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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 20 - Témoignages du 31 janvier 2017


OTTAWA, le mardi 31 janvier 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 19, en séance publique, pour poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, puis à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, chers collègues. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. J'ai l'honneur d'agir à titre de président du comité et je suis un sénateur de la Colombie-Britannique.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici dans la salle avec nous ainsi qu'à tous ceux qui suivent cette réunion à la télévision ou en ligne partout au pays. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences de comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les suivre en ligne sur le site web nouvellement remanié du Sénat, à l'adresse sen.parl.gc.ca. On peut également trouver à cette adresse d'autres renseignements sur les travaux du comité, notamment les rapports antérieurs, la liste des projets de loi que nous avons étudiés et les listes des témoins que nous avons accueillis.

Je vais maintenant demander aux sénateurs assis autour de la table de se présenter, en commençant par vous, sénatrice Fraser.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, de Montréal.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de Toronto.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de Toronto; je représente l'Ontario.

Le sénateur Meredith : Don Meredith, de l'Ontario.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le président : Chers collègues, je me réjouis de votre nomination au comité, que vous soyez un nouveau ou un ancien membre. J'ai hâte de travailler avec vous et je suis convaincu que notre étude actuelle sera des plus agréables.

Je voudrais également présenter les membres du personnel du comité, en commençant par notre greffière, Mme Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, MM. Sam Banks et Marc LeBlanc.

Avant de passer aux témoins, j'aimerais prendre quelques minutes pour parler de notre greffière sortante, Mme Lynn Gordon, afin que cela figure au compte rendu. Comme vous le savez peut-être, Lynn a quitté le comité avant les vacances et a été remplacée par notre nouvelle greffière fort compétente, Maxime.

Lynn a servi le comité pendant huit ans; elle nous a accompagnés pendant tout ce temps et a démontré une réelle volonté de faire avancer les choses et d'obtenir des résultats. Je manque de mots pour exprimer ma gratitude à son égard pour son travail remarquable et son dévouement au comité, en particulier depuis 2013, année où je suis devenu président du comité. Elle nous a toujours offert une aide précieuse; elle était très bien organisée. La côtoyer était un plaisir. J'ai eu l'occasion de voyager de nombreuses fois avec Lynn. Son sens de l'organisation est incomparable. Comme beaucoup de sénateurs ici présents pourront en témoigner, les voyages qu'elle organisait étaient réglés au quart de tour. Voyager et collaborer étroitement avec elle ont été un réel plaisir.

Je crois pouvoir dire, au nom de tous les sénateurs qui ont eu le plaisir de travailler avec Lynn, que son professionnalisme et ses connaissances ont été d'importants atouts pour le bon fonctionnement du comité. Son attitude positive est certainement contagieuse. Le comité tient à lui témoigner publiquement toute sa reconnaissance pour ses huit années de service au sein du comité. Nous tenons à la remercier et à lui souhaiter la meilleure des chances au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, où elle vient d'être transférée, ainsi que pour sa retraite prochaine. Merci beaucoup, Lynn.

Des voix : Bravo!

Le président : Chers collègues, le 16 mars, le Sénat a donné au comité le mandat d'entreprendre une étude exhaustive des effets, des enjeux et des coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 30 p. 100 en deçà des niveaux de 2005, et ce, d'ici 2030. Le défi est de taille.

Pour cette étude, le comité a adopté une approche sectorielle. Nous étudierons cinq secteurs de l'économie canadienne, qui représentent plus de 80 p. 100 de la totalité des émissions de GES. Les secteurs visés sont les suivants : l'électricité, les transports, l'exploitation pétrolière et gazière, les industries tributaires du commerce et à forte intensité d'émissions, ainsi que les bâtiments.

Nous nous concentrons actuellement sur le secteur pétrolier et gazier. J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui, pour la 30e réunion de cette étude, le directeur général du Global Carbon Capture and Storage Institute pour la région des Amériques, M. Jeff Erikson, qui est venu de Washington, D.C., pour comparaître au comité aujourd'hui. Merci de vous joindre à nous. Veuillez présenter votre exposé. Ensuite, nous passerons aux séries de questions. La parole est à vous, monsieur.

Jeff Erikson, directeur général, Région des Amériques, Global CCS Institute : Merci, sénateur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. C'est un réel plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Les travaux du comité représentent une vision réfléchie de l'avenir du Canada. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous présenter les observations de notre organisme.

Avant de commencer, je tiens à vous présenter, à vous et à l'ensemble de la population canadienne, mes plus sincères condoléances pour la tragédie survenue à Québec, qui a profondément touché tant de gens. Votre pays compte de nombreux amis dans le monde, et nous vous accompagnons dans votre deuil.

Comme le président l'a indiqué, je m'appelle Jeff Erikson. Je suis directeur général du Global Carbon Capture and Storage Institute pour la région des Amériques. J'ai été invité à vous parler aujourd'hui afin de vous fournir un survol et une évaluation du rôle des technologies de capture et de stockage du carbone dans l'atteinte des objectifs de réduction des émissions à l'échelle mondiale établis dans l'Accord de Paris de 2015.

Nous vous avons fourni un document d'information en guise de complément à mon témoignage. Même si je ne ferai pas référence à des pages précises pendant mon exposé, j'estime que ces renseignements viendront étayer certains points que je ferai valoir aujourd'hui.

Bien que je sois venu de Washington, les observations que je vous présente aujourd'hui à Ottawa représentent le point de vue de nos membres, c'est-à-dire des acteurs du domaine du captage du carbone de partout dans le monde.

L'institut est une association de membres dont la mission est de favoriser le déploiement des technologies de captage de stockage du carbone à l'échelle mondiale. Nous comptons parmi nos membres diverses organisations de partout dans le monde, notamment certaines des plus importantes sociétés d'énergie au monde, comme Shell et Southern Company. On compte également de petites entreprises de technologies, comme Jupiter Oxygen Corporation, des ONG environnementales comme l'Environmental Defense Fund, et des organismes de recherche comme les instituts de recherche de Carbon Management Canada, dans l'Ouest canadien.

Nous comptons également des gouvernements parmi nos membres. Dans notre région, nous travaillons en étroite collaboration avec le département américain de l'Énergie et le ministère de l'Énergie du Mexique. En outre, les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan figurent parmi nos membres, même si ce n'est pas encore le cas du gouvernement fédéral du Canada.

Aujourd'hui, le témoignage que je présente au nom de cette vaste coalition d'organismes comporte quatre messages clés. Premièrement, même si le rythme du changement peut varier d'un pays et d'une région à l'autre, il convient de se rappeler qu'à l'échelle mondiale, la transition vers une économie à faibles émissions de carbone ne fait que débuter.

Deuxièmement, la technologie de capture et de stockage du carbone, ou CSC, est une technologie à faibles émissions de carbone éprouvée qui devrait jouer un rôle majeur dans cette transition.

Troisièmement, étant donné que le déploiement des technologies de captage du carbone n'est pas aussi simple que l'installation de panneaux solaires sur des toits, par exemple, l'implantation réussie des mesures de captage du carbone est tributaire de politiques gouvernementales réfléchies.

Quatrièmement, la promotion de la coopération entre les gouvernements de même qu'entre les secteurs public et privé est essentielle à la mise en œuvre de mesures de capture du carbone dans les divers pays et à l'atteinte de leurs objectifs environnementaux et économiques respectifs.

