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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 14 - Témoignages du 25 octobre 2016


OTTAWA, le mardi 25 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 57, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Commençons. D'abord, je tiens à m'excuser, messieurs, de vous avoir fait attendre aussi longtemps. Parfois, les gens s'emportent au Sénat, et la levée de la séance se fait un peu attendre. Cependant, nous terminons habituellement à temps pour commencer à 17 heures. Je vous présente donc vraiment toutes mes excuses pour ce début tardif, et nous vous remercions d'être restés.

Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs et à tous les membres du public, ici présents dans la salle, ainsi qu'à tous les téléspectateurs à l'échelle du pays. Je tiens à rappeler à ceux qui nous regardent que les réunions du comité sont ouvertes au public et sont aussi webdiffusées sur sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements au sujet des témoins prévus sur le site web, sous la rubrique des « Comités sénatoriaux ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter. Je vais commencer par présenter le vice-président du comité, le sénateur Massicotte, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

Le président : Je tiens aussi à présenter nos employés en commençant par la greffière, Lynn Gordon, et Maxime Fortin, qui vient tout juste de commencer et est en période d'apprentissage. Il poursuit sa formation en travaillant avec Lynn. Je vous présente aussi nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc. Nous en sommes à la 19e réunion de notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, transition qui est requise pour respecter la cible annoncée par le gouvernement du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre. Nous accueillons aujourd'hui des témoins qui représentent l'Association des chemins de fer du Canada et VIA Rail. Messieurs, je vais vous demander de vous présenter et de nous dire quelles sont vos positions. J'imagine que nous allons commencer par VIA Rail, afin que nous puissions faire certains liens. Nous allons commencer par VIA, puis poser nos questions, afin qu'ils puissent partir, puis le représentant de l'Association des chemins de fer du Canada pourra rester avec nous.

De vous deux, qui veut commencer?

Michael Bourque, président-directeur général, Association des chemins de fer du Canada, VIA Rail Canada : Honorables sénateurs, l'Association des chemins de fer du Canada est une association professionnelle qui célébrera ses 100 ans l'année prochaine. Nous représentons 60 compagnies de chemin de fer au Canada.

Michael Gullo, directeur, Politique, économie et affaires environnementales, Association des chemins de fer du Canada : Je m'appelle Michael Gullo. Je suis le directeur, Politique, économie et affaires environnementales de l'Association des chemins de fer du Canada.

Yves Desjardins-Siciliano, président et chef de la direction, VIA Rail Canada : Je m'appelle Yves Desjardins-Siciliano. Je suis le président et chef de la direction de VIA Rail.

Bruno Riendeau, directeur, Sécurité et environnement, VIA Rail Canada : Bruno Riendeau. Je suis directeur, Sécurité et environnement.

Pierre Le Fèvre, conseiller principal au président et chef de la direction, VIA Rail Canada : Pierre Le Fèvre. Je suis le conseiller principal au président et chef de la direction sur les questions stratégiques et liées à la planification.

Le président : Merci beaucoup, messieurs. Nous allons commencer par M. Desjardins-Siciliano. Je crois que vous avez un exposé à nous présenter. Nous passerons ensuite aux questions.

[Français]

M. Desjardins-Siciliano : Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous vous remercions de votre invitation à comparaître devant votre comité. Je m'appelle Yves Desjardins-Siciliano et j'ai l'honneur de servir le gouvernement du Canada à titre de président de sa société de chemin de fer pour passagers, VIA Rail Canada. Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui, accompagné de mes collègues, M. Le Fèvre et M. Riendeau.

[Traduction]

VIA Rail est une société d'État non mandataire qui exploite le seul service interurbain de transport ferroviaire de passagers du pays au nom du gouvernement du Canada. La compagnie rend des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Transports, l'honorable Marc Garneau, qui est aussi un des plus grands utilisateurs des services de VIA Rail entre Montréal et Ottawa au sein du Parlement.

Nos trains passent par environ 400 collectivités qui sont situées aux quatre coins du Canada. Notre réseau ferroviaire est composé de plus de 12 000 kilomètres de rail qui sont en grande partie possédés et exploités par des compagnies de transport ferroviaire. Notre mandat est de fournir un service de transport sécuritaire, efficient, fiable et écologique qui répond aux besoins des voyageurs canadiens. Nous sommes fiers de dire que VIA Rail est le seul service de transport interurbain pleinement accessible à tous les Canadiens, y compris les Canadiens handicapés.

Afin de mieux servir nos clients, nous avons, au cours des derniers mois, adopté une approche plus axée sur les clients. Cette approche a déjà donné des résultats positifs pour VIA Rail, et la compagnie a affiché à la fois une augmentation du nombre de passagers et une augmentation de ses revenus, une première depuis de nombreuses années. En fait, VIA Rail affiche une croissance de ses revenus d'un trimestre à l'autre depuis 30 mois, y compris une augmentation de 9,3 p. 100 de ses revenus et une augmentation de 7,2 p. 100 du nombre de passagers, des résultats que n'avait pas connus la compagnie depuis les années 1990.

Cependant, ce rythme de croissance sera difficile à maintenir à moyen et long terme parce que notre matériel roulant arrive à la fin de sa vie utile prévue et, par conséquent, il faudra tout remplacer. De plus, le réseau ferroviaire actuel — comme je l'ai dit, qui est en grande partie possédé et exploité par des compagnies de transport ferroviaire, ce qui signifie que les trains de passagers et les trains de marchandises se partagent les rails — ne peut pas répondre à la demande pour un service de train de voyageurs plus fréquent, plus rapide et plus fiable, ce dont ont besoin les Canadiens dans une économie moderne.

[Français]

Un tel contexte opérationnel nous offre a priori peu de perspectives pour accroître l'efficacité et la fiabilité de notre service et surtout les bienfaits qui en découlent pour la protection de notre environnement et la préservation de nos sources énergétiques. Ce faisant, la marge de manœuvre nécessaire afin de procurer aux Canadiens un service plus moderne et plus durable est excessivement limitée.

Mes collègues et moi avons choisi de considérer et de transformer cette situation en une occasion unique, soit de doter le Canada d'une solution de transport durable avec l'avènement d'un réseau ferroviaire dédié au service des passagers, et ce, dans le corridor le plus peuplé du Canada, soit le corridor Québec-Windsor.

Ainsi, au-delà de nos efforts et des solutions créatives apportées afin d'améliorer notre service, réduire le subside de l'État et notre propre empreinte environnementale, notre projet le plus prometteur demeure celui d'introduire dans le corridor un service de train grande fréquence dans un horizon de moins de cinq ans.

Ce nouveau service ferroviaire serait essentiellement opéré sur un réseau distinct et propre aux trains de passagers dans la région centrale du Canada, dont la population atteint aujourd'hui quelque 20 millions d'habitants.

[Traduction]

Le fait de posséder nos propres voies ferrées nous permettrait d'accroître et, en fait, de tripler nos départs dans le corridor Québec-Windsor, de réduire la durée de nos trajets au moins du tiers et d'offrir un service plus fiable, ce qui signifie une ponctualité égale ou supérieure à 96 p. 100. Au bout du compte, notre service constituerait un mode de transport qui est de toute évidence meilleur pour l'environnement.

Le service ferroviaire à fréquence élevée ou, comme on l'appelle, le SFFE, offre une très grande souplesse, ce qui incitera plus de personnes à choisir de voyager en train plutôt qu'en voiture, puisqu'un train partira toutes les 45 à 60 minutes, chaque heure, de 6 heures le matin à minuit le soir. C'est aussi l'occasion d'éliminer le besoin d'avoir recours à des fonds publics pour financer les déficits de fonctionnement continu, qui ne datent pas d'hier chez VIA Rail et qui ont atteint 320 millions de dollars l'année dernière.

On pourrait ainsi réduire la congestion routière, qui coûte près de 10 milliards de dollars par année à l'économie canadienne, selon certaines études, en pertes de productivité, et ce, uniquement dans le triangle Montréal-Ottawa-Toronto. Il y a chaque année 60 millions de déplacements entre la ville de Québec, Montréal, Ottawa et Toronto. Dans 82 p. 100 des cas, les Canadiens choisissent de se déplacer en voiture.

Comme vous le savez, dans le secteur des transports, les voitures et les camions privés sont les principaux responsables du réchauffement climatique. Selon nos évaluations, le budget global du projet serait de l'ordre de 5,2 milliards de dollars. L'investissement minimal requis du gouvernement fédéral pourrait se limiter au renouvellement du matériel roulant dans le corridor, le plus vieux en Amérique du Nord, et on parle ici d'environ 1,2 milliard de dollars. Les autres fonds requis pour réaliser ce projet pourraient être obtenus auprès d'investisseurs privés ou publics, dont certains ont déjà exprimé leur intérêt.

[Français]

Outre notre engagement en faveur d'une économie plus verte, le contrôle de notre infrastructure est l'une des principales raisons ayant incité VIA Rail à proposer un train grande fréquence comme solution pour améliorer l'efficacité du système de transport ferroviaire.

Nous sommes donc heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter la façon dont un train grande fréquence sur un réseau dédié au transport de passagers permettrait à VIA Rail de contribuer, dans la mesure de ses capacités, à la transition du Canada vers une économie plus sobre en carbone.

Notre initiative de train grande fréquence comporte des avantages indéniables à deux niveaux. D'un point de vue économique, d'une part, grâce aux emplois qui seront créés par sa construction et son exploitation, ainsi que ceux générés par le dynamisme économique résultant de la mobilité accrue de la population. Cela se traduira par des gains de productivité. Surtout, notre plan se traduira par une empreinte écologique substantiellement réduite autant au chapitre des opérations de VIA Rail que celui plus important du transport de ses passagers.

VIA Rail deviendra ainsi un choix encore plus censé pour les voyageurs, car il offrira une expérience de voyage renouvelée, simplifiée et plus soucieuse de la santé de nos collectivités. De plus, nous sommes d'avis que ce projet s'inscrit dans l'objectif du gouvernement du Canada de développer un véritable écosystème de transport durable.

[Traduction]

Permettez-moi de vous montrer de quelle façon ce projet ambitieux se traduira par de réels gains sur le plan de l'environnement. Nous estimons que le fait d'offrir ce nouveau service plus moderne entraînera une augmentation de nos services entre la ville de Québec, Montréal, Ottawa et Toronto, et qu'on passera des 2,6 millions de passagers actuels à plus de 7,2 millions de passagers par année, ou environ 5 millions de déplacements en voiture de moins sur nos routes chaque année.

Actuellement, 60 p. 100 des émissions de GES liées au transport sont attribuables aux utilisateurs de véhicules, et 82 p. 100 des déplacements entre la ville de Québec, Montréal, Ottawa et Toronto se font par voiture. Grâce à une augmentation de 300 p. 100 de nos nombres de passagers et de départs, nous prévoyons une diminution d'environ 98 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone de VIA Rail, auxquelles viendront s'ajouter l'équivalent de 12,5 millions de tonnes de GES actuellement produits par les véhicules durant des déplacements qui seront éliminés. L'arrivée d'un service ferroviaire à fréquence élevée pourrait être l'équivalent de réduire le parc automobile canadien de pas moins de 2,8 millions de véhicules, soit tout juste au-dessus de 10 p. 100 du parc automobile canadien.

Pour terminer, tandis que nous discutons, VIA Rail réalise diverses initiatives et s'efforce de réduire son empreinte environnementale de diverses façons. Du côté du rendement énergétique, nous prévoyons électrifier une grande partie de notre réseau, ce qui nous permettrait de réduire notre propre consommation de carburant dans une proportion pouvant atteindre 98 p. 100. Nous utilisons aussi la télémétrie afin de mieux gérer notre consommation de carburant et d'améliorer les compétences de nos mécaniciens de locomotive.

[Français]

Déterminée à contribuer aux efforts canadiens, la société VIA Rail a participé aux forums organisés par l'Union internationale des chemins de fer dans le cadre des sommets sur les changements climatiques de New York en 2014 et Paris en 2015. Il y a quelques jours encore, et pour la troisième année consécutive, VIA Rail a pris part à la rencontre préparatoire de Vienne en vue du sommet de l'Organisation des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Marrakech en novembre prochain. Dans le cadre de la rencontre COP21 en décembre 2015, VIA Rail s'est engagée de concert avec 65 chemins de fer membres de l'UIC à réduire son empreinte de carbone et à soutenir cette mutation internationale des passagers vers des modes de déplacement plus durables.

