LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, jeudi, 16 mai 2019
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui à 10 h 31 pour étudier la teneur des éléments des sections 1, 5 et 26 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 2 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, et pour étudier, à huis clos, un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Bienvenue aux membres du public qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ici même, dans la salle, ou sur le Web. Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et je préside le comité. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Le président : Naturellement, nous avons l’aide de notre greffière et des analystes. Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de toutes les parties des quatre sections de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, qui relèvent de notre mandat. Mes distingués collègues savent que notre comité doit présenter son rapport au Sénat au plus tard le 6 juin prochain.
Nous examinons aujourd’hui la section 26 de la partie 4 qui concerne la loi établissant un régime de paiement rapide des travaux de construction. C’est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue à nos témoins d’aujourd’hui, en commençant par mon distingué collègue, l’honorable sénateur Donald Plett. Merci de vous joindre à nous. Félicitations pour le travail que vous avez effectué et qui a permis de faire évoluer cette question jusqu’à cette étape-ci. Vous vous êtes adressé à notre comité en février 2017 pendant notre étude sur le projet de loi C-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction. Nous avons hâte d’entendre vos commentaires sur la section 26.
Je suis également heureux d’accueillir M. Bob Brunet, directeur général, Association canadienne des entrepreneurs en couverture, de la Coalition nationale des entrepreneurs spécialisés du Canada, et M. Frank Faieta, vice-président national, La Garantie, Association canadienne de caution.
Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui.
L’honorable Donald Neil Plett, sénateur, Sénat du Canada : Merci, monsieur le président, et merci, chers collègues, de me faire participer à votre discussion. Je vais parfois me répéter pour ceux d’entre vous qui étaient membres de ce comité il y a quelques années. C’est un peu triste que nous en soyons à dire encore la même chose.
Je veux commencer par lire le premier paragraphe de l’aperçu général :
Le projet de loi S-224 a été présenté au Sénat le 13 avril 2016 par le sénateur Plett (conservateur). Le projet de loi S-224 visait à renforcer la stabilité dans l’industrie de la construction et à réduire les risques financiers en prévoyant un paiement rapide dans le cadre de contrats de construction impliquant des institutions gouvernementales. Cela s’appliquerait aux contrats de construction conclus entre le gouvernement, les entrepreneurs et les sous-traitants, à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement.
C’est pour moi un plaisir d’être ici et de vous parler du projet de loi qui a mis tant de temps à prendre forme. Comme je l’ai dit, il remonte au 13 avril 2016.
Beaucoup d’entre vous savent que le plus gros problème auquel l’industrie de la construction fait face est le temps mis à se faire payer. Ceux qui travaillent dans à peu près toutes les autres industries ont peine à s’imaginer ce que cela représente de ne pas être payé pour le travail accompli sans avoir de recours légal adéquat.
Toutefois, telle est devenue la triste réalité des entrepreneurs spécialisés d’un peu partout au pays. Des retards systémiques surviennent pour le paiement le long de la chaîne contractuelle, et ce, même lorsque des factures valides ont été présentées, lorsque les travaux ont été effectués conformément au contrat et que les demandes de paiements d’étape ont été certifiées.
Le Canada n’est pas le seul à être aux prises avec le problème. Toutefois, d’autres pays ont promulgué des lois pour éviter les retards systémiques dans les paiements faits aux sous-traitants. À peu près tous les États américains, en plus du gouvernement fédéral, ont adopté des lois pour le paiement rapide dans les secteurs privés. Le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont également adopté de telles lois. Le Canada, lui, fait bande à part.
C’est la structure pyramidale des grands projets de construction qui distingue cette industrie des autres. Lorsqu’il commande des travaux de construction, c’est le gouvernement fédéral lui-même qui se situe au sommet de la pyramide. Il attribue le travail de construction à un entrepreneur général ou à un entrepreneur principal. C’est cet entrepreneur qui conclut le contrat avec l’autorité fédérale pour réaliser le projet.
Le plus souvent, l’entrepreneur principal va donner en sous-traitance une partie du travail à des entrepreneurs spécialisés. Ces entrepreneurs effectuent habituellement jusqu’à 80 p. 100 des travaux de construction. De plus, dans la plupart de ces projets, les entrepreneurs spécialisés prennent du travail en sous-traitance d’un entrepreneur général ou d’un autre entrepreneur spécialisé lui-même sous-traitant.
Les propriétaires de petites et moyennes entreprises comprendront que l’accès au crédit est souvent limité pour un entrepreneur spécialisé, qui dépend alors beaucoup du flux net de trésorerie. Les entrepreneurs spécialisés subissent des retards imprévisibles dans leurs revenus sans avoir aucune marge de manœuvre pour retarder le versement des sommes qu’ils doivent payer eux-mêmes.
Les entrepreneurs doivent verser des paiements à l’Agence du revenu du Canada et aux commissions d’indemnisation des accidentés du travail tous les mois, sans accuser de retard, et ils doivent payer leurs employés toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Les paiements des matériaux et de la location de l’équipement doivent être effectués dans les 15 à 30 jours.
