Délibérations du Comité permanent de la
Régie interne, des budgets et de l'administration
Fascicule no 19 - Témoignages du 29 mars 2018
OTTAWA, le jeudi 29 mars 2018
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration se réunit aujourd’hui, à 8 h 30, à huis clos et en séance publique, conformément à l’article 12-7(1) du Règlement, pour l’étude de questions financières et administratives.
Le sénateur Larry W. Campbell (président) occupe le fauteuil.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
[Traduction]
Le président : La séance publique a repris. Vous avez dans vos documents le procès-verbal pour diffusion publique de la réunion du 22 mars 2018. Y a-t-il des questions, des changements? Comme il n’y en a pas, est-ce que je peux avoir une motion d’adoption?
La sénatrice Jaffer : J’en propose l’adoption.
Le président : La sénatrice Jaffer; le sénateur Munson. Ceux qui sont pour? Vous êtes d’accord? Adopté.
Tout d’abord, il y avait une question sur le montant consacré à la reconstitution du stock de fourniture de bureau pour l’exercice en cours. Je souhaite indiquer que le montant prévu pour l’exercice 2017-2018 est de 97 559 $.
Passons maintenant au point no 5, qui a trait au retour du Sénat à sa structure organisationnelle traditionnelle, avec le greffier ou la greffière du Sénat à sa tête. La structure envisagée entrerait en vigueur après la nomination du nouveau greffier, une fois le processus officiel lancé.
Le modèle actuel, avec trois cadres supérieurs à la tête de l’administration, était censé être une mesure intérimaire à la suite du départ de l’ancien greffier du Sénat.
Est-ce qu’il y a des questions ou des commentaires?
Le sénateur Tkachuk : J’ai une question pour commencer, puis j’aurai quelque chose à ajouter. Quand nous avons mis ceci en place au départ, je croyais que c’était permanent. Depuis quand est-ce temporaire?
Le président : Depuis le début. Le sénateur Pierre Claude Nolin a indiqué dans ses notes qu’il s’agissait d’une mesure temporaire visant essentiellement à répondre à l’entrée en scène du vérificateur général. Le greffier a démissionné. Il nous fallait combler la brèche pour être en mesure de répondre aux questions du vérificateur général. D’après ce que j’ai compris, il s’agissait d’un processus intérimaire, mais mon avis n’est pas nécessairement partagé.
Le sénateur Tkachuk : Je vais simplement me fier à l’information que j’ai. Tout d’abord, monsieur le président, je ne me souviens pas avoir vu de procès-verbal. Deuxièmement, nous avons embauché deux autres personnes en partant du principe que nous ne reviendrions pas à l’ancien modèle.
Le président : Qui sont ces deux personnes?
Le sénateur Tkachuk : Jacqueline, et qui est l’autre? Pascale, oui, c’est ça.
Le président : Ce n’est pas dans cette optique qu’elles ont été embauchées. J’ai sollicité l’opinion de tous les membres possibles de l’administration, y compris des cadres supérieurs, et aucun d’entre eux n’approuve notre structure actuelle. Ce n’est pas une structure reconnue.
Le sénateur Tkachuk : Première nouvelle pour moi. Je ne sais pas ce qu’en disent Pascale et Jacqueline, mais ce serait les mettre dans une situation très difficile. Je suis convaincu qu’au moment où nous les avons embauchées, c’était pour avoir trois personnes sur un pied d’égalité qui relèveraient du comité directeur.
Alors, maintenant, le premier ministre nomme un Président du Sénat, un leader du gouvernement et le greffier, qui dirige l’appareil administratif. Je croyais que c’était la question à laquelle nous allions nous attaquer. À un moment donné, nous avons parlé d’essayer d’élire le Président du Sénat et, deuxièmement, nous avons conclu que ce modèle permettait au Sénat d’avoir un plus grand droit de regard sur son fonctionnement, étant donné que nous embauchions au moins deux des trois personnes rendant des comptes au Comité de la régie interne.
Pas d’élections, plus de modèles à trois; je pense que nous baissons les bras.