Pour les promoteurs du captage du carbone, l'une des difficultés est d'expliquer de façon claire et simple en quoi cela consiste. En termes clairs, le captage et le stockage du carbone — qu'on appelle aussi CSC ou parfois captage du carbone — consiste à empêcher l'émission de grandes quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. On procède d'abord au captage du CO2 produit par les installations industrielles et les centrales électriques. Le gaz est ensuite comprimé avant d'être transporté jusqu'à un site sécuritaire et soigneusement choisi, où il sera enfoui profondément dans une formation rocheuse pour y être entreposé en permanence. Je vais vous épargner les détails techniques pour le moment, mais je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions sur les technologies un peu plus tard.

Plus tôt ce mois-ci, je me suis rendu en Alberta et en Saskatchewan pour rencontrer nos membres canadiens et d'autres intervenants clés. Pendant que j'étais dans la région, j'ai eu l'occasion de visiter deux projets canadiens de CSC : la centrale Boundary Dam et le projet de raffinerie de North West Redwater, à Sturgeon, qui est actuellement en construction. Ces projets — auxquels s'ajoutent le projet Quest de Shell, le projet de gazoduc Alberta Carbon Trunk Line, le centre de connaissances sur le CSC à Regina, l'installation d'essai de capture du carbone à la centrale de Shand, le projet de recherche Aquistore et les travaux de recherche exceptionnels de CanmetÉNERGIE — témoignent tous du leadership et de la vision du gouvernement canadien et des entreprises canadiennes. Je vous félicite, ainsi que la population canadienne, d'appuyer ces travaux et de faire du Canada un chef de file de la lutte contre les changements climatiques et de la transition vers un avenir énergétique à faible teneur en carbone.

En novembre 2016, l'institut a publié son plus récent rapport annuel sur l'état du CSC, dans lequel il conclut que le captage du carbone est à la croisée des chemins : c'est essentiel, mais pas inévitable. Il est essentiel à l'atteinte des objectifs en matière de changements climatiques fixés par les dirigeants de 194 pays à Paris, en 2015, sans toutefois être inévitable en raison du manque de soutien stratégique gouvernemental dans de nombreux pays, d'un sentiment mitigé de la part de la population et des défis que posent les aspects économiques des projets.

Dans son rapport de 2016 sur les perspectives énergétiques mondiales, l'Agence internationale de l'énergie, l'AIE, indique qu'en 2040, malgré la croissance rapide des énergies renouvelables, les énergies fossiles combleront tout de même 74 p. 100 de la demande mondiale d'énergie primaire. Certains feront valoir que ce chiffre est grandement exagéré, mais même s'il était réduit de moitié, ce serait une proportion trop élevée pour l'ignorer. Nous devons accepter le rôle des énergies fossiles dans notre avenir énergétique et tenir compte des émissions de carbone qui y sont associées.

L'AIE a aussi conclu que le CSC devrait représenter, dans un scénario de réchauffement climatique de 2 degrés, 12 p. 100 des réductions totales cumulées des émissions de CO2 d'ici 2050. Un peu plus des deux tiers de la réduction obtenue grâce au CSC proviendront des pays en développement et près du tiers des pays de l'OCDE. Cinquante-cinq pour cent de la réduction proviendra de l'utilisation du CSC dans le secteur de la production d'énergie électrique. Plus important encore, 45 p. 100 proviendront des applications dans le secteur industriel.

Dans son cinquième rapport d'évaluation, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, conclut que sans l'apport du CSC comme technologie énergétique à faibles émissions de carbone, les coûts pour maintenir la hausse de la température sous les 2 degrés Celsius feraient plus que doubler. En fait, sans le CSC, les coûts augmenteraient de 138 p. 100.

Outre le rôle du CSC dans la lutte contre les changements climatiques, il est aussi essentiel de permettre aux pays et aux entreprises d'exploiter les ressources fossiles nationales et de les vendre sur les marchés mondiaux, où la demande pour les ressources énergétiques à faibles émissions de carbone est en hausse constante.

L'une des perceptions erronées qu'on observe chez les décideurs, les journalistes et le public, c'est que le CSC est une technologie qui n'a pas encore fait ses preuves. Actuellement, 16 projets de CSC à grande échelle sont en phase d'exploitation à l'échelle mondiale, dont 11 en Amérique du Nord. Beaucoup d'installations sont exploitées depuis des décennies. On estime que 21 installations seront en exploitation d'ici la fin de 2017 ou au début de 2018. Selon les estimations, ces 21 installations permettront le captage et le stockage de plus de 40 millions de tonnes métriques de CO2 annuellement, ce qui équivaut à l'installation de 10 000 éoliennes à l'élimination des émissions de carbone provenant de 6 millions de maisons ou encore au retrait de 10 millions de voitures de la circulation.

Presque toutes les installations de CSC sont jumelées à des usines du secteur industriel. Seulement trois sont associées à des centrales de production d'énergies : Boundary Dam, la première en son genre au monde, qui est située à Estevan, en Saskatchewan; Petra Nova, en périphérie de Houston, au Texas; Kemper County Energy Facility, une installation du Mississippi qui devrait entrer en exploitation au cours du prochain mois.

Jusqu'à maintenant, comme vous le constatez par le nombre de projets que j'ai mentionnés précédemment, les États- Unis et le Canada ont été des chefs de file du développement et du déploiement de la technologie du CSC. L'Amérique du Nord risque toutefois d'être devancée par la Chine dans ce domaine. En Amérique du Nord, deux projets de CSC à grande échelle sont à l'étape de la planification. On compte toutefois huit projets en Chine, où le secteur jouit d'un soutien stratégique important. Un changement touchant les activités, l'attention du monde et le rôle de chef de file en matière de technologie est fort probable. La question est donc de savoir si la Chine réussira à s'emparer du marché des technologies de CSC, comme elle l'a fait pour la technologie solaire. Si oui, s'agirait-il d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle pour les entreprises américaines et canadiennes?

Une autre perception erronée est que le CSC est une technologie qui peut uniquement être utilisée pour les centrales alimentées au charbon. Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'AIE a conclu que 45 p. 100 des occasions de réduction des émissions de carbone associées au CSC sont dans le secteur industriel. En Amérique du Nord, le pourcentage est encore plus élevé, étant donné qu'on n'y construit presque plus de nouvelles centrales thermiques alimentées au charbon. L'application des technologies de CSC dans un cadre industriel semble favorisée par des facteurs d'ordre matériel et économique. En outre, le CSC est le seul moyen d'obtenir une décarbonation profonde dans les secteurs de la production du ciment, de l'acier, des engrais, de l'éthanol, du raffinage et du traitement du gaz naturel.

Le projet de gazoduc Alberta Carbon Trunk, dont la construction débutera bientôt, est un exemple type d'une application industrielle du CSC. L'objectif du projet est de transporter le CO2 capté de diverses sources industrielles jusqu'aux champs pétrolifères épuisés, où il sera vendu pour être utilisé afin de rehausser la récupération de pétrole. Des initiatives semblables sont aussi en élaboration en Europe et aux États-Unis; les promoteurs de projet s'inspirent du modèle canadien.

Lorsque je discute de la nécessité des CSC avec les gens, j'entends souvent que les centrales au gaz naturel sont une excellente solution de rechange aux centrales alimentées au charbon, parce que les émissions de CO2 sont beaucoup plus faibles. En effet, au point de combustion, les centrales au gaz naturel génèrent deux fois moins de CO2 qu'une centrale au charbon comparable. Toutefois, si nous voulons atteindre les objectifs planétaires en matière de changement climatique, il faut réduire les émissions de CO2 de 80 p. 100 d'ici 2050, et atteindre la neutralité en carbone d'ici la fin du siècle. Donc, à terme, il faudra aussi utiliser le CSC dans les centrales alimentées au gaz naturel.

