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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule no 37 - Témoignages du 29 mars 2018


OTTAWA, le jeudi 29 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, de même qu’aux membres du grand public présents dans la salle ou qui suivent sur le Web les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et j’ai le privilège de présider ce comité.

Je demanderais à mes collègues de se présenter, s’il vous plaît.

Le sénateur Marwah : Sénateur Marwah, de l’Ontario.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Bien entendu, nous profitons également des excellents services de notre greffière et des analystes.

Je suis heureux de présenter notre premier groupe de témoins. Nous avons Gord Tait, conseiller d’affaires des Huttériens, MNP s.r.l., de Lethbridge et Calgary; John Waldner, secrétaire trésorier, Kings Lake Colony Farming; Michelle Janz, dirigeante fiscale des Huttériens, MNP s.r.l., qui vient également de Calgary; et, enfin, au grand honneur de notre comité, l’honorable Dan Hays, C.P., ancien Président du Sénat.

J’aimerais ajouter — je suis certain de ce que j’avance — que le sénateur Hays compte également sans aucun doute parmi les éminents résidants de l’Alberta. Sa contribution non seulement au Sénat, mais aussi à notre province, pendant carrément des dizaines d’années, est considérable. Le comité est honoré, sénateur Hays, que vous soyez ici pour parler de cette question.

Bienvenue. Je crois que vous allez tous contribuer à un exposé. Je vous rappelle que nous n’avons qu’une heure pour cette partie de la séance, qui doit également comprendre une importante période consacrée aux questions et aux réponses. Par conséquent, je sais que les témoins seront comme toujours prompts et concis. Je remercie le sénateur Tannas d’avoir préparé pour nous la réunion de ce matin.

Gord Tait, conseiller d’affaires des Huttériens, MNP s.r.l. : Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie ainsi que vos collègues sénateurs de nous donner l’occasion de témoigner devant vous. J’ai eu le privilège de travailler avec la communauté huttérienne tout au long de ma vie professionnelle.

Nous sommes ici aujourd’hui pour demander votre aide sur une question d’équité fiscale concernant les Huttériens au Canada. Mon père, Logan, était présent dans les années 1960 lorsque les règles initiales régissant l’imposition des profits provenant de l’agriculture des colonies huttériennes ont été élaborées. Le problème, c’est que ces règles ont à peine changé depuis, et que les Huttériens sont donc désavantagés à cause de leur religion.

Le sénateur Tannas a bien décrit la situation quand il a mentionné que les Huttériens étaient figés dans le temps en matière d’imposition. Plus de 90 p. 100 des 40 000 Huttériens au Canada sont des clients de MNP. Les dirigeants de la Hutterian Brethren Church nous ont demandé de tous les représenter aujourd’hui.

Les Huttériens sont venus au Canada il y a plus de 100 ans, et la Loi du Parlement du Canada a reconnu la Hutterian Brethren Church en 1951. La perception dans la société est que les Huttériens ne paient aucun ou beaucoup moins d’impôt que le Canadien moyen, ce qui est faux. À vrai dire, ils sont les seuls à être imposés en vertu de l’article 143 de la Loi de l’impôt sur le revenu et ils paient considérablement plus d’impôts que leurs voisins non huttériens. Tout ce qu’ils veulent, c’est être assujettis aux mêmes règles que les autres Canadiens, ni plus ni moins.

J’aimerais demander à John de vous présenter quelques observations. Michelle expliquera ensuite de quelle manière les Huttériens sont injustement imposés et elle vous présentera nos solutions simples et rentables, puis le sénateur Hays sera notre dernier intervenant.

John Waldner, secrétaire trésorier, Kings Lake Colony Farming Co. Ltd. : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, les Huttériens ne demandent qu’à être imposés comme tous les autres fermiers du Canada, ni plus ni moins. Je suis le gestionnaire de la colonie huttérienne Kings Lake depuis 21 ans. Je parle aujourd’hui au nom des 40 000 Huttériens des 350 colonies qui se trouvent dans l’ouest des Prairies. Mon histoire est assez commune dans l’Ouest canadien : je suis un fermier qui travaille fort et comme vous tous, je suis fier d’être Canadien.

Notre vie est simple et guidée par notre foi chrétienne. Nous partageons tous nos biens, nous ne prenons pas de vacances et nous n’avons pas de téléviseurs, d’ordinateurs, d’iPod et toutes ces autres choses que beaucoup de monde possède. Nous fabriquons nos meubles et nos vêtements dans la colonie. Nous avons 7 véhicules pour 21 familles. Nous vivons ensemble, nous travaillons ensemble et nous partageons tout.

La colonie s’occupe des besoins de tous ses membres, de la naissance à la mort. Nous n’avons pas de chômage. Nous nous occupons de nos personnes âgées et des infirmes. Nous chérissons notre vie au Canada. La vie est bonne à la colonie.

Nous cultivons les prairies depuis plus de 100 ans. Nous avons pu vivre en paix et en harmonie, et nous en sommes reconnaissants. Je me trouve très chanceux de pouvoir vivre et de travailler avec mes enfants, mes petits-enfants, mes parents, mes beaux-parents, mes frères et mes sœurs.

Toutefois, je suis troublé et en colère quand on me dit que les Huttériens paient beaucoup plus d’impôts en raison de leurs croyances. Kings Lake, comme d’autres colonies, est un parfait exemple de ferme familiale. Nous exploitons 18 500 acres avec 21 familles et 96 membres, ce qui revient à moins de 1 000 acres par famille. C’est une très petite ferme en comparaison avec une grande partie des autres fermes familiales des Prairies, y compris celles de nos voisins. Nous avons aussi à la colonie une laiterie, un poulailler de pondeuses et une entreprise de fabrication.

Nous nous levons tous les jours et nous travaillons dans les champs, les étables, les ateliers et dans notre potager. Je ne comprends pas tous les détails techniques, mais l’Agence du revenu du Canada nous dit pourtant que notre revenu ne provient pas de notre agriculture et que ce n’est pas un revenu de travail.

S’il ne s’agit pas d’un revenu agricole ou d’un revenu de travail, peut-on me dire de quelle sorte de revenu il s’agit? Je peux vous garantir que nous sommes bien des fermiers et que nous travaillons très fort pour gagner notre vie.

C’est pourquoi je suis ici, pour que cette iniquité soit réglée. Nous avons été trop longtemps traités injustement par notre système d’imposition. Comme je l’ai mentionné auparavant, nous ne voulons pas de traitement spécial; nous voulons tout simplement être traités comme tous les autres Canadiens.

Les Huttériens sont arrivés au Canada en 1917 pour fuir la persécution religieuse. Notre histoire est une réussite en matière d’intégration culturelle dans ce beau pays. Nous avons été capables de conserver notre mode de vie traditionnel — je répète que nous en sommes reconnaissants — tout en jouant un rôle important dans nos collectivités locales et dans l’économie agricole canadienne.

Dans toute notre histoire s’étalant sur 500 ans, les Huttériens n’ont jamais profité d’une aussi grande période de liberté. Le code fiscal est toutefois discriminatoire envers nous en raison de notre religion.

Nous avons besoin de votre soutien et de votre leadership pour mettre un terme à cette discrimination. Nous vous demandons d’exiger du gouvernement fédéral qu’il règle cette question afin d’atteindre l’équité fiscale pour tous, pour que mes enfants, mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants puissent continuer de cultiver la terre dans notre grand pays.

J’en profite également pour remercier les dirigeants de la Hutterian Brethren Church de m’avoir permis de vous raconter mon histoire aujourd’hui. Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs, du temps que vous m’avez accordé.

Michelle va maintenant expliquer de quelle manière le code fiscal est discriminatoire envers nous. Merci.

Michelle Janz, dirigeante fiscale des Huttériens, MNP s.r.l. : Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, l’objectif concernant l’imposition des Huttériens est très clair. Il remonte à 1961, lorsque la commission Carter a affirmé qu’il faut trouver un moyen d’imposer les revenus des Huttériens de manière juste et équitable. En 1977, le Sénat du Canada a déclaré vouloir s’assurer que les Huttériens sont traités favorablement, mais pas plus que les autres contribuables. L’objectif était de les traiter exactement comme leurs voisins non huttériens.

Puisque les membres de la colonie ne reçoivent aucun revenu directement, l’objectif a été atteint en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à permettre la création de fiducies fictives ou réputées.

Ces fiducies ont fourni un mécanisme permettant de calculer le revenu total de la colonie qui pourra ensuite être imposé aux membres comme si ce revenu avait été obtenu individuellement.

La première iniquité fiscale que nous allons aborder se rapporte à la source de revenus. Depuis le premier jour, l’Agence du revenu du Canada reconnaît que ces fiducies réputées ou fictives issues de l’article 143 sont traitées très différemment de toutes les autres fiducies. L’agence exige que le revenu personnel des Huttériens soit déclaré comme un revenu agricole sur la déclaration d’impôt des particuliers. L’ARC a affirmé qu’il s’agit d’un revenu provenant d’un travail indépendant.

À MNP, depuis 1961, nous avons rempli environ 500 000 déclarations de revenus d’Huttériens en 52 ans. L’ARC n’a jamais remis en cause cette façon de procéder ou dit que nous devions faire quelque chose différemment.

Imaginez alors notre surprise lorsqu’en 2014 l’ARC a modifié le formulaire servant à calculer la Prestation fiscale pour le revenu de travail de manière à expressément exclure les Huttériens. Donc, après cette longue période, sans poser de questions sur les sommes déclarées en tant que revenus agricoles et sans modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, l’ARC a modifié le formulaire.

Par contre, en même temps, l’ARC continue de dire aux Huttériens que leurs revenus proviennent d’un travail indépendant aux fins du Régime de pensions du Canada. D’une part, ces revenus proviennent d’un travail autonome s’ils doivent cotiser au Régime de pensions du Canada, mais, d’autre part, ils n’ont pas droit à la Prestation fiscale pour le revenu de travail. C’est illogique et contradictoire. Soudainement, les dispositions qui ont été élaborées pour imposer les Huttériens de manière juste sont maintenant utilisées comme instrument d’iniquité.