La cause fondamentale des problèmes de paiements tardifs tient au fait que les entrepreneurs et les sous-traitants n’ont pas un pouvoir de négociation égal. Les entrepreneurs vont forcer les sous-traitants à accepter des paiements en retard, estimant que c’est le coût qu’ils ont à assumer pour faire des affaires. Les entrepreneurs peuvent agir ainsi parce qu’ils contrôlent le déroulement des travaux. La plupart des entrepreneurs spécialisés, quant à eux, dépendent de la sous-traitance pour survivre, que ce soit auprès d’un entrepreneur général ou d’un autre entrepreneur spécialisé. Aucun entrepreneur ne peut se permettre de se faire rayer de la liste de soumissionnaires.
Travaux publics a reconnu l’existence d’un problème et a essayé de mettre en œuvre un train de mesures administratives pour le résoudre. Malheureusement, rien n’a fonctionné parce qu’aucune de ces mesures ne s’est attaquée au cœur du problème.
Par exemple, Travaux publics oblige les entrepreneurs à soumettre une déclaration statutaire avec chaque facture reconnaissant qu’ils ont honoré tous leurs engagements de paiement. Ces mesures créent deux difficultés. Premièrement, ces déclarations sont rétrospectives. Elles ne permettent pas de prévenir de futurs retards de paiement. Deuxièmement, si un paiement est retenu à cause d’un différend concernant l’exécution des travaux, l’entrepreneur peut soumettre une déclaration statutaire puisque, techniquement, il n’est pas obligé de verser ce paiement tant que le différend n’a pas été résolu.
Actuellement, les sous-traitants qui ne sont pas payés n’ont absolument aucun recours. Ils ne peuvent suspendre les travaux. Ils ne peuvent pas réclamer d’intérêts. Ils ont les mains liées. Ils comptent parmi les gens qui travaillent le plus fort au Canada, mais ils sont forcés de déclarer faillite et ils perdent leurs entreprises. Il faut donc mettre fin à ce cycle.
La loi canadienne sur le paiement sans délai, comme je l’ai dit et comme cela a été largement repris, contient des mesures qui mettront fin au problème systémique dans les travaux de construction fédéraux. Cette partie du projet de loi énonce que les institutions fédérales doivent verser des paiements d’étape à un entrepreneur pour des travaux de construction tous les mois ou plus fréquemment selon les dispositions du contrat.
J’ai pas mal terminé. À mon avis, la disposition la plus importante du projet de loi est le droit pour les entrepreneurs qui n’ont pas été payés de suspendre les travaux. Les petits entrepreneurs spécialisés m’ont souvent dit qu’ils avaient besoin d’une telle disposition, qui constituerait pour eux un recours important lorsqu’ils ne sont pas payés. Je suis enchanté de voir que le problème sera corrigé et que ce recours sera établi clairement une fois le projet de loi adopté.
Le projet de loi comprend également le droit de mettre fin à un contrat ou de percevoir des intérêts pour des paiements en retard.
Il prévoit également un processus complet de règlement des différends ainsi que le droit à l’information pour les entrepreneurs et les sous-traitants mêlés à un tel processus. La plupart des travaux de construction effectués au Canada ne sont pas commandés par le gouvernement fédéral, et le projet de loi ne résoudra donc qu’une partie du problème. Toutefois, les provinces se dirigent vers l’adoption de mesures législatives semblables.
Le rapport Reynolds concernant cette question en Ontario, dont nous avons tous entendu parler ici, comprend une recommandation pour l’adoption d’une loi complète par le gouvernement de la province. Je suis enchanté de voir que les recommandations de la commission provinciale ressemblent largement à ce que nous avons proposé dans le projet de loi S-224. L’Ontario et le Québec se sont tous les deux engagés à présenter un projet de loi sur le paiement rapide, tout comme le Manitoba, ma province.
Lorsque le gouvernement fédéral américain a promulgué une loi, il n’a pas fallu beaucoup de temps avant que des États suivent. J’espère donc que la promulgation de cette nouvelle loi aura une incidence semblable sur les provinces canadiennes, pour que chaque travailleur de la construction au Canada soit payé à temps pour le travail qu’il a effectué.
Chers collègues, cette question n’est pas de nature partisane. Les gens doivent être payés pour le travail qu’ils ont accompli et ils doivent être payés à temps. Voilà le plus gros problème auquel l’industrie de la construction est confrontée au Canada et nous avons enfin la possibilité de le régler. Battons-nous pour les petits entrepreneurs et pour les travailleurs canadiens de l’industrie de la construction. Voilà, monsieur le président, les commentaires que j’ai à faire. Lorsque nous aurons terminé, je serai heureux de répondre aux questions.
Le président : Merci, monsieur le sénateur, et félicitations encore une fois pour le travail que vous avez fait à ce sujet.
Bob Brunet, directeur général, Association canadienne des entrepreneurs en couverture, Coalition nationale des entrepreneurs spécialisés du Canada : Bonjour. Je m’appelle Bob Brunet. Je suis directeur général de l’Association canadienne des entrepreneurs en couverture et j’occupe un poste de direction à la Coalition nationale des entrepreneurs spécialisés du Canada. Je veux remercier les membres du comité d’inviter la coalition à formuler des commentaires sur le projet de loi C-97.