L'accélération du déploiement des technologies de CSC nécessitera un engagement et des investissements continus, tant du gouvernement que des entreprises. Nous sommes d'avis qu'il est essentiel que les gouvernements uniformisent les règles du jeu pour toutes les formes d'énergie à faibles émissions de carbone, en offrant notamment au secteur des mesures incitatives, des programmes de prêts et des cadres réglementaires comparables à ce qui est offert au secteur des énergies renouvelables. Nous croyons que le gouvernement a un rôle essentiel à jouer, notamment grâce aux activités de recherche et développement, ce qui favorisera l'accélération des progrès technologiques et la réduction des coûts.

Quant aux entreprises, elles devront continuer d'investir, d'innover et de prendre des risques afin de favoriser le virage vers une économie à faibles émissions de carbone, réduire les risques économiques liés aux changements climatiques et accroître la prospérité pour tous à long terme.

Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur. Nous passons maintenant aux questions. Je cède la parole au vice- président du comité, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Erikson. Je pense que nous avons tous aimé votre exposé. Il faut avouer que notre programme de lutte contre les changements climatiques repose fortement sur votre technologie et vos résultats, il convient de prendre conscience qu'il s'agit de la seule solution concrète qui nous est actuellement offerte pour appuyer l'industrie canadienne des combustibles fossiles. Nous vous souhaitons donc la meilleure des chances.

Vous avez dit que vous connaissez des difficultés économiques. Vous avez actuellement 26 projets. Quel est, pour ces projets, le coût par tonne de CO2? Quel serait un montant acceptable?

M. Erikson : Le coût du captage d'une tonne de CO2 varie énormément. C'est un chiffre que les responsables de projet gardent souvent pour eux. J'ai entendu des chiffres qui vont de 30 à 150 $ la tonne. Les projets à 30 $ la tonne sont habituellement ceux du secteur industriel, où le flux de CO2 est déjà très concentré. Au lieu de capter le CO2 à partir d'un flux de 12 p. 100, par exemple, dans une centrale électrique, on parle d'un processus industriel qui génère un flux de CO2 presque pur à 100 p. 100, alors seuls la compression, le transport et le stockage entraînent des coûts, plutôt que le captage lui-même.

Par conséquent, les coûts varient beaucoup selon le secteur. Chose certaine, ils diminueront davantage lorsque nous passerons aux technologies de deuxième génération.

Le sénateur Massicotte : Disons que le coût s'élève à 125 $ la tonne. À quoi cela correspond-il? Autrement dit, supposons qu'on a une centrale au charbon. On sait que le charbon est l'une des sources d'énergie les moins chères aujourd'hui. Quel impact cela aurait-il sur le prix du charbon si on présume que le coût s'élève à 125 ou 150 $?

M. Erikson : Je n'ai pas ces chiffres, mais je pourrais vous les fournir ultérieurement.

Le sénateur Massicotte : Je suppose que cela peut faire une grande différence, n'est-ce pas? Cela aurait une incidence importante sur le prix du charbon.

M. Erikson : Peut-être sur le prix du charbon. D'après ce que m'ont dit les entreprises de services publics avec qui nous travaillons, le coût additionnel en kilowattheures pour leurs clients est très bas et fort probablement inférieur à ce que les gens vont payer mensuellement pour d'autres services publics.

Le sénateur Massicotte : Si c'est le cas, nous devrons tous rajuster nos attentes en matière d'énergie. Le coût va probablement augmenter en fonction de l'établissement du prix du carbone ou peu importe. Par conséquent, à la lumière de ce que vous dites, il semble que cela pourrait être utilisé, malgré le coût du CSC aujourd'hui, car vous dites qu'en dépit des coûts d'électricité occasionnés par le CSC, le coût demeure encore inférieur à celui de certaines énergies renouvelables. Il y a toutes sortes de possibilités qui existent aujourd'hui.

M. Erikson : Oui, en effet. L'un des défis auxquels nous sommes confrontés, c'est de pouvoir comparer le coût d'un mégawatt ou d'un kilowatt d'une forme d'énergie à faibles émissions de carbone, en utilisant les technologies de CSC, à celui d'un kilowattheure provenant de l'énergie solaire ou éolienne. Le problème, c'est que lorsqu'on vend cette énergie sur le marché en kilowattheures, on ne tient pas compte de tous les autres coûts associés au réseau qui ne sont pas nécessaires avec le CSC — par exemple, la redondance, la capacité de fournir de l'électricité sur demande, le problème de l'intermittence, bref les difficultés souvent associées aux énergies renouvelables.

Lorsqu'on compare des pommes avec des pommes, c'est très économique par rapport à d'autres formes d'énergie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Massicotte : J'ai une dernière question avant de passer au deuxième tour. Vous avez parlé de politiques gouvernementales réfléchies. À quoi songez-vous pour le Canada?

M. Erikson : Nous avons souvent tenu cette discussion avec nos membres. Le National Coal Council est un organisme qui conseille le secrétaire à l'énergie américain, et il a formulé 20 recommandations à ce sujet. Nous nous concentrons sur quatre types de mesures stratégiques de soutien au captage du carbone.

Premièrement, il faudrait évaluer le carbone, c'est-à-dire fixer un prix, qu'il s'agisse d'une taxe sur le carbone ou d'un système de plafonnement et d'échange. Nous avons une position neutre sur la forme que cela pourrait prendre, mais nous estimons qu'en mettant un prix sur le carbone, on favorisera certainement le passage vers les technologies à faibles émissions de carbone, y compris les technologies de CSC.

Deuxièmement, il faudrait offrir des incitatifs fiscaux. Cette mesure, qui est déjà en place aux États-Unis, et dans certaines régions du Canada également, peut fournir un solide appui et encourager les nouveaux joueurs à investir dans de nouveaux projets.

Troisièmement, on devrait établir ou mettre en place des programmes de prêts, y compris des prêts à faible taux d'intérêt et des garanties de prêts. Ces mesures permettent de réduire le coût d'emprunt, ce qui est parfois juste assez pour obtenir une valeur actualisée nette positive.

Quatrièmement, il faudrait établir des dispositions sur l'alimentation prioritaire pour les technologies de CSC, en reconnaissant leur valeur supérieure à celle des énergies renouvelables, ou des normes pour le portefeuille d'énergie à faibles émissions de carbone, semblables aux normes pour le portefeuille d'énergie renouvelable, mais qui intégreraient également le CSC.

Le sénateur Black : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je pense qu'il est juste de dire — et je parle ici en mon nom — que les technologies de CSC jouent un rôle dans la transition vers un environnement à faibles émissions de carbone. Selon moi, toutes les personnes concernées, et j'entretiens des liens étroits avec les gens du secteur énergétique, reconnaissent que c'est une réalité souhaitable.

J'ai quelques questions à vous poser, toutefois, sur la situation actuelle, car comme vous le savez, nous sommes dans un environnement qui évolue très rapidement.

Tout d'abord, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer les représentants d'une organisation qui innove dans les secteurs gazier et pétrolier en Alberta. On m'a dit que l'objectif de réduire à zéro les émissions de carbone provenant des sables bitumineux dans cette province n'était pas loin de devenir une réalité. On me dit que les faits sont là, alors je le crois. Si c'est le cas, et c'est un résultat très souhaitable, on n'aurait plus besoin de captage et de stockage du carbone, n'est-ce pas?

