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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 5 - Témoignages du 14 avril 2016


OTTAWA, le jeudi 14 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat, et je suis président du présent comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public ici présents ainsi qu'aux téléspectateurs partout au pays. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et sont également accessibles par webdiffusion sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous y trouverez également de plus amples renseignements sur les témoignages prévus sous la rubrique des « Comités du Sénat ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs présents de bien vouloir se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : J'aimerais présenter les membres de notre personnel, à commencer par le greffier à ma gauche, Marcy Zlotnick, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

C'est aujourd'hui la troisième séance consacrée à notre étude des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, laquelle est nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre annoncés par le gouvernement du Canada.

Nous sommes ravis d'accueillir des représentants de Ressources naturelles Canada, qui sont venus nous faire un exposé aujourd'hui. Dans un premier temps, les représentants fourniront au comité des renseignements sur les rôles et le travail liés à la collaboration en matière d'énergie, l'électricité et les énergies renouvelables et l'innovation pour faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Avec nous pour ce premier segment, nous avons Jeff Labonté, directeur général, Sûreté énergétique et sécurité; Niall O'Dea, directeur général, Direction des ressources en électricité; Marc Wickham, directeur, Programmes en science de technologie énergétiques, Secteur de l'innovation et de la technologie énergétique, Bureau de recherche et développement énergétiques; ainsi que Drew Leyburne, directeur général, Division de la politique énergétique.

Dans le deuxième segment, des fonctionnaires fourniront au comité des renseignements sur les rôles et le travail de l'Office de l'efficacité énergétique pour faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Pendant la transition, nous suspendrons brièvement la séance pour permettre le changement de témoins. Je présenterai les témoins du deuxième segment à la reprise de la séance.

Monsieur Labonté, je vous cède la parole pour votre exposé.

Jeff Labonté, directeur général, Sûreté énergétique et sécurité, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup à vous, sénateur, ainsi qu'à tous ceux ici présents ainsi qu'aux téléspectateurs. Je suis très heureux d'être ici avec mes collègues pour me joindre à vous alors que vous entamez cette étude d'une grande importance pour le Canada et, bien entendu, pour le gouvernement du Canada dans ses efforts.

J'ai un ensemble d'observations à vous communiquer. Je vais tenter de respecter la limite de temps et de céder la parole pour ouvrir un dialogue, la partie, selon moi, la plus intéressante de la journée.

Bon matin. Merci d'avoir invité RNCan et de nous donner ainsi l'occasion de nous exprimer à l'égard de cet important sujet. Le Canada est choyé sur le plan énergétique; non seulement nous possédons les ressources énergétiques parmi les plus abondantes et les plus diversifiées au monde, telles que pétrole, gaz naturel, uranium, énergies renouvelables, hydroélectricité et de nombreuses autres sources d'énergie d'avant-garde mondiale, nous possédons également un savoir-faire, des capacités d'innovation et un large éventail de produits, de services et de technologies énergétiques d'avant-garde mondiale.

Malgré la conjoncture économique actuelle, l'énergie demeure l'un des principaux moteurs économiques du Canada, représentant environ 10 p. 100 du PIB, quelque 290 000 emplois directs et environ 22 milliards de dollars de revenus de formes diverses pour le gouvernement.

De plus, nous avons actuellement le profil énergétique et les sources d'énergie parmi les plus propres au monde, l'une d'entre elles étant l'électricité, dont environ 80 p. 100 provient de sources non émettrices, sans compter le potentiel de décarbonisation supplémentaire à mesure que le profil énergétique progressera vers l'avenir.

En même temps, l'ensemble du secteur de l'énergie joue un rôle important dans la lutte contre les changements climatiques, puisque nous savons que la production et l'utilisation d'énergie comptent pour environ 80 p. 100 des émissions totales de gaz à effet de serre au pays. Voilà pourquoi il est important que les ressources énergétiques soient exploitées de façon durable, d'une manière qui protège les Canadiens et les écosystèmes essentiels et d'une manière qui tient compte de notre avenir.

Le gouvernement s'est déjà engagé à être un chef de file dans la lutte mondiale contre les changements climatiques et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le 12 décembre 2015, le Canada et 194 autres pays ont adopté l'Accord de Paris pour renforcer l'intervention internationale à l'égard des changements climatiques, et RNCan joue un rôle de premier plan dans de tels efforts. Le ministère favorise la croissance économique et la protection de l'environnement et, dans ses démarches vers l'atteinte de ces objectifs, il considère l'énergie et l'innovation en matière d'énergie comme des composantes essentielles des deux.

Sur le plan des compétences, en vertu de la Constitution du Canada, les provinces sont propriétaires directs, gestionnaires et responsables de la majorité des ressources énergétiques du Canada. Ce sont les provinces qui prennent le gros des décisions concernant le rythme et le format de l'exploitation des ressources énergétiques, mais le gouvernement fédéral joue un rôle crucial, rôle qu'il entend continuer d'exercer en étroite collaboration avec les provinces et les territoires dans le cadre des nouvelles ententes conclues.

Par exemple, le gouvernement fédéral est responsable des questions énergétiques de nature internationale ou transfrontalière ainsi que de l'énergie nucléaire. En outre, nous partageons des responsabilités avec les provinces dans un certain nombre de domaines, notamment la recherche et le développement énergétiques, l'innovation énergétique et l'environnement. Dans l'ensemble, notre travail est centré sur le partenariat et la collaboration. Dans nos efforts en vue d'accomplir notre mandat, nous consultons les parties intéressées du domaine de l'énergie, les provinces et les territoires, les communautés autochtones, les représentants de l'industrie et les organismes environnementaux et établissons des relations positives avec eux. Notre rôle comprend les décisions stratégiques, la législation, la recherche et le développement, l'engagement international en matière d'énergie, le commerce et la promotion.

Ce sont là des outils importants qui permettront au Canada et, plus précisément, à Ressources naturelles Canada, d'appuyer une transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nos priorités pour progresser vers l'objectif d'une économie à faibles émissions de carbone comprennent de nombreuses mesures. Mes collègues du deuxième segment en aborderont, mais pour ma part, je vais en aborder quatre ou cinq aujourd'hui : la Stratégie canadienne de l'énergie; la collaboration nord-américaine en matière d'énergie; le cadre de travail pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique; la modernisation et la revitalisation de l'Office national de l'énergie et les évaluations environnementales; les initiatives du budget de 2016 qui amorcent le programme et les transitions qui accéléreront l'adoption d'une économie à faibles émissions de carbone.

La Stratégie canadienne de l'énergie est une composante clé de l'établissement, par les provinces et les territoires, de mesures et d'objectifs en vue d'atteindre une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement reconnaît que la lutte contre les changements climatiques nécessite une collaboration accrue entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral et est résolu à travailler avec les provinces pour mettre la stratégie à exécution.

Le 3 mars, les premiers ministres se sont rencontrés et ont fourni un mandat selon lequel le gouvernement fédéral participera à la stratégie dans trois domaines précis : l'efficacité énergétique, les technologies d'énergie propre et l'acheminement de l'énergie vers la population et vers les marchés mondiaux.

Nous avons commencé à travailler avec nos collègues des provinces et des territoires pour cerner les aspects qui revêtent un intérêt commun et où la collaboration pourra prendre une forme plus concrète pour mettre la stratégie à exécution. À court terme, nous nous concentrerons sur ces aspects, et à plus long terme, nous déterminerons les mesures à prendre pour aider la transition.

Je vais parler brièvement de la collaboration nord-américaine en matière d'énergie. RNCan travaille à faire progresser la collaboration avec nos partenaires de l'ALENA, c'est-à-dire le Mexique et les États-Unis. Déjà, les démarches portent fruits : en février dernier, le ministre Carr a signé un protocole d'entente trilatéral sur la coopération en matière de lutte contre les changements climatiques et d'énergie. Le protocole d'entente comprend des projets et des activités précis dans quatre principaux domaines : cartographie des ressources énergétiques et coopération, technologies d'énergie propre, infrastructures et résistance, et Mission Innovation.

Plus récemment, le premier ministre a été encore plus loin en signant une déclaration conjointe sur le climat, l'énergie et le rôle de leadership dans l'Arctique qui engage le Canada et les États-Unis à coopérer comme jamais auparavant dans bon nombre des mêmes domaines énergétiques, mais plus précisément dans les domaines de responsabilité suivants de Ressources naturelles Canada : faciliter l'intégration des énergies renouvelables à nos réseaux de distribution interreliés; harmoniser les normes d'efficacité énergétique et les programmes d'étiquetage communs; accélérer l'innovation en matière de technologies d'énergie propre; faire progresser les efforts mondiaux pour favoriser et accélérer l'adoption de l'énergie propre; et travailler multilatéralement et élaborer une stratégie conjointe pour renforcer le réseau d'électricité nord-américain et accroître sa résistance.

Nous collaborons avec Environnement et Changements climatiques Canada pour atteindre ces objectifs alors que nous nous préparons au Sommet des dirigeants nord-américains, qui aura lieu en juin, ici même à Ottawa.

Je crois que je ne parlerai pas du cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique, puisque je suis conscient que mes collègues d'Environnement et Changements climatiques Canada m'ont précédé, mais je vais parler brièvement de la modernisation de l'Office national de l'énergie et du processus d'évaluation environnementale.

L'intégration des émissions de gaz à effet de serre dans le processus d'évaluation environnementale appuiera les efforts du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone. RNCan collabore étroitement avec Environnement et Changements climatiques Canada, d'autres parties intéressées et des groupes autochtones pour s'assurer que les émissions de gaz à effet de serre directes et en amont font partie du processus d'évaluation environnementale. Le gouvernement a annoncé une stratégie provisoire pour assurer la transition et clarifier comment les décisions à cet égard seront prises et intégrées aux décisions concernant les projets.

Nous prenons des mesures en vue de moderniser le fonctionnement de l'Office national de l'énergie.

Le budget de 2016 énonce un certain nombre de mesures pour faire progresser la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, diversifier les marchés et ouvrir des occasions de pousser plus loin l'exploitation durable des ressources énergétiques du Canada.

Le budget prévoit plus de 1 milliard de dollars d'investissement réparti sur quatre ans pour appuyer les technologies propres, y compris dans les secteurs de la foresterie, de l'exploitation minière, de l'énergie, des pêches et de l'agriculture. Des éléments précis du budget renvoient à RNCan, notamment au chapitre de l'efficacité énergétique, du soutien de la recherche et du développement énergétiques, et de l'aménagement de nouvelles infrastructures pour l'électricité.

En conclusion, sénateurs, RNCan reconnaît en général que la décarbonisation comporte de nombreux défis au Canada. Parallèlement, le ministère voit des occasions exceptionnelles d'accélérer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, notamment l'occasion d'élargir les marchés pour les technologies d'énergie propre et les ressources énergétiques exploitées de manière durable.

Nous nous emploierons à continuer d'améliorer le potentiel et les forces existantes du Canada afin de faire évoluer davantage notre profil énergétique vers des sources plus propres. Nous adoptons également une perspective à long terme, car ces changements prendront du temps. Pour réaliser la transition aussi rapidement que possible, nous collaborerons avec les peuples autochtones, les provinces, les territoires et les parties intéressées et mettrons à profit le savoir-faire du Canada.

Le président : Merci beaucoup de vos observations. Nous allons maintenant procéder aux questions.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'être avec nous. Je sais, monsieur Labonté, que vous serez ici pour le deuxième groupe. Alors peut-être que je devrais réserver mes questions pour le deuxième groupe. Or, j'espère qu'on ne me dira pas alors que j'aurais dû les poser au premier groupe. Je vais donc vous lancer la question et vous pourrez me dire ce que nous devrions en faire.

J'ai du mal à saisir comment nous allons atteindre nos objectifs. Je conviens que les changements climatiques sont le problème de notre génération. Nos petits-enfants diront probablement : « Où étais-tu, grand-papa, quand c'est arrivé? Qu'as-tu fait pour causer cela? » La tendance croissante est catastrophique pour la planète, mais je veux la considérer d'un œil pragmatique. Nous devons tenir un dialogue adulte sur comment nous allons y arriver.

Voici ce qu'on m'a dit jusqu'à présent. Si l'on envisage une croissance économique raisonnable dans les 15 à 25 prochaines années, nous aurons toujours une production croissante de gaz à effet de serre à raison de 0,7 p. 100 par année, et ce, en présumant que nous doublerons le volume d'énergie verte en 15 ans. La production de gaz à effet de serre continuera d'augmenter, alors que notre obligation morale envers les autres pays et le monde est de réduire nos émissions de 6 p. 100 en 15 ans.

