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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 


Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule n° 2 - Procès-verbal du 18 février 2016


OTTAWA, le jeudi 18 février 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 1 dans le cadre de son étude sur de nouvelles questions concernant son mandat.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité.

Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux membres du public ici présents, ainsi qu'aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à ces spectateurs que les réunions du comité sont ouvertes au public et que l'on peut également les regarder sur Internet à partir du site sen.parl.gc.ca. Vous trouverez davantage de renseignements sur les témoins qui comparaîtront sur ce site web sous la rubrique «Comités du Sénat».

Nous ferons maintenant le tour des sénateurs assis à la table, et je commencerai en présentant le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur MacDonald : Je suis Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul J. Massicotte, de la province de Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Johnson : Janis G. Johnson du Manitoba.

Le président : J'en profite également pour vous présenter notre personnel, en commençant par la greffière, Lynn Gordon, assise à ma gauche, et les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Le comité a comme mandat d'étudier les lois et les questions touchant généralement à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles.

J'ai l'honneur d'accueillir pour la deuxième fois ici Mme Julie Gelfand, qui a été nommée commissaire à l'environnement et au développement durable en mars 2014.

Madame, soyez la bienvenue. Nous sommes heureux que vous ayez le temps de venir nous parler aujourd'hui de votre rapport de l'automne 2015 déposé au Parlement, car vous devenez de plus en plus occupée, ce qui est formidable. Votre rapport de l'automne touche à divers sujets qui nous intéressent, y compris la surveillance des pipelines de compétence fédérale, le progrès des ministères en ce qui concerne la mise en œuvre des stratégies de développement durable, les pétitions sur des questions environnementales et, enfin, la sécurité des pesticides. Nous avons hâte de vous écouter. Je souhaite la bienvenue à votre équipe, mais je vous confie la tâche de nous la présenter. Madame, à vous la parole.

Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, merci de nous avoir invités. Je suis heureuse d'être ici ce matin pour informer les honorables sénateurs et sénatrices sur nos travaux en cours. Je suis accompagnée aujourd'hui d'Andrew Ferguson, Kimberley Leach et Kari Swarbrick, les responsables de mes rapports de l'automne 2015.

Permettez-moi tout d'abord de vous donner un bref aperçu de notre mandat.

Au nom du vérificateur général du Canada, la commissaire à l'environnement et au développement durable offre aux parlementaires de l'information objective et factuelle et des conseils experts sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger l'environnement et favoriser le développement durable. Nous nous acquittons de ces responsabilités en vertu de deux lois.

[Français]

Tout d'abord, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, notre bureau effectue des audits de performance et surveille les progrès réalisés par les ministères sur les questions de la protection de l'environnement et du développement durable. Nos travaux visent à déterminer si les activités des ministères pour mettre en œuvre les politiques et programmes fédéraux en matière d'environnement et de développement durable sont menées de manière efficace et si elles donnent des résultats. Nous gérons aussi le processus de pétitions environnementales, qui permet aux Canadiens d'obtenir des réponses directement des ministres fédéraux sur des questions précises en matière d'environnement et de développement durable qui sont de compétence fédérale.

Selon la loi fédérale sur le développement durable, notre bureau effectue des examens et fait des observations sur la Stratégie fédérale de développement durable. De plus, nous surveillons dans quelle mesure les ministères fédéraux contribuent à l'atteinte des cibles et des objectifs prévus dans la Stratégie fédérale de développement durable, et nous faisons rapport à ce sujet.

[Traduction]

Je présente mes rapports au Parlement au moins une fois par année. Cette année, ce sera trois fois. Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais maintenant vous parler des principales constatations découlant de mes rapports de l'automne 2015 qui ont été déposés au Parlement le 26 janvier 2016.

Dans le premier audit, nous avons examiné comment l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a géré certains aspects de son mandat. Bien que nous choisissions nos audits de manière indépendante, nous avons effectué cet audit en partie à cause d'un grand intérêt qu'a manifesté le Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts. Le comité avait tenu une réunion sur la question de la santé des abeilles, la santé de nos pollinisateurs, et avait demandé si nous pouvions nous pencher sur la question de nouveau. C'était l'un des facteurs dont nous avons tenu compte lors de la prise de décisions concernant ce sujet.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire est chargée de déterminer quels pesticides peuvent être utilisés au Canada, et dans quelles conditions.

Il y a actuellement sur le marché canadien quelque 7000 pesticides qui contiennent environ 600 ingrédients actifs.

[Français]

L'agence est tenue de réévaluer tous les 15 ans la valeur des pesticides homologués et les risques qui leur sont associés. Or, 95 p.100 des réévaluations faites par l'agence ont donné lieu à des précautions additionnelles pour protéger la santé humaine ou l'environnement. Pendant la période visée par notre audit, l'agence a effectué environ 14 évaluations par année. À la fin de notre audit, le nombre de réévaluations qui restaient à terminer s'élevait à plus de six fois ce chiffre. Compte tenu du nombre de réévaluations que l'agence prévoit déclencher chaque année, elle doit accélérer la cadence pour prévenir les risques inacceptables à la santé humaine et à l'environnement que pose l'utilisation dangereuse des pesticides.

Je suis aussi préoccupée par le fait que l'agence a mis en moyenne 5 ans — et parfois jusqu'à 11 ans — pour retirer du marché certains pesticides après avoir déterminé que le produit posait des risques inacceptables dans toutes les utilisations.

[Traduction]

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire peut homologuer un pesticide sous conditions lorsqu'elle conclut qu'elle a besoin d'information complémentaire pour confirmer son évaluation de la valeur d'un produit et des risques qu'il pose pour la santé humaine ou l'environnement. Tant qu'un pesticide demeure homologué sous conditions, il peut être vendu et utilisé, et d'autres produits qui contiennent le même ingrédient actif peuvent être commercialisés.

Nous avons constaté que neuf produits sont demeurés homologués sous conditions pendant plus de 10 ans. Huit d'entre eux appartiennent à la classe des néonicotinoïdes. Ces produits continuent d'être largement utilisés au Canada même s'ils sont soupçonnés d'être dangereux pour les abeilles, d'autres pollinisateurs et des écosystèmes plus vastes. Nous avons noté que l'agence a annoncé qu'elle cesserait d'accorder des homologations sous conditions à compter du 1er juin de cette année.