M. Erikson : Non.

Le sénateur Black : D'accord. Est-ce que vous ou votre association pourriez nous dire où nous en sommes, au chapitre de l'innovation, par rapport à notre objectif de réduire les émissions de carbone provenant de l'extraction du pétrole?

M. Erikson : Lorsqu'on parle des émissions de carbone générées lors du cycle de vie du pétrole, je dirais qu'il y a deux éléments. Le premier élément, qui représente habituellement 20 à 30 p. 100, se situe au niveau de l'extraction et de l'acheminement du produit vers les marchés. Le deuxième, qui représente normalement entre 70 et 80 p. 100, se rapporte à la combustion. Par conséquent, pour le pétrole, même si on réussit à être carboneutre jusqu'à l'étape de la combustion, il faudrait tout de même qu'il y ait une évolution de la technologie pour qu'on puisse capter les émissions de carbone pendant la combustion.

Maintenant, je ne suis pas en train de dire que c'est ce que fait le captage du carbone. Toutefois, l'électrification du secteur des transports permettra de réduire les émissions à l'étape de la combustion.

Le sénateur Black : Je tenais à le souligner, car il faut comprendre que la technologie n'est pas immuable et qu'il y a une urgence d'agir au sein de l'industrie; on sait que le carbone n'est pas une bonne chose. Ce que vous faites est important, mais je tiens à dire qu'il y a beaucoup de forces concurrentielles qui sont en jeu à l'heure actuelle en ce qui concerne vos propositions, et vous en conviendrez.

M. Erikson : Oui, en effet.

Le sénateur Black : J'aimerais connaître votre opinion sur ce désir d'avoir une économie plus verte, une production exempte d'émissions de carbone. Selon vous, où en sommes-nous en ce moment, compte tenu du nouveau gouvernement américain?

M. Erikson : Tout d'abord, sachez que même si je travaille à Washington et que j'habite tout près, je ne fais pas partie du gouvernement et je ne m'exprime pas en son nom. Je peux vous donner mon opinion personnelle, mais c'est tout.

Le sénateur Black : Votre association doit avoir une opinion. Nous avons entendu dire que votre secrétaire de l'énergie a maintenant déterminé que le département de l'Énergie a de la valeur. Je ne fais que vous répéter ce que j'ai lu dans la presse; j'ignore ce qu'il en est. Chose certaine, votre nouveau président a laissé entendre sur Twitter qu'il n'a absolument pas l'intention de ratifier l'accord de Paris.

M. Erikson : La réaction est mitigée. Selon moi, bien des facettes du captage du carbone intéressent l'administration Trump et cadrent avec l'engagement que le président Trump a pris au cours de la campagne. Cette technologie appuie le développement des infrastructures énergétiques, ce qui se traduit par des emplois, lesquels constituent une priorité. Elle permet aux États-Unis d'exploiter davantage leurs ressources nationales. Elle assure une meilleure sécurité énergétique, ce que le président associe à la sécurité nationale. Ce sont là des choses distinctes de l'accord de Paris qui sont importantes aux yeux de l'administration. Elle donne enfin aux États-Unis l'occasion de demeurer un chef de file du domaine de la technologie, d'exporter cette technologie, de constituer une industrie, d'être à la tête de cette dernière et d'exporter la technologie aux quatre coins du monde. Voilà le bon côté des choses.

Par contre, vous avez absolument raison : le président a fait savoir que l'accord de Paris ne l'intéresse pas et que les changements climatiques ne constituent pas une priorité, même si certains membres de son cabinet ont dit admettre les manifestations des changements climatiques.

Les réactions sont mitigées, et je ne sais pas mieux que quiconque dans quel sens les choses évolueront.

La sénatrice Fraser : Bienvenue au Sénat, monsieur Erikson.

M. Erikson : Merci.

La sénatrice Fraser : Mes questions, comme d'habitude, découlent d'une grande ignorance. Je regarde votre document complémentaire. Je n'y trouve pas les numéros de page, mais le tableau intitulé « Jalons opérationnels de la capture du carbone » fournit certains chiffres : plus de 1 million de tonnes injectées, 3 millions de tonnes injectées. S'agit-il du nombre total de tonnes injectées jusqu'à présent dans le cadre de ces projets?

M. Erikson : Non, sénatrice. Ce sont les totaux annuels.

La sénatrice Fraser : Ce sont les totaux annuels.

M. Erikson : En passant, je pense que dans votre exemplaire, l'arrière-plan ne paraît pas derrière la carte.

La sénatrice Fraser : Je ne pense pas l'avoir. Je suis toutefois certaine que nous pouvons l'obtenir.

D'après la manière dont les éléments sont placés, je présume que les petites étoiles correspondent à une sorte de chronologie indiquant le moment auquel les projets ont débuté.

M. Erikson : Ici encore, l'information ne figure pas dans votre exemplaire, et je m'en excuse. C'est une carte du monde. Si on va de gauche à droite, Quest est le projet que Shell gère en Alberta. Boundary Dam se trouve en Saskatchewan. Air Products se situe sur la côte du golfe du Mexique, aux États-Unis, alors que Sleipner est en Norvège.

La sénatrice Fraser : Mais il n'y a pas de chronologie. Nous voyons où les projets se situent sur une carte.

M. Erikson : C'est une répartition géographique, en effet.

La sénatrice Fraser : Il en irait de même pour la carte suivante.

M. Erikson : Effectivement. C'est la même carte.

La sénatrice Fraser : J'ai encore une question à poser, si vous le voulez bien, monsieur le président. À la dernière ligne de cet intéressant document, vous indiquez que « des politiques gouvernementales comparables sont cruciales pour permettre l'adoption des technologies de CSC à grande échelle ». Les représentants de l'industrie emploient souvent des expressions comme « politiques comparables » ou des mots semblables pour signifier que les impôts doivent être uniformément bas partout. Est-ce de cela dont vous parlez?

M. Erikson : Non.

La sénatrice Fraser : Oh, bien. De quoi parlez-vous, alors?

M. Erikson : Comme je l'ai indiqué au début, l'institut compte dans ses rangs non seulement de grandes sociétés, mais aussi des ONG du domaine de l'environnement et des gouvernements.

L'institut considère, à l'instar d'autres institutions, que lorsque les gouvernements entendent utiliser leurs politiques pour appuyer les énergies éolienne et solaire, par exemple, grâce à des crédits d'impôt et à des normes pour le portefeuille d'énergie renouvelable, ils doivent choisir un résultat plutôt qu'une technologie, si l'on peut dire. Si le résultat est la production d'électricité à faibles émissions de carbone, alors ils devraient fournir du soutien sans égard à la technologie afin d'obtenir ce résultat. Comme nous avons une norme pour le portefeuille d'énergie renouvelable, nous voudrions que la production d'électricité au moyen des technologies de CSC soit également admissible à ce soutien.

La sénatrice Fraser : Je comprends. Y a-t-il loin de la coupe aux lèvres?

M. Erikson : Très loin, sur le plan des politiques comparables. L'investissement dans les énergies renouvelables au cours des 15 dernières années est environ 100 fois plus élevé que celui que le gouvernement et le secteur privé ont effectué dans le captage du carbone, situation en grande partie attribuable à une disparité au chapitre du soutien stratégique.

La sénatrice Fraser : C'est fascinant.