Nous croyons que le service de VIA Rail fait partie d'une solution globale visant à contrer les méfaits des changements climatiques. Il fournit une solution de rechange abordable et accessible à l'automobile, et appuie la transition que nous devons tous faire, individuellement et en tant que pays, vers un système de transport collectif plus durable.

J'aimerais remercier le comité de nous avoir donné cette occasion, et j'espère que nous pourrons continuer de compter sur votre soutien, à titre de sénateurs et membres de ce comité, dans notre entreprise.

C'est avec plaisir que mes collègues et moi-même répondrons maintenant à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci. Nous allons passer aux questions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, monsieur Desjardins-Siciliano. Votre présentation, qui est très intéressante, porte principalement sur les bienfaits d'un système de train axé sur la protection de l'environnement. J'ai quelques questions à vous poser à cet égard.

On ne connaît pas l'avenir, on ne sait pas si le gouvernement ou les institutions financières seront là pour assurer une contribution de 80 p. 100. Vous avez une opération existante qui contribue à l'émission des gaz à effet de serre. Quels efforts sont consacrés pour réduire cet impact aujourd'hui? Êtes-vous en mesure de nous donner un pourcentage des diminutions des émanations? Pouvez-vous résumer vos efforts jusqu'à présent?

M. Desjardins-Siciliano : Je vous remercie, sénateur. En 2008, grâce à un financement du gouvernement du Canada, VIA Rail a investi 140 millions de dollars dans la réfection d'une partie de son parc de locomotives. On a ainsi réduit notre consommation de diesel de 60 millions de litres à 40 millions de litres par année, ce qui représente une diminution d'un tiers. De plus, on a rendu les moteurs suffisamment efficaces pour que chaque litre de diesel consommé nous permette de voyager sur une plus longue distance. Aujourd'hui, il faut 4 litres de diesel pour qu'un train parcoure un kilomètre, alors qu'en 2008, c'était 5,5 litres. Grâce à un investissement de 140 millions de dollars du gouvernement du Canada sur sept ans, cet investissement sera rentabilisé par les épargnes de diesel. Pour le reste, la réduction des gaz à effet de serre provenant de ces moteurs plus efficaces sera une contribution continue.

C'est un exemple concret de la façon dont on peut investir dans la réfection et la modernisation de façon, d'une part, à se rendre plus efficace dans son exploitation, mais aussi à réduire son empreinte de carbone.

Le sénateur Massicotte : On entend souvent dire que l'efficacité énergétique des autobus publics est nulle. Les autobus sont loin d'être pleins. C'est peut-être la même chose avec VIA Rail. Je suis l'un de vos grands clients. Je voyage souvent par train et, selon l'heure et la destination, il arrive qu'il y ait peu de passagers à bord. L'efficacité énergétique par usager doit être très minime si on la compare à l'utilisation d'une voiture.

M. Desjardins-Siciliano : L'efficacité énergétique de tout mode de transport est basée sur son utilisation maximale. Donc pour une voiture, c'est quatre occupants; pour un train, c'est 66 occupants dans un wagon de 66 sièges. C'est la même chose pour un autobus. C'est pour cette raison que l'on regarde l'efficacité énergétique par siège-kilomètre. Donc, dans un train électrique, l'efficacité énergétique ou la consommation énergétique est de 3 grammes par kilomètre par passager.

Dans un train diesel, comme le train actuel de VIA Rail, on parle plutôt de 22 grammes. Dans le cas d'une voiture, on parle d'au-delà de 67 grammes. Dans le cas d'un avion, on parle de deux fois cette quantité.

On évalue l'efficacité énergétique par le siège-kilomètre, qu'il s'agisse d'une voiture à quatre sièges, un train à 66 sièges, un autobus ou un avion. Dans cet exemple, vous avez la hiérarchie de contribution aux gaz à effet de serre. C'est évidemment basé sur l'occupation maximale, de la même façon qu'une personne sur l'autoroute qui est seule dans sa voiture est plus énergivore que la même voiture circulant sur la même autoroute avec une famille de quatre personnes.

Le sénateur Massicotte : Vous proposez d'investir dans le nouveau chemin de fer, et cela coûte plusieurs milliards de dollars. Avez-vous fait le calcul des coûts en suivant l'hypothèse que la clientèle augmentera de 300 p. 100? Si vous faites ce calcul, quel est le coût par tonne d'émissions de GES réduites divisée par votre investissement? Aujourd'hui, on parle d'une taxe de 5 $ par tonne. Si l'on compare cela à votre proposition, qu'est-ce que cela représente?

M. Desjardins-Siciliano : Aujourd'hui, le même réseau consomme environ 40 millions de dollars de diesel par année, qui serait remplacé par environ 40 millions de dollars d'hydroélectricité. L'épargne n'est pas en termes financiers, mais plutôt au niveau des répercussions sur l'environnement. En ce qui concerne l'électrification des transports par rapport aux autres modes d'énergie, l'épargne est beaucoup plus sociétale, plus macroéconomique qu'opérationnelle ou commerciale.

La sénatrice Ringuette : Cela fait presque 40 ans qu'on entend parler d'un train passager, d'un corridor Québec-Windsor. Vous dites aujourd'hui que, d'ici trois à cinq ans, vous allez faire passer dans ce corridor un service de train grande fréquence. Toutefois, vous n'indiquez pas s'il sera aussi à grande vitesse.

On comprend ce que signifie grande fréquence, mais pourquoi pas à grande vitesse? Pourquoi avez-vous fixé un échéancier de trois à cinq ans? Est-ce pour prendre une décision ou pour aller chercher les capitaux pour la construction? J'aimerais avoir des précisions sur ce grand projet — dont on entend parler depuis plusieurs décennies et qui revient encore sur le tapis — qui desservirait la clientèle entre Québec et Windsor.

M. Desjardins-Siciliano : Comme quoi les bonnes idées ne meurent pas facilement. C'est un train grande fréquence et non pas à grande vitesse. La suggestion ici est de rouler les trains à leur vitesse maximale. Aujourd'hui, les trains de VIA Rail peuvent rouler à 110 milles à l'heure. Par contre, ils roulent en moyenne à 64 milles à l'heure parce qu'ils opèrent sur des infrastructures de train de marchandises. Les chemins de fer destinés au transport des marchandises n'ont pas été conçus pour la vitesse ni le confort, dans un premier temps. C'est déjà là une limite de vitesse.

Et dans un deuxième temps, c'est qu'on est sur un réseau. C'est une question de mathématiques de cinquième année : si le train de VIA Rail qui roule à 100 milles à l'heure quitte Montréal une heure après le train de marchandises qui quitte Montréal et qui roule à 50 milles à l'heure, quand vont-ils se rencontrer?

Quand vous êtes président de VIA Rail, ils vont se rencontrer, trop souvent, trop rapidement, parce qu'ils voyagent à des vitesses variables. L'idée est donc de permettre aux trains de VIA Rail de rouler à des vitesses conventionnelles dans un environnement exclusif où tous les trains roulent à leur pleine capacité de 100 milles à l'heure. C'est le premier point, et nous y reviendrons lorsque nous aborderons la question de l'échéancier. Voilà comment on peut rentabiliser le service grâce aux technologies d'aujourd'hui.

Un deuxième élément que j'aimerais soulever, c'est qu'un train à grande vitesse est un substitut à l'avion. C'est un train qui est conçu pour rouler sur une distance de 500 kilomètres et plus. En dessous d'une distance de 500 kilomètres, il est inutile de rouler à 250 milles à l'heure, puisque, par le temps qu'il atteindra cette vitesse, il sera déjà rendu à destination. Un train de passagers canadiens dans le corridor Québec-Windsor doit s'arrêter plus ou moins tous les 100 kilomètres afin de desservir les collectivités. Si tous les Canadiens habitaient Montréal, Ottawa et Toronto, on n'aurait pas besoin de train. Mais les gens vivent entre Montréal, Ottawa et Toronto. Comme je le disais plus tôt, 83 p. 100 des déplacements se font en automobile, 64 p. 100 de ces 83 p. 100 sont au départ ou à destination d'un point qui n'est ni Québec, Montréal, Ottawa ou Toronto. Il faut s'arrêter dans ces localités. C'est pour cette raison que le train existe, pour offrir une alternative à la voiture. S'il n'y a pas de train, il faut emprunter la route.

Donc, un train à grande vitesse est un substitut pour l'avion, qui coûte très cher. On parle d'au moins 15 à 20 milliards de dollars comparativement à 5 milliards de dollars, et de 10 à 12 ans de construction plutôt que de 3 à 5 ans. Le prix du billet est égal ou supérieur au prix d'un billet d'avion. Aujourd'hui, en Europe, il est plus coûteux de rouler dans un train à grande vitesse que de prendre l'avion entre Paris et Londres ou entre Rome et Milan.

Selon les dernières statistiques pour l'Europe, le train à grande vitesse est le plus utilisé de tous les trains en Allemagne, et 9,1 p. 100 des passagers de trains prennent le train à grande vitesse dans ce pays. Cependant, 91 p. 100 des passagers de trains en Europe aujourd'hui empruntent des trains à vitesse conventionnelle, soit des trains régionaux comme ceux de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) de Montréal ou du GO Transit à Toronto, ou encore des trains intercités de VIA Rail.

Donc, le train à grande vitesse, c'est une bonne évolution d'un service passager, mais ce n'est pas un point de départ d'un service pour passagers. Pour preuve, l'Espagne a investi largement dans les trains à grande vitesse et non dans les trains à vitesse conventionnelle. Lorsque l'offre des trains à grande vitesse a augmenté de façon importante, les déplacements en voiture ont aussi augmenté de façon importante également. Pourquoi? Parce que les trains à grande vitesse n'arrêtent pas à 100, 200 ou 300 kilomètres de votre lieu de départ. Le trajet moyen en voiture, au Canada, dans le corridor Québec-Windsor, est de 260 kilomètres. Le trajet moyen en Europe dans le corridor ouest-européen est de 240 kilomètres. À 240 ou 260 kilomètres, vous allez envisager de considérer votre voiture ou un train s'il y en a un. Mais s'il n'y a pas de train, vous allez toujours prendre votre voiture.

C'est pour cela que, au Canada, 83 p. 100 des voyages se font en auto, et que, en Europe, 72 p. 100 des voyages se font en auto.

C'est la différence entre le train à grande vitesse et le train grande fréquence. Sur les trois à cinq ans, l'approche de VIA Rail consiste à tirer profit du fait qu'il existe entre Québec et Montréal, et entre Ottawa et Toronto, des corridors de trains de marchandises qui sont peu ou pas exploités. Parce qu'ils ne sont plus exploités, cela permet à VIA Rail de prendre possession de ces corridors et de les mettre à niveau pour la vitesse et le confort des passagers, et donc d'offrir un service, sous son contrôle, qui permettrait d'offrir un train toutes les 45 à 60 minutes de six heures le matin à minuit le soir. C'est pour cela qu'on s'intéresse à ces corridors, parce qu'il y a cette occasion de reprendre en main des corridors ferroviaires de marchandise non utilisés.

La sénatrice Ringuette : Je comprends la mathématique et la logique de cela. Comme résidante du Nouveau-Brunswick, quel service amélioré allez-vous offrir aux Canadiens à l'est de Québec?

M. Desjardins-Siciliano : C'est une très bonne question. Nous avons annoncé en 2015 notre intention d'introduire au Nouveau-Brunswick un service quotidien, le matin et le soir, au retour du bureau, entre Campbellton et Moncton — et vice versa évidemment —, et entre Halifax et Moncton pour la Nouvelle-Écosse. Ce serait du lundi au vendredi, à temps pour permettre aux gens de partir du nord du Nouveau-Brunswick en direction de Moncton, pour se rendre à l'école et aux rendez-vous médicaux, et durant les vacances, pour des raisons commerciales ou personnelles. Cela, en plus du service actuel, qui est un service à utilisation mixte, c'est-à-dire un service régional et touristique, qu'on appelle l'Océan, dans les Maritimes.

Dans cet environnement, l'infrastructure ferroviaire qui existe est la propriété des trains de marchandises. Nous devons obtenir la permission d'utiliser le matériel que l'on voudrait employer sur cette infrastructure, et nous devons obtenir des fréquences pour faire rouler ces trains. En échange de ces fréquences et de ces permissions, nous devons investir dans l'infrastructure pour l'améliorer.

