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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 21 - Témoignages du 16 février 2017


OTTAWA, le jeudi 16 février 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je suis un sénateur de la Colombie- Britannique et le président du comité. Je veux souhaiter la bienvenue à toutes les personnes ici présentes avec nous et aux spectateurs de partout au pays qui pourraient regarder la séance à la télévision ou en ligne. En guise de rappel aux personnes qui regardent, les séances du comité sont ouvertes au public et accessibles en ligne, sur le nouveau site web du Sénat, au sencanada.ca. Il est également possible de consulter en ligne tous les autres travaux liés au comité, y compris des rapports, des projets de loi, des études et des listes de témoins de séances passées.

Je demanderais maintenant aux sénateurs à la table de se présenter. Je vais commencer par présenter le vice- président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Bonjour.

La sénatrice Griffin : La sénatrice Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l'Ontario.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

Le président : Je voudrais également présenter les membres de notre personnel, en commençant par la greffière, à ma gauche, Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a donné pour mandat à notre comité de procéder à une étude approfondie des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone ainsi que des difficultés et des coûts liés à cette transition. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux taux de 2005, et ce, d'ici 2030. Il s'agit d'une initiative colossale.

Pour procéder à cette étude, notre comité a adopté une approche secteur par secteur. Nous allons nous pencher sur cinq secteurs de l'économie canadienne qui sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit de l'électricité, des transports, du pétrole et du gaz, des industries exposées au commerce à forte intensité d'émissions et du bâtiment.

Aujourd'hui, pour la 32e séance d'étude de notre comité, je suis heureux d'accueillir Carl Weatherell, directeur administratif et chef de la direction du Conseil canadien de l'innovation minière. Monsieur, je vous remercie de vous être joint à nous et d'avoir pris le temps, malgré votre horaire chargé, de venir témoigner. La parole est à vous, monsieur.

Carl Weatherell, directeur administratif et chef de la direction, Conseil canadien de l'innovation minière : Merci et bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Tout d'abord, laissez-moi vous remercier, les membres du comité et vous, de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui. Notre déclaration préliminaire portera principalement sur l'innovation, et plus précisément sur la façon dont l'innovation, le CCIM et Vers une exploitation minière sans résidus peuvent contribuer à une économie à faibles émissions de carbone.

Certains de vos témoins ont parlé de la recherche et du besoin de recherche ou vont en parler. Nous devons préciser clairement qu'il y a une distinction importante entre la recherche et l'innovation. C'est tout simplement parce que la recherche, c'est la création et la diffusion de nouvelles connaissances, alors que l'innovation, c'est la création de valeur. Le Canada doit s'engager à financer les deux activités; toutefois, nous devons reconnaître leurs différences et ne pas en promouvoir une sous l'apparence de l'autre.

L'industrie minière du Canada est fondamentale à l'économie du pays, car elle fournit les matières brutes qui permettent à d'autres secteurs de notre économie de prospérer, notamment la haute technologie, les transports, l'aérospatiale et la défense, la fabrication et les technologies propres.

À mesure que nous progresserons vers une économie propre, le besoin de matières brutes produites grâce à l'extraction minière ne fera qu'augmenter. Par exemple, on estime que, d'ici 2030, à elle seule, Tesla consommera 5 p. 100 de la production de cuivre — ou 900 000 tonnes de cuivre pour ses moteurs électriques. Il ne s'agit que d'un exemple d'une entreprise concernant une technologie.

L'innovation n'est pas une nouveauté pour l'industrie minière. Parmi nos innovations, mentionnons les processus industriels hautement complexes, qui ont exigé des milliards de dollars d'investissement, menant à la technologie intégrée dans le module lunaire. La majeure partie de l'élaboration de cette technologie et de l'investissement qui s'y rattache ont lieu dans des centres métropolitains, comme le sud-ouest de l'Ontario, Vancouver, Saskatoon, Calgary et Ottawa.