Le sénateur Meredith : J'ai aimé votre exposé. À l'instar de la sénatrice Fraser, j'en apprends au sujet du CSC. Vous avez souligné la fiabilité et la rentabilité de la technologie, mais ma question concerne la sécurité du stockage, un des points qui préoccupent la population canadienne. À mesure que cette technologie évolue, les effets qu'elle pourrait avoir sur l'environnement vous inquiètent-ils? D'une part, nous tentons d'atténuer les effets sur l'environnement, mais nous nous préoccupons également des résultats finaux si les choses dérapent. Pouvez-vous nous expliquer les mesures de sécurité entourant le captage du carbone?

M. Erikson : Certainement. Tout d'abord, je dirais qu'il est de l'intérêt des promoteurs de projet de CSC de s'occuper avant tout de la protection de l'environnement et de la santé humaine. S'ils ne s'en préoccupent pas, nous perdons le soutien que nous avons actuellement pour les projets futurs. Les acteurs ont donc tout intérêt à agir de la manière la plus sécuritaire possible.

Ce qu'un grand nombre de parties prenantes craignent le plus, c'est que le CO2 injecté sous la surface s'échappe d'une manière explosive et couvre une région, par exemple. Je crois que cela témoigne d'une mauvaise compréhension de la dynamique souterraine. Tout d'abord, le processus de sélection de l'emplacement sous terre est très rigoureux, et tout repose sur le choix du bon site souterrain et du lieu d'injection et de stockage. Mais la structure de la roche là où le CO2 est injecté fait qu'il est très peu probable que le CO2 s'échappe verticalement. Il est injecté à deux kilomètres ou plus sous la surface, fréquemment sous plusieurs couches de roche couverture — de la roche imperméable —; c'est donc principalement par les puits d'injection et de surveillance que le CO2 pourrait s'échapper vers la surface. Or, si ces puits sont bien conçus... Sachez que les organisations comme Shell et SaskPower se sont évertuées à dépasser toutes les précautions raisonnables pour s'assurer que les premiers projets soient irréprochables. C'est là où le risque se situe, et je pense que l'industrie en est consciente. Elle connaît aussi les effets et les répercussions qu'aurait un tel échappement. Comme toujours, si les infrastructures sont conçues et construites adéquatement, le risque que le CO2 s'échappe et cause des dommages à l'environnement ou à la santé humaine est minime.

En outre, bien des gens assimilent les technologies de CSC à la fracturation hydraulique. Or, l'approche est fondamentalement différente. La fracturation hydraulique exige une force de percussion qui crée des fractures dans la roche, ce qui provoque de petits séismes à des endroits comme l'Oklahoma. Pour sa part, le captage du carbone n'utilise pas de force de percussion, mais une injection gérée; la pression n'augmente donc pas. Il est donc très peu probable que nous ressentions des secousses sismiques.

Le sénateur Meredith : Dans votre exposé, vous avez parlé des 21 projets qui seront en activités en 2018. Vous avez indiqué que nous laissions le marché nous échapper au profit de la Chine. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le genre d'investissements que le Canada ou l'Amérique du Nord devraient effectuer? Comment devrions-nous gérer ces investissements? Vous avez évoqué les mesures incitatives que les gouvernements offrent à l'industrie des énergies solaire et éolienne pour qu'elles se développent. Dites-nous-en un peu plus à ce sujet si vous le pouvez.

M. Erikson : Au Canada, les gouvernements et l'industrie possèdent une somme de connaissances considérable. Shell Oil, aux termes de son entente de financement avec la province de l'Alberta, s'est engagée à rendre publics tous ses dessins industriels, qui valent à eux seuls des dizaines, voire des centaines de millions de dollars. Il existe tant d'expertise au Canada qu'il est crucial d'en tirer parti, pas seulement à l'échelle mondiale, mais au pays également.

J'ai évoqué le projet de pipeline principal de l'Alberta, que je considère comme un exemple de la manière dont les pays et les entreprises peuvent faire progresser le captage du carbone relativement rapidement. Comme je l'ai indiqué, les coûts sont favorables et la physique à l'étape de captage est propice. Dans le cadre de ce projet, on envisage d'acheminer le CO2 issu de plusieurs sources industrielles dans un grand pipeline qui le transportera jusqu'à de nombreux champs pétrolifères du sud-ouest de la province.

Aux États-Unis, nous préparons un projet semblable sur la côte du golfe du Mexique. Une approche similaire est à l'étude dans le nord de l'Europe.

Selon moi, la manière la plus rapide de faire avancer le CSC est de recourir à une approche de réseau en étoile ou de pipeline principal. Cette approche exigera du soutien des gouvernements et des investissements de l'industrie.

La sénatrice Seidman : Je voudrais vous interroger sur quelques points que vous avez abordés dans votre exposé. Vous avez affirmé que le captage du carbone se trouve à la croisée des chemins; c'est essentiel, mais pas inévitable. Vous avez poursuivi en disant que ce n'est pas inévitable en raison d'un manque de soutien stratégique gouvernemental dans de nombreux pays, d'un sentiment mitigé de la part de la population et des défis que posent les aspects économiques des projets. Vous avez ensuite énuméré certaines idées fausses qui circulent parmi les décideurs, les journalistes et le grand public, qui croient notamment que les technologies de CSC n'ont pas fait leurs preuves.

Pourquoi? Pourquoi est-ce que ce n'est pas inévitable en raison du manque de soutien? Pourquoi a-t-on toutes ces idées fausses?

M. Erikson : Le processus de captage et de stockage du carbone est relativement complexe. Permettez-moi de prendre les énergies éolienne, solaire ou hydroélectrique comme exemple. On peut aisément comprendre comment on peut exploiter le courant, le vent ou l'énergie du soleil pour produire de l'électricité. Il existe une figure emblématique que le public peut comprendre. Le concept est relativement simple.

Le captage du carbone exige une panoplie de conduites et de réceptacles, et fait intervenir des processus chimiques et physiques. On injecte ensuite le CO2 sous terre, là où personne ne peut vraiment voir ce qu'il se passe, du moins pas directement. Ce qui est complexe avec le CSC, c'est qu'il est difficile de le faire comprendre aux décideurs et à la population.

L'industrie des énergies renouvelables a par contre accompli un travail admirable à cet égard. Les énergies éolienne et solaire sont abondantes, durables et propres. L'industrie a trouvé un moyen de leur conférer une image de marque que le public adopte de façon intuitive, et c'est ce qui est difficile à faire avec le captage du carbone. C'est donc en partie un problème de communication.

Le problème vient également du messager. À l'heure actuelle, à part les gouvernements, c'est souvent l'industrie des combustibles fossiles — soit les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz — qui transmet le message, et cette industrie ne jouit pas du degré de confiance et d'amour dont les autres bénéficient.

Comme je l'ai déjà indiqué, notre association inclut des ONG du domaine de l'environnement. Nous pensons que leur présence parmi nous est essentielle pour que nous puissions être des messagers crédibles afin que les gens comprennent que ce n'est pas un jeu auquel l'industrie des combustibles fossiles s'adonne pour élargir ses activités, mais bien une solution pour lutter contre les changements climatiques appuyée par des organisations sérieuses de tout horizon.

La sénatrice Seidman : L'éducation du public et le message constituent une composante primordiale dans ce domaine, comme notre comité l'a découvert au fil du temps. Pensez-vous que votre institut pourrait faciliter l'élaboration d'un message et l'amélioration de l'éducation? Il ne suffit pas d'envoyer un message; il faut en fait offrir de l'éducation pour tenter d'aider les gens à comprendre. Vous continuez de dire que la question est complexe et que des idées fausses circulent. C'est important, et vous affirmez qu'il est crucial de résoudre ces problèmes pour atteindre nos objectifs. Si c'est important, quel rôle l'institut pourrait-il jouer?