Les fermiers non huttériens ont droit à la Prestation fiscale pour le revenu de travail, mais pas les fermiers huttériens, même s’ils font exactement le même travail. Je vous prie de m’aider à expliquer à John et aux 40 000 Huttériens qui vivent au Canada pourquoi ils sont expressément privés d’un avantage fiscal auquel ont droit tous les autres Canadiens.

Nous avons recommandé une solution simple qui éliminerait la confusion et la discrimination. En effet, le libellé de l’article 143 de la loi devrait dire que, aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, le revenu attribué à un membre par une fiducie créée en vertu de l’article 143 doit conserver son caractère de manière à ce que les revenus agricoles de la colonie soient aussi des revenus agricoles pour les membres en tant que particuliers. Un gain en capital de la colonie serait un gain en capital pour le membre.

De plus, les Huttériens font maintenant face à quatre années de réévaluations avec environ 30 millions de dollars à risque parce que l’Agence du revenu du Canada leur dit que leurs revenus ne sont pas des revenus de travail, que ce ne sont pas des revenus agricoles. Nous nous en remettons donc également à votre leadership pour résoudre cette question.

La deuxième question d’iniquité se rapporte à la formule de l’article 143 de la Loi de l’impôt sur le revenu et à sa nature restrictive. Premièrement, les Huttériens n’ont pas droit à une déduction en vertu de la loi s’ils offrent un salaire à un membre de la colonie.

Deuxièmement, ce n’est que depuis 1999 qu’une femme mariée habitant sur une colonie huttérienne peut préparer et effectuer sa propre déclaration de revenus en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, et même à l’heure actuelle, elle n’a droit qu’à la moitié. C’est à cause de la loi.

Troisièmement, seuls les membres de 18 ans et plus ont droit à une attribution de revenus, et, quatrièmement, le fait même de recourir à une formule pour déterminer comment les revenus seront répartis leur enlève toute forme de marge de manœuvre. Par conséquent, les Huttériens paient beaucoup plus d’impôts.

Je suis fiscaliste en droit agricole depuis plus de 20 ans. Les entreprises et les exploitations agricoles non huttériennes peuvent verser un salaire ou attribuer un revenu à des particuliers, peu importe leur âge, leur sexe, leur religion ou leur relation avec le propriétaire. La seule exigence est que le montant soit raisonnable dans les circonstances. Le particulier doit jouer un rôle actif dans l’entreprise et le montant doit être raisonnable.

Tous les membres d’une colonie travaillent activement dans l’entreprise. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs affirmé que :

Il est incontestable que le principal métier est celui d’agriculteur et que c’est le seul métier exercé par tous les membres.

Nous recommandons que la formule se trouvant dans la Loi soit remplacée par un contrôle de vraisemblance. Ne serait-il pas parfaitement équitable de traiter les Huttériens de la même façon que les autres contribuables canadiens?

Vous trouverez des exemples à la section 9 du dossier, et je serais ravie de les passer en revue si quelqu’un le souhaite. Notre dernière demande est une modification de la définition du terme « congrégation » à l’article 143, dans le seul but de l’harmoniser avec la constitution de la Hutterian Brethren Church, qui a servi pour les autres définitions.

Pour conclure, l’objectif de l’article 143 est manifeste : imposer les Huttériens de manière équitable. Malheureusement, malgré les importantes modifications apportées au reste de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’article 143 a été négligé, ce qui a mené leur traitement inéquitable sur le plan fiscal.

Les Huttériens paient une pénalité fiscale importante tout simplement à cause de leur religion. On a perdu de vue l’objectif, et nous avons besoin du leadership des sénateurs pour éliminer la discrimination économique et religieuse qui existe actuellement.

Nous vous demandons de préparer un rapport qui exhortera le ministre des Finances à intervenir pour redresser cette injustice en modifiant l’article 143 de la loi, ce qui nous viendrait en aide à l’avenir.

Nous vous prions également de nous soutenir en demandant à l’ARC de réévaluer les revenus des quatre dernières années au moyen de la méthode utilisée pour les 52 années précédentes.

Nous sommes impatients d’avoir avec vous une discussion constructive et de répondre à vos questions après le témoignage du sénateur Dan Hays.

Merci.

L’honorable Dan Hays, C.P., ancien Président du Sénat : Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

Je comparais devant vous aujourd’hui avec les autres témoins à titre personnel et, surtout, en tant qu’ancien voisin d’une colonie huttérienne qui se trouvait très près d’une exploitation agricole que mon père et moi avons dirigée pendant environ 40 ans.

Pendant cette période, j’ai appris à bien connaître les Huttériens et je les ai ensuite représentés en tant qu’avocat en 1977 devant le même comité et dans le même dossier. Si vous êtes intéressés, c’est très instructif pour comprendre ce qui posait problème à l’époque et ce qui pose encore problème aujourd’hui.

On l’a très bien exprimé. Nous avons un groupe d’agriculteurs qui déclarent leurs revenus du mieux qu’ils le peuvent en fonction de ce que leur demande l’Agence du revenu du Canada. L’effet net de ce que demande l’agence est leur exclusion d’un certain nombre de choses, notamment des déductions pour la contribution des membres âgés de moins de 18 ans, ce qui constitue une discrimination à leur égard.

Cette situation ne peut être justifiée que par leur mode de vie, qui est motivé par une croyance religieuse selon laquelle leur salut — leur place au paradis, ce qui est important et peut-être, à vrai dire, central dans la foi chrétienne — dépend de leur capacité de vivre à l’écart du monde. Je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est à cette fin qu’ils vivent dans des colonies à l’écart du monde. Ils interagissent avec les autres dans la mesure où c’est nécessaire, pour avoir les fonds et le gagne-pain nécessaires pour prospérer.

Ils ont peut-être d’autres entreprises, mais ils travaillent surtout dans le secteur agricole, et je tenais à faire cette mise au point. Je voulais expliquer pourquoi ils vivent ainsi. Je représente la colonie huttérienne depuis plus de 16 ans. Non, en fait, depuis beaucoup plus longtemps que ça; depuis 40 ans. Quand on arrive à un certain âge, notre mémoire nous joue parfois des tours.

Quoi qu’il en soit, nous avons eu gain de cause en 1977 dans ce même dossier. Il a fallu une longue période d’adaptation pour cette importante communauté qui compte maintenant 40 000 membres et qui contribue grandement à notre économie. Il faudrait revoir les pratiques de l’ARC.

J’ignore ce qui a amené l’ARC à modifier ses méthodes d’évaluation. Je suis certain qu’ils pourront nous l’expliquer. Je ne vois pas pourquoi on ferait de la discrimination envers un groupe de gens qui, en raison de leurs croyances religieuses, vivent en colonie pour atteindre cet objectif religieux qui est de ne pas se laisser séduire ni influencer par le monde, au sens biblique, qu’ils considèrent dangereux pour leur âme.

Nous avons déjà parlé pendant 20 minutes, alors je pense que cela suffit. J’espère que vous aurez de bonnes questions à nous poser, parce qu’il s’agit d’un enjeu très important. L’équité est une valeur qui nous tient tous à cœur au Canada, et nous avons l’obligation de ne faire aucune discrimination pour des motifs religieux.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Nous allons maintenant enchaîner avec la période de questions. C’est la vice-présidente, la sénatrice Stewart Olsen qui va ouvrir le bal.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci encore une fois d’être ici aujourd’hui. Permettez-moi de dire d’emblée que nos communautés agricoles nous sont très chères. Je ne vais probablement pas parler des valeurs religieuses, mais plutôt de l’économie rurale et de votre demande d’être traités au même titre que tous les autres agriculteurs. Voilà ce que vous demandez essentiellement.

J’ai deux questions à vous poser. L’Agence du revenu du Canada vous dit que votre revenu ne provient pas de l’agriculture et qu’il ne s’agit donc pas d’un revenu de travail. Vous dites également que l’ARC a modifié le formulaire d’impôt fédéral pour la Prestation fiscale pour le revenu de travail de manière à exclure spécifiquement les Huttériens.

Pour les gens qui nous écoutent, pourriez-vous répondre à ces deux questions? Pourquoi, selon eux, ne s’agit-il pas d’un revenu de travail, et pourquoi cherchent-ils à exclure les Huttériens?

Mme Janz : La Prestation fiscale pour le revenu de travail a été créée en 2007. Pour y être admissible, les critères sont très simples. Vous devez avoir vécu au Canada toute l’année, être âgé de 19 ans ou plus et toucher un revenu de travail, que ce soit un revenu provenant d’un travail indépendant, d’une entreprise ou de l’agriculture. Les critères sont très simples.

Chez MNP, nous produisons les déclarations de revenus des Huttériens de la même manière depuis 1961. Nous déclarons leurs revenus comme étant des revenus agricoles. De 2007 à 2013 inclusivement, soit pendant sept ans, les Huttériens ont reçu la Prestation fiscale pour le revenu de travail, et pas une seule fois cela n’a été remis en cause. En 2014, une personne de l’ARC a décidé qu’une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu — je vais essayer de ne pas compliquer les choses, car en réalité, c’est très simple. Le paragraphe 108(5) est une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu qui n’est entrée en vigueur qu’en 1982, soit 20 ans après le début de l’imposition des colonies huttériennes. L’objectif était en fait une disposition anti-évitement. Les colonies huttériennes ne pouvaient attribuer aucun revenu aux enfants mineurs parce que la formule permettait uniquement l’attribution aux membres âgés de 18 ans et plus. Par conséquent, jamais cette disposition ne devait s’appliquer aux Huttériens, sans compter le fait que le résultat est injuste. Pourtant, c’est la disposition qu’applique l’ARC.

Grosso modo, le paragraphe 108(5) prévoit que le montant reçu par le bénéficiaire d’une fiducie est réputé être un revenu tiré d’un bien plutôt que d’une activité agricole ou d’une entreprise. L’ARC dit qu’il n’a jamais été question d’appliquer cette disposition aux Huttériens, mais pourtant, c’est bien ce qui se passe en ce moment. On leur dit : « Vous n’avez désormais plus de revenu de travail. Votre revenu est maintenant considéré comme étant un revenu de biens .» En fait, on a modifié le formulaire.