De toute évidence, on a une hypothèse sur la façon d'y arriver. J'aimerais bien entendre quelques scénarios de la part d'une personne aussi intelligente que vous pour expliquer, par exemple, si nous faisons cela et quadruplons ou sextuplons l'énergie verte plutôt que de la doubler ou si nous instaurons une taxe de 100 $ la tonne sur le carbone, alors oui, nous y arriverons. Comment y arriverons-nous?

[Français]

M. Labonté : Merci pour cette question. C'est une question qui présente beaucoup de défis, et il est certain que nous avons beaucoup de défis devant nous pour réaliser cet objectif pour le pays et pour le monde entier. Donc, commençons avec le fait que nous devrons mener de nombreuses actions dans beaucoup de domaines très importants, et qu'il faudra prévoir un mélange d'activités au chapitre des politiques, des technologies et de l'innovation, et prévoir des changements d'activités pour les personnes, les entreprises, les provinces et les territoires. De toute évidence, bon nombre d'actions doivent être menées.

[Traduction]

À ce moment-ci, il est difficile de déterminer la voie précise qui permettra d'y arriver, quoique je crois que vous avez fait le croquis de la réalité à laquelle le pays et le monde entier doivent faire face; bien d'autres pays sont aux prises avec des difficultés semblables.

La réponse est beaucoup de mesures différentes et un éventail d'occasions différentes. Certaines nous sont présentées comme des orientations que nous devons tenter de suivre en collaboration avec les provinces et les territoires, les groupes autochtones et les parties intéressées, mais la réalité est qu'il faudra un mélange de décisions stratégiques, de nouvelles technologies et innovations appliquées, de cadres de réglementation, des prix sur le carbone et de collaboration. La mesure dans laquelle chacune de ces choses contribue au total constitue le plan, ainsi que le cadre pancanadien que le gouvernement prévoit adopter, comme il en a fait l'annonce. Ce dialogue est en cours présentement, et il se poursuivra encore un bon bout de temps.

Les mesures doivent être prises progressivement. Bien entendu, je dirais aussi qu'elles doivent être prises le plus tôt possible pour que l'effet de ces réductions puisse atteindre son potentiel optimal. Nous avons beaucoup d'exemples dont nous pourrions vous faire part, et mes collègues du deuxième segment vous parleront d'activités beaucoup plus concrètes que nous faisons aujourd'hui.

Les technologies, les changements de comportement et de tendances dans la façon d'attaquer certaines composantes du problème font tous partie de l'équation et certains éléments du budget annoncés récemment nous aideront à amorcer ce dialogue. Je vais conclure en disant que la tâche sera colossale et nécessitera des efforts sur de nombreux fronts.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'aimerais enchaîner avec une autre question. Je vous remercie de votre réponse, mais, malheureusement, elle ne m'aide pas beaucoup. Bon nombre de personnes ont de bonnes intentions. Cependant, j'ai appris avec l'expérience que ce n'est pas suffisant. Les gens disent de belles paroles, mais ils sont souvent motivés par leurs intérêts personnels. Puis, le gouvernement impose lui aussi des limites.

Je ne compte pas sur les nouvelles technologies qui verront le jour. C'est un peu comme jouer à la loterie; ce n'est pas très fiable. Je veux des exemples plus concrets. En doublant ou en triplant l'énergie verte, réaliserons-nous des gains importants? Croyez-vous qu'il y a une solution? On sait que 85 p. 100 des Canadiens sont très sensibles à l'environnement, sauf lorsqu'ils doivent débourser 20 $ par mois en ce sens. Selon des sondages, si on augmente les coûts mensuels de l'énergie à 100 $, seulement 15 à 20 p. 100 de la population approuve cette mesure. La population se dit d'accord pour développer l'énergie verte, pourvu que quelqu'un d'autre puisse en assumer les coûts. Ce sont les contribuables qui paient la note au bout du compte. Quelles solutions devrions-nous envisager? Si nous sommes en mesure de vendre cette idée à la population canadienne, nous obtiendrons des résultats. Pour le moment, ce ne sont que de belles paroles. Quelles mesures devrions-nous prendre pour arriver à une solution?

M. Labonté : Vous posez une autre bonne question. Il importe d'adopter un plan qui respecte notre champ de compétences et celui des provinces et des territoires. Il nous faut aussi un plan qui propose une collaboration étroite et des moyens pour parvenir à réduire les coûts. De l'avis des cadres supérieurs, il faut examiner toutes les composantes des émissions de gaz à effet de serre. Dans le secteur de l'énergie, 20 p. 100 de nos activités sont toujours à l'origine d'émissions de gaz à effet de serre. Nous envisageons donc des projets qui nous permettront d'augmenter notre taux d'énergie renouvelable et qui favoriseront le partage de ces efforts entre les provinces, par exemple entre l'Ontario et le Québec ou la Colombie-Britannique et l'Alberta, pour réduire les coûts dans ces segments de notre secteur économique.

Mon collègue, M. O'Dea, pourra vous parler de notre initiative visant à renforcer la collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral pour trouver diverses façons de produire de l'électricité.

Le sénateur Massicotte : Tout cela a des répercussions importantes.

M. Labonté : Oui. Il s'agit de 12 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Massicotte : Ainsi, en transportant l'électricité de la Colombie-Britannique ou du Québec vers une autre province afin de réduire le nombre d'usines de charbon, et cetera, il s'agit de 12 p. 100?

M. Labonté : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Il reste donc 48 p. 100. Comment y arrivera-t-on?

M. Labonté : Nous élaborerons un plan de concert avec le gouvernement fédéral et les provinces pour examiner tous les secteurs de nos émissions. Il est aussi question de déployer des efforts financiers dans le secteur des technologies et de l'innovation pour tenter de faire des avancées.

Le sénateur Massicotte : Ces technologies existent-elles aujourd'hui?

M. Labonté : Oui, et nous investissons aussi dans les technologies de l'avenir.

Le sénateur Massicotte : Vous voyez donc une image dans votre cerveau qui vous indique que si nous adoptons de telles mesures, nous réduirons nos émissions de 60 p. 100 d'ici 15 ans, et cela, malgré une faible croissance économique.

M. Labonté : C'est le défi auquel nous faisons face.

Le sénateur Massicotte : Voyez-vous une image en couleur? C'est cela, le problème. Non?

M. Labonté : C'est un mélange de réponses. En tant que pays, nous allons mener de nombreuses actions, et le gouvernement fédéral travaillera de concert avec les provinces et les territoires. Il n'y a pas de recette miracle. J'aimerais ajouter que ce n'est pas seulement le ministère des Ressources naturelles qui prendra des actions, mais que nous créerons des partenariats pour obtenir des résultats concrets.

Le sénateur Massicotte : Les contribuables canadiens doivent aussi y participer. Ils doivent prendre conscience qu'il y aura des conséquences graves sur leur niveau de consommation ou leur qualité de vie. Non?

M. Labonté : C'est l'un des éléments, soit l'engagement des contribuables, des citoyens, par la prise d'actions concrètes menées par chaque personne. Vous avez raison. C'est un élément concret. Le gouvernement devra prendre des mesures pour encourager les citoyens à agir. Au cours de la deuxième partie de la présente réunion, nous pourrions aborder la question des énergies efficaces avec des exemples concrets, notamment la consommation liée au transport d'appareils comme les téléviseurs et les réfrigérateurs. Diverses activités sont envisagées. D'autre part, on parle aussi de la réalité mondiale. Il faut mettre en place un système à l'échelle mondiale pour réaliser tous les éléments.

[Traduction]

Je veux parler de la comptabilisation des émissions et de l'échange des droits d'émission entre les différentes économies. Il faut comprendre que les émissions ne sont pas l'affaire que d'un pays; c'est aussi un enjeu mondial. Certains acteurs œuvrent à l'échelle tant nationale qu'internationale. C'est la façon de gérer ces questions dans une perspective plus large. Aider les pays en développement fait aussi partie de l'équation; ceux-ci ont des besoins qui diffèrent de ceux des pays développés. Il y a toute une gamme d'éléments.

Je dirais que le défi demeure de taille, mais nous y consacrons beaucoup de temps à titre d'instance fédérale, de ministère — celui des Ressources naturelles — et d'acteur du secteur de l'énergie.

Le sénateur Massicotte : Je voudrais bien ressentir votre optimisme.

Le sénateur MacDonald : Par où commencer? Le sujet est si vaste. Nous avons une économie axée sur les hydrocarbures. Nous avons un climat nordique. Voici un dossier dans lequel le gouvernement fédéral souhaite prendre les devants, mais qui touche à un grand nombre de compétences provinciales. Je veux poser quelques questions.

Que peut faire unilatéralement le gouvernement fédéral? Dans quels domaines est-il raisonnable de penser que nous pouvons apporter des changements unilatéralement sans avoir besoin de la collaboration des provinces ou sans devoir prévoir une approche pleinement intégrée?

M. Labonté : Pour répondre, je partirai du principe que nous voudrions agir de manière unilatérale...

Le sénateur MacDonald : Je ne dis pas que c'est ce que nous souhaitons, mais essayer de dégager un consensus fédéral-provincial à propos de tout n'est pas une mince tâche.

M. Labonté : C'est vrai.

Le sénateur MacDonald : Dans quels domaines serait-il approprié que le gouvernement fédéral agisse unilatéralement?

M. Labonté : Il y a de nombreuses façons d'agir. En vertu de la Constitution, nous avons le pouvoir de percevoir des impôts, de dépenser et de prendre des mesures dans des champs de compétence fédérale. Un certain nombre de ces mesures peuvent entrer en conflit avec les responsabilités des provinces ou avoir une incidence directe sur celles-ci.

Le sénateur MacDonald : C'est une réponse bien générale. Êtes-vous en mesure de me donner des exemples précis?

M. Labonté : Mes collègues d'Environnement et Changement climatique Canada seraient plus à même de vous répondre, mais je crois que le gouvernement a déclaré qu'il fallait aller de l'avant avec la tarification du carbone. C'était d'ailleurs un volet de la Déclaration de Vancouver. On a reconnu que des provinces se sont déjà dotées de méthodes diverses pour atteindre cet objectif.

Le gouvernement fédéral peut donc s'engager dans ce processus tout en reconnaissant que d'autres instances ont déjà pris l'initiative et intégré le concept.

Il est également possible de prendre des mesures de réglementation des produits importés au Canada — nous pourrons citer quelques exemples dans la seconde partie de notre exposé, qui portera sur l'efficacité énergétique. Il peut s'agir de produits de consommation, de pièces d'équipement utilisées par les entreprises, de véhicules de transport et d'autres produits, qui sont assujettis à des normes minimales et à des règlements d'application facultative ou obligatoire.

De surcroît, nous réglementons certains domaines du secteur énergétique. Par exemple, en ce qui a trait au Nord du pays et à l'énergie nucléaire, nous avons l'occasion de nous pencher sur la gestion des émissions.

Le sénateur MacDonald : Moi qui ne crois pas à l'imposition d'une taxe sur le carbone — j'y suis vivement opposé —, je me demande si quelqu'un a fait une analyse exhaustive des taxes sur le carbone qui s'appliquent ailleurs dans le monde, de leurs coûts pour les consommateurs et les économies et de leur efficacité.

M. Labonté : Je tiens à préciser une chose : je n'ai pas dit « taxe sur le carbone », mais bien « tarification du carbone ».

Le sénateur MacDonald : Oui, mais je veux parler de « taxe sur le carbone ».

M. Labonté : Je voulais juste m'en assurer.

À titre d'exemple, le gouvernement fédéral a adopté un règlement sur l'électricité thermique au charbon, qui prévoit un échéancier afin d'éliminer progressivement la production d'électricité alimentée au charbon. Cette mesure a un effet sur les émissions.

Les gens du ministère des Ressources naturelles n'ont pas réalisé d'étude ou d'analyse suffisamment pointue pour que je puisse répondre à votre question sur les incidences de l'établissement d'un prix pour le carbone, ou d'une taxe sur le carbone, pour reprendre votre expression. Il n'en reste pas moins que des mécanismes de tarification du carbone sont en place à divers endroits au Canada et dans le monde.

C'est un dossier qui fait actuellement l'objet de discussions alors que les fonctionnaires du ministère des Finances et du ministère de l'Environnement et du Changement climatique s'affairent à élaborer un cadre pancanadien avec leurs homologues des provinces. Il est raisonnable de dire que cet enjeu suscite de vives réactions dans un sens comme dans l'autre et qu'il fait partie des éléments dont il faut discuter.

Le sénateur MacDonald : L'une des choses qui relève de la compétence du fédéral et que j'espère voir mesurée, c'est le programme écoÉNERGIE Rénovation, qui été offert durant environ cinq ans, soit de 2007 à 2012. Avons-nous réalisé une évaluation approfondie de l'efficacité du programme? A-t-il été rentable? Avons-nous des moyens de mesurer cela? Avons-nous mesuré l'efficacité globale du programme et disposons-nous de statistiques à ce sujet?