M. Erikson : L'institut, formé il y a huit ans, avait pour activité initiale de faire progresser et de communiquer les connaissances techniques. C'était important il y a huit ans. C'était une priorité.

Au cours des 12 derniers mois, nous avons complètement changé de cap pour nous occuper de la promotion. Nous avons donc des échanges comme ceux que nous tenons actuellement. Nous communiquons avec la presse. Mon collègue Jeff, qui est à mes côtés, passe beaucoup de temps au Capitole, à Washington. Nous discutons également avec des décideurs de divers États. Nous considérons donc certainement ces démarches de promotion comme une priorité, à laquelle nous affectons des ressources.

Nous devons également tirer parti des capacités de nos membres. Une organisation comme Shell, qui peut parler avec beaucoup plus d'autorité que moi de la sécurité de ses processus, par exemple, constitue un partenaire très important. Quand nous pouvons mettre nos membres en rapport avec le gouvernement de l'Alberta ou avec le Clean Air Task Force pour parler aux décideurs, aux médias et au grand public, nous pouvons être bien plus efficaces. Je prends acte de votre observation, que je vous remercie d'avoir formulée.

Le sénateur Lang : Toujours dans la même ligne d'idée que celle abordée par le sénateur Black, je veux examiner plus précisément les coûts pour que nous sachions clairement ce qu'il en est.

Quand il est question de construire une nouvelle centrale au gaz, vous dites, d'après ce que je comprends, que si on entend recourir au captage et au stockage du carbone, on doit subventionner le tout au moyen d'une taxe sur les émissions de carbone, d'un mécanisme de plafonnement et d'échange, ou d'un moyen comme une remise de dette pour rendre l'entreprise viable du point de vue économique. Est-ce juste?

M. Erikson : Ce sont là des mesures incitatives utiles, oui, mais ce n'est pas le seul moyen dont on dispose pour rendre l'entreprise viable. Puis-je donner un exemple?

En décembre, l'installation de Petra Nova Carbon Capture a ouvert ses portes à la centrale de Parish Power, en périphérie de Houston. Le modèle d'affaires est brillant. Non seulement les exploitants vendent-ils le CO2 qu'ils produisent — ils le transportent jusqu'à un champ pétrolifère situé à une distance de quelque 80 milles —, mais ils tirent également un revenu de chaque tonne de CO2 qu'ils y envoient. En outre, ils sont propriétaires à 25 p. 100 de ce champ pétrolifère et obtiennent ainsi un revenu de chaque baril supplémentaire extrait du sous-sol. Dans le cadre de ce projet, la production est passée de 300 à 15 000 barils par jour. C'est le genre de logique et de modèle d'affaires novateurs qui peuvent rendre le captage du carbone rentable avec un soutien minimal du gouvernement.

Le sénateur Lang : Simplement pour examiner un peu plus en profondeur la question des centrales au charbon et le fait qu'on est en train de décider de les fermer, nous savons qu'au même moment, de par le monde, certains pays comme la Chine dotent leurs nouvelles centrales au charbon des toutes dernières technologies. Si on mettait en place une technologie de captage et de stockage de carbone lors de l'installation d'une centrale au charbon, cela rendrait-il ce genre de production d'énergie plus concurrentiel sur les plans financier et environnemental que d'autres centrales qui pourraient être construites, puisque, de toute évidence, le charbon est accessible en abondance?

M. Erikson : Oui, cela peut rendre la centrale rentable, mais cela dépend beaucoup de ce qu'on évalue. Quelle est l'étendue du champ de comparaison? Quel est l'élément de comparaison? Si on s'intéresse au coût total du réseau de production d'électricité, par exemple, les énergies renouvelables nécessitent un dispositif de redondance pour pouvoir acheminer l'électricité sur demande, ce requiert un système auxiliaire. Si on examine les coûts totaux du réseau, c'est donc très concurrentiel. Mais si on établit une comparaison avec l'achat d'un mégawatt d'énergie solaire sur le marché, alors ce n'est pas concurrentiel, parce qu'on ne compare pas des pommes avec des pommes. On tire du captage du carbone dans une centrale électrique des avantages dont on ne tient pas compte sur le marché au comptant, c'est-à-dire le marché de la production d'énergie.

Le sénateur Lang : Merci.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre exposé d'aujourd'hui. Je suis ravi de votre présence.

J'essaie encore de comprendre le cadre réglementaire que vous envisagez. Je comprends que vous parlez d'objectifs stratégiques, de garanties de prêts, ou d'une aide, ainsi que d'incitatifs fiscaux. Ce n'est toutefois pas ce dont vous parlez lorsqu'il est question du cadre réglementaire. Je crois que le sénateur Meredith voulait en venir aux questions de sécurité. Vous arrive-t-il de conclure des contrats de paiement contre livraison pour la construction des installations?

M. Erikson : Pouvez-vous préciser votre question?

Le sénateur Wetston : Ce que j'entends évidemment par là, c'est qu'il y a probablement des coûts considérables associés à la construction des installations, aux formations géologiques et à tout ce dont vous parlez. Quelqu'un va en profiter. Je parle ici de modalités de paiement contre livraison au moment de la construction. Par exemple, l'ensemble des pipelines du pays ont initialement été construits suivant des contrats de paiement contre livraison. Autrement, ils n'existeraient pas.

Quel cadre économique régit ces constructions? Est-ce que la responsabilité et le risque relèvent entièrement de la construction? Est-ce la société de captage et de stockage du carbone qui s'en charge? Ou encore, y a-t-il une relation partagée entre le générateur et les installations de stockage? Il y a bien sûr un autre acquéreur. Vous avez parlé du puits de pétrole. Vous allez donc injecter dans ce puits, qui produit d'ailleurs une autre source de carbone. Que faites-vous à ce chapitre? Ce n'est pas exactement neutre en carbone quand le but est de produire plus de pétrole, mais je suis persuadé qu'on vous pose très souvent la question. Comprenez-vous le cadre dont je parle ici?

M. Erikson : Oui.

Le sénateur Wetston : J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre.

M. Erikson : Il n'existe aucune norme dans l'industrie. Comme je l'ai dit, la majeure partie de notre expérience provient du secteur industriel plutôt que du secteur de l'énergie. Nous ne sommes pas au courant des accords commerciaux entre le projet de Kemper et la société Denbury, par exemple, qui exploite le pipeline et injecte le CO2. Quoi qu'il en soit, tous les intervenants doivent parvenir à une entente, où le risque est minimisé et où on s'attend en quelque sorte à un approvisionnement continu en CO2 vers les champs pétrolifères, pour que l'exploitation des puits puisse se poursuivre. Je pense que c'est un des domaines qui continue d'être exploité.

Bien franchement, je pense qu'il vaudrait probablement mieux poser la question à des entreprises comme Shell et SaskPower, qui concluent ces ententes.

Le sénateur Wetston : Vous parlez ici d'un contrat ou d'une relation. Nous pourrons peut-être y réfléchir un peu plus.

Des gouvernements investissent-ils directement dans la recherche associée au captage du carbone, ou participent-ils plutôt à l'élaboration de politiques qui soutiennent ces initiatives? Y a-t-il des investissements directs dans la recherche ou le captage du carbone à proprement parler?

