préparer un document conceptuel, le présent document, nous avons accumulé d'excellentes données sur le pétrole et le gaz, un sujet très pertinent pour des raisons évidentes.

Je pense qu'il faudrait plus de recherche pour les autres secteurs de production, mais je vais laisser Ken en parler parce qu'il a davantage étudié cela.

M. Fellows : Par rapport aux divers produits, il est facile de cibler le pétrole et le gaz, car il est très facile d'obtenir des données concrètes sur des contraintes fermes. Si vous regardez les rapports chaque année, vous verrez que l'Office national de l'énergie produit un rapport qui fait état de son évaluation du système de transport et dans lequel on trouve exactement les volumes désignés. Il s'agit des volumes de pétrole que les expéditeurs individuels veulent expédier par pipeline. Ils vont vous dire exactement quels sont ces volumes désignés, et ils vont vous dire les volumes réels. Vous verrez la différence entre les deux. Ils doivent donc limiter la capacité des pipelines aussi bien pour le pétrole que pour le gaz naturel.

Avec les autres produits, par exemple ceux de l'exploitation forestière, ou de l'agriculture, les contraintes ont tendance à être un peu plus souples parce que les modes d'expédition sont plus flexibles. Pour le transport ferroviaire, il est difficile d'avoir une contrainte ferme, car vous avez une combinaison de matériel fixe et de matériel roulant.

Existe-t-il des données relatives à cela? Nous n'avons pas encore réalisé d'étude approfondie à ce sujet.

Le sénateur Black : Vous y croyez, intuitivement.

M. Fellows : Intuitivement. Je pense qu'au-delà de cela, même en l'absence de contraintes fermes, il y a lieu de croire que la congestion du système actuel a tendance à désavantager tous les expéditeurs, parce que vous perdez de l'argent à cause du temps qu'il faut pour le transport entre la région d'origine, quelle qu'elle soit, et un port côtier ou un partenaire d'exportation. Plus le système est congestionné, plus les coûts sont élevés.

Le président : Avant que je passe aux autres questions, j'aimerais que vous nous fassiez part de la justification, qui est si bien présentée dans votre document, pour les gens qui nous regardent. Il serait bon que vous nous fassiez un résumé rapide de cela, puis nous allons poursuivre avec les questions, si vous le voulez bien.

M. Sulzenko : Excusez-moi, monsieur le président. Vous voulez la justification du projet dans l'ensemble?

Le président : Oui.

M. Sulzenko : Je vais essayer.

Le président : Je compte sur vous.

M. Sulzenko : Ce qui nous a poussés initialement à entreprendre l'étude, c'est ce que nous venons de dire. Les exportations canadiennes souffraient du manque d'accès aux voies maritimes et, de là, à des marchés tiers, et cela se conjuguait aux préoccupations croissantes relatives à l'accès au marché américain, le marché traditionnel de la plupart de nos produits.

Nous croyons donc que nous devons, comme pays, aspirer généralement à la diversification des exportations. C'est là où la croissance est possible, mais nous avons de sérieuses contraintes qui varient, bien entendu, en fonction du mode de transport et du produit. Cependant, nous croyons que c'est là qu'au fil du temps la croissance se fera, et que nous avons raté d'énormes occasions.

Nous devons mesurer cela plus soigneusement, mais nous croyons que c'est considérable. Il est inutile de conclure des accords commerciaux comme celui que le Canada va conclure avec l'Europe et le Partenariat transpacifique s'il n'est pas possible d'en tirer profit. L'un des domaines où nous avons toujours un bon avantage comparatif à l'échelle internationale est celui des ressources. Ce sera probablement toujours le cas.

C'est donc ce qui nous a poussés initialement à envisager ce concept global plutôt que d'analyser une série de projets individuels.

L'autre raison pour laquelle nous croyons que c'est une bonne idée à explorer, c'est que de nombreux autres avantages complémentaires viennent s'ajouter à l'amélioration de la diversification du commerce. Ces avantages sont liés dans une grande mesure aux possibilités économiques qui se présenteraient dans le Nord et le Nord proche concernant l'accès à de nouvelles mines, l'accès à des réserves forestières et, même, l'exploitation agricole plus au nord, en particulier dans le contexte du réchauffement climatique.

Ce seront des occasions ratées sans une infrastructure de transport plus robuste que celle que nous avons maintenant. Les autres occasions pourraient en fait éclipser au fil du temps certains des avantages à court terme de l'accès aux marchés que nous envisageons pour le secteur des marchandises.

En plus de cela, nous avons été très emballés à la perspective de l'amélioration que cela pourrait apporter à la qualité de vie des habitants du Nord, en particulier les Autochtones qui sont principalement dans le Nord. Donc, si le gouvernement a entre autres objectifs la réconciliation avec nos peuples autochtones, ce serait une façon magnifique de leur offrir de véritables occasions, non seulement parce qu'ils pourraient être d'éventuels investisseurs, mais aussi parce qu'ils pourraient profiter de la création d'emplois et d'autres améliorations là où ils vivent.

Je dirais que quand nous nous sommes lancés dans cela, nous avons vu que les avantages potentiels dépassaient nettement la justification initiale qui était, je dirais — parce que nous sommes à Calgary —, l'une des grandes préoccupations du milieu des affaires à Calgary. Ce n'est pas par accident que l'école s'est lancée dans cela. Mais comme nous l'avons dit, nous y voyons beaucoup plus de possibilités, et c'est la raison pour laquelle cela nous emballe.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie beaucoup d'être venus aujourd'hui. Je suis comme le sénateur Black. J'ai beaucoup de questions, mais je vais commencer par ceci. Nous avons terminé une étude sur les barrières au commerce interprovincial, et il me semble que le point de départ de tout cela est d'éliminer ces barrières. Si ces barrières ne sont pas éliminées, j'ai peine à voir comment tout cela pourrait se réaliser.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Fellows : Je peux en parler. Je suis un peu au courant de cette étude. Je pense qu'un de mes collègues de l'Université de Calgary, Trevor Tombe, a fait un exposé pour cela.

Je crois que vous avez deux côtés à ce même argument. On a surtout parlé des barrières institutionnelles. Je me souviens de l'infographie qui traitait des diverses règles relatives aux configurations du transport par camion d'une province à l'autre. C'est donc manifestement très important. Je pense cependant que l'autre côté de cela, c'est que même si on s'occupe du côté institutionnel, si l'infrastructure de transport n'y est pas, vous ne pouvez tirer parti de l'harmonisation des règles interprovinciales.

Un exemple me vient à l'esprit, car c'est le seul dont je me souviens, et c'est celui des configurations selon lesquelles des véhicules ne pouvaient circuler que la nuit dans certaines provinces, et que le jour dans d'autres. Si la route n'est pas là, les configurations importent peu.

Je pense donc que l'infrastructure est une partie très importante de cela, et je reviens à la question précédente. La structure de gouvernance est cruciale aussi, et cela pourrait être examiné d'une façon plus globale. On pourrait se pencher sur ces deux aspects en même temps pour en tirer le maximum de gains.

M. Sulzenko : J'ai lu votre rapport avec grand intérêt, notamment parce que j'étais le négociateur en chef du gouvernement fédéral pour l'accord initial.

Le sénateur Campbell : Voulez-vous revenir? Nous avons un poste vacant.