Notre deuxième audit a porté sur la surveillance des pipelines de compétence fédérale exercée par l'Office national de l'énergie. Comme vous le savez, l'office établit les exigences que doivent respecter les compagnies afin d'exploiter de façon sécuritaire les quelque 73000 kilomètres de pipelines qui transportent du pétrole et du gaz naturel pour le compte des clients au Canada et à l'étranger.

Notre audit a conclu que l'office n'avait pas surveillé de manière appropriée la mise en œuvre des conditions d'approbation des pipelines, ni effectué de suivi adéquat des écarts de conformité des compagnies. Nous avons constaté que les systèmes de suivi de l'office étaient désuets et inefficaces.

[Français]

Nous avons aussi conclu que l'Office national de l'énergie a de la difficulté à recruter et à maintenir en poste des employés dans des domaines spécialisés comme l'intégrité des pipelines et la conformité réglementaire.

Étant donné l'augmentation escomptée de la capacité des pipelines et l'entrée en vigueur de la Loi sur la sûreté des pipelines d'ici juin 2016, il est clair que l'Office national de l'énergie doit redoubler d'efforts pour rester au fait de l'évolution rapide du contexte dans lequel il opère.

Notre dernier audit a porté sur les progrès réalisés par certains ministères pour respecter les engagements pris dans leurs stratégies de développement durable en vue de renforcer leurs pratiques d'évaluation environnementale. Depuis 1990, le Cabinet exige que les 26 ministères et organismes gouvernementaux effectuent une évaluation environnementale stratégique des projets de politique ou de programme soumis aux ministres lorsque la mise en œuvre pourrait avoir des effets environnementaux importants, qu'ils soient positifs ou négatifs.

[Traduction]

Notre audit de 2015 a montré que la directive du Cabinet avait été appliquée à seulement cinq des plus de 1 700 projets soumis aux ministres responsables d'Agriculture Canada, de l'Agence de revenu du Canada, de Patrimoine canadien, et de Pêches et Océans Canada. Cela signifie, par exemple, qu'il n'y a pas eu d'information fournie sur d'importants effets environnementaux possibles pour le projet des Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015. De même, la directive du Cabinet n'a pas été appliquée au projet de transfert, dans le but de construire un hôpital, de 60 acres de terrain ayant une importance historique reconnue.

Nous avons aussi remis au Parlement notre rapport annuel sur les pétitions environnementales. Cette année, nous avons reçu 15pétitions environnementales sur divers sujets, y compris le transport de matières dangereuses et des préoccupations touchant l'environnement et la santé humaine.

Honorables sénateurs et sénatrices, avant de conclure, j'aimerais parler du développement durable et des changements climatiques. Je soulève ces deux sujets dans la préface de nos rapports. Je considère que ces deux sujets sont indissociables, et qu'ils s'inscrivent parmi les plus pressants de notre époque.

[Français]

En septembre 2015, le Canada et 192 autres pays ont adopté le Programme de développement durable à l'horizon 2030. Ils se sont engagés à atteindre les 17 objectifs de développement durable qui en découlent.

De plus, avant l'ouverture de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue à Paris en décembre 2015, le Canada avait indiqué qu'il réduirait ses émissions de gaz à effet de serre de 30 p.100 par rapport aux niveaux de 2005, et ce, d'ici 2030. Le gouvernement a précisé depuis qu'il considère cette cible comme étant un minimum et il s'est engagé à travailler avec les provinces pour élaborer un plan canadien de lutte contre les changements climatiques.

[Traduction]

La prochaine Stratégie fédérale de développement durable du Canada est attendue en 2016. La pleine intégration de cette stratégie du Programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies et des engagements en matière de changements climatiques issus de la Conférence de Paris donnera une indication nette de l'engagement du Canada envers le développement durable et la lutte contre les changements climatiques. J'attends avec intérêt de rendre compte au Parlement des projets accomplis par le gouvernement pour atteindre ces objectifs des plus importants.

Finalement, j'ai joint à ma déclaration d'ouverture une liste de questions que vous souhaiterez peut-être poser aux représentants des ministères, si des audiences sur nos rapports avaient lieu. J'espère que vous trouverez ces renseignements utiles.

Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Nous allons commencer par les questions, et c'est le vice-président qui ouvrira le bal.

Le sénateur Mitchell : Merci, madame la commissaire. Vous nous avez fourni un terrain fertile, comme on dit, pour des sujets qui nous intéressent.

Ma première question porte sur vos commentaires sur l'Office national de l'énergie. L'office a comme mandat d'étudier les pipelines et y éprouve des difficultés. Vu que de plus en plus de produits pétroliers sont transportés par voie ferroviaire, y a-t-il quelqu'un qui effectue un examen environnemental de cette activité?

Mme Gelfand : Vous demandez si quelqu'un se charge de faire une évaluation environnementale du transport par voie ferroviaire?

Le sénateur Mitchell : Oui. Nous consacrons beaucoup d'énergie à étudier le transport par pipeline, mais un volume de plus en plus grand est transporté par voie ferroviaire, parce que nous n'avons pas pu construire de pipeline. La sécurité est une préoccupation, tout comme l'incidence sur l'environnement.

Mme Gelfand : L'organisme le mieux placé serait l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.

Je tenterai de vous fournir une réponse. D'après ce que je comprends, la Loi canadienne de l'évaluation environnementale de 2012 n'exige pas qu'un tel projet fasse l'objet d'une évaluation environnementale. Il se peut que j'aie tort. Je ne suis point experte sur la question ou sur cet aspect particulier, et je vous recommande de vous adresser à l'agence.

Quant à savoir si une évaluation environnementale stratégique à l'égard de cette politique a été effectuée, il faudrait savoir quel ministère est concerné. Je ne crois pas que nous nous sommes penchés sur le transport.

Kari Swarbrick, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous l'avons fait en 2014.

Mme Gelfand : En 2014. Et quelles étaient nos conclusions?

Mme Swarbrick : Nous n'avons pas étudié ce projet.