Le président : C’est une question dont nous pourrions débattre longuement, mais, selon moi, elle se résume véritablement à deux éléments. Premièrement, en ce qui concerne l’embauche de notre personnel, je suis parfaitement d’accord avec vous. J’estime que la Chambre des communes ne devrait jamais se mêler de quoi que ce soit qui concerne le Sénat, un point, c’est tout. Il est regrettable que ce soit le cas en ce moment, et ce, pour des postes si haut placés. Je suis parfaitement d’accord avec vous.
C’est à nous de remédier au problème. Nous devrions prendre des mesures à cet effet, changer les choses. Je ne vois pas le lien, toutefois, entre ceci et le passage à une structure comportant un point d’accès unique.
Je pense que nous sommes tous d’accord, au Sénat, pour dire que nous ne devrions pas laisser l’autre endroit nommer nos cadres supérieurs.
Le sénateur Tkachuk : Notre greffier actuel a été nommé par le premier ministre, même si nous voulions avoir notre mot à dire quant à sa nomination.
Le président : Je le sais.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends ce que vous dites.
Le président : Je sais, mais nous ressassons sans arrêt la question. En mots, nous sommes très forts, mais dans la pratique, nous n’allons jamais de l’avant. Nous ne soumettons jamais la question au Sénat. Nous n’apportons jamais ce changement. Je comprends ce que vous dites, sénateur. Oui, je le comprends.
La sénatrice Marshall : Au départ, je n’étais pas pour la nomination de trois personnes responsables, mais cela semble fonctionner et les membres du personnel auxquels j’ai parlé au fil des ans semblaient aimer cette approche. Ils avaient le sentiment de savoir qui était responsable de quoi; cela fonctionne.
Je reviens à la discussion que nous avons eue au début de la matinée. Nous n’arrêtons pas de changer les choses et de déstabiliser l’organisation. Nous voilà maintenant en train de modifier des choses dans le domaine des ressources humaines. Je ne pense pas que le changement soit une bonne idée, en ce moment.
L’autre problème est celui que vous venez d’évoquer. J’estime que nous devrions embaucher nous-mêmes notre greffier ou greffière. Nous devrions organiser un concours et prendre la décision nous-mêmes. Qu’il s’agisse d’une personne ou de trois, cela devrait se faire par concours.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais simplement rappeler que, à ce moment-là, quand nous avons décidé de séparer les trois fonctions, j’étais leader du gouvernement et j’ai participé à cette décision. C’était une décision permanente, et non pas intérimaire. Elle a été prise en réponse à l’ensemble des dysfonctionnements constatés, notamment en ce qui concerne la vérification du vérificateur général. Nous avons compris que, malgré toutes ses belles qualités, une personne qui est docteure en droit peut être très bonne en droit, mais n’est pas nécessairement la meilleure personne en ce qui a trait aux finances ou aux ressources humaines. Évidemment, un docteur en droit est tout de même une personne compétente en ce qui a trait aux règles du Sénat.
Nous avons donc décidé, dans un objectif de professionnaliser les trois fonctions, de les séparer pour avoir les meilleures personnes aux finances, aux affaires juridiques et aux ressources humaines. C’est ce qui a entraîné les différentes réformes. Nous l’avons vu aux communications et nous le voyons aux ressources humaines. Il y avait des problèmes majeurs, et l’objectif était de tirer le Sénat et son administration vers le haut en allant chercher les meilleures personnes pour occuper les trois différents postes. Ce sont des qualités qu’on ne pouvait retrouver en un seul individu, mais plutôt en trois. Voilà pourquoi nous avons pris cette décision permanente.
La sénatrice Saint-Germain : Un organigramme ne peut jamais être établi pour la vie. Les contextes et les expertises évoluent. Si la décision a été prise sur une base permanente, elle ne tenait pas compte des enjeux de gouvernance publique.
Par contre, je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Tkachuk lorsqu’il dit que c’est une anomalie que le Bureau du premier ministre choisisse le greffier du Sénat. Effectivement, monsieur le président, vous avez suggéré d’effectuer une action stratégique concrète le plus rapidement possible pour que cela change. Entre-temps, au minimum, j’espère que des sénateurs, notamment les membres du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité de la régie interne, pourront participer à la sélection du greffier.
J’appuie le principe selon lequel un cadre supérieur est responsable et redevable au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Les trois solitudes présentent un certain nombre d’inconvénients. Il faut tenir compte du fait que les dirigeants administratifs du Sénat, à l’heure actuelle, sont d’accord avec ce changement.