M. Sulzenko : Ce n'était pas l'un de mes meilleurs moments, pour le dire ainsi.

Cela étant dit, j'aimerais ajouter à la réponse de Kent que, si vous présumez que ce projet ira de l'avant, le gouvernement fédéral devra en assumer la direction. C'est mon point de départ. Cela signifie également d'adopter des mesures législatives pour en établir le cadre en consultant évidemment les gouvernements provinciaux et territoriaux et les autres intervenants. Ensuite, nous pouvons traiter soigneusement de la question qui vient d'être soulevée dans le cadre de ce processus législatif en vue d'établir un régime qui ne permettrait pas à de telles barrières de voir le jour.

Je crois également qu'il y a de grandes possibilités en ce qui concerne notamment le réseau électrique. L'une des principales barrières toujours en place au pays, c'est que les provinces ne s'entendent pas sur la manière de traiter le réseau électrique à l'extérieur de leurs frontières. Ce processus permettrait de soulever encore cette question, et je crois que cela pourrait profiter à l'ensemble du pays.

La sénatrice Wallin : Merci de votre présence au comité. C'est un plaisir de vous voir.

J'aimerais poursuivre dans la même veine. Dans votre propre document, au chapitre sur les « questions de politique publique et de gouvernance », vous posez certaines questions auxquelles je sais évidemment que vous aimeriez trouver des réponses à long terme, mais je présume que vous en avez une idée. Je vais donc vous en poser quelques-unes. Vous venez de parler de l'assise législative et réglementaire. La situation est-elle propice pour nous lancer dans de telles discussions?

La question qui m'intéresse un peu plus vise à déterminer si le contexte actuel offre des conditions propices aux investisseurs du secteur privé. Quelle est votre impression à cet égard?

J'aimerais ensuite poser une autre question.

M. Sulzenko : Êtes-vous d'accord pour que je réponde à la question sur l'assise législative et que vous répondiez à celle sur le contexte actuel?

M. Fellows : D'accord.

M. Sulzenko : En ce qui a trait à l'assise législative, l'un des problèmes que nous avons généralement au pays, c'est que nous devons obtenir l'accord de divers ordres de gouvernement pour faire quelque chose. C'est la réalité canadienne, mais il y a déjà eu des précédents par le passé, c'est-à-dire qu'une loi fédérale sert de loi-cadre dont s'inspirent les gouvernements provinciaux et territoriaux pour adopter leurs propres mesures législatives conformément à cette première loi.

Je parle seulement en mon nom personnel, mais je crois qu'il serait certainement nécessaire de mettre en place une nouvelle assise législative qui faciliterait la prise d'un grand nombre de décisions et bien entendu l'établissement de la structure de gouvernance connexe, étant donné qu'il s'agit d'un colossal projet d'investissement de 100 milliards de dollars sur plusieurs années.

M. Fellows : En ce qui concerne la portée des investissements et le financement, lorsqu'il est question de réseaux de transport multimodal, j'ai fait allusion à certains modes de transport qui génèrent directement des revenus. Je pense ici à un pipeline ou à un chemin de fer, parce que ces infrastructures servent au transport de marchandises pour des tiers, et vous construisez ces infrastructures pour ces tiers en vue de leur facturer le transport de leurs marchandises.

Les routes et les autoroutes ont davantage tendance à s'apparenter à un bien public. Lorsque nous construisons une route, à moins qu'il s'agisse d'une route à péage — même encore là si c'est une route à péage —, la source de revenus n'est pas nécessairement toujours rentable. Du point de vue économique, cela ne signifie pas qu'il ne vaut pas la peine d'investir dans un tel type d'infrastructure. C'est tout simplement difficile de le monnayer. Dans un tel cas, il faut vraiment que les gouvernements financent activement ces projets, parce qu'il est impossible de convaincre le secteur privé de faire de tels investissements.

Il y a divers modèles. Le premier qui vient à l'esprit est un partenariat public-privé. Je tiens à répéter que c'est un aspect sur lequel nous aimerions faire de plus amples recherches en vue de cerner les possibilités en la matière et de déterminer la forme que prendrait le cadre de financement.

La sénatrice Wallin : J'aimerais vous poser une autre question, et j'imagine que vous devrez vraiment émettre des hypothèses pour y répondre. Cela concerne ce que vous avez dit, et c'est qu'il est totalement illogique de conclure des accords commerciaux si nous n'avons pas la capacité de faire des échanges commerciaux.

J'ai écouté aujourd'hui un discours de Perrin Beatty de la Chambre de commerce du Canada. Quelqu'un lui a demandé si son approbation à l'égard du gaz naturel liquéfié en était vraiment une, compte tenu de ses 127 réserves ou peu importe. Il a répondu que, comme nous le savons tous, ce sera très difficile d'avoir un consensus dans le cas d'un projet de grande envergure.

Bref, que faire s'il est impossible de trouver un projet auquel personne ne s'opposera? Comment pouvez-vous vous pencher sur cette question et trouver un moyen? Nous savons ce qui se passe dans le cas de choses simples. Le problème n'est pas seulement les gouvernements provinciaux et fédéral; ce sont également tous les groupes d'intérêts spéciaux qui sont concernés par le projet.

Avez-vous des commentaires? Vous engagez-vous dans cette voie?

M. Fellows : Vous avez tout à fait raison; pour répondre à cette question, il faut faire des hypothèses quant au projet. Mon intention n'est pas d'essayer de reprendre ce qu'a répondu plus tôt Andrei, mais des mesures législatives claires en la matière sont fondamentales pour réduire l'incertitude.

Vous avez tout à fait raison de dire que nous ne pouvons pas éliminer cette incertitude, mais c'est important de la réduire. Si nous partons purement d'un point de vue économique qui se fonde sur des résultats, l'incertitude ne suffit pas à rejeter d'emblée un projet, mais cela en fait grimper les coûts.

L'élimination pure et simple de l'incertitude a également un coût. Nous voulons que les divers intervenants soient consultés. C'est important de nous assurer de construire de l'infrastructure ou d'investir à cet égard pour que cela profite au plus grand nombre possible de personnes.

Bref, je vois davantage cela comme un équilibre relativement aux coûts de l'incertitude. Si vous êtes un investisseur privé, cela revient à déterminer le rendement du capital investi dont vous avez besoin, et cela augmente à mesure que vous dépensez pour des éléments non concrets comme des propositions. Il y a beaucoup d'investissements en amont avant même la première pelletée de terre. Il faut donc trouver l'équilibre entre ces coûts et les avantages de la consultation et de la prise de décisions axée sur la collaboration.

Je ne sais pas si Andrei aimerait ajouter quelque chose à ma réponse.

M. Sulzenko : J'aimerais ajouter un élément plus général. Nous sommes d'avis qu'un processus plus vaste permet de satisfaire aux intérêts de divers intervenants. C'est l'un des principes de base ou la raison qui le justifie; il ne faut également pas trop préciser à l'avance le tracé et d'autres éléments.

Il y a toujours beaucoup de place à la négociation et aux compromis. Nous espérons que cela permettra aux divers intervenants de collaborer et de trouver un terrain d'entente...

La sénatrice Wallin : D'où le trait pointillé.

M. Sulzenko : ... alors qu'actuellement lorsqu'il est question d'un projet ponctuel, il y a notamment un tracé très précis. L'objectif est précis. Il est facile de comprendre pourquoi cela peut grandement être controversé.

Cependant, nous croyons que, si le projet est plus vaste... Je parle encore en mon nom personnel, mais je dois dire que, malgré les récentes déclarations de groupes autochtones quant à leur opposition à certains projets, mon expérience, par exemple, dans le dossier du projet gazier Mackenzie il y a une dizaine d'années était tout autre. Une société autochtone a été créée, et le tiers des capitaux du projet de gazoduc lui reviendrait. Je serais beaucoup plus optimiste, si vous présentiez aux Autochtones des occasions d'affaires et que vous les laissiez avoir leur mot à dire dans la suite des choses.