M. Erikson : Oui, il y en a. Au Canada, l'organisme de recherche du ministère des Ressources naturelles, ou RNCan, est CanmetÉNERGIE. Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais l'organisme réalise une quantité importante de recherches sur les technologies de captage et de stockage du carbone. Je pense qu'il s'attarde surtout aux mesures de stockage et de surveillance du stockage. Il y a donc eu des investissements importants au sein de CanmetÉNERGIE.

De même, je crois que l'Office of Fossil Energy du département américain de l'Énergie dispose d'un budget annuel de 400 millions de dollars, dont une part importante est consacrée à la recherche et au développement, ou R-D. Le bureau appuie plusieurs laboratoires de partout au pays. Il possède également une installation destinée aux essais pilotes sur la côte du golfe du Mexique, qui est exploitée conjointement par le département de l'Énergie et la Southern Company.

En Europe, le gouvernement de la Norvège a réalisé un investissement majeur, par exemple. En fait, il possède la première installation de captage et de stockage du carbone, qui est en activité depuis plus de 20 ans. L'installation a d'ailleurs vu le jour après qu'un prix sur le carbone ait été imposé à l'ensemble de l'économie.

Fait intéressant, certains pays du Moyen-Orient considèrent que cette technologie est essentielle pour continuer à vendre leur produit. Dans les Émirats arabes unis, en fait, le premier projet de captage et de stockage du carbone dans une aciérie a été mis en route cet été. Le CO2 émis servira à la récupération assistée des hydrocarbures, ou RAH, non pas parce que le pays en a besoin en ce moment, mais parce qu'il estime en avoir besoin à l'avenir.

Je ne sais pas vraiment ce qui se passe en Chine, mais vous pouvez être sûr qu'il y a d'importants investissements gouvernementaux dans le captage et le stockage du carbone là-bas.

Le sénateur Wetston : Merci.

La sénatrice Griffin : Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, et puisque notre base géologique est essentiellement composée de grès fracturé, nous ne serons probablement jamais un endroit indiqué pour le stockage du dioxyde de carbone capturé. Mais je me pose une question : y a-t-il des limites à la généralisation de l'emploi de cette technologie? Toutes les formations géologiques ne s'y prêtent pas.

M. Erikson : Oui. C'est très certainement une question économique, encore une fois. Jusqu'où pouvez-vous transporter le CO2 afin de trouver une formation géologique convenable? Au bout du compte, tout dépendra de considérations à la fois économiques et politiques, ainsi que de l'appui de la population. Vous avez donc raison de dire que la technologie ne convient pas à toutes les régions et formations géologiques.

Fait intéressant, il y a beaucoup d'intérêt et d'excitation entourant les utilisations du CO2 autres que souterraines ou relatives à la RAH. Même s'il s'agit en quelque sorte d'une industrie naissante, elle suscite l'enthousiasme des investisseurs et des entrepreneurs, et elle change le paradigme du CO2, qui passe d'un déchet à une ressource pouvant être employée non seulement dans la production d'électricité, mais aussi dans certains produits que nous utilisons. À l'heure actuelle, la RAH représente quelque 99 p. 100 du marché, mais il y a beaucoup d'intérêt pour d'autres utilisations. Même dans les régions impropres à une utilisation souterraine, il est possible de capturer et de stocker le carbone si nous nous projetons vers l'avenir.

La sénatrice Griffin : Merci.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé de pays actifs dans le domaine du captage et du stockage du carbone, et vous avez mentionné dans votre exposé que 16 installations de grande envergure sont en activité dans le monde. Où le Canada et les États-Unis se situent-ils parmi ces pays?

M. Erikson : Nous sommes des chefs de file. À vrai dire, 11 des 16 établissements en question sont situés aux États- Unis et au Canada. Dans une perspective d'avenir, il y a un vent d'ouverture et d'activité en ce moment, mais si nous nous projetons au-delà de 2017 ou au début de 2018, cette activité va évoluer vers la Chine, comme je l'ai dit.

Les deux pays capturent et injectent le CO2 depuis des dizaines d'années, dans certains cas, mais nous risquons de perdre cette avance.

Le sénateur Patterson : J'étais ravi d'apprendre que vous avez visité le projet du barrage Boundary, qui est selon moi le plus important au monde, et le premier en son genre.

M. Erikson : C'est vrai.

Le sénateur Patterson : Quand nous étions là-bas, nous avons entendu dire que des Chinois s'intéressent aux installations, ce que les exploitants semblaient voir d'un œil favorable.

J'ai entendu dire que quelque 2 000 centrales au charbon sont à diverses étapes de construction partout dans le monde. Savez-vous si ces usines sont prêtes pour le captage et le stockage du carbone, ou si elles devront être rénovées pour y intégrer des technologies de CSC à l'avenir?

M. Erikson : En effet, je pense que 2 400 centrales au charbon étaient aux étapes de planification ou de construction dans le monde, du moins il y a 12 mois. Ce chiffre englobe les centrales dont la construction n'est pas encore entamée. Leur nombre a quelque peu diminué étant donné que la Chine a renoncé à certains de ses engagements, principalement parce que la demande d'électricité a atteint un plateau. Je crois que la réalité est désormais plus près des 2 000 centrales que vous avez mentionnées.

La plupart des centrales dont nous sommes au fait ne sont pas adaptées au captage du carbone. Comme je l'ai dit, il y a huit projets à grande échelle, qui sont considérés comme tels à partir d'émissions d'un demi-million de tonnes par année. On parle alors d'une centrale électrique de taille commerciale. C'est là que nous avons du travail à faire. Alors que la Chine s'est engagée à adopter une économie à faibles émissions de carbone — le CSC fait partie de son prochain plan quinquennal —, les dirigeants n'ont encore intégré la technologie ni aux rénovations ni aux nouvelles constructions.

Le sénateur Patterson : Nous avons été impressionnés par la formation géologique très profonde et presque parfaite d'Estevan. La technologie de CSC dépend-elle de l'existence de formations géologiques convenables pour le stockage? Dans l'affirmative, y a-t-il des limites à sa portée? Comme l'a dit la sénatrice Griffin, l'Île-du-Prince-Édouard ne s'y prête peut-être pas. Est-ce un facteur limitant?

M. Erikson : Oui. Des études de l'Institut d'études géologiques des États-Unis indiquent qu'il y aurait une capacité de stockage d'au moins 200 ans là-bas, compte tenu de la demande, ou pour capturer toutes les émissions de CO2 qui proviendront des centrales électriques du pays au cours des 200 prochaines années.

La capacité de stockage est énorme; le problème, c'est qu'elle n'est pas répartie équitablement entre les régions géographiques. Généralement, les secteurs de développement pétrolier et gazier conviennent à l'injection et au stockage, principalement parce qu'il fallait une formation géologique particulière pour maintenir le pétrole en place pendant un million d'années. C'est un bon point de départ.

Mais vous avez raison de dire que la répartition est inégale sur le plan géographique.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit dans votre exposé que sans le captage et le stockage du carbone, les coûts à absorber pour respecter la cible de 2 p. 100 flamberaient de 138 p. 100.

M. Erikson : Vous avez raison.

Le sénateur Massicotte : Expliquez-nous simplement comment vous parvenez à ce résultat, car vous semblez associer un coût au fait de ne pas atteindre la cible. Quand vous dites que le coût sera plus élevé, cela signifie évidemment que vous avez fait le calcul. Pour la civilisation, quel sera le coût du respect ou non de notre objectif? Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment vous obtenez ce chiffre et ce qu'il signifie?