La coalition est la voix des entrepreneurs spécialisés au Canada, lesquels exécutent jusqu’à 80 p. 100 des travaux de construction au Canada et emploient la majorité des travailleurs de ce secteur. Nous regroupons environ 12 000 propriétaires d’entreprises, essentiellement de petites et moyennes entreprises. L’un des problèmes les plus importants soulevés depuis la création de la coalition a été la capacité d’être payé pour les travaux réalisés correctement. Nous sommes très heureux de voir que la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction comprise dans le budget de 2019 permettra de mettre ces règles en place au niveau fédéral.
Au cours des 10 à 15 dernières années, les retards de paiement sur les projets de toute taille se sont accrus radicalement partout au Canada. Les retards de paiement créent des problèmes d’efficacité, y compris des retards dans la réalisation des projets, une diminution de la compétitivité des soumissions et une diminution des possibilités pour investir dans les biens d’équipement. Ils contribuent également à une diminution de l’emploi. Au bout du compte, moins d’emplois sont créés. L’incidence des investissements du gouvernement s’en trouve réduite. Moins d’apprentis sont embauchés. Dans les pires cas, les petites entreprises déclarent faillite. Nous avons donc besoin de changements dans les lois et dans la culture du milieu pour les pratiques de paiement. Nos membres sont enchantés de voir que ce projet de loi est inclus dans le budget.
La loi fédérale peut aussi servir de norme pour faciliter la mise en place de régimes de paiement rapide des entrepreneurs dans les provinces et les territoires qui n’en ont pas encore. Beaucoup de consultations ont eu lieu et l’industrie a beaucoup contribué à la formulation de ce projet de loi. Ces dispositions législatives régissent un système de paiement à paliers multiples complexe qui compte de nombreuses permutations. Les consultations et la recherche supplémentaire effectuées ont conduit à l’élaboration d’un rapport détaillé comprenant des recommandations. Nous sommes très heureux du résultat.
L’industrie ainsi que les experts de ces questions légales sont impatients de travailler étroitement avec Services publics et Approvisionnement Canada à la mise en œuvre du régime fédéral de paiement rapide. Une fois que le règlement sera en place et que l’industrie et ses conseillers auront intégré les dispositions de la loi dans leur ensemble, nous serons en mesure de déterminer les modifications requises. Selon nous, ces mesures entraîneront une transition dans toute l’industrie au Canada et permettront le paiement plus rapide des travaux dans tous les projets de construction.
Nous tenons donc à remercier les champions parlementaires qui ont déployé beaucoup d’efforts pour faire avancer cette importante cause, et tout particulièrement l’honorable Judy Sgro et l’honorable Don Plett, qui ont été avec nous depuis le tout premier jour, ainsi que le secrétaire parlementaire Steven MacKinnon et la ministre Qualtrough. Leur travail permettra d’obtenir des résultats très positifs pour les gens de métier, les entrepreneurs spécialisés membres de notre coalition, et l’industrie de la construction dans son ensemble. Merci.
[Français]
Frank Faieta, vice-président national, La Garantie, Association canadienne de caution : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs et membres du comité.
[Traduction]
Nous représentons les sociétés qui garantissent le respect des obligations d’exécution et de paiement des entrepreneurs. Nous protégeons les propriétaires de projets et les contribuables ainsi que les sous-traitants et les fournisseurs contre des pertes causées par les manquements des entrepreneurs. Nous appuyons entièrement l’initiative fédérale de paiement rapide.
Dernièrement, le comité a entendu les témoignages de responsables de Services publics et Approvisionnement Canada concernant le vaste rapport préparé par des experts de l’industrie — le rapport Reynolds — dans lequel figuraient 53 recommandations qui ont été par la suite intégrées au projet de loi. Une recommandation n’a pas été incluse toutefois, soit celle de tenir de plus amples consultations auprès de l’industrie concernant les répercussions de l’insolvabilité d’un entrepreneur sur le paiement des sous-traitants et des fournisseurs. On a manqué de temps pour cela. Le problème que présente le projet de loi actuel toutefois tient à ce que si un entrepreneur manque à ses obligations ou devient insolvable, aucune disposition ne prévoit le paiement des sous-traitants et des fournisseurs ainsi que des mesures pour terminer le projet et couvrir toute insuffisance de fonds.
Veuillez remarquer que l’article 4 du projet de loi se lit comme suit :
La présente loi a pour objet de promouvoir la réalisation ordonnée et en temps opportun des projets de construction... en traitant du problème de non-paiement des entrepreneurs et des sous-traitants qui effectuent des travaux de construction pour l’exécution de ces projets.