Mme Gelfand : D'accord.

Il faudrait donc poser la question au ministère des Transports et à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Il y a une certaine correspondance, regrettable, entre votre constatation, selon laquelle l'Office national de l'énergie n'a pu assurer la surveillance et le suivi de façon adéquate, et le fait que les ministères ne respectent pas leurs responsabilités en matière de développement durable. C'est frappant : 5 projets sur 1 700, et l'hôpital, qui est situé sur des terres ayant servi à l'étude du changement climatique par les Nations Unies et qui revêt un grand intérêt scientifique.

La situation est-elle attribuable à un manque de ressources ou de capacité? L'Office national de l'énergie a indiqué qu'il avait de la difficulté à recruter des ingénieurs : la situation a peut-être changé depuis, puisque ces ingénieurs seront plus disponibles, malheureusement, en raison du cours du pétrole. Ou est-ce une question de manque de leadership et d'orientation?

Mme Gelfand : Vous m'avez posé deux questions. L'une sur l'Office national de l'énergie, et l'autre sur la mise en œuvre de la directive du Cabinet. Je tenterai d'y répondre.

Le sénateur Mitchell : Je voulais en faire une seule question, afin de ne pas me faire taper sur les doigts par le président.

Mme Gelfand : Je tenterai de faire la distinction.

En ce qui concerne l'Office national de l'énergie, nous avons déterminé que les systèmes de suivi, qui sont souvent des bases de données informatisées, n'étaient pas reliés. On pouvait donc avoir un ingénieur qui faisait le suivi avec un chiffrier, mais ce chiffrier n'était pas forcément relié à la base de données principale sur la sécurité, et il y avait possiblement un autre chiffrier. Les systèmes informatiques ne communiquaient pas entre eux. Le risque d'erreur humaine était donc plus élevé, et l'office n'arrivait pas forcément à trouver les réponses.

Nous disions à l'office : «Regardons ce cas, parce que nous avons prélevé un échantillon aléatoire. Regardons cette condition ou ce manquement. Dites-nous ce que vous en savez», et ses employés étaient paniqués, car ils ne savaient pas où trouver les renseignements.

Si les systèmes informatisés étaient connectés et fonctionnaient bien, il n'y aurait pas cette panique. L'analyste pourrait nous répondre : «Voici ce que nous savons. Voici tous les renseignements sur ces données. Voici tous les fichiers.» Or, ce n'était pas le cas. Les systèmes informatisés ne fonctionnaient pas.

Le problème de capacité était certainement un facteur.

Il y avait donc les systèmes informatisés qui ne fonctionnaient pas et les ressources humaines qui étaient insuffisantes.

Je répondrai à la deuxième partie de votre question, à savoir pourquoi les ministères ne tiennent pas compte des facteurs environnementaux dans la prise de décisions.

En 1990, une directive du Cabinet a stipulé qu'il fallait tenir compte, dans la prise de décisions, de l'incidence sur l'environnement, notamment dans les cas où cette incidence, positive ou négative, pourrait être importante. Dans l'ensemble, nous trouvons que cette directive du Cabinet n'est pas respectée lorsque les soumissions, ainsi que les propositions, sont présentées aux ministres.

Les résultats sont légèrement meilleurs lorsqu'il s'agit de propositions soumises au Cabinet. Environ 110 sur 250 propositions au Cabinet tenaient compte des effets environnementaux possibles.

Vous avez demandé pourquoi. Les ministres ne l'exigent pas. Ni le Cabinet. Les ministères ne suivent pas la directive du Cabinet. Je fais la comparaison avec une personne qui cherche à décider si elle doit ou non installer des panneaux solaires sur sa maison. Quels sont les facteurs pertinents? Il faudrait voir si l'investissement serait rentable, n'est-ce pas? On se demanderait combien de temps on allait passer dans la maison, quel serait le coût des panneaux solaires et quelles seraient les économies. Il faudrait tenir compte de tous les facteurs économiques. Ensuite, on se demanderait ce qui arriverait lorsque les journées ne seraient pas ensoleillées et ce qu'il faudrait faire dans ce cas-là. Ce sont les facteurs sociaux. Qu'arriverait-il à ma famille dans ce cas-là? Aurais-je de l'électricité?

Nous espérons que les gens tiendront également compte des facteurs environnementaux liés à l'installation de panneaux solaires sur leur maison. Du point de vue du développement durable, la prise de décision idéale concernant les panneaux solaires, c'est lorsqu'on tient compte de ces trois groupes de facteurs, y compris l'empreinte écologique, la façon d'aider la planète ainsi que tous les avantages positifs et écologiques. On tiendrait compte de ces trois groupes de facteurs et on prendrait ensuite une décision.

La directive du Cabinet demande aux ministères de ne pas seulement tenir compte des facteurs économiques et sociaux, mais également des facteurs environnementaux. Nous constatons que cela ne se fait pas.

Le président : J'aimerais poser quelques petites questions.

Vous avez dit qu'entre 2000 et 2014, 1 041 conditions ont été rattachées à l'approbation des grands projets de pipelines. Vous avez examiné 49 de ces projets, d'après ce que je comprends dans votre rapport. Comment la décision a-t-elle été prise d'en choisir 49 sur les 1 041 projets soumis sur une période de 14 ans?

Mme Gelfand : Je demanderais à Kim de répondre à votre question. Nous avons un analyste statistique, donc un spécialiste, qui travaille avec les données, et on m'a fait comprendre que cette personne nous a aidés à prélever un échantillon aléatoire. Je demanderais à Kim de répondre à votre question.

Kimberley Leach, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : C'est tout ce que je pourrais vous dire également. Nous avons effectué un échantillonnage représentatif. Il y a des renseignements supplémentaires sur cet échantillonnage et sur l'audit à la fin du rapport. C'était un échantillon représentatif prélevé selon les expertises dont nous disposons dans notre bureau.