Nous parlons souvent de l’importance du personnel. Nous avons parlé tantôt de l’importance d’appuyer notre personnel. Nos gestionnaires appuient cette proposition qui correspond, à mon avis, aux meilleures pratiques de gestion. Nous retrouvons cela dans plusieurs parlements. À l’heure actuelle, il y a une forme de dysfonctionnement. Il est plus difficile de prévoir qu’une seule personne soit responsable et s’assure également de la mise en œuvre des décisions du Comité de la régie interne. À mon avis, il faut appuyer cette structure.
Je n’irai pas plus loin. Oui, l’on pourrait faire mieux. Le greffier pourrait assumer une plus grande responsabilité. Ce n’est pas mon rôle de dessiner l’organigramme, mais j’adhère au principe selon lequel il y aurait un greffier dont relèveraient des greffiers adjoints, et que ce greffier serait responsable devant le conseil d’administration du Sénat, que représente ce comité. C’est un principe très important, et c’est sur ce principe que j’appuie le nouvel organigramme.
[Traduction]
Le président : Avec la permission du comité, j’aimerais lire un extrait d’un de nos rapports, le sixième rapport du comité directeur, daté du 21 janvier 2015. Il est intitulé « Réorganisation temporaire de l’Administration du Sénat ». Il est indiqué en dessous que : « Le sous-comité a approuvé une structure organisationnelle révisée temporaire de l’Administration du Sénat comme suit ». Vient ensuite une énumération où sont mentionnés « Services de la Cité parlementaire » et « Services corporatifs ».
Cela montre que c’était temporaire.
Le sénateur Housakos : Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai beaucoup à dire sur la question, pour des raisons manifestes. Tout d’abord, je suis sans doute une des rares personnes présentes ici à connaître le contexte bien particulier dans lequel les changements ont été effectués, le moment où ils se sont produits, les raisons de ces changements, ainsi que les personnes qui les ont mis en œuvre à l’époque.
Parler au nom de quelqu’un qui n’est plus parmi nous, de quelqu’un pour qui j’ai un profond respect, me dérange. Toutefois, il se trouve que j’ai eu le privilège d’être Président intérimaire du Sénat, à l’époque où Pierre Claude Nolin était Président du Sénat et président du Comité de la régie interne. Ainsi, j’ai pu obtenir qu’il me fasse part de son raisonnement à une époque où il préparait, hélas, la relève, avec tant de maturité, ainsi que le leadership du Sénat.
Laissez-moi vous dire que je comprenais parfaitement sa vision, partagée à l’époque avec le comité directeur, alors constitué du sénateur Smith et du sénateur Furey. Le Président Nolin avait alors la conviction profonde que cet endroit devait être indépendant, qu’il devait exercer son privilège et que les sénateurs ne devaient pas abdiquer leurs responsabilités. Il estimait alors que nous avions collectivement abrogé notre responsabilité administrative envers le Comité de la régie interne et, essentiellement, permis à l’administration de regarder par-dessus notre épaule. Il avait le sentiment que les sénateurs se devaient de reprendre les rênes et de se donner les moyens de leurs ambitions.
Comme Pierre Claude me disait souvent, « Le Sénat n’est pas un organisme comme un autre, car le conseil d’administration, la direction de cet organisme, est composé de sénateurs. Nos clients sont les sénateurs et nous travaillons pour le public. » C’est donc une structure unique et nous ne pouvons pas dire que nous sommes comme IBM et, donc, qu’il faut embaucher un PDG. Il y a 105 actionnaires dans cette Chambre. Selon tous les organigrammes proposés, la responsabilité se retrouve entre les mains des 105 sénateurs. Nous avons vu, et les nouveaux s’en sont plus particulièrement rendu compte, qu’un sénateur peut freiner les travaux à n’importe quel moment. C’est conçu de cette façon.
À cause de ce principe, je suis contre l’idée que nécessairement, on devrait avoir un PDG, un président. De plus, je trouve un peu difficile à comprendre pourquoi on traîne l’administration dans une question de nature politique. Au bout du compte, on dit qu’on a sondé ces personnes et elles croient qu’elles seraient plus à l’aise avec un retour à l’ancien modèle.