Les législateurs de la nouvelle Loi sur la construction de l’Ontario ont reconnu le problème du risque de solvabilité et, pour réduire ce risque, ils ont inclus l’article 85 qui oblige les entrepreneurs à se doter d’un cautionnement d’exécution et d’un cautionnement de paiement à hauteur de 50 p. 100 pour les projets de construction financés par le secteur public qui dépassent un certain plafond. Nous sommes d’avis qu’on ne peut pas appliquer intégralement les principes sous-jacents du paiement rapide sans garantir le paiement en prévoyant l’injection de fonds pour payer les sous-traitants et les fournisseurs en cas d’insolvabilité de l’entrepreneur responsable du projet. Seul le cautionnement peut fournir cette protection.
En 2018, notre industrie a payé plus d’un demi-milliard de dollars pour des entrepreneurs insolvables, et cela comprend le plus grand cas d’insolvabilité d’un entrepreneur dans l’histoire de notre industrie qui est survenu récemment. Nous recommandons d’ajouter une phrase à l’article 23 qui permettrait au gouverneur en conseil de prendre des règlements afin de gérer le risque d’insolvabilité au moyen de cautionnements d’exécution et de paiement pour les projets de construction fédéraux.
On laissera ainsi du temps pour la tenue des consultations supplémentaires recommandées dans le rapport Reynolds, ce qui sera peut-être nécessaire dans le processus de rédaction des règlements. Cet ajout donnerait aussi une marge de manœuvre pour s’attaquer au risque d’insolvabilité à une date ultérieure au moyen de la loi. J’aimerais remercier les membres du comité de leur attention. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le président : Merci. Nous allons passer aux questions.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci à vous tous de comparaître devant nous. Je remercie tout particulièrement le sénateur Plett qui a soulevé la question et qui fait progresser le dossier depuis des années. Je suis heureuse que le gouvernement y prête attention. La question que j’ai pour vous, et qui me préoccupe un peu, tient à ce que, nulle part dans le projet de loi, on ne discute des obligations des entrepreneurs à l’endroit de leurs clients.
Il y a une certaine inégalité — il faut payer, mais ce n’est indiqué nulle part — et ce point est soulevé par les électeurs de ma circonscription qui affirment que c’est bien de devoir payer les entrepreneurs, mais ils ne se présentent pas à l’heure, ils ne viennent pas quand ils sont censés venir, toutes ces choses. Il y a un certain déséquilibre, je crois.
Le sénateur Plett : Merci, madame la sénatrice. Je me permets de ne pas être d’accord avec vous, parce qu’il est clair que le paiement rapide est conditionnel à l’exécution des travaux et à des factures approuvées. Si les travaux ne sont pas exécutés, le client peut recourir au processus de règlement et ne pas payer l’entrepreneur. La mesure s’applique lorsque les deux parties s’acquittent de leurs obligations. Le projet de loi est très clair sur le fait que, chaque fois qu’un processus de règlement de différend est engagé, chaque fois que quelqu’un demande à être payé, il doit fournir la preuve que le responsable concerné a certifié que le travail a été effectué de façon conforme. Je crois que cela est prévu dans la loi.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le sénateur.
Le sénateur Wetston : Merci de comparaître devant nous et de parler de cette importante question. Le sénateur Plett sait que cette question a été l’une des premières dont j’ai dû m’occuper lorsque j’ai été nommé au Sénat et que j’ai appuyé son projet de loi. Vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais je devais au moins le mentionner.
Le projet de loi est important. C’est peut-être quelque chose pour lequel le sénateur Plett serait mieux placé pour m’aider, mais lorsque le rapport Reynolds était en préparation, beaucoup de recommandations ont été formulées. Dans l’ensemble, on estimait que le rapport était très bon. Il traitait également de privilèges en Ontario. Nous sommes maintenant deux années plus tard, comme vous le dites.
Pouvez-vous me donner plus de détails sur l’application des recommandations du rapport? Vous dites, je crois, que nombre de recommandations ont été incluses dans le projet de loi, ce qui est une bonne chose, mais qu’est-ce qui a été laissé de côté jusqu’à maintenant? Le changement de gouvernement en Ontario a-t-il ralenti de quelque façon la possibilité de voir les recommandations du rapport Reynolds mises en œuvre? Avez-vous une idée de la situation?
Le sénateur Plett : J’ai l’impression que M. Brunet serait mieux placé pour vous répondre. Voilà tout ce que je vais dire, sénateur Wetston. Merci beaucoup de m’avoir appuyé à l’époque et du soutien attendu de votre part maintenant. Le projet de loi S-224 a été élaboré parallèlement au rapport Reynolds. Nous avons consulté les avocats du milieu de la construction qui ont travaillé avec l’équipe Reynolds. Les deux projets de loi sont très proches l’un de l’autre. Pour ce qui est de l’avancement des mesures recommandées, comme je ne suis pas entrepreneur pour l’instant, il vaut mieux poser la question à M. Brunet ou à M. Faieta.
M. Brunet : En Ontario, la Loi sur la construction a été adoptée en décembre 2017. Une fois la sanction royale donnée, les experts juridiques, Brune Reynolds et Sharon Vogel, ont aidé à la mise en œuvre de la loi, en travaillant avec les avocats du gouvernement à élaborer les règles et les règlements connexes. Les modifications à la loi ont ensuite été proposées. Ces modifications étaient destinées à blinder la loi, et elles ont été approuvées, je crois, en 2018. Ils se sont ensuite occupés de la partie de la loi portant sur le privilège de construction qui a été mise en œuvre en 2018 — je crois que c’était en juin — et de la partie relative au paiement rapide, qui entrera en vigueur en octobre 2019. Il a fallu environ deux ans pour donner suite aux recommandations.