Le président : J'aimerais en savoir un peu plus. Il n'est pas nécessaire de nous fournir les renseignements maintenant; vous pourrez les envoyer à la greffière par écrit. Je vous remercie d'avance. Si l'on fait le calcul, 1 014 conditions sur 14 ans, cela représente environ 75 conditions par année. Êtes-vous retourné à 2000, ou avez-vous choisi des conditions vers la fin de cette période? Je crois que ce sont des facteurs importants. Avez-vous effectué un examen de toutes les conditions et ainsi retenu celles qui n'étaient peut-être pas respectées? J'aimerais le savoir.

Deuxièmement, je vais lire une de vos recommandations à l'égard de l'Office national de l'énergie, c'est-à-dire le paragraphe2.33 dans le rapport no 2 :

L'Office national de l'énergie devrait systématiquement faire un suivi de la conformité aux conditions d'approbation des pipelines et documenter correctement ses activités de suivi. Les dossiers devraient notamment comprendre les avis envoyés aux compagnies sur l'état d'avancement de la mise en œuvre des conditions.

Je présume que ce ne sont que des questions administratives. Ce n'est pas le moment critique où survient un problème avec un pipeline. Je suis étonné par certaines de vos recommandations principales, bien franchement. La réponse de l'office était qu'il allait s'en occuper, qu'il allait être plus systématique dans son approche et générer davantage de paperasse.

Je suis étonné par cette recommandation. Pourriez-vous me l'expliquer?

Mme Gelfand : Absolument. Lorsque nous avons effectué notre audit, nous avons eu des entretiens avec des compagnies, ainsi qu'avec le personnel et les membres de l'Office national de l'énergie. Les compagnies nous ont indiqué qu'elles envoyaient des rapports à l'Office national de l'énergie. Disons que c'était un rapport sur la façon dont la compagnie allait corriger une lacune. Elle déposait son rapport qui expliquait comment elle allait se conformer aux exigences, ou encore un rapport sur la sécurité qui décrivait sa façon de procéder. Mais elle n'avait jamais de réponse de l'Office national de l'énergie pour confirmer que tout cela était suffisant.

Les compagnies nous ont dit qu'elles ne savent pas, une fois le rapport envoyé à l'Office national de l'énergie, si les exigences sont satisfaites ou non. C'est la raison principale pour laquelle nous avons dit que l'office devrait assurer un suivi, être en mesure de répondre aux questions et s'entretenir avec les compagnies.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Je vais revenir à l'une de vos premières observations. Nous n'avons pas examiné les mille conditions pour n'en retenir que celles qui étaient source de problèmes, puisque dans l'échantillon, la moitié des conditions n'ont pas fait l'objet d'un suivi suffisant. Une moitié non, mais l'autre moitié si. Nous avons examiné un échantillon aléatoire des conditions.

L'une des conditions précisait qu'une compagnie devait effectuer une étude sur l'impact environnemental d'une possible rupture de pipeline près de l'habitat du caribou. Ce rapport devait être déposé il y a 10 ans, et lorsque nous avons demandé à l'ONE où était ce rapport, l'ONE a dû envoyer un courriel à la compagnie pour se renseigner. L'ONE ignorait qu'il ne l'avait pas et qu'il y avait un retard de 10 ans, et a dû s'adresser directement à la compagnie.

Donc je suis d'accord avec vous pour dire que certaines des recommandations sont du genre «veuillez cocher la case dans votre chiffrier», mais d'autres sont plus graves dans le sens où il manquait des rapports et des plans d'action pour la conformité aux exigences, ou encore des rapports avaient été déposés par des compagnies, mais celles-ci ne savaient pas si elles répondaient aux conditions ou non.

C'est une litanie de lacunes, allant d'un simple oubli d'avoir coché la case jusqu'à un manquement aux obligations.

Le président : Dans votre exemple sur le caribou, bien évidemment, la compagnie avait déposé le rapport.

Mme Gelfand : On l'a trouvé, oui.

Le président : On l'a trouvé. Nous en sommes sûrs.

Mme Gelfand : Absolument.

Le président : Lorsque les représentants de l'Agence canadienne de protection de l'environnement sont venus témoigner, nous leur avons parlé du fait qu'il y avait un manque de personnel et d'autres problèmes. Ce qui se passe, et je connais bien le problème, c'est que l'industrie recrute constamment les employés de l'office. Il faut trouver une façon d'augmenter le salaire des employés ou d'autres mesures pour retenir ce type d'expertise dont a besoin l'Office national de l'énergie, ce que vous avez signalé à juste titre.

Y a-t-il une façon de formuler des recommandations à ce sujet? Cela aurait une incidence énorme sur les employés. Je sais qu'il y a des problèmes avec les contrats, entre autres, mais dans d'autres régions productrices de pétrole et de gaz naturel, les mêmes problèmes sont survenus. Je sais comment nous avons procédé en Colombie-Britannique face à ce problème. Votre mandat vous permet-il de proposer ce genre de mesures? Le gouvernement pourrait-il alors dire : «Écoutez, l'Office national de l'énergie n'arrivait pas à assurer le traitement des rapports, ou n'arrivait pas à faire le suivi des conditions pour être sûr qu'elles sont respectées, et nous recommandons que vous regardiez la façon de faire ailleurs.»

Le plus gros facteur, c'est le salaire. C'est l'argent. Voilà où le bât blesse. L'industrie indique qu'elle serait heureuse, ravie même, de payer davantage au moyen de droits si c'était chose faite.

Mme Gelfand : L'Office national de l'énergie, en étant un organisme fédéral, doit se conformer aux règles fédérales. L'Office national de l'énergie aurait probablement à travailler directement avec le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique pour trouver une façon de procéder. Vous avez raison. J'ai travaillé pendant quelques années dans l'industrie, et les primes du secteur du pétrole et du gaz naturel sont encore plus grosses qu'elles ne le sont dans le secteur de l'extraction minière. Oui, le problème est effectivement lié aux facteurs que vous avez soulevés.

L'Office national de l'énergie, du fait que ce soit un organisme fédéral situé à Calgary, se trouve dans une situation de concurrence pour le même bassin de ressources. Il faudrait négocier une entente, ou obtenir une dispense spéciale de certaines règles fédérales afin de répondre aux besoins.

Le président : Je comprends bien la situation. Pouvez-vous formuler une recommandation?