Vous vous souviendrez aussi que, lorsque nous avons embauché la nouvelle DPSC, la dirigeante principale des services corporatifs, il y a quelques mois seulement, et la nouvelle légiste, le comité de sélection, qui était composé de moi, de la sénatrice Cordy, du sénateur Wells et du sénateur Campbell à l’époque, a posé la question à chacune. Comme elles avaient toutes deux travaillé dans le cadre de ce modèle pendant un certain temps, étaient-elles à l’aise avec ce dernier? Vous vous en souviendrez, personne n’a soulevé de préoccupations par rapport au modèle.
J’ai vu que nous avons les meilleurs administrateurs en ville et ils suivent les instructions. Nous déterminons le modèle, la stratégie, le mode d’exploitation et les administrateurs font de leur mieux pour respecter cette stratégie et s’assurer qu’elle répond à ce que le Comité de la régie interne, le comité directeur et le Sénat veulent.
Revenons au contexte de 2014 — ceux qui étaient ici se souviendront de ces jours sombres. Quelques scandales ont émergé et les sénateurs devaient s’acquitter de leurs responsabilités. L’ancien président du Comité de la régie interne et le Président m’ont dit et ont dit à bon nombre de membres de ce comité qu’il serait très facile de blâmer l’administration et de dire qu’elle avait pris cette décision. Toutefois, au bout du compte, nous, sénateurs, étions responsables devant le public, comme c’est encore le cas aujourd’hui.
Nous avons donc mis sur pied un modèle, proposé par Pierre Claude et par le Comité de la régie interne. Pierre Claude a alors mis en place un processus de consultation. Il croyait aussi fermement que le président du Comité de la régie interne, du comité directeur du Comité de la régie interne, n’était rien d’autre qu’un baromètre pour le consensus au Sénat. Avant que le comité directeur et le Comité de la régie interne procèdent ces changements, il a consulté le leader du gouvernement et le leader de l’opposition. Des discussions approfondies ont eu lieu. Quand il y a eu l’approbation du leader de l’opposition et du leader du gouvernement ainsi que l’approbation unanime du comité directeur, cela a été mis en œuvre comme projet pilote en 2014. C’est en place depuis trois ans et demi, et il y a eu des contrôles au fil du temps.
Je tiens à vous rappeler à tous, qui êtes autour de cette table, que ce n’est que l’été dernier que des représentants de KPMG ont comparu devant ce comité, à huis clos. On leur a demandé à quel point, selon eux, le modèle était efficace, et s’ils avaient consulté les membres de l’exécutif. Je pense que nous nous souvenons des réponses qu’ils nous ont données. Boyden a aussi comparu devant le comité l’été dernier. Le comité directeur avait retenu ses services et lui avait confié le mandat de faire une évaluation approfondie des trois principaux membres de l’exécutif, ce qui selon nous était la chose à faire.
Dans ce mandat, on demandait aussi à quel point le modèle était efficace. Boyden a présenté un rapport au comité directeur, composé des sénateurs Cordy, Wells et Campbell et de moi. Boyden a comparu devant le comité à l’automne 2017 et a présenté encore une fois ses conclusions aux membres de l’exécutif et son avis sur le modèle. Chers collègues, au bout du compte, le modèle a été mis en œuvre dans le cadre d’un projet pilote, dans le but d’assurer la transparence, la reddition des comptes et l’indépendance, et d’habiliter les sénateurs. Nous avons vu en quoi cela a été efficace.
Quand nous avons entrepris de réformer la Direction des communications, le premier message que nous avons reçu du directeur des communications a été : « Sénateur, nous ne pouvons pas parler avec les sénateurs parce que l’organigramme est trop hiérarchisé. Nous devons rendre compte de nos activités au greffier, qui décide de ce qui devra se passer au comité directeur du Comité de la régie interne. » C’est aussi ce que vous ont dit les directeurs des ressources humaines et les 13 ou 14 directeurs du Sénat.
Nous avons donc créé ce système décentralisé pour habiliter le sous-comité. C’est pourquoi nous avons informé les ressources humaines. C’est aussi pourquoi nous avons modifié la direction des communications. Je sais que mes explications prennent beaucoup de temps, mais il est important que les membres du comité comprennent le contexte…
Le président : Il y a aussi les autres personnes qui doivent s’exprimer avec vous, qui ont aussi des choses à dire qu’elles jugent importantes.