L'industrie a désespérément besoin d'innovation, mais sa nature exigeante en investissements, les marchés actuels des produits de base instables et associés au stress, les coûts accrus, et la concurrence importante d'autres administrations nuisent à son adoption. Par exemple, en 2015, l'industrie minière mondiale a connu un manque à gagner record de 53 milliards de dollars, de loin supérieur aux pertes subies par l'industrie pétrolière et gazière pour la même période.

Le CCIM — le Conseil canadien de l'innovation minière — a été créé grâce à l'appui des ministres fédéral- provinciaux-territoriaux de l'Énergie et des Mines dans le but d'établir une vision, une stratégie et une approche à long terme afin d'encourager l'industrie des minerais à appuyer une recherche, un développement et une innovation plus ciblés et coordonnés; de mieux utiliser le réseau des universités canadiennes et l'expertise gouvernementale; et de surmonter les grandes difficultés liées à la concurrence auxquelles fait face l'industrie.

Le gouvernement et l'industrie reconnaissent qu'en tant qu'organisme sans but lucratif indépendant, le CCIM dispose d'une plus grande marge de manœuvre pour ce qui est de coordonner et de mettre en œuvre le type de changements progressifs que doit subir l'industrie et qui maintiendra et augmentera sa capacité concurrentielle mondiale.

Le CCIM est à l'exploitation minière et au minerai ce que la COSIA est à l'exploitation pétrolière et gazière et ce que FPInnovations est à la foresterie. De fait, le CCIM a conclu une entente de partenariat stratégique avec FPInnovations, et nous discutons de possibilités semblables avec la COSIA.

En collaboration avec ses partenaires de l'industrie minière et de l'Association minière du Canada, le CCIM a créé une stratégie d'innovation pour l'industrie, appelée Vers une exploitation minière sans résidus. Cette stratégie définit l'avenir de l'industrie dans 10 ans et après et est axée sur les grands défis communs à l'industrie relativement à l'énergie, à l'environnement et à la productivité. Vers une exploitation minière sans résidus comprend une analyse de rentabilisation, des cibles transformationnelles, des feuilles de route liées à la technologie et des projets qui en sont à diverses étapes de leur exécution.

Nous avons apporté aujourd'hui une copie de l'analyse de rentabilisation et de la feuille de route intégrée à Vers une exploitation minière sans résidus, et ces documents peuvent être mis à votre disposition par l'entremise de la greffière, afin que vous puissiez les étudier. Je devrais mentionner que, d'après ce que nous savons, la version simplifiée que voici n'a jamais été créée pour l'industrie canadienne ni pour aucune industrie du monde. Elle est unique en son genre — une première.

Le CCIM intègre un modèle d'affaires axé sur l'innovation ouverte qui comprend des membres de la chaîne d'approvisionnement en entier, y compris les universités, des laboratoires gouvernementaux et d'autres laboratoires, des entreprises en démarrage, de petites et moyennes entreprises, des entreprises du palmarès Fortune 500, des entreprises exploitées par des Autochtones et des sociétés minières qui se concentrent en collaboration sur la résolution de problèmes précis définis par l'industrie. Les technologies du secteur de la technologie des communications et de l'information, de la génomique, de l'aérospatiale et de la défense ont été désignées comme des solutions potentielles.

Ce modèle d'innovation hautement axé sur la collaboration accélère l'élaboration, le déploiement et l'adoption à grande échelle de la technologie et réduit le risque financier pour tous les collaborateurs.

Je voudrais présenter deux ou trois exemples tirés de notre feuille de route relative à la technologie qui réduisent directement les émissions de gaz à effet de serre dans les activités minières.

Notre feuille de route relative à la technologie d'exploitation souterraine est axée sur le passage des exploitations minières souterraines existantes de plateformes où règne la production en lots et fondées sur le carbone à des plateformes technologiques continues, intelligentes et fonctionnant à l'électricité. L'incidence sur le taux d'émissions sera importante à mesure que nous ferons passer l'industrie à une exploitation souterraine hautement efficiente où tout fonctionne à l'électricité.