Le sénateur Wetston : Je croyais que la loi ontarienne ne se limitait pas simplement aux contrats du gouvernement de l’Ontario. Le projet de loi est important, mais sa portée est quelque peu limitée. Je croyais que la loi ratissait plus large et portait à la fois sur le secteur public et le secteur privé, ou est-ce que je me trompe?
M. Brunet : Elle ne porte que sur les contrats du gouvernement de l’Ontario, je crois.
Le sénateur Wetston : Le gouvernement et les sociétés d’État de l’Ontario et les autres organismes du même genre?
M. Brunet : Je ne suis pas certain qu’elle vise les sociétés d’État. Je sais que la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse ont suivi le modèle ontarien et que leurs lois ont reçu la sanction royale.
Le sénateur Wetston : Pourriez-vous nous fournir cette information? Cette loi peut avoir une portée beaucoup plus large. J’aimerais simplement le savoir. Vous dites, je crois, qu’elle vise 2 p. 100 des contrats. Beaucoup d’aspects des relations contractuelles ne sont pas traités ici. Pourriez-vous nous fournir un peu plus d’informations si vous estimez qu’il serait pertinent pour nous de comprendre la portée de la loi ontarienne?
Le sénateur Plett : Je le ferai avec plaisir, sénateur Wetston. En fait, ces dispositions législatives particulières ont un champ d’application très étroit. Je crois également que, dans les provinces, elles ne visent que les contrats gouvernementaux. Nous vous fournirons cette information, c’est certain. Merci.
Le sénateur Wetston : Merci.
M. Faieta : Si je peux me permettre, j’aimerais dire que certains éléments de la loi ontarienne peuvent s’appliquer à tous les projets de construction. Certains éléments ne s’appliquent qu’aux contrats publics, comme le paiement rapide, qui est pour tous les contrats. Les dispositions sur le privilège de construction, elles, ne s’appliquent pas. Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, que la loi est de portée globale parce qu’elle fait suite au rapport Reynolds. En fait, ce sont deux lois, l’une concerne l’Ontario et l’autre, Services publics et Approvisionnement Canada, qui traitent essentiellement du paiement rapide. La première porte sur la façon d’inclure le paiement rapide dans l’écosystème légal du secteur de la construction dans la province, l’autre, de ressort fédéral, vise plutôt la façon de raccorder la loi aux lois provinciales pour éviter tout conflit de constitutionnalité ou suprématie.
Le président : Merci, messieurs.
Le sénateur C. Deacon : Sénateur Plett, je suis désolé que les choses avancent lentement ici. Nous pourrions peut-être travailler un peu plus ensemble à corriger le problème. Il est persistant, c’est certain.
Lorsque je regarde la situation, certaines choses me viennent à l’esprit. Je pense toujours à la façon dont les gens... ce sac à ordures rempli d’eau que vous empoignez et qui s’ouvre sur les lieux. Se pourrait-il que des entrepreneurs concluent des contrats à l’avance avec des sous-traitants qui, en fin de compte, leur permettraient de différer les paiements pour ne pas avoir à verser autant de paiements d’étape et de déplacer ainsi le fardeau financier, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi?
Le sénateur Plett : Pourriez-vous répéter la première partie de votre question? Je ne suis pas certain d’avoir compris.
Le sénateur C. Deacon : Sur le fait que je suis désolé?
Le sénateur Plett : Non, j’ai compris cela. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Y a-t-il une façon qui permettrait aux entrepreneurs de se soustraire à cette loi en modifiant les calendriers de paiements de façon à déplacer le fardeau financier à la toute fin de beaucoup de travaux pour ne pas avoir à verser une série de paiements d’étape? Je me suis posé la question lorsque j’ai regardé le texte.
Le sénateur Plett : Non, sénateur Deacon, je ne crois pas que cela soit possible. Une des choses qui les empêcherait de le faire est le droit pour un entrepreneur de suspendre les travaux. Aujourd’hui, l’entrepreneur n’a pas le droit de s’arrêter. J’étais entrepreneur en plomberie, ventilation et chauffage, un entrepreneur en mécanique. Si je m’étais retiré d’un chantier parce que je n’aurais pas été payé, l’entrepreneur général aurait eu le droit de me donner un avis de 24 heures pour me présenter au travail. En cas de refus, il aurait pu embaucher quelqu’un d’autre pour me remplacer et me facturer les frais ainsi engagés, qui auraient été considérablement supérieurs à ce qu’ils auraient été si j’avais effectué le travail moi-même.