M. Erikson : Je dois d'abord dire que le chiffre n'est pas de nous. C'est l'Agence internationale de l'énergie, ou AIE, qui a fait le calcul. Elle utilise de nombreux modèles économiques et différentes variables. Elle a vérifié 11 modèles afin d'optimiser les solutions à faibles émissions de carbone permettant d'atteindre la cible de 2 degrés. Ce qu'elle a déterminé, c'est qu'on ne pouvait pas y arriver sans CSC à partir du huitième modèle, je crois. Les trois autres modèles entraînaient une augmentation du coût de l'ordre de 138 p. 100.

J'ignore comment l'agence crée la modélisation, mais je sais que le modèle vise à optimiser ce que j'appellerai l'intensité des émissions de CO2. Lorsque des options sont écartées, le prix des autres augmente simplement en raison de l'offre et de la demande, et je serai ravi de vous fournir des renseignements supplémentaires à titre indicatif.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Seidman : Sur votre site web se trouve un document d'orientation du nom de Challenges related to carbon transportation and storage — showstoppers for CCS? Le document conclut qu'il y a des failles et des obstacles communs aux marchés des États-Unis et de l'Europe. Je suis persuadée que c'est fort complexe, mais puis-je simplement vous demander de nous donner un aperçu des failles et des obstacles communs à ces marchés?

M. Erikson : Bien sûr. Tout d'abord, je dirai que le rapport auquel vous faites allusion n'a pas été rédigé par notre institut, mais plutôt par un de nos partenaires universitaires. Nous avons jugé important d'en publier les résultats.

Les failles du marché auxquelles les auteurs font référence concernent principalement l'établissement d'un coût convenable pour ce que j'appellerai les effets externes. Ces effets surviennent lorsque nous n'évaluons pas bien le coût environnemental des divers processus industriels de la production d'énergie, ce qui entraîne plus tard une hausse des coûts d'atténuation et d'adaptation. Cette faille du marché déterminante s'apparente à celle dont Al Gore parle depuis 15 ans. Il s'agit de ne pas bien établir le coût des effets externes qui touchent tous les intervenants de façon égale.

Vous ne trouvez pas la réponse satisfaisante, n'est-ce pas? Je le vois à votre regard.

La sénatrice Seidman : Non. Pourriez-vous donner des exemples d'effets externes?

M. Erikson : Comme je l'ai mentionné plus tôt, les marchés de l'électricité n'accordent pas la même valeur à l'énergie acheminable et à l'énergie intermittente. Permettez-moi de reformuler ma pensée. Il n'y a aucune différence entre ces deux énergies, alors qu'il devrait y en avoir une étant donné que l'énergie acheminable a plus de valeur pour le réseau, puisqu'elle peut être disponible sur demande. Voilà un exemple d'effet externe qui n'est pas reconnu à sa juste valeur.

Encore une fois, je pense qu'il vaut mieux faire référence au rapport lui-même, et que je vous revienne à une date ultérieure.

La sénatrice Seidman : D'accord, merci.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie encore infiniment de votre exposé et de vos réponses éclairantes de cet après- midi.

Croyez-vous qu'il y aura une forte demande commerciale pour le captage du carbone? Nous parlons du manque d'investissements gouvernementaux. Pour ce qui est du marché et du rôle de Bay Street et de Wall Street dans le développement de cette nouvelle technologie au moyen d'un fonds, pouvez-vous m'expliquer ce qu'en pense votre organisation?

J'ai l'impression que tout le monde peut participer et investir dans cette nouvelle technologie en développement. Puisqu'elle profite à tout le monde, non seulement en Amérique du Nord, mais aussi à l'échelle mondiale, il pourrait y avoir une sorte de fonds vert pour l'appuyer. Peut-être qu'un mécanisme semblable existe déjà. Quoi qu'il en soit, expliquez-moi la direction que prendra selon vous le marché, étant donné qu'il y aura une demande commerciale accrue de CO2.

M. Erikson : Pour commencer, permettez-moi d'aborder la question de l'électricité. En tant que consommateur, j'achète chez moi de l'énergie verte auprès de mon service public. Les comptables affirment que nous consommons suffisamment pour assurer la survie d'une éolienne ailleurs sur le réseau. Quoi qu'il en soit, j'ai la possibilité d'acheter cette énergie, qui me coûte environ 15 p. 100 de plus que l'électricité ordinaire. Dans le cas du captage et du stockage du carbone, ce choix ne s'offre pas au consommateur, au propriétaire ou au secteur privé, notamment parce qu'il n'y a pas beaucoup d'électricité à faibles émissions de carbone sur le réseau qui provient du CSC.

Je m'attends certainement à ce que le marché prenne de l'expansion. Les sociétés du monde entier, en particulier les 500 premières, sont très désireuses de réduire leur empreinte carbone globale, non seulement dans leurs activités, mais aussi sur l'ensemble de leur chaîne de valeur. J'espère que nous pourrons au fil du temps attirer une telle demande, un tel marché. Ainsi, tout comme une entreprise peut installer un panneau solaire sur son toit et l'inscrire à son rapport annuel sur la durabilité, elle pourra également acheter une électricité à faibles émissions de carbone qui a été produite grâce au captage du carbone.

Étant donné qu'il y a très peu d'énergies renouvelables sur le réseau à l'heure actuelle, il y a de grandes possibilités de croissance sans vraiment perturber le réseau. À un moment donné, le prix des énergies renouvelables augmentera de façon spectaculaire quand il atteindra ce point de saturation. Voilà pourquoi nous devons donner au marché général un accès à une électricité à faibles émissions de carbone.

Aux États-Unis, lorsque l'ensemble des secteurs privé et financier appuiera une telle initiative, je crois qu'elle obtiendra également l'aval des décideurs.

Le président : Il y a deux autres intervenants, et le temps est écoulé puisque nous avons d'autres questions à régler.

Le sénateur Black : D'après tout ce que vous avez dit — et j'ai beaucoup aimé apprendre de vous aujourd'hui —, j'en retiens que le développement du captage et du stockage du carbone nécessite, pour réussir, soit un soutien financier gouvernemental, soit une intervention réglementaire au nom des gouvernements. Est-ce exact?

M. Erikson : Oui.

Le sénateur Black : Merci.

La sénatrice Fraser : Vous avez dit que vous achetez de l'électricité verte?

M. Erikson : C'est exact.

La sénatrice Fraser : J'aimerais bien savoir comment cela fonctionne. Je ne connais aucun service public au Canada qui offre cette option. Je présume qu'il ne s'agit pas d'un réseau distinct.

M. Erikson : Non.

La sénatrice Fraser : Vous achetez donc l'électricité du réseau normal, sauf que vous payez une prime par pure bonté afin d'appuyer l'énergie verte?

M. Erikson : Oui, en effet. C'est très semblable à un retrait d'argent auprès de la banque. Vous ne recevez pas le même dollar que vous avez déposé dans votre compte bancaire. Il s'agit d'une opération comptable. Dans ce cas-ci, les responsables comptent les électrons. Ainsi, les électrons qui sont produits dans le sud-ouest de la Virginie ne sont pas les mêmes qui entrent dans ma maison, mais il s'agit d'un processus comptable. C'est assez courant aux États-Unis pour de nombreux services publics.

La sénatrice Fraser : C'est fascinant.

Le président : Monsieur Erikson, merci beaucoup d'être venu. Vous avez présenté d'excellents commentaires, et tout le monde a posé d'excellentes questions.

Nous allons poursuivre à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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