Deux projets qui sont en cours comprennent la création des premières lignes directrices au monde concernant des véhicules souterrains électriques à batterie. Ces lignes directrices seront achevées d'ici mars 2017, puis évolueront vers la création de normes mondiales. Le modèle d'affaires du CCIM a permis à ce processus d'être achevé en 6 mois plutôt qu'en environ 24 mois ou 2 ans. Un deuxième projet que nous sommes sur le point de lancer, ce printemps, vise à accélérer l'élaboration et l'adoption de véhicules électriques à batterie pour les mines souterraines.

La mine souterraine hautement efficiente où tout fonctionne à l'électricité réduira l'empreinte carbone en retirant les carburants au diesel des exploitations souterraines. Ce retrait entraînera également une réduction, par exemple, des besoins en ventilation et de la consommation d'énergie qui s'y rattache, qui comptent pour une part importante de l'énergie utilisée aux fins des exploitations souterraines. Une société minière estime qu'à une exploitation, une réduction de 47 p. 100 de l'énergie requise pour la ventilation seulement découlera du passage aux véhicules électriques à batterie... de l'utilisation d'une flotte électrique.

Notre groupe responsable de l'énergie et de la transformation cible une réduction de moitié de la consommation d'énergie dans le cycle de transformation des exploitations minières. Dans un exemple, le processus de concassage et de broyage des pierres consomme environ 3 p. 100 de l'électricité du monde — assez d'électricité pour alimenter l'Allemagne —, dont 90 à 95 p. 100 sont perdus en tant que gaspillage. Notre groupe responsable de l'énergie consommée par les technologies de transformation, qui se compose de cadres supérieurs bénévoles de sociétés minières et d'ingénierie, d'un laboratoire gouvernemental fédéral, d'une petite et moyenne entreprise et de fabricants d'équipement original, a trouvé une technologie qui a le potentiel de réduire la consommation d'énergie de moitié. L'achèvement de la deuxième phase de ce projet est prévu en juin 2017, après quoi nous allons passer à l'élaboration et au déploiement d'un prototype de technologie. Nous ciblons la commercialisation à grande échelle de la technologie d'ici 2021.

Notre plus grand défi à relever tient à l'immense complexité du système d'innovation au Canada. Les mécanismes de financement qui appuient actuellement la recherche, le développement et l'innovation — il y en a plus de 7 000 — sont généralement axés sur la recherche et les universités, limités à des régions choisies du Canada et généralement incompatibles avec les besoins des projets d'innovation liés à l'exploitation minière. Par conséquent, cela nuit grandement à l'investissement dans l'innovation et à l'élaboration de technologies au Canada. Le résultat final, c'est qu'un certain nombre des sociétés minières canadiennes effectuent leurs investissements liés à l'innovation dans des administrations étrangères.

En tant que pays, notre classement international en innovation diminue de façon stable depuis plus de 10 ans. Ces résultats montrent clairement que notre approche traditionnelle consistant à financer l'innovation par cette myriade de programmes complexes et décousus ne fonctionne pas. Ainsi, le gouvernement du Canada doit effectuer un investissement stratégique et ciblé qui est fréquent dans d'autres pays, comme l'Australie.

Nous avons actuellement une proposition à faire au Parlement, et nous souhaitons obtenir directement du gouvernement du Canada un investissement de 50 millions de dollars sur cinq ans. Cet investissement entraînera l'élaboration de technologies qui réduiront grandement la consommation d'énergie, les émissions de gaz à effet de serre, le rejet de résidus et l'utilisation de l'eau. Ces nouvelles technologies seront déployées dans les mines canadiennes et dans des mines de partout dans le monde. Cela augmentera l'investissement étranger direct au Canada par des entreprises de technologie internationales, fera du Canada un centre mondial de l'innovation minière et augmentera la part du marché d'exportation du pays en ce qui concerne les technologies minières et propres.

L'Association minière du Canada a trouvé jusqu'à 145 milliards de dollars de nouveaux investissements miniers potentiels au Canada au cours des 10 prochaines années. Grâce au travail du CCIM, nous pouvons contribuer à veiller à ce que cet investissement représente les mines écoénergétiques et les moins polluantes jamais vues au pays. Des mines ne produisant aucune émission et fonctionnant entièrement à l'électricité sont possibles d'ici cinq ans, mais la réalisation de ce projet exigera le déploiement d'un effort concerté.

