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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 16 - Témoignages du 24 novembre 2016


OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie- Britannique, et je suis le président de ce comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont présents dans cette salle ainsi qu'à tous ceux qui suivent cette réunion à la télévision partout dans le pays. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences de comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les suivre sur Internet à l'adresse sen.parl.gc.ca. On peut également trouver à cette adresse d'autres renseignements sur les horaires de comparution des témoins sous le titre « En comité ».

Je vais maintenant demander aux sénateurs assis autour de la table de se présenter, en commençant par le vice- président du comité, le sénateur Paul Massicotte du Québec.

Le sénateur Massicotte : Bonjour.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Je voudrais également présenter les membres du personnel du comité, en commençant par notre greffière, Maxime Fortin, et notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks.

Nous en sommes à la 24e réunion consacrée à l'étude des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins. Tout d'abord, de Technologies du développement durable Canada, Leah Lawrence, présidente et directrice générale, et d'Alberta Innovates, M. John Zhou, vice-président, Énergie propre.

Je vous remercie tous les deux de vous être joints à nous. Je crois que vous avez des exposés préliminaires à présenter. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité. La parole est à vous.

Leah Lawrence, présidente et directrice générale, Technologies du développement durable Canada : Merci, monsieur le président. Je vous remercie, sénateurs, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. John et moi nous connaissons depuis quelques années. C'est donc un plaisir d'être tous les deux présents pour nous adresser au comité.

Je voudrais prendre quelques instants pour rendre hommage à la sénatrice Elaine McCoy, qui n'est pas présente aujourd'hui. Elle est pour moi une mentore que je connais depuis plus de 20 ans. C'est elle qui m'a initiée au domaine du changement climatique, il y a quelques années, lorsqu'elle a créé Climate Change Central en Alberta. Cela remonte en fait à plus de 20 ans, si j'y pense. Je voulais juste le mentionner.

J'aimerais aussi prendre quelques instants pour parler des temps difficiles que connaît actuellement le secteur des hydrocarbures, surtout en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador. Ayant moi-même vécu à Calgary pendant 21 ans avant de m'installer à Ottawa, il y a un an et demi, j'ai de nombreux collègues et amis qui vivent des moments difficiles. Je note que le sujet de l'étude du comité revêt une grande importance aujourd'hui parce que ces gens subissent personnellement les conséquences de l'évolution technologique spectaculaire causée par l'exploitation de puits horizontaux et par le procédé de fracturation utilisé pour produire l'huile de schiste et le gaz naturel. La discussion de ce matin tombe donc à point.

Comme vous le savez, TDDC est une fondation fédérale créée il y a 15 ans par le gouvernement du Canada pour investir, au nom des Canadiens, dans la démonstration précommerciale de technologies durables.

Aujourd'hui, les technologies propres, comme nous les appelons, constituent un secteur de croissance privilégié partout dans le monde et particulièrement aux États-Unis, en Chine, en Corée du Sud et en Allemagne. Les investissements mondiaux dans ce secteur sont vraiment considérables. Dans la seule année 2015, ils se sont élevés à 329 milliards de dollars. Je mentionne, à des fins de comparaison, que ce chiffre représente plus d'un tiers des investissements mondiaux dans le secteur du pétrole et du gaz, qui ont atteint, au cours de la même année, 810 milliards de dollars.

Les entreprises canadiennes de technologies propres suivent la tendance, mais je dirai en toute franchise qu'elles traînent de l'arrière. La part canadienne du marché mondial des technologies propres a chuté de 41 p. 100 entre 2005 et 2013. Au Canada, cela s'applique aussi aux technologies énergétiques propres qui représentent les deux tiers de l'ensemble des technologies propres.

J'aimerais maintenant vous parler brièvement d'une étude à ce sujet que nous avons réalisée de concert avec Cycle Capital, société montréalaise de capital-risque. Nous voulions savoir, compte tenu de cette vague mondiale d'investissements dans les technologies propres, où se situait l'avantage stratégique du Canada. Nous avons donc commandé une étude sur le nombre de publications et de brevets canadiens dans les principaux segments du secteur des technologies propres.

Ce que nous avons découvert, c'est que les Canadiens sont d'excellents inventeurs. Au Canada, le nombre de publications scientifiques s'élève à 15 p. 100 de celui des États-Unis et de la Chine. Par rapport à notre population et à la taille de notre économie, c'est environ 50 p. 100 de plus que le chiffre auquel on pouvait s'attendre. Cela montre que nos universités font des recherches de calibre mondial dans le domaine des technologies propres. John collabore très étroitement avec elles à cet égard.

Toutefois, nous avons également constaté que cette recherche n'aboutit pas assez fréquemment à la délivrance de brevets et à la commercialisation. Le nombre de brevets universitaires pour 1 000 publications ne représente que 7 p. 100 des brevets américains, au lieu des 10 p. 100 que nous aurions dû avoir compte tenu des populations respectives. La Chine, qui a vraiment déployé de très grands efforts dans ce domaine, publie beaucoup plus que le Canada. Le nombre de brevets canadiens n'atteint que 1 p. 100 de celui de la Chine. Donc, les brevets canadiens équivalent à 7 p. 100 des brevets américains et à 1 p. 100 des brevets chinois. Ces chiffres représentent les technologies propres, l'énergie propre et particulièrement, comme je l'ai dit, le pétrole et le gaz.

Les brevets ne sont pas un indicateur parfait de commercialisation, mais ils constituent un préalable nécessaire, surtout dans un univers mondialisé où le libre-échange est une priorité pour le Canada. Dans cet univers, les idées sont le véhicule de la croissance économique et de la prospérité. Elles doivent être commercialisées pour que les Canadiens puissent en tirer un profit.

C'est le premier message que je vous adresse aujourd'hui : le Canada a beaucoup de potentiel en recherche- développement et a la possibilité de devenir un chef de file mondial en matière de technologies propres. Toutefois, il y a un écart qui nous empêche de faire le lien entre les idées, les brevets et la commercialisation. C'est là un rôle très important auquel les secteurs public et privé doivent réfléchir soigneusement et qu'ils doivent assumer ensemble.

Comme je l'ai déjà dit, TDDC a été créé en 2001. Notre rôle consiste à essayer de combler l'écart en offrant des subventions qui s'ajoutent aux contributions des financiers du secteur privé et d'autres sources publiques de financement pour soutenir des technologies propres principalement mises au point par de petites et moyennes entreprises. À cet égard, je suis heureuse de dire que nous le faisons d'un océan à l'autre.

Les entrepreneurs intéressés ont des objectifs audacieux. Ils veulent transformer notre prospérité économique et environnementale et visent à cette fin les grands défis : changement climatique, sécurité énergétique, sécurité de l'eau et cycle de vie de la réutilisation et de l'élimination des déchets.

Dans le domaine des technologies propres, il faut beaucoup de temps pour passer de l'idée initiale à la commercialisation. Le délai moyen a été de 8 à 10 ans ou plus dans le cas des entreprises où nous avons investi. Cela veut dire que nous devons planifier à long terme dans le cas de ces technologies.

Nous avons eu de la chance parce que certaines des sociétés avec lesquelles nous avons travaillé ont bien réussi dans les 15 dernières années. Il y en a 70 qui ont commercialisé leurs produits après être passées par le système de TDDC. On leur doit des réductions d'environ 6,3 millions de tonnes de gaz à effet de serre, quelque 9 200 emplois directs et indirects et près de 1,4 milliard de dollars de revenus.

Pour situer le contexte, je vous dirais que, depuis sa création, TDDC s'est vu confier par le gouvernement du Canada environ 1 milliard de dollars à investir. En comparant ce milliard aux revenus de 1,4 milliard, on aboutit à la conclusion que les sociétés qui ont tiré parti de notre système pour commercialiser leurs technologies sont en train de récupérer chaque année l'argent que les contribuables canadiens les ont encouragées à investir.

Ce sont des chiffres dont nous pouvons être fiers, mais ce n'est malheureusement pas assez. Il faudrait que ces entreprises fassent encore mieux. Les revenus canadiens tirés des technologies propres se sont élevés à 12 milliards de dollars en 2014, dernière année pour laquelle nous disposons de statistiques. Comparons ce chiffre aux revenus du secteur dont nous parlons aujourd'hui, celui des hydrocarbures. Dans la même année, 2014 — qui, comme vous le savez, j'en suis sûre, a été une année record —, les revenus du secteur du pétrole et du gaz se sont élevés à 150 milliards de dollars, soit plus de 10 fois ceux des technologies propres.

L'année 2016 n'a pas été aussi bonne, nous le savons. Les revenus estimatifs de 2016 sont de 73 milliards de dollars. Vous pouvez donc constater qu'il y a une grande différence entre les technologies propres et les hydrocarbures.

Le taux de croissance dans le domaine des technologies propres est d'environ 3,5 p. 100 par an. En tenant compte de ce taux sur un certain nombre d'années, on constate que même en 2050, les revenus annuels tirés des technologies propres n'atteindront que 40 milliards de dollars. Cela m'amène au deuxième point que j'aborderai dans quelques instants, à savoir que nous avons besoin d'accélérer le rythme d'adoption des technologies propres au Canada, à partir de la commercialisation.

Comment le faire? Je vais vous présenter quelques-unes des diapositives que vous avez devant vous dans une minute. Comme vous le savez, l'analyse du cycle de vie sert souvent de base à la politique gouvernementale. Elle nous aide aussi à mieux cibler nos efforts relatifs aux investissements technologiques. L'analyse du cycle de vie est utilisée par exemple par l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis. Elle sert aussi de base à la norme californienne sur les combustibles à faible teneur de carbone ainsi qu'à la directive de l'Union européenne sur la qualité des combustibles.

J'attire votre attention sur la diapositive 4 qui montre l'analyse du cycle de vie du secteur du pétrole et du gaz avec ses différentes phases : production et valorisation du pétrole, transport, raffinage, transport des produits raffinés et combustion. Comme vous pouvez le voir et comme nous le savons, les deux phases les plus importantes sur le plan technologique sont, d'une part, la combustion, c'est-à-dire l'utilisation des voitures, des avions, et cetera, et, de l'autre, la production et la valorisation du pétrole. Ce sera l'aspect central des exposés que John et moi présentons ce matin.

Avant d'aller là, j'ajouterai que TDDC appuie des technologies dans tous ces domaines. Vous pouvez voir au bas de la diapositive le logo de quelques-uns de nos champions dans ce secteur. Il y a par exemple Nsolv, société de l'Alberta dont je vous parlerai dans quelques instants, General Fusion de Vancouver, que beaucoup d'entre vous connaissent bien, Ballard et Westport, CO2 Solution de Québec, New Flyer de Winnipeg, et cetera. Cela vous donne une idée de l'étendue de l'expertise et des talents canadiens.

La diapositive suivante montre la répartition des émissions depuis l'extraction jusqu'à la combustion par baril de pétrole produit dans différents champs pétrolifères du monde. Il y a là deux choses à remarquer. Vous noterez qu'il y a différentes lignes représentant différentes régions du Canada. Il y a par exemple le champ extracôtier d'Hibernia, les sables bitumineux de Cold Lake, et cetera.

Pourquoi avons-nous des résultats différents? Cela dépend de l'endroit où le baril de pétrole est produit. Le graphique donne une idée de la composition chimique des hydrocarbures extraits. Vous pouvez donc voir que le profil d'émissions par baril du pétrole extracôtier de Terre-Neuve est très différent. Son extraction nécessite moins d'énergie dans son cycle de vie — y compris le raffinage et l'utilisation dans nos véhicules et nos avions — que le bitume extrait en Alberta, dont les molécules lourdes sont plus difficiles à raffiner, à valoriser et à transformer en essence ou en carburéacteur.