Le sénateur Housakos : Je vais terminer en disant simplement, chers collègues, que nous avons fait beaucoup de progrès pour modifier la culture ainsi que diverses directions. Nous sommes sur le point de terminer la réforme de la Direction des ressources humaines. Il reste du travail à faire. Je pense que, si nous retournons à l’ancien système, nous risquons de nous retrouver dans une situation où en tant que sénateurs habilités à agir, nous ne serons pas en mesure d’exercer de l’influence sur l’administration; c’est plutôt le contraire qui se produira. Ultimement, si vous consultez ce mémoire et que vous le lisez attentivement, nous ne faisons qu’abroger nos responsabilités pour les remettre dans les mains du Bureau du Conseil privé, ce qui selon moi serait une erreur fondamentale.
Le sénateur Mitchell : J’appuie la proposition. En fait, j’ai parlé au sénateur Nolin pendant cette période sombre parce que j’avais une préoccupation fondamentale qui, je pense, faisait partie de la raison — je ne veux blâmer personne — pour laquelle nous nous sommes retrouvés dans cette situation. C’est parce que, lorsque les greffiers précédents ont été nommés par les deux gouvernements au fil du temps, en provenance des deux partis, il s’est avéré que ce sont des experts des règles parlementaires qui ont dirigé l’ensemble de l’organisation. Ainsi, nous n’embauchions pas les personnes — sauf deux ou trois, d’excellentes personnes, d’après moi — qui avaient l’expérience nécessaire ou la capacité de diriger une entreprise ou une opération à hauteur de 100 millions de dollars. Par conséquent, j’ai parlé au sénateur Nolin de trouver une solution; j’aurais plutôt embauché un gestionnaire d’entreprise, à l’époque.
La solution qui en a découlé consistait à scinder cette entité en trois afin qu’un brillant greffier parlementaire ne soit pas en mesure de gérer une opération de 100 millions de dollars, et c’est là où nous en sommes. Selon moi, ce n’est pas une coïncidence que les trois personnes qui avaient accepté initialement ces trois postes ne sont plus en poste. D’après ce que je comprends, cela vient de la frustration d’avoir trois têtes dirigeantes sans qu’aucune ait préséance sur les autres. C’est comme si nous avions trois sous-ministres adjoints qui rendraient des comptes à un ministre, mais la situation est pire, puisque ce n’est pas à un ministre qu’ils rendent des comptes, mais à un comité.
En quelque sorte, nous avons la pire de toutes les possibilités. Nous avons trois experts, excellents dans leurs trois sphères d’activités, mais personne n’agit à titre de coordonnateur de tous ces efforts et de toutes les tâches qu’ils doivent accomplir, aucune tête dirigeante, ou aucun leader administratif de l’organisation. Par conséquent, ces trois personnes rendent directement des comptes à un comité.
Je veux donc faire la distinction entre les préoccupations liées à notre structure et celles qui concernent la façon dont nous nommons ces administrateurs, parce que je pense qu’il y a un amalgame ici.
Je crois que la préoccupation suscitée par la possibilité d’une nomination par décret provenant du premier ministre, ce qui a toujours été le cas — c’est ce qui s’est fait pendant les 10 années précédentes —, est en train de changer parce que nous nous disons : « Eh bien, laissons les choses telles quelles puisque nous pouvons les contrôler ainsi. »
Il est impossible à l’heure actuelle de changer le processus de nomination par décret, mais je pense que nous nous entendons tous pour dire que nous devrions le faire. En attendant, nous pouvons mener un processus ouvert pour l’embauche de cette personne et, en fait, les quatre chefs ont déjà discuté du processus. Je pense que cela se fait de bonne foi et je ne sais pas pourquoi nous devrions craindre que quelqu’un que nous ne voulons pas soit désigné. Je pense que nous pourrions embaucher cette personne aux termes d’un processus ouvert ou, à tout le moins, formuler une recommandation à cet effet de sorte que nous ayons une très bonne chance de voir notre candidat nommé.