M. Labonté : Je pense que nous pouvons répondre oui à toutes les questions. Toutefois, mes collègues qui sont experts en la matière ne seront présents qu'au cours de la deuxième heure.

Serait-il possible de revenir à cette question à ce moment-là? Nous serions ravis d'y répondre.

Le sénateur MacDonald : Certainement.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie pour votre exposé. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau.

J'ai relevé votre affirmation selon laquelle le Canada produit une électricité parmi les plus propres du monde — 80 p. 100 de notre électricité provient de sources d'énergie propres —, ce qui est excellent. Je viens cependant d'une région qui tire son électricité de sources faisant partie des autres 20 p. 100. Hélas, le Nunavut n'a d'autres sources d'alimentation en électricité que le diesel.

Je suis d'avis que votre ministère joue un rôle de premier plan au chapitre de la recherche-développement et des projets de démonstration. Vous avez fait mention des nouvelles initiatives figurant dans le budget fédéral présenté récemment. Même avant cela, le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, doté d'une enveloppe de 2 milliards de dollars, a vu le jour. Il vient soutenir les mesures provinciales et territoriales visant à réduire de façon concrète les émissions de gaz à effet de serre.

Notre comité a effectué une étude sur l'énergie dans les territoires et il a recensé un grand nombre de ministères fédéraux, dont le vôtre, de même qu'Affaires autochtones et du Nord Canada, Environnement et Changement climatique Canada, la SCHL — il y a une liste de sept ou huit ministères dans le rapport du comité —, qui pourraient mieux coordonner leurs efforts.

Comment un territoire comme le Nunavut peut-il tirer parti de ce virage de plus en plus marqué vers des énergies de remplacement et une économie à faibles émissions de carbone? La tarification du carbone suscite l'inquiétude dans les territoires. On craint que cela ne fasse augmenter tous les prix. Pareille mesure n'a rien pour inciter les gens à adopter des sources d'énergie de remplacement, car il n'existe aucune solution de rechange évidente.

Je suis désolé, monsieur le président. Je présume que ma question est la suivante : qu'y a-t-il d'avantageux pour les territoires dans ces nouvelles initiatives? À quoi peut s'attendre un territoire comme le Nunavut pour réduire sa dépendance au diesel, un carburant coûteux et polluant, non seulement pour produire de l'électricité, mais aussi pour chauffer les maisons?

M. Labonté : La question est importante et nous sommes conscients de cette réalité. Mon collègue et moi pouvons vous expliquer comment nous voyons les choses.

Niall O'Dea, directeur général, Direction des ressources en électricité, Ressources naturelles Canada : Selon nous, les technologies de production d'énergie renouvelable peuvent rehausser la résilience et la sécurité de l'approvisionnement en électricité dans les localités éloignées, tout en réduisant la dépendance de celles-ci au diesel, lequel pose ses propres problèmes de fiabilité et d'approvisionnement, notamment parce que les changements climatiques influent sur l'accessibilité des communautés nordiques à certaines périodes de l'année.

À notre avis, les énergies renouvelables offrent aussi des possibilités d'emploi à l'échelle locale, ce qui peut se révéler bénéfique pour la collectivité et contribuer à stimuler son économie.

Pour répondre à votre question, permettez-moi de passer du général au particulier. Dans la Déclaration de Vancouver sur la croissance propre et les changements climatiques, les premiers ministres se sont engagés à établir un cadre pancanadien et ils ont reconnu la nécessité d'investir dans des solutions d'énergie propre qui permettront d'aider les communautés autochtones, éloignées et nordiques à réduire leur dépendance au diesel. Plus concrètement, dans le budget de 2016, on propose d'accorder 10,7 millions de dollars à Affaires autochtones et du Nord Canada afin de mettre en œuvre des projets d'énergie renouvelable dans les communautés autochtones, éloignées et nordiques qui dépendent du diesel et d'autres carburants fossiles pour produire de la chaleur et de l'électricité.

Surtout, le budget de 2016 prévoit verser la somme supplémentaire de 225 millions de dollars sur deux ans, à compter de 2016-2017, dans le Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations afin de soutenir les investissements réalisés dans une infrastructure complémentaire diversifiée qui englobe les systèmes énergétiques.

De plus, le gouvernement collabore avec la province d'Ontario et les parties intéressées dans le cadre d'un projet qui vise à relier 21 communautés des Premières Nations du Nord de l'Ontario au réseau provincial.

Pour revenir à votre question sur la concertation des efforts, monsieur le sénateur, je dirais que nous travaillons de près avec nos collègues du ministère et ceux d'Affaires autochtones et du Nord Canada afin d'offrir un appui, tant sur le plan des politiques que sur celui des programmes, pour l'élaboration de ces initiatives. Nous sommes conscients que les activités de soutien des localités éloignées relèvent d'un large éventail de secteurs de l'appareil gouvernemental fédéral et que nous avons tout intérêt à coordonner ces activités de manière à maximiser les retombées positives de nos investissements.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de la réponse. Je pourrais peut-être vous poser quelques questions plus précises.

Lorsqu'il a réalisé l'étude Énergiser les territoires du Canada, le comité s'est penché sur le programme écoÉNERGIE offert par le ministère des Affaires autochtones et du Nord et a constaté que seule une faible portion — 18 p. 100 — du financement avait été investie dans des communautés situées au nord du 60e parallèle, là où les défis énergétiques sont considérables.

Voici ma première question : est-ce que le montant de 10,7 millions de dollars que vous avez mentionné et que le budget accorde à Affaires autochtones et du Nord Canada constitue une bonification du programme écoÉNERGIE? Je n'étais pas certain si c'était le cas, en lisant le budget.

Vous avez ensuite parlé d'une somme de 225 millions de dollars sur deux ans pour le Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations. Les habitants du Nunavut, là où 85 p. 100 de la population est inuite, se demandent toujours si les Inuits sont inclus dans des programmes tels que le Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations, étant donné que le terme « Premières Nations » n'inclut généralement pas les Inuits. Pourriez-vous m'indiquer, maintenant ou plus tard, si les régions inuites comme le Nunavut, le Nunatsiavut et le Nunavik et la région inuvialuite des Territoires du Nord- Ouest pourraient présenter des demandes au titre du Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations?

M. O'Dea : À ma connaissance, le financement de 10,7 millions de dollars concerne un nouveau programme qui, se fondant sur les résultats du programme écoÉNERGIE géré par Affaires autochtones et du Nord Canada, amorce une phase différente.

Les fonctionnaires d'Affaires autochtones et du Nord Canada seraient mieux placés que moi pour vous dire si les communautés du Nunavut et du Nunatsiavut sont admissibles au programme, mais nous pouvons nous engager à communiquer avec eux et vous fournir une réponse afin de vous aider dans vos délibérations.

Il y a deux aspects importants à considérer en ce qui a trait aux communautés nordiques du Canada. Premièrement, il existe des technologies qui, dans des circonstances particulières, peuvent contribuer à réduire la dépendance au diesel. Si vous le souhaitez, mon collègue Marc Wickham peut vous donner quelques exemples concrets du travail que nous accomplissons en recherche-développement et en démonstration de nouvelles technologies ayant le potentiel d'induire un changement majeur en vue de réduire la dépendance au diesel et les émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Patterson : Je pense qu'on nous offre de fournir une réponse de plus, monsieur le président.

Marc Wickham, directeur, Programmes en science et technologie énergétiques, Secteur de l'innovation et de la technologie énergétique, Bureau de recherche et développement énergétique, Ressources naturelles Canada : Je veux donner l'exemple d'un projet que nous avons réalisé récemment dans le Nord du Québec. À la mine Raglan, une mine éloignée, nous avons installé la plus grande turbine éolienne de l'Arctique. Sa puissance est de trois mégawatts et sa capacité de stockage repose sur trois systèmes. Le projet a comporté son lot de défis, notamment celui de construire cette imposante structure sur le pergélisol. Nous avons innové en créant une plateforme pouvant accueillir une turbine de cette taille dans un environnement très hostile.

Il appert que le régime des vents à cet endroit est exceptionnel. Les résultats dépassent les attentes, et l'entreprise est désireuse de passer à une autre étape. Pour vous donner une idée des initiatives possibles, je peux vous dire que, à l'heure actuelle, dans une mine, quand on utilise des véhicules sous terre, il faut ventiler, ce qui consomme beaucoup d'électricité. En convertissant les véhicules à l'électricité, on peut réduire les émissions sous terre de même que les besoins en ventilation. Il existe donc des possibilités, tant au chapitre de l'efficacité que de l'énergie renouvelable, de créer des solutions pour aider les mines à réduire sensiblement leur dépendance au diesel.

Le sénateur Massicotte : Je suis heureux de l'entendre. Au cours des 12 derniers mois, nous avons étudié ces questions, sommes allés dans le Nord et avons visité une mine se servant de l'énergie éolienne, mais l'impression qui m'était restée — et j'ai peut-être mal compris —, c'est que cette solution est rarement applicable vu la complexité du problème de la glace et du vent et ainsi de suite. C'est un bon exemple, et nous devrions nous en inspirer, mais même si cette solution était appliquée partout dans le Nord, cela ne représenterait pas une solution d'ensemble et cela ne ferait pas une grosse différence. Est-ce que je me trompe?

M. Wickham : Vous avez sans doute raison de penser qu'il faut appliquer diverses solutions technologiques dans différentes situations.

Le sénateur Massicotte : Il faut cibler les gros consommateurs.

M. Wickham : Et il faut prévoir la capacité technique de soutenir ce système complexe. Il faut pouvoir compter sur du personnel minier qui est en mesure de prendre en charge le système.

Nous avons poursuivi les démonstrations et nous pouvons examiner des solutions qui fonctionnent dans différentes circonstances.

[Français]

Le sénateur Mockler : Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Labonté, qu'il faudrait la participation de tous les intervenants, et que beaucoup d'actions devront être menées.

[Traduction]

Vous avez dit que la décarbonisation au Canada comportait de nombreuses difficultés.

[Français]

Mes collègues ont posé des questions pour essayer de savoir quel impact ceci aurait sur nos communautés et notre société.

[Traduction]

J'ai lu le rapport intitulé Pathways to Deep Decarbonization in Canada, paru en 2015. D'après ce qu'on m'a dit, le groupe à l'origine du rapport a informé tous les gouvernements des voies à suivre. La voie numéro un consiste à décarboniser l'électrification; la voie numéro deux consiste à améliorer la productivité énergétique, ce qui implique de multiplier les économies d'énergie relativement aux immeubles, aux véhicules et à l'industrie afin d'exploiter pleinement tout le potentiel d'efficacité énergétique; et la voie numéro trois consiste à réduire, à plafonner et à utiliser les émissions non liées à l'énergie — les efforts étant axés sur la capture et le brûlement du méthane issu des sites d'enfouissement et sur les réductions dans le secteur du pétrole et du gaz. Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, d'où je viens, de telles initiatives existent.

Selon Environnement et Changement climatique Canada, le gouvernement fédéral a promis de réduire les émissions de 30 p. 100 sous les niveaux de 2005 d'ici 2030. Cela représente 291 tonnes métriques d'équivalent en dioxyde de carbone. Pensez-vous qu'il est probable que les coûts de l'énergie au Canada augmentent considérablement si nous voulons atteindre cet objectif? La question corollaire est la suivante : quelles options s'offrent au gouvernement fédéral pour aider les consommateurs à faire face à un accroissement éventuel des coûts de l'énergie? Quelqu'un doit payer.

[Français]

M. Labonté : Vous soulignez un point très important dans notre discours et dans le cadre de notre élaboration d'un plan pour le Canada, pour arriver à notre objectif de réduire nos émissions de 30 p. 100 d' 2030. Comme je l'ai mentionné, nous devons nous activer dans plusieurs domaines de notre économie, mais je vais me concentrer sur un aspect en particulier de votre question.

[Traduction]

Je crois que mon collègue Niall pourra vous répondre en ce qui a trait à l'électrification en tant que voie ou source possible. Il existe déjà des possibilités d'investissements et de changement, comme la réglementation visant les initiatives les centrales thermiques au charbon et la tendance vers des sources d'énergie plus renouvelables.

Nous allons aborder la question de l'efficacité énergétique dans une dizaine de minutes, et nous aurons ensuite une heure entière pour explorer certaines des réductions directes réalisées, les initiatives de réductions directes prévues, ainsi que les programmes qui s'y rattachent. Nous verrons ensuite qu'il est possible d'en faire encore plus.

Pour ce qui est du méthane, je crois que la réduction des émissions de méthane provenant de toutes les sources — pétrolières, gazières et autres — compte parmi les premiers engagements que le gouvernement a promis de réaliser, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de l'industrie.