Mme Gelfand : Nous avons recommandé à l'office de se pencher sur le dossier et d'examiner les règles fédérales pour déterminer la façon de procéder. Toutefois, je ne crois pas que je sois autorisée à formuler une recommandation pour modifier les règles fédérales.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de vos commentaires ce matin. Vous avez ouvert une porte, soit celle de jeter un regard sur l'avenir dans le cadre des discussions tenues à Paris et des cibles que s'est fixées le gouvernement fédéral en matière de gaz à effet de serre. La question des partenariats avec les provinces et les territoires pour établir les cibles, c'est une autre sphère de négociations. Vous avez la responsabilité de vérifier si les objectifs du gouvernement fédéral sont atteints. Comment allez-vous vous assurer que la grande majorité des objectifs et des programmes à l'échelle provinciale sont atteints, qu'il y aura un vis-à-vis à l'intérieur de ces provinces pour favoriser la synergie, tant à l'échelle fédérale que provinciale? À ma connaissance, les provinces n'ont pas de vérificateur général en matière environnementale. Quelles mesures prévoyez-vous prendre? Allez-vous accorder la priorité aux bureaux du vérificateur général dans les provinces pour qu'ils se dotent d'une personne qui aura le même mandat que vous au niveau provincial? Ma question est longue, mais j'estime qu'il est important de la poser.

Mme Gelfand : Je suis très heureuse que vous m'ayez posé cette question, parce que j'ai une réponse. Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il y a bel et bien un commissaire à l'environnement et au développement durable au Bureau du vérificateur général du Québec. Il y en a un aussi en Ontario, mais ce commissaire à l'environnement ne fait pas partie du Bureau du vérificateur général. Bref, au Canada, il y en a trois. On peut en compter de six à dix dans d'autres pays, notamment en Australie.

Deuxièmement, je suis ravie de vous dire que nous collaborons à l'heure actuelle avec tous les bureaux des vérificateurs provinciaux et des territoires dans la mise en œuvre d'une initiative afin que chaque province évalue ses progrès en matière de réduction de gaz à effet de serre. Nous prévoyons présenter des rapports dans tous les parlements provinciaux en 2017. De plus, nous présenterons une vue d'ensemble du bilan de toutes les provinces et des territoires par rapport aux objectifs du gouvernement fédéral. D'ailleurs, ce sera la première fois que toutes les provinces travaillent ensemble.

La sénatrice Ringuette : Bravo!

Mme Gelfand : Une fois que nous aurons... Je vais m'exprimer en anglais.

[Traduction]

Une fois que nous aurons mis au point les détails d'une collaboration...

[Français]

... nous nous en remettrons tous aux lois qui nous encadrent. Une fois que nous établirons la méthodologie d'ici 2017, j'espère que nous pourrons répéter cet exercice en 2021 et en 2026, soit tous les trois ou quatre ans, pour que le Canada ait un aperçu des progrès réalisés en matière de changements climatiques.

La sénatrice Ringuette : Bravo!

[Traduction]

Le président : Madame la sénatrice, je vais devoir mettre votre nom sur la liste de la deuxième série de questions, car il reste encore des gens qui souhaitent intervenir.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie pour votre présentation, qui est fort intéressante. L'Office national de l'énergie a comparu devant notre comité à maintes reprises et, à chaque occasion, il nous a assurés qu'il accomplit son travail en faisant preuve d'intégrité et qu'il ne manque pas en ce moment de personnel. Toutefois, on nous a affirmé que certaines préoccupations avaient été soulevées du point de vue du personnel, mais que l'office travaillait à remédier à la situation. L'Office national de l'énergie joue un rôle très important au Canada. En ce qui concerne le débat sur la sécurité des pipelines, il est clair que nous devons nous doter d'un bureau indépendant pour nous rassurer en ce sens. Votre rapport soulève de sérieuses questions en ce qui concerne les compétences de l'Office national de l'énergie, et cela met en doute la confiance que nous lui accordons.

Je constate également des problèmes importants lorsque je lis vos commentaires sur les pesticides et les rapports des ministères. C'est bien que vous notiez qu'il y a des problèmes majeurs, mais il faut trouver une solution. Bon nombre de Canadiens diront que c'est de la bureaucratie, que c'est de la faute d'Ottawa, qu'il y a un manque de supervision et d'engagement, et cetera. Cependant, quelle est la solution? Est-ce une question de culture, de compétences? Vos commentaires sont vastes et cela fait peur.

Mme Gelfand : Vous me posez la question en ce qui concerne l'Office national de l'énergie.

Le sénateur Massicotte : Les trois.

Mme Gelfand : Les trois!

Le sénateur Massicotte : Comme vous le constatez, cela s'applique à plusieurs départements et ministères, ce qui nous laisse croire qu'il y a un problème de culture. Quelle est la solution? Il faut trouver un moyen de rassurer les Canadiens et les Canadiennes.

Mme Gelfand : Tout d'abord, la législation portant création de l'Office national de l'énergie remonte à 1959. C'est uniquement au cours des dernières années, soit depuis 2012, qu'il y a eu de petits changements. À mon avis, la description de l'Office national de l'énergie est inexacte, car il s'agit réellement d'un office national qui s'occupe de pipelines et d'oléoducs. Cet organisme réalise peu de projets en matière d'énergie renouvelable. Il réalise quelques projets dans le domaine de l'électricité. Je crois qu'il faudrait revoir sa mission et moderniser la loi qui a permis sa création.

Deuxièmement, en général, selon les directives du Cabinet, nos décisions doivent être prises dans une perspective environnementale, pas seulement du point de vue économique et social. Les Canadiens et les Canadiennes peuvent être rassurés du fait que l'on ne prenne pas de décisions seulement en fonction de l'économie, mais aussi en jetant un regard sur la protection de l'environnement. De telles décisions permettraient de rassurer davantage les Canadiens et les Canadiennes. Nous disposons des outils nécessaires, mais nous ne les utilisons pas.