À plus long terme? Eh bien oui, il faudra voir comment nous allons choisir le Président et la personne qui occupera ce poste. Selon moi, peu importe le processus de nomination pour le Président, il est extrêmement important de faire en sorte que cela fonctionne. Il pourrait s’agir d’un ancien sous-ministre ayant de l’expérience de très haut niveau en matière d’administration et de gestion, peut-être un sous-ministre nommé dans le cadre de votre gouvernement. Ce serait excellent. Toutefois, il nous faut quelqu’un en mesure de gérer une grande organisation et d’en assurer la direction.
Le sénateur Munson : Il s’agit d’une nomination par décret. Le greffier du Conseil privé est le greffier du Conseil privé. Le Conseil privé ne compte pas trois greffiers. Dans le secteur privé, il y a un PDG. Il y a aussi un directeur principal des finances en plus de quelqu’un qui est responsable des ressources humaines. Le dernier mot appartient au PDG et non au DPF, pas plus qu’au directeur des ressources humaines. Dans ce cas-ci, nous nous retrouvons dans une situation où le greffier relèverait du président et de deux vice-présidents et ferait rapport au conseil d’administration, c’est-à-dire nous, en quelque sorte. Il existe donc de nombreuses mesures en place qui font en sorte que le Sénat est géré par une personne responsable du Sénat, et je pense qu’il est tout à fait logique que ce qui se passe au secteur privé puisse aussi avoir lieu au secteur public.
La sénatrice Batters : Tout récemment, au cours des derniers mois, notre comité a embauché deux des trois personnes pour occuper ces postes permanents qui constituent le triumvirat actuel. Il s’agissait de l’agent principal des services corporatifs et du légiste.
Ce que le gouvernement Trudeau songe à faire, par cette manœuvre, c’est de subordonner au poste de greffier ces deux postes de cadres supérieurs de l’Administration du Sénat qui sont à l’heure actuelle des pairs, au sein d’une structure composée de trois personnes. Je vous signalerais que les deux personnes qui ont été embauchées récemment pour occuper ces postes de cadres supérieurs pour le Sénat sont des femmes. Je trouve surprenant que le gouvernement Trudeau, qui se fait une fierté en matière d’égalité des sexes, cherche à faire en sorte que ces deux femmes embauchées récemment à des postes de cadres supérieurs, comme des pairs, dans le cadre d’un processus de nomination au Conseil privé, deviennent les subalternes d’une personne nommée par le premier ministre. Puisque ces deux femmes ont été embauchées en tant que collègues égales dans une structure constituée de trois personnes, je pense que la mise en œuvre de ce changement laisserait le Sénat à risque de faire face à une poursuite pour congédiement déguisé.
Contrairement à ce qui se trouve dans la note d’information, il ne s’agit pas à l’heure actuelle d’une structure horizontale. Avant la mise en œuvre de cette structure à 3 personnes, nous avions une structure horizontale où 14 directeurs relevaient d’un greffier. Maintenant, il s’agit plus d’une pyramide. En fait, il n’y a qu’un niveau d’ajouté, c’est-à-dire un niveau supérieur.
Je pense donc que ce changement laisserait une impression indéniable que plutôt que d’avoir un Sénat indépendant, le Sénat relèverait du cabinet du premier ministre. En outre, en raison de ces changements, le Règlement administratif du Sénat devra être modifié. Nous avons mis beaucoup d’efforts dans ce document au cours des deux dernières années. Le fait qu’il faille modifier le Règlement démontre, selon moi, que cette structure tripartite ne devait pas être temporaire. Veuillez vous rappeler que toute modification au Règlement doit être approuvée par notre comité ainsi que par le Sénat dans son ensemble.
En réponse à l’observation du sénateur Mitchell, une consultation relativement à ce poste particulier a déjà été demandée par les groupes des leaders au Sénat l’été dernier et cela a été refusé. Je pense que ce qui se passe en fait c’est que le gouvernement cherche plutôt à ce que la personne occupant un certain poste ait le dernier mot, ou bien que le dernier mot se situe au cabinet du premier ministre.