Un dernier mot au sujet des coûts. Je dirais que le cadre stratégique canadien en matière d'énergie est fondé sur les forces du marché. Donc, même si nous nous penchons sur nos économies énergétiques actuelles, lesquelles produisent ou non des émissions, lorsqu'il est question de pétrole, de gaz ou de combustibles fossiles, les prix sont établis sur les marchés mondiaux. Nous, Canadiens, utilisons ces produits pour produire de l'électricité, pour nous déplacer et pour assurer le transport de nos biens et services. Nous payons essentiellement le prix que le reste de la planète a établi pour ces matières premières et leur transformation en produits énergétiques utilisables.

Dans la même veine, l'électricité est généralement soumise à la réglementation provinciale, et son prix est fonction du marché dans la province où elle est produite. Je crois que mon collègue pourrait vous parler des sources d'énergie renouvelable qui commencent à être de plus en plus présentes. Certaines de ces sources d'énergie sont d'ailleurs très concurrentielles et même, dans certains cas, moins coûteuses que certaines sources existantes de production d'électricité.

En ce qui a trait à la structure de coûts, il n'existe aucune réponse précise ou facile, mais peut-être que Niall pourra vous parler des types d'énergie consommés et produits à plus long terme et des contextes qui les entourent. L'électricité serait un exemple de la première voie trouvée.

M. O'Dea : Merci. J'ajouterai aux propos de mon collègue qu'il est important, aux fins de la présente discussion, de comprendre que tout nouveau bien producteur, peu importe la source d'énergie ou la technologie utilisée, produira de l'électricité à un coût plus élevé demain que ne le font les biens producteurs d'énergie actuels, car la plupart de ces biens ont été construits il y a plusieurs décennies et sont maintenant totalement amortis. Selon l'Association canadienne de l'électricité, des investissements de l'ordre de 350 milliards de dollars seraient nécessaires pour des infrastructures électriques au cours des 20 prochaines années.

Il faut donc se demander comment optimiser ces investissements afin de construire un réseau stable et fiable permettant à la fois de gérer les coûts pour les consommateurs et de nous aider à atteindre nos objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'énergie renouvelable a l'avantage d'être un combustible à coût zéro, et donc de pouvoir servir de protection contre les hausses futures du prix des carburants en offrant des prix stables pendant 20 ou 30 ans dans le cas de l'énergie éolienne, solaire et hydroélectrique.

Les investissements requis dans les infrastructures vieillissantes, y compris de nouvelles lignes de transmission et de distribution et le remplacement des transformateurs s'ajoutent à la hausse des coûts et donc au prix de l'électricité. Mais la clé de la gestion de ces coûts, à notre avis, est la coopération.

Le budget de 2016 prévoit 2,5 millions de dollars sur deux ans afin de faciliter les dialogues régionaux entre les provinces et les territoires au sujet d'une coopération possible en matière de commerce et de transmission d'électricité. Cela nous permettra d'optimiser les biens et les investissements existants et nouveaux, et de cibler les nouveaux investissements nécessaires afin de réduire les coûts tout en maximisant une décarbonisation en profondeur.

Comme vous le savez, notre réseau est déjà décarbonisé à 80 p. 100. Certaines provinces dépendent plus que d'autres des énergies fossiles, et nous croyons que cette coopération peut les aider à réduire notamment leur dépendance au charbon.

Le sénateur Mockler : Accroître le recours à l'énergie éolienne et solaire revient beaucoup plus cher que l'hydroélectricité. Des subventions sont nécessaires. Comme la Constitution l'indique, il y a des domaines de compétence provinciaux. Le gouvernement fédéral a-t-il publié les détails de l'approche qu'il adopterait au sujet de l'établissement d'un prix du carbone? Dans l'affirmative, avez-vous partagé ces détails lors de la dernière rencontre des premiers ministres fédéral-provinciaux-territoriaux?

[Français]

M. Labonté : Je vais laisser la parole à mes collègues pour qu'ils puissent répondre à certains éléments de votre question, et je reviendrai par la suite.

M. O'Dea : En ce qui a trait au prix du carbone, il serait plus profitable de poser la question à Environnement Canada ainsi qu'à nos collègues du ministère des Finances. Cependant, je peux vous dire que je sais qu'il y a des discussions qui sont tenues à ce sujet entre les premiers ministres des provinces et des territoires et nos collègues.

Concernant le prix des énergies renouvelables, je dirais que je suis optimiste. Au cours des dernières années, le prix des énergies renouvelables a diminué rapidement, plus particulièrement dans le cas des énergies éolienne et solaire. Pour la première fois, le prix lié à la demande d'approvisionnement de l'Ontario en énergie éolienne est tombé sous le prix de détail pour ce type d'énergie. On constate que ce marché devient assez compétitif au Canada et ailleurs dans le monde.

Le sénateur Mockler : Je suis d'accord avec vous pour dire que nous pouvons être optimistes, mais nous devons également être réalistes.

[Traduction]

Je conclurai en disant qu'il existe au Nouveau-Brunswick un projet, le projet Laforge, dans le cadre duquel le méthane produit sert à alimenter le réseau. On se sert de la biomasse et de résidus agricoles, comme des pelures de pommes de terre et des restes de poulets. Nous avons visité cette partie des opérations lorsque je faisais partie du Comité de l'agriculture. Je vous invite à vous rendre au Nouveau-Brunswick pour visiter les lieux.

[Français]

M. Labonté : Je vous remercie, monsieur le sénateur, pour cette information. Il est certain que tout ce qui nous donne la possibilité d'améliorer notre système d'électricité au moyen de la biomasse nous intéresse. Nous connaissons des exemples de projets expérimentaux dans l'industrie qui touchent ce domaine, donc je vous remercie de porter à notre attention l'exemple du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : Merci. Ceci met fin à nos questions, mais j'en aurais quelques-unes à vous poser.

Cela pique toujours ma curiosité lorsque j'entends — et je l'entends souvent — qu'on parviendrait à respecter toutes nos obligations avec plus d'énergie solaire et éolienne. Je crois que c'est ce que les Canadiens pensent, mais selon moi c'est faux. Nous produisons déjà une énergie propre à 80 p. 100, mais cela dépend de la personne à qui on parle. Certains disent que c'est 85 p. 100. Disons que c'est 80 p. 100. Que faudrait-il donc faire pour assainir les 20 p. 100 restants? Dites-moi.

Vous avez manifestement dû vous pencher sur la question. Je connais quelques usines en Saskatchewan, en Alberta et dans l'Est du pays qui consomment du charbon. Si on pouvait, d'un coup de baguette magique, les remplacer par des sources d'énergie alternative, et je ne parle pas seulement d'énergie éolienne ou solaire parce que ce ne sont pas des sources constantes, nous le savons tous, que se passerait-il? À quel point cela aiderait-il le gouvernement à atteindre ses cibles?

M. Labonté : Merci de votre question. Je crois qu'elle est bonne.

Je crois que quelqu'un a dit que la cible était d'environ 290 mégatonnes. La production d'électricité représente actuellement environ 150 mégatonnes par année. Par conséquent, si on remplaçait la totalité de notre système de production d'électricité, cela représenterait 15, 16 ou 17 p. 100 de la réduction totale requise pour notre pays.

Mon collègue pourra parler des différents types de production d'électricité, de produits et de méthodes, mais j'aimerais faire valoir un point, sénateur, concernant vos commentaires. On s'attend à ce que, afin de parvenir à atteindre les cibles en matière de réduction des émissions dans le secteur des transports, il faudrait davantage de véhicules électriques, ce qui augmenterait la demande en électricité.

Le président : C'était ma prochaine question.

M. Labonté : D'accord. Donc, il y a deux aspects à cette question. Je vais laisser Niall vous parler du premier aspect puis, j'attendrai votre prochaine question.

M. O'Dea : Je suis entièrement d'accord avec vous, sénateur. Au Canada, 65 p. 100 de l'électricité provient de l'énergie hydraulique, qui ne produit aucune émission. Nous estimons que c'est un élément majeur de notre portefeuille. Seize pour cent de notre électricité provient de l'énergie nucléaire, qui constitue elle aussi un élément important de notre portefeuille zéro émission. L'apport des énergies solaire et éolienne est moindre. En ce qui concerne une approche équilibrée en matière de décarbonisation, toutes les formes d'énergie pourraient contribuer au bouquet énergétique futur du Canada.

Outre les émissions associées à sa production, je crois que l'électricité pourrait être le fer de lance d'une décarbonisation plus profonde. Si je reviens aux points soulevés par mon collègue, une fois le réseau totalement décarbonisé, on pourra appliquer des mesures d'efficacité énergétique et d'électrification dans d'autres secteurs de l'économie afin d'accroître les réductions qui permettront d'aider le Canada à respecter ses ambitieuses cibles de réduction des gaz à effet de serre.

Le président : Je trouve intéressant que vous parliez du fer de lance de la décarbonisation. Lorsque je regarde le carbone produit au Canada... mais je vais d'abord poursuivre mes questions.

Vous avez parlé des véhicules électriques. J'ai cru comprendre qu'il y en a plus de 3 000 en ce moment, mais je n'en suis pas certain. Peut-être que vous savez combien il y en a. On sait qu'ils ne nous permettent pas de parcourir de grandes distances, et je suppose que cela va changer avec le temps grâce à la technologie.

Mais si l'on regarde à plus long terme, comme vous avez dit, il faut davantage de production, et une production plus constante. On peut construire bien des éoliennes, et je n'ai rien contre l'énergie éolienne ou solaire, mais on ne peut produire de l'électricité que lorsqu'il vente ou qu'il fait soleil. C'est ainsi qu'on obtient le maximum de ces formes d'énergie. J'ai visité des parcs d'éoliennes, et lorsque les turbines ne tournent pas, elles ne produisent pas le moindre watt.

On peut bien en construire autant qu'on veut, il faut quand même une source constante d'électricité. L'Alberta pourrait construire beaucoup d'éoliennes, car il y vente beaucoup, mais il faut des sources constantes, et en ce moment, la constance provient du charbon et du gaz naturel. La province est plutôt limitée en matière d'hydroélectricité, contrairement à la Colombie-Britannique, au Manitoba ou au Québec, où on trouve des rivières en abondance. Ces provinces-là n'ont pas ce problème.

Lorsqu'on envisage de tout électrifier, cela nécessite une quantité énorme d'électricité, et aussi beaucoup d'argent. Au bout du compte, qui paiera la note? Fred et Martha, ceux qui consomment cette électricité, et les 350 milliards de dollars nécessaires uniquement pour moderniser le réseau actuel? Je ne parle même pas des nouvelles installations. Le simple fait de remplacer les installations existantes va aussi coûter une fortune. Par conséquent, n'est-ce pas mal de continuer à dire aux gens que pour atteindre nos cibles, il suffit d'avoir encore plus de sources d'énergie propre?

M. O'Dea : C'est une excellente question, sénateur. Je vais tenter d'y répondre en quelques étapes.

L'instabilité des énergies éolienne et solaire est un problème bien connu en lien avec ces technologies. Au Canada, nous n'en sommes pas encore au point où la proportion de notre bouquet énergétique provenant de ces énergies pourrait poser problème, mais j'admets que si nous décidons d'accorder encore davantage d'importance aux énergies solaire et éolienne, cela pourrait devenir problématique.

Le Canada possède un avantage unique relativement à l'augmentation de l'intégration de ces sources d'énergie, soit la proportion importante qu'occupe l'hydroélectricité. Nos réservoirs peuvent servir de piles naturelles pour contrebalancer l'inconstance de l'énergie éolienne. C'est ce que nous faisons actuellement avec les Américains. Il existe un accord entre Manitoba Hydro et le Minnesota selon lequel la province fournit une source de stockage ferme permettant au Minnesota d'intégrer l'énergie éolienne à son bouquet énergétique.

Pour ce qui est des provinces comme l'Alberta, qui dépend beaucoup des énergies fossiles pour la production d'électricité, il faudra manifestement, dans le cadre d'une décarbonisation complète, pouvoir accéder à des sources énergétiques constantes ailleurs. Cela signifie investir dans l'hydroélectricité, le nucléaire, ou d'autres sources de production d'énergie sans émissions sur son propre territoire, ou en collaboration avec d'autres compétences, comme la Colombie-Britannique ou les Territoires du Nord-Ouest, qui disposent de vastes ressources hydrauliques non exploitées qui pourraient constituer cette capacité de stockage d'appoint.

Pour ce qui est des coûts aux consommateurs, je crois qu'il y a encore certainement du travail à faire. Lorsqu'on parle d'un investissement de 350 milliards de dollars, quelle est la meilleure façon de réduire les coûts pour les Canadiens tout en nous permettant d'atteindre nos objectifs? Je crois que la coopération est l'une des meilleures solutions.