La sénatrice Wallin : Vous soulevez un bon point. Comme je viens de le mentionner, je suis heureuse de voir le trait pointillé, parce que cela permet de maintenir un dialogue.

Le sénateur Enverga : J'ai lu votre rapport, et la manière d'y arriver m'intéresse et m'impressionne. Cependant, durant vos recherches, êtes-vous déjà tombés sur un pays que vous vous êtes dit que vous pourriez utiliser comme modèle? Cela vous est-il déjà arrivé? Comment pouvons-nous adapter cela?

M. Fellows : Il y a deux précédents. Malheureusement, aucun ne s'applique directement au Canada, étant donné que les circonstances sont différentes. L'Australie a un concept de corridor qui est principalement l'initiative de son secteur minier et qui vise à mettre sur pied un corridor pour transporter les matières premières jusqu'aux ports. L'autre concept de corridor que nous avons brièvement examiné se trouve en Afrique, mais je n'arrive pas à me souvenir du nom.

Ce sont deux endroits où nous avons vu le concept de corridor être utilisé. Il y a évidemment des différences entre ces pays et le Canada. Dans certains cas, il faut encore attendre pour en connaître précisément les résultats.

Voilà l'étendue de nos études sur d'autres pays qui ont utilisé le concept de corridor, mais il y a des exemples.

M. Sulzenko : Il y a également un exemple en Europe qui vise à relier le nord et le sud. Il y a un point commun entre les trois exemples que nous avons examinés. Il s'agit d'une collaboration entre tous les intervenants, et une structure de gouvernance très claire est établie à l'avance pour y arriver. Voilà les leçons que nous pouvons tirer de ce que nous considérons comme des projets couronnés de succès.

Le sénateur Enverga : Lorsque vous avez examiné ces pays — et je sais que le Canada ne ressemble en rien à certains d'entre eux —, avez-vous été en mesure d'évaluer les avantages économiques de chaque projet en vue de pouvoir les adapter au Canada?

M. Fellows : Nous n'avons pas précisément évalué les avantages dans les autres pays. C'est fondamentalement très complexe de mesurer les avantages économiques d'une infrastructure, parce que c'est difficile de bien faire les comparaisons. À certains égards, il faut déterminer ce à quoi ressemblerait le pays ou la région avec et sans l'infrastructure en place. Bref, c'est difficile à faire.

C'est certainement un aspect sur lequel nous aimerions nous pencher davantage. Nous pourrions établir des modèles hypothétiques pour le Canada en vue d'examiner ces éléments, mais nous ne l'avons pas explicitement fait pour l'instant.

Le sénateur Enverga : Je vois que vous avez un long trait pointillé sur votre carte. Dans votre étude, proposez-vous de le faire par étapes? Par exemple, nous pourrions faire l'Alberta et la Colombie-Britannique en premier, puis nous occuper du reste plus tard. Avez-vous réfléchi à la question? C'est peut-être beaucoup plus facile à mettre en œuvre en le faisant par étapes ou par régions.

M. Fellows : Oui. Je répète que c'est hypothétique, parce que nous attendons encore de réaliser une grande partie de la recherche à ce sujet, mais la construction du corridor du début à la fin prendra de toute manière énormément de temps. Pour ce qui est de la construction de tout système de transport, nous serions actuellement plus favorables à un développement par étapes.

Toutefois, la structure institutionnelle et le tracé pourraient être élaborés de manière globale, comme l'a mentionné Andrei, en vue de coordonner en amont ces initiatives et de nous assurer d'avoir un plan concernant l'emplacement de l'infrastructure. La première étape consiste à établir l'emprise. Nous aurons ainsi couché sur papier le tracé que nous considérons comme le plus efficace, et cela peut évoluer au fil du temps.

Voici quelques exemples. Nous constatons déjà de la construction le long de ces tracés. Une autoroute est construite près de Tuktoyaktuk dans le Nord canadien. Cela se déroule actuellement, mais nous pouvons collaborer sur un corridor pancanadien beaucoup plus efficace si nous veillons à une coordination plus rigoureuse et que nous consultons dès le départ toutes les parties intéressées.

Le président : Je m'intéresse à votre trait pointillé vers le Nord canadien, d'autant plus que 2017 et le 150e anniversaire du Canada arrivent à grands pas. Nos pères fondateurs ont évidemment reconnu que certaines régions seraient laissées pour compte si nous n'étions pas présents, d'où le chemin de fer national.

Pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet des intérêts divergents dans le Nord canadien? Nous en entendons parler de temps à autre.

M. Sulzenko : Eh bien, je crois que le trait pointillé traverse la vallée du Mackenzie. C'est le tracé logique et le tracé qui a été proposé pour le projet gazier à l'époque du juge Berger. Vous avez parlé des intérêts divergents, mais je ne suis pas certain qu'il en existe. Il y avait certainement un assez grand consensus concernant les avantages de la construction du gazoduc. Nous savons que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aimerait grandement aussi avoir une route accessible toute l'année et peut-être d'autres infrastructures de transport. Je crois que l'un des plus fervents partisans de ce tracé vers le Nord canadien, du moins en principe, serait le gouvernement.

Cela revient aussi à une question qui a été posée plus tôt au sujet des priorités. Je parle encore une fois en mon nom personnel, mais je présume que ce serait en haut de la liste de priorités, tout comme un possible tracé qui se rendrait jusqu'à Churchill. Le port de Churchill fermera ses portes, et c'est ironique lorsque nous y pensons, parce que c'est la route la plus courte pour transporter en Europe certaines matières premières que nous vendons; c'est plus court de plusieurs milliers de kilomètres, si je ne m'abuse.

Je vais laisser à Kent le soin de vous expliquer les conséquences des Panamax, parce que c'est très important à long terme pour le Canada.

M. Fellows : Andrei fait référence ici à l'élargissement du canal de Panama. Nous nous attendons à ce que les aspects économiques du transport maritime évoluent au cours des prochaines décennies en raison de l'ouverture de ces écluses qui favoriseront des navires de plus gros tonnage.

Nous avons déjà des problèmes de construction dans les ports intérieurs le long de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui ont tendance à accueillir des navires de plus petit tonnage qui peuvent remonter la voie maritime, en ce qui concerne le chargement de plus de vraquiers sur la côte.

Il est très avantageux de transporter jusqu'à l'eau les matières premières agricoles et forestières, et ce, le plus rapidement possible dans le réseau de transport, parce que le transport maritime semble considérablement plus économique par tonne-mille que toute option terrestre.

Lorsque nous voyons que le port de Churchill fermera ses portes, cela nous prend un peu par surprise, parce que nous serions portés à croire que c'est le port naturel, d'après son emplacement sur la carte, pour expédier en Europe les produits agricoles des provinces des Prairies. Je m'excuse de ne pas avoir mémorisé les chiffres, mais des données dans l'étude montrent que nous exportons déjà une quantité considérable de produits agricoles et forestiers en Europe plutôt qu'aux États-Unis. Cela devrait être un tracé naturel, mais nous ne le voyons pas, et c'est possiblement en raison de l'absence d'un réseau de transport intégré dans la région terrestre plus au centre du Canada.

La sénatrice Ringuette : J'ai quelques questions. Lorsque je regarde la carte des projets de corridor et des corridors actuels, il y a un tracé pratiquement au nord de Montréal qui va vers l'est. Ce tracé irait-il rejoindre le tracé actuel dans les provinces de l'Atlantique? Je ne vois aucun projet de corridor dans les provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Smith : Je crois que cela irait jusqu'au Labrador.