Cela vous donne une idée du défi à relever. Cela montre aussi, comme John et moi vous l'expliquerons, que nous concentrons vraiment nos efforts au Canada sur la valorisation du bitume pour qu'il devienne équivalent à un brut plus léger provenant, par exemple, de Terre-Neuve ou d'un champ de pétrole moyen des États-Unis. Voilà à quoi visent beaucoup des recherches effectuées au Canada : parvenir à un produit équivalent à la moyenne du pétrole mondial ou nord-américain. C'est notre objectif.

Je voudrais vous parler de deux sociétés de technologie où nous avons fait des investissements et qui cherchent à réaliser cet objectif, l'une dans le domaine de la production et l'autre, dans celui de la valorisation. La première est la société Nsolv. Son propriétaire, John Nenninger, est un immigrant suisse installé au Canada. Il avait de grandes idées sur la façon de produire le bitume d'une manière plus efficace, avec moins d'énergie, en recourant à un solvant comme le propane ou le butane. Cela réduirait très considérablement les émissions de gaz à effet de serre et éliminerait l'eau de la production de bitume in situ en Alberta. Nous collaborons avec Nsolv depuis quelques années. Les premiers résultats obtenus par la société sont très prometteurs. John vous donnera plus de détails à ce sujet. Il serait possible de produire un baril en réduisant de 75 p. 100 les émissions de GES par rapport aux procédés actuels et en se passant d'eau.

Je parlerai aussi de la société MEG Energy parce que c'est la suivante dans la chaîne de valeurs du cycle de vie que je vous ai montré. Cette entreprise étudie des moyens de valorisation pouvant utiliser beaucoup moins d'énergie. Comme vous le savez sans doute, le bitume est un liquide visqueux qui ressemble à une sorte de mastic mêlé de sable. Il ne s'écoule pas très bien dans un oléoduc. Il faut donc le mélanger à un hydrocarbure plus léger pour pouvoir le pomper. MEG Energy essaie de mettre au point un procédé qui permettrait d'éliminer cette étape. Si la société réussit, elle pourrait réduire de 20 p. 100 les émissions de GES.

Vous pouvez voir que ces deux technologies combinées pourraient rendre un baril de bitume équivalent à la moyenne canadienne ou mieux. Je voulais juste vous donner une idée des travaux de ces entreprises.

Quel est donc le défi? Nous disposons de plusieurs technologies très prometteuses, mais, comme je l'ai dit plus tôt, c'est l'adoption qui est difficile. La diapositive suivante présente les résultats d'une étude de McKinsey and Company, qui portait sur les taux d'adoption des technologies pétrolières et gazières. Vous pouvez voir les difficultés qui se présentent. L'étude n'était pas particulièrement centrée sur les technologies propres, mais, en fait, les technologies de production générales jouent un rôle central dans la production du secteur. Le graphique montre qu'il faut 31 ans pour passer de l'idée à 75 p. 100 de pénétration du marché. Ce délai est très long, surtout pour une petite ou moyenne entreprise qui ne dispose probablement que de liquidités pouvant durer deux à trois ans. La durée, comme vous pouvez le voir, est de 16 ans pour l'intelligence artificielle et les télécommunications, de 12 ans pour la médecine et de huit ans pour les produits de consommation. Nous devons donc chercher des moyens pouvant collectivement accélérer le processus.

La bonne nouvelle — que John connaît bien —, c'est que nous l'avons déjà fait dans le passé. Par l'entremise du Bureau de recherche et de technologie des sables bitumineux de l'Alberta, nous avions formé des partenariats publics- privés qui ont travaillé en collaboration pour en arriver à des solutions pouvant remédier à de grands problèmes comme celui-ci. Voilà le genre d'antécédents que le Canada examine pour trouver des moyens de faire baisser radicalement les émissions de GES par baril de pétrole extrait.

Pour conclure avec mon second message, je dirai que le secteur du pétrole et du gaz doit accélérer le rythme d'adoption des nouvelles technologies pour que nous puissions atteindre les objectifs de GES auxquels nous aspirons tant dans le secteur qu'à l'échelle nationale.

J'ai constaté deux choses très importantes. Le Canada ne manque pas de gens capables d'imaginer des moyens d'en arriver à un avenir énergétique plus propre. Il est cependant vrai que les idées de ces gens ne sont pas développées, commercialisées et adoptées à un rythme suffisant.

Le problème se situe au niveau du déploiement efficace des capitaux. Les financements de démarrage pour de nouvelles idées issues de recherches universitaires ou d'autres recherches sont relativement abondants, mais l'efficacité du déploiement des capitaux laisse à désirer. Nous devons donc développer et adopter plus vite les bonnes idées.

TDDC comble le vide au niveau du financement précommercial, mais dans le secteur énergétique en particulier, il y a un manque criant de capitaux à l'étape suivante de la commercialisation. En période d'expansion, les exploitants privés considèrent les nouvelles technologies comme une distraction parce que tous leurs efforts sont concentrés sur d'autres objectifs. Pourtant, c'est précisément dans ces périodes que nous devons rechercher des hausses de productivité et y consacrer les fonds nécessaires pour avancer.

Les gouvernements jouent d'habitude un rôle beaucoup plus important qu'on ne le croit dans la promotion de la commercialisation de technologies locales. Aujourd'hui, beaucoup de gens ne sont pas au courant de la participation historique du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux à la mise en valeur des sables bitumineux. C'est une histoire que nous devrions tous connaître. Elle remonte déjà à quelques décennies, mais c'est quand même une importante leçon à retenir.

La nécessité d'un rôle public tient en partie à ce que les motivations privées et sociales de l'investissement dans la productivité peuvent diverger. Pour le gouvernement, une meilleure productivité canadienne renforce notre compétitivité internationale dans tout contexte de prix. C'est évidemment le problème que nous affrontons aujourd'hui.

Les entreprises énergétiques diversifiées à l'échelle mondiale ont de bonnes raisons de maximiser leurs marges d'exploitation en s'appuyant sur la technologie existante et de faire de nouveaux investissements là où le rendement marginal sera le plus élevé dans leurs activités mondiales. Dans le contexte de prix actuel, les décisions d'investissement des entreprises ne concordent pas forcément avec les intérêts du Canada et de ses provinces.

Nous abordons une phase où la contribution des idées à la production et à la richesse du pays augmente. Je suis fermement convaincue que nous devons trouver des moyens d'utiliser ces idées pour mieux soutenir la concurrence internationale grâce à un soutien plus énergique de la commercialisation.

C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui. J'attends avec intérêt les observations de John et vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

John Zhou, vice-président, Énergie propre, Alberta Innovates : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser au comité aujourd'hui pour vous présenter mon point de vue sur la façon dont l'innovation en Alberta favorisera la progression de notre pays vers une économie à faibles émissions de carbone.

Je voudrais aussi saluer ma collègue Leah, qui a fait du bon travail dans l'organisme fédéral qu'elle dirige.

Je m'appelle John Zhou. Je suis vice-président responsable de l'énergie propre chez Alberta Innovates. Alberta Innovates consacre ses efforts à l'accélération de la recherche et de l'innovation afin d'ajouter à la valeur sociale, environnementale et économique de l'Alberta. Nous avons pour mission de faire en sorte qu'Alberta Innovates devienne un chef de file reconnu dans l'utilisation de l'innovation comme catalyseur d'une économie résiliente et diversifiée, d'un environnement durable et d'une population plus saine. Notre travail profite non seulement à l'Alberta, mais à l'ensemble du pays.

Compte tenu du mandat de votre comité, mon exposé portera notamment sur le rôle de la mise en valeur des ressources énergétiques — et particulièrement le pétrole et le gaz — dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le secteur canadien du pétrole et du gaz contribue largement à l'économie canadienne. La demande mondiale de pétrole continuera à croître, et la demande de gaz naturel augmentera encore plus, comme en témoignent les perspectives énergétiques mondiales 2016 de l'Agence internationale de l'énergie. Le leadership canadien en matière de réduction des émissions dues à la production, au traitement et à la consommation de pétrole et de gaz profitera non seulement au Canada, mais au monde entier parce que la demande de pétrole et de gaz est encore en hausse.

L'innovation est la clé d'une transition réussie. Le secteur canadien du pétrole et du gaz fait actuellement une transition afin de demeurer compétitif aussi bien sur le plan des coûts que sur celui des émissions de carbone.

Travaillant de concert avec notre gouvernement et des partenaires du secteur privé, dont TDDC, nous avons constitué un portefeuille de technologies pour aider la province et le pays à atteindre leurs objectifs de développement économique et de leadership climatique. La figure de la page 2 présente quelques technologies que nous avons mises au point dans le domaine du pétrole et du gaz, et particulièrement des sables bitumineux, pour assurer l'évolution vers une économie à faibles émissions de carbone. Ces technologies comprennent la récupération avancée d'hydrocarbures, la transformation à valeur ajoutée, l'énergie propre, les technologies propres de pointe, la revalorisation des déchets, la conversion et l'utilisation du CO2 ainsi que le « bitume au-delà de la combustion », technologie que nous appelons simplement BBC.

Nous étudions toutes ces possibilités en fonction de leurs incidences économiques et de leur potentiel de réduction des émissions de GES. Je tiens à souligner que les chiffres que vous voyez dans la figure ne sont présentés qu'à des fins d'illustration, simplement pour vous donner une idée des ordres de grandeur.

Je vais passer en revue quelques exemples pour vous montrer de quelle façon ces programmes peuvent aider l'industrie à faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone tout en augmentant la valeur des ressources.

La première bulle de la figure, dans le coin supérieur droit, porte le titre « Récupération avancée des hydrocarbures ». Elle a la valeur économique la plus élevée, qui est estimée à 10 milliards de dollars. Elle a aussi le meilleur potentiel de réduction des émissions de GES. Nous parlons probablement de dizaines de mégatonnes par an.

Le secteur canadien des sables bitumineux a connu une croissance extraordinaire. Depuis 2005, la production totale a plus que doublé, ayant atteint 2,37 millions de barils par jour en 2015. Même si les émissions de GES ont diminué de 40 p. 100 entre 2005 et 2015, les émissions totales ont augmenté en valeur absolue.

Il y a d'autres problèmes. Le coût de production des sables bitumineux reste trop élevé pour être compétitif. Afin de réduire simultanément les coûts de production et les émissions de GES, nous avons besoin de technologies innovantes sensiblement supérieures aux technologies actuelles.

Le graphique de la page 3 montre le portefeuille de technologies que nous avons développées, appuyées ou envisagées. Je vais vous parler d'un groupe de technologies que Leah a mentionnées, comme le procédé SAGD — drainage par gravité à la vapeur — assisté par solvant et les technologies à base de solvants. Ces technologies promettent de réduire les émissions de GES de 40 à 80 p. 100 par rapport au procédé SAGD actuellement utilisé.

De plus, ces procédés recourent moins ou pas du tout à la vapeur et pourraient donc réduire sensiblement les coûts totaux de production et l'utilisation de l'eau, surtout dans l'installation de surface servant au traitement de l'eau et à la production de vapeur. Ainsi, l'innovation dans ce domaine est essentielle pour assurer la compétitivité du secteur des sables bitumineux aussi bien sur le plan des coûts que sur celui des émissions de carbone. Je crois qu'il y a maintenant un certain nombre de technologies qui en sont à un stade très proche de la commercialisation, mais il reste encore de les mettre à l'épreuve.

La deuxième possibilité dont je veux parler est le traitement à valeur ajoutée, qui pourrait valoir 10 milliards de dollars.

Plus de 60 p. 100 du bitume de l'Alberta est expédié sous forme de bitume dilué et vendu au rabais aux raffineries des États-Unis. La différence de prix entre les huiles lourdes et les huiles légères peut atteindre 20 $ par baril, ce qui augmente d'autant les bénéfices des raffineurs. Le diluant coûte 10 $ par baril, une bonne partie de ce coût étant irrécupérable, sans parler de la diminution de capacité de l'oléoduc occasionnée par la présence du diluant.