Il faudra aussi d'autres travaux dans le domaine de l'innovation afin de parvenir aux percées technologiques nécessaires pour mieux intégrer ces sources d'énergie non émettrices.

Le président : Comme le temps file, je vais devoir limiter mes questions. Il est peut-être possible de réduire ces 350 milliards de dollars, et peut-être pas. Il faut finir par passer de la parole aux actes. C'est une chose que d'avancer de tels chiffres, mais c'en est une autre de passer à l'action. Je le sais, car je parle par expérience. Je sais qu'il est plus difficile de passer à l'action. C'est bien beau d'être assis à un bureau et de dire « C'est réalisable là et là, et cela va permettre de réduire les coûts », mais c'est faux, parce que ces 350 milliards de dollars, si c'est bien le montant requis, ils ne viendront que d'un seul endroit, et c'est de la poche des contribuables. De Fred, de Martha et de l'industrie. Ce sont eux qui paieront la note. On peut bien tenter de faire croire que c'est peu, mais au bout du compte, c'est une somme énorme, et encore ce serait seulement pour moderniser les installations existantes, et non pour remplacer les usines qui utilisent des combustibles fossiles.

Je sais qu'il s'agit de cibles difficiles à atteindre. Personnellement, en toute franchise, je crois que nous n'y parviendrons pas. Je ne suis pas convaincu que nous pourrons atteindre ces cibles en disant qu'il faudra simplement un peu plus d'énergie éolienne et d'énergie solaire.

J'imagine que c'est plus une affirmation qu'une question, mais je vais vous laisser y réfléchir et nous pourrons éventuellement vous inviter de nouveau pour que vous puissiez nous expliquer comment nous allons y parvenir.

J'ai de nombreuses questions concernant l'énergie éolienne au nord du 60e parallèle. Nous nous sommes penchés sur cette question. C'est bien beau affirmer qu'on va dépenser quelque 200 millions de dollars ou même plus pour déterminer ce que nous allons faire, mais il faut tenir compte de la réalité sur le terrain. Par exemple, dans les faits, comment peut-on construire un parc éolien au nord du 60e parallèle et quelle proportion de l'électricité produite faudra-t-il utiliser simplement pour empêcher la glace de s'accumuler sur les pales?

Je crois qu'il faut penser à ce genre de choses. De plus, les habitants du Nord doivent pouvoir compter sur une énergie garantie, pas seulement intermittente.

Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Je suis heureux d'accueillir des représentants de Ressources naturelles Canada, qui nous renseigneront sur le rôle de l'Office de l'efficacité énergétique et du travail qu'accomplit cet organisme pour favoriser la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nous entendrons de nouveau Jeff Labonté, directeur général de Sûreté énergétique et sécurité; de même que Patricia Fuller, directrice générale de l'Office de l'efficacité énergétique; Paula Vieira, directrice de la Division de transports et carburants de remplacement; et Laura Oleson, directrice de l'Élaboration de la politique et de l'analyse, au sein de l'Office de l'efficacité énergétique, Secteur de l'énergie.

Je vous invite à présenter votre déclaration préliminaire puis, nous passerons aux questions et réponses. Merci.

Patricia Fuller, directrice générale, Office de l'efficacité énergétique, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Je remercie également le comité d'avoir rendu possible cette discussion sur le travail de l'Office de l'efficacité énergétique, au sein de Ressources naturelles Canada. Compte tenu des contraintes de temps, je vais aborder seulement certains éléments de mon exposé et je remettrai la version intégrale de celui-ci à la greffière du comité.

Les politiques et les programmes d'efficacité énergétique constituent un facteur central des politiques sur le changement climatique au Canada et ailleurs dans le monde. Des appareils électroménagers, des maisons ou des systèmes industriels plus écoénergétiques constituent des investissements pouvant souvent se rentabiliser sur une période relativement courte. Les entreprises et les ménages bénéficient de la baisse des coûts de l'énergie au fil du temps, ce qui démontre que les objectifs économiques et environnementaux peuvent se renforcer mutuellement.

[Français]

Pour ce qui est de la décarbonisation de nos systèmes d'énergie, il convient de se pencher tant sur la consommation que sur la production. Pour ces raisons, l'efficacité énergétique est essentielle à la Stratégie canadienne de l'énergie et à l'intention de mettre de l'avant un cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique. Il s'agit aussi d'un élément clé pour la coopération dans le domaine de l'énergie propre en Amérique du Nord.

Le Canada a réalisé des progrès considérables jusqu'à présent en matière d'efficacité énergétique, et cette amélioration se chiffre à 24 p. 100 de 1990 à 2013.

La demande nationale et internationale pour des technologies écoénergétiques présente de grandes occasions pour les entreprises canadiennes. L'investissement requis en technologies écoénergétiques pour tenir les promesses faites en matière de lutte aux changements climatiques à un niveau global est estimé à plus de 8 trillions de dollars. Les entreprises canadiennes sont des chefs de file dans différents domaines, notamment en ce qui concerne les matériaux de construction et l'éclairage à DEL haute efficacité.

[Traduction]

La Loi sur l'efficacité énergétique donne au ministre des Ressources naturelles le mandat de promouvoir l'efficacité énergétique dans tous les secteurs de l'économie, ainsi que l'utilisation de carburants de remplacement. L'efficacité énergétique est un domaine de compétence partagée avec les provinces et les territoires, et le rôle de l'Office de l'efficacité énergétique est d'appuyer les normes et les systèmes d'analyse comparative, à l'échelle nationale et internationale, qui aident les programmes sous-nationaux et améliorent la rentabilité des instruments de politique.

L'Office de l'efficacité énergétique applique des normes minimales d'efficacité énergétique réglementées sur les produits importés au Canada ou vendus d'une province à l'autre, et met en œuvre des normes supérieures et des systèmes d'analyse comparative volontaires. Le programme ÉnerGuide pour les véhicules et les habitations, et le programme ENERGY STAR, pour lesquels nous collaborons avec les États-Unis, sont des exemples de programmes volontaires. Les règlements et incitatifs provinciaux et territoriaux, notamment les quelque 50 programmes concernant l'habitation, sont fondés sur les normes et les systèmes d'analyse comparative de l'Office de l'efficacité énergétique.

Nous collaborons étroitement avec les provinces et les territoires, dans le cadre de l'engagement de notre ministre envers la Stratégie canadienne de l'énergie. Nous travaillons aussi étroitement avec les États-Unis dans le contexte du Conseil de coopération en matière de réglementation ainsi que du récent engagement de notre premier ministre et du président Obama pour améliorer et mieux harmoniser les normes d'efficacité énergétique d'ici 2020, sans oublier l'engagement du gouvernement envers un accord nord-américain sur l'énergie propre et l'environnement.

Pour ce qui est du fruit du travail de l'Office de l'efficacité énergétique réalisé jusqu'à présent, nos programmes couvrent les secteurs résidentiels, commerciaux et industriels, ainsi que les transports. Dans les secteurs résidentiels, commerciaux et industriels, notre principal objectif est d'augmenter l'efficacité énergétique des produits utilisés, en particulier les électroménagers et l'équipement. Pour y parvenir, nous appliquons des normes minimales de rendement énergétique, et administrons le programme volontaire ENERGY STAR, lequel accorde sa certification aux produits les 15 à 30 p. 100 plus écoénergétiques dans leur catégorie.

Dans ces secteurs, nous estimons qu'en 2015, les normes imposées et les programmes volontaires ont réduit la consommation d'énergie de plus de 5 p. 100 depuis 1990. Les réfrigérateurs sont de bons exemples : un nouvel appareil consomme seulement 40 p. 100 de l'énergie utilisée par les modèles de 1990.

Notre plan réglementaire d'avenir comprend quatre modifications au Règlement sur l'efficacité énergétique, lequel harmoniserait plus de 90 p. 100 des normes sur les produits avec celles des États-Unis d'ici 2020.

[Français]

Notre deuxième objectif est d'augmenter l'efficacité énergétique des immeubles, notamment les immeubles résidentiels, commerciaux et institutionnels en appuyant des normes réglementées et volontaires. Nous collaborons avec le Conseil national de recherches et d'autres intervenants afin de créer un Code modèle national de l'énergie que les provinces et territoires pourront intégrer dans leur réglementation. Le Code modèle national de l'énergie pour les bâtiments de 2011 est maintenant plus rigoureux de 25 p. 100 que son prédécesseur de 1997.

De plus en plus, nous appuyons la certification ENERGY STAR pour les maisons ainsi que la norme R-2000, lesquels représentent respectivement une baisse de 20 p. 100 et de 50 p. 100 de la consommation d'énergie par rapport au code, et nous mettons à la disposition des propriétaires d'immeubles l'application web très utilisée ENERGY STAR Portfolio Manager.

Notre troisième objectif est d'appuyer l'amélioration de la gestion de l'énergie dans le secteur industriel. Nous en faisons la promotion au moyen du Programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne qui représente plus de 21 secteurs industriels. Le Canada a été le premier pays à adopter la norme ISO 50001, laquelle a permis une réduction moyenne de 20 p. 100 de l'utilisation d'énergie dans les installations qui adoptent cette norme.

Dans le secteur des transports, notre objectif est de favoriser l'amélioration du rendement énergétique et l'utilisation de carburants de remplacement à faible teneur en carbone. Nos principaux programmes sont l'étiquette ÉnerGuide pour les véhicules personnels et le Partenariat de transport écologique SmartWay, mis en œuvre en collaboration avec les États-Unis.

Nous avons aussi le programme pour les biocarburants, lequel encourage la production et l'utilisation de biocarburants dans le secteur des transports. Ce programme, qui prendra fin en mars 2017 et qui représente un investissement total de 1 milliard de dollars, a permis d'appuyer les règlements sur les carburants renouvelables au Canada.

En outre, nous favorisons l'utilisation répandue du gaz naturel dans les transports en élaborant des codes et des normes harmonisées avec ceux des États-Unis.

[Traduction]

Le budget 2016 comprend une nouvelle initiative visant à soutenir l'infrastructure nécessaire aux véhicules qui fonctionnent à l'électricité et aux carburants de remplacement. Ce programme sera conjointement mis en application par l'Office de l'efficacité énergétique et le Secteur de l'innovation et de la technologie de Ressources naturelles Canada. Des 62,5 millions du budget 2016 attribués à cette initiative sur deux ans, 16,4 millions serviront à appuyer le déploiement d'infrastructure en utilisant des technologies déjà proposées sur le marché, notamment des bornes de recharge pour les véhicules électriques et des bornes de ravitaillement en gaz naturel et en hydrogène le long des principaux corridors routiers. Les 46,1 millions restants serviront à la démonstration de la prochaine génération des bornes de recharge pour les véhicules électriques.

En résumé, comme l'a souligné le personnel de Ressources naturelles Canada, le gouvernement fédéral travaillera au cours des prochains mois avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les principaux intervenants, afin de créer un cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique. Le rôle de l'efficacité énergétique dans la réduction des émissions a indéniablement une place dans ces discussions continues de même que dans le cadre du travail accompli avec les provinces et les territoires au sujet de la Stratégie canadienne de l'énergie.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci pour votre exposé. Le vice-président vous posera les premières questions.

Le sénateur Mitchell : Votre exposé était très intéressant. Je ne parlerais pas nécessairement de « tensions », mais dans le cadre de cette étude, la ligne de démarcation se situe entre le coût apparemment peu élevé des combustibles fossiles et le coût apparemment élevé associé aux autres carburants et aux techniques d'efficacité énergétique. Je crois que la technologie deviendra beaucoup plus économique très rapidement, et nous ne tenons pas toujours compte de tous les coûts qu'entraînent les combustibles fossiles dans le contexte du changement climatique.

La question qu'il faut cependant se poser c'est à quelle vitesse nous pouvons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Certains de vos programmes pourront jouer un rôle déterminant à cet égard.

Quel pourcentage des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre s'attend-on à ce que les initiatives d'efficacité énergétique que vous mettez en œuvre permettent d'atteindre à l'intérieur des délais fixés par le gouvernement?

M. Labonté : C'est une bonne question, et je dirais que de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Je vais en exposer quelques-uns, et ma collègue pourra vous en présenter quelques autres.

Il y a d'abord la question de la tendance. Au Canada, la tendance observée au cours des 20 dernières années témoigne d'une diminution de l'énergie nécessaire pour maintenir la production économique. Ainsi, le PIB s'est essentiellement maintenu au même niveau au cours de cette période, mais l'énergie utilisée à cette fin a diminué du quart. Il s'agit d'une tendance que nous devons veiller à maintenir. Ainsi, on pourrait espérer continuer de maintenir le PIB au même niveau d'ici 2030, en y consacrant un quart moins d'énergie.