Si vous allez à la section 5, vous verrez à quoi ressemblait le formulaire en 2013. C’était le même de 2007 à 2013. Nous avons surligné la ligne « Total des revenus de travail indépendant déclaré aux lignes x de la déclaration », et c’est à cet endroit que les Huttériens déclarent leurs revenus.

Si vous passez maintenant à l’annexe 6, en 2014, l’ARC a modifié le libellé, de sorte qu’on y lit maintenant ceci : « excluant les revenus provenant d’un organisme communautaire ». Imaginez si on avait écrit « excluant les revenus provenant d’une organisation catholique ou d’une organisation mennonite ». On peut écrire n’importe quoi. C’est de la discrimination envers les Huttériens. En fait, on va encore plus loin que ça. Si vous prenez la section 7 de votre document et allez à la page 2-48, lorsqu’on produit une déclaration de revenus pour une colonie huttérienne, nous devons cocher une case qui indique leur religion. Mis à part les Huttériens, personne d’autre au Canada ne doit déclarer sa religion. Ainsi, l’ARC peut donc les identifier et leur refuser la Prestation fiscale pour le revenu de travail. On peut y lire le message d’erreur suivant : « un montant a été demandé à la zone 453 à la page 4 de la déclaration », ce que l’on fait lorsqu’on demande la Prestation fiscale pour le revenu de travail. « Vous avez ensuite indiqué que votre client est un membre d’une organisation communautaire à la zone 9905; cependant, il n’est pas admissible pour cette demande. » Il n’est pas admissible. C’est ainsi qu’on le dit. On trouve cela à la page 2-48 de la section 7.

La sénatrice Stewart Olsen : J’aimerais avoir une explication. Lorsque vous parlez des enfants, est-ce qu’ils produisent également des déclarations? Est-ce qu’ils demandent un crédit d’impôt sur les fonds communautaires?

Mme Janz : Les enfants ne sont pas autorisés à produire une déclaration.

La sénatrice Stewart Olsen : D’accord. Merci.

Mme Janz : Ils sont les seuls Canadiens à ne pas pouvoir faire une déclaration de revenus.

La sénatrice Wallin : Si vous me le permettez, j’aimerais faire écho aux propos du sénateur Hays. J’ai deux parties de ma famille qui vivent aux côtés d’une colonie huttérienne, et sachez que ce sont des voisins très gentils et généreux. J’aimerais vous raconter une petite anecdote. Ma sœur a travaillé pendant de nombreuses années auprès de personnes ayant une déficience physique ou mentale. Elle dirigeait cinq foyers collectifs et plusieurs entreprises. À la fin de la saison agricole, lorsque les Huttériens récoltaient leurs légumes en prévision de l’hiver, ils donnaient des sacs remplis d’aliments aux foyers collectifs, et ce, sans en tirer aucun avantage fiscal. C’était un simple cadeau à la communauté. Je tiens donc à vous remercier d’être des voisins aussi généreux. Je vous en suis très reconnaissante.

Je ne suis pas certaine, mais je crois qu’on vous considère comme étant une fiducie dans laquelle tous les enfants, quel que soit leur âge, reçoivent un revenu — non? Est-ce que je me trompe?

Mme Janz : Vous avez raison. On a créé une fiducie fictive parce que la plupart de nos clients huttériens — et nous représentons près de 95 p. 100 des Huttériens au Canada — sont légalement constitués en société. Au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, ils sont une fiducie fictive. La fiducie fictive a été l’instrument choisi pour permettre à la colonie de payer de l’impôt comme si ses revenus étaient gagnés par ses membres individuellement. On prend le revenu total et on le divise par le nombre de membres ayant 18 ans et plus, et on attribue seulement 50 p. 100 aux femmes. Nous n’avons aucun problème avec la fiducie. Ce qui nous pose problème, c’est l’application d’une disposition de la loi qui n’a jamais visé les Huttériens. On nous a toujours dit de déclarer leurs revenus comme étant des revenus agricoles ou des revenus de travail. En vertu de cette disposition, on ne pouvait pas attribuer de revenus aux enfants, alors cela ne pouvait pas s’appliquer à eux. Dans ce cas, pourquoi avoir attendu jusqu’en 2014? Est-ce qu’il a fallu sept ans pour que l’Agence du revenu du Canada prenne connaissance des changements dans la loi? J’espère que non.

La sénatrice Wallin : Pour ce qui est de l’attribution autorisée de 50 p. 100 pour les femmes et du libellé très précis concernant la vie en communauté, d’une part, est-ce que vous vous êtes adressés à une commission des droits de la personne et, d’autre part, est-ce que l’ARC vous a donné une raison?

Mme Janz : Nous avons essayé de soulever la question auprès du ministère des Finances, de l’Agence du revenu et ainsi de suite. Nous nous sommes entretenus avec des avocats spécialisés en droits de la personne. Évidemment, cela enfreint le paragraphe 15(1) de la Charte. Cependant, si les colonies huttériennes portent leur cause devant les tribunaux, cela pourrait prendre 10 ans, si tout va bien. Il serait insensé que les Huttériens et les contribuables paient autant d’argent, alors que la solution nous paraît évidente.

La sénatrice Wallin : Lorsque vous avez soulevé la question, quels arguments a-t-on invoqués? Qu’il était acceptable, dans ce cas-ci, de faire preuve de discrimination envers les femmes?

Mme Janz : Tout cela me dérange. Mais vous me dites que ce n’est que depuis 1999 que la Loi de l’impôt sur le revenu reconnaît la contribution d’une femme au sein d’une colonie huttérienne, et maintenant, elle limite sa part à 50 p. 100? J’ai beaucoup de difficulté avec ça, mais, Gord, je suis sûre que vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

Certaines personnes au sein du ministère des Finances nous ont dit que c’est ce que prévoit la Loi de l’impôt sur le revenu… Je leur ai dit que je n’étais pas d’accord. Ne convenez-vous pas que le résultat est injuste? Cela ne peut être accepté au Canada.

M. Tait : Ne nous lançons pas là-dedans. Comme vous le savez, nous sommes très passionnés.

La sénatrice Wallin : Nous aussi.

M. Tait : Le but ici était, comme l'a fort bien expliqué le sénateur Hays, de trouver un moyen d’imposer les revenus des Huttériens équitablement, en respectant leurs croyances religieuses. Je pense que nous conviendrons tous que le système au départ visait à les traiter équitablement. Comme le sénateur Tannas l’a dit, étant donné que les règles sont demeurées inchangées, les Huttériens se sont ainsi retrouvés « figés dans le temps » en matière de législation fiscale. Si nous regardons l’évolution, nous constatons que ces mêmes règles qui visaient à les traiter équitablement les pénalisent grandement aujourd’hui.

Il faut essentiellement revoir l’article 143, qui devait initialement reconnaître le mode de vie et les croyances religieuses uniques de la colonie huttérienne, et non pas la pénaliser. On voulait qu’elle reçoive un traitement équitable. Cette disposition est née d’une bonne intention, mais elle a tout simplement été laissée de côté. Malheureusement, partout au Canada, on comprend et on perçoit mal ce que font les Huttériens. Beaucoup de gens croient à tort qu’ils ne paient pas d’impôt. Or, rien n’est plus faux.

Je pense que cette mauvaise perception est en partie à l’origine de la résistance à ces changements. Il est temps de sensibiliser les gens et de permettre aux Huttériens de mener leur vie et de payer leur juste part d’impôt, pas plus ni moins.

La sénatrice Wallin : Je vous remercie d’avoir précisé qu’ils ont toujours payé leurs impôts.

M. Tait : Absolument.

Le sénateur Marwah : Je suis ravi de vous revoir. Il y a sans aucun doute une injustice ici. Vous me semblez être les victimes de ce que j’appellerais les conséquences imprévues des changements à la Loi de l’impôt sur le revenu. On a voulu resserrer les règles concernant la définition du revenu de travail, et je peux comprendre pourquoi.

Le problème, selon moi, c’est qu’on a n’a pas modernisé l’article 143 pour tenir compte de ces changements. C’est ce qui explique pourquoi vous êtes pénalisés; vous êtes une fiducie et votre revenu est réputé être celui d’une fiducie.

Ne devrait-on pas demander à l’ARC de moderniser l’article 143 pour qu’il soit conforme à tout le reste?

Mme Janz : Absolument.

Le sénateur Marwah : Serait-ce une solution?

Mme Janz : Absolument, sénateur Marwah.

Le sénateur Marwah : Cela ne permettrait-il pas de reconnaître l’équité, le caractère raisonnable et ainsi de suite?

Mme Janz : C’est exact. Au fond, c’est ce que nous demandons. Il faut inclure dans un rapport au ministère des Finances tout ce que vous venez de dire. Il faut mettre à jour la loi et veiller à ce que le libellé…

Le sénateur Marwah : Conformément aux changements apportés à la Loi de l’impôt sur le revenu ces 40 dernières années?

Mme Janz : Exactement. Il n’y a rien qui dit qu’on doit appliquer le paragraphe 108(5). Ils pourraient l’interpréter à notre façon. À notre avis, il est sous-entendu, à l’article 143, que, aux fins de la loi, le revenu conserve son caractère, mais ils ont manifestement une interprétation différente. Il n’y a rien qui les empêche de revenir en arrière. Après nos déclarations de 2017, cela fera quatre ans.

Le sénateur Marwah : De toute évidence, vous devriez être réévalués pour les quatre années où vous avez été pénalisés. Cela va de soi.

Mme Janz : Mais ils pourraient laisser tomber ces réévaluations. Cela représente 30 millions de dollars.

Le sénateur Marwah : Je pense que c’est juste. Sion modifie la loi, et si on réévalue votre situation, il faudrait revenir sur les années où vous avez été pénalisés.

Pardonnez-moi mon ignorance, mais pourquoi ne pas tout simplement vous soustraire à l’application de l’article 143 et produire une déclaration de revenus comme tout le monde? Vous pourriez quand même avoir un revenu global, qui comprend celui des agriculteurs, des femmes et des enfants. Pourquoi ne pas faire ça?