Le sénateur Massicotte : Vous recommandez de préciser et d'élargir la mission de l'office, mais nous avons de la difficulté en ce moment à mener à bien les projets, à faire les suivis quant aux exigences des compagnies de pipelines — il n'y a eu aucun suivi ni aucune discussion pour savoir si nous répondons aux exigences. J'espère que nous trouverons une solution. Je suis très préoccupé. L'office a de la difficulté à accomplir ce qui est proposé. On dirait qu'il y a un manque d'engagement, ou qu'il s'agit d'un problème culturel. Nous devrions peut-être privatiser ces services, car il y a un problème majeur.

Mme Gelfand : N'oubliez pas que, dans la moitié des cas, l'office a pu nous fournir l'information.

Le sénateur Massicotte : La moitié seulement...

Mme Gelfand : Oui, je le sais.

Le sénateur Massicotte : Pas à 99 p.100.

Mme Gelfand : Cependant, ce n'est pas comme si c'était zéro. Donc, dans 50p.100 des cas, l'office était en mesure de nous fournir l'information. Dans l'autre 50 p.100 des cas, il en était incapable. Ses systèmes informatisés sont désuets, ils sont vieux et ne communiquent pas.

Le sénateur Massicotte : Arrêtez, cela me fait peur.

Mme Gelfand : L'office sait qu'il est aux prises avec des problèmes d'informatique. Il nous l'a affirmé lors de sa présentation. Ainsi, la modernisation de ses systèmes informatiques aidera beaucoup. Il sera en mesure de récupérer rapidement des renseignements de façon systématique. Le manque de confiance chez les Canadiens s'explique par le fait qu'il s'agit d'un organisme qui existe depuis longtemps et qui a le même mandat depuis 1959, environ. Alors, ce serait peut-être le temps de moderniser ses systèmes.

La sénatrice Bellemare : Bon nombre de mes questions ont déjà été posées. Effectivement, la confiance liée aux pipelines est un sujet d'actualité, mais je serai plus pointue. J'aimerais vous ramener à la page 17 du Rapport 2, où figure le graphique 2.4 Incidents survenus sur des pipelines réglementés par l'Office de 2008 à 2014. On remarque que les incidents sont en baisse. Il y a eu une hausse importante en 2012. Il y a eu aussi des incidents importants. Ces chiffres nous montrent-ils la réalité ou sont-ils liés à des problèmes d'informatique et de main-d'œuvre? Y aurait-il d'autres incidents qui ne sont pas rapportés, parce que nous n'en sommes pas au courant?

Mme Gelfand : Je fais confiance à ces statistiques. Ce sont de vrais chiffres, ce qui devrait nous redonner confiance. Je n'ai peut-être pas mentionné qu'il y a de trois à dix incidents sérieux par année. C'est peu. Lorsque je me suis entretenue avec le vérificateur général à ce sujet, il me disait que les compagnies font du bon travail — l'Office ne suit pas tout à fait, mais les compagnies, qui ont elles aussi intérêt à faire du bon travail, accomplissent bien leurs tâches.

La sénatrice Bellemare : Les compagnies assurent une surveillance accrue également. Une compagnie peut-elle retenir des renseignements? Lorsqu'un incident survient et que la compagnie intervient, est-elle obligée de le rapporter ou peut-elle tout simplement ne pas le rapporter?

Mme Gelfand : Elle est obligée de le rapporter.

La sénatrice Bellemare : Y a-t-il des vérifications qui sont faites?

Mme Gelfand : Oui. C'est l'Office national de l'énergie qui se charge de faire ces vérifications. Il en a fait plusieurs. Il y a aussi le Bureau de la sécurité des transports du Canada.

La sénatrice Bellemare : J'ai une autre question qui porte sur le même sujet et qui concerne un peu le Québec. Le dossier des pipelines fait l'objet d'un débat houleux chez nous. On parle de pipelines qui traverseraient un nombre phénoménal de rivières, de ruisseaux, et cetera. D'après vos connaissances techniques, les incidents sont-ils plus importants lorsqu'un pipeline traverse des cours d'eau? Ou peut-être qu'il n'y a aucune incidence, ou vous ne le savez pas?

Mme Gelfand : Ce n'est pas une question à laquelle nous sommes en mesure de répondre. Il faudrait poser la question à des techniciens.

[Traduction]

La sénatrice Johnson : Bonjour. Vous nous avez fourni de formidables questions à poser aux représentants du ministère. Permettez-moi de vous en poser une que je n'ai pas vue sur la liste. Elle porte sur les normes internationales et les pratiques de communication des renseignements entre pays qui pourraient faciliter le retrait plus rapide des pesticides auxquels sont associés des risques inacceptables. Pouvez-vous nous en parler, s'il vous plaît?

Mme Gelfand : Pouvez-vous répéter la question?

La sénatrice Johnson : Ma question porte sur les normes internationales et les pratiques de communication des renseignements entre pays qui pourraient nous aider à retirer de façon plus rapide les pesticides qui créent des risques inacceptables.

Mme Gelfand : Quelle est la question au juste?

La sénatrice Johnson : Avez-vous examiné ces facteurs lorsque vous avez étudié les pratiques du ministère quant à l'homologation ou à l'évaluation des pesticides?

Andrew Ferguson, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous savons que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire communique et collabore avec ses partenaires internationaux pour réévaluer les pesticides et tente d'organiser son travail de façon à éviter les doubles emplois.

Pour ce qui est du retrait des homologations, il me semble que l'agence se tient au courant de ce qui se passe dans d'autres pays. Si un pesticide est interdit par d'autres pays, par exemple, cela pourrait donner lieu à un examen spécial du pesticide ici au Canada, afin de déterminer si les preuves scientifiques étaient suffisantes pour justifier l'annulation de l'homologation ou le retrait du pesticide. Est-ce suffisant comme réponse?

La sénatrice Johnson : Je crois que oui. Comme tout le monde, je suis préoccupée par l'utilisation excessive de pesticides et de la gestion faite par les responsables de notre ministère. Je viens du Manitoba et nous avons certainement beaucoup de préoccupations à ce sujet. Je me demandais quelle était votre opinion en ce qui concerne la coopération.

M. Ferguson : Nous n'avons pas examiné la question précise de la coopération, mais d'après ce que nous croyons et comprenons, l'agence tente de collaborer là où c'est possible.