L'efficacité énergétique est le premier outil, ou la première arme, si vous voulez, à utiliser pour combattre le changement climatique, parce que l'énergie que vous n'avez pas besoin d'utiliser est de l'énergie que vous n'avez pas besoin d'utiliser. C'est une façon judicieuse de faire les choses d'un point de vue économique et très judicieuse d'un point de vue environnemental.

Ce sont parfois des constats qui semblent aller de soi, mais les mesures nécessaires ne sont pas toujours prises, pour diverses raisons. Mais pour ce qui est de nos projections, nous avons des objectifs concrets puis, nous avons des projections concernant ce qui serait réalisable. À cela s'ajoute le dialogue en cours en vue de l'élaboration d'un plan qui prévoira d'autres mesures que le gouvernement doit prendre. Patricia pourra vous parler du plan et de ce qui pourrait être possible.

Mme Fuller : Si vous le voulez bien, je vais d'abord situer les possibilités en matière d'efficacité énergétique dans un contexte un peu plus international. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie, à l'échelle mondiale, d'ici l'échéance de 2030, jusqu'à 50 p. 100 des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pourraient être atteints grâce à des politiques d'efficacité énergétique.

Pour ce qui est de nos programmes, nous avons des projections pour chacun de nos programmes et, tandis que nous élaborons le cadre pancanadien en matière de changement climatique, nous travaillerons avec Environnement et Changement climatique Canada afin d'établir des projections concernant l'incidence de nos politiques conjuguées aux mesures prises par les provinces sur nos efforts pour atteindre la cible globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les intervenants, surtout ceux du secteur de la construction, estiment qu'il existe de très nombreuses mesures faciles à adopter qui permettraient de réduire la consommation d'énergie. Grâce aux programmes que nous avons mis en œuvre, nous savons, par exemple, que les rénovations réalisées dans le cadre du programme ÉnerGuide pour les habitations permettent de réduire en moyenne de 20 p. 100 la consommation d'énergie d'une habitation, et ce, en misant sur les technologies actuelles. C'est un exemple des résultats qu'il est possible d'obtenir qui nous avons définis pour un de nos programmes.

Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas que vous estimez que la consommation de l'ensemble du secteur diminuerait de 20 p. 100 si chaque habitation et chaque immeuble mettaient ces mesures en œuvre, mais simplement que le potentiel existe, n'est-ce pas?

Mme Fuller : Dans le cas des maisons qui sont rénovées, la consommation est mesurée avant et après les travaux, et les résultats de ces mesures révèlent que la consommation d'énergie diminue en moyenne de 20 p. 100.

Le sénateur Mitchell : A-t-on assigné à la conservation un pourcentage précis de réduction des émissions de gaz à effet de serre?

Mme Fuller : Cette question fera partie des discussions concernant le cadre pancanadien en matière de changement climatique. À l'heure actuelle, la cible à atteindre n'a pas encore été ventilée.

Cependant, comme je l'ai mentionné, les politiques d'efficacité énergétique du fédéral, des provinces et des territoires fonctionnent de façon passablement intégrée. Il sera donc important, dans le cadre des discussions à venir, de tenir compte de la synergie de ces politiques afin d'accroître les possibilités de réaliser des gains en efficacité énergétique.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence. J'essaie de voir comment nous pourrons y parvenir. Je suis convaincu de l'importance d'y parvenir, mais si je me reporte aux chiffres qui nous ont été présentés jusqu'à présent, il faudrait, dans le meilleur des scénarios, réduire les GES de 60 p. 100 d'ici 15 ans.

Vous avez dit, monsieur Labonté, que nous avons amélioré l'efficacité énergétique de 20 p. 100. Au cours de quelle période? En 15 ans?

M. Labonté : Environ 27 p. 100 en 22 ans.

Le sénateur Massicotte : En gros, cela correspond à près de 1 p. 100 par année, ce qui expliquerait en partie pourquoi le scénario le plus optimiste prévoit une augmentation de 0,7 p. 100 des GES, et ce, même dans un contexte où la croissance économique se chiffre à 1,5 ou 2 p. 100.

M. Labonté : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Selon ce scénario, on observe quand même une augmentation des GES. J'imagine qu'ils ont appliqué le même calcul aux 25 années suivantes. Même si l'efficacité énergétique croît de 1 p. 100par année, les GES continuent d'augmenter tous les ans, alors il ne faut pas chercher là une solution à ce problème. Vous dites qu'il faut contrer cette tendance. En fait, il me semble qu'il faudrait un gain en efficacité énergétique de 75, voire de 100 p. 100 en 15 ans plutôt que le gain de 25 p. 100 que l'on a réalisé au cours des 22 dernières années.

M. Labonté : D'accord. Pour être cohérent avec ma dernière réponse, je dirais qu'il y a un éventail de mesures qu'il faut prendre. Juste au chapitre de notre analyse — l'analyse étant que les gouvernements fédéral et provinciaux élaborent le plan ensemble —, un certain nombre de choix s'offriront à nous. L'efficacité énergétique est un bon exemple d'instrument de politique sur lequel les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent compter pour réduire la demande en énergie, ce qui, à son tour, permet de réduire les émissions.

Les programmes que nous avons à l'heure actuelle — ma collègue peut probablement vous fournir des statistiques sur nos résultats des 10 à 15 dernières années au chapitre de la réduction en nombre de mégatonnes. Ces chiffres nous donnent un aperçu de là où nous pourrions en être d'ici 2030. Nous pouvons essentiellement compter sur le fait que les programmes actuels qui seront maintenus d'ici là nous permettront d'atteindre une certaine proportion de la cible qui a été fixée.

Il faut ensuite se demander quels nouveaux programmes, politiques et cadres réglementaires pourraient être mis en œuvre pour accroître les gains en efficacité énergétique que nous pourrions réaliser. Il ne faut pas oublier que ces éléments provoquent aussi des changements de comportement et ont des effets d'entraînement sur différents facteurs et secteurs de l'économie, qu'il s'agisse du secteur industriel, du comportement des consommateurs ou des transports, par exemple. Ils peuvent avoir un effet multiplicateur. Nous en tenons compte dans les cadres de modélisation. En fait, nous utilisons les modèles produits par Environnement et Changement climatique Canada. Ressources naturelles Canada et Environnement et Changement climatique Canada élaborent ensemble ces modèles qui permettent d'établir des projections et de définir les effets attendus.

Les réductions escomptées ne se concrétisent cependant pas toujours en raison de circonstances économiques imprévues. Le défi consiste alors à mieux les définir.

Patricia pourrait vous donner un aperçu des résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais m'attarder un peu à ces chiffres. Un gain en efficacité de près de 1 p. 100 par année. Tous les efforts conjugués — si l'on tient compte de la croissance économique et des GES —, tous ces efforts combinés, donc, comme les initiatives en matière d'efficacité énergétique et les changements survenus au chapitre de la consommation, et on obtient un gain de 1 p. 100 au cours des 23 dernières années.

Selon ces chiffres, le maintien des initiatives antérieures, y compris tous ces efforts, a donné lieu à une augmentation des émissions de 0,7 p. 100, alors qu'il nous faut une réduction de 6 p. 100. Ce qui veut dire que le gain en efficacité énergétique de 1 p. 100, si on arrondit, doit se transformer en gain de 5 p. 100, et ce, dès maintenant, ce qui représente une augmentation de 500 p. 100 par rapport à la situation actuelle. On ne parle pas d'une augmentation de 5 ou de 10 p. 100; il faut que cela soit cinq fois plus efficace dès maintenant, et nous n'y arriverons pas assez vite. Nous serons en retard. Nous sommes toujours en retard. Les gouvernements sont toujours en retard. Il faudrait donc que ce soit quelque chose comme une augmentation de 1000 p 100 d'ici l'an cinq. J'ai beaucoup de difficulté à croire que vous y parviendrez. Je regrette de vous le dire, mais corrigez-moi si j'ai tort.

M. Labonté : Eh bien, je ne voudrais pas vous dire que vous avez tort. Je dirais cependant qu'il y a sans doute plusieurs façons d'aborder cette question. Ainsi, certains des modèles auxquels vous faites allusion reposent sur l'hypothèse selon laquelle les technologies sont statiques. Nous savons cependant que les technologies évoluent et que les changements qui en découlent ont une profonde incidence sur ce que l'on avait prévu et sur les projections que nous ferons. C'est l'un des facteurs qui font qu'il est difficile d'établir des modèles permettant de prévoir les tendances jusqu'à l'échéance du délai.

L'autre facteur, c'est qu'il faut agir. Je suis d'accord sur l'idée de retard, mais je parlerais plutôt de délai, en fait, entre les mesures prises, la décision de prendre des mesures et l'effet de ces mesures sur l'économie et tous les comportements. Ce n'est qu'ensuite que les émissions sont réellement réduites et que les modes de consommation énergétique sont modifiés.

Cela dit, nous ne croyons pas que ce soit une raison pour ne rien faire. La réaction à cet état de fait doit être de se demander comment on pourrait combiner toutes les mesures possibles pour que, dans une perspective à long terme, on puisse continuer de vivre la vie que nous menons et maintenir une économie en santé tout en tenant compte de la nécessité de réduire nos émissions, de modifier le type d'énergie que nous consommons et de maximiser notre efficacité énergétique.

Nos travaux sur l'efficacité énergétique, à RNCan, visent à assurer le meilleur rapport possible entre l'investissement financier et l'énergie obtenue, afin que ce soit rentable économiquement tout en permettant de produire les biens nécessaires et désirés.

Le programme est conçu en différents segments, que Patricia a présentés. Il y a par exemple le secteur de la construction, le secteur des transports et le secteur industriel. Différentes stratégies s'appliquent à ces différentes parties du problème et emploient différents outils pour arriver aux fins recherchées.

D'une façon générale, le Canada est assez créatif et innovateur dans sa façon de veiller à l'efficacité énergétique. Bien sûr, il doit l'être. Certaines de nos caractéristiques contribuent à créer l'économie particulière que nous avons — climat nordique, vastes distances. La consommation d'énergie y est généralement plus élevée que dans d'autres régions du monde. Nous devons établir des stratégies ciblées en conséquence.

Je veux m'assurer de vous donner des exemples de ce que nous avons réalisé jusqu'à maintenant et de ce que nous pouvons faire.

Le sénateur Massicotte : Vous avez réussi à améliorer l'efficacité de 1 p. 100. Je me pose des questions quand j'entends ce discours. Vous devez admettre que ce ne sont que des paroles, et que c'est facile de parler. Ce ne sont que des mots. Nous pouvons donner l'exemple, mais on parle ici de changements énormes. Je vous mets un peu au défi. Est-ce qu'on ne fait que continuer ce qu'on fait depuis 30 ans — beaucoup de paroles? Bien sûr, il y a des efforts et des intentions sincères, mais nous savons que nous n'y arriverons pas, parce que c'est probablement impossible. Peut-être que le monde entier fait la même chose, ce qui signifie une limite de 2 degrés Celsius. Ce sont là de bien beaux documents, mais on n'y arrivera probablement pas, et les conséquences seront graves pour la planète et pour nos futurs enfants et petits-enfants. N'est-ce pas toujours du pareil au même?

M. Labonté : Je dirais que ce n'est plus pareil. L'accord sur le climat conclu en décembre a été signé par 175 pays de partout dans le monde.

Le sénateur Massicotte : C'est facile à faire.

M. Labonté : Je suis sûr que mes collègues qui ont participé aux négociations sur les changements climatiques diraient que ce fut passablement difficile, mais je reconnais que cela ne signifie pas qu'on y donnera suite. Je reconnais que nous devons établir un plan détaillant toutes les mesures à prendre, que ce ne sera pas facile et qu'il faudra prendre énormément de mesures pour que le Canada, entre autres, réalise cet objectif.

Par exemple, nous croyons que juste l'efficacité énergétique, par les moyens connus actuellement, peut nous permettre de réaliser plus ou moins 10 p. 100 de l'objectif. Il suffit de regarder les activités projetées, les mesures qui sont déjà en place et celles que nous sommes en voie de prendre.

D'autres mesures peuvent s'appuyer sur la collaboration avec les provinces et les territoires. Nous aurons de nouvelles technologies à intégrer à la série de mesures prévues. Celles-ci ne figurent pas encore dans nos plans. Nous voyons cela comme une occasion favorable, mais cela ne règle certainement pas tous les problèmes. Il s'agit d'une contribution et de certains éléments qui nous permettent de progresser vers l'objectif. J'espère assurément, et je crois que tous ne pensent pas que nous ne faisons que parler sans prendre de véritables mesures. L'efficacité énergétique est un domaine où nous agissons réellement. Nous avons un cadre réglementaire et des programmes, et nous avons pris des mesures qui ont abouti à des réductions réelles. C'est un bon point de départ. De là, nous pouvons continuer sur notre lancée.