La sénatrice Ringuette : Mais, par exemple, toute la région du port d'Halifax se trouverait à l'extérieur de ce corridor pancanadien; ce n'est donc pas vraiment un corridor pancanadien.

Depuis 30 ans, nous entendons parler, de temps à autre, du corridor de train à grande vitesse entre Québec et Windsor. On en discute par intermittence, puis quelques années plus tard, quelqu'un revient à la charge en proposant le même projet, mais au bout du compte, on remet le dossier sur les tablettes.

Avez-vous envisagé la possibilité d'établir des PPP — des partenariats public-privé — pour investir dans vos recherches futures et entreprendre une étude de faisabilité?

M. Fellows : Le partenariat public-privé est une option que nous avons envisagée pour ce qui est de financer les dépenses en infrastructure, et c'est ce à quoi vous faites allusion en partie, mais là encore, c'est un sujet que nous avons abordé dans notre plan de recherche.

En ce qui a trait aux observations précédentes sur la liaison avec l'actuel réseau du Sud, je tiens tout d'abord à répéter qu'il s'agit d'un trajet purement hypothétique, le long de la ligne pointillée et sinueuse. Nous n'avons pas procédé à une évaluation microgéographique des points de passage éventuels du corridor pour déterminer lesquels seraient avantageux. Toutefois, en intégrant le corridor au réseau existant et en déplaçant l'infrastructure plus au Nord, on peut alléger, en partie, le fardeau imposé aux lignes ferroviaires actuelles.

Pour ce qui est du projet de train à grande vitesse en Ontario et au Québec, je crois qu'un des problèmes vient du fait que le coût de renonciation — comme nous l'appelons — est énorme. Les droits de passage en vigueur entraînent des coûts d'exploitation très élevés, parce que les lignes ferroviaires sont actuellement très congestionnées. Voilà pourquoi on permet de libérer le tracé actuel en offrant une autre trajectoire sur la côte Est pour le transport des marchandises.

Cela dit, pour en revenir à votre question plus explicite, je crois qu'il est difficile de trouver d'emblée un modèle de financement sans étudier la question plus en détail, parce que les avantages sont d'une très grande portée. S'il est question, disons, de la construction d'une nouvelle ligne de chemin de fer plus au Nord qui appuiera la structure ferroviaire en place, il faut déterminer qui devrait payer la note. On pourrait en profiter parce que cela décongestionne la structure actuelle, mais les propriétaires du réseau actuel pourraient ne pas voir les choses du même œil. Ils pourraient considérer cela comme une concurrence qui leur fera perdre des affaires. C'est une question à laquelle on ne peut répondre qu'après des recherches plus poussées, et nous voulons en tenir compte dans le plan de recherche à long terme.

Le sénateur Greene : J'aimerais revenir au premier point soulevé par la sénatrice Ringuette.

Je viens de la Nouvelle-Écosse et l'un des problèmes qui affligent depuis toujours l'économie de la province, ce n'est pas que nous sommes trop loin de la côte, parce que nous y avons accès; c'est plutôt que nous sommes trop loin des marchés intérieurs, qui se trouvent normalement en Ontario, au Québec et dans cette région. Par conséquent, les fabricants de la Nouvelle-Écosse sont nettement désavantagés par rapport à leurs homologues du centre du Canada.

La distance est considérable, et ils doivent passer par le Maine. Cela dit, il y a environ 20 ans, un constructeur de routes du Massachusetts avait communiqué avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick au sujet de l'aménagement d'un corridor de Montréal à Saint John, en passant par le Maine, pour le transport routier et ferroviaire. Si je me souviens bien, ce projet aurait eu pour effet de réduire de près de six à huit heures le temps de conduite par camion, ce qui aurait été un grand bienfait pour les camionneurs, le secteur des transports, et cetera. Ainsi, les fabricants de la Nouvelle-Économie et l'économie provinciale se rapprocheraient des grands marchés presque du tiers de la distance.

Étant donné qu'il s'agit d'une proposition théorique, que pensez-vous de ce concept?

M. Sulzenko : Je dirais que cela semble être une excellente idée. J'ignore toutefois si on peut l'intégrer dans cette idée. Les deux pourraient coexister, mais vous soulevez là une tout autre question. Notre priorité a été de déterminer comment accéder aux voies maritimes afin de pouvoir expédier les matières premières au coût le plus bas et, par conséquent, afin de maximiser les profits pour les exportateurs de ressources.

Vous avez posé une question bien différente et, en toute franchise, j'ai un peu de mal à voir comment elle pourrait être intégrée à notre travail.

Le sénateur Greene : Elle devrait certainement être un sujet de discussion continue dans le cadre de l'étude que nous menons actuellement, puisqu'il s'agit tout de même d'un corridor qui, à mon avis, aurait d'énormes retombées pour la région d'où je viens et qui constitue un moyen d'assurer une liaison.

Bien entendu, vous devez négocier une entente avec le Maine et le gouvernement des États-Unis, et le tout est très compliqué, mais nos voisins du Sud ont déjà manifesté un intérêt à cet égard.

Le sénateur Smith : Votre étude repose sur l'importance de la circulation des produits et du commerce, la croissance du marché asiatique — que vous jugez de première importance — et celle du marché européen, qui arrive au deuxième rang. Cela m'amène d'abord à une simple question de logistique. En ce qui concerne les trois phases, vous avez dit que la première coûterait 800 000 $. Voici une question pratique : combien d'autres phases y aura-t-il, et combien en coûtera-t-il pour mener à bien la recherche?

M. Fellows : Je ne suis pas sûr que l'École de politique publique ait prévu des phases ultérieures. Pour l'instant, nous en sommes à la première phase, et nous voulons parler de certaines questions qui ne sont pas incluses là-dedans. Mais, pour des raisons pratiques, nous avons mis l'accent sur les trois principaux piliers de la première phase parce que nous estimons que c'est une tâche raisonnable.

Au sujet de la recherche à long terme, là encore, nous ne savons pas, puisque cette recherche s'appuiera sur les résultats de l'étude initiale. Cependant, je pense qu'une bonne partie des sujets d'intérêt et, en fait, la plupart des questions qu'on nous a déjà posées aujourd'hui relèvent de la première phase et des trois principaux piliers.

Le sénateur Smith : Avez-vous établi un chemin critique pour déterminer comment mener la recherche de la première phase...

M. Fellows : Non.

Le sénateur Smith : ... afin de quantifier et de justifier les coûts prévus de 800 000 $?

M. Fellows : En matière de chemin critique — M. Sulzenko pourrait avoir une réponse différente —, cette décision relèverait des directeurs de l'École de politique publique. On nous a confié le mandat d'effectuer la recherche initiale et de trouver des questions à étudier, alors je ne suis pas trop au courant des détails liés à la planification.

M. Sulzenko : Je crois que l'idée était de terminer la phase initiale dans un délai de deux ans. Encore une fois, cela dépend du financement parce que ce sera une recherche de haute qualité dirigée par des universitaires et évaluée par les pairs, et on fera appel aux plus éminents chercheurs de tout le pays dans ces diverses disciplines.

Si nous parvenons à terminer la recherche en l'espace de deux ans, à supposer que certaines hypothèses soient prouvées à l'issue du processus, nous espérons que cela nous donnera une impulsion suffisante pour ensuite faire valoir des arguments plausibles en vue d'un financement accru pour les phases ultérieures.

Le sénateur Smith : Je suis très emballé parce que j'ai eu la chance de mettre la main sur l'étude réalisée dans les années 1960, en 1967-1968, qui constitue le précurseur de ce travail. L'auteur de l'étude est âgé de 92 ans. Il est toujours vivant, ce qui est fascinant.