Pour les 40 p. 100 de bitume qui sont convertis en brut synthétique, le coût de production est élevé, de même que les émissions de GES au cours du cycle de vie.

Alberta Innovates et Ressources naturelles Canada appuient l'industrie en mettant au point un certain nombre de technologies de valorisation partielle du bitume. Plusieurs technologies sont à l'étape du projet pilote ou de la démonstration sur le terrain. D'après une récente étude de la faculté de politique publique de l'Université de Calgary, une production de 100 000 barils par jour de bitume partiellement valorisé peut générer des revenus de travail de 3,5 milliards de dollars, une contribution de 13,37 milliards au PIB ainsi que des recettes fédérales de 2,77 milliards et des recettes provinciales de 1,85 milliard sur 20 ans. La valorisation partielle du bitume peut aussi assurer des réductions pouvant atteindre 20 p. 100 des émissions de GES durant le cycle de vie allant du puits au réservoir.

Je voudrais enfin vous présenter un tout nouveau concept lié aux sables bitumineux et surtout à l'industrie du bitume. Il s'agit du « bitume au-delà de la combustion », communément désigné par le sigle BBC. C'est un nouveau concept et une stratégie à long terme pour les sables bitumineux canadiens. Beaucoup croient que le pétrole atteindra son point culminant au milieu de ce siècle ou même avant. À ce moment, le bitume comme combustible aura à affronter des difficultés encore plus importantes qu'aujourd'hui. Dans le cadre du concept BBC, l'industrie s'efforce de mettre au point des technologies novatrices pouvant transformer le bitume en matériaux à valeur ajoutée. Le concept BBC vise à tirer parti des grandes molécules du bitume. L'hydrogène qu'il contient peut fournir l'énergie nécessaire à la conversion à valeur ajoutée, qui ne produirait donc aucune émission. Le concept peut également avoir d'importantes incidences économiques.

Nous avons actuellement deux programmes qui n'en sont encore qu'aux tout premiers stades. Nous collaborons avec trois sociétés de sables bitumineux, de concert avec le Centre Bowman en Ontario.

Alberta Innovates croit que la collaboration est source d'innovation et qu'elle jouera un rôle clé dans l'édification d'une industrie de ressources durable au sein d'une économie à faibles émissions de carbone. Nous tenons donc à mentionner d'importants partenariats avec Emissions Reduction Alberta, Ressources naturelles Canada, Technologies du développement durable Canada ainsi qu'avec différentes universités et entrepreneurs du pays.

La transition vers une économie à faibles émissions de carbone est un défi national qui exige un effort national. L'édification d'un secteur d'énergie propre à faibles émissions fait partie de cet effort de collaboration national.

Nous avons récemment commencé à appuyer un projet de « supergrappe » que l'industrie présente au ministère fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Pour atteindre les cibles d'émissions de GES d'une manière durable, abordable, efficace, équitable et réalisable, Alberta Innovates a un certain nombre de recommandations à formuler.

Premièrement, il faudrait reconnaître que le secteur du pétrole et du gaz constitue une solution pour bâtir une économie à faibles émissions de carbone. Le Canada ne peut ni abandonner sa plus grande industrie d'exportation ni atteindre ses cibles d'émissions de GES sans transformer ce secteur. L'industrie est disposée à faire sa part. Elle a investi massivement dans l'innovation, comme en témoigne une récente étude du Conseil fédéral des sciences, de la technologie et de l'innovation. Assurer la croissance de l'industrie tout en imposant un plafond d'émissions est non seulement possible, mais essentiel.

Deuxièmement, il faudrait soutenir une innovation ciblée et investir dans les domaines où on peut s'attendre aux plus grands effets à court, à moyen et à long terme. À court terme, le gouvernement du Canada devrait soutenir les projets de l'industrie visant la démonstration et le déploiement de nouvelles technologies, la réduction des émissions de GES et le renforcement de sa compétitivité. Des organismes tels que TDDC peuvent jouer un rôle clé à cet égard. À moyen et long terme, le gouvernement du Canada devrait favoriser le développement d'innovations transformationnelles telles que le concept BBC.

Le gouvernement du Canada devrait continuer à encourager la collaboration entre les organismes gouvernementaux, les universités et les entreprises privées ainsi que parmi les intervenants de l'industrie. Il devrait soutenir la collaboration en cours entre Ressources naturelles Canada et Alberta Innovates, et en particulier leurs programmes nationaux de valorisation partielle du bitume, d'extraction non aqueuse et de résidus de sables bitumineux.

Les droits de propriété intellectuelle ont constitué un obstacle majeur à l'innovation dans les universités, les laboratoires fédéraux et provinciaux et l'industrie. Le gouvernement du Canada devrait, dans le cadre de toutes ses grandes contributions financières, imposer le partage de la propriété intellectuelle au Canada.

Cela met fin à mon exposé. Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs.

Le président : Je vous remercie pour vos exposés.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous les deux de votre présence au comité avec nous ce matin. Le sujet est évidemment très important, surtout pour des experts du domaine comme vous. J'ai beaucoup de questions à poser, mais je me limiterai à quelques-unes pour commencer, afin de laisser du temps à mes collègues.

Madame Lawrence, vous avez un graphique qui montre les émissions de GES pour une série de bruts de référence. Comme vous l'avez mentionné, il est difficile à lire parce qu'il est tellement petit.

Au cours de notre récent voyage dans l'Ouest, on nous a dit que nous avons déjà, grâce aux nouvelles technologies, de grands projets d'exploitation de sables bitumineux dont les émissions de GES par baril sont comparables à la moyenne américaine. Je vois que le brut moyen américain, comme notre pétrole extracôtier, est relativement peu polluant, mais est-il exact de dire cela? J'aimerais bien le croire parce que ce serait une très bonne nouvelle de pouvoir affirmer que les nouveaux projets d'exploitation de sables bitumineux ne produiront pas plus de GES que la moyenne américaine par baril de pétrole consommé. Est-ce exact? Je ne peux pas le voir.

Mme Lawrence : Oui, je dirais que cela pourrait être exact.

Le sénateur Massicotte : Cela me réconforte beaucoup.

Mme Lawrence : Oui, moi aussi.

Ainsi, ce que vous avez dit serait exact avec la technologie Nsolv que j'ai mentionnée aujourd'hui, si cette technologie était désormais adoptée et déployée partout. Toutefois, la technologie Nsolv n'en est qu'au stade de la démonstration précommerciale. La société a encore des difficultés à trouver des capitaux lui permettant de déployer une installation commerciale complète afin de montrer à tous les producteurs de pétrole et de gaz que la technologie peut donner les résultats attendus.

Je crois donc que la réponse à votre question, c'est oui : les technologies actuelles que nous pourrions déployer ont le potentiel nécessaire, mais elles ne sont pas encore déployées en masse.

Le sénateur Massicotte : Cela fait beaucoup de réserves. Il y a actuellement de grands projets qui produisent beaucoup de pétrole, et ce n'est pas à titre expérimental. Je suppose que leurs émissions de GES ne sont pas égales à la moyenne américaine. Autrement dit, si je réalisais un nouveau projet aujourd'hui pour l'exploitation in situ...

M. Zhou : Oui, Kearl est le projet minier d'Imperial Oil. Le bitume expédié est dilué. Ses émissions sont équivalentes à celles de la moyenne des importations américaines.

Le sénateur Massicotte : Pouvons-nous dire que tout nouveau projet qui serait réalisé, tout nouvel investissement qui serait fait correspondrait à la moyenne américaine? Les nouveaux projets utiliseraient évidemment les technologies les plus récentes et ne seraient donc pas plus polluants que la moyenne américaine. Peut-on vraiment l'affirmer?

M. Zhou : Probablement, à certaines conditions.

Mme Lawrence : Je voudrais préciser que Kearl est un projet minier. Près de 20 p. 100 des sables bitumineux de l'Alberta sont produits dans des mines à ciel ouvert. Par conséquent, votre observation est exacte, comme John l'a dit, en ce qui concerne l'exploitation minière.

Par ailleurs, 80 p. 100 des ressources en bitume de l'Alberta sont exploitées in situ. C'est dans ce cas qu'on pourrait appliquer la technologie Nsolv que j'ai mentionnée. La technologie actuellement utilisée se base encore sur le drainage par gravité assisté à la vapeur, qui constitue la référence actuelle. Cette technologie n'est pas équivalente à la moyenne américaine du point de vue des émissions de GES par baril. Nous aurions besoin d'une nouvelle technologie pour parvenir à cette équivalence.

Le sénateur Massicotte : Ce serait d'un grand réconfort pour la plupart des Canadiens ainsi que pour les citoyens du monde si nous pouvions affirmer qu'il y a équivalence. Mais, d'après ce que je viens d'entendre, nous ne pouvons pas dire cela des nouveaux projets.

Mme Lawrence : Si nous commencions à déployer des technologies qui, pour le moment, n'en sont qu'à l'étape de la démonstration précommerciale, la réponse serait oui, mais nous n'en sommes pas encore à l'étape du déploiement.

Le sénateur Massicotte : Il n'est pas rassurant d'entendre cette condition. Nous pouvons organiser toutes sortes de choses dans le monde, sans jamais réussir à atteindre l'objectif. Mais je vous remercie de ces renseignements.

Vous avez tous les deux formulé d'importantes recommandations. Vous proposez différentes choses pour remédier à la faiblesse de notre commercialisation et de notre motivation. Vous prêchez des convertis. Nous aimons beaucoup entendre de telles recommandations. Nous sommes très heureux d'apprendre que nous nous acheminons vers des solutions. Toutefois, votre véritable auditoire, c'est le secteur du pétrole et du gaz. Le gouvernement peut favoriser une expansion des travaux de R-D, mais ce sont les intervenants de l'industrie pétrolière qui peuvent vraiment comprendre ce que vous avez essayé de nous expliquer et qui peuvent aussi avancer les fonds nécessaires.

Que disent-ils lorsque vous leur montrez ces découvertes? Si c'est tellement facile à réaliser, pourquoi ne le font-ils pas? Quel est le problème?

Mme Lawrence : Pour répondre à votre question, je dirais que ce n'est pas facile. Voilà pourquoi nous voyons un temps d'adoption de 31 ans sur la diapositive que je vous ai montrée.

Il y a quelques années, Jeffrey Immelt avait bien décrit la situation au cours d'une conférence à laquelle j'ai assisté. Il a dit que si les sociétés d'énergie ne développent pas elles-mêmes une technologie, elles préfèrent attendre la deuxième génération avant de l'adopter. Autrement dit, elles veulent que quelqu'un d'autre prouve que la technologie marche bien avant de l'adopter elles-mêmes.

C'est encore l'histoire de l'œuf et de la poule dans le cas des petites et moyennes entreprises avec lesquelles je travaille. Supposons qu'elles aillent voir une grande société et disent : « J'ai cette idée que j'ai financée jusqu'au stade qui précède directement l'adoption générale. Il y a donc encore un certain risque technologique. » Bien souvent, la réponse qu'elles reçoivent est la suivante : « Revenez nous voir quand vous aurez réglé ce problème. »

Ce que dit Jeffrey Immelt en parlant de l'adoption des technologies de deuxième génération, c'est que les grandes sociétés attendent que les petites et moyennes entreprises prennent tous les risques — ce qui aboutit souvent à des échecs — avant d'adopter les idées. Nous avons besoin d'un pont qui encourage les grandes sociétés à essayer les technologies des petites et moyennes entreprises.