La sénatrice Johnson : Au chapitre du développement durable, j'aimerais en savoir plus sur les évaluations environnementales stratégiques visant les propositions de politiques et de programmes. Les évaluations sont-elles trop complexes pour les ministères et agences chargés de les rédiger?

Mme Gelfand : Je vous répondrais que non.

La sénatrice Johnson : Faut-il des ressources supplémentaires pour aider ces ministères à satisfaire aux exigences?

Mme Gelfand : Non.

La sénatrice Johnson : Soyez brève, je vous en prie.

La sénatrice Seidman : Bonjour.

Mme Gelfand : Bonjour.

La sénatrice Seidman : Madame Gelfand, vous avez parlé de la préparation aux situations d'urgence dans votre rapport. Permettez-moi de vous poser une question sur l'une de vos recommandations.

Vous indiquez très clairement que, en vertu du Règlement de l'Office national de l'énergie sur les pipelines terrestres, les compagnies sont tenues d'élaborer des programmes de gestion des urgences pour les pipelines, et l'office doit exiger des comptes des compagnies exploitant des pipelines de compétence fédérale afin de s'assurer que l'exploitation se fait de façon sécuritaire, notamment dans l'éventualité d'une urgence. Vous indiquez que l'office assume ses responsabilités notamment en examinant les manuels de procédures en cas d'urgence des compagnies, afin de s'assurer que tous les renseignements nécessaires y paraissent et sont à jour.

Dans votre audit, celui qui porte sur le transport de matières dangereuses, vous avez constaté que même si l'office avait relevé des lacunes et des déficiences dans les manuels, il y avait peu d'indications selon lesquelles l'office avait assuré un suivi auprès des compagnies afin de s'assurer que les lacunes avaient été corrigées.

Vous avez ensuite recommandé à l'office de consolider ses évaluations des risques dans un plan de gestion des urgences. Vous dites que cela devient de plus en plus important parce que :

Il sera particulièrement important que l'Office national de l'énergie procède à la consolidation des risques dans le contexte de la Loi sur la sûreté des pipelines, puisque celle-ci lui confère des responsabilités supplémentaires dans le secteur des interventions en cas d'urgence.

J'ai beaucoup cité votre rapport, car pour moi, c'est un thème très important. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Merci.

Mme Gelfand : Je vous dirais de façon générale que nous avons constaté une hausse du nombre d'examens des plans de préparation aux situations d'urgence des compagnies. Lorsque nous nous sommes penchés sur la question en 2011, environ 61 p.100 des plans avaient été examinés, et en 2015, le taux a grimpé jusqu'à 75 p.100.

Ce qui est encore plus important, c'est que le taux des lacunes corrigées est passé de 3 à 60 p.100. L'Office national de l'énergie, à la suite de nos recommandations formulées en 2011, s'acquittait beaucoup mieux de sa tâche consistant à examiner les plans de préparation aux situations d'urgence des compagnies.

Toutefois, un tiers des manuels examinés étaient lacunaires, c'est-à-dire que l'office avait négligé d'assurer le suivi pour rectifier les lacunes relevées, la compagnie n'avait pas donné suite aux lacunes relevées par l'office ou, encore une fois, il manquait la confirmation finale indiquant que le plan de préparation aux situations d'urgence était conforme aux exigences.

L'office s'était beaucoup amélioré, mais il avait encore du chemin à faire.

La sénatrice Seidman : Donc lorsque vous dites que l'office devrait consolider ses évaluations des risques dans son plan de gestion des urgences, que voulez-vous dire?

Mme Gelfand : Bon. C'est une question compliquée. Moi-même, j'ai éprouvé des difficultés pour comprendre.

En ce qui concerne l'évaluation tous risques, je vous parle selon mon entendement. Kim pourra me corriger si je me trompe. L'Office national de l'énergie se penche sur les risques propres aux pipelines; il examine les risques associés à chaque pipeline. Il étudie les évaluations des risques effectuées par chaque compagnie. Les compagnies se chargent de leurs propres évaluations des risques. Elles utilisent ce modèle des risques afin d'orienter leurs activités de vérification de la conformité, mais l'office se trouve dans une position privilégiée lui permettant d'examiner les risques associés à tous ces pipelines de son ressort.

Lorsque nous parlons d'une évaluation de tous les risques, il s'agit de grandes catastrophes, c'est-à-dire des séismes et des actes de terrorisme. Il paraît que la Loi sur la gestion des urgences exige une évaluation de tous les risques, et c'est la raison pour laquelle nous l'avons recommandée à l'ONE.

La sénatrice Seidman : Vous indiquez que c'est particulièrement important dans le contexte des responsabilités supplémentaires qu'aura l'office. C'est également une question de confiance, lorsqu'il s'agit de pipelines et d'assurances, car il faut savoir qu'on est prêt face aux urgences et qu'on a effectué l'évaluation des catastrophes possibles à grande échelle.

Mme Gelfand : L'Office national de l'énergie aura désormais de nouvelles obligations cette année. Nous n'avons fait aucun audit sur celles-ci, donc il m'est difficile de vous affirmer s'il est prêt. Je peux seulement vous parler de nos audits, et nous en avons effectué un afin de savoir si l'office respectait ses obligations en ce qui concerne l'examen des plans de compagnie et ses obligations aux termes de la Loi sur la gestion des urgences. C'est tout ce que nous pouvons vous dire.

Nous ne pouvons pas vous fournir d'évaluation en ce moment sur l'état de préparation de l'office à l'avenir, mais nos audits portent sur des éléments qui donnent une bonne indication de l'état de préparation.

La sénatrice Seidman : D'accord. Vous nous avez donné une excellente question à poser à l'office. Merci.

Mme Gelfand : C'est cela.

Le sénateur MacDonald : J'ai quelques questions sur l'audit de 2015. Vous avez dit que les directives du Cabinet actuelles n'avaient été appliquées qu'à 5 des 1 700 propositions. Que voulez-vous dire exactement par «appliquées»? Voulez-vous dire sciemment ignorées, ou encore pas respectées? Quel est le degré des responsabilités en ce qui concerne l'application? Qui en est responsable en fin de compte?