Donc, ce sont ces négociations qui ont actuellement lieu avec nos partenaires. Nous avons bon espoir qu'en 2017, nous pourrons introduire ce service régional.

La sénatrice Ringuette : Sur les 40 millions de dollars d'utilisation de diesel dont vous avez fait mention plus tôt, si vous aviez un trajet entre Halifax et Québec qui permettait à VIA Rail et à ses clients de réduire la durée du trajet de cinq heures, il y aurait des économies substantielles au niveau du diesel et des gaz à effet de serre, ce que le comité étudie. Avez-vous examiné cette possibilité? En réalité, le trajet Halifax-Moncton par VIA Rail, la région de Saint-Léonard, d'Edmundston, de Rivière-du-Loup, vous permettrait d'économiser au moins cinq heures par trajet. Donc, il y aurait cinq heures de moins d'émanations de gaz à effet de serre, il y aurait des économies au niveau des coûts en diesel. De plus, cela serait certainement beaucoup plus attirant pour une clientèle de réduire la durée du trajet de cinq heures.

Avez-vous fait toutes ces analyses pour le service à la clientèle à l'est de Québec?

M. Desjardins-Siciliano : Oui. Le trajet auquel la sénatrice fait allusion est un parcours qui relie Moncton à Edmundston, qui passe par une voie dont la distance est de quatre à cinq heures moins longue que la voie actuelle. Elle a l'inconvénient d'être dans le bois, et la population du Nouveau-Brunswick se trouve le long de la côte.

La sénatrice Ringuette : Je regrette, mais Edmundston n'est pas dans le bois, ni Fredericton.

M. Desjardins-Siciliano : Non, mais le service ferroviaire, lui, malheureusement, ne passe pas par les villages du Nouveau-Brunswick. Donc, pour gagner du temps sur la liaison Halifax-Québec ou Moncton-Québec, on pourrait emprunter ce trajet. Par contre, on ne desservirait pas tous les villages qui se trouvent le long de la côte jusqu'à Baie-des-Chaleurs. C'est pour cette raison qu'à ce jour, le trajet se fait toujours le long de la côte.

Le deuxième élément, c'est que la grande majorité des trains de marchandises utilisent la voie à laquelle vous faites référence. La congestion qui existe à l'heure actuelle serait amplifiée par l'arrivée des trains de passagers.

Donc, il faudrait faire des investissements encore plus importants sur cette voie. Comme vous le savez, il y a deux ans, le CN avait annoncé son intention d'abandonner la subdivision Newcastle qui a nécessité des investissements de la part du gouvernement du Nouveau-Brunswick ainsi que de VIA Rail pour garder la subdivision ouverte. Il n'en avait plus besoin parce que tout leur trafic est en majorité déplacé vers cette voie.

De là la dichotomie que nous subissons. Les voies les plus efficaces sont plus populaires, évidemment, autant pour les trains de marchandises que pour les trains de passagers. On doit aussi desservir les endroits où les communautés sont résidentes en grande majorité. Cependant, il y a eu une époque où on faisait les deux.

La sénatrice Ringuette : Exactement. Mon collègue, le sénateur Mockler, reprendra sûrement le sujet.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Merci d'être là. Je m'intéresse beaucoup aux chemins de fer et à VIA Rail. Toutes les fois où je vais à Montréal, j'essaie de prendre le train. J'essaie aussi de le faire lorsque je vais à Toronto, lorsque le temps le permet.

Je vais poser certaines questions au sujet de l'énergie, mais, avant, je veux souligner quelque chose, parce que la sénatrice Ringuette a abordé la question. Les Néo-Écossais ont été pour ainsi dire abandonnés par VIA Rail depuis les années 1980. Tous les services à l'est de Truro ont été éliminés. Avant, il y avait des trains chaque jour. Ces trains étaient toujours bondés. Ce n'est pas de votre faute, c'est 30 ans avant votre temps. Cependant, il n'y a presque pas de service en Nouvelle-Écosse, et à cela s'est ajoutée l'annulation du service du CN à l'est de Truro. Et maintenant, nous nous démenons pour conserver une voie ferrée qui est là depuis 125 ans, parce que les institutions de notre pays nous ont abandonnés. Les gens blaguaient à Cap-Breton dans les années 1980 lorsqu'ils ont mis fin au service ferroviaire : « Quelle est la différence entre Sydney et Berlin-Est? » La réponse, c'est qu'on peut encore prendre le train à Berlin-Est. Ce n'est pas de votre faute, mais je voulais le mentionner.

Je veux simplement souligner le fait qu'il y a, j'en suis sûr, de nombreux trajets au Canada qui ne sont pas rentables, et je suis sûr qu'il y en a bon nombre au Québec qui ne le sont pas, mais on ne les abandonne pas pour autant.

La question que je veux poser a trait à l'énergie, et vous y avez fait allusion lorsque vous avez mentionné que le secteur des transports et les véhicules privés contribuaient au réchauffement climatique. L'argument, au sujet de ce corridor, et c'est un argument valide, c'est qu'on pourrait améliorer les choses si plus de personnes prenaient le train.

Les grands navires brûlent du diesel, et les locomotives produisent aussi beaucoup de carbone. En ce qui concerne les grands navires qui sont construits de nos jours, une tendance se dessine. On en convertit les moteurs afin d'utiliser du GNL ou du gaz naturel. Je n'ai rien vu ici au sujet des nouvelles locomotives qui entreront en service et qui fonctionneront au gaz naturel ou au GNL. Je me demande : avez-vous réfléchi à cette possibilité et pouvez-vous nous formuler quelques commentaires si vous avez bel et bien envisagé de doter les nouvelles locomotives de ces types de moteurs?

M. Desjardins-Siciliano : Du point de vue énergétique, il faut réfléchir à l'environnement opérationnel qui est le nôtre. Comme je l'ai mentionné relativement au service au Nouveau-Brunswick, nous devons obtenir la permission du propriétaire, quel que soit le type de matériel que nous voulons utiliser sur son réseau. Mon collègue, Michael pourra vous parler de la question du GNL et des compagnies de transport ferroviaire, mais nous avons réfléchi à des questions et avons discuté avec des fournisseurs de GNL, pour parler de la conversion des moteurs ou des fournisseurs de GNL. Cependant, tant que les propriétaires des compagnies de transport ferroviaire eux-mêmes n'utilisent pas des locomotives alimentées au GNL et ne permettent pas, par conséquent, à VIA Rail de faire la même chose, cela reste une question purement théorique en ce moment.

Le réseau que nous prévoyons construire sera un réseau électrique. Il sera électrifié et fonctionnera à l'hydroélectricité. Pour ce qui est du GNL, nous serions tout à fait ouverts à une telle option, si, bien sûr, c'est ce que les propriétaires de ces infrastructures décident de faire.

Le sénateur MacDonald : Je comprends que l'utilisation du GNL exigerait la mise en place d'une infrastructure de ravitaillement, mais, pour ce qui est du gaz naturel, l'infrastructure nécessaire est probablement déjà là. Qu'en est-il de la conversion des moteurs au gaz naturel?

M. Desjardins-Siciliano : Je ne parlais pas de l'entretien des moteurs. Je voulais dire que le matériel roulant que nous utilisons sur une infrastructure qui appartient à une tierce partie doit être approuvé par le propriétaire de celle-ci. Comme je l'ai dit, Michael peut vous parler des politiques des compagnies de transport ferroviaire, mais actuellement, ces compagnies n'utilisent pas de locomotives mues au GNL, et, jusqu'à ce que ce soit le cas, VIA Rail ne serait pas autorisée à utiliser de telles locomotives sur leurs réseaux.

Le sénateur MacDonald : Pour ce qui est des compagnies de transport ferroviaire, savez-vous si elles réfléchissent à l'utilisation du GNL?

M. Desjardins-Siciliano : Je crois que oui.

M. Bourque : On procède à des essais de locomotives qui fonctionnent au GNL en Amérique du Nord. Le CN a une locomotive qui fonctionne au GNL. La compagnie travaille sur certains problèmes de nature mécanique et liés à l'infrastructure. Au bout du compte, il faut que la conversion de tout le parc et la mise en place de l'infrastructure nécessaire soit viable d'un point de vue économique.

Actuellement, je crois que l'analyse de rentabilisation n'est pas à la hauteur et que la technologie n'est pas encore tout à fait prête, mais elle sera très près de l'être dans peu de temps.

La sénatrice Seidman : À la fin de l'exposé que vous nous avez présenté, vous avez parlé des nouvelles technologies, et j'aimerais maintenant parler des recherches et des activités de recherche et de développement que vous réalisez dans le secteur ferroviaire. Quelles sont les activités réalisées par VIA Rail et le secteur ferroviaire en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption de nouvelles technologies?

M. Desjardins-Siciliano : En ce qui concerne la consommation énergétique?

La sénatrice Seidman : Par exemple, vous avez parlé d'électrification, mais il y a aussi les biocarburants et il existe des combinaisons, aussi, comme les moteurs hybrides. Il y a une diversité d'options. VIA Rail réalise-t-elle des activités de recherche et de développement?

M. Desjardins-Siciliano : Les rénovations dont j'ai parlé tantôt qui nous ont permis d'économiser jusqu'à 25 p. 100 de notre carburant et de réduire notre empreinte carbone en conséquence visaient à faire passer un moteur de locomotive diesel désuet à ce que nous appelons la « catégorie zéro ». La prochaine étape est de passer à des moteurs diesel de catégorie 4 qui, du point de vue de l'empreinte carbonique, sont beaucoup plus efficients et beaucoup moins dommageables pour l'environnement. C'est ce que nous tentons de faire dans le cadre du processus de renouvellement de notre parc dont j'ai déjà parlé.

À part le projet sur le GNL ou les biocarburants, dont nous avons parlé simplement pour en être informés... cependant, puisque notre utilisation d'une solution de rechange doit être approuvée par le propriétaire d'une infrastructure, nous ne consacrons pas de temps ni d'efforts à ces dossiers.

Cependant, nous consacrons beaucoup de temps et d'efforts pour continuer à améliorer l'utilisation efficiente de nos locomotives actuelles grâce à la formation et la télémétrie. Pour ce qui est de la formation, l'objectif est essentiellement de former nos mécaniciens de locomotive afin qu'ils conduisent de façon plus efficiente, qu'il s'agisse d'utiliser le freinage dynamique pour freiner les trains en déplacement ou en accélérant ou en décélérant de façon plus efficiente; encore une fois, un peu comme vous le faites avec votre véhicule en augmentant la vitesse ou en la diminuant.

Nous mesurons aussi leur niveau de conformité et leur consommation de carburant de façon à pouvoir utiliser les habitudes des meilleurs mécaniciens pour former les autres et rendre leur conduite plus efficiente. La moitié des économies que nous avons faites en ce qui concerne la consommation de diesel vient des modifications mécaniques que nous avons apportées aux moteurs.

L'autre moitié vient de l'utilisation des moteurs qui ont été modernisés. Il ne faut pas sous-estimer le besoin de former des mécaniciens de locomotive afin qu'ils utilisent le carburant de façon efficiente lorsqu'ils augmentent la vitesse ou réduisent la vitesse des trains qu'ils conduisent.

Voilà donc pour nos investissements. Nous sommes très fiers chez VIA Rail de mettre au point le premier système de suivi GPS qui nous permet de fournir directement dans la cabine du train des renseignements au mécanicien de locomotive de façon à ce qu'il puisse prendre des décisions en matière de freinage et d'accélération bien avant la signalisation, ce qui était la façon habituelle de conduire les trains dans le passé.

Comme vous le savez, la conduite des trains au Canada est fondée sur des lumières et des systèmes de signalement. Par conséquent, nous avons inclus à bord, grâce à des iPads qui sont reliés à un système GPS, un système d'avertissement et de signalement d'avance qui permet au mécanicien de se préparer à arrêter ou à accélérer de façon plus efficiente que dans le cadre du système actuellement en place. C'est là où nous mettons tous nos efforts.