Le Conseil canadien de l'innovation minière a été désigné comme étant l'organisme-cadre pouvant coordonner l'innovation dans l'industrie minière; il a fait ses preuves, et il s'agit de l'organisation indépendante idéale pour gérer un tel investissement direct et pour mettre en œuvre cette stratégie visionnaire. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, et j'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Weatherell, je vous remercie de votre exposé et de votre présence ce matin. Dans votre déclaration, vous avez parlé de la recherche de financement. Je vais vous laisser vous occuper de l'autorité de ces arguments, ainsi de suite. Ce n'est pas notre rôle. Mais, parlons d'innovation.

Je m'intéresse aux 90 p. 100 de l'électricité qui pourraient aller en Allemagne. Donnez-moi une idée : qu'allez-vous faire au cours des 10 prochaines années? Qu'allez-vous faire pour économiser ces 3 p. 100 de l'énergie mondiale?

M. Weatherell : L'un des projets que j'ai évoqués en guise d'exemple, c'est une nouvelle technologie de comminution permettant de réduire cette consommation de moitié. Encore une fois, nous étudions la possibilité que la prochaine phase soit terminée d'ici le mois de juin, le prototype, dans un an, commercialisée d'ici cinq ans.

Le sénateur Massicotte : Vous économiseriez 1,5 p. 100 de l'énergie mondiale...

M. Weatherell : De l'électricité mondiale.

Le sénateur Massicotte : Parlez-moi de ce produit. Il est manifestement très intéressant. De quoi s'agit-il, exactement? Pourquoi fonctionne-t-il?

M. Weatherell : Je voudrais revenir en arrière. Il y a un deuxième élément qui est plus compliqué. Je vais revenir aux premiers principes.

Le concassage et le broyage des pierres est un processus hautement exigeant en énergie et très peu écoénergétique qui consiste essentiellement à employer un moyen mécanique pour faire entrer des pierres en collision. Le mode de fonctionnement habituel est le suivant — il s'agit d'une description faite par une personne qui n'est pas ingénieur : vous prenez un pot de margarine, vous le mettez à l'extérieur, vous le faites tourner, jetez des roches dedans; il contient des balles qui entrent en collision, et vous en mettez une série de 20, puis vous finissez par vous retrouver avec des particules fines. Comme ce processus est hautement inefficace, il consomme une quantité importante d'énergie.

La technologie que nous étudions est une toute nouvelle façon de broyer les pierres. Il ne s'agit pas de regarder ces collisions. La façon la plus simple de la décrire, c'est qu'elle est comme une structure en étoile... ce genre de technologie. On l'appelle un broyeur à marteaux et enclumes coniques. Encore une fois, elle a fait l'objet de simulations et a été éprouvée. Nous devons simplement en faire un prototype. Selon les estimations fondées sur la technologie existante, la réduction de la consommation d'énergie serait de 50 à 60 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Cette technologie existe et est actuellement appliquée dans d'autres parties du monde?

M. Weatherell : Non, elle est en cours d'élaboration. C'est ce que nous faisons : l'élaborer en laboratoire, à l'échelle de banc d'essai, pour en faire un prototype.

Le sénateur Massicotte : Son fonctionnement a-t-il été prouvé?

M. Weatherell : Nous en sommes maintenant à cette étape. L'étude que nous menons actuellement vise à détecter ce que nous appelons les lacunes fatales. Voici les technologies que nous avons à l'échelle de banc d'essai. Comment pouvons-nous les régler? Voilà où nous en sommes en ce moment.

Le sénateur Massicotte : Cette technologie permettrait d'économiser 30 p. 100 de l'énergie du monde, si elle fonctionnait?

M. Weatherell : Environ la moitié de 3 p. 100, c'est-à-dire environ 1,5 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Il y a de grandes sociétés minières en Australie et au Canada. Elles doivent être super intéressées par ces choses et fournir des millions de dollars pour faire avancer ces projets, n'est-ce pas?