La sénatrice McCoy : J’aimerais retourner un peu en arrière. J’étais une sénatrice indépendante lorsque le changement initial a été apporté à la structure exécutive de notre personnel, c’est-à-dire à l’Administration du Sénat. Le président, Pierre Claude Nolin, qui avait comme il le méritait le respect de nous tous et qui voulait profondément moderniser le Sénat, et je peux en témoigner, s’était en fait tourné vers plus que les seuls caucus politiques. Il s’était aussi tourné vers moi en tant que sénatrice indépendante. Il avait discuté de cette proposition de changement avec moi, il m’en avait expliqué les raisons et m’avait persuadée. Les raisons étaient qu’on avait établi que nous avons besoin de chefs solides pour administrer notre personnel de façon moderne, et il est difficile d’obtenir la bonne combinaison de compétences, d’expérience et de talent en une seule personne. C’est presque impossible.
Nous avons donc adopté le modèle du triumvirat, l’exécutif composé de trois personnes. C’est un exemple de structure organisationnelle moderne, modèle de prestation de service qui convient, en réalité, à un organe législatif comme le Sénat du Canada, qui compte quelque chose comme 105 patrons. Je tiens à insister sur le fait que nous ne cherchons pas à faire quelque chose du genre d’un ministère fédéral, un élément d’un organe exécutif des structures de gouvernance du Canada. Cela ne marche tout simplement pas. Les modèles semblables aux sociétés, qu’il s’agisse de sociétés privées ou d’ONG, ont aussi un rendement efficace. Nous sommes ce que nous sommes, c’est tout.
J’ai donc une ou deux choses à dire. Je pense que s’il y a une chose dont nous devons toujours avoir conscience, au Sénat du Canada, c’est cette tendance, de temps à autre, à fusionner les pouvoirs. Chaque fois que nous le faisons, nous avons des problèmes. Il arrive si souvent que cela mène à un abus de pouvoir. Donc, l’élément salvateur, c’est que les 105 sénateurs puissent avoir leur mot à dire, mais que nous soyons en constante communication.
Le président : Sénatrice, nous allons devoir passer à autre chose.
La sénatrice McCoy : Il faudrait que l’administration en fasse autant.
Pour terminer, en ce qui concerne l’intervention du rôle du premier ministre dans le processus de sélection, qui est un enjeu distinct, je suis d’accord sur ce qui a été dit.
Le président : Je vais procéder au vote dans trois minutes.
Le sénateur Tannas : J’ai des doutes à ce sujet. Nous revenons à un ancien modèle alors que nous sommes censés être un Sénat moderne, transparent et indépendant.
Le sénateur Mitchell a dit que le greffier du Sénat est quelqu’un qui a une expertise très particulière, qu’il est difficile à trouver. Il sera à mon avis quasiment impossible de trouver quelqu’un qui possède aussi des compétences de leadership exécutif.
Nous parlons ici d’embaucher le chef de direction, de nommer le chef de direction qui supervisera l’administration et, pour une raison quelconque, ses fonctions doivent être reliées à cette expertise législative. Ce ne sera pas nous qui allons embaucher cette personne, et nous ne pourrons pas non plus la licencier, et par conséquent, elle ne relève pas de nous.
C’est exactement la même situation qu’à mon arrivée ici, à l’époque des jours sombres, et elle nous a mal servis. Nous avions un expert législatif qui manquait de compétences de leadership exécutif, et c’est ce qui nous a fait du tort. Je ne comprends pas pourquoi nous reviendrions à l’ancien modèle.
Monsieur le président, prenons un peu de recul. Je suis d’accord pour dire que, si nous voulons avoir quelqu’un qui peut assurer un leadership exécutif parce que nous estimons que c’est ce qu’il faut, c’est ce que nous devrions faire, mais il faut distinguer cela du concept d’un expert en un sujet très particulier qui doit s’acquitter de ses fonctions.
[Français]
La sénatrice Moncion : Je suis d’accord avec vos commentaires selon lesquels une personne ne peut pas maîtriser tous les aspects opérationnels et politiques d’une entreprise. Par contre, elle peut s’entourer de subalternes qui ont une expertise dans chacun des domaines. Cela fait en sorte que le leadership soit plus fort et mieux appuyé lorsque la personne au-dessus de la structure possède le talent de bien s’entourer.