La sénatrice Seidman : Nous avons beaucoup avancé dans la direction des questions que j'avais à vous poser tous les deux. Vous nous avez présenté des exposés qui sont intellectuellement très stimulants. Je ne fais que confirmer le point de vue de mon collègue qui vous a dit combien nous aimons entendre parler des innovations réalisées au Canada et du fait que le Canada pourrait être un chef de file, mais ne l'est pas.

Madame Lawrence, vous avez dit au début de votre exposé que nous traînons de l'arrière par rapport à nos pairs. Où se situe notre avantage? Nous sommes de bons inventeurs, mais cela ne se traduit pas toujours par la délivrance d'un brevet. Je crois que votre étude est particulièrement intéressante parce qu'elle met en évidence l'origine du problème. Vous avez ensuite dit qu'il faudra aller au fond des choses et déterminer les raisons pour lesquelles nos politiques et nos approches actuelles n'assurent pas encore la transition entre les bonnes idées, les publications, les brevets et la commercialisation à l'échelle mondiale. Je reprends vos paroles pour essayer de mieux comprendre la situation.

Je voudrais d'abord dire que j'ai trouvé choquant votre graphique de la page 6 qui montre le retard que prend l'industrie du pétrole et du gaz pour ce qui est de l'adoption des nouvelles technologies. Je vois qu'en médecine, par exemple, il ne faut que 12 ans. Il y a en médecine beaucoup d'innovations et beaucoup d'investissements. Dans le cas de l'industrie du pétrole et du gaz, il faut attendre 31 ans, soit presque trois fois plus. Je trouve vraiment que c'est choquant.

J'aimerais savoir quelle proportion de leur budget les grandes sociétés du secteur du pétrole et du gaz affectent à la recherche sur les technologies innovatrices.

Mme Lawrence : Je vais commencer par la racine du problème. J'ai pris possession de mes fonctions de présidente de TDDC il y a près de 18 mois. Par conséquent, mes observations se basent surtout sur mes 10 ans de travail dans le secteur privé. J'essayais alors de vendre ces technologies aux sociétés pétrolières et gazières.

Le gouvernement du Canada — et c'est tout à son honneur — a commencé à beaucoup parler de résultats ces derniers mois.

La première chose que j'ai notée en arrivant à TDDC, c'est qu'on se souciait énormément des intrants : combien de dollars avons-nous reçus, combien d'autres avons-nous réussi à obtenir d'autres sources, les travaux de technologies suivent-ils l'échéancier prévu? Toutefois, pour en arriver à l'adoption d'une technologie, nous devrions nous soucier aussi des résultats. Avons-nous réussi à convaincre 60 sociétés d'embarquer? Avons-nous atteint le niveau américain de GES par baril? Progressons-nous vers cet objectif?

Par conséquent, ce que j'ai remarqué au sujet de TDDC — mais cela s'applique aussi à l'ensemble des politiques publiques que nous avons —, c'est que nous avons mis en place beaucoup de programmes axés sur le démarrage, sur ce que nous appelons la recherche-développement et sur la démonstration précommerciale. Ensuite, une fois qu'une société a atteint ce stade, nous avions l'air de croire que tout le monde se précipiterait pour acheter la technologie en cause. En réalité, ce n'est pas ce qui se passe dans le secteur privé et, en particulier dans l'industrie du pétrole et du gaz. Ce qui arrive, c'est que le secteur privé demande : « Avez-vous déployé 15 000 unités? » Beaucoup d'entre vous savent que cela est vrai en fonction de leur propre expérience. « Avez-vous essayé ce procédé pendant plus de 80 000 heures? Avez-vous 10 clients qui peuvent me dire que cela peut se faire en toute sécurité? Avez-vous réalisé X, Y et Z? »

En toute franchise, les PME avec lesquelles nous travaillons n'ont pas tout cela. Elles ont simplement une bonne idée qu'elles ont essayé de mettre en application en allant chercher un peu d'argent chez des amis, des membres de la famille ou quelque visionnaire. Elles ont peut-être réussi à obtenir un peu de capital risque aux premiers stades, mais elles n'ont pas pu persuader une grande banque de leur avancer suffisamment de fonds pour qu'elles puissent faire des ventes auprès d'une grande multinationale ou même d'une grande entreprise canadienne indépendante. Il y a là un grand écart qui m'inquiète vraiment, à titre de présidente de TDDC, parce que j'essaie d'aider cette grande cohorte de brillants entrepreneurs venant de tous les coins du pays. Ensuite, nous leur disons : « Vous pouvez maintenant voler de vos propres ailes. Allez-y, vous êtes libres. » Mais il n'y a pas de filet de sécurité pour les retenir s'ils s'écrasent. Les politiques publiques que nous avons étaient conçues pour aider des entreprises à démarrer, mais pas pour se développer ou entreprendre une commercialisation rapide.

D'après ce que j'ai pu voir, nous en avons eu quelques-unes dans le passé. Il y en a peut-être d'autres qui connaissent ce domaine mieux que moi, mais Ressources naturelles Canada a eu une Initiative écoÉNERGIE sur l'innovation et TDDC a eu le Fonds de biocarburants ProGen, il y a quelques années. Ces programmes visaient efficacement une première démonstration commerciale destinée à amener les entreprises au stade de la commercialisation. Ils comprenaient des éléments que ne couvre pas la démonstration précommerciale.

Nous avons jeté quelques ponts dans le passé, mais les efforts déployés étaient sporadiques et les démarches à faire étaient compliquées. Dans le domaine des technologies propres, et particulièrement des technologies énergétiques propres, les projets qui atteignent ce stade ont d'énormes besoins en capital et doivent encore affronter certains risques pouvant les mener à l'échec. C'est un espace plein d'embûches dans le cadre des investissements publics-privés parce qu'on ne sait pas si on parviendra aux résultats attendus. Comme nous l'avons vu aux États-Unis, les échecs dans ce domaine font la manchette des journaux.

Au Canada, nous devons essayer de trouver des idées pour franchir l'espace qui suit la démonstration précommerciale parce que les sociétés et les technologies ne sont pas encore prêtes pour une adoption de masse. Comment pouvons-nous affronter avec sérénité le fait que certains projets marcheront bien ou même extraordinairement bien et que certains autres ne marcheront pas du tout?

Le vice-président du comité a posé une question au sujet des technologies. Il y en a probablement 15 ou 20 qui pourraient nous amener à une exploitation in situ dont les émissions de GES seraient comparables à celles des États- Unis. Seules deux de ces technologies réussiront, mais nous devons en financer 15 pour être sûrs d'aboutir à la moyenne américaine. C'est l'un des grands défis à affronter.

La sénatrice Seidman : Vous dites que les politiques établies ne nous conduisent pas adéquatement à l'étape suivante. De quel genre de politiques avons-nous besoin pour franchir ce fossé?

Mme Lawrence : Le Canada devrait chercher à établir un fonds public de commercialisation rapide — qui n'existe pas aujourd'hui — sur le modèle de ceux des ministères américains de l'Agriculture ou de l'Environnement. Ces organismes n'offrent pas de subventions comme nous le faisons. Ordinairement, ils procèdent à la titrisation des prêts. Ils réfléchissent très soigneusement au risque à affronter dans le cas des sociétés de technologie qui sont à la recherche d'importants capitaux et se montrent prudents dans leur façon de combler l'écart.

Nous avons eu récemment une excellente conversation au cours de laquelle nous avons parlé d'approvisionnement tant public que privé. Une petite société a dit : « Nous sommes très heureux quand nous obtenons une subvention de TDDC, mais nous ne pouvons nous en servir qu'une seule fois lorsque nous allons chercher du financement privé. Par contre, si nous décrochons un contrat d'approvisionnement nous permettant de vendre 10 000 unités ou de mettre en application notre procédé, ou encore si nous décrochons un contrat dans lequel le gouvernement nous garantit de nous livrer des déchets pendant un certain nombre d'années et que nous avons couvert nos intrants, nous pouvons multiplier les fonds lorsque nous nous adressons à la communauté financière, peut-être de 10 fois. »

Ce sont les outils de ce genre que nous devons examiner de près. Je n'ai pas une solution parfaite à vous offrir aujourd'hui, mais il serait utile de se renseigner à fond sur ce domaine.

La sénatrice Ringuette : Tout d'abord, j'estime que la commercialisation de l'innovation reste à peu près la même dans tous les secteurs du Canada. J'ai l'impression que nous sommes trop timides et pas assez aventureux. Comme pays, nous n'avons pas réussi — indépendamment des fonds — à offrir un niveau suffisant d'expertise pour encourager ces PME à avancer avec confiance dans la direction qui leur convient.

En ce qui concerne le secteur du pétrole et du gaz et toutes les questions que vous avez évoquées, comme le manque d'investissements dans l'innovation et tout le reste, quelle proportion du problème est attribuable au fait que les grandes sociétés pétrolières forment en quelque sorte un seul et même groupe? Pour tous les autres secteurs de la planète, on retrouve le même groupe qui investit dans le pétrole et le gaz. Est-ce que les membres de ce groupe investissent davantage dans d'autres régions productrices du monde qu'ils ne le font au Canada? Le problème est étendu. Avant de formuler des recommandations, nous devons bien comprendre non seulement ce qui se passe au Canada, mais aussi ce que font ces mêmes grandes sociétés ailleurs dans le monde.

Mme Lawrence : Je crois, sénatrice, que c'est une excellente question. Au Canada, nous avons dans ce secteur un écosystème d'un grand intérêt parce que nous avons, d'une part, un groupe pleinement opérationnel de PME et de sociétés de taille moyenne et, de l'autre, les sociétés canadiennes indépendantes et les multinationales. Je pense que votre question concerne surtout les multinationales.

Avant d'accepter mon emploi actuel, je m'occupais de gaz naturel en général et de GNL en particulier. À l'échelle mondiale, vous avez raison. Il y a un groupe de grandes sociétés qui cherchent à n'importe quel moment à maximiser leurs bénéfices partout dans le monde. Le GNL est un excellent exemple parce qu'une dizaine de sociétés contrôlent près de 60 p. 100 de l'approvisionnement mondial. Elles peuvent donc examiner la situation dans tous les coins de la planète pour déterminer l'endroit où, à un moment donné, leurs investissements rapporteront le plus et leurs bénéfices seront les plus élevés.

C'est une situation difficile. Ces sociétés dépensent beaucoup d'argent là où il y a des actifs hautement producteurs. Cela conditionne leur rôle dans le domaine des technologies propres. Elles investiront ou non dans les technologies propres du Canada selon la marge bénéficiaire qu'elles peuvent réaliser dans une ressource particulière à un moment donné.

John y a fait allusion. Les grands changements qui se sont produits dans le monde par suite de l'exploitation du gaz et de l'huile de schiste ont fait que ces sociétés ont concentré tous leurs capitaux sur ces technologies de production qui ne sont pas propres pour des raisons liées aux coûts.

Votre question fait le lien avec l'un des points que j'ai mentionnés à la fin de mon exposé, à savoir que la politique publique fédérale et provinciale s'écarte évidemment des intérêts et des motivations axées sur le profit des multinationales. Dans le contexte mondial des prix qui existe actuellement, nous savons que ces sociétés iront investir ailleurs, c'est-à-dire à l'endroit où elles pourront réaliser les plus gros bénéfices. Il nous appartient de décider si nous voulons intervenir dans ce cycle baissier pour travailler ensemble sur les technologies qui, de l'avis de John, peuvent révolutionner notre secteur en baissant considérablement ses émissions et en ouvrant peut-être de nouveaux marchés.

C'est un contexte élargi. Nous devons soutenir la concurrence à la marge dans un marché mondial. Il est difficile d'y penser, mais nous devons réfléchir à ce qu'il convient de faire de ce point de vue.

Le sénateur Lang : J'ai trouvé les exposés très intéressants. J'ai une question à poser au sujet du financement. Bien sûr, tout semble se ramener à l'argent en fin de compte. Avons-nous, oui ou non, les moyens de payer?