M. Weatherell : Pour l'instant, elles ne le sont pas, car la technologie en est aux étapes initiales. Habituellement, l'élaboration de technologies dans l'industrie minière prend 20, 30 ou 40 ans. Nous avons la participation de sociétés minières en ce moment. Elles n'investissent habituellement pas dans l'élaboration de la technologie. C'est plutôt les sociétés d'ingénierie...

Le sénateur Massicotte : Tout le monde est logique, en fin de compte. Si elles économisent des millions de dollars — ce qui serait le cas — elles vont vous offrir des millions de dollars en retour.

M. Weatherell : Oui, absolument. Le deuxième élément de cette conversation — qui est très important —, c'est que vous avez mentionné les mines de l'Australie et d'autres sociétés. Il existe une assise financière, alors ce financement ne remplacerait pas l'existence d'une assise financière. Un projet minier dure 10, 20 ou 30 ans. Les sociétés ne vont pas intervenir pour remplacer ces broyeurs. Un deuxième projet concerne les déchets à énergie de faible valeur qui sont produits par les processus actuels, et nous envisageons l'élaboration d'une technologie visant à recapter l'énergie de faible valeur de ces déchets afin de l'appliquer aux mines existantes. Sénateur Massicotte, la technologie au sujet de laquelle vous avez posé une question est destinée aux nouvelles mines.

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas un expert, mais je vous souhaite bonne chance. J'ai investi beaucoup de capital de risque dans ma vie, et beaucoup de bonnes idées ne fonctionnent pas, mais j'espère que ce ne sera pas votre cas. Merci beaucoup.

M. Weatherell : Merci.

Le sénateur Lang : Je souhaite la bienvenue à notre invité. Tout comme le sénateur Massicotte, j'ai été intrigué par deux exemples que vous avez soulevés relativement au fait de passer de la recherche à l'innovation, et, espérons-le, aux aspects pratiques liés à l'exploitation d'une mine.

Comme j'ai travaillé personnellement dans le milieu minier à une autre époque, il y a longtemps, je comprends un peu comment cela fonctionne et pourquoi, sur le terrain, il est très difficile de tenter d'atteindre tous les objectifs qu'on voudrait atteindre.

Nous avons reçu une série de témoins provenant d'un certain nombre d'organisations qui étudient la recherche et l'innovation, au point où cela devient un peu déroutant. Qui fait quoi? Qui rend des comptes à qui? Qui reçoit l'argent? Au bout du compte, aurons-nous un produit qui sera extrêmement utile pour l'économie en général ainsi que pour l'environnement?

Cela dit, dans vos commentaires, vous avez affirmé que « le gouvernement du Canada doit effectuer un investissement stratégique et ciblé qui est fréquent dans d'autres pays, comme l'Australie ». Qu'est-ce que l'Australie fait différemment de ce que nous faisons?

M. Weatherell : C'est une bonne question. Je suis heureux que vous l'ayez soulevée, sénateur Lang. L'Australie a désigné quatre secteurs qui sont stratégiques par rapport à son économie et a effectué d'importants investissements directs dans ces secteurs.

Je vais vous donner un exemple précis qui a eu lieu récemment. Les gouvernements de l'Australie et du Queensland — le gouvernement d'État et le gouvernement fédéral — ont collectivement investi 20 millions de dollars pour la création d'une organisation comme la nôtre afin qu'elle fasse la même chose que nous faisons. Il s'agit là d'un exemple. Ils ont également injecté plus de 100 millions de dollars dans des centres pour qu'ils procèdent à l'élaboration de technologies dans des domaines semblables à ce que nous faisons. Nous travaillons avec ces organisations en Australie, mais, encore une fois, elles effectuent des investissements stratégiques ciblés et à grande échelle à l'extérieur des universités et ont recours à des tiers comme nous-mêmes pour le faire.