M. Tait : C’est une excellente question. Tout d’abord, si on revient à l’intention initiale de l’article 143, on remonte à la commission Carter et au protocole d’entente conclut entre les Huttériens et le ministre du Revenu national de l’époque sur la façon d’imposer leurs revenus agricoles. Le protocole d’entente a été codifié dans l’article 143 en 1977.

La définition de la congrégation qui figure à l’article 143 est très stricte et limite son application sans même utiliser le terme Huttérien. Elle limite l’application de l’article 143 aux Huttériens. Par conséquent, si vous adhérez aux croyances des Huttériens, vous devez présenter votre déclaration de revenus en vertu de l’article 143. En aucun cas nous ne pourrions demander à nos clients de mettre de côté leurs croyances religieuses pour obtenir une prestation fiscale.

Le sénateur Marwah : Donc, cela signifie qu'on profanerait des croyances religieuses, si vous n’en tenez pas compte…

M. Tait : À ce moment-là, on enfreindrait les règles de l’article 143, et les déclarations de revenus seraient inexactes. Nous ne voulons pas remettre en question leur engagement ni leur foi. Nous avons formulé trois recommandations afin de modifier l’article 143. Nous proposons des modifications très simples au libellé qui pourraient moderniser l’article 143. Je comparais ici depuis plusieurs années et je vous demande toujours la même chose. La solution est logique et simple.

Mme Janz : Par ailleurs, à l’article 143, on parle de cette fiducie fictive, mais dans le protocole d’entente, il n’en est pas question. À l’époque, on pouvait utiliser la fiducie, mais dans le protocole d’entente qui a été codifié, on parle tout simplement d’un mécanisme pour calculer ce revenu.

Comme nous l’avons dit, depuis le début en 1977, cette fiducie a toujours reçu un traitement différent. L’ARC l’a toujours traitée différemment des autres fiducies, reconnaissant son caractère unique.

Le sénateur Wetston : Merci d’être ici aujourd’hui. J’aimerais qu’on parle du préavis et des informations que vous avez reçus. Qu’est-ce qu’on vous a dit exactement? Il me semble qu’il s’agit là d’une situation exceptionnelle. Je considère que, à tout le moins, madame Janz, vous auriez dû recevoir un avis de l’ARC de même que des explications pour justifier la situation. Est-ce le cas?

Mme Janz : Merci, monsieur le sénateur. C’est une bonne question. En fait, nous l’avons découvert simplement parce que, en tant que fiscaliste, je lis tout ce qui se passe et je vérifie les changements aux formulaires. Ni l’ARC ni le ministère des Finances ne nous ont informés de ces changements. Nous l’avons en quelque sorte appris par hasard.

Une fois que nous l’avons trouvé et que j’ai lu les changements qui seraient apportés à l’annexe 6, nous avons immédiatement pensé que cela devait être une erreur. Nous avons communiqué avec les cadres de la division des fiducies et nous avons écrit une note d’information très technique qui expliquait les raisons pour lesquelles cela devait manifestement être une erreur et que le paragraphe 108(5) ne pouvait possiblement pas s’appliquer.

Après avoir passé beaucoup de temps à tenter de comprendre ce problème, nous avons reçu une réponse composée d’un seul mot. La réponse était « non ».

Le sénateur Wetston : À titre de spécialiste en matière fiscale — manifestement —, comment l’ARC a-t-elle pu faire cela?

Mme Janz : Je peux vous dire exactement ce qui est arrivé. MNP s’occupe de 95 p. 100 de toutes les déclarations de revenus du Canada. Un citoyen de la Colombie-Britannique s’occupe de deux communautés huttériennes. Il n’a jamais produit de déclaration correcte. En effet, il a déclaré le revenu comme s’il s’agissait d’une fiducie et a déclaré qu’il s’agissait d’un revenu de bien, car il ne comprenait pas le fonctionnement de l’article 143. Il a fini par apprendre, car les communautés huttériennes en ont parlé, que MNP réclamait cette Prestation fiscale pour le revenu de travail. Il a écrit une lettre à l’Agence du revenu du Canada pour dire qu’il avait sûrement déclaré ces éléments incorrectement. Il a donc demandé à l’agence de réévaluer les déclarations et de donner la Prestation fiscale pour le revenu de travail à ses clients.

Un ou une employée de l’agence qui ne comprenait pas l’article 143 et qui n’avait pas pris le temps de l’examiner a répondu qu’il s’agissait d’une fiducie, et qu’il n’avait donc pas droit à cette prestation. C’est ce qui est arrivé. Nous avons cette lettre et les communications qui ont été changées entre l’ARC et cet autre comptable. Il s’agit donc de deux personnes qui n’ont déployé aucun effort pour comprendre le contexte ou le fonctionnement de ces dispositions. MNP et Tait Management travaillent avec les huttériens depuis 1960. Ces deux autres personnes ne travaillent pas avec eux depuis longtemps.

Le sénateur Wetston : Il est difficile d’entamer une discussion sur la question de savoir si ces personnes savaient ce qu’elles faisaient et pourquoi elles le faisaient. C’est une question difficile pour vous et pour notre comité.

Ma prochaine question est peut-être un peu difficile et injuste, mais à votre avis, la perception fiscale a-t-elle une conscience?

Mme Janz : Dans ma carrière, j’ai toujours travaillé dans le domaine fiscal, et je peux vous dire que, au cours des dernières années — c’est-à-dire depuis 5 ou 10 ans —, chaque fois que nous présentons un avis d’opposition, si le contribuable souhaite se battre, il doit toujours le faire devant les tribunaux, car la réponse est non, et la demande est refusée. Malheureusement, un grand nombre de nos clients ne peuvent pas se permettre de se rendre devant les tribunaux, car ils parlent de 3 400 $.

Le sénateur Wetston : Malheureusement, de nombreux Canadiens ne peuvent pas se permettre d’aller devant les tribunaux.

Mme Janz : Absolument.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Je suis surpris de ce que l’on entend ce matin, puisque ce que l’on entend, habituellement, c’est que tous les Canadiens doivent être traités équitablement.

Cela dit, est-ce que, à votre connaissance, il y a d’autres groupes religieux ou sociaux qui vivent le même genre de situation avec l’Agence du revenu du Canada sur le plan de l’imposition?

[Traduction]

Mme Janz : Merci. C’est une excellente réponse. Personne d’autre n’est imposé en vertu de cette disposition de la loi. Ce sont seulement les Huttériens. C’est exactement comme Gord l’a dit, c’est-à-dire que ces règles ont été adoptées à partir du protocole d’entente, une entente particulière signée entre les Huttériens et le ministre du Revenu national de l’époque. Personne d’autre n’est visé par cet article de la loi, ce qui, encore une fois, explique pourquoi il est facile de le négliger, de l’oublier et d’omettre de faire des changements.

M. Tait : J’allais ajouter un autre élément qui, à mon avis, est plutôt unique. Je ne suis certainement pas un spécialiste de l’histoire des religions, mais très peu de groupes de gens continuent de vivre comme les Huttériens, c’est-à-dire en mettant tout en commun. Il existe de nombreux groupes religieux, et nous les respectons tous, mais si vous revenez à l’époque de la réforme protestante, c’est-à-dire au moment où a été créée l’Église huttérienne, dans les années 1500, ces gens ont choisi de vivre leur vie comme le Christ et ses disciples et de tout partager. C’est le principe fondamental de leur croyance, et je ne crois pas que de nombreuses autres communautés partagent cette croyance religieuse au Canada. À notre connaissance, il n’y en a pas d’autres.

Nous avons demandé à de nombreuses reprises au ministère et à l’Agence du revenu du Canada si d’autres personnes faisaient une déclaration en vertu de l’article 143, et nous n’avons jamais entendu parler d’autres déclarants.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Globalement, combien de plus par année l’Agence du revenu du Canada perçoit-elle depuis qu’elle a appliqué les changements dont vous venez de parler?

[Traduction]

Mme Janz : À lui seul, le refus de la Prestation fiscale pour le revenu de travail représente environ 6 ou 7 millions de dollars par année, mais par communauté. En effet, toutes les communautés huttériennes ne reçoivent pas la Prestation fiscale pour le revenu de travail, tout comme ce ne sont pas tous les agriculteurs qui reçoivent la Prestation fiscale pour le revenu de travail. Cette prestation est fondée sur le revenu, et une fois que le revenu dépasse environ 20 000 $, la prestation est refusée. Il s’ensuit qu’environ le tiers des communautés huttériennes recevraient la Prestation fiscale pour le revenu de travail; ce montant serait de 35 000 à 50 000 $ pour une communauté qui nourrit 20 familles.

C’est un montant important par communauté et par famille. Dans mon exemple, vous pourrez constater que cela fait une différence d’environ 40 000 $ sur le revenu familial total. Le désavantage, pour une famille huttérienne, est d’environ 3 400 $. C’est ce qu’ils predent par année. Si vous augmentez ce montant à un revenu de 80 000 $, ce désavantage augmente à 15 000 $ pour cette famille. Il en coûte donc 15 000 $ de plus pour être huttérien. C’est donc une pénalité fiscale de 15 000 $.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Les Canadiens sont dans la période des impôts, qui est une période extrêmement difficile. Je vous remercie beaucoup de vos réponses.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Avec toute cette transparence — nous éclairons un peu votre problème —, si l’Agence du revenu du Canada disait que c’était une erreur et que cela ne se reproduirait plus, et qu’elle versait les 30 millions de dollars, devrions-nous en rester là, ou devrions-nous, à votre avis, modifier la loi pour refléter les changements que vous aimeriez y apporter?

Mme Janz : C’est une excellente question. Merci, sénateur Tkachuk.

Si nous ne modifions pas la loi… Nous pourrions résoudre le problème dès maintenant, et nous devons le résoudre maintenant. Trente millions de dollars, cela représente un terrible fardeau pour John et ses collègues huttériens.

Le sénateur Tkachuk : L’Agence du revenu vous exige-t-elle des intérêts?

Mme Janz : Absolument. C’est comme n’importe quel solde impayé. Il y a des intérêts et des pénalités lorsqu’il n’est pas payé.

Le sénateur Tkachuk : Combien demande-t-on? La somme usuraire habituelle?