Dites-moi si j'ai tort, mais j'ai cru comprendre qu'au moins en Alberta, toutes les sociétés ont décidé ensemble de partager l'information, la recherche et l'innovation pour que toutes puissent en tirer parti. Je crois savoir en outre qu'elles disposent de beaucoup d'argent pour ce genre de recherche et d'innovation. Quels effets cela a-t-il sur ce que vous faites?

M. Zhou : Vous parlez probablement de COSIA, l'Alliance pour l'innovation dans l'exploitation des sables bitumineux. Elle regroupe 13 sociétés de ce secteur qui partagent la propriété intellectuelle et les connaissances. Nous collaborons très étroitement avec ce groupe. Il y a quelques mois, ses travaux se limitaient aux questions environnementales : GES, biodiversité, eau. Il ne s'occupait pas des opérations de subsurface. Cette restriction vient cependant d'être levée, de sorte que le groupe peut maintenant travailler sur tous les aspects de la production.

Pour ce qui est du financement, le groupe dispose d'un certain budget pour les projets communs, mais les financements importants — on parle alors de projets conjoints de l'industrie — relèvent toujours de sociétés particulières qui collaborent avec les entreprises membres de l'alliance. Nous estimons, pour notre part, qu'il y a d'importantes lacunes au niveau de la politique et de la disponibilité de fonds pour de grandes démonstrations sur le terrain ainsi que pour le partage des connaissances parmi les sociétés membres.

Le sénateur Lang : Pouvez-vous nous donner une idée des sommes qui sont consacrées chaque année à ces travaux?

M. Zhou : Depuis la création du groupe, les sociétés ont dépensé une somme pouvant atteindre 1 milliard de dollars pour les projets communs. La plus grande partie des travaux est faite par des sociétés particulières, mais l'information est ensuite partagée. Pour ce qui est de la COSIA elle-même, ses investissements ont probablement été assez modestes. Je dirais qu'ils sont inférieurs à 100 millions de dollars.

Toutefois, pour la démonstration sur le terrain, il faut sans doute compter entre 300 et 500 millions de dollars pour une démonstration à grande échelle de récupération in situ. Une initiative est actuellement en cours. Pour ce qui est de la valorisation partielle du bitume, les investissements sont probablement de l'ordre de 200 millions de dollars.

Le sénateur Lang : Est-ce que ces 200 millions de dollars sont consacrés à des travaux matériels sur le terrain destinés à mettre à niveau une usine existante pour qu'elle puisse atteindre certains objectifs?

M. Zhou : Non. L'argent servirait à construire une toute nouvelle usine. J'ai parlé de 3 000 barils par jour qui assurent, comme je l'ai dit, une valeur ajoutée d'environ 15 $ par baril de bitume.

Le sénateur Lang : J'aimerais avoir une meilleure idée de l'orientation prise. D'un côté, nous parlons d'intrants que vous pouvez identifier. De l'autre, vous avez mentionné les résultats concrets auxquels ont abouti de très bons travaux de recherche et d'innovation. Si j'ai bien compris, vous me dites que nous sommes en train d'aller de l'avant avec un investissement nécessitant de très importants capitaux afin de prouver que les résultats de ces travaux sont conformes à ce qui a été prévu et sont rentables. C'est l'autre aspect : il faut que ce soit rentable.

M. Zhou : Oui.

Le sénateur Lang : Est-ce bien ce que vous m'avez dit?

M. Zhou : Oui, mais permettez-moi de reculer d'un pas. Les sables bitumineux et le bitume constituent du pétrole technologique. Il y a 20 ou 30 ans, cette ressource était là, mais elle était inexploitable. C'est en fait la technologie qui nous a permis de produire un bitume ayant une valeur marchande.

L'innovation se poursuit du côté de l'exploitation in situ. Pour ma part, je sais que la technologie est actuellement à l'essai sur le terrain et que, dans trois à cinq ans — pour répondre à la question du vice-président du comité —, nous aboutirons à un résultat. J'en suis personnellement convaincu. Pour ce qui est de la valorisation partielle, l'important investissement nécessaire pour faire la démonstration de la technologie donnera plus de valeur à notre bitume.

Le sénateur Lang : La question d'une taxe canadienne sur le carbone a beaucoup retenu l'attention. C'est une préoccupation majeure pour le comité. Si cette taxe est appliquée, de quelle façon le sera-t-elle et quelles en seront les conséquences?

Je vais demander à Mme Lawrence si elle veut bien répondre à cette question. Du point de vue de la politique, ne serait-il pas beaucoup plus rationnel que l'Alberta et le gouvernement du Canada élaborent une politique qui inciterait directement l'industrie à faire l'important investissement nécessaire pour réduire les émissions de GES plutôt que d'établir une politique nationale imposant une taxe sur le carbone? L'argent serait alors gobé par le gouvernement du Canada, et personne ne saurait à quoi il aura servi. Il irait peut-être financer l'accord sur la santé ou un autre domaine de responsabilité fédérale n'ayant rien à voir avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Mme Lawrence : Mon rôle consiste à mettre en œuvre les programmes qu'on m'a demandé de réaliser. Je n'ai pas à exprimer des préférences au sujet de la politique. J'aimerais parler du financement, après quoi je reviendrai à votre question.

Prenons le cas d'un projet dans lequel vous voudriez investir.

Le sénateur Lang : Disons qu'il s'agit d'une installation existante et que j'ai déjà dépensé 2 milliards de dollars.

Mme Lawrence : L'innovation se produit de deux façons différentes. Il y a d'une part l'innovation interne réalisée dans une grande société et, de l'autre, les idées avancées par de petites et moyennes entreprises, qui pourraient aboutir rapidement à des résultats concrets. On le voit dans le cas de Tesla et d'autres grands constructeurs automobiles qui cherchent à s'établir sur le marché des véhicules électriques. Pour moi, nous avons besoin des deux. Nous devons donc songer à des politiques publiques pouvant favoriser les deux types d'innovation. Je crois en effet qu'il y a entre les deux une certaine synergie qui peut nous mener à des réalisations que nous n'aurions même pas imaginées si la politique publique ne favorisait qu'un seul des deux types d'innovation.

Le deuxième point, c'est que le capital dont nous avons besoin pour la transformation du pétrole et du gaz est très important. Pour une société comme Nsolv, qui s'est adressée à nous, une simple démonstration précommerciale a coûté entre 20 et 50 millions de dollars pour une seule application. Pour passer à l'étape suivante de démonstration à une plus grande échelle, il faudrait probablement compter deux ou trois fois plus. Encore une fois, il ne s'agit que d'une seule application et d'une seule installation commerciale qui pourrait ne pas marcher. Nous parlons donc de moyens de financement et de montants très importants.

Il n'y a pas de politique pouvant convenir dans tous les cas. Nous avons besoin de toute une série de politiques. Je ne saurais pas dire si elles devraient comprendre une taxe sur le carbone ou d'autres incitatifs. C'est le défi que vous autres, décideurs, devez relever : comment faire pour être sûrs d'aller dans la bonne direction et pour stimuler non seulement les grandes sociétés, mais les autres qui peuvent aussi avoir de bonnes idées, et leur permettre de disposer de l'espace nécessaire pour aller de l'avant?

Le sénateur MacDonald : J'ai quelques questions à poser au sujet des répercussions des élections américaines. Le nouveau gouvernement des États-Unis semble être favorable à la réalisation de l'oléoduc Keystone XL, que la majorité des Canadiens appuient, je crois. Quels effets cela aura-t-il sur l'investissement et la mise en valeur dans le secteur pétrolier de l'Ouest? À quels projets a-t-il fallu renoncer parce qu'il n'était pas possible d'expédier le produit à destination des marchés?

M. Zhou : L'accès aux marchés est évidemment très important. Il y a deux façons de l'envisager. À l'heure actuelle, toutes nos exportations sont destinées à un seul pays. Personnellement, je ne crois pas que ce soit là une bonne stratégie pour le Canada ou pour l'industrie. L'accès à des ports de mer est probablement plus important, à mon avis. Il n'y a pas de doute que le nouvel oléoduc à destination des États-Unis nous aidera, mais ses effets ne seront pas aussi importants que l'accès à des ports de mer. Je répète que mon expertise se limite aux aspects techniques.

Le sénateur MacDonald : Madame Lawrence, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Lawrence : Je dois admettre que je ne connais pas les chiffres. Pour le moment, je ne suis pas au courant des volumes, des hausses, et cetera, mais je peux toujours me renseigner et vous transmettre l'information plus tard.

Le sénateur MacDonald : J'aimerais savoir ce que vous pensez des taxes sur le carbone. J'ai déjà dit d'une façon assez catégorique que je m'y oppose. Je crois qu'elles freineraient l'économie, le développement et l'emploi, mais je me rends compte qu'il faut réagir à ces choses d'une façon ou d'une autre. La plus grande partie de l'énergie produite dans le pays vient des provinces et est assujettie à la réglementation provinciale. Pour moi, une taxe sur le carbone, c'est un peu — j'ai déjà utilisé cette analogie auparavant — comme si le gouvernement fédéral disait aux Canadiens qu'il allait distribuer à chacun une paire de chaussures, qu'il paierait lui-même, mais que tout le monde recevrait des chaussures de taille 9. Alors, bonne chance! Je crois donc que c'est un problème. Si vous pensez à une province comme la Nouvelle- Écosse, qui brûle beaucoup de charbon, comme l'Alberta ou encore à des endroits tels que le Québec, la Colombie- Britannique ou le Manitoba qui utilisent beaucoup d'hydroélectricité, chaque province a des critères différents à appliquer pour gérer le problème.

Croyez-vous qu'une taxe sur le carbone soit efficace? Croyez-vous qu'elle constitue la solution dont nous avons besoin, ou bien imposerait-elle des cibles arbitraires et artificielles? Si, de toute façon, nous ne pouvons pas atteindre ces cibles, est-ce que la taxe ne fera pas plus de mal que de bien?

Mme Lawrence : Je dirai d'abord que je suis bien d'accord avec vous que les provinces jouent un rôle clé dans toute politique publique que nous aurions dans ce domaine. Je le dis pour plusieurs raisons. Je venais d'emménager à Ottawa lorsque l'Alberta a annoncé sa politique relative au changement climatique. Je l'ai trouvée réfléchie et bien conçue parce qu'elle tenait compte de tous les aspects, de la recherche d'emplois pour les travailleurs touchés jusqu'aux moyens de traiter avec les Premières Nations, évidemment sans oublier la réduction des émissions et les mécanismes qui seront utilisés au niveau réglementaire. Je ne connais pas aussi bien la Nouvelle-Écosse, mais je suis au courant des résultats de sa réglementation provinciale, qui est probablement l'une des meilleures du pays sur le plan des résultats.

Le sénateur MacDonald : Je crois en fait qu'elle est la meilleure du pays.

Mme Lawrence : Oui. Je ne suis pas experte dans ce domaine, mais je l'ai entendu dire. Je suis très fière de ce que la Nouvelle-Écosse a réalisé.

J'aimerais que nous en venions aux résultats, c'est-à-dire à la réduction des émissions. À mon arrivée à TDDC, l'une des premières choses que j'ai faites a consisté à établir des relations avec les provinces. À part notre collaboration avec Alberta Innovates, nous avons un partenariat avec l'organisme qui portait le nom de Climate Change Emissions Management Corp Alberta, mais qui est maintenant connu sous le sigle ERA. Je ne me souviens pas de ce que cet acronyme représente.

M. Zhou : C'est Emissions Reduction Alberta.

Mme Lawrence : Je vous remercie. L'objectif, dans ce cas, était de faire exactement ce dont vous avez parlé : déployer du capital conjoint fédéral et provincial afin d'accélérer la réalisation de certains projets. Nous nous sommes essentiellement occupés d'une seule application. Il y avait énormément de détails au niveau de l'exécution, mais il fallait atteindre l'objectif.