Le sénateur Lang : Je veux revenir là-dessus du point de vue de l'aspect pratique de la recherche et de l'innovation. Il me semblerait qu'un centre, et probablement un centre universitaire, serait établi par l'association minière dans le but de regrouper les divers travaux de recherche qui ont lieu afin de voir comment on peut les mettre en œuvre. Je vais simplement poursuivre à partir de cela. Au Yukon, nous avons un petit collège, le Collège du Yukon, et nous avons un centre de recherche et d'innovation principalement orienté vers le milieu minier afin de tenter de voir ce que nous pouvons faire pour nous acquitter de nos responsabilités environnementales.

Chers collègues, des recherches importantes en cours semblent être très prometteuses et donneront deux résultats. Le processus sera amélioré aux fins de l'environnement, et, par ailleurs, il coûtera moins cher aux producteurs. Alors, si cela se produit, comme dans les deux exemples que vous avez donnés, il est évident que ce sera extrêmement avantageux.

Ce que je ne comprends pas tout à fait — et peut-être que vous pouvez nous parler du volet financier, soulevé par le sénateur Massicotte, encore une fois —, c'est pourquoi les grandes sociétés minières qui sont les producteurs et qui, au bout du compte, vont profiter directement de cette initiative, si nous réussissons, ne font pas leur part en investissant des millions de dollars pour contribuer et aider à organiser cela. Bien franchement, elles pourront également utiliser toute somme qu'elles avancent comme avantage fiscal également. Vous pourriez peut-être formuler un commentaire expliquant pourquoi nous n'en sommes pas à l'étape où elles injectent des sommes d'argent importantes afin d'encourager le gouvernement.

M. Weatherell : C'est une excellente question. En fait, elles le font. Elles interviennent et elles investissent des millions. Comme j'y ai fait allusion dans mes commentaires, certains de ces investissements sont effectués en Australie plutôt qu'au Canada, simplement parce qu'un mécanisme de financement de contrepartie s'y trouve déjà. Elles obtiennent immédiatement une contrepartie de 50 à 500 pour 1. Le mécanisme existe déjà.

Ce qui arrive, au Canada, c'est qu'on se retrouve avec une myriade de collèges, d'universités, ou d'autres organisations qui cognent à la porte de l'industrie en disant : « Nous voulons un million de dollars pour ceci; nous voulons 500 000 $ pour cela, et nous voulons un quart de million de dollars pour ceci ». Les entreprises sont constamment bombardées de demandes d'argent. Voilà le premier élément.

Concernant l'argument que vous avez formulé dans vos commentaires initiaux, relativement à la cible, l'une des raisons pour lesquelles nous avons été mis en place — pourquoi le CCIM a été mis sur pied — était en fait d'obtenir cette collaboration entre les organisations de recherche et l'innovation, les deux en même temps. Nous travaillons là- dessus et nous le faisons depuis un certain nombre d'années. Nous avons réalisé des progrès importants pour ce qui est d'aligner l'industrie, les PME, les fournisseurs et les organisations de recherche. De fait, nous participons au sein de quatre centres d'excellence au Canada et en encourageons un cinquième relativement à la recherche et aux universités et veillons à ce que l'accent soit mis sur les difficultés liées à l'exploitation minière.

Pour en revenir à votre question, les entreprises investissent. Elles investissent dans nous et dans des projets en ce moment même. Dans le cas du projet de véhicules électriques à batterie que j'ai mentionné, à elles seules, deux entreprises investissent de 2,5 à 5 millions de dollars chacune parce qu'il est directement pertinent par rapport à leurs activités. Elles font leur part si c'est pertinent par rapport à leurs activités. Ce que nous faisons, c'est apporter cette cible et cette pertinence à l'activité minière.

Le sénateur Black : Votre organisation et vous faites un travail très important. C'était un exposé très utile que vous avez présenté ce matin.

Afin de nous aider dans le travail que nous faisons, voudriez-vous nous dire, à votre avis, quelles sont les trois choses que nous pourrions recommander qui seraient utiles au travail que vous faites?

M. Weatherell : En fait, c'est une question à laquelle je ne m'étais pas préparé, sénateur Black. Encore une fois, je me concentrerais sur une recommandation, c'est-à-dire cibler l'investissement dans des organisations comme la nôtre, qui recommandent que cela ait lieu, simplement parce que cela a lieu dans d'autres administrations. C'est le cas au Canada, dans d'autres secteurs, mais pas dans l'industrie minière.