Mme Janz : Oui. Le montant prévu plus le reste.

Il faut absolument corriger cette situation. Notre plus grande préoccupation, c’est que si nous ne modifions pas la Loi de l’impôt sur le revenu, une telle situation pourrait se reproduire.

C’est fantastique. Nous sommes vraiment reconnaissants d’être ici aujourd’hui, mais nous devrions revenir pour avoir la même conversation encore une fois si la loi n’est pas modifiée. Si nous n’intégrons pas la formule à la loi, ils n’auront jamais la capacité de reconnaître ce que font les personnes de moins de 18 ans dans la communauté.

Toutes les autres entreprises du Canada peuvent payer une personne de moins de 18 ans. L’agriculteur au bout de la rue peut payer les enfants qui sont actifs dans l’entreprise, à un taux raisonnable dans les circonstances, mais la Loi de l’impôt sur le revenu ne l’empêche pas de les payer. Toutefois, la loi empêche John de faire la même chose. Si nous ne modifions pas la loi, nous continuerons d’éprouver des problèmes.

La sénatrice Ringuette : Je suis désolée, car je n’ai pas pu être présente pour le début de votre exposé, mais avez-vous parlé de ce qui, à mon avis, représente un mécanisme de règlement des différends, c’est-à-dire le tribunal fiscal?

Mme Janz : Oui, nous avons tenté d’utiliser ce recours. Lorsque le formulaire est apparu pour la première fois en 2014, MNP croyait qu’il s’agissait d’une erreur ou d’une interprétation erronée. Nous avons donc continué de produire des déclarations qui réclamaient la Prestation fiscale pour le revenu de travail, et nous avons été réévalués. Il n’y a plus de tribunal, et nous attendons maintenant de nous présenter devant la Cour canadienne de l’impôt. Nous y serons le 5 mai. Cela prendra deux ans et demi.

La sénatrice Ringuette : Mais c’est le processus normal.

Mme Janz : Exactement. Les Huttériens ont dû dépenser énormément d’argent pour se présenter devant la Cour canadienne de l’impôt, mais nous comprenons que c’est la façon dont les choses fonctionnent. C’est la raison pour laquelle — pour revenir au commentaire du sénateur Tkachuk — nous devons modifier la loi. Il n’est pas logique que l’argent des contribuables ou celui des Huttériens soit dépensé sur ce dossier. C’est un cas de discrimination manifeste qui peut facilement être éliminé.

Le président : Merci beaucoup. J’aimerais remercier chaleureusement les témoins de leur engagement à l’égard de cet enjeu et de leur connaissance approfondie des éléments complexes. Vous avez attiré notre attention sur un enjeu sur lequel vous deviez certainement l’attirer.

Nous avons également hâte d’entendre les témoins du groupe suivant; ils comparaissent au nom du ministère des Finances et de l’Agence du revenu du Canada.

Permettez-moi de vous présenter les témoins du deuxième groupe. Tout d’abord, merci, messieurs, d’être avec nous aujourd’hui. De l’Agence du revenu du Canada, nous accueillons Randy Hewlett, directeur général, Direction de la politique législative, ainsi que Stéphane Charette, directeur, Division des industries financières et des fiducies, Direction des décisions en impôt. Du ministère des Finances Canada, nous accueillons Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ainsi que Tobias Witteveen, agent principal, Politique de l’impôt, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt.

Nous vous remercions d’être ici aujourd’hui. Nous avons hâte d’entendre votre exposé. Ensuite, je présume que les sénateurs vous poseront quelques questions.

Randy Hewlett, directeur général, Direction de la politique législative, Agence du revenu du Canada : Je vous remercie de nous avoir invités aujourd’hui à participer à votre étude sur le traitement fiscal se rapportant aux organismes communautaires.

Le mandat de l’Agence du revenu du Canada est de gérer le processus législatif et réglementaire. Dans ce cadre, nous servons d’organisme principal de liaison avec le ministère des Finances, et nous considérons les positions d’interprétation et les problèmes d’application qui peuvent découler d’enjeux fiscaux de domaines fédéral, provincial, territorial ou international.

Comme vous le savez, en ce qui concerne le droit fiscal au Canada, le ministère des Finances s’occupe d’élaborer la politique fiscale tandis que l’Agence du revenu du Canada est responsable d’appliquer la Loi de l’impôt sur le revenu.

Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l’occasion de discuter de la façon dont l’agence interprète et applique les dispositions actuelles de la loi qui concernent les organismes communautaires.

Dans mon exposé, je fournirai un aperçu de l’article 143 de la loi, je poursuivrai avec une brève description de la Prestation fiscale pour le revenu de travail, et je conclurai avec la position de l’agence sur l’application des dispositions se rapportant aux organismes communautaires et à la Prestation fiscale pour le revenu de travail.

Le cadre législatif visant l’imposition des organismes communautaires se trouve à l’article 143 de la loi. Cette disposition a été introduite en 1977, afin de s’assurer que les organismes communautaires étaient assujettis à un traitement fiscal qui respecte leur nature communautaire et leurs convictions à l’égard de la propriété individuelle et de la rémunération du travail individuel.

Selon l’article 143, une fiducie est réputée exister et les biens d’une congrégation sont réputés être les biens de la fiducie. En raison de ces règles et d’autres règles déterminatives dans l’article 143, les activités commerciales ou agricoles d’une congrégation, et le revenu qui en découle, sont considérées être celles de la fiducie.

Les membres de la congrégation sont réputés être les bénéficiaires de la fiducie. La fiducie peut choisir d’attribuer son revenu à un membre adulte de chaque famille de la communauté. Si la fiducie ne choisit pas d’attribuer son revenu aux membres de la congrégation, le revenu est imposé au niveau de la fiducie au taux marginal le plus élevé pour les particuliers. L’attribution se calcule selon la formule que prévoit l’article 143. Si une fiducie choisit d’attribuer son revenu aux membres de la congrégation, les membres visés par le choix doivent inclure leur montant issu du calcul dans leur revenu et le déclarer dans leur déclaration de revenus et de prestations T1.

La loi prévoit une règle générale, au paragraphe 108(5), selon laquelle un montant inclus dans le revenu d’un bénéficiaire est réputé être un revenu tiré d’un bien, ce bien constituant une participation dans une fiducie. La loi prévoit également des règles précises selon lesquelles il est possible pour une fiducie de transférer certains types de revenus, notamment les dividendes imposables et les gains en capital, en faveur de ses bénéficiaires de manière à ce que le revenu conserve sa nature pour les bénéficiaires. Cependant, la Loi de l’impôt sur le revenu ne prévoit pas un tel traitement pour le revenu d’entreprise ou le revenu agricole. Par conséquent, de tels revenus sont considérés comme des revenus tirés d’un bien.

La Prestation fiscale pour le revenu de travail est un crédit d’impôt remboursable que certains particuliers peuvent obtenir lors de la production de leur déclaration de revenus personnelle. Ce crédit a été instauré en 2007 et procure un crédit d’impôt jusqu’à concurrence d’environ 1 800 $.

Le crédit vise les particuliers à faible revenu qui gagnent un revenu d’emploi ou d’entreprise inférieur à un certain montant. La notion du revenu de travail est l’élément central de l’admissibilité d’un particulier à ce crédit.

La loi définit ce que constitue le revenu de travail, lequel comprend en général le revenu tiré par un particulier d’une charge ou d’un emploi ou celui tiré d’une entreprise qu’il exploite.

Étant donné que, par définition, le revenu de travail ne comprend pas le revenu tiré d’un bien, lequel comprend les montants attribués par une fiducie à un bénéficiaire, il est impossible pour les membres d’un organisme communautaire de demander la Prestation fiscale pour le revenu de travail.

Selon la position de l’ARC, le revenu d’un organisme communautaire ne peut conserver sa nature pour les membres de l’organisme que si une disposition précise de la Loi de l’impôt sur le revenu le permet.

L’agence a publié des renseignements sur les dispositions fiscales se rapportant aux organismes communautaires dans la circulaire d’information IC78-5R3, intitulée « Organismes communautaires ». La circulaire, qui existe depuis 1978, a toujours fait état de cette position selon laquelle un revenu qui est attribué par une congrégation à ses membres conserve sa nature en tant que revenu d’entreprise ou revenu agricole seulement dans deux types de cas, selon des dispositions législatives précises.

En effet, le Régime de pensions du Canada prévoit un tel résultat et la Loi de l’impôt sur le revenu le faisait également. Cependant, la disposition aux fins de l’impôt concernait une mesure d’allégement d’impôt à laquelle avaient droit les agriculteurs avant 1992. À l’heure actuelle, la loi ne prévoit pas de disposition selon laquelle un montant attribué par un organisme communautaire peut être considéré comme du revenu d’entreprise ou du revenu agricole, et par conséquent être considéré comme du revenu de travail pour l’application de la Prestation fiscale pour le revenu de travail.

Merci, monsieur le président. Je donne maintenant la parole à Pierre Leblanc.

Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président. J’aimerais également remercier les membres du comité de prendre le temps de discuter de ce sujet important. J’aimerais également remercier John, de Kings Lake, Gord et Michelle, de MNP, et certainement le sénateur Hays de leur importante contribution ce matin. Il est important que nous entendions les contributions de tous les intervenants sur le fonctionnement du régime fiscal. La participation active des Canadiens est importante, car nous sommes toujours dans le processus consistant à rendre le régime fiscal plus juste et efficace. Nous apprécions donc certainement cette discussion.

Je serai bref, car de nombreux points que je ferai valoir résumeront ce que Randy vient de nous dire.

[Français]

Comme l’ont mentionné mes collègues de l’Agence du revenu du Canada, l’article 143 de la Loi de l’impôt sur le revenu a été adopté pour régler la question de l’imposition des organismes communautaires, comme les colonies huttériennes. Ces organismes communautaires sont des groupes qui remplissent certaines conditions, notamment celles que leurs membres vivent et travaillent ensemble et qu’ils ne permettent pas à leurs membres d’être propriétaires de biens de leur propre chef.