Pour ce qui est de la politique fédérale, je suis d'avis qu'Ottawa joue le rôle de filet de sécurité. Au niveau réglementaire ou fiscal, je crois qu'il y a différents avantages à cela. J'ai un point de vue personnel à ce sujet. Toutefois, à TDDC, le facteur qui me dérange ou qui m'empêche de dormir la nuit, c'est que l'innovation viendra des petites sociétés. Cela signifie que, sur le terrain, les responsables fédéraux et provinciaux devront se retrousser les manches pour éliminer les obstacles réglementaires au niveau le plus bas. À moins de le faire, toute politique générale que nous pourrions mettre en place ne nous permettra pas d'aboutir au résultat dont nous avons besoin. C'est peut-être une condition que nous considérons comme essentielle, mais elle n'est ni nécessaire ni suffisante pour nous donner les résultats qu'il nous faut au niveau provincial.

M. Zhou : Puis-je ajouter quelque chose? Je n'ai pas de commentaire à faire au sujet de la taxe sur le carbone, mais je crois que c'est une bonne idée de renforcer la compétitivité de l'industrie sur le plan du carbone. Les producteurs de pétrole et de gaz devraient réduire les émissions par baril ou par kilojoule de gaz naturel. La raison, c'est que si on pousse assez fort, on arrivera à réduire simultanément les émissions et les coûts. Le procédé au solvant constitue le meilleur exemple à cet égard. En réduisant l'utilisation de l'eau et de la vapeur, on peut faire baisser à la fois le coût et les émissions de GES.

La sénatrice Fraser : Cela ne fait pas longtemps que je suis membre du comité, de sorte que j'aborde un long apprentissage. J'ai été intriguée par votre description du concept de la valorisation partielle du bitume. J'ai donc quelques questions à poser. Tout d'abord, à quel point le système actuel doit-il être adapté pour que la valorisation partielle puisse se faire à une échelle intéressante? Par exemple, le bitume traité peut-il passer par les mêmes oléoducs, ou bien faut-il les adapter aussi? Le client, à l'autre bout de la ligne, a-t-il des dépenses à faire pour adapter sa raffinerie, ou bien suffit-il d'en fermer une partie et de fonctionner avec le reste?

Cela me mène à la seconde question : quel est l'intérêt pour le client? Vous dites que, pour chaque baril, nous transférons 20 $ de profits aux raffineurs. J'ai aussi cru vous entendre dire que nous pouvons en récupérer 15 $. Si j'étais le client et que je vous voyais essayer de vous approprier 15 $ de mon profit, je pourrais ne pas être très heureuse. Quel est donc l'avantage pour le client?

M. Zhou : C'est vraiment une très bonne question. Tout d'abord, en ce qui concerne la capacité, j'ai donné l'exemple basé sur 100 000 barils par jour. J'ajoute, pour votre gouverne, qu'il y a actuellement trois ou quatre technologies qui en sont au stade de la démonstration, avec des capacités allant de 5 à 3 000 barils par jour. Le changement d'échelle suivant nous portera à 100 000 barils par jour si nous avons deux installations en marche. C'est une question d'échelle.

Pour ce qui est de la valeur, il y a deux éléments. Le premier est lié au produit lui-même. Si on peut améliorer le produit, par exemple en expédiant le bitume sous une forme diluée, la raffinerie à l'autre bout aura plus de travail à faire pour raffiner le produit. Toutefois, si on peut faire un peu de traitement de ce côté-ci, on peut réduire le travail que doit faire la raffinerie et, du même coup, augmenter la capacité de l'oléoduc. À l'heure actuelle, si on l'expédie du bitume dilué, le produit pompé contient un tiers de diluant. Ce n'est donc pas entièrement du bitume qu'on expédie, ce qui revient à dire qu'on réduit la capacité de l'oléoduc. Or le bitume partiellement valorisé peut aller directement dans l'oléoduc, de sorte qu'aucun changement n'est nécessaire.

Sur le plan de la proposition de valeur, vous avez raison. Si nous n'avons qu'un seul client qui puisse accepter le bitume dilué ou le produit raffiné, nous sommes alors à sa merci. S'il n'aime pas notre produit, nous ne pouvons rien faire.

La sénatrice Fraser : Ou encore s'il veut garder lui-même le profit.

M. Zhou : C'est exact. Toutefois, nous envisageons actuellement tout ce qu'il y a au Canada, comme les raffineries de l'Ontario et de la côte Est. Nous examinons aussi le marché international pour voir si d'autres raffineries peuvent prendre ce produit partiellement valorisé.

En fin de compte, il y a encore un avantage pour la raffinerie américaine qui accepte du bitume partiellement valorisé. En considérant l'ensemble de la chaîne de valeurs actuelle, nous perdons 30 $ par baril. Si nous en récupérons 15 $, il en restera encore 15 $. Cela est-il sensé?

La sénatrice Fraser : Oui, de notre point de vue. Je ne suis toujours pas sûre que les clients seront heureux. Il me semble que la recherche de nouveaux clients serait peut-être plus indiquée, comme vous l'avez mentionné. C'est donc intéressant. Je vous remercie.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de vos témoignages.

Monsieur Zhou, vous avez parlé du portefeuille de technologies d'Alberta Innovates. Je m'intéresse à l'énergie propre parce que je viens d'une région où l'électricité est entièrement produite au diesel. Bien sûr, l'énergie propre aurait aussi des applications dans les sables bitumineux. Y a-t-il des développements intéressants dans le domaine des petits réacteurs nucléaires que vous avez mentionnés dans votre exposé?

M. Zhou : Oui. Nous examinons cette possibilité depuis un certain temps déjà. Il y a quelques années, la Petroleum Technology Alliance of Canada a envisagé cette option. Plus récemment, nous avons mené une étude sur les travaux du Pacific Northwest National Laboratory des États-Unis et sur la technologie entourant le petit réacteur modulaire SMR. Nous avons choisi quelques technologies que nous examinerons de plus près.

Une société canadienne, Terrestrial Energy, a l'une des technologies auxquelles nous nous intéressons. Nous avons récemment eu des entretiens avec les responsables de la société en vue d'une étude sur la faisabilité de l'utilisation du réacteur SMR dans les sables bitumineux.

C'est un cas un peu difficile, car, comme je l'ai indiqué, les sables bitumineux, surtout dans le cas de l'exploitation in situ, s'orientent maintenant vers les solvants. À l'avenir, la demande de vapeur pourrait ne pas beaucoup augmenter. De plus, la technologie nucléaire est coûteuse, ce qui constitue toujours un obstacle. Quoi qu'il en soit, nous examinons cette possibilité en ce moment.

Mme Lawrence : Sénateurs, je voudrais mentionner, avec votre permission, que Terrestrial Energy est l'une des sociétés dans lesquelles nous avons investi au cours de notre avant-dernière campagne, je crois, pour l'énergie propre et non pour les applications liées aux sables bitumineux. Si vous le souhaitez, je pourrais à un moment donné vous envoyer des renseignements sur cette entreprise.

Elle travaille justement dans le domaine auquel vous vous intéressez : comment déployer ce que nous appelons des réacteurs à sels fondus dans de petites collectivités ne disposant pas d'une infrastructure de lignes de transmission et d'autres matériels? Je n'ai pas vérifié la semaine dernière, mais la société était inscrite sur une liste restreinte du ministère américain de l'Énergie en vue de l'octroi possible d'un financement.

Les responsables de la société m'ont dit une chose intéressante. Ils croient que le Canada a un système réglementaire bien adapté à l'encouragement de l'innovation dans ce domaine. C'est l'une des raisons pour lesquelles la société travaille avec nous et organise au Canada ses premières démonstrations précommerciales.

Le sénateur Patterson : Je crois que TDDC a investi dans des travaux de recherche visant à créer de l'énergie à partir de chaleur résiduelle. Pouvez-vous me donner une idée rapide de ce que vous faites dans ce domaine?

Mme Lawrence : Je vais peut-être réserver ma réponse à plus tard. Nous avons plusieurs technologies dans notre portefeuille, mais je ne suis pas sûre de pouvoir vous dire exactement où nous en sommes sans faire quelques recherches.

Le sénateur Patterson : Je vais vous laisser ma carte. Je vous remercie.

Le sénateur Mockler : Je commencerai par dire que j'ai trouvé vos exposés très exacts. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a une question sur laquelle j'aimerais avoir votre avis. Il s'agit de l'approbation ou de l'acceptabilité sociale des projets.

Nous savons tous que beaucoup de choses dépendent de la région du Canada où on se trouve, du groupe qui s'oppose à un projet donné ou encore du groupe qui s'est distingué aux actualités du soir. Quoi qu'il en soit, l'opinion des gens exerce une influence — indûment peut-être, mais c'est une réalité — sur l'objectivité des mesures prises par notre gouvernement ou par d'autres intervenants. Pouvez-vous définir pour nous l'acceptabilité sociale et nous parler de la mesure dans laquelle elle influe sur l'innovation?

Mme Lawrence : Je pense que c'est une excellente question. Je commencerai par dire que l'acceptabilité sociale se manifeste dans bien des secteurs, et pas seulement celui-ci.

Je vais vous donner l'exemple — qui trahira mon âge — des technologies VHS et Betamax. Les gens avec qui je travaille tous les jours sont convaincus que la technologie est la seule chose qui compte et qu'elle sauvera le monde. Je leur en suis très reconnaissante. Toutefois, l'exemple VHS/Betamax nous montre bien sûr que ce n'est pas vrai. Il était vraiment notoire que la technologie Betamax était supérieure pour le visionnement des bandes magnétiques d'alors. Nous savons pourtant que ce n'est pas celle qui a été rapidement déployée. La technologie a maintenant évolué au point où les deux désignations sont maintenant inusitées.

On peut se demander pourquoi. L'acceptabilité sociale a-t-elle joué un rôle? Ce qui est arrivé révèle des tas de choses, par exemple sur la disponibilité, l'intérêt et la capacité d'adopter rapidement une technologie ou l'autre.

Si on pense à la technologie, on se rend compte qu'une bonne idée ne peut devenir une innovation que si les systèmes réglementaires l'appuient et que si les gens l'acceptent. Pour moi, l'acceptabilité sociale implique de montrer que les avantages globaux d'une technologie donnée, tant pour les décideurs du domaine réglementaire que pour l'ensemble de la société, sont assez importants pour que les gens veuillent adopter la nouvelle technologie et abandonner ou faire évoluer le statu quo.

Dans quelle mesure influe-t-elle sur les technologies? Je crois que c'est une très bonne question à laquelle les Canadiens devraient réfléchir beaucoup plus.

Il y a bien des années, j'ai demandé à quelqu'un qui avait beaucoup influencé l'investissement dans la recherche publique — il s'appelait Clem Bowman — s'il avait des regrets au sujet du succès extraordinaire de la mise en valeur des sables bitumineux, car il était président du Bureau de recherche et de technologie des sables bitumineux de l'Alberta. Comme je l'ai dit, cela se passait il y a bien des années. Quoi qu'il en soit, il avait alors dit que nous avions des fonds de recherche permettant de réfléchir à la façon d'améliorer la production, d'augmenter le rendement énergétique, et cetera, que nous avions un budget nous permettant de réfléchir aux problèmes environnementaux de l'heure, mais que nous étions tellement occupés à régler les problèmes économiques et techniques que nous n'avons peut-être pas consacré suffisamment de temps à l'autre élément étroitement lié à l'acceptabilité sociale.