Pourriez-vous nous donner un aperçu? Une des objections — et ce n'est peut-être pas valable —, c'est que les gens pourraient avoir des réserves en raison du climat trop froid. Dites-nous, en gros, entre quels parallèles vous envisageriez de construire ce projet, sachant qu'il peut y avoir certaines fluctuations selon l'intérêt économique. C'est là un concept assez important que vous aurez à promouvoir si vous voulez susciter de l'intérêt.

Voici ma prochaine question : comment allez-vous en faire la promotion? C'est un projet porteur de changements, et c'est le plus important que nous ayons connu depuis la construction du chemin de fer Canadian Pacific, du moins à mon avis, et depuis la construction des voies maritimes. Sur le plan géographique, quels sont vos arguments de vente, c'est-à-dire comment allez-vous vendre cette idée du point de vue géographique et, ensuite, comment allez-vous en faire la promotion?

Pour ma part, je crains qu'une approche universitaire n'attire pas assez l'attention des gens d'affaires. Et je n'essaie pas d'être critique. Les gens autour de cette table ont un sens aigu des affaires, et c'est probablement une des questions qui pourraient nous chicoter en ce moment. Comment comptez-vous en faire la promotion pour mobiliser les énergies? Il s'agit d'un gros concept qui requiert beaucoup de mobilisation.

M. Fellows : En ce qui concerne votre question sur le chemin critique et la raison pour laquelle nous avons examiné le projet dans ce contexte particulier, jusqu'ici, nous avons beaucoup parlé de l'accès aux marchés pour les ressources. Le revers de la médaille, que je trouve tout aussi important, voire plus important, et auquel nous n'avons pas consacré assez de temps, c'est l'examen des coûts dans le Nord. Je vais commencer par le coût de la vie. Si je ne me trompe pas, le chiffre exact que nous mentionnons dans le document, c'est 28 p. 100, soit environ le tiers. Cela représente l'augmentation du coût de la vie si on vit dans le Nord canadien, loin d'une voie de transport importante. Autrement dit, 1,30 $ dans le Nord équivaut à 1 $ dans le Sud, et cet écart est surtout attribuable au transport.

Par ailleurs, il importe de noter que ces données remontent à une dizaine d'années. En effet, ce chiffre provient d'un rapport de 2006 du gouvernement du Canada et, dans le cadre de notre recherche préliminaire, nous n'avons pas trouvé de chiffre plus à jour.

Le sénateur Smith : Pour ce qui est de la géographie entre les 55e et 60e parallèles, ou entre les 55e et 65e parallèles, vous aurez une idée des tendances météorologiques et des conditions du sol, et vous saurez ce qu'on peut construire là-bas et ce qu'on doit transporter sur des ponts en raison des terres humides.

Il est important que vous nous expliquiez ce concept de base, sans toutefois perdre de vue les variables possibles parce qu'il pourrait y avoir une mine un peu plus au Nord, d'où la nécessité d'avoir un droit de passage aux bons endroits, mais conceptuellement, quelles mesures prendrez-vous pour susciter de l'intérêt sur le plan géographique?

M. Sulzenko : C'est justement pourquoi le premier projet que nous tenons à réaliser concerne le tracé. Quelles sont les options, les questions d'ordre technique et les questions environnementales? Nous avons une idée théorique.

Le sénateur Smith : Expliquez-nous ce dont il s'agit. Vous devez vendre cette idée pour obtenir les fonds nécessaires à la recherche.

M. Sulzenko : En théorie, l'idée est certes de créer un embranchement en direction de l'Arctique. Nous en avons déjà discuté.

Le sénateur Smith : En effet.

M. Sulzenko : Pour avoir accès aux marchés asiatiques, il faudrait se rendre sur la côte Ouest. C'est assez évident. Nous avons déjà dit que le port de Churchill est essentiel, surtout pour les produits agricoles.

Encore une fois, pour revenir à une question posée tout à l'heure, il s'agit, selon moi, de priorités assez évidentes dans l'Ouest puisqu'il existe de véritables besoins à l'heure actuelle.

Selon le tracé théorique, on passe par la forêt boréale. Il y a divers types d'obstacles. On trouve beaucoup de rivières, de lacs, et cetera. Plus au Nord, on doit faire face au problème du ramollissement sous la toundra, et tout le reste. Il y a donc des problèmes de taille du point de vue technique et environnemental, même si tout le monde disait : « C'est génial, attelons-nous à la tâche. »

En matière de marketing, la solution la plus logique consiste à terminer la phase initiale pour ensuite proposer quelque chose de concret. Je me permets d'ajouter qu'il y a des collectivités dans le Nord qui, pour la plupart, sont très petites et très isolées les unes des autres. Elles ne sont accessibles que par avion. Nous pourrions envisager un tracé qui pourrait relier ensemble certaines d'entre elles afin d'améliorer l'accessibilité à partir du Sud et d'une collectivité à l'autre.

Il y a donc un nombre assez important de facteurs qui entrent en ligne de compte dans le tracé, et je crois qu'il y a là de quoi stimuler l'imagination.

Le sénateur Smith : Là où je voulais en venir, c'est que si vous vendez votre idée à des entreprises ou à d'importants investisseurs, vous ne voulez pas leur donner l'impression que tout le monde vivra dans des igloos; vous devez plutôt montrer qu'on sera en mesure de cultiver les terres et de produire des récoltes, selon les régions où l'on se trouve. Dans l'ancienne étude de la fin des années 1960, on parlait du concept du méso-Canada. Voilà qui est beaucoup mieux que le Nord du Canada. Vous voyez ce que je veux dire? Il s'agit de susciter de l'intérêt chez les gens qui trouvent que ce serait un endroit très intéressant où vivre. Whitehorse est un endroit magnifique durant l'été, lorsqu'on a des températures de 90 degrés. Cela ne dure que trois mois. La saison est plus courte, mais c'est une bonne qualité de vie.

Il s'agit de régions glaciales, mais le concept de base, c'est qu'on peut vivre dans une région où les conditions sont décentes. Il y aura des extrêmes, mais ce sera vivable.

Avez-vous eu l'occasion de présenter cette idée à une variété de personnes, ou ne faites-vous qu'entamer la phase initiale? Où en êtes-vous avec vos efforts sur le plan logistique?

M. Sulzenko : Nous avons eu, je dirais, des entretiens officieux avec un certain nombre d'éventuels partenaires ou intervenants, surtout ceux ayant des intérêts commerciaux, particulièrement en Alberta.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a manifesté un vif intérêt. Kent pourrait peut-être en dire plus sur certains de nos partenaires autochtones possibles. Nous entamons cette démarche.

M. Fellows : Je reviendrai à l'idée des arguments de vente dans un instant, mais nous avons suscité, comme Andrei l'a dit, un intérêt considérable. Les sociétés d'investissement, surtout celles des Premières Nations dans le Nord, sont très ouvertes à l'idée justement parce que nous pouvons ainsi réduire le coût de la vie et les dépenses d'investissement. Voici un autre exemple, et je ne veux pas vous citer trop de chiffres, en ce qui concerne les immobilisations en général, c'est-à-dire les investissements de capitaux — donc, l'équipement, la machinerie, les bâtiments; si vous vous trouvez à plus de 500 kilomètres d'un corridor de transport établi, les coûts sont deux ou trois fois plus élevés. C'est pourquoi ce projet intéresse beaucoup les entreprises de la région.