Si nous avions notre propre réseau ferroviaire, nous pourrions délaisser le système de signalement lumineux actuel que nous connaissons tous au profit d'un système de contrôle automatisé de pointe, comme les systèmes utilisés un peu partout en Europe, où c'est un système de grille informatisé qui gère la façon dont les mécaniciens de locomotive conduisent les trains. En outre, si le mécanicien ne conduit pas la locomotive conformément aux règles, le système prend le relais, ce qui est une très bonne façon d'aider à prévenir les accidents. Mais, même s'il n'est pas question d'accident, c'est une façon très utile de maximiser l'efficience avec laquelle le mécanicien de la locomotive conduit. Sur notre réseau, nous pourrons utiliser cette technologie, parce que nous en assumerons la gestion, et ce sera notre décision.

La sénatrice Seidman : Avez-vous mentionné que vous alliez de l'avant avec l'électrification?

M. Desjardins-Siciliano : Oui, pour ce réseau.

La sénatrice Seidman : Pouvez-vous nous décrire ce que cette initiative sous-entend et combien de nouveaux trains au diesel seraient nécessaires, par exemple?

M. Desjardins-Siciliano : Dans le cadre de notre programme de renouvellement du parc, nous envisageons de remplacer le parc actuel du corridor, dans un premier temps, afin d'en faire un parc bimode, parce que les locomotives rouleront sur les voies des compagnies de transport et nos propres voies électriques spéciales. Par conséquent, le parc sera essentiellement bimode. Dans certains cas, lorsque les locomotives rouleront sur l'infrastructure des compagnies de transport, elles fonctionneront au diesel, tandis qu'elles fonctionneront à l'électricité sur notre infrastructure électrique. C'est de cette façon que nous avons mesuré la réduction de notre propre production du dioxyde de carbone de 98 p. 100 sur ce corridor.

La sénatrice Seidman : Une petite précision : il s'agit de modèle hybride diesel-électrique?

M. Desjardins-Siciliano : Diesel-électrique, effectivement, ce qui maximise... La majeure partie du kilométrage se fera sur notre réseau électrique, et c'est pour cette raison que notre propre production diminuera de façon aussi importante.

La sénatrice Seidman : Quelles dépenses d'infrastructure sont nécessaires pour assurer cette électrification supplémentaire?

M. Desjardins-Siciliano : L'électrification du corridor Québec-Montréal-Toronto-Ottawa s'élève à environ 1,5 milliard de dollars.

La sénatrice Seidman : Et de quelle façon cela se traduit-il, au bout du compte, pour les consommateurs, par exemple?

M. Desjardins-Siciliano : Eh bien, comme je l'ai déjà dit, le coût de l'énergie sera assez similaire aux coûts du diesel. Il n'y aura pas une grande différence en ce qui a trait aux coûts de fonctionnement. Le réel avantage est lié à l'empreinte carbonique que nous créons. Et, évidemment, le fait de remplacer l'empreinte du dioxyde de carbone produit par les voitures par l'empreinte de dioxyde de carbone produit par nos moteurs diesel est aussi une mesure efficace parce que les moteurs diesel produisent seulement le sixième de l'empreinte des voitures, mais l'efficience serait encore plus grande si on passait aux moteurs électriques, parce que, dans ce cas-là, le rapport passe à environ un vingtième.

C'est donc là que se trouvent les économies. C'est vraiment du point de vue de l'empreinte carbonique, et pas vraiment du point de vue des coûts de fonctionnement de la compagnie ferroviaire.

Le sénateur Patterson : Merci d'être là.

J'ai une petite question qui s'inscrit dans la série de questions de la sénatrice Seidman : dans le budget fédéral de 2016, 3,3 millions de dollars sur trois ans sont affectés à Transports Canada pour permettre une évaluation approfondie de votre proposition de service ferroviaire à fréquence élevée.

Pouvez-vous m'expliquer quels sont les paramètres de l'évaluation de cette proposition et comment les choses avancent?

M. Desjardins-Siciliano : Je ne peux pas l'expliquer. Évidemment, il s'agit du financement de Transports Canada, alors c'est aux représentants du ministère qu'il faut poser la question.

Mais, de notre côté, nous discutons constamment, comme nous le faisons toujours avec notre actionnaire, Transports Canada, et, depuis juillet, on a mené d'importantes consultations pour examiner l'analyse des prévisions liées aux coûts et aux revenus ainsi que les prévisions liées aux passagers dans le cadre de ce projet. Par conséquent, le financement visait vraiment à permettre à des fonctionnaires du gouvernement et des consultants de venir examiner le travail que VIA Rail a fait en 2014 et qu'elle a fait à nouveau cette année en collaboration avec une autre série d'intervenants externes qui sont venus valider les aspects liés aux coûts et aux revenus.

Je suis heureux de vous apprendre que, du côté des coûts et du côté du nombre de passagers, les résultats sont similaires aux résultats initiaux. Par conséquent, nous mettons la dernière main à l'analyse de rentabilisation et nous espérons présenter le tout à nos actionnaires d'ici la fin de novembre.

Le sénateur Patterson : Merci. Vous avez dit que le principal avantage de ce projet, c'est la réduction des gaz à effet de serre. Je vois que VIA Rail s'est jointe à l'Union internationale des chemins de fer pour s'engager à soutenir les objectifs établis durant la conférence de Paris sur les changements climatiques et, plus précisément, vous vous êtes engagé à tenter de réduire vos émissions de GES de 20 p. 100 d'ici 2020 comparativement à 2005, et de 30 p. 100 d'ici 2030, toujours comparativement à 2005.

Le projet de service ferroviaire à fréquence élevée est-il essentiel pour atteindre ces objectifs, ou pouvez-vous le faire sans le plan?

M. Desjardins-Siciliano : Actuellement, nous en sommes à environ 40 p. 100 de cet objectif établi à 50 p. 100. Nous nous en approchons. Cependant, un nouveau parc de locomotives diesel, on parle ici d'un parc de catégorie 4, est crucial pour atteindre les 50 p. 100. Par conséquent, qu'on mette en place ce service ferroviaire à fréquence élevée ou non — parce qu'il s'agit de deux enjeux tout à fait différents —, nous avons besoin d'un nouveau parc, et nous croyons que nous pouvons en tirer parti en l'utilisant à meilleur escient en transportant plus de passagers, grâce à un corridor qui nous est réservé. Si nous obtenons un nouveau parc, ce sera un parc de locomotives alimentées au diesel de catégorie 4, qui sont plus efficientes du point de vue de la production du dioxyde de carbone, et cela nous permettra d'atteindre la cible de 50 p. 100.

Cependant, l'autre cible établie par l'Union internationale des chemins de fer consiste à doubler le nombre d'utilisateurs durant la même période, ce qui signifie permettre une réduction de l'empreinte carbonique des voyageurs. Nous n'atteindrons jamais cette cible sans chemin de fer réservé, parce que, même si nous aimons nous vanter du fait que nous affichons une croissance à deux chiffres des revenus provenant de nos passagers et une croissance du nombre de voyageurs qui s'approche de 10 p. 100, nous n'arriverons jamais à doubler le nombre de voyageurs si nous continuons à utiliser des chemins de fer mixtes où passent des marchandises et des passagers et sur lesquels la fréquence des départs n'est pas suffisante pour être utile, que la durée des trajets est plus longue qu'elle l'était en 1967 alors qu'on s'approche du 150e anniversaire du Canada et que l'équipement est, très souvent, plus vieux que le président de l'entreprise.

Par conséquent, sauf si, d'entrée de jeu, on modifie les paramètres liés précisément à la fréquence, on ne pourra jamais doubler le nombre de passagers à bord des trains parce qu'il n'y a pas de départ lorsque les passagers ont besoin d'embarquer.

L'exemple parfait de cette situation dans le corridor, c'est qu'il n'y a pas de trains de soir. Par conséquent, qu'on parle du trajet Montréal-Ottawa, du trajet Montréal-Québec ou encore des trajets Toronto-Ottawa ou Toronto-Montréal, il n'y a pas de trains vous permettant d'arriver à temps pour un match sportif, un dîner ou une réunion d'affaires pour ensuite revenir chez vous en fin de soirée. Par conséquent, pour atteindre cette cible, nous avons besoin d'une infrastructure réservée. Cependant, du côté de la consommation, nous sommes à 40 p. 100 aujourd'hui, et si nous adoptons un nouveau parc de locomotives diesel de catégorie 4, nous atteindrons la cible de 50 p. 100.

Le sénateur Patterson : Allez-vous aussi transporter de la marchandise sur cette voie?

M. Desjardins-Siciliano : Les lignes dont nous tentons de changer la vocation sont actuellement utilisées par des trains de marchandises une fois par semaine ou une ou deux fois par jour, dans certains cas. Par conséquent, nous transporterions aussi de la marchandise, mais nous pourrions contrôler quand, et nous nous assurerions de le faire entre minuit et six heures du matin, lorsqu'il n'y a pas de train de passagers. C'est là notre stratégie.

[Français]

Le sénateur Mockler : Monsieur Desjardins-Siciliano, je vais émettre une petite réserve à propos de votre commentaire au sujet du nord-ouest du Nouveau-Brunswick que vous considérez comme le « bois ». Cependant, je vous comprends, on est tous humains et on aime utiliser des mots colorés parfois.

Cela dit, je connais très bien ma région et je n'ai aucun doute que vous l'avez vous-même visitée. Si je me fie aux commentaires que vous avez faits par le passé — on parle de Campbellton, Bathurst, Moncton, Halifax — vous avez fait une étude de faisabilité en tenant compte de Rivière-du-Loup, Edmundston, Fredericton, Moncton et Halifax.

En tant qu'ancien ministre des Transports du Nouveau-Brunswick, il me semble que la majorité de la population se trouve dans cette région plutôt que dans le nord. Je ne veux pas que vous éliminiez ce qu'on retrouve déjà dans le nord, mais avez-vous refait vos devoirs récemment, y a-t-il eu une étude de faisabilité?

M. Desjardins-Siciliano : En 2014, le CN annonçait son intention d'abandonner une partie de la subdivision Newcastle. Nous avons envisagé d'amener le service dans la ligne que vous mentionnez, entre Moncton, Fredericton et Edmundston, au cas où la ligne fermerait.

En passant, j'apprécie votre générosité d'esprit. Je m'excuse auprès de vos concitoyens de la région, car quand je dis « dans le bois », pour avoir conduit plus d'une fois avec ma jeune famille dans ce coin, on est dans le bois comparativement à quand on roule le long de la côte. Cela dit, je comprends votre point de vue. Je ne voulais surtout pas offenser mes bons amis d'Acadie et d'ailleurs qui vont m'en vouloir l'été prochain.

Quand on a regardé cette infrastructure, ce qui était évident, c'était les besoins d'amélioration de l'infrastructure qui auraient été importants pour créer des voies d'évitement. C'est la voie principale utilisée par les trains de marchandises qui ont délaissé la voie le long de la côte parce qu'elle est trop lente et sinueuse. Ils sont donc allés par la voie — aux fins d'explication — du « bois », pour augmenter la vitesse. Il aurait fallu faire des investissements importants pour les voies d'évitement.

Deuxièmement, il aurait fallu créer des gares parce qu'il n'y en a aucune le long de cette voie, mises à part les gares principales historiques de Fredericton et d'Edmundston. Dans le trajet intermédiaire, il aurait fallu bâtir des gares et, ultimement, comme je le disais plus tôt, parce que c'est la voie principale des trains de marchandises. Il y aurait eu une congestion continue entre les trains de passagers et les trains de marchandises. La simplicité de rester sur la voie actuelle, où il y a moins de trains de marchandises, où sont déjà implantées dans toutes les gares et où on a l'achalandage, c'était plus intéressant.

Quand le gouvernement du Nouveau-Brunswick a pris la décision d'investir 25 millions de dollars dans la réfection de la voie, VIA Rail, à l'époque, a suivi avec 10 millions de dollars. Aujourd'hui, on a encore ce tronçon en place. On a pu augmenter la vitesse à certains égards, donc le trajet a été amélioré d'un peu plus d'une heure. On pense qu'il y a encore de la place pour améliorer la vitesse dans le coin de Miramichi. On travaille avec nos collègues et le propriétaire pour améliorer la vitesse.

La semaine dernière, j'ai rencontré le ministre actuel des Transports du Nouveau-Brunswick pour en discuter. On pense qu'il faut commencer par améliorer le service tel qu'il est avant de commencer à imaginer d'autres services qui ne feront qu'ajouter aux coûts sans nécessairement augmenter l'achalandage.

Le sénateur Mockler : On a eu l'occasion, disons, de mieux nous comprendre concernant le « bois ».