Quelle influence peut exercer l'acceptabilité sociale? Je crois que c'est une influence dominante parce qu'il est nécessaire de former un certain consensus sur l'opportunité de continuer à utiliser les produits dérivés de ces technologies et de convenir que leurs avantages sont plus importants que les problèmes qu'ils occasionnent. En effet, toutes les technologies, et surtout les technologies énergétiques, ont des problèmes qu'il nous faut gérer lorsque nous les déployons. Il faut donc que la société soit convaincue que les avantages sont plus importants que les inconvénients.

Le sénateur Mockler : Monsieur Zhou, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Zhou : Je vais essayer. Je crois que l'acceptabilité sociale a, pour l'essentiel, des effets positifs, qu'on considère l'empreinte écologique, les émissions de GES ou l'utilisation de l'eau. En fait, les efforts déployés pour assurer l'acceptabilité sociale nous incitent à aller dans la bonne direction. De ce point de vue, je crois que sa réalisation peut être pénible au début, mais qu'à long terme, elle joue un rôle utile.

Il m'arrive cependant, à titre de spécialiste en technologie, de me sentir frustré à cause de ce que j'ai constaté au fil des ans en matière de désinformation et de politisation — ce n'est peut-être pas le bon mot — de la notion d'acceptabilité sociale. On entend dire que les sables bitumineux constituent une bombe à retardement et toutes sortes de choses du même genre et que les exploiter, c'est hâter la fin du monde. Ce n'est pas vrai. Nous savons quelles sont les émissions occasionnées par ce pétrole par rapport à d'autres. À l'heure actuelle, elles sont légèrement plus élevées, mais pas tellement. De plus, nous faisons de très grands efforts pour les réduire. Nous y arriverons. La technologie existe déjà pour ceux qui veulent l'adopter très tôt. Elle sera là pour tout le monde dans les cinq ans. Par exemple, la société MEG Energy, que Leah a mentionnée, a un rapport vapeur/pétrole — c'est une façon de mesurer l'apport d'énergie et les émissions de GES — de 2,2 par rapport à la moyenne de l'industrie qui se situe à 3,0. La société a un plan qui devrait réduire ce rapport à 1,5. Cela est réel. La technologie existe déjà.

Pour revenir à la question, je dirais que l'insistance sur l'acceptabilité sociale est une bonne chose, mais que la désinformation est frustrante.

Le sénateur Mockler : Que dites-vous alors du mécanisme mis en place par le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux — qui ont aussi un rôle à jouer, de même que les municipalités — selon l'endroit où on veut s'établir? Ce mécanisme est-il robuste? Est-il encore en cours de développement dans le cas des projets liés à l'énergie?

M. Zhou : Au niveau national, je ne le sais pas. Nous nous occupons surtout du niveau provincial. Notre organisme s'occupe essentiellement de ce qui se passe en Alberta.

Je dirais que tous les grands mécanismes sont déjà en place. Il y a cinq ou six ans, nous avons travaillé très fort sur la gestion des résidus. Nous avons eu quelques problèmes avant la mise en place du plan de gestion à la COSIA. Nous avons très considérablement réduit l'utilisation de l'eau dans les 10 dernières années, surtout dans l'exploitation in situ. La réduction est vraiment très importante, atteignant plus de 40 p. 100.

La politique de leadership en matière climatique constitue, je pense, une approche très équilibrée et très progressiste. Elle bénéficie d'un vaste appui dans l'industrie. Dans l'ensemble, je suis persuadé que nous travaillons d'une manière très responsable.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, je voudrais poser moi-même quelques questions. Il m'arrive parfois de le faire, mais je n'en ai pas toujours l'occasion.

Il y a une chose que je tiens à dire pour qu'elle soit consignée au compte rendu. Les membres du comité n'ont pas tous eu la possibilité de participer à la visite dans l'Ouest, mais nous sommes allés à Calgary où nous avons eu une bonne discussion avec les responsables de la COSIA.

L'alliance a été créée en 2012 — du moins d'après mes notes — avec 13 membres représentant 90 p. 100 des sociétés pétrolières qui travaillent dans les sables bitumineux. Elles collaborent maintenant entre elles plutôt que de laisser chacune faire probablement les mêmes travaux pour parvenir à la même technologie. Elles font donc le travail en commun. On peut se demander pourquoi elles ne l'ont pas fait depuis longtemps. Eh bien, c'est parce que la concurrence règne. Pour que 13 des plus grandes sociétés pétrolières du monde puissent travailler ensemble, il y a des règles à respecter. On nous a dit que l'une des choses les plus difficiles à cet égard a été de régler les difficultés juridiques qui faisaient obstacle au travail en commun. C'est l'une des raisons, du moins d'après les explications qu'on nous a données. Je donne ces détails pour la gouverne de ceux qui n'étaient pas à Calgary avec nous. Je trouve vraiment génial que ces sociétés aient finalement décidé qu'il était plus avantageux pour elles de travailler ensemble au lieu d'essayer de résoudre séparément les mêmes problèmes. Il semble cependant qu'il a fallu suivre un long processus pour arriver à ce résultat.

Madame Lawrence, quel est votre budget? De combien d'argent disposez-vous? Combien avez-vous obtenu en 2016- 2017? Est-ce que tout l'argent vient du gouvernement ou bien obtenez-vous du financement d'autres sources?

Mme Lawrence : Ces dernières années, nous avons reçu en moyenne 100 millions de dollars par an du gouvernement du Canada. Nous affectons à peu près le même montant chaque année. Cela varie d'une année à l'autre, mais c'est la moyenne. Nous en avons eu moins dans certaines années.

Quant à la provenance des fonds, nous avons reçu de petites sommes d'autres sources, mais l'essentiel de notre financement vient du gouvernement du Canada.

Le président : Vous disposez donc de 100 millions de dollars. Si je regarde votre graphique qui porte sur la période 2011-2015, vous parlez d'investissements de 1 milliard de dollars du gouvernement du Canada qui génèrent des recettes annuelles de 1,4 milliard.

Mme Lawrence : C'est exact.

Le président : Je crois que c'est vraiment remarquable. Avec un tel rendement, de telles réalisations, toutes ces innovations — vous dites d'ailleurs que nous devons innover davantage au Canada —, pourquoi le gouvernement ne vous donne-t-il pas plus d'argent? Je sais que tout le monde demande des fonds. Je le comprends. Ayant déjà été ministre, j'ai une bonne idée de la façon dont les choses se font. Toutefois, les revenus engendrés grâce aux investissements de TDDC sont exceptionnels. Comment a réagi le présent gouvernement? Vous attendez-vous à une importante hausse de votre budget pour le prochain exercice? Avez-vous demandé une augmentation?

Mme Lawrence : Oui, mais permettez-moi de mieux situer le contexte. J'ai un conseil d'administration du secteur privé qui est dirigé par Jim Balsillie et qui comprend un certain nombre d'éminents Canadiens venant de tous les coins du pays. Ils me talonnent constamment, m'obligeant à penser au genre de choses qui intéressent le secteur privé, ce qui est excellent. De l'autre côté, j'ai M. Bains, ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. Cet aspect est nouveau pour nous. Nous avions auparavant affaire à M. Carr ou à Ressources naturelles Canada. TDDC a été déplacé juste après les élections pour que nous puissions nous occuper davantage de résultats et faire mieux avancer les sociétés que nous aidons.

Pour répondre à votre question, oui, le gouvernement envisage d'augmenter notre capital. Il s'est montré positif à cet égard. Il nous a donné 50 millions de dollars au dernier budget pour nous permettre de finir l'année. Pour 2017, nous nous attendons à recevoir les mêmes 100 millions de dollars par an pendant quatre ans, pour faire des investissements du même genre.

Le président : En toute franchise, je suis un peu déçu que vous n'ayez pas obtenu davantage, non pour que vous ayez plus d'argent, mais à cause du défi que nous devons relever actuellement. Ce défi est vraiment énorme quand on pense à la réduction des GES que nous devons réaliser d'ici 2030, puis d'ici 2050. La tâche est herculéenne. Je ne peux même pas imaginer comment nous pourrons y parvenir. Je suis donc déçu de voir que nous ne renforçons pas notre action dans les domaines qui permettraient de développer les technologies propres que nous avons.

Mme Lawrence : Je vous remercie. Pour ce qui est d'en faire davantage, vous avez raison. Le financement prévu ne nous permettra pas d'intensifier nos efforts. Si le gouvernement décide d'augmenter notre financement, nous serons heureux d'appuyer d'autres entreprises travaillant dans ce domaine. Le gouvernement y pense, mais je n'ai pas de détails complets. Nous avons encouragé les responsables à envisager une augmentation du financement pour intensifier les efforts et passer à l'étape du déploiement, ce qui est particulièrement difficile.

Le président : J'ai remarqué que vous avez insisté tous les deux sur les sables bitumineux, sans parler des autres combustibles fossiles, sauf que je vous ai entendu mentionner une seule fois le gaz naturel. Beaucoup de gens pensent que le gaz naturel est le combustible de l'avenir qui nous aidera à réduire les émissions de gaz à effet de serre partout dans le monde. Quel est votre avis à ce sujet? Nous vivons tous dans la même atmosphère, de sorte que si nous pouvons réduire... La Chine est au bas de l'échelle. Si nous pouvions l'inciter à brûler davantage de gaz naturel ou de GNL pour produire de l'électricité, est-ce que cela serait avantageux pour tout le monde?

Mme Lawrence : Oui, il n'y a pas de doute que ce serait avantageux. Le gaz naturel, comme nous l'appelions dans le passé, continue d'être un combustible intermédiaire important, qui peut déplacer des combustibles à plus haute teneur en carbone comme le charbon et le pétrole. L'aspect vraiment intéressant de la production mondiale de gaz de schiste, c'est le faible coût et, partant, la meilleure compétitivité. Le gaz représente en soi une solution plus écologique.

Le président : Pourquoi avez-vous choisi tous les deux d'insister sur les sables bitumineux? Je vais d'ailleurs poser une autre question concernant vos exposés. Je n'ai rien à redire à votre graphique, qui a été produit par la société ARC Resources, que je connais bien. Je ne vois cependant pas le brut conventionnel canadien dans le graphique, mais je vois le pétrole brut raffiné moyen des États-Unis. Ai-je manqué quelque chose?

Mme Lawrence : Oui. Vers le milieu du graphique, vous verrez la mention « Pétrole classique, prof. d'eau élevée, Canada ».

Le président : C'est donc ce que vous appelez le pétrole moyen canadien, ou bien est-ce le brut conventionnel?

Mme Lawrence : Non, il n'y a pas de pétrole moyen canadien. Vous avez raison.

Le président : Il n'y a donc pas de pétrole canadien moyen.

Mme Lawrence : C'est une bonne question.

Le président : J'aurais bien aimé voir cette rubrique.

Ainsi, le « pétrole classique » représente la moyenne de tout le pétrole conventionnel extrait au Canada?

Mme Lawrence : Le pétrole conventionnel de Midale est un type différent, mais il se situerait vers le milieu de l'échelle.

Le président : Je vous serais reconnaissant si vous pouviez transmettre à notre greffière de plus amples renseignements à ce sujet.

Mme Lawrence : Très volontiers.

Le président : Je n'aime entendre personne dire que le Canada n'est pas un chef de file. Je suis très patriotique, et je pense que nous sommes bons premiers dans beaucoup de domaines. C'est mon avis : quand nous parlons du Canada, nous devons toujours représenter notre pays comme un meneur. Le Canada excelle à bien des égards. Peut-être pas dans tous les domaines, parce que nous sommes plus petits que les États-Unis ou que certains autres pays auxquels nous sommes comparés.

Quand vous dites que le Canada était un chef de file à un moment donné et qu'il ne l'est plus, sur quoi vous basez- vous? Qu'est-ce qui vous fait dire cela? Avez-vous de la documentation à nous fournir qui puisse nous l'expliquer? Quoi qu'il en soit, je dirais toujours que le Canada est un chef de file. Je vis dans un pays merveilleux, et je pense que nous sommes en tête. Si vous n'avez pas ces renseignements tout de suite, ce n'est pas grave, mais si vous pouvez les obtenir, ce serait certainement utile.