Pour ce qui est des arguments de vente, je crois que la qualité de notre réponse tient compte du fait que l'École de politique publique ne s'intéresse pas particulièrement à faire de la publicité à ce stade-ci. Ce que nous sollicitons, le cas échéant, c'est la possibilité de mener une recherche pour essayer d'établir le bien-fondé du projet, tâche que nous avons accomplie dans le premier document que nous avons déjà publié et dont nous vous avons remis des copies. Le bien-fondé a été établi, mais il faut entreprendre une étude plus approfondie afin d'entrer dans les détails.

C'est un compromis. Étant donné que nous sommes un établissement universitaire, nous essayons de rester neutres au sujet de l'avantage net, tant que nous n'aurons pas pris le temps d'analyser les chiffres en profondeur. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas très enthousiastes à l'idée. Au contraire, nous débordons d'enthousiasme, mais il faut déployer des efforts considérables pour creuser davantage les faits, examiner les chiffres, consulter les précédents et parler à tous les intervenants, allant des firmes d'ingénierie qui construisent des routes et qui ont besoin de ces défis techniques intéressants jusqu'à, disons, un professeur de sociologie qui pourra nous expliquer ce qui se passe dans les petites collectivités lorsqu'on améliore la capacité de transport.

Ce sont tous des aspects que nous voulons aborder. Nous ne l'avons pas encore fait. Alors pour ce qui est de présenter des arguments de vente, ma réponse personnelle...

Le sénateur L. Smith : Je m'excuse d'avoir employé ces termes, et je m'excuse d'avoir été trop insistant. C'est seulement qu'il s'agit d'une occasion si transformatrice qu'on s'emballe quand on la voit, et on doit contenir son excitation quand on s'y attarde. Je pense aux personnes avec lesquelles vous devez faire affaire. Dans l'étude commerciale interprovinciale, des gens nous ont parlé de l'alliance de l'Ouest entre — je crois que c'était la Colombie-Britannique et l'Alberta, mais que la Saskatchewan se joint maintenant à elles. Avez-vous eu l'occasion de parler aux signataires du Nouveau partenariat de l'Ouest?

M. Sulzenko : Pas en tant que parties à cet accord en particulier, mais il est juste de dire que les fonctionnaires ont tenu des discussions informelles tant à l'échelon provincial que fédéral. À Ottawa, tous les principaux ministères que ce type de chose intéresse connaissent bien notre travail et ce qui le motive. On le comprend et on reconnaît sa valeur.

La question que vous avez soulevée est celle de savoir qui sera le champion de cette initiative. C'est difficile, car je peux comprendre que le secteur privé hésite un peu à prendre les devants, surtout à l'heure actuelle, étant donné que d'autres parties pourraient penser « Bon, encore cela ». Je ne vais pas présumer de leur réaction, mais je peux comprendre pourquoi le secteur privé aimerait, à ce stade, offrir un appui, mais en coulisses.

Que nous reste-t-il? Il nous reste le gouvernement, je suppose. S'il doit y avoir un champion, ce devrait être du côté des gouvernements, au pluriel, y compris le gouvernement fédéral. Cependant, à ce jour, assurément à l'échelon politique au gouvernement du Canada, rien n'a montré que la chose suscitait beaucoup d'intérêt. Il est clair que les fonctionnaires en sont bien conscients.

À titre d'universitaires — je suis un ancien bureaucrate, alors je ne suis pas exactement un universitaire — on se trouve un peu dans un dilemme sur la marche à suivre dans ce dossier. Honnêtement, c'est une des raisons pour lesquelles nous étions si enthousiastes à l'idée de témoigner devant le comité, car le sujet est au moins discuté publiquement à l'échelon politique pour la première fois.

Le sénateur Tannas : Un des problèmes quand on est le dernier à lever la main pour poser des questions est que toutes les bonnes questions ont déjà été posées.

Le président : Le sénateur Day passe après vous.

Le sénateur Tannas : Je vais vous laisser un peu de place. Nombre de mes questions portaient sur notre rôle ici. Je crois comprendre que vous bénéficiez de l'appui intellectuel de fonctionnaires au sein de ministères et autres. Il y a un intérêt. Voilà pourquoi nous sommes tous excités à la perspective de ce projet. Nous comprenons tous. Nous le voyons. Cependant, ce qui manque, c'est l'inspiration des leaders politiques, et peut-être qu'il nous incombe de trouver la façon d'être l'élément déclencheur qui fera en sorte que la classe politique fasse preuve de leadership.

La première fois que j'ai entendu parler de cette idée, c'était de la bouche d'une dirigeante politique en Alberta, qui n'en est plus une. Elle est maintenant animatrice de radio. Mais elle a soulevé cette idée.

Avez-vous déjà entendu d'autres premiers ministres provinciaux en parler? Pourriez-vous nous donner une petite idée des endroits où on serait ouvert à la chose, en fonction de ce que vous savez, pour nous aider à aguiller nos recommandations afin de faire bouger les choses?

M. Sulzenko : Je suis sûr que Kent aura des choses à ajouter. Il est clair que j'avance des hypothèses, mais je pense que les gouvernements de l'Ouest, notamment ceux de l'Alberta, de la Saskatchewan et des Territoires du Nord-Ouest, seraient très enthousiastes à l'idée de porter ce projet jusqu'à la prochaine étape, pour des raisons évidentes. C'est dans leur intérêt.

Je dirais aussi que le gouvernement de l'Ontario, avec lequel nous n'avons encore vraiment eu aucun contact direct, devrait être intéressé, car en théorie, ce trajet longerait le cercle de feu. L'ennui avec le cercle de feu ou le défi qui se pose là-bas est qu'il s'y trouve un incroyable dépôt potentiel de minéraux, mais auquel on n'a pas accès, et que le coût pour y accéder est excessivement élevé. J'ai lu qu'on parlait de milliards de dollars. Ce pourrait être une façon d'en arriver à exploiter ce gisement. Je pense que le gouvernement de l'Ontario s'est dit très intéressé à l'exploiter, mais il y a la question de savoir qui paierait l'infrastructure. Ce serait toujours le cas avec notre idée, mais cela pourrait s'inscrire dans un plan plus global qui pourrait, en conséquence, être plus rentable.

Je continue ma traversée du pays. En ce qui concerne le Québec, nos partenaires à CIRANO — il s'agit aussi de chercheurs universitaires — qui sont en affaire depuis maintenant de nombreuses années et qui ont beaucoup travaillé pour le gouvernement du Québec, un de leurs principaux clients, nous disent que le Québec serait très intéressé, car cela cadrerait avec une partie de ses propres projets dans le contexte de leur Plan Nord.

Je ne peux pas parler pour l'Atlantique, et en raison de l'accès aux marées dans cette région, nous nous adressons plutôt à Terre-Neuve-et-Labrador qu'aux provinces maritimes.

Nous pensons qu'avec de bonnes explications et un bon marketing, les gouvernements de partout au pays devraient au moins être intéressés à se rendre jusqu'à la phase suivante. En raison du coût potentiel énorme, ils voudront sûrement que l'on mène des recherches rigoureuses fondées sur des preuves avant de nous encourager à passer à une autre phase.

Le sénateur Tannas : Pourriez-vous décrire des candidats semblables dans les collectivités autochtones? Selon vous, vers qui devrions-nous nous tourner pour recevoir un soutien?

M. Fellows : Nous avons parlé de façon informelle avec un certain nombre de groupes. Je pense que l'École de politiques publiques serait peut-être en mesure de vous donner une liste à un moment donné. J'hésite à vous donner des noms au pied levé, mais il y a un certain nombre de sociétés d'investissement qui ont été constituées en personne morale parmi plusieurs groupes de Premières Nations auxquels nous avons parlé, alors il est clair que nous pourrions vous fournir ces renseignements à un moment donné après l'audience.