[Traduction]

Transports Canada et Environnement et Changement climatique Canada ont signé avec l'Association des chemins de fer du Canada un PE où ils s'engageaient à l'égard de réductions des gaz à effet de serre et des principaux contaminants atmosphériques.

Le PE arrive à échéance à la fin de 2016. Est-ce que le gouvernement fédéral et l'Association des chemins de fer du Canada travaillent sur un deuxième PE? Cela dit, quelles sont les réalisations découlant du premier PE entre 2011 et 2015?

M. Desjardins-Siciliano : Je vais laisser Michael parler du renouvellement, mais, en ce qui a trait au rendement de VIA Rail après l'entrée en vigueur du PE, nous avons atteint les cibles que nous avions établies afin de nous conformer aux exigences du PE, tant du côté de la consommation de carburant, qui a diminué de 24 p. 100, que du point de vue de l'intensité des émissions de GES, qui ont diminué de 25 p. 100 depuis 2009. Pour ce qui est du renouvellement, je vais laisser Michael répondre.

M. Bourque : Voulez-vous que je réponde maintenant? Je ne sais pas. Nous entreprenons les discussions avec Transports Canada au sujet du PE. Notre accord à long terme, l'accord quinquennal, a pris fin en 2015, après quoi nous l'avons prorogé d'un an, jusqu'en 2016. Nous voulons assurément et espérons signer un nouveau PE.

Le sénateur Mockler : Nous vivons dans une ville frontalière près des États-Unis, alors nous voyons des trains qui arrivent et qui partent. Si l'on pense à l'enjeu des émissions carboniques à l'échelle mondiale, les États-Unis ont-ils des normes d'émissions rigoureuses, plus que celles du Canada?

M. Gullo : La question est intéressante, mais, la réponse courte, c'est non. Je crois que la base est très bonne, dans les vieux pays, en vertu du PE. En fait, nous avons pris en compte la réglementation américaine pour ce qui est des principaux contaminants atmosphériques, alors on parle ici de l'oxyde d'azote, de l'oxyde de soufre, des matières particulaires et de tout ce qui concerne la pollution de l'air. Le ministre Garneau a récemment annoncé, le 19 juin, dans la Gazette du Canada, le Règlement sur les émissions des locomotives, qui rationalise toutes les mesures reliées aux PCA.

Cependant, c'est une tout autre question du point de vue du carbone, alors, en fait, nous en sommes au terme du troisième PE que nous avons signé avec le gouvernement du Canada dans le cadre duquel nous avons établi des cibles volontaires en matière de réduction des émissions de carbone. Il n'y a rien de tel aux États-Unis et il n'y a pas non plus un cadre de réglementation pour gérer le carbone produit par les locomotives.

Le sénateur Lang : Je veux passer à l'autre enjeu, soit la question économique et l'enjeu de la viabilité de l'investissement dont on parle relativement au transport ferroviaire haute vitesse de type navette. J'ai remarqué quelque chose dans les renseignements qui ont été fournis par l'Association des chemins de fer du Canada, et je crois que c'est important de le lire pour le compte rendu : « Cependant, depuis 2002, la croissance exceptionnelle du secteur des trains de banlieue dans les régions de Vancouver, Toronto et Montréal, et la nécessité d'offrir plus de trains de banlieue en dehors des heures de pointe ont entraîné une augmentation des émissions... d'environ 9 p. 100, alors que le trafic a augmenté de 43,3 p. 100.

Voici ma question : si on décidait d'aller de l'avant et de faire un tel investissement et que les fonds étaient octroyés, à quoi vous attendez-vous du point de vue du nombre de passagers et des revenus à la lumière du fonctionnement et des travaux d'entretien continus de la nouvelle voie ferrée? En d'autres mots, est-ce que vous prévoyez qu'il y aura tellement plus de passagers que vous pourrez engager les coûts continus liés à l'exploitation du chemin de fer?

M. Desjardins-Siciliano : Absolument. Comme je l'ai dit tantôt, aujourd'hui, entre Québec, Montréal, Ottawa et Toronto, nous avons 2,6 millions de passagers par année, des passagers qui vont d'une ville à l'autre, et nous prévoyons que, dans les six ans suivant la mise en place du nouveau corridor, nous en serions à 7,2 millions de passagers. Dans notre domaine, les coûts sont fixes, et, de toute évidence, on générerait des revenus suffisants, comme je l'ai déjà dit, pour couvrir les coûts de fonctionnement qui, aujourd'hui, dans le même segment, tournent aux alentours de 200 millions de dollars par année. En outre, il resterait assez d'argent pour offrir un rendement supplémentaire aux actionnaires. Nous croyons effectivement que la fréquence accrue générera le nombre de voyageurs requis pour rendre l'initiative viable du point de vue commercial, et je parle ici dans le corridor Québec-Windsor où la viabilité financière est possible. Ce n'est pas possible à l'extérieur de ce corridor, que ce soit dans les Maritimes, dans les provinces de l'Ouest ou pour le long trajet de Halifax-Vancouver-Churchill. Bien sûr, il s'agit d'un service public, ce sera toujours un service public, et nous ne serons jamais rentables tout simplement en raison de la taille du pays.

Mais, nous voyons la situation un peu comme un centre commercial, si je peux reprendre l'exemple du sénateur Massicotte. Il faut un locataire clé. Ce locataire, dans le domaine du transport ferroviaire de voyageurs, au pays, c'est le corridor Québec-Windsor. Si on a ce locataire clé, alors le reste des participants du réseau peuvent profiter des fonds générés de façon autonome par le principal segment viable d'un point de vue commercial. C'est ce qu'ont à gagner le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le reste du Canada. Si nous rendons ce tronçon viable, les fonds qui seront ainsi générés peuvent être redistribués pour améliorer les lignes vers l'Est et vers l'Ouest et réduire leur dépendance aux subventions gouvernementales qui, comme vous le savez, varient d'un gouvernement à l'autre. Par conséquent, pour ainsi dire, ce n'est tout simplement pas la bonne façon de faire les choses. Il faut compter sur des ressources financières prévisibles à long terme.

Nous parlons actuellement d'infrastructure. Nous parlons d'investissements générationnels. Lorsqu'il est question d'investissements dans l'infrastructure, la taille des chemins de fer fait en sorte qu'on ne peut pas générer un rendement en 12, 18 ou 36 mois. Par conséquent, il faut bénéficier parallèlement des fonds nécessaires.

Pour revenir à l'exemple sur 30 ans du sénateur MacDonald, il y a eu des années durant les 30 ans d'histoire de VIA Rail où le gouvernement du Canada ne faisait aucun investissement en capital. Comment peut-on exploiter une usine de 2 à 4 milliards de dollars sans argent pour réparer les fenêtres, le toit qui coule, les locomotives ou les wagons endommagés? Les dépenses du gouvernement sont de cette nature.

Lorsqu'on parle de l'activité commerciale comme un service ferroviaire de voyageurs, où on n'a pas de voyageurs acquis, nous devons les convaincre, une personne à la fois et un voyage à la fois. Par conséquent, le service doit être meilleur aujourd'hui qu'il ne l'était hier, voire mieux encore. Pour y arriver, il faut un flux de capitaux constant et il faut constamment générer des revenus. Si on ne peut pas compter sur soit des subventions, soit sur des investissements des actionnaires, cela ne pourra alors pas avoir de succès. C'est ce que les 30 dernières années ont prouvé.

C'est la raison pour laquelle, grâce à des investissements importants... J'ai parlé tantôt des 140 millions de dollars qui ont servi à remettre en état les locomotives en 2008 et 2012. On peut parler des quelque 400 millions de dollars investis pour rénover la subdivision de Kingston du CN, pour permettre des voies de dédoublement. Tous ces investissements sont la raison pour laquelle nous avons affiché une augmentation du nombre de passagers en 2016 supérieure à tout ce qu'on avait connu au cours des 20 dernières années. C'est la raison pour laquelle, durant le dernier trimestre, on parle d'une croissance de 11,2 p. 100 des revenus et de 9,6 p. 100 du nombre de passagers. C'est la première fois dans l'histoire consignée que VIA Rail affiche ce type de croissance. C'est en raison des importants investissements faits entre 2008 et 2014.

C'est un genre de secteur qui exige des investissements continus, alors l'argent doit venir des actionnaires ou des utilisateurs. L'argent peut seulement venir des utilisateurs si on fournit un service qui est pertinent, à une fréquence et à un niveau de convivialité tels que plus de personnes veulent utiliser le service. Sinon, on manque toujours d'argent et, malheureusement, les solutions sont au détriment du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et des régions. Le problème a toujours été là, et c'est le défi lié à l'exploitation de cette entreprise.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'ai une question très brève à vous poser. Quand vous dites que le coût du diesel pour l'exploitation future est égal au coût de l'électricité, sur quelle hypothèse vous basez-vous? Sur le coût de l'électricité au Québec ou sur celui de l'Ontario, qui est de 250 p. 100 plus élevé que celui du Québec?

M. Le Fèvre : Le problème n'est pas le coût en soi, qui est beaucoup plus bas. Le problème, c'est que la maintenance de l'infrastructure électrique est beaucoup plus élevée que celle de l'équipement diesel.

[Traduction]

Toutes les économies, qui découleraient de la réduction de la consommation de carburant, seront utilisées pour entretenir ce qui est essentiellement un deuxième réseau électrique.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Quelle hypothèse utilisez-vous, à quels chiffres faites-vous référence pour dire que c'est un coût important?

M. Le Fèvre : On se base sur l'hypothèse d'utiliser l'hydroélectricité du Québec.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que la portion du corridor Québec-Windsor est très rentable et qu'il y a 200 millions de dollars de coûts d'exploitation. Quel est le rendement net pour les investisseurs? Vous envisagez 4 à 5 milliards. Est-ce marginal ou est-ce que c'est intéressant du fait qu'on peut prédire avec certitude ce que ce sera?

M. Le Fèvre : On parle de plus de 10 p. 100.

Le sénateur Massicotte : C'est bien. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Merci aux représentants de VIA Rail. Nous allons passer tout de suite à l'Association des chemins de fer. On commencera par la déclaration, puis on passera aux questions. Merci beaucoup, messieurs. Nous sommes reconnaissants.

M. Bourque : Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre.

Le président : D'accord, allez-y.

M. Bourque : Merci de m'avoir invité. Je vais vous demander de suivre en consultant la présentation que vous avez devant vous.

Je suis heureux d'être ici pour vous parler d'un sujet qui est important pour nous, l'engagement du Canada à l'égard de la COP21 qui réaffirme l'engagement du pays à combattre les changements climatiques et l'intention du gouvernement fédéral de jouer un rôle plus important pour réduire les émissions au Canada et à l'étranger.

Je suis ici pour vous fournir de plus amples renseignements sur la façon dont le secteur ferroviaire peut jouer un rôle dans la solution canadienne aux changements climatiques et de soutenir l'engagement du Canada de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 en dessous des niveaux de 2005 d'ici 2030. L'élaboration d'un Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques est une occasion exceptionnelle de réaliser le potentiel de réduction d'émissions associées au recours accru au secteur ferroviaire pour déplacer des marchandises et les gens.

Il y a un graphique à la page 2. Il présente les données qui figuraient dans la soumission du Canada de 2013 dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Les données révèlent que 725 000 kilotonnes d'équivalent de dioxyde de carbone ont été générées au Canada et qu'environ 28 p. 100 ont été produits par le secteur du transport.

Cependant, les compagnies de chemin de fer représentent seulement 1 p. 100 des émissions totales du Canada et seulement 3,6 p. 100 des émissions produites par le secteur des transports, malgré le transport de plus de 280 milliards de dollars de marchandises chaque année, ce qui représente 70 p. 100 de la circulation interurbaine au pays et 50 p. 100 des marchandises destinées à l'exportation en volume. La raison pour laquelle nos émissions sont aussi faibles, c'est que nous sommes très efficients. Nous déplaçons une tonne de marchandises sur plus de 200 kilomètres avec un seul litre de carburant.

Je crois que ce qui est remarquable lorsqu'on examine ce graphique précis, c'est que les chemins de fer ne représentent que 1 p. 100 des émissions, soit le même pourcentage que l'aviation au pays, et ce, malgré le fait que nous transportons toutes ces marchandises. Comme vous venez de l'entendre d'Yves, les compagnies de chemin de fer transportent aussi plus de 75 millions de personnes qui choisissent de laisser leurs voitures à la maison et de se déplacer en train. Évidemment, grâce à un service ferroviaire spécifique, nous pourrions augmenter le nombre de passagers.