Je ne ferai pas de commentaires sur ce qui existe ou sur ce qui a existé. Je ne connais pas les dysfonctions qu’il y avait auparavant. Je ne peux pas non plus commenter le fonctionnement actuel, car je ne le connais pas suffisamment. Je peux toutefois mentionner l’importance de séparer le volet politique du volet opérationnel.
Selon ma compréhension, les sénateurs devraient concentrer leur travail sur le plan politique, alors que le personnel devrait travailler sur le volet opérationnel. C’est lorsqu’on mélange les deux qu’on se retrouve dans des zones grises, et cela occasionne toutes sortes d’autres problèmes, qui étaient peut-être à l’origine des problèmes du passé.
Je reconnais le fait qu’il existe trois solitudes à l’heure actuelle. Je comprends aussi que ces personnes ont mentionné qu’il était difficile de travailler dans un tel environnement et qu’à un moment donné, ils ont besoin d’un fonctionnement concerté et de savoir que la personne qui joue le rôle de concertation est une personne qui a du pouvoir. Cette personne aura autant de pouvoir que nous voudrons bien lui donner.
Ce qu’on devrait essayer d’atteindre, c’est un équilibre entre le rôle de cette personne et le pouvoir du Sénat quant à cette personne. Ce sont les commentaires que je voulais apporter.
[Traduction]
Le président : Est-ce que quelqu’un peut proposer la motion suivante? Que, à compter de la nomination du nouveau greffier, l’Administration du Sénat soit restructurée conformément à l’organigramme proposé, le greffier du Sénat occupant la fonction de chef de l’organisation; et que l’organigramme proposé soit annexé au procès-verbal de la partie publique de la réunion.
Est-ce que quelqu’un peut proposer la motion? La sénatrice Saint-Germain, appuyée par la sénatrice Jaffer.
Chers collègues, avant de procéder au vote par appel nominal, je tiens à vous rappeler que, selon le Règlement du Sénat, les membres d’office jouissent du même statut que les autres membres du comité, y compris le droit de vote. Il est actuellement convenu que les membres d’office ne votent pas en comité, d’un commun accord. Je demande donc aux membres d’office du comité qui souhaitent ne pas voter de le signaler.
Merci beaucoup, sénateur Mitchell.
Le nom du sénateur Mitchell, membre d’office, ne sera pas appelé, et il ne sera pas inscrit au compte rendu comme ayant voté ou s’étant abstenu. J’invite maintenant la greffière à procéder au vote.
Pascale Legault, dirigeante principale des services corporatifs et greffière du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, Sénat du Canada : Honorables sénateurs, je nommerai chacun des membres du comité, en commençant par le président, puis en procédant par ordre alphabétique. Les sénateurs doivent verbalement indiquer s’ils votent pour ou contre la motion, ou s’ils s’abstiennent de voter.
Mme Legault : L’honorable sénateur Campbell?
Le sénateur Campbell : Oui.
Mme Legault : L’honorable sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Non.
[Français]
Mme Legault : L’honorable sénateur Carignan?
Le sénateur Carignan : Non.
[Traduction]
Mme Legault : L’honorable sénateur Housakos?
Le sénateur Housakos : Non.
Mme Legault : L’honorable sénatrice Jaffer?
La sénatrice Jaffer : Oui.
[Français]
Mme Legault : L’honorable sénateur Joyal?
Le sénateur Joyal : Non.
[Traduction]
Mme Legault : L’honorable sénatrice Marshall?
La sénatrice Marshall : Non.
Mme Legault : L’honorable sénatrice McCoy?
La sénatrice McCoy : Non.
[Français]
Mme Legault : L’honorable sénatrice Moncion?
La sénatrice Moncion : Oui.
[Traduction]
Mme Legault : L’honorable sénateur Munson?
Le sénateur Munson : Oui.
[Français]
Mme Legault : L’honorable sénateur Pratte?
Le sénateur Pratte : Oui.
Mme Legault : L’honorable sénatrice Saint-Germain?
La sénatrice Saint-Germain : Oui.
[Traduction]
Mme Legault : L’honorable sénateur Tannas?
Le sénateur Tannas : Non.
Mme Legault : L’honorable sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : Non.
[Français]
Mme Legault : L’honorable sénatrice Verner?
La sénatrice Verner : Non.
[Traduction]
Le président : La motion est rejetée par 9 voix contre 6.
(La séance est levée.)