Le sénateur Tannas : Ce serait génial. La greffière fera le suivi auprès de vous. Merci.

Le sénateur Day : Messieurs, merci beaucoup d'avoir expliqué votre concept. Je suis aussi originaire du Canada atlantique, et je pense que si vous aviez eu un partenaire de la région, un certain nombre de ces flèches seraient différentes de ce qu'elles sont maintenant. Quoi qu'il en soit, nous pouvons en parler.

Vous avez déterminé que vous préfériez le faire par le truchement d'un corridor septentrional au lieu d'opter pour des interconnexions plus au sud au moyen des lignes existantes. J'ai pris connaissance de vos diverses explications pour ouvrir le Nord — dont vous venez de parler —, en passant par le cercle de feu en Ontario, jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Vous parlez de l'avantage d'établir la souveraineté canadienne qui pourrait en découler et qui aiderait les groupes autochtones que nous venons de mentionner.

La création d'un corridor septentrional offre de nombreux avantages, mais elle coûtera considérablement plus cher qu'une interconnexion plus au sud. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Sulzenko : Je vais laisser à Kent le soin de se prononcer aussi sur ce point, car c'est un argument très important qui a été soulevé.

Notre concept — peut-être que nous ne l'avons pas très bien expliqué — vise à créer un corridor qui viendrait s'ajouter au système en place et qui y serait intégré pour lui permettre de mieux fonctionner dans l'ensemble. Pour ce faire, une partie du trafic de marchandises serait redirigée vers le Nord, ce qui libérerait la partie sud actuellement congestionnée.

Ce que je veux dire par là c'est que, si vous vivez à Toronto, les camions de marchandises traversent en pleine ville, jour et nuit, et les problèmes de congestion sont énormes dans le Grand Toronto. Je ne fais encore que des suppositions, mais le fait de libérer une ligne de transport des marchandises qui passe en plein milieu de Toronto pour qu'elle serve à autre chose pourrait offrir des avantages de taille à cette ville qui continue de prendre de l'expansion.

Nous militons vraiment en faveur d'un système plus grand et plus efficace pour répondre à tous nos besoins au fur et à mesure de notre croissance économique.

La latitude réelle est théorique, mais il est clair que rien ne sert d'avoir une autre ligne de transport le long de celle que nous avons déjà, car elle traverse les zones urbaines — c'est d'ailleurs un de nos problèmes.

Le sénateur Day : Je comprends, mais vous savez que les trains de marchandises qui traversent Toronto et le sud de Montréal transportent du pétrole de l'Alberta jusqu'aux raffineries du Nouveau-Brunswick. Nous avons besoin de quelque chose de beaucoup plus concret, d'un oléoduc d'ouest en est qui transporterait une bonne partie des marchandises. Des centaines de wagons passent à proximité de chez moi au Nouveau-Brunswick tous les jours, car il est impossible d'envoyer le pétrole par oléoduc.

Cela dit, il existe de nombreuses interconnexions dans l'Est, et je me demandais simplement si vos futures études en tiendraient compte. Je comprends pourquoi vous passez par Prince Rupert dans l'Ouest, car Vancouver est congestionnée. Je peux le comprendre. Cependant, dans l'Est, avec le port d'Halifax, le port de Saint John et d'autres tout le long du St-Laurent, il existe bien des possibilités qui ne requerraient pas de ligne de transport septentrionale.

Votre étude se penchera-t-elle sur les solutions de rechange ou êtes-vous convaincu que les avantages de construire un corridor septentrional l'emporteraient sur l'interconnexion des transports multimodaux d'ouest en est, ce qui se produirait si nous pouvions construire ce corridor? J'aime l'idée d'un accès d'ouest en est aux eaux de marée, mais je pense que les coûts d'une ligne de transport au sud seraient beaucoup moins élevés que ceux du corridor septentrional conceptualisé.

Pourriez-vous vous prononcer sur ce point?

M. Fellows : Du point de vue de la recherche universitaire, je prendrais cette carte préliminaire plus ou moins comme une hypothèse devant être vérifiée au moyen d'autres études, et peut-être pas une hypothèse en ce sens qu'on accepte ou on rejette en bloc tout le projet, mais plutôt une hypothèse sur différents aspects.

Vous soulevez l'argument de la possibilité de tirer parti de l'activité portuaire actuelle dans l'Est canadien. Il est clair que c'est une possibilité que nous aimerions beaucoup examiner. Pourquoi militerions-nous en faveur de la construction d'un nouveau port quand nous en avons un qui est considérablement sous-utilisé ou un autre qu'il serait possible d'agrandir au lieu de commencer à partir de rien ailleurs? Nous avons fait valoir ces arguments en ce qui concerne les ports de la côte Ouest; nous avons examiné les contraintes immobilières à Vancouver, la possibilité d'agrandir le port du Grand Vancouver, qui est très peu probable en raison des coûts, alors remonter plus haut le long de la côte a bien du sens.

En ce qui concerne l'intérêt pour le Nord, j'abonde dans le même sens que M. Sulzenko, qui affirme qu'il serait avantageux de réduire la congestion sur les lignes de transport méridionales, et pas seulement de réduire la congestion, mais aussi de dépasser certaines limites physiques de l'expansion d'une partie de ces lignes. Le transport d'est en ouest des cargaisons surdimensionnées pose actuellement problème. Je pense à des biens fabriqués en particulier pour servir dans les installations d'exploitation des sables bitumineux à des endroits comme Fort McMurray. Le commerce d'est en ouest de pareilles marchandises au Canada est très difficile étant donné que le corridor de transport dont nous disposons actuellement ne permet pas l'envoi des cargaisons surdimensionnées, si bien qu'une bonne partie de ces marchandises doit être fabriquée aux États-Unis où les coûts de construction ne sont généralement pas moins élevés. C'est juste qu'il nous est physiquement impossible de les expédier de l'Est canadien à l'Ouest canadien en empruntant le corridor que nous avons actuellement.

Si on prend le plan à long terme sur 20, 50 ou 100 ans, et on regarde en arrière pour prévoir l'avenir, la création d'un réseau de transport secondaire ou plutôt l'expansion du réseau actuel dans le cadre de laquelle nous déplacerions une grande partie du transport est-ouest plus au nord des centres existants devient une hypothèse qu'il est raisonnable d'étudier davantage.

Le sénateur Day : Permettez-moi de terminer en vous remerciant infiniment, mais j'espère vous encourager à envisager d'autres options dans le Sud. Quand j'étais plus jeune, j'avais l'habitude d'emprunter la ligne dont le sénateur a parlé tout à l'heure, qui partait de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et qui passait par Montréal. Elle n'était pas suffisamment fréquentée pour qu'on continue de l'opérer, mais elle passait par le Maine. Elle nous permettait de gagner de nombreuses heures. Il y a donc aussi une interconnexion avec la côte Est des États-Unis en ce qui concerne la ligne de transport de haut voltage provenant de notre centrale nucléaire dans le Sud du Nouveau-Brunswick que le Québec utilise aussi.

Ces choses existent donc, mais on n'a simplement pas fait le lien entre elles. Vous pourriez offrir un très bon service en le faisant par le truchement de ce corridor de transport multimodal.

M. Sulzenko : Monsieur le président, ce que je retiens de cette discussion récente c'est que, lorsqu'on prend le premier pilier, les dimensions physiques, on est encouragé à l'accroître pour l'intégrer au système méridional et à tenir compte des changements qui pourraient ensuite profiter à ce système ainsi qu'au nouveau.