La troisième diapositive souligne que les compagnies de chemin de fer canadiennes travaillent depuis longtemps en collaboration avec le gouvernement pour réduire les émissions produites par ces sociétés. Comme nous l'avons mentionné, en 2006, nous avons signé un PE avec le ministère des Transports qui établissait des cibles volontaires en matière de réduction des émissions de GES pour toutes les compagnies de chemin de fer de transport de marchandises ou de passagers au Canada. Le PE inclut un engagement direct auprès de représentants de Transports Canada et d'Environnement Canada de même qu'avec Enquête pollution. Chaque année, nous communiquons nos résultats, qui font l'objet d'un examen par les pairs, et chaque PE fait l'objet d'une vérification réalisée par un vérificateur indépendant et accrédité. Cela signifie que nos données sont bonnes, examinées par les pairs et vérifiées.

En vertu de cet accord, des chemins de fer de catégorie 1 et les services de passagers interurbains ont décidé volontairement de réduire leurs émissions du point de vue de l'intensité de 6 p. 100, tandis que les exploitants de lignes courtes ont accepté de les réduire de 3 p. 100. La différence très simple entre les opérateurs de lignes courtes et les chemins de fer de catégorie 1, c'est la capacité de se payer de nouvelles locomotives.

Comme vous pouvez le voir dans la diapositive, la technologie joue un rôle crucial dans la réduction des émissions des compagnies de chemin de fer. Les nouvelles locomotives qui possèdent de nouvelles technologies comme des dispositifs de démarrage et d'arrêt, les dispositifs antiralentis et le levier d'accélération, sont des outils importants permettant de réduire les émissions.

Sur la prochaine diapositive, vous constaterez que l'infrastructure et l'entretien des voies jouent ce rôle important dans le déplacement efficient des trains. Le carburant étant la deuxième dépense en importance des compagnies de chemin de fer, après la main-d'œuvre, le déplacement efficient des trains dans une gare de triage et sur la ligne principale est très important. Les réchauffeurs d'aiguille, la lubrification des rails et les rails soudés ne sont que quelques exemples de techniques utilisées pour s'assurer que les trains roulent bien et avec moins de friction.

L'exploitation ferroviaire intelligente est un autre élément important permettant la réduction des émissions. Par exemple, s'assurer que nous conduisons nos locomotives en utilisant des techniques opérationnelles qui réduisent la consommation de carburant — et Yves a mentionné le programme en place à VIA à cette fin — est l'une des méthodes les plus importantes pour réduire les émissions. L'introduction de la puissance répartie est une autre façon tout aussi importante de réduire la consommation de carburant. Ceux qui ont déjà vu de longs trains remarqueront souvent qu'il y a une locomotive au milieu, au début et à la fin. Le fait de distribuer la puissance ainsi permet de réduire beaucoup la consommation énergétique.

La diapositive suivante montre que, grâce à la réduction et à l'utilisation des technologies modernes, ce à quoi se sont ajoutés des investissements dans l'infrastructure et l'utilisation des techniques d'exploitation ferroviaire plus intelligentes, les compagnies de chemin de fer ont réussi à réduire leurs émissions malgré l'augmentation des déplacements. Depuis les années 1990, le revenu par tranche de 10 kilomètres, qui est la meilleure façon de calculer la charge de travail des compagnies de transport ferroviaire de marchandises, ont augmenté de 80 p. 100, tandis que l'intensité des gaz à effet de serre ont diminué de plus de 40 p. 100. Yves vous a raconté qu'ils ont obtenu des résultats positifs similaires du côté du déplacement des passagers.

La prochaine diapositive nous apprend que l'avenir nous réserve de belles choses en ce qui concerne la réduction des émissions de GES. Des modifications technologiques majeures pointent à l'horizon. Comme je l'ai mentionné, le CN réalise actuellement un projet pilote sur l'utilisation de locomotives alimentées au GNL. Durant la dernière année, General Electric a présenté ses nouvelles locomotives de catégorie 4 sur le marché. Dans le secteur des services ferroviaires de voyageurs, l'électrification à grande échelle est en cours dans certains segments. La carte qui figure sur la diapositive vous montre la ligne de l'AMT. GO procède aussi à l'électrification à Toronto. Si le programme de train spécialisé est approuvé par le gouvernement, ce sera un autre système électrique.

La diapositive vise en fait simplement à vous montrer que, selon nous, l'heure est venue de reconnaître les avantages de déplacer les marchandises et les gens par rail. Les chemins de fer réduisent la pollution, les gaz à effet de serre et la congestion. Assurément, du côté du transport des passagers, c'est aussi une façon d'accroître la productivité.

J'imagine que la question que vous vous poserez... si vous ne vous la posez pas maintenant, vous la poserez lorsque vous rédigerez le rapport, c'est la suivante : que pouvons-nous faire? Selon nous, le potentiel de réduction des gaz à effet de serre grâce à l'utilisation accrue des voies ferrées n'a pas été concrétisé.

À l'ACC, nous avons récemment réalisé un examen interne des déplacements des camions en 2013 à l'aide de sources de données de Transports Canada. Nous avons estimé que si seulement 15 p. 100 des déplacements de camion étaient remplacés par le recours à des trains, le Canada pourrait réduire ses émissions de 5,6 mégatonnes d'équivalent de dioxyde de carbone. De plus, d'autres avantages, comme la réduction de la congestion et de l'usure des routes et des autoroutes du pays permettraient de toute évidence de faire des économies. En comparaison, on estime que le système de taxation de la Colombie-Britannique permettra une réduction de 3 mégatonnes d'ici 2020. Vous comprendrez donc que 5,6 mégatonnes pour 15 p. 100 des camions, c'est très important.

Le gouvernement peut jouer un rôle crucial en facilitant ce tournant et en s'assurant que les revenus tirés du prix pour le carbone sont réinvestis dans l'infrastructure ferroviaire. La province du Québec prêche déjà par l'exemple. Les revenus tirés de son programme de plafond et d'échange sont réinvestis dans des programmes qui permettent aux utilisateurs des services ferroviaires de compenser les coûts associés à la construction d'installations d'accès ferroviaire. Dans un autre exemple, le gouvernement fournit des ressources aux compagnies de chemin de fer afin de les aider à moderniser leur parc et à réduire encore plus leurs émissions.

Nous demandons un investissement de 165 millions sur cinq ans pour soutenir les projets de nouvelles voies ferrées et de nouvelles infrastructures intermodales à l'échelle du Canada. Nous proposons de fonder ce programme sur le programme du Québec et de faire participer le plus de provinces possible.

Nous suggérons aussi la création d'un programme fédéral destiné à récompenser les efforts des expéditeurs pour assurer le transport de leurs produits par train.

En passant, l'un des projets créés au Québec dans le cadre du programme concernait les produits récréatifs Bombardier — donc, des motoneiges, des motos marines, des bateaux et tout ce que l'entreprise produit dans ses usines — qui, précédemment, étaient toujours transportés par camion. Le gouvernement du Québec a aidé à payer l'embranchement particulier reliant l'usine à l'infrastructure ferroviaire, et il a été possible de réduire de beaucoup les émissions de gaz à effet de serre. En fait, dans le cadre du programme du Québec, qui a été mis en place après Kyoto, la province a généré plus de réductions d'émissions de gaz à effet de serre en incitant les intervenants à abandonner le transport par camion au profit du transport ferroviaire que dans le cadre de tous les autres programmes mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agissait du programme le plus efficient.

En plus d'un tel programme, les gouvernements devraient envisager de fournir un soutien aux compagnies de chemin de fer, surtout les compagnies de chemin de fer de courtes lignes, grâce à des ressources leur permettant de s'assurer que leurs locomotives sont dotées des meilleures technologies à faible consommation de carburant et à faibles émissions possibles.

Je tiens ici à souligner ce qu'Yves a mentionné, c'est-à-dire le fait que les compagnies de chemin de fer sont des entreprises qui exigent beaucoup de capitaux. C'est choquant d'apprendre qu'un exploitant du chemin de fer peut ne pas dépenser d'argent sur ses infrastructures durant toute une année. Les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 en Amérique du Nord, le CN et le CP, même durant l'importante récession de 2007-2008, ont investi 20 p. 100 de leurs revenus dans leur infrastructure, ce qui est probablement plus que dans toute autre industrie dont vous accueillerez des représentants ici. Tous ces investissements ont permis d'obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité et de réduire les émissions en raison de l'élimination des goulots d'étranglement, entre autres.

Malheureusement, les compagnies de chemin de fer de courtes lignes n'ont pas cette capacité. Elles ne bénéficient pas de la base de revenu nécessaire pour investir autant. Elles investissent habituellement 12 p. 100 de leurs revenus dans leur infrastructure. La raison simple, c'est qu'elles n'ont pas autant de revenus, elles n'ont donc pas les mêmes capacités et elles luttent contre les compagnies de camionnage, et les camions circulent sur des routes financées publiquement, tandis que les compagnies de chemin de fer de courtes lignes utilisent des voies ferrées privées. C'est là où il y a une injustice, c'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faudrait uniformiser les règles du jeu et que les gouvernements devraient investir dans l'infrastructure de courtes lignes. Encore une fois, nous recommandons d'utiliser le modèle de programme du Québec comme fondement pour concevoir un tel programme.

Cela dit, je vous remercie d'être restés longtemps après votre heure normale de départ pour m'écouter. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci à vous d'être resté aussi longtemps pour pouvoir répondre à nos questions.

Le sénateur Massicotte : J'ai deux questions rapides. Vous dites que les trains sont trois fois plus efficients que les voitures et quatre fois plus que les camions ou vice versa. Qu'est-ce que cela signifie? Prenons l'exemple d'une tonne de matériel à transporter. J'aurais cru que les trains auraient été beaucoup plus efficients — des centaines de fois plus efficients — qu'une voiture. Je ne comprends peut-être pas votre comparaison.

M. Bourque : Les données que j'ai fournies concernent le transport ferroviaire de marchandises. Alors on compare ce genre de transport au transport par camion, et nous nous assurons de comparer des pommes avec des pommes, si je puis dire. Les caractéristiques d'ingénierie et caractéristiques physiques des chemins de fer, le contact acier-acier, est ce qui nous donne notre efficience.

Je comprends pourquoi vous penseriez que ce serait plus, mais c'est une estimation conservatrice.

Le sénateur Massicotte : Mon autre question concerne le fait que vous avez utilisé un exemple. Vous dites que le gouvernement devrait dépenser de l'argent sur certaines choses et vous avez donné l'exemple des embranchements ferroviaires qu'utilise Bombardier. Cependant, puisqu'on mettra bientôt en place le prix du carbone — et le Québec le fait déjà depuis un bout de temps avec son système de plafonnement et d'échange, même si le système ne fonctionne pas très bien, on peut tout de même imaginer qu'il finira par trouver la bonne formule —, pourquoi le gouvernement devrait-il investir? Les entreprises ne devraient-elles pas être assez motivées? Puisqu'elles devront réduire leurs émissions de dioxyde de carbone, elles bénéficieraient de ces économies, n'est-ce pas là cela un système adéquat, plutôt que de demander aux contribuables de subventionner leurs objectifs en matière de réduction du dioxyde de carbone?

M. Bourque : Deux choses : dans le cadre du système de plafonnement et d'échange, les entreprises ne bénéficieront pas nécessairement d'une réduction des émissions liées au transport de leurs marchandises.

Par conséquent, ce qui se produit, c'est que les fonds qui ont été obtenus dans le cadre du programme de plafonnement et d'échange sont dépensés sur ces genres de projets. C'est la conception choisie par le Québec, et l'Ontario a mis en place le même programme.

Une taxe sur le carbone, qui, évidemment, est un système plus simple, permettrait théoriquement aux consommateurs de passer des camions aux trains, parce que le train est plus efficient. Cependant, si vous voulez accélérer ce transfert, alors il faudrait imposer une taxe sur le carbone différente pour les trains que pour les camions, sachant que les camions produisent plus d'émissions et supposent des coûts élevés pour d'autres raisons.

Le sénateur Massicotte : La recommandation qu'on nous formule tout le temps, c'est de s'assurer d'utiliser la même mesure alors pourquoi faudrait-il imposer un prix différent pour les camions et pour les trains? Pourquoi faudrait-il désavantager une industrie au profit de l'autre? Les règles ne seraient pas équitables.