[Traduction]

Dans le contexte du régime canadien d’imposition axé sur le particulier, l’organisation unique de ces groupes donne lieu à certains défis, puisque comme on l’a dit plus tôt, les membres individuels ne reçoivent pas un salaire et ne possèdent pas de biens desquels ils peuvent tirer un revenu.

Comme nous l’avons déjà entendu, pour relever les défis liés à la Loi de l’impôt sur le revenu, des règles ont été adoptées en 1977 pour permettre aux communautés, aux fins de l’impôt, d’attribuer dans les faits le revenu de la collectivité aux membres individuels conformément à une approche fondée sur une formule. Chaque organisme communautaire est donc traité aux fins de l’impôt comme une fiducie non testamentaire et peut choisir chaque année de faire une attribution de son revenu à ses membres, qui font l’objet de l’imposition relativement à cette distribution.

[Français]

Lorsque la fiducie fait ce choix, 80 p. 100 du revenu imposable modifié est attribué parmi les membres adultes de la congrégation selon des proportions précises, telles que définies dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le reste peut être attribué parmi les membres adultes de la communauté, comme l’entend le fiduciaire. Ces règles permettent l’imposition de revenus de la communauté au taux d’imposition des membres plutôt qu’au taux d’imposition supérieur des particuliers, parce que c’est le taux le plus élevé qui s’applique en général à une fiducie.

[Traduction]

Comme nous l’avons entendu tout à l’heure, les dernières modifications importantes des dispositions régissant les organismes communautaires ont été apportées dans le budget de 1999. La plus importante — le sujet a été abordé — concernait le montant attribué aux conjoints. C’est lié au choix. Je tiens à souligner que le sexe n’est mentionné ni dans la loi ni dans le budget. S’il y a deux conjoints, ils reçoivent des montants différents, mais le sexe n’est pas mentionné.

Sur ce, je vous remercie. Nous serons ravis de répondre à vos questions.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d’être ici.

C’est très difficile de comprendre quand nous discutons avec vous. J’ai l’impression générale que l’article 143 doit être révisé.

J’aimerais poser deux questions précises. Y a-t-il d’autres organismes communautaires auxquels s’applique l’article 143?

Mon autre question porte sur les femmes. Vous dites que ce n’est pas lié au sexe. J’ai l’impression que cette partie de l’article 143 est discriminatoire. Je ne comprends pas pourquoi les gens doivent faire une distinction entre les conjoints alors que c’est un travail égal de valeur égal. Pouvez-vous clarifier cela?

M. Leblanc : Merci beaucoup pour vos bonnes questions. Je vais répondre à la deuxième en premier.

Vous avez déjà soulevé la question, et je pense que c’est lié à la formule, pour ce qui concerne le fait que dans un couple formé de deux adultes, l’un reçoit une part entière et l’autre, la moitié. L’intention n’est absolument pas de faire de la discrimination fondée sur le sexe. On peut certainement se pencher sur la politique et se demander s’il s’agit du régime qui convient le mieux. Dans notre examen continu de l’ensemble de la politique fiscale, c’est certainement une chose à laquelle nous pouvons songer.

C’est la réponse que je vous donnerais.

M. Hewlett : Pour ce qui est des autres organismes communautaires auxquels s’applique l’article 143, je n’ai pas ce renseignement. Je ne pourrais peut-être pas divulguer quels types d’organismes communautaires ont recours à cette disposition.

La sénatrice Stewart Olsen : Pourquoi pas? Ne serait-ce pas un renseignement public?

M. Hewlett : Ce n’est certainement pas un renseignement public que l’agence divulguerait. Je sais que les Huttériens, qui sont représentés ici aujourd’hui, ont recours à cette disposition. À ma connaissance, d’autres organismes communautaires font de même, mais je n’ai pas le droit de vous dire précisément lesquels.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

Pour ce qui touche le conjoint et l’attribution d’une demi-part à l’une des personnes, cela me semble injuste, même si l’on exclut la question du sexe. Les gens font le travail, et s’ils reçoivent un revenu d’une fiducie — je simplifie —, pourquoi y aurait-il des partenaires? Selon moi, ce n’est pas la façon dont la fiducie devrait fonctionner. Ne devrait-elle pas inclure et payer tout le monde, et non des membres précis de la famille, comme les fils, les filles, les femmes ou les maris? La fiducie englobe tout. Les gens devraient-ils recevoir un salaire et avoir droit à une part égale?

M. Leblanc : Merci pour la question. Par rapport aux montants qu’on choisit de verser, je ne pense pas vouloir ajouter grand-chose à ce que j’ai déjà dit. Je vous remercie de vos observations. Nous y réfléchirons.

La sénatrice Wallin : Y en a-t-il parmi vous qui ont visité une colonie huttérienne?

M. Hewlett : Pas moi.

La sénatrice Wallin : Je vous recommanderais de le faire, car il est assez évident qu’il s’agit d’une exploitation agricole, qu’ils vivent et travaillent en collectivité, et que chacun apporte sa contribution. Cela pourrait vous aider à mieux comprendre le dossier.

Compte tenu des témoignages que nous avons tous entendus aujourd’hui, avez-vous l’intention de redresser la situation?

M. Leblanc : Sur le plan de la politique fiscale, ce que je peux vous dire, c’est que nous réfléchissons à de telles questions de façon continue. Les discussions comme celles d’aujourd’hui influent grandement sur les dossiers que nous examinons. C’est une question de présenter le dossier et de conseiller la ministre. C’est là le genre de dossiers que nous étudions, et c’est le gouvernement qui doit décider quelles modifications il veut proposer d’apporter à la Loi de l’impôt sur le revenu, le cas échéant, modifications qui seraient ensuite considérées par le Parlement, y compris par vous. Voilà la réponse que je peux vous donner.

La sénatrice Wallin : Voulez-vous dire quelque chose?

M. Hewlett : Par rapport à la politique fiscale, je laisse le soin de répondre à mon collègue du ministère des Finances. Quant à ce qui est arrivé entre 2007 et 2013, les membres des organismes communautaires qui ont demandé une prestation fiscale pour le revenu gagné y avaient droit en vertu d’un formulaire qui ne reflétait aucunement l’esprit de la loi. Quand l’agence en a été informée, elle a modifié le formulaire et elle a publié un bulletin d’interprétation technique qui portait uniquement sur la façon dont la loi serait appliquée dorénavant. Sa position était prospective.

Je crois comprendre que des dossiers de 2014 et des années suivantes sont maintenant devant les tribunaux, et je ne voudrais rien dire de plus sur ce que pourrait être le résultat de cette affaire.

La sénatrice Wallin : Pour préciser, vous parlez des deux colonies ne faisant pas partie du plus grand groupe qui… Non? Ce n’est pas cela?

La situation n’est pas nouvelle. Ce n’est manifestement pas la première fois que vous en entendez parler puisque le différend dure depuis quatre ans. J’essaie de trouver où la responsabilité commence. Nous savons que les politiciens font des annonces et qu’ils déclarent qu’ils vont apporter des modifications dans le budget, mais normalement, ce sont de hauts fonctionnaires qui les informent des problèmes et qui leur demandent de trouver des solutions.

Je vais poser la question autrement : avez-vous l’intention de présenter le dossier à votre ministre respectif et de lui dire qu’il faut redresser la situation?

M. Leblanc : Merci pour la question. Je pense que ce que nous pouvons dire, c’est que nous… Je peux répondre de façon générale avec des avis divers lorsque certaines questions sont…

Le président : Nous préférerions que vous répondiez de façon précise.

M. Leblanc : De façon précise, d’accord, alors de façon très précise, dès qu’une question est soulevée, nous la considérons. Les questions proviennent de sources diverses : elles peuvent venir de nous, de gens qui s’adressent à notre ministre ou au bureau du ministre, d’autres gens au gouvernement, de comités du Sénat. Normalement, les choses nous arrivent de différentes directions.

Le président : Monsieur Leblanc, la question est simple : avez-vous l’intention de recommander à votre ministre que l’article 143 soit révisé? Voilà la question.

M. Leblanc : Je pense pouvoir répondre que nous continuerons de l’examiner.

Le président : Merci.

Le sénateur Marwah : Chaque fois qu’il y a une contestation de ce genre, je retourne à l’objectif de la loi. Permettez-moi de vous lire un extrait de la troisième session de la 30e législature, qui remonte à novembre 1977 : « L’objectif de l’imposition est clair : les colonies huttériennes devraient être imposées de la même manière que leurs voisins non huttériens et devraient être traitées favorablement, mais pas plus favorablement que les autres contribuables. » C’est très simple.

Ma question pour vous est donc la suivante : à votre avis, la manière dont vous appliquez actuellement la politique fiscale respecte-t-elle l’objectif de la loi? Vous pouvez répondre simplement par oui ou par non.

M. Hewlett : Merci pour la question, monsieur le sénateur. La position de l’agence est claire et nous sommes d’avis que nous interprétons correctement la loi puisque…

Le sénateur Marwah : Ce n’est pas ma question. Ce que je veux savoir, c’est si, selon vous, les Huttériens sont imposés de la même manière que leurs voisins non huttériens. Voilà ma question.

M. Hewlett : Je n’ai pas d’opinion à ce sujet. Tout ce que je peux vous dire, c’est que selon nous, notre interprétation de la loi que nous appliquons est exacte et conforme à l’objectif de la loi.

Le sénateur Marwah : Et les représentants du ministère des Finances?

M. Leblanc : Merci pour la question. Les problèmes soulevés méritent certainement d’être examinés avec attention, et c’est ce que nous ferons.

Le sénateur Marwah : D’accord, merci.

Le sénateur Tannas : Merci de votre présence, messieurs. Je vous en suis reconnaissant. Il y a deux sujets par rapport auxquels j’aimerais obtenir des précisions pour être sûr de bien comprendre. Monsieur Hewlett, pouvez-vous confirmer pour le comité qu’il y a effectivement d’autres organismes communautaires qui paient des impôts en vertu de cet article? Nous n’avons pas besoin de savoir de qui il s’agit, mais simplement qu’il y en a et qu’ils ne sont pas huttériens. Qui qu’ils soient, ils doivent avoir de bien mauvais comptables puisqu’ils ne sont pas ici pour les représenter, mais nous aimerions savoir la vérité.