Nous estimons que cela offre un intérêt considérable.

Le président : Je l'appelle le « hall d'entrée des Maritimes », mais prenez-le comme vous voulez.

Le sénateur Day : Dites simplement oui.

Le sénateur Black : J'ai deux questions pour vous. Pour le comité et les téléspectateurs, pouvez-vous nous dire ce que vous envisagez dans le corridor? Vous n'en avez pas parlé, et nous aimerions que vous le fassiez.

M. Fellows : Au minimum, nous voudrions qu'il y ait une route, un chemin de fer ou les deux. Ces moyens de transport en particulier ont une incidence tout le long de l'infrastructure linéaire. Si vous les comparez à une ligne de transport ou à un oléoduc, un problème particulier est que lorsque vous construisez un oléoduc, vous obtenez des avantages considérables d'un côté et des avantages potentiels de l'autre. Ensuite, une fois qu'il a été construit, vous obtenez bien peu d'avantages au milieu. Si un oléoduc fonctionne adéquatement, vous ne savez même pas qu'il est là.

Avec une route ou un chemin de fer, vous réduisez les coûts de transport, tant vers l'extérieur que vers l'intérieur d'une région, donc à la fois pour les exportations et les importations. Cela fait en sorte que les exportations de ces ressources et marchandises dont nous avons parlé plus tôt soient plus économiques. Cela a aussi le potentiel de réduire de façon dramatique le coût de la vie dans ces régions.

C'est là que je commence.

Pour ce qui est du mérite potentiel, les lignes de transport d'électricité ne sont pas loin derrière, selon l'endroit exact dans le corridor potentiel. C'est une question de sources de production et d'emplacement des ressources. Nous savons que nous avons un bon potentiel hydroélectrique au Manitoba, alors il y aurait lieu d'essayer de construire des lignes de transport d'électricité qui partent de là-bas. Il pourrait aussi s'agir d'énergie éolienne dans d'autres régions; il conviendrait de miser sur ces types de production d'énergie pour les distribuer entre différentes régions et réduire la dépendance aux sources d'énergie moins importantes et moins économiques, comme les combustibles de soute ou le charbon.

Le sénateur Black : Le transport par route et par chemin de fer, le transport électrique, les oléoducs — qu'en est-il de la fibre optique?

M. Fellows : Oh, oui, merci. Pour ce qui concerne l'infrastructure des TI, la fibre optique est un autre de ces éléments cruciaux qu'on peut distribuer entre différentes régions.

En particulier, cette question a un rapport avec ce dont nous parlions précédemment au sujet de l'agrandissement du réseau actuel. Avec la fibre optique, il devient important de prévoir des redondances dans le réseau au fil du temps, particulièrement dans des régions éloignées du Nord. Je sais déjà que dans les Territoires du Nord-Ouest, on envisage de tenter d'installer un réseau bouclé dans le cadre duquel toutes les lignes d'infrastructure de fibre optique sont disposées en boucles; ainsi, en cas de déconnexion dans une région, on peut rediriger le signal de l'autre côté de la boucle. Les fibres optiques sont très sensibles aux feux de forêt et aux autres perturbations physiques.

Le sénateur Black : Ajouteriez-vous quelque chose?

M. Fellows : Rien ne me vient immédiatement à l'esprit. Mais à part les routes et le chemin de fer, je pense que nous sommes assez agnostiques à cet égard.

Le sénateur Black : Je vous demanderais enfin ce que vous pensez que le comité devrait faire. Si nous étions enclins à appuyer cette initiative nationale, que nous encourageriez-vous à faire et à penser?

M. Sulzenko : C'est comme demander « Que voulez-vous pour Noël? » Notre priorité immédiate consisterait à trouver des parrains pour notre programme de recherche, car l'école recourt à des parrainages pour assurer le fonctionnement de tous les programmes de recherche. Nous n'obtenons pas de financement de l'Université de Calgary. L'école fait appel à divers partenaires privés et publics pour parrainer ses programmes de recherche. C'est son modèle, et ce serait notre priorité.

Si mon souhait pouvait se réaliser, j'encouragerais le gouvernement fédéral, dont vous faites partie, à soutenir de quelconque façon le programme de recherche que nous proposons. Ce serait formidable.

J'ai indiqué plus tôt que l'initiative est bien connue des fonctionnaires, et c'était le cas avant même que notre rapport ne soit publié. Je ne veux parler de personne en particulier, mais certains souhaitaient vraiment que nous allions de l'avant. Reste à savoir comment nous formerons un consortium avec le gouvernement fédéral pour appuyer l'initiative.

Nous sommes convaincus d'avoir besoin de sources multiples de soutien, car nous voulons montrer que nous n'agissons pas au nom d'un groupe quelconque. Ce n'est pas une initiative du milieu des affaires ou du gouvernement. Nous voudrions donc former une sorte de consortium composé de trois parties, soit des secteurs public et privé, ainsi que d'organisations sans but lucratif ou d'une fondation pour que la recherche issue de cette initiative, qui sera examinée par des pairs, soit considérée comme impartiale, non partisane ou peu importe le terme que vous voulez employer.

Le sénateur Black : Vous ou l'école ne demandez rien au gouvernement fédéral?

M. Sulzenko : Je dois faire attention ici. Nous avons eu des discussions non officielles...

Le sénateur Black : Je m'y attends bien.

M. Sulzenko : ... mais elles n'ont donné lieu à aucun engagement.

Le président : Je veux donner suite à ma question initiale, car la question de la souveraineté dans l'Arctique est importante sur le plan des politiques. Les Danois, les Russes, les Chinois, les Japonais, tout le monde s'intéresse à la région. Voilà pourquoi je vous ai demandé si vous pouviez nous en dire davantage sur la question de la souveraineté économique. Plus nous intégrons économiquement le Nord au reste du pays, moins les autres pays ont d'arguments pour le revendiquer. Sinon, ils vont nous mettre en pièce morceau par morceau au cours des 30 ou 40 prochaines années.

M. Sulzenko : C'est également ce que nous présumons, et cette tendance s'accélérera quand le passage du Nord-Ouest deviendra utilisable à l'année. Je pense que ce sera le moment charnière auquel tous ces pays commenceront à faire valoir leurs intérêts.

Si le Canada est actif dans l'Arctique, cela confère une plus grande crédibilité à nos revendications, lesquelles seront incompatibles avec celles d'autres pays. Nous savons déjà ce que leurs positions seront probablement. C'est un des domaines qui devraient faire l'objet d'une étude distincte pour examiner la question d'un point de vue presque géopolitique afin de déterminer à quel point ce sera important et pendant combien de temps ce le sera.

Le président : C'est important, si on compare les problèmes d'ingénierie à ce qu'ils étaient au XIXe siècle, quand les ingénieurs avaient comme perspectives les Prairies, en partant du Nord et même du Sud de l'Ontario jusqu'aux montagnes. Seigneur.

La sénatrice Wallin : Saskatoon est frappée par une tempête de neige aujourd'hui, ce qui bat des records datant de 100 ans.

Le président : C'est ce damné réchauffement climatique.

La sénatrice Wallin : Et c'est dans le Sud. Nous ne devons donc pas nous préoccuper du Nord.

Le président : Je ne m'en préoccupe pas. Merci, messieurs. Voilà qui a bien commencé notre examen de tout ce concept. Si vous pouviez recommander à nos greffières d'autres témoins de diverses régions du pays qui pourraient nous aider dans notre étude, nous vous en serions reconnaissants.

La séance de demain se tiendra dans la pièce 160 de l'Édifice du Centre.

(La séance est levée.)

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