M. Bourque : Comprenez-moi bien, ce n'est pas ce que nous demandons. Ce que nous disons c'est que, si on utilise une taxe sur le carbone, en théorie, on devrait constater un abandon des camions au profit des trains, parce que ces derniers sont plus efficients. Si le gouvernement voulait accélérer ce passage des camions aux trains, une des façons qu'il aurait pu utiliser, c'est d'imposer une taxe sur le carbone différente, ce qui serait discriminatoire à l'égard du secteur du camionnage.

Le sénateur Massicotte : Ou un niveau d'imposition plus élevé.

M. Bourque : Ou un niveau plus élevé, oui.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Lang : Je veux poursuivre là-dessus un instant. Qu'importe le programme qu'on choisit, le plafonnement et l'échange ou la taxe sur le carbone, au bout du compte, ce sont les consommateurs qui vont payer. Comme il en coûtera plus cher pour exploiter un système, cela fera augmenter les prix, qu'on choisisse de transporter la marchandise par train ou camion, au bout du compte, je devrai payer plus pour le lait que j'achète une fois qu'il aura été livré.

Le sénateur Massicotte : C'est là où l'argent s'en va.

Le sénateur Lang : Là où l'argent s'en va, je paierai.

M. Bourque : Tout dépend si vous adoptez un système de gestion de l'offre pour le lait.

Le sénateur Lang : On peut choisir plutôt l'exemple des fraises ou des bleuets. De toute évidence, vous en savez beaucoup sur ce qui se passe dans le milieu ferroviaire. Pour ce qui est de ce que vous proposez, ici, est-ce que ce sont des genres de changements qui se produisent au sud de la frontière, pour ce qui est des entreprises américaines?

M. Bourque : Il n'y a pas de taxe sur le carbone aux États-Unis.

Le sénateur Lang : Je comprends.

M. Bourque : Il faut faire attention sur le plan de la compétitivité. Nous œuvrons dans un environnement nord-américain. La question des locomotives alimentées au GNL est pertinente aussi parce que, peu importe l'infrastructure, peu importe la technologie qu'on utilise, il faut pouvoir poursuivre nos opérations dans le contexte nord-américain. Toutes nos pièces d'équipement se promènent à l'échelle de l'Amérique du Nord chaque jour.

Le sénateur Lang : C'est la raison pour laquelle je demandais si, au sud de la frontière, les Américains procédaient à certains des changements que vous demandez ici, au Canada. Est-ce que les Américains apportent les mêmes types de changement ou se retrouvera-t-on, ici, avec un système plus efficient? Comment pourra-t-on faire la liaison avec l'autre côté, s'ils ne bougent pas?

M. Bourque : Ce que nous suggérons ne changerait rien du point de vue opérationnel.

Une des différences du système américain, et c'est lié à l'une de nos suggestions, c'est qu'il finance l'infrastructure des compagnies de chemin de fer de courtes lignes. Depuis très, très longtemps, il consacre beaucoup de fonds à l'infrastructure ferroviaire de courtes lignes, ce que nous n'avons pas fait ici. C'est parce qu'ils ont reconnu l'importance du secteur de courtes lignes en tant que solution de rechange à l'ajout de camions sur les routes. Ils ont aussi reconnu le fait que les camions sont subventionnés du fait qu'ils roulent sur des routes publiques, tandis que les compagnies de chemin de fer utilisent des voies privées et doivent payer pour assurer la sécurité, le déneigement, l'entretien, la construction, les nouveaux ponts et ponceaux et toutes les autres choses qui sont liées à ce genre d'infrastructure.

C'est un des domaines où il faut vraiment rattraper les Américains. L'industrie ferroviaire de courtes lignes se porte beaucoup mieux en raison de ces investissements.

Le sénateur Lang : À ce sujet, vous demandez un investissement de 165 millions de dollars sur cinq ans. Cela inclut-il des investissements dans le secteur ferroviaire de courtes lignes?

M. Bourque : Ces compagnies pourraient présenter des demandes.

Le sénateur Lang : Ensuite, combien d'argent êtes-vous prêt à investir? Vous demandez 165 millions de dollars.

M. Bourque : Comme je l'ai mentionné, les compagnies de chemin de fer investissent déjà beaucoup. Par conséquent, je crois que tout investissement fait par le gouvernement générerait des investissements du secteur privé.

Le sénateur Lang : Les 165 millions de dollars seraient-ils consacrés au secteur ferroviaire de courtes lignes?

M. Bourque : Ces entreprises seraient admissibles, tout comme les clients des compagnies de chemin de fer. Premièrement, il faut présumer que ces entreprises veulent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, que le Canada va de l'avant avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre et qu'ils cherchent des solutions permettant vraiment de réduire les émissions. Il y a donc beaucoup de personnes différentes qui en parlent, mais il s'agit d'une solution concrète qui permettra de réduire les émissions, et elle est fondée sur les programmes qui existent au pays et qui ont donné des résultats.

Une des choses que j'aime au sujet de cette solution, c'est qu'elle est avantageuse pour toutes les compagnies de chemin de fer, et elle est avantageuse pour tous les clients des compagnies de chemin de fer. Ce type d'approche permettrait donc, si je peux m'exprimer ainsi, d'accroître la compétitivité, ce qui n'est peut-être pas le cas des autres programmes.

Le sénateur MacDonald : Je suis content de vous revoir, Mike.

Le gouvernement du Canada, Transports Canada, avait un PE avec l'Association des chemins de fer du Canada en vue de la réduction des gaz à effet de serre et des contaminants atmosphériques. Quels sont les résultats obtenus dans le cadre de ce PE? En signera-t-on un nouveau lorsque l'ancien arrivera à échéance, à la fin de l'année?

M. Bourque : J'ai mentionné les chiffres dans mon exposé. Dans le cadre de l'accord, les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 et les services ferroviaires de passagers interurbains ont accepté volontairement de réduire leurs émissions du point de vue de l'intensité de 6 p. 100, tandis que les compagnies de chemin de fer de courtes lignes ont accepté de les réduire de 3 p. 100. Nous aimerions négocier un nouvel accord. Ce nouvel accord concernerait uniquement les gaz à effet de serre, parce que la question des autres contaminants est maintenant réglée grâce à la réglementation. Une des limites auxquelles nous faisons face, c'est que nous représentons l'industrie ferroviaire, pas l'industrie qui fabrique les locomotives. Nous pourrons seulement travailler avec la technologie existante.

Cependant, je peux vous dire que les compagnies de chemin de fer canadiennes sont des chefs de file en Amérique du Nord en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre, et ce, pour deux raisons : premièrement, parce que nous avons signé un PE, ce que les compagnies américaines n'ont pas fait, et, deuxièmement, parce que les compagnies de chemin de fer canadiennes sont en tête de peloton au chapitre de la répartition de la puissance et de la précision des opérations ferroviaires.

Beaucoup d'entre vous ont entendu parler de cette notion d'opérations ferroviaires précises. C'est un processus de production simplifié créé par Hunter Harrison qui est maintenant bien intégré par le CN et le CP. Si vous examinez les ratios d'exploitation de ces deux entreprises pour mesurer leur efficience, elles sont toutes les deux en dessous de 60, ce qui en fait les compagnies de chemin de fer les plus efficientes d'Amérique du Nord.

Fait intéressant, parce que je sais qu'il s'agit d'une critique, le CP affiche le meilleur dossier en matière de sécurité depuis 10 ans. Ces choses vont donc main dans la main. Ces genres de mesures visant à éliminer les goulots d'étranglement et à assurer une amélioration constante et continue liée à ce type d'approche simplifiée permettent d'économiser du carburant. Par conséquent, nous comptons vraiment sur d'excellentes compagnies de chemin de fer au Canada, du moins pour ce qui est de celles de la catégorie 1. Là où nous pourrions bénéficier d'un peu d'aide, maintenant, c'est du côté du transport de passagers d'Yves et du côté des opérations ferroviaires de courtes lignes.

Le sénateur MacDonald : L'impulsion du PE vient-elle du gouvernement? Ou est-ce que ça doit venir de l'Association des chemins de fer?

M. Bourque : Nous leur en avons parlé. Nous leur parlons, et nous nous attendons à ce que cela porte ses fruits.

Le sénateur Patterson : J'ai quelques brèves questions. Le nouveau gouvernement procède à beaucoup de consultations, et, dans le cadre de l'une d'elles, les premiers ministres ont produit la déclaration de Vancouver sur la croissance propre et les changements climatiques en mars, cette année, et cela inclut l'établissement d'un cadre pancanadien qui contient des objectifs, notamment le secteur des transports. Pour commencer, je me demande si quelqu'un a communiqué avec votre association afin que vous formuliez des commentaires sur le cadre pancanadien de réduction des émissions.

Ensuite, le ministre des Transports a lancé un processus consultatif auprès des Canadiens, des intervenants, des provinces et des territoires pour définir un programme à long terme pour les transports au Canada. C'est un cadre qui concerne les 20 ou 30 prochaines années. Encore là, j'aimerais savoir si votre association participe à ce processus et exprime ses points de vue sur ce que devraient être les objectifs de l'industrie au cours des 20 à 30 prochaines années.

M. Gullo : Je peux vous parler du cadre pancanadien. Certains d'entre vous le savez, peut-être que d'autres l'ignorent, mais le ministre McKenna a amorcé un processus de consultation au printemps. Ce processus s'est poursuivi durant l'été, et il y avait un portail en ligne où tous les Canadiens étaient invités à formuler des commentaires. C'était là l'occasion de participer aux discussions au sujet du cadre pancanadien. Les observations qui vous ont été communiquées ce matin avant la réunion sont celles qui ont été fournies au ministre avant la tenue des discussions sur le cadre pancanadien.

Le sénateur Patterson : D'accord, très bien. Vous répondez à ma question.

M. Bourque : Comme je l'ai mentionné, nous avons un PE. Ce PE est en fait un ensemble de chiffres vérifiés et donc, lorsque nous avons réalisé nos calculs, nous avons fondé nos observations sur l'abandon des camions au profit des trains et la réduction des émissions qui en découlerait. Les hypothèses que nous avons formulées sont fondées sur notre expérience et les données que nous avons. Je crois qu'il s'agit d'une proposition crédible, et la conception des programmes que nous suggérons du point de vue gouvernemental sont des programmes qui existent déjà dans d'autres administrations et dont l'efficacité a été prouvée.

Selon moi, on se retrouvera un jour dans une situation où les gouvernements regarderont autour d'eux et se demanderont : « Où avons-nous réduit les émissions? » et « Quels sont les programmes mis en place qui permettent vraiment de réduire les émissions? » Si on regarde les résultats passés du pays, nous avons constamment raté nos cibles. Ce que nous suggérons — et nous croyons que c'est une option réaliste et peu coûteuse —, c'est une méthode qui a fait ses preuves et qui s'appuie sur un modèle crédible.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Mockler : J'ai une question qui découle des réunions auxquelles nous avons participé à Saint John, au Nouveau-Brunswick, mercredi dernier. La question concernait le transport du pétrole dans des wagons ou grâce à un oléoduc. Avez-vous réalisé une analyse pour savoir laquelle des deux solutions produira le moins d'émissions? Je suis porté à croire que c'est l'oléoduc, et, si c'est le cas, cela signifierait-il pour les Canadiens que nous pourrions réduire le nombre de wagons-citernes circulant sur notre réseau ferroviaire?

M. Bourque : C'est une question très complexe. Tout dépendrait vraiment, dans un premier temps, du genre de pétrole transporté. Parle-t-on de pétrole lourd ou de pétrole léger? Ce n'est pas nécessairement en raison d'une différence de poids, mais parce que, dans le cas du pétrole lourd, on peut le transporter par rail sans le diluer. Il faut ajouter un diluant au pétrole lourd pour le transporter par oléoduc, et il faut retourner ce diluant à sa source initiale afin de pouvoir le recycler et de l'utiliser à nouveau pour éclaircir du pétrole lourd. Les calculs liés au pétrole lourd sont différents de ceux liés au pétrole léger.

N'oubliez pas qu'une des raisons pour lesquelles nous avons constaté une augmentation du déplacement de pétrole brut par rail il y a quelques années, c'est parce que beaucoup de pétrole était produit dans des zones où il n'y avait pas d'oléoducs ou encore où il n'était pas économique de construire un oléoduc parce que l'extraction des ressources à cet endroit n'était pas permanente contrairement, par exemple, aux exploitations des sables bitumineux.