Voilà le premier sujet. Le deuxième est la question des conjoints. Est-ce la même chose pour l’ensemble des Canadiens? Les conjoints d’autres agriculteurs reçoivent-ils aussi la moitié, ou les conjoints des Huttériens sont-ils les seuls à avoir cette réduction?

M. Hewlett : Merci pour la question, monsieur le sénateur. Je peux confirmer qu’il y a un certain nombre d’organismes communautaires qui paient des impôts en vertu de l’article 143 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour répondre à votre deuxième question, l’article 143 concerne strictement les organismes communautaires.

Le sénateur Tannas : Seuls les conjoints appartenant à un organisme communautaire ont une réduction, est-ce bien cela?

M. Hewlett : C’est lié précisément à l’article 143 et aux membres de l’organisme communautaire.

Le sénateur Tannas : Merci. Vous participez tous à l’élaboration des politiques, et M. Leblanc a parlé précisément des réflexions sur les politiques. De plus, nous savons que vous êtes au courant de la situation qui nous occupe depuis un certain temps. J’aimerais vous poser quelques questions en votre qualité de responsables des politiques, mais aussi de Canadiens. Trouvez-vous la situation juste? Les Huttériens sont imposés en fonction de leur religion. S’ils étaient des agriculteurs ou des pêcheurs canadiens, ou encore s’ils mentaient et affirmaient qu’ils ne sont pas membres de leur religion, ils ne seraient pas imposés de la même façon. En tant que Canadiens, trouvez-vous cela juste?

M. Leblanc : Merci pour la question. En tant que Canadien, je dirais que l’objectif sous-jacent des dispositions ajoutées à la Loi de l’impôt sur le revenu en 1977 — et je pense que d’autres l’ont bien dit —, c’était que les organismes communautaires, les colonies huttériennes, soient imposés à peu près de la même manière que les autres Canadiens.

C’est l’objectif. S’il y a des dispositions ou des particularités précises qui empêchent d’atteindre cet objectif — je parle maintenant en mes deux qualités —, nous devons les examiner et y réfléchir.

Le sénateur Tannas : Je n’aurais jamais pensé que ce serait à moi de soulever la question. J’aurais cru que vous et les membres de votre département de politique fiscale l’auriez soulevée et réglée. Quelqu’un devrait avoir honte, et j’espère que vous ferez appel à nous si vous avez besoin de renforts pour redresser la situation.

La sénatrice Ringuette : Messieurs, je ne suis pas avocate, mais certains membres du comité le sont. J’ai demandé aux témoins précédents si l’affaire serait soumise au tribunal, et ils m’ont répondu que la cour de l’impôt l’examinerait le 2 mai. Le saviez-vous?

M. Hewlett : Je sais que la cour examinera une affaire liée à cela en mai.

La sénatrice Ringuette : Cette affaire fait actuellement l’objet d’un litige. Bien que je sois très compatissante, je suis surprise que vous soyez ici pour témoigner, alors que vous savez que la cour de l’impôt est saisie de l’affaire.

Monsieur le président, nous savons maintenant que l’affaire est en litige devant le tribunal; je ne sais pas ce que les autres membres du comité en pensent. J’ai de la sympathie pour la cause, mais il s’agit d’une affaire en litige; je me retire donc du comité pour le reste de la séance.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. C’est toujours impressionnant de recevoir des gens de l’Agence du revenu du Canada et du ministère des Finances.

Je comprends qu’il y a eu plusieurs années où cela fonctionnait différemment. Mais pouvez-vous me dire quel a été l’élément déclencheur de la révision du statut de cette communauté, après tant d’années?

Stéphane Charette, directeur, Division des industries financières et des fiducies, Direction des décisions en impôt, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Merci de votre question, sénateur Dagenais. Ce qui est arrivé dans l’historique de cette saga, c’est que, en 2007, la Prestation fiscale pour le revenu de travail est devenue une loi. Donc, les individus pour lesquels le choix était fait produisaient leur déclaration d’impôt et suivaient les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada, dont la circulaire IC78, qui indique, depuis sa première version, que le revenu attribué par une fiducie à un membre d’une congrégation est un revenu, soit agricole ou d’entreprise, mais pour les fins du Régime de pensions du Canada seulement.

Cela est appuyé par la loi qui régit le Régime de pensions du Canada, et tel que M. Hewlett le disait dans ses remarques d’ouverture, avant 1992, il y avait la règle spécifique de la moyenne générale sur cinq ans, qui était offerte à tous les fermiers canadiens, mais cette règle n’est plus en vigueur. Depuis ce temps, depuis la première version de la circulaire, il a toujours été indiqué que le revenu attribué aux membres de la congrégation gardait sa nature pour les fins du Régime de pensions du Canada seulement.

En 2013, comme le premier groupe l’a expliqué ce matin, des demandes ont été faites, et l’Agence du revenu a dû réviser sa position. L’interprétation technique a été publiée en 2014, et c’est de là que l’Agence du revenu a pris sa position sur le fait que le revenu attribué d’une fiducie, dans ce cas précis, est un revenu de biens. Par conséquent, lorsqu’on regarde la Prestation fiscale pour le revenu de travail, qui est la pièce centrale du crédit d’impôt, le revenu de biens ne cadre pas dans les revenus identifiés pour ce type de crédit. La décision de l’Agence du revenu du Canada selon laquelle le revenu attribué par la fiducie aux membres est un revenu de biens provient d’une interprétation statutaire. L’Agence du revenu, dans son mandat, doit interpréter la loi et, de ce fait, elle suit les lignes directrices de la Cour suprême. Or, la Cour suprême a précisé, par le passé, que lorsque les mots sont non ambigus, spécifiques et clairs, ces mots auront une force qui prévaudra sur l’interprétation technique. C’est de là que vient la position de l’agence sur le fait que le revenu attribué aux membres est un revenu de biens.

Le sénateur Dagenais : Pour faire suite à la question du sénateur Tannas, quand on décide de changer les règles pour un seul groupe de personnes, même si cela peut toucher d’autres groupes, ne trouvez-vous pas cela un peu discriminatoire, puisque cela s’adresse à un groupe particulier?

M. Charette : Je comprends. À l’Agence du revenu du Canada, on doit absolument interpréter la loi en vertu du texte, du contexte et de l’objet de la loi, et c’est ce qui a été fait dans ce cas.

Est-ce que c’est discriminatoire? Je préfère ne pas me prononcer là-dessus personnellement, mais les règles d’interprétation statutaire, dans cette situation, ont été suivies par l’Agence du revenu du Canada.

Le sénateur Dagenais : Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de changer une de vos décisions sans que cela vous soit imposé par un tribunal, par le gouvernement ou par le ministère des Finances?

M. Charette : L’Agence du revenu du Canada s’est déjà rétractée quant à certaines de ses positions, mais c’était basé sur des faits différents de ceux que l’on étudie aujourd’hui.

Dans la situation présente, on regarde les deux textes législatifs, et comme mon collègue l’a indiqué plus tôt dans ses remarques d’ouverture, on constate que la loi prévoit que lorsque certains revenus, entre autres les gains en capital, les dividendes, les revenus de sources étrangères, sont attribués à un bénéficiaire de la fiducie, ils gardent leur nature. Donc, par exemple, si c’est un dividende, le bénéficiaire pourra profiter du crédit d’impôt pour dividende; si c’est un gain en capital, il pourra potentiellement bénéficier de la déduction pour gain en capital. La loi ne prévoit pas ce traitement pour le revenu d’entreprise ou le revenu agricole. La position de l’agence est que ces types de revenus — étant donné qu’il n’est pas prévu par la loi qu’ils garderont leur nature dans les mains du bénéficiaire — deviennent automatiquement, en vertu du paragraphe 108(5), un revenu de biens.

Le sénateur Dagenais : Je comprends la situation des gens qui témoignent. On fait souvent référence au fait que ce sont des décisions qui proviennent du ministre, et il peut être difficile pour les témoins de répondre à ces questions. Mais si j’avais une suggestion à faire, un peu comme je l’ai fait dans un autre comité, dans un autre dossier, ce serait qu’il serait intéressant, pour notre comité, d’inviter soit le ministre des Finances ou la ministre du Revenu national à comparaître devant nous. Ils seraient sûrement en mesure de répondre à nos questions.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Le comité de direction considérera votre suggestion.

Le sénateur Marwah : J’ai une question supplémentaire pour M. Charette. Je comprends parfaitement les détails techniques sur lesquels vous vous fondez pour déclarer que vous interprétez correctement la loi. Acceptons un instant cette prémisse. Or, lorsqu’une contestation comme celle-ci est portée à votre attention, ne vous arrive-t-il jamais d’examiner l’objectif de la loi et de déclarer que vous suivez correctement la loi, mais que tel n’en a jamais été l’objectif? Ou faites-vous fi de l’objectif de la loi et déclarez-vous que vous suivez la règle et que ce n’est pas votre problème?

M. Charette : Lorsque nous interprétons la loi, nous procédons à une analyse contextuelle et téléologique. Dans ce cas-ci, quand nous avons examiné le paragraphe 108(5), même si la disposition a été adoptée après 1981, comme on l’a dit ce matin, nous étions convaincus, en raison du lien entre les libellés du paragraphe 108(5) et de l’article 122.7, qui porte sur la prestation fiscale pour le revenu, que notre position était juste. Les termes simples, qui jouent un rôle central dans l’interprétation, et le fait que ces types de revenus ne sont pas exclus expressément par la loi signifiaient selon nous que le revenu attribué aux membres par la fiducie de la congrégation est réellement un revenu de biens.

Le sénateur Marwah : Vous croyez vraiment que les Huttériens sont imposés de la même façon que leurs voisins non huttériens? C’est ce que vous croyez?

M. Charette : Ce n’est pas ce que j’ai dit et ce n’est pas ce que je crois.

Le sénateur Marwah : C’est l’objectif de la loi.

M. Charette : Nous suivons la disposition législative applicable dans ce cas précis. Lorsqu’est venu le temps de prendre la décision finale, nous étions convaincus que notre position était juste et qu’il s’agissait d’un revenu de biens en raison de la fiducie prévue à l’article 143.