Le projet de loi, sénateur, me permet de me retirer d’un chantier et d’avoir un recours si, après approbation des factures par le responsable, l’architecte ou l’ingénieur, je n’ai pas été payé dans les délais prescrits. J’ai le droit également de facturer des intérêts. Ces mesures éviteront les retards. À l’heure actuelle, les entrepreneurs disent à leurs sous-traitants de se présenter au travail et qu’ils seront payés la semaine suivante. Ils disent ne pas avoir reçu l’argent. Dorénavant, nous pourrons voir exactement ce qu’ils ont reçu.
Oui, je suppose, si je veux prendre la parole d’un entrepreneur général, mais, légalement, je refuserais.
Le sénateur C. Deacon : En fait, ma question concerne l’établissement d’une entente préalable avec un sous-traitant qui éliminerait tous ces paiements d’étape et dans laquelle l’entrepreneur général s’engagerait à verser un paiement global. Les sous-traitants veulent ces contrats. Comme vous l’avez dit, ils se situent au bas de la pyramide et ils se battent pour obtenir des contrats.
Le sénateur Plett : Le projet de loi S-224 ne permettrait pas la conclusion de telles ententes. Le présent projet de loi irait-il dans le même sens? Un autre pourrait se prononcer là-dessus. Selon le projet de loi S-224, ces ententes ne seraient pas possibles.
M. Faieta : Le projet de loi a été conçu, je crois, pour établir le droit contractuel d’être payé. Fondamentalement, si quelqu’un devait établir un contrat ne prévoyant qu’un seul paiement à la fin des travaux, le droit contractuel ne s’appliquerait qu’à la fin des travaux. Il y aurait un seul paiement et il y aurait inévitablement un retard; personne ne serait payé avant la toute fin des travaux. La chose a été discutée par le passé, je crois. On estime dans l’ensemble que cette situation ne devrait pas se présenter.
Le sénateur Plett : C’était, en fait, des paiements d’étape.
M. Brunet : L’entrepreneur général veut être payé rapidement; il veut l’argent. Quelles que soient les modalités de paiement conclues entre le propriétaire et l’entrepreneur général, les mêmes modalités devraient s’appliquer entre l’entrepreneur général et les sous-traitants.
Le sénateur C. Deacon : Est-ce le cas généralement?
M. Brunet : Oui.
La sénatrice Marshall : Lorsque j’ai lu le projet de loi, j’ai été frappée par la méticulosité avec laquelle il a été rédigé. Un peu partout dans le texte, des échéances sont prévues, soit au plus tard au 21e jour, au 28e jour, au 42e jour, au 35e jour. C’est passé au crible.
Est-ce que quelqu’un a revu tout cela? Ces échéances sont-elles raisonnables?
M. Brunet : Les échéances qui figurent dans ce document sont très semblables à celles prévues en Ontario, qui entreront en vigueur en octobre. Ce sera tout un apprentissage pour beaucoup de gens. Lorsqu’ils auront compris le fonctionnement des choses, le flux financier va s’engager.
La sénatrice Marshall : D’accord, parce que c’est prévu dans la loi. Ces échéances ne figurent pas dans les règlements.
M. Brunet : Oui.
La sénatrice Marshall : Ces échéances constituent-elles la meilleure norme? Sont-elles réalisables? Si elles ne sont pas respectées, faut-il engager le processus de règlement des différends? Comment les choses fonctionnent-elles?
M. Brunet : En Ontario, une fois le recours engagé, l’argent est versé 46 jours plus tard.
La sénatrice Marshall : C’est l’échéance?
M. Brunet : Oui, et c’est beaucoup plus rapide que le délai de 75 ou 80 jours imposé actuellement à un sous-traitant.
La sénatrice Marshall : Est-ce réaliste?
M. Brunet : Oui.
La sénatrice Marshall : Il y a un article sur les paiements partiels prévus selon une formule préétablie. Vous avez examiné cet article et vous en êtes satisfait?
M. Brunet : Oui. En ce qui concerne les paiements partiels, si une facture de 10 000 $ est présentée, mais que seulement 50 p. 100 du travail a été exécuté correctement, c’est tout ce qui doit être payé.
La sénatrice Marshall : J’ai l’habitude de voir ce genre de précisions dans les règlements, mais les lois elles-mêmes renvoient aux règlements. Or, je crois avoir que le projet de loi ne renvoie au règlement que pour le taux d’intérêt. Quel taux d’intérêt vous attendez-vous à voir ou aimeriez voir ou encore quelle autre précision aimeriez-vous voir dans le règlement?
M. Brunet : L’équipe légale de la Coalition nationale des entrepreneurs spécialisés du Canada a commencé à discuter du règlement avec Services publics et Approvisionnement Canada. Toutefois, je n’ai pas encore participé à ces échanges.
La sénatrice Marshall : Vous ne savez pas ce qui se trouvera dans le règlement? Il ne faut pas oublier grand-chose.
M. Brunet : On ajoutera probablement quelques points, mais je n’en vois pas beaucoup à ajouter.
La sénatrice Marshall : Vous n’avez aucun commentaire à formuler sur le taux d’intérêt?
M. Brunet : Je crois avoir lu quelque part qu’il était de 2 p. 100.
La sénatrice Marshall : Oh, 2 p. 100 par jour?