Le sénateur Black : Très bien, parlons simplement de cela. L'unique recommandation serait la suivante : « Donnez- nous des fonds supplémentaires afin de faire avancer notre programme d'innovation » Est-ce cela que vous nous dites?

M. Weatherell : Oui.

Le sénateur Black : Vous dites que vous travaillez en partenariat avec la COSIA. Vous allez devoir me rafraîchir la mémoire, car je ne sais plus si la COSIA reçoit des fonds du gouvernement.

M. Weatherell : Non, la COSIA ne reçoit pas de fonds du gouvernement pour l'instant, mais, encore une fois, je pense que nous devons faire très attention de ne pas comparer des pommes et des oranges. Si on regarde l'industrie pétrolière et gazière, les marges des cinq dernières années — plus ou moins — étaient beaucoup plus élevées que celles de l'exploitation minière en roche dure. Le renforcement de la capacité de financer ces projets à des taux importants, voilà ce qu'entreprend la COSIA. Cette situation est en train de changer. Il y a une petite différence du point de vue des marges et des capacités.

Le sénateur Black : Très bien, merci.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre exposé. Sur le site web de votre conseil, on dit que le CCIM souhaite obtenir du gouvernement fédéral un investissement de 50 millions de dollars sur cinq ans, qui sera égalé par l'industrie afin d'accélérer la mise en œuvre de la stratégie d'innovation TZWM.

Seriez-vous en mesure de nous parler un peu des types de projets? Je sais que vous avez un peu abordé ce que vous faites actuellement.

M. Weatherell : Absolument.

La sénatrice Seidman : Mais, du point de vue de l'avenir, en souhaitant ce genre d'investissement, à quoi songez- vous?

M. Weatherell : Je vous ai donné deux ou trois exemples. Nous disposons essentiellement de quatre portefeuilles : l'exploration, l'exploitation minière souterraine, l'énergie de transformation et l'environnement. J'en ai expliqué deux ou trois dans le domaine de l'exploitation souterraine, et un dans celui de la transformation, alors je vais aborder les autres extrémités et revenir à l'innovation ainsi qu'à la transformation.

Dans le cas de l'exploration, notre groupe responsable de l'exploration a créé une feuille de route relative à la technologie pour 10 ans. La prochaine partie, que nous sommes en train d'étoffer, sera prête pour qu'un projet soit défini en 2018, c'est-à-dire : comment pouvons-nous trouver des dépôts dans le sous-sol du Nord du Canada? Habituellement, ils se trouvent à environ 300 mètres sous la surface, mais comment peut-on les trouver à l'aide de méthodes superficielles, au lieu de forer partout? Il s'agit d'étudier des technologies comme la géochimie, et même la génomique. Il y a des possibilités en ce qui concerne la technologie génomique. Il s'agit de la principale cible de l'exploration.

En ce qui concerne l'exploitation souterraine, la coupe mécanique est un troisième projet mené sur ce plan. J'ai parlé du forage et du sautage, où on fait des trous, on y insère des explosifs et on les fait sauter. L'industrie voudrait adopter la coupe mécanique, qui consiste à entailler la pierre par un moyen mécanique. Le problème, au Canada, c'est que la pierre est trop dure et qu'il n'existe aucune technologie, alors nous allons mener une étude de préfaisabilité, que nous sommes sur le point de lancer afin d'étudier les façons dont nous pouvons accélérer l'élaboration de la technologie permettant d'entailler cette pierre plus rapidement au Canada. Nous travaillons avec des entreprises suédoises et canadiennes.

Dans le domaine de la transformation — et c'en est un qui est vraiment captivant —, l'un des éléments de la transformation, c'est la flottation par mousse, selon laquelle on obtient une matière finement moulue, on y ajoute des produits chimiques et elle flotte et se concentre. En ce moment, certains des produits chimiques, qui sont utilisés sont dangereux pour l'environnement, pour la santé et