Le sénateur Marwah : Je ne vois pas comment vous suivez l’objectif de la loi. Les Huttériens sont manifestement pénalisés comparativement aux non-Huttériens. Je ne comprends pas. D’un côté, vous dites que vous respectez la loi, mais de l’autre côté, tous voient que les Huttériens sont désavantagés. C’est évident. Même une personne qui ne connaît pas très bien les impôts peut comprendre que c’est évident. Je ne vois pas comment vous suivez l’objectif de la loi; vous ne faites que m’étourdir à coups de détails techniques.

La sénatrice Marshall : J’aimerais parler de la question qui a été soulevée concernant l’attribution d’une demi-part à la femme mariée, ou plutôt à l’un des deux membres du couple, selon ce que j’ai compris.

Je lis le budget en ce moment, le budget de 2018, et son titre est « Égalité et croissance », et le terme « égalité » cible les femmes.

Dans le budget, j’ai remarqué que Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, a dit qu’un salaire égal et de meilleures possibilités économiques pour les femmes stimulent la croissance économique et que le gouvernement a cru bon d’insérer cet extrait dans son budget.

Nous avons un premier ministre féministe.

Donc, la règle des 50 p. 100 semble aller à l’encontre de la politique officielle du gouvernement au plus haut niveau.

Ma question est la suivante : le gouvernement a-t-il l’intention d’examiner maintenant ces règles pour s’assurer qu’elles cadrent avec les objectifs stratégiques globaux du gouvernement?

M. Leblanc : Merci de la question, sénatrice Marshall. Je vais seulement réitérer une réponse semblable à celle que j’ai donnée à la sénatrice Stewart Olsen. Dans le budget de 1999, lorsqu’il a été présenté, il énonçait ceci — et auparavant, seulement un montant aurait été versé à un couple. Il se lit comme suit :

Dans un organisme communautaire ordinaire, les épouses contribuent aux activités agricoles génératrices de revenus. Par conséquent, pour maintenir le niveau d’imposition à peu près équivalent entre les organismes communautaires et d’autres activités agricoles, le budget propose de […]

Et ce sont les règles dont nous avons discuté.

Quant à la question de savoir si c’est toujours approprié, je pense que nous devons y réfléchir.

La sénatrice Marshall : Toutes ces règles qui sont en place sont-elles examinées périodiquement pour veiller à ce qu’elles soient mises à jour et qu’elles respectent les normes modernes et les politiques stratégiques générales, ou continuez-vous d’utiliser les mêmes règles jusqu’à ce qu’une personne remarque quelque chose? Effectue-t-on un examen systématique des règles?

M. Leblanc : Oui. Merci de la question. J’essaie simplement de penser à la façon de décrire la notion d’examens systématiques. Nous pensons à différentes politiques fiscales et à la façon dont elles sont appliquées sur une base régulière. Cette notion peut vouloir dire différentes choses dans différents contextes.

Dans le budget de 2017, le gouvernement a mené un examen exhaustif des dépenses fiscales. C’est ce que l’on pourrait qualifier d’examens plus systématiques. Nous avons passé en revue tous les crédits qui sont qualifiés de dépenses fiscales, comme ils sont définis dans le rapport des dépenses fiscales, et les avons évalués à partir des principaux critères que nous utilisons pour la politique fiscale.

Je ne dirais pas que les examens sont effectués de façon aussi systématique, mais nous essayons de nous pencher sur les différents éléments et de déterminer s’ils sont toujours appropriés.

Les gens ciblent et soulèvent des problèmes qui ont une certaine incidence, bien entendu. Certains sont déterminés à l’interne. Parfois, des gens soulèvent des points importants, des citoyens, des intervenants et différents acteurs.

La sénatrice Marshall : Nous pourrions les examiner en tant que politiques qui désavantagent les femmes. Je pense que ce serait une bonne idée, compte tenu du budget de cette année. Merci.

Le sénateur Wetston : Merci. Je reconnais certainement les défis qui se posent dans votre travail, pour des raisons évidentes. J’ai l’impression que quelque chose a mal tourné. Je ne pense pas que je dois vous parler d’interprétation des lois, que ce soit l’approche littérale, l’approche privilégiée ou l’approche fondée sur l’objet visé. Vous excellez manifestement dans ce secteur.

Il s’est passé quelque chose entre 2007 et 2013 lorsque la formule a été fournie, puis il y a eu un changement d’interprétation. Ou alors, vous aviez la même interprétation durant tout ce temps et vous l’avez mal appliquée.

Il y a eu des irrégularités et des malversations. Je sais que vous le savez. On nous dit que la loi est appliquée de façon quelque peu arbitraire. N’êtes-vous pas d’accord?

M. Hewlett : Je n’ai pas d’opinion sur l’application arbitraire ou non de la loi. Je vous remercie néanmoins de votre question.

Ce qui s’est passé entre 2007 et 2013, c’est que la Prestation fiscale pour le revenu de travail a été instaurée en 2007, et le chiffre qui a été établi pour calculer la prestation a été tiré d’une formule utilisée pour calculer les cotisations au Régime de pensions du Canada. Ce n’était pas intentionnel.

Lorsque ce problème a été porté à notre attention, nous avons corrigé la formule et émis une interprétation pour expliquer le problème. Cependant, de 2007 à 2013, la Prestation fiscale pour le revenu de travail n’était refusée à aucun membre d’un organisme communautaire qui la réclamait. Notre position a été appliquée de façon prospective.

Le sénateur Wetston : Elle a été appliquée après 2013?

M. Hewlett : C’est exact. C’était à partir de 2014.

Le sénateur Wetston : Je peux vous expliquer ce qu’il en est essentiellement — et nous avons entendu ce que Mme Janz avait à dire. Son interprétation est différente de la vôtre. Pourquoi devrions-nous accepter votre interprétation?

M. Hewlett : Sauf votre respect, j’ai pris note de son interprétation et nous en avons bien pris connaissance avant de venir à l’audience du comité aujourd’hui. Nous ne sommes pas d’accord. C’est monnaie courante. L’organisme et les contribuables ou les représentants peuvent ne pas s’entendre sur une interprétation particulière de la loi. Dans ce cas-ci, comme je l’ai fait remarquer plus tôt, les tribunaux seront saisis du problème et nous pensons qu’une décision appropriée sera rendue.

Le sénateur Wetston : Évidemment, vous voulez qu’une décision objective soit rendue, et c’est probablement ce qui s’impose, malgré les coûts et le temps qu’il faudra.

Je vais simplement vous poser la question suivante. Je pense que vous n’approuvez pas mon observation, et je respecte votre position, selon laquelle quelque chose a mal tourné. Quelque chose n’a pas fonctionné à l’ARC, ce qui a fait en sorte que la communauté huttérite a dû s’en remettre à une approche qui a été adoptée et qui a changé sans que la communauté soit prévenue. N’êtes-vous pas d’accord?

M. Hewlett : Je prends note — et je vous remercie de la question — du point que vous avez soulevé. L’agence cherche toujours des moyens de mieux informer les gens ou les communautés des changements dans l’interprétation ou les approches. Est-ce que nous aurions pu faire un meilleur travail dans ce cas-ci? Peut-être bien. À l’époque, nous croyions que l’information, le changement à la formule et l’interprétation technique qui avaient été communiqués à grande échelle aux représentants des contribuables étaient suffisants.

Le sénateur Wetston : J’ai une dernière question. Je veux simplement vous faire part de cette réflexion. Vous en discuterez avec vos avocats et certains d’entre vous sont peut-être avocats.

Qu’il soit question de conduites, de lois ou autres, c’est une importante doctrine dans la loi canadienne et c’est une doctrine d’attentes légitimes. Je sais qu’on vous en a parlé et que vos avocats vous diront qu’elle ne s’applique pas dans ce cas-ci. Même si c’est le cas, j’aimerais que vous y réfléchissiez, car je pense qu’il y avait une attente et je ne suis pas certain qu’elle a été réalisée, de façon légitime et de la manière, dont vous l’avez décrite. Je tenais simplement à vous faire part de cette réflexion.

Monsieur le président, me permettez-vous de formuler une dernière observation pour le groupe de témoins?

Le président : Bien entendu.

Le sénateur Wetston : C’est mon observation favorite sur l’interprétation législative, à savoir que lorsque cette disposition a été adoptée, le rédacteur et Dieu en connaissaient l’intention. Maintenant, Dieu seul la connaît.

Je sais que vous n’allez pas intervenir sur cette observation.

Le président : Nous n’avons plus de questions. Je vous remercie d’être venus. Je sais que cette heure a probablement été difficile et je vous en suis reconnaissant.

Vous servez le pays et nous respectons cela également.

Sans juger ce que le comité fera, je dois dire que je suis déçu que le Sénat du Canada, que le Comité des banques et du commerce, ait dû consacrer deux heures de son temps à ce dossier. Nous n’y voyons pas d’inconvénient, mais nous avons un programme chargé, que ce soit pour étudier la cybersécurité, les défis en matière de concurrence auxquels le Canada est confronté ou les problèmes de pension. Le fait que nous ayons dû consacrer deux heures pour entendre une plainte d’un contribuable dont les fonctionnaires sont au courant depuis des années m’amène à penser si nous faisons une utilisation optimale de notre temps, car pour être honnête, vous utilisez votre temps de façon optimale.

Ce n’est pas une façon agréable de conclure la réunion, mais nous devons songer à la façon d’utiliser notre temps de la meilleure façon possible et d’être efficace pour les contribuables et les gens que nous servons.

Merci d’être ici. Le comité fera ce qu’il voudra faire le moment venu.

Merci beaucoup, chers témoins.

Je tiens à signaler aux fins du compte rendu que la sénatrice Ringuette a soulevé un point et a quitté la réunion. Je signale que le comité étudie des politiques. Les tribunaux sont saisis de lois établies. Nous discutons pour déterminer si la loi du Canada devrait être modifiée afin d’avoir une incidence sur certains résultats. C’est un défi complètement différent que la cour devra gérer lorsqu’elle aura une mesure législative et un ensemble de faits à appliquer. Il me paraît opportun de poursuivre notre étude de ce dossier.

(La séance est levée.)

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