M. Brunet : Était-ce 2 p. 100 par jour ou par mois?
La sénatrice Marshall : Je dirais 2 p. 100 par jour.
Le sénateur Plett : Je crois que c’était 2 p. 100 par mois.
La sénatrice Marshall : C’est probablement le premier. Merci.
La sénatrice Duncan : Merci à nos témoins. Je vous prie d’excuser mon retard. Je suis une sénatrice du Yukon. Naturellement, notre situation est un peu différente dans le Nord. Il y a peu de contrats fédéraux chez nous, mais il y en a quand même quelques-uns et ils seraient visés par le projet de loi. J’ai un certain nombre d’amis entrepreneurs qui seront intéressés à en parler avec moi pendant la semaine de relâche.
Vous avez parlé de la situation dans un certain nombre de provinces. Tout d’abord, sénateur Plett, a-t-on l’intention d’établir ainsi une norme qui s’appliquerait à l’ensemble du pays? On a dit que l’Ontario et la Saskatchewan ont leurs propres lois. J’aimerais savoir si d’autres provinces ont des mesures semblables. Veut-on fixer ainsi la norme? Les autres provinces suivront-elles?
Le sénateur Plett : Bonne question, madame la sénatrice. Je n’ai pas fait beaucoup de travaux au Yukon, mais notre compagnie en a assurément fait beaucoup dans l’Arctique, dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que dans les parties ouest et est de l’Arctique. La plupart de ces travaux ont été commandés par le gouvernement fédéral. Lorsqu’on travaille dans ces conditions difficiles, on a beaucoup plus de problèmes lorsqu’on ne se fait pas payer. J’espère que les gens du Yukon accueilleront cette mesure favorablement.
L’Ontario et le Québec ont fait part de leur intention, tout comme le Manitoba. La mesure a déjà été présentée à l’assemblée législative de cette province. Monsieur Brunet, je crois, a dit que la Nouvelle-Écosse...
M. Brunet : Et la Saskatchewan.
Le sénateur Plett : ... et la Saskatchewan également. Les provinces suivent.
Tel était mon argument, madame la sénatrice, il y a deux ans. On m’avait alors répondu au gouvernement fédéral que les provinces devaient agir en premier et que nous entrerions en action ensuite. Or, j’estimais qu’il fallait procéder à l’inverse. J’estimais que le gouvernement fédéral devait agir et les provinces, suivre. Effectivement, certaines ont pris les devants; d’autres suivent. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral est intervenu en premier et les États ont ensuite emboîté le pas. Les provinces ont déjà fait savoir qu’elles allaient faire de même.
La même mesure finira, je crois, par s’appliquer aux contrats dans le secteur privé, où il sera clairement établi que ces conditions ont cours pour les contrats conclus avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.
M. Brunet : Jusqu’à maintenant, beaucoup de provinces ont suivi le modèle ontarien, principalement, parce qu’il comprend des mesures législatives consacrant un privilège, alors que, dans la loi fédérale sur le paiement rapide, on ne peut bénéficier d’un privilège au détriment de la Couronne. C’est la principale raison pour laquelle le modèle ontarien est utilisé en Saskatchewan, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse. En outre, le Québec a lancé un projet pilote pour la mise en place d’une loi sur le paiement rapide.
La sénatrice Duncan : Pourriez-vous envoyer à la greffière cette information plus détaillée sur la loi ontarienne? Avez-vous de l’information sur le fait que des territoires suivent?
M. Brunet : Je ne sais pas si un groupe s’est levé pour réclamer des paiements rapides dans les territoires, mais je pourrais vérifier si cela est le cas.
La sénatrice Duncan : S’il vous plaît. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos trois témoins. On dit souvent que faire affaire avec le gouvernement, c’est devoir attendre longtemps avant d’être payé. Je ne sais pas si c’est le cas, mais je suis ici depuis sept ans et je vois des échafaudages partout sur la Colline.
Il serait intéressant de savoir si les délais de paiement sont une façon de faire qui est inscrite dans les habitudes du gouvernement ou s’il s’agit de négligence de sa part.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Sénateur Dagenais, ce n’est pas le gouvernement qui fait problème dans la plupart des cas. Il arrive, c’est certain, que le gouvernement soit un peu en retard, mais il n’est pas la partie visée ici. Ceux qui sont visés par le présent projet de loi, ce sont les entrepreneurs, à commencer par le haut de la chaîne d’approvisionnement, soit l’entrepreneur principal qui ne paie pas son ou ses sous-traitants, lesquels ne paient pas leurs propres sous-traitants, etc. Voilà où est le problème. L’entrepreneur principal a été payé par le gouvernement fédéral. Il se sert alors de l’argent de M. Brunet pour financer d’autres projets.
Tout à coup, c’est la crise. M. Faieta, ici, travaille dans le domaine de la caution et se retrouve mêlé à l’affaire parce qu’un entrepreneur a déclaré faillite. Il doit maintenant entrer en jeu et essayer de ramasser les morceaux. Entretemps, trois ou quatre autres entrepreneurs ont déclaré faillite, non pas parce qu’ils ont mal travaillé, non pas parce qu’ils ne sont pas solvables si on examine leurs comptes à recevoir, mais parce qu’ils ne peuvent pas effectuer les paiements requis. Voilà ce qui arrive quand des compagnies utilisent l’argent d’un projet pour en financer un autre. C’est là habituellement où le problème prend racine et ce problème se répercute jusqu’au bas de l’échelle.