Mme Gelfand : C'est une excellente question. Nous affirmons que les directives du Cabinet n'ont pas été respectées. Sur les 1700 propositions soumises aux ministres, 5 ont fait l'objet d'un examen préliminaire sur l'éventuel impact environnemental, ce qui laisse 1 695 qui n'ont fait l'objet d'aucun examen.

Le Bureau du Conseil privé, le ministre et le ministère sont responsables. Tous sont responsables, notamment dans le cas des mémoires au Cabinet, pour lesquels les résultats étaient meilleurs sans atteindre 50 p.100 pour autant. Ainsi, 110 mémoires au Cabinet sur 250 ont fait l'objet d'un examen préliminaire.

Nous croyons que le Cabinet a publié une directive indiquant que c'est une exigence obligatoire, mais les ministères ne la respectent pas. Le développement durable exige que l'on songe à l'impact économique, social et environnemental avant de prendre une décision. Cela ne veut pas dire qu'on n'ira pas de l'avant à cause de l'impact environnemental, car il faut également tenir compte des facteurs sociaux et économiques, mais dans certains cas, il se peut que l'on n'avance pas en raison des enjeux environnementaux.

Si nous voulons évoluer vers le développement durable, d'une façon qui permettra aux générations futures de vivre sur notre planète comme nous le faisons, il faut penser à ces enjeux. D'où la directive du Cabinet.

Le sénateur MacDonald : Il faudrait donc que le BCP l'exige.

Mme Gelfand : Oui, et l'année dernière, lorsque nous nous sommes penchés sur la question, le BCP a envoyé un courriel à tous les intervenants concernés en indiquant que c'était obligatoire. Nous continuerons à assurer un suivi, car l'outil d'évaluation environnementale stratégique est très semblable à la Loi sur l'évaluation environnementale : il s'agit de tenir compte de l'impact environnemental avant de prendre une décision finale.

C'est le meilleur outil dont dispose le gouvernement à l'interne en ce qui concerne l'impact environnemental de chaque décision. Dans certains cas, il n'y aura aucun impact environnemental. On peut affirmer qu'il y a eu un examen et que l'impact environnemental sera nul.

Dans certains cas, il y aura un impact positif. Or, nous n'en sommes même pas au courant. On ne parle pas des bonnes nouvelles, des bons coups, parce qu'on n'en tient pas compte dans les analyses, on n'en parle pas dans les communiqués de presse et on ne parle pas aux Canadiens des réussites. Nous ne tenons pas compte non plus de l'impact négatif possible de nos décisions.

C'est le meilleur outil que nous avons. Nous devons l'utiliser.

Le sénateur MacDonald : Je suis curieux. Parmi les 5propositions sur les 1 700, il y en avait une de l'Agence du revenu du Canada. Quelle est la proposition de l'Agence du revenu du Canada qui nécessiterait une évaluation environnementale stratégique?

Mme Gelfand : Voici la nouvelle positive : l'agence a apporté un changement technologique. Elle n'est désormais plus tenue d'imprimer 18 millions de feuilles de papier par année. C'est un impact environnemental positif, mais personne n'est au courant. Nous le savons maintenant, parce que nous avons effectué un audit.

Le sénateur MacDonald : Et moi aussi, parce que je vous ai posé la question.

Mme Gelfand : C'est cela. Il y a donc des gestes positifs qu'une petite agence comme l'ARC pourrait poser. Songeons au ministère des Finances, le plus grand ministère, et au budget. Devons-nous effectuer une évaluation environnementale stratégique du budget? C'est une énorme décision politique; devrions-nous nous pencher sur les impacts?

Mais même dans le cas de nos petits projets, tenons-nous compte de l'impact environnemental? Le Cabinet a demandé aux ministères de le faire. Le Cabinet a émis une directive indiquant que c'était obligatoire. Or, on ne la respecte pas.

Le président : J'ai trois personnes qui souhaitent intervenir à la deuxième série de questions. Je vais leur demander de poser une question rapide et ensuite nous obtiendrons les réponses par écrit, afin de finir à temps.

Le sénateur Mitchell : Je travaille depuis quelque temps sur un projet de loi qui porte sur l'exigence «d'appeler avant de creuser». Il n'y a que l'Ontario qui prévoit une loi à cet effet. Ici au Canada, nos pipelines et autres infrastructures souterraines sont endommagés parce que nous n'avons pas de processus bien organisé et structuré. Est-ce un problème sur lequel vous pourrez effectuer un audit dans l'avenir?

Mme Gelfand : Je crois que c'est une question de compétence provinciale.

Le sénateur Mitchell : Non. L'Office national de l'énergie, le CRTC, la Défense...

Le président : Souvenez-vous : nous obtiendrons des réponses par écrit.

La sénatrice Ringuette : Je vais peut-être faire une petite observation et obtenir une réponse rapide.

Le président : Non.

La sénatrice Ringuette : Je suis étonnée que vous ayez pu mettre la main sur des documents du Cabinet, parce que ce sont tous des documents secrets. Les décisions du Cabinet le sont également dans une grande mesure. Comment avez- vous pu obtenir ces documents secrets?

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous êtes devenus des experts dans le domaine de l'environnement. Je suis d'accord en ce qui concerne le réchauffement de la planète. C'est l'une des plus grandes responsabilités qui nous incombent à titre de législateurs et de citoyens du monde entier, qui n'a pas été suffisamment réglée jusqu'à présent et qui pourrait avoir des conséquences graves sur les générations à venir. Notre pays, le gouvernement fédéral, compte mettre un prix sur le carbone. Le président Obama a fait une déclaration à ce sujet il y a une semaine. On parle d'environ 10$ la tonne de CO2, mais tous les experts affirment que 10$ ne suffisent pas, et qu'il faudrait que ce soit de 75$ à 100$. Quelle est votre opinion à ce sujet?

[Traduction]

Le président : Nous obtiendrons des réponses. Merci beaucoup. Nous terminons à l'heure, et les gens qui sont attendus ailleurs pourront partir.

Merci beaucoup à vous tous, et merci aux témoins d'être venus. Nous avons hâte à la prochaine fois que nous pourrons examiner vos rapports.

(La séance est levée.)

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