Le sénateur MacDonald : Quand on parle d'amélioration énergétique, quel est le moyen le plus facile à exploiter? Y a-t-il des domaines que nous n'avons pas exploités, du moins pas autant que nous aurions dû? Y a-t-il des choses qui nous ont échappé et sur lesquelles nous aurions dû nous concentrer? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire facilement par lui-même, ou en collaboration avec les provinces, territoires et municipalités?

Mme Fuller : Le domaine dont on parle le plus, si l'on pense au retour possible sur l'investissement avec la technologie existant actuellement, est celui du bâtiment. On pense ici aux maisons, aux édifices commerciaux et aux institutions ainsi qu'aux appareils et à l'équipement qu'on y installe.

J'ai parlé plus tôt des chiffres que nous avons pu établir dans le cadre de notre programme ÉnerGuide quant aux économies d'énergie que permet la rénovation domiciliaire. Les programmes des provinces et des territoires devraient certainement se concentrer là-dessus. Il existe de nombreux programmes incitant les propriétaires à rénover leurs maisons ou bâtiments, souvent offerts par les services publics. Comme je le disais, bien souvent, les instruments offerts par l'Office de l'efficacité énergétique appuient ces règlements et mesures incitatives.

Au chapitre des normes, l'efficacité de ces normes est accrue si nous les alignons avec celles des États-Unis dans l'intérêt de créer un marché intégré pour les produits et de réduire les coûts de conformité pour les entreprises. C'est la raison de cet engagement à aligner les normes d'efficacité énergétique avec celles des États-Unis pour pratiquement tous les produits d'ici 2020.

Le sénateur MacDonald : Je sais que vous devez tenir compte du fait que l'efficacité énergétique est un principe qui n'est pas nécessairement lié à l'emplacement géographique au pays. L'air conditionné est tout aussi important dans le sud des États-Unis que l'est le chauffage au Canada. Les États-Unis ont donc besoin d'autant d'énergie que nous.

Comment un pays moderne comme le Canada se compare-t-il à d'autres pays ayant une économie semblable? Où nous situons-nous? Sommes-nous dans la moyenne? Sommes-nous particulièrement efficaces, ou pas très efficaces? Où nous situons-nous sur l'échelle par rapport aux autres pays où le contexte est semblable?

Mme Fuller : Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous nous distinguons, sur la scène internationale, par nos normes en matière d'équipement de chauffage. Je pourrais peut-être inviter notre directrice de la Division de l'équipement, si vous le permettez, monsieur le président, à se joindre à nous. Debbie Scharf pourrait nous dire quelques mots au sujet de notre leadership, et je crois que le mot n'est pas exagéré, dans le domaine du chauffage, et nous parler aussi de notre position, sur la scène internationale, pour ce qui est de l'efficacité de nos produits.

Debbie Scharf, directrice, Division de l'équipement, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup.

Le chauffage des espaces habités et de l'eau est évidemment une préoccupation pour les Canadiens en raison de notre climat froid. Dans un bâtiment ou une maison typique, le chauffage et l'eau chaude représentent de 70 à 80 p. 100 de la facture énergétique. Le chauffage résidentiel est une des grandes réussites du Canada. Il y a un certain nombre d'années, nous avons établi des normes de rendement minimal pour les fournaises au gaz. Un taux d'efficacité de 90 p. 100 est exigé. Cette norme est parmi les plus élevées au monde. Ce fut un énorme succès sur le marché nord-américain, car elle surpasse même les normes des États-Unis. L'industrie, les consommateurs et le gouvernement considèrent cette norme comme un grand progrès à l'avantage des consommateurs en matière d'efficacité énergétique.

C'est un défi pour nous de chauffer nos maisons et notre eau, et c'est là que nous devons trouver des moyens de réduire le rapport coût-efficacité, parce que ces appareils représentent une part tellement majeure de nos dépenses d'énergie.

Le sénateur MacDonald : Où faisons-nous piètre figure, comparativement à des pays comparables? Dans quels domaines avons-nous des lacunes particulièrement évidentes?

Mme Fuller : Comme l'a dit Jeff tout à l'heure, nous avons l'un des plus grands taux de dépense énergétique par habitant dans le monde, ne fût-ce qu'en raison du climat.

Le sénateur MacDonald : Réellement, étant donné notre climat, nous ne pouvons pas éviter de consommer de l'énergie.

Mme Fuller : En effet. Aussi, notre économie est plus énergivore parce que nous sommes un producteur d'énergie. Malgré tout, comme nous sommes parmi les plus grands utilisateurs par habitant, nous pouvons certainement nous améliorer sur ce plan.

On s'attend à ce que les changements technologiques soient davantage mis à profit dans le secteur industriel, parce que, dans le secteur du bâtiment, il est déjà possible de réduire la dépense énergétique avec les technologies existantes. Les nouvelles technologies permettront des réductions d'énergie importantes quand l'industrie pourra vraiment offrir des maisons et bâtiments à consommation énergétique nette zéro, par exemple.

Mon collègue Marc Wickham, du Secteur de l'innovation et de la technologie énergétique, pourrait nous en dire plus long si les sénateurs sont intéressés. Il existe des possibilités de transformation technologique améliorant l'efficacité énergétique des processus industriels, et c'est l'un des objectifs clés des investissements prévus dans le budget de 2016 à l'appui de ce type d'innovations.

Le sénateur Mockler : J'ai essayé de trouver le budget du ministère pour des années antérieures à l'aide des nouveaux programmes que vous utilisez. Ainsi, c'est pour cette raison que je travaillais avec des machines.

Nous avons vu l'anneau olympique en Colombie-Britannique : nous avions encouragé les constructeurs industriels et commerciaux à employer plus de bois dans leurs structures. Nous avons vu un projet iconique dans la ville de Québec, l'édifice de Fondaction CSN. C'est un bâtiment de six à huit étages fait à 85 p. 100 de bois. Le Canada est un producteur de bois.

Donc, si je regarde vos notions d'efficacité et vos incitatifs, et la somme d'argent réservée à cette fin, quel programme précis avez-vous — et je sais que les provinces ont ce pouvoir — pour encourager les provinces à favoriser l'emploi du bois non seulement dans la construction résidentielle, où l'on utilise le bois dans une proportion de 95 p. 100, mais aussi dans les bâtiments industriels et commerciaux?

[Français]

M. Labonté : Votre question est fort intéressante. Le secteur forestier au Canada, un autre volet du ministère des Ressources naturelles, possède de l'expertise dans le domaine des ressources forestières. Nos initiatives favorisent l'utilisation de bois dans la construction d'édifices et de maisons. Certains de nos projets et de nos programmes prévoient des investissements dans le domaine de l'innovation pour ouvrir des débouchés. En général, il s'agit de programmes qui mettent l'accent sur les marchés internationaux, comme la Chine et l'Inde, ou dans des pays qui offrent des possibilités dans le domaine de la construction. Je ne dispose pas d'une grande expertise dans ce domaine. Nous n'avons pas de programme spécifique qui vise à favoriser l'utilisation du bois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou l'utilisation d'énergie.

[Traduction]

Nous pourrions certainement vous donner plus d'information, et nous pourrions même suggérer à des fonctionnaires de RNCan de venir vous en parler à une réunion future, si cela intéresse le comité. Je comprends votre question, sénateur, et je comprends son importance. C'est simplement que je n'ai pas toutes les connaissances qu'il me faudrait pour pouvoir y répondre.

Le président : Vous pourriez envoyer l'information à la greffière, elle s'assurera que nous l'obtenions tous.

M. Labonté : Certainement. Je vais mettre mes collègues du Service canadien des forêts à contribution.

Le sénateur Mockler : Pour reprendre les mots du président, ce sont Fred et Martha qui vont payer. Le ministère est- il inquiet du risque d'augmentation des coûts de production pour le secteur canadien du pétrole et du gaz et des répercussions que cela aurait sur les mesures environnementales que vous proposez?

[Français]

M. Labonté : Oui. Il est dans notre intérêt de créer notre propre rôle dans le domaine de la recherche et de recueillir des renseignements sur les activités de ce secteur et d'autres domaines.

[Traduction]

Les secteurs du pétrole et du gaz et de la production d'énergie engendrent d'immenses émissions atmosphériques au Canada. Je pense que le quart, environ, des émissions produites par le Canada proviennent du secteur du pétrole et du gaz. Le niveau d'émissions n'est pas le même pour tous les types de production pétrolière ou gazière. Cela varie selon les régions, le type de réservoir, et cetera.

Des mesures ont été prises récemment pour progresser dans cette direction. On s'est engagé à modifier le processus de production pétrolière et gazière pour en réduire les émissions de méthane. Le premier ministre a fait l'annonce de cet engagement lors de sa visite officielle à Washington. Je pense qu'il s'agira d'une réduction de 40 à 45 p. 100 des émissions de méthane. Le méthane est l'un des plus abondants des gaz à effet de serre.

Des travaux ont été amorcés dans les provinces. Par exemple, je pense que l'Alberta a annoncé qu'elle plafonnait les émissions dans le secteur des sables pétrolifères. Autrement dit, le secteur s'attend à se voir imposer une limite. Il existe aussi différentes méthodes de gestion des émissions. L'Alberta a imposé un prix sur le carbone pour les grands émetteurs. La Colombie-Britannique a une taxe sur le carbone. L'Ontario et le Québec ont annoncé qu'ils imposeraient un système de plafonnement et d'échanges. Il y a divers moyens existants ou en voie d'être adoptés pour gérer une partie des émissions, maintenant et dans les temps à venir.

Je ne suis pas accompagné d'experts en pétrole et gaz aujourd'hui, mais nous pourrions vous fournir plus d'information, ou creuser la question plus à fond, si vous le désirez, sénateur.

Le sénateur Mockler : Dans quelle province ou région du Canada y a-t-il le plus de voitures électriques?

M. Labonté : Trois provinces sont passablement en avance sur les autres, ou ont exprimé un grand intérêt à prendre les moyens pour encourager l'achat de véhicules électriques.

Mme Paula Vieira, directrice, Division de transports et carburants de remplacement, Ressources naturelles Canada : Les trois provinces qui ont été les premières à prendre des mesures en ce sens sont l'Ontario, le Québec et la Colombie- Britannique. Ces provinces ont adopté une série de mesures pour soutenir l'usage de véhicules électriques sur leur territoire.

Le sénateur Patterson : Le prix de l'essence diminue. Craignez-vous que cela encourage les gens à acheter de plus gros véhicules ou que cela dissuade les consommateurs d'acheter des véhicules électriques ou hybrides?

Il faisait moins 19, ce matin, là où je vis, dans le sud du Nunavut, juste passé la frontière. Je ne crois pas que nous ayons une seule voiture hybride ou électrique chez nous, et les véhicules sont nombreux. Est-ce que ces véhicules fonctionnent aussi bien dans les régions froides?

M. Labonté : Les prix de l'énergie varient; le prix de l'essence et du diesel influence considérablement le comportement des acheteurs de véhicules. Il se peut que des prix inférieurs encouragent une plus grande consommation, mais je crois que la plupart des gens n'aiment pas dépenser leur argent pour faire le plein. Dans la plupart des milieux où je travaille et dans la plupart des collectivités que je visite, les gens veulent généralement dépenser le moins possible pour alimenter leur véhicule.

C'est la tendance naturelle. Pour notre part, à RNCan, nous avons des programmes d'étiquetage favorisant une meilleure compréhension au sein de la population. Les gens en tiennent compte et remarquent, quand ils achètent un véhicule, quelle quantité de carburant nécessitera ce véhicule. Ces étiquettes précisent la consommation du véhicule et ce qu'il en coûtera de le conduire.

La réglementation sur les véhicules, qui pousse les fabricants à produire des véhicules plus efficaces, a été instaurée, et on a réduit de beaucoup la consommation d'essence des transports routiers. La tendance se poursuit. Il y a aussi des programmes qui incitent la population à favoriser les autres solutions ou les systèmes hybrides.

Quant au deuxième volet de votre question, à savoir si les véhicules de substitution sont adaptés au climat nordique, je céderai la parole à ma collègue Paula.

Mme Vieira : Cette question, c'est-à-dire la puissance de la batterie et la durabilité des véhicules dans les climats nordiques, inquiète de nombreux consommateurs. Le ministère y a consacré beaucoup de temps. Mon collège Marc Wickham, du Secteur de l'innovation et de la technologie énergétique, et moi-même avons consacré beaucoup de fonds à la recherche-développement. La durabilité des batteries s'est beaucoup améliorée. Cette question suscite peut-être encore des inquiétudes, mais la plupart des véhicules offerts actuellement sur le marché peuvent être utilisés dans les climats nordiques.