J’espère avoir répondu à votre question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Oui.
On a aussi parlé des délais d’arbitrage. Lorsque vous procédez par arbitrage dans le cas d’un non-paiement ou d’un retard de paiement, quels peuvent être les délais avant que vous soyez remboursé?
[Traduction]
M. Brunet : Le processus d’arbitrage prendra environ 46 jours.
[Français]
Après, il y a une décision de l’arbitre.
[Traduction]
La décision de l’arbitre est exécutoire. Les sommes doivent être versées immédiatement après cette période. Si elles ne le sont pas, comme le sénateur Plett l’a dit, les travaux peuvent être suspendus. L’entrepreneur général ne peut contester la décision, parce qu’elle est exécutoire. Toutefois, à la fin des travaux, s’il y a toujours un différend, une action en justice peut être intentée, mais les fonds doivent être versés.
Il ne faut pas oublier que les mesures législatives sur le paiement rapide visent le paiement des travaux dûment complétés. Si les travaux n’ont pas été bien effectués, l’entrepreneur ne devrait alors pas être payé.
Le sénateur C. Deacon : Je veux simplement parler de l’insolvabilité. Sénateur Plett, si je me souviens bien, cette question n’est pas traitée dans le projet de loi S-224.
Le sénateur Plett : Non, elle n’a pas été incluse. M. Faieta a peut-être formulé une recommandation à ce sujet et je vais le laisser en parler. La question n’a pas été traitée dans le projet de loi S-224. Compte tenu de ce que l’Association canadienne de caution a proposé — je veux faire un commentaire et je laisserai ensuite les experts en parler —, je comprends que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements. Parce que le libellé comprend « peut », je pourrais l’appuyer.
Les projets commandés par le gouvernement fédéral sont de tailles variées, tout comme les entreprises qui concluent des contrats avec lui. Beaucoup de propriétaires de petites entreprises familiales aimeraient soumissionner aux petits projets lancés, pour une raison ou pour une autre, par le gouvernement fédéral dans leurs collectivités, mais ils n’ont jamais versé de caution dans leur vie, parce qu’ils n’en ont jamais eu besoin. Alors, soudainement, on les obligerait à le faire et ces gens se verraient alors disqualifiés s’ils ne pouvaient pas verser une caution pour un petit projet de 100 000 $.
Voilà pourquoi je n’appuierais pas la mesure si le mot « doit » y figure, mais je l’appuierais si c’est le mot « peut » qui y est inscrit, mais je comprends qu’il faut une caution pour les projets d’une certaine envergure. L’Association canadienne de la caution doit être mêlée au processus parce que des entrepreneurs peuvent devenir insolvables. Cela étant dit, cette situation résulte généralement d’un long délai de paiement. Si les paiements sont effectués rapidement, moins de gens se retrouveront ruinés parce qu’ils auront été payés et, même au sommet de la pyramide, les compagnies ne seront pas en difficulté pour des millions de dollars si nous avons des dispositions sur le paiement rapide qui leur permettront d’être payés en temps opportun.
Actuellement, si un entrepreneur se trouve en difficulté et me dit : « Don, continue de travailler, tu seras payé le mois prochain », je n’ai pas le choix. Je ne peux interrompre les travaux, il pourra me remplacer. Je n’ai pas le choix, je dois continuer à travailler sans me faire payer. Si, après trois ou quatre mois, l’entrepreneur général déclare soudainement faillite, je n’ai plus qu’à remettre les clefs à la banque et leur dire : « Je suis fini, moi aussi. » Avec les dispositions législatives sur le paiement rapide, ce genre de situation sera moins fréquente. Je suis favorable à l’application de telles mesures pour les projets d’une certaine taille et je peux les appuyer.
Le sénateur C. Deacon : Je veux simplement parler de la question de l’insolvabilité. Y a-t-il une bonne raison pour laquelle vous ne l’avez pas incluse dans le projet de loi S-224? Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez évité d’en parler?
Le sénateur Plett : Non, il n’y a aucune raison. Sénateur Deacon, j’ai élaboré le projet de loi avec la collaboration de divers groupes de l’industrie de la construction, qui ont estimé que le problème ne se présenterait pas aussi souvent si nous avions des dispositions législatives pour le paiement rapide — veuillez m’excuser, j’ai peut-être répondu à votre question avant que vous la posiez. Toutefois, la réponse est la même : les gens de la construction étaient d’avis que le problème ne serait pas aussi important si nous avions des mesures de paiement rapide.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
Le président : Messieurs, merci beaucoup. Vos interventions ont été très utiles. Encore une fois, sénateur Plett, félicitations pour ce travail.
Chers collègues, nous continuons notre séance à huis clos pour quelques minutes.
(La séance se poursuit à huis clos.)