Mme Lawrence : Oui, bien sûr.

Le président : Madame Lawrence, vous avez mentionné les provinces et les questions réglementaires. Vous avez peut-être voulu attribuer le problème aux provinces parce qu'elles n'ont pas le dispositif réglementaire nécessaire pour favoriser le développement, mais je vous ai peut-être mal comprise. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Je prends beaucoup de temps et, comme je ne veux pas que mes collègues m'en veuillent, puisque trois ou quatre d'entre eux souhaitent poser des questions, je vous serais reconnaissant de me donner une réponse concise.

Mme Lawrence : En ce qui concerne les provinces, non, je n'essayais pas de leur attribuer la responsabilité. Je voulais dire que lorsque nos sociétés essaient de faire quelque chose, elles doivent faire face à des obstacles municipaux, provinciaux et fédéraux. Il arrive souvent que ces obstacles soient provinciaux lorsqu'il faut expédier quelque chose d'un point A à un point B, obtenir un permis en Alberta, et cetera.

Je crois que la question posée concernait la taxe sur le carbone. Ce que j'ai essayé de dire — je me suis peut-être mal exprimée —, c'est qu'une politique globale au niveau fédéral ne suffit pas. Nous devons souvent aller fouiller dans les micros-politiques, qui relèvent ordinairement des provinces. C'est un domaine dans lequel nous avons cherché à appuyer nos sociétés.

Le président : Si vous pouviez nous fournir des renseignements — vous n'avez pas à le faire tout de suite — sur certains de ces obstacles autrement qu'en termes généraux, cela nous aiderait à comprendre. Donnez-nous quelques exemples pour nous montrer où se trouvent ces obstacles partout au Canada, de l'est à l'ouest.

Je vais maintenant donner la parole à une nouvelle sénatrice qui est arrivée il y a environ une semaine. Il s'agit de la sénatrice Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard. Sénatrice, je vous souhaite la bienvenue au comité. Nous sommes très heureux de vous voir ici et espérons avoir souvent l'occasion de discuter avec vous. La parole est à vous.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie.

Même si c'est la première réunion à laquelle j'assiste, je m'intéresse depuis longtemps à ce comité. Il fut un temps où je travaillais pour le ministère albertain de l'Énergie et des Ressources naturelles, il y a peut-être 20 ou 25 ans. Plus tard, lorsque je suis rentrée à l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai fait partie du comité de l'environnement du groupe des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres provinciaux de l'Est du Canada. Bien sûr, à ce moment-là, nous venions juste de commencer à affronter le problème des émissions de gaz à effet de serre. Nous avions trouvé très efficace le travail au sein d'un groupe regroupant les provinces et les États d'une région de l'Amérique du Nord. Je suis sûre qu'il y a encore de bonnes relations entre certains de ces États et provinces.

Ma question a trait à l'incertitude qui règne aux États-Unis par suite des résultats des récentes élections et des déclarations faites au cours de la campagne électorale. Je crois que cette incertitude aura beaucoup de répercussions sur la position des États-Unis vis-à-vis des émissions de GES. Il est encore difficile de déterminer tous les domaines qui seront touchés, mais j'espère que quelques États contribueront individuellement à l'atténuation de tout effet négatif.

J'aimerais connaître vos impressions sur la façon dont l'évolution de la situation politique aux États-Unis pourrait se répercuter sur la croissance des investissements dans le secteur américain des technologies propres et sur les conséquences que cela pourrait avoir au Canada.

Mme Lawrence : Je vous dirai d'abord ceci : indépendamment de l'impact des élections, aux États-Unis, comme vous le savez bien compte tenu de votre expérience, le gouvernement fédéral et les États investissent des centaines de millions de dollars dans les technologies propres. D'une certaine façon, cela ne changera pas parce que les investissements continueront pendant des années à être d'un bon rendement et que les sociétés aborderont le stade du déploiement, ce qui sera extraordinaire.

De ce point de vue — je suis peut-être optimiste —, je ne crois pas qu'un changement de gouvernement puisse avoir d'importants effets sur le déploiement des technologies propres à cause des énormes sommes déjà investies aux États- Unis. De plus, à part les centaines de millions de dollars dépensés aux États-Unis, d'autres centaines de millions ont été consacrés à des projets de même nature en Corée du Sud, en Chine et en Allemagne. Il y a actuellement un élan qui, pour de nombreuses raisons, serait très difficile à arrêter. Comme c'est mon domaine, j'ai peut-être tendance à être trop optimiste, mais je trouve ces facteurs très encourageants.

Quels seront les effets sur le Canada? Je crois que nous pourrions avoir l'occasion de collaborer avec certains intervenants et d'être nous-mêmes des chefs de file dans certains domaines qui ne nous étaient pas aussi ouverts auparavant, pendant que les Américains pensent à leur transition, qui pourrait prendre un certain temps. Je crois que ce facteur aussi est positif.

Je voudrais citer quelques faits. Les sociétés qui, comme je l'ai dit, génèrent des revenus de 1,4 million de dollars par an tirent 60 p. 100 de leurs recettes de leurs ventes mondiales, essentiellement aux États-Unis. Nous aurons peut-être maintenant la possibilité de développer nos marchés dans d'autres pays. Je parle de sociétés canadiennes qui exportent des technologies propres. La situation actuelle pourrait leur donner l'occasion de mieux soutenir la concurrence et de se développer plus rapidement.

Le sénateur Massicotte : J'ai quelques questions techniques à poser. Vous vous émerveillez en comparant une croissance des revenus de 1,5 à un investissement de 1 milliard de dollars. Notre président se demande pourquoi nous n'en faisons pas davantage dans ce domaine. Commençons donc par comparer des pommes à des pommes. Quel est le bénéfice net — vous pouvez l'appeler le BAIA ou n'importe quoi d'autre — réalisé par ces sociétés par suite de leur investissement? Est-ce que l'investissement de 1 milliard a encouragé le secteur privé à investir neuf autres milliards? Pour être sûr que nous comparons des pommes à des pommes, j'aimerais connaître le pourcentage du BAIA ou du profit net par rapport au milliard investi.

Mme Lawrence : C'est une excellente question. Je ne connais pas le pourcentage du BAIIA, ou bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement. Nous parlons de sociétés en phase de démarrage pour ce qui est des revenus. C'est une excellente question, mais nous devons calculer les résultats en fonction du BAIIA.

Le président : Je vous prie de nous transmettre la réponse par l'entremise de notre greffière.

La sénatrice Seidman : Pouvez-vous me confirmer rapidement que votre graphique intitulé « Adoption de nouvelles technologies : l'industrie pétrolière et gazière accuse du retard » présente des données internationales? Ce ne sont pas des données canadiennes, n'est-ce pas?

Mme Lawrence : Elles sont internationales.

La sénatrice Seidman : Elles sont internationales. Il est vraiment important d'en prendre note.

J'ai apprécié les commentaires que notre président a formulés au sujet de la COSIA. Venant du domaine médical, je suis consciente du fait que le travail en vase clos constitue l'un des plus grands problèmes de la recherche. Il est vraiment critique que les gens communiquent entre eux.

Monsieur Zhou, ma question s'adresse à vous. Vous avez dit, dans votre dernière recommandation, que les droits de propriété intellectuelle ont constitué un obstacle majeur à l'innovation dans les universités, les laboratoires fédéraux et provinciaux et l'industrie, et que le gouvernement du Canada devrait, dans le cadre de toutes ses grandes contributions financières, imposer le partage de la propriété intellectuelle au Canada. Vous vous attaquez donc au problème du travail en vase clos. Votre recommandation signifie-t-elle que si quelqu'un obtient du financement du gouvernement du Canada, il ne pourrait pas demander un brevet et devrait, pour ainsi dire, partager sa propriété intellectuelle avec toutes les autres entreprises?

M. Zhou : C'est une question difficile. La protection qu'assurent les brevets est très importante. À mon avis, si vous travaillez avec une université ou même avec la COSIA ou avec des organisations de l'industrie, le partage de la propriété intellectuelle constitue un grand problème. Je ne sais pas ce qu'en pense TDDC, mais, dans notre cas, la COSIA trouve que la négociation d'une entente relative à une vente peut prendre six mois. C'est une expérience très pénible qui ralentit l'innovation. C'est ce qui explique notre observation.

En toute franchise, je n'ai pas vraiment une bonne suggestion à faire sur la manière de remédier aux problèmes, mais c'est un fait que la propriété intellectuelle occasionne des difficultés.

Le sénateur Lang : Je suis d'accord avec le président. Je crois honnêtement que le verre est à moitié plein et pas à moitié vide. En fait, votre exposé m'a fait l'effet d'une bouffée d'air frais et nous a montré de bien des façons où nous en sommes.

J'aimerais vous demander de nous expliquer plus précisément ce qui se passe au chapitre des innovations mises en œuvre dans le domaine des sables bitumineux. Je ne cherche pas des comparaisons avec d'autres pays, car nous pourrions alors comparer des pommes et des oranges.

Deuxièmement, pouvez-vous nous présenter une liste des choses qu'il faudrait changer, à votre avis, dans le processus réglementaire pour permettre aux petites sociétés de mieux participer qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici à cause des obstacles dont vous avez parlé?

Le président : Je vous remercie. Vous pouvez transmettre ces réponses à notre greffière.

Le sénateur MacDonald : J'ai une petite question au sujet des comparaisons qui sont faites en matière d'émissions de GES.

On s'en prend toujours au charbon, et je peux comprendre pourquoi puisque ses émissions sont importantes. Toutefois, le charbon est principalement utilisé au Canada pour la production d'électricité dans de grandes centrales. On utilise également du carburant diesel, particulièrement dans le Nord, pour produire de l'électricité, mais ce carburant sert aussi partout : trains, autobus, navires. C'est un carburant extrêmement sale. Il y a maintenant de grands navires et de grands paquebots qui sont construits un peu partout dans le monde et dont les moteurs brûleront du GNL.

N'accordons-nous pas trop d'attention aux centrales au charbon en faisant abstraction du combustible diesel brûlé partout dans le pays? Ne devrions-nous pas cibler davantage ce combustible? J'ai l'impression que le gaz naturel peut avantageusement remplacer le combustible diesel et que la technologie nécessaire existe déjà. En faisons-nous assez dans ce domaine?

Mme Lawrence : Sénateur MacDonald, je conviens avec vous que nous devons investir dans tous les éléments de la chaîne de valeurs. La diapositive 4 montre que le problème se situe à 81,5 p. 100 dans le secteur de la consommation, comme dans les exemples que vous avez donnés. Nous investissons dans ce domaine précis. Corvus Energy, par exemple, figure sur la liste. Cette entreprise s'occupe du remplacement du diesel par des piles à combustible dans les navires. Mon équipe technique est d'accord avec vous. Nous devons investir dans ce domaine et y faire des changements.

Le sénateur MacDonald : Quand on pense au nombre de navires qui sillonnent les mers transportant toutes sortes de choses allant des conteneurs aux passagers, on peut se rendre compte de leur énorme empreinte carbone. Si tous ces navires étaient obligés par règlement à passer au GNL, cette empreinte serait très considérablement réduite.

Mme Lawrence : Je serais très heureuse de vous transmettre des renseignements sur certains des travaux que nous faisons dans ce domaine.

Le président : Madame Lawrence et monsieur Zhou, nous vous sommes très reconnaissants de vos exposés et de vos réponses. Nous en avons grandement profité et nous attendons avec intérêt les réponses que vous transmettrez à notre greffière. Ainsi, chacun d'entre nous en aura un exemplaire.

Cela met fin à notre réunion.

(La séance est levée.)

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