Le sénateur Patterson : Les mesures environnementales exercent des pressions sur les coûts du secteur pétrolier et gazier. Je crois que vous avez parlé de la tarification du carbone.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers dit craindre que bien d'autres pays exportateurs de pétrole, comme l'Irak, l'Iran, l'Angola, le Venezuela, le Koweït et le Kazakhstan, ne subissent pas les mêmes pressions environnementales sur les coûts que celles qui sont imposées aux producteurs canadiens. Le ministère est-il du même avis que l'Association canadienne des producteurs pétroliers et craint-il lui aussi une possible hausse des coûts de production du secteur pétrolier et gazier du Canada en raison des mesures environnementales?

M. Labonté : Je connais bien le point de vue de l'association sur certaines de ces questions. Je crois que, en général, Ressources naturelles Canada et les Canadiens se soucient de la vigueur du secteur pétrolier et gazier et de son rôle global dans l'économie canadienne, qu'il s'agisse du commerce des produits de base, des infrastructures, du coût de production ou tout ce qui s'y rattache.

C'est une question complexe. Le coût de production du pétrole et du gaz dépend beaucoup des réserves, de la région, du coût de transport jusqu'aux marchés, des méthodes de production et des circonstances environnementales, qui varient. Pour une réserve de ressources ou un projet d'exploitation, les répercussions environnementales ont une incidence sur le coût de production, tandis que pour un autre projet, qui est situé ailleurs dans la province, en zone extracôtière ou dans une autre région du Canada, d'autres aspects font hausser le coût d'importation.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers dit craindre pour sa compétitivité sur les marchés mondiaux pour plusieurs raisons : le coût de la main-d'œuvre, les coûts marchands, les coûts environnementaux et bien d'autres facteurs. Tout cela fait partie des choses dont nous discutons.

Le cadre pancanadien, qui s'élabore en collaboration avec les provinces, fait une large place aux provinces productrices d'énergie, à leurs intérêts et à leurs préoccupations.

Je ne pense pas me tromper en disant, si l'on prend l'exemple du plus gros producteur de pétrole et de gaz du Canada, l'Alberta, que certains coûts sont associés aux émissions des grands émetteurs de l'Alberta et à la plupart des grands projets connexes. Si on m'avait posé la question il y a 5 ou 10 ans, j'aurais d'ailleurs dit que les choses allaient très bien. Mais comme nous sommes en 2016, le cadre pancanadien est en cours d'élaboration, et ces producteurs inscrivent déjà, pour ainsi dire, une partie des coûts dans leur bilan. Nous devrons donc nous pencher sur la façon dont ces éléments sont pris en considération.

Il est indéniable que Ressources naturelles Canada se préoccupe du secteur pétrolier et gazier. Il s'agit d'un des secteurs dont nous étudions la vigueur, en collaboration avec les provinces et les territoires.

Sur la scène internationale, l'Accord de Paris entraîne plusieurs difficultés. Comment chaque pays met-il en œuvre son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Tous les effets sur les secteurs des différentes économies sont-ils cohérents et équilibrés? Selon moi, la question est plus vaste, et il s'agit sans doute d'une pièce du puzzle, mais je ne suis pas convaincu que ce soit aussi simple, car plusieurs autres points de vue ont aussi été soulevés. Quoi qu'il en soit, il faut en tenir compte, et c'est ce que nous faisons.

Le président : Vous avez parlé du code du bâtiment fédéral et des normes du bâtiment, que vous avez rendues plus strictes. Je vous en remercie.

Les provinces peuvent y souscrire à titre volontaire, n'est-ce pas? Je ne sais pas trop ce qui en est des territoires, mais les provinces disposent de leur propre code de bâtiment, que les constructeurs doivent respecter. Est-ce que je me trompe?

Mme Fuller : Effectivement, nous avons mis sur pied un modèle de code de l'énergie, que les provinces et les territoires peuvent intégrer à leurs règlements. Le dernier modèle de code national du bâtiment en matière d'énergie est déjà en vigueur dans cinq provinces et un territoire; nous pouvons le confirmer. Nous avons élaboré ce modèle par l'intermédiaire du Conseil national de recherches et en collaboration avec divers intervenants. Jusqu'à présent, l'expérience s'est avérée très positive; ces modèles ont été intégrés au code des provinces et des territoires, tant pour ce qui est du bâtiment que des habitations.

Le président : Je vous en remercie. Je fais partie de ceux qui préconisent l'adoption, par tous, du code fédéral, parce que, à ma connaissance, les entrepreneurs qui construisent des maisons à vendre le font le plus rapidement et au moindre coût possibles. Le Canada devra vivre avec le parc de maisons qui sont construites actuellement et qui ne respectent peut-être pas des normes aussi bonnes qu'elles pourraient l'être. Je crois qu'il y aurait moyen d'améliorer la situation.

Monsieur Labonté, vous avez parlé de ce que les gouvernements peuvent faire et vous avez tout de suite mentionné les taxes et les dépenses. Il est révélateur, selon moi, que ce soit la première chose que vous ayez dite.

À mon avis, si nous voulons instaurer un code vraiment strict, il y a des choses que nous pourrions faire en collaboration avec les provinces, car, comme vous l'avez dit, monsieur Labonté, il faut beaucoup de temps pour que certaines choses progressent. Les règles strictes en font partie, et il faudra bien que les gens se conforment si on décide de les resserrer.

Selon moi, il s'agit justement d'une chose que le gouvernement pourrait faire; il pourrait en fait étoffer ce que vous avez déjà fait. Les normes pourraient être beaucoup plus resserrées, car je crois à la conservation. C'est seulement un aspect du code du bâtiment. Je connais le contexte.

Vous avez parlé de réfrigérateurs écoénergétiques, et je vous en suis reconnaissant. J'en ai un à la maison. Peut-on encore acheter un réfrigérateur qui ne l'est pas? Je ne sais pas si c'est encore possible. Je crois qu'on ne vend depuis longtemps que des réfrigérateurs écoénergétiques. Est-ce que je me trompe?

Mme Fuller : Nos normes ont défini les seuils minimaux d'efficacité énergétique. En définissant ce seuil, nous avons effectivement fait disparaître les produits les moins efficaces du marché. Selon nous, il a toutefois été très efficace d'instaurer la norme volontaire ENERGY STAR. Il est prouvé que les fabricants se sont efforcés d'améliorer leurs produits pour pouvoir afficher le logo ENERGY STAR. Pour nous, la combinaison de ces normes volontaires — qui font progresser le marché — et de la réglementation de plus en plus stricte permet d'augmenter les seuils d'efficacité énergétique et de favoriser l'innovation en incitant les fabricants à faire de meilleurs produits.

Le président : C'est un autre moyen. Nous pourrions obliger les gens à acheter tel type de produit.

Mme Fuller : C'est ce que nous faisons.

Le président : Il faut suivre l'évolution de la technologie. Le renseignement que je m'apprête à donner date d'un certain temps, alors corrigez-moi si je me trompe. Les téléviseurs à haute définition consomment quatre fois plus d'électricité que les anciens appareils. Malgré toutes ces normes, la technologie progresse et devient de plus en plus abordable. Combien y a-t-il de tablettes chez vous? Dans certains foyers, il y en a probablement plus que deux ou trois. Or, tous ces appareils consomment de l'électricité. Même si les progrès technologiques permettent de les améliorer, ces progrès les rendent aussi de plus en plus abordables, ce qui nous fait consommer beaucoup plus d'électricité. Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme Fuller : Vous avez tout à fait raison. L'utilisation d'appareils énergivores s'est accrue. Il faut aussi s'intéresser à l'énergie que consomment, par exemple, les appareils en réseau lorsqu'ils sont en mode veille. Les produits, plus particulièrement les appareils électroniques, consomment plus d'énergie à la prise, mais il y a aussi des façons d'améliorer l'efficacité énergétique de ces produits. Le ministère s'emploie aussi, notamment sur la scène internationale, à encadrer ces produits énergivores par des normes.

Le président : J'ajouterais aussi que, dans la plupart des foyers, il y a plus d'un téléviseur et qu'il s'agit probablement d'appareils à haute définition. Les progrès technologiques nous font aussi utiliser des produits qui consomment plus d'énergie.

J'ai quelques questions sur les 16,4 millions de dollars qui serviront à soutenir le déploiement d'infrastructures utilisant des technologies déjà proposées sur le marché, notamment des bornes de recharge pour les véhicules électriques et des bornes de ravitaillement en gaz naturel et en hydrogène. Combien coûte l'installation d'une borne de ravitaillement en hydrogène? Et l'installation d'une borne de recharge électrique rapide?

Mme Vieira : L'installation d'une borne de ravitaillement en hydrogène coûte de 2 à 2,5 millions de dollars. Les bornes de recharge électrique rapide coûtent environ 100 000 $. Les bornes de ravitaillement en gaz naturel, environ 2 millions de dollars.

Le président : Les 16 millions de dollars ne permettront donc pas de faire beaucoup de choses. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait investir un peu plus d'argent?

Mme Vieira : Le Fonds pour l'infrastructure verte du gouvernement du Canada a une durée de vie de 10 ans. Nous en sommes seulement à la phase 1, alors ce montant couvre les initiatives des deux prochaines années. Nous avons proposé d'inclure les projets qui pourront être achevés d'ici mars 2018 et qui correspondent aux taux de mise en œuvre que l'on observe de nos jours. Si on additionne le nombre de véhicules électriques qui circulent actuellement sur nos routes, les véhicules à hydrogène que la plupart des fabricants se sont engagés à commercialiser ainsi que les camions au gaz naturel déjà existants ou sur le point d'être vendus, on arrive aux prévisions que nous avons établies pour les deux premières années.

Nous visons donc environ 70 bornes de recharge électrique rapide, 6 bornes de ravitaillement en gaz naturel et 2 bornes de ravitaillement en hydrogène, mais leur nombre réel dépendra du contenu des analyses de rentabilisation que le gouvernement recevra. C'est le marché qui décidera.

M. Labonté : J'aimerais ajouter une chose, pour ne pas passer pour celui qui n'en a que pour les impôts et les dépenses : pour répondre à votre question, ce programme sera aussi mis en œuvre en collaboration avec les provinces et le secteur privé, afin que nous puissions mettre les modèles d'affaires à l'épreuve. Car il faut aussi se demander comment on peut rentabiliser les véhicules électriques et à hydrogène dans un marché où les véhicules se déplacent sans cesse et dans la mesure où la plupart des endroits interdisent qu'on facture l'électricité après avoir été le consommateur secondaire d'électricité. Le programme permettra donc de mettre certains modèles intéressants à l'épreuve et de voir si le secteur privé pourrait faire sa part, ouvrir des débouchés et préparer les analyses de rentabilisation.

Le président : Merci beaucoup. Deux autres membres du comité avaient une ou deux brèves questions à vous poser, mais il faut libérer la salle d'ici 15 minutes et nous avons déjà dépassé le temps prévu. Je leur demanderai donc de s'en tenir à une brève question chacun, et je vous saurais gré de vous en tenir, vous aussi, à une brève réponse.

Le sénateur Massicotte : Je ne me rappelle plus qui l'a préparé, mais j'ai obtenu un document grâce à la Loi sur l'accès à l'information qui chiffre à 37 ou 38 $ la tonne, sauf erreur, le coût social du CO2 et des gaz à effet de serre dans l'environnement. Selon vous, si nous établissions le prix du carbone à 37 ou 38 $ la tonne, les émissions de gaz à effet de serre deviendraient-elles nulles? Autrement dit, les gens trouveront-ils des avantages pécuniaires à réduire les émissions de gaz à effet de serre si nous leur remettions 38 $ par tonne qu'ils réussiraient à éliminer? Ce document et les chiffres qu'il contient sont-ils pertinents?

Le sénateur Mitchell : Ma question revient sur la perspective quelque peu pessimiste du sénateur Massicotte, qui déplore qu'on ne fasse pas mieux qu'un gain d'efficience de 1 à 5 p. 100. Selon moi, un taux de 5 p. 100, ce serait excellent. Et ai-je raison de dire que nous avons réussi à faire un gain de 1 p. 100 en 27 ans alors que, dans les années 1990, personne ne pensait aux gaz à effet de serre et que, pendant la fin des années 2000, le gouvernement n'a rien fait sauf croiser les bras? La barre n'est pas très haute. Si nous y mettions un minimum d'effort, nous atteindrions 5 p. 100 dans le temps de le dire.

Le président : Merci beaucoup pour vos déclarations préliminaires. Elles étaient excellentes, et les questions étaient à l'avenant. Je vous remercie aussi de nous avoir accordé un peu de votre temps. Il se peut que nous vous convoquions plus tard pendant l'étude, si jamais nous avons besoin de plus de renseignements. Encore une fois : merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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