C'est une question très complexe, et, au bout du compte, sachez que les compagnies de chemin de fer n'essaient pas de remplacer les oléoducs. Nous venons les compléter, et même à l'époque où nous transportions le plus de pétrole brut, il s'agissait de moins de 5 p. 100 de toute l'énergie qui était transportée. Selon moi, lorsqu'on parle du transport de produits énergétiques, c'est un peu comme le débat concernant les sources d'énergie dont nous avons besoin. Nous avons besoin de tout. Nous avons besoin de navires et nous avons besoin de camions. Les camions sont encore nécessaires. On ne pourra jamais conduire un train jusqu'à un Walmart, alors les camions et les oléoducs restent nécessaires. Nous avons besoin de tous ces éléments, et chacun a un rôle à jouer.

Le sénateur Mockler : Je crois comprendre, à la lumière de ce que je viens d'entendre, que vous n'avez pas réalisé d'analyses sur les émissions de carbone, ce sur quoi portait la question que j'ai posée. C'est la raison pour laquelle vous avez dit que c'est très complexe.

M. Bourque : Nous l'avons fait vraiment dans certains scénarios et, encore une fois, il faut faire beaucoup d'hypothèses, et notre croyance générale, c'est que c'est à peu près équivalent. L'oléoduc proposé par Keystone, par exemple, exigerait l'utilisation de très gros moteurs — des pompes de service — et, selon l'endroit où celles-ci seraient situées, elles fonctionneraient à l'électricité générée par du charbon, ce qui donnerait un profil d'émissions très différent comparativement à l'utilisation d'une station génératrice hydroélectrique. Par conséquent, tout dépend des hypothèses, et on peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, mais, au bout du compte, nous croyons être très efficients, et estimons que notre efficience est à peu près égale à celle des oléoducs.

Le sénateur Mockler : Je veux parler de Fred et Martha, des Canadiens. Si un oléoduc se rend à Saint John, au Nouveau-Brunswick, où se trouve la plus grosse raffinerie du Canada, Fred et Martha, qui sont au Tim Hortons et au McDonald, se disent : « D'accord, Percy, si cet oléoduc passe par ici, y aura-t-il encore des centaines et des centaines de wagons qui se rendront à Saint John? » Est-ce que la situation restera la même ou est-ce que tout disparaîtra?

M. Bourque : S'il y a un oléoduc, il y aura moins de wagons, mais je ne crois pas qu'il n'y en aura plus. N'oubliez pas, la raison pour laquelle il y avait une voie ferrée jusqu'à cette installation, c'est qu'on y transportait une diversité de produits. Il y a certains dangers lorsqu'on discute de l'opposition entre les chemins de fer et les oléoducs. J'ai toujours dit qu'on n'a vraiment rien à gagner à tenter de dire qu'un est meilleur que l'autre. Nous avons besoin des deux. Au bout du compte, les compagnies de chemin de fer transportent plus de 200 types différents de matières dangereuses sur leurs réseaux, et elles le font de façon beaucoup plus sécuritaire. Où préférez-vous voir une citerne de propane? Sur une voie ferrée ou sur un camion qui roule à côté d'une minifourgonnette sur l'autoroute?

Les compagnies de chemin de fer doivent conserver leurs très bons résultats en matière de sécurité, et nous devons conserver la confiance du public quant à notre capacité de déplacer des matières dangereuses de façon sécuritaire par voie ferrée afin de les mener à bon port. En fait, nos résultats à ce sujet sont identiques aux oléoducs, c'est-à-dire que dans 99,99 p. 100 du temps, nous livrons les produits de façon sécuritaire à bon port, exactement comme les oléoducs.

Le sénateur Massicotte : Par rapport à la réponse que vous avez donnée au sénateur Mockler en ce qui a trait à l'économie, je suis d'accord avec vous, nous avons besoin de tous les modes de transport, parce que ce sont les circonstances qui font parfois en sorte qu'un mode de transport n'est pas accessible.

Un témoin que nous avons accueilli nous a dit précédemment que, s'il fallait choisir entre un train et un oléoduc, et que les deux modes de transport étaient disponibles sur de longues distances, les oléoducs étaient un mode de transport beaucoup moins cher que le transport par rail, peut-être jusqu'à de 7 à 10 $ de moins le baril. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Bourque : Oui, c'est ce que je crois moi aussi.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le président : En allant de l'avant, le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire toutes les émissions de 30 p. 100 comparativement aux niveaux de 2005 d'ici 2030, et de 50 p. 100 comparativement aux niveaux de 2005 à partir de 2030.

Les compagnies de chemin de fer ont-elles un plan pour cette première réduction de 30 p. 100? Et pourront-elles y parvenir à l'avenir?

M. Bourque : Parce que nous travaillons sur ce dossier depuis aussi longtemps et en raison des importantes innovations procédurales que j'ai mentionnées tantôt associées aux opérations ferroviaires précises, je crois que l'année dernière, les compagnies de chemin de fer ont dépensé 4 milliards de dollars dans leurs installations.

Beaucoup d'investissements ont été faits, mais cela signifie aussi que, puisque nos antécédents sont très bons, beaucoup des fruits les plus faciles à saisir ont été cueillis, et, maintenant, lorsqu'il y aura des différences très importantes, ce sera en raison de l'adoption de nouvelles technologies comme les locomotives alimentées au GNL, et ce ne sont pas des choses qui se produiront en 24 heures ou en abandonnant les camions au profit des trains. C'est la raison pour laquelle nous faisons la promotion de cette approche.

L'autre chose importante, et c'est la raison pour laquelle je voulais vous fournir cette présentation, en fait, c'est pour que vous puissiez voir le graphique sur la deuxième page. En effet, je crois qu'il est très évocateur.

Ce graphique précis révèle que 12 p. 100 des émissions liées au transport sont générées par les véhicules qui fonctionnent à l'essence et au diesel, et une autre tranche de 6,6 p. 100 sont produites par les camions qui fonctionnent à l'essence et au diesel, tandis que les compagnies de chemin de fer, qui transportent une très grande quantité de marchandises, des marchandises très lourdes, sur de très longues distances, ne produisent que 1 p. 100 des émissions. Tout est dit, vous êtes à même de constater que nous sommes extrêmement efficients, et l'occasion à saisir, pour le secteur ferroviaire, c'est de pousser les gens à délaisser leur voiture et d'éliminer le plus de camions possible sur les routes.

C'est un peu comme toutes les questions touchant l'utilisation des oléoducs sur de longues distances. Les trains ne peuvent pas se rendre jusqu'à un Walmart, mais, si un camion fait le trajet Ottawa-Vancouver, il aurait peut-être fallu utiliser un train.

Le président : Ma question était la suivante : avez-vous un plan pour respecter la cible de 30 p. 100 de réduction d'ici 2030 relativement aux niveaux de 2005?

Je comprends. On a besoin de tous les modes de transport. On ne peut pas répondre à tous les besoins grâce au train. On ne peut pas se rendre à Whitehorse en train, il faut des camions.

Il y a beaucoup d'endroits où les compagnies ferroviaires ne se rendent pas. Je ne dis pas que les opérations ferroviaires ne sont pas efficientes ou qu'elles ne fonctionnent pas bien.

Y a-t-il un plan couché sur papier qu'ont produit les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 et qui dit : « Oui, nous pouvons respecter la cible de réduction de 30 p. 100 d'ici 2030 comparativement aux niveaux de 2005 »?

Vous avez fait beaucoup de choses. Je le comprends, mais je parle des 30 p. 100 de réduction comparativement aux niveaux de 2005.

M. Bourque : Vous pouvez inviter les compagnies elles-mêmes et leur demander directement, mais je peux vous dire que nous continuons à travailler là-dessus.

Une possibilité consiste à investir dans l'achat de nouvelles locomotives, parce que ces nouvelles locomotives ne composent pas l'ensemble du parc. On pourrait déjà là s'approcher beaucoup de ces niveaux de réduction. On peut faire de nouveaux investissements pour éliminer les goulots d'étranglement. L'utilisation de plus longs trains permet de réduire les émissions. C'est une tendance qu'on remarque.

Je ne peux pas parler pour les autres et dire qu'ils ont un plan pour atteindre un tel niveau de réduction, mais, assurément, une partie de ce que nous proposons ici aidera à atteindre ces cibles. La technologie et les changements de processus continueront à nous permettre d'y arriver.

L'autre chose qui aidera probablement, c'est certains des travaux que nous avons faits dans le domaine de l'analyse des données. Les compagnies de chemin de fer sont très bonnes pour recueillir des données. Nous avons une technologie dans les wagons et sur les rails qui nous permet de recueillir des données, et nous avons la capacité d'analyser ces données et de faire certaines choses qui, par exemple, ont permis d'importantes améliorations en matière de sécurité. Il ne fait aucun doute que nous utiliserons les mêmes genres de mégadonnées et d'activités d'analyse de données pour aider à réduire les émissions et réduire la consommation de carburant.

Le président : La deuxième question concerne les coûts nécessaires pour obtenir une telle réduction de 30 p. 100. Vous ne pouvez pas le savoir parce que vous ne savez même pas vraiment si les compagnies de chemin de fer ont ne serait-ce qu'un plan de réduction des émissions de 30 p. 100 d'ici 2030.

J'aurais cru que, en tant qu'association des chemins de fer, vous auriez eu quelque chose à nous dire, du genre : « Voici un plan. Voici ce que nous allons faire et voici ce qui en coûtera ».

M. Bourque : Nous avons présenté aujourd'hui un plan réaliste fondé sur des données crédibles et sur une conception de programme qui existe déjà et qui permettrait de réduire les émissions. Et cela, c'est en plus de toutes les autres innovations technologiques et procédurales que les compagnies de chemin de fer continueront à mettre en place et grâce aux importants investissements qu'elles ont prouvé qu'elles étaient prêtes à faire au fil des ans.

L'autre point que je voulais souligner, c'est que les compagnies de chemin de fer sont déjà très efficientes et sont de très petites émettrices.

Le président : Mais vous devez tout de même réduire les émissions. Tout comme beaucoup d'autres choses. Si nous voulons atteindre nos cibles, tout le monde doit se lever et faire ce qu'il peut.

M. Bourque : La proposition que nous avons présentée aujourd'hui... nous sommes l'une des rares industries qui peuvent dire qu'elle continuera de réduire ses émissions et aider ses clients à réduire leurs émissions tout en maintenant sa croissance.

Beaucoup des représentants venant des différentes industries à qui vous parlerez viendront vous dire : « Nous pouvons réduire les émissions, mais pas croître » ou « Nous ne pourrons pas maintenir une croissance aussi forte si nous devons réduire autant les émissions ».

Le président : Ce n'est pas toujours le cas.

M. Bourque : Non. Je comprends, mais nous disons que nous pouvons poursuivre notre croissance et aider nos clients à poursuivre leur croissance et, en même temps, réduire les émissions.

Le président : Voilà qui, je crois, met fin à nos questions. Je peux vous dire — je viens de la Colombie-Britannique et j'ai été membre du gouvernement de la Colombie-Britannique pendant 18 ans avant de siéger au Sénat — qu'une des raisons pour lesquelles il y a des camions sur la route et que beaucoup d'entre eux transportent du bois de sciage de Prince George à Vancouver, c'est parce que les compagnies de chemin de fer ne peuvent pas offrir les services de livraison ponctuels compétitifs que les clients veulent à partir de leur scierie. La seule explication qu'on me fournissait, c'est : « On ne peut pas obtenir les wagons. On ne peut pas obtenir les bons wagons ». Et c'est la même chose avec les producteurs de céréales : « Nous ne pouvons pas obtenir les wagons lorsque nous en avons besoin ». Il y a beaucoup de situations qui ont tendance à faire en sorte qu'on continue d'utiliser des camions.

Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites. Ces entreprises paient leur juste part des taxes sur les carburants. Je sais comment fonctionne ce processus. Les compagnies de chemin de fer ne peuvent pas toujours répondre aux besoins des consommateurs qui veulent par exemple, transporter du bois de sciage de Prince George jusqu'à, disons, Washington. Cela fait partie du problème.

Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré. Je vous remercie aussi d'être restés tard, et, encore une fois, nous nous en excusons. Merci, et bonne soirée.

(La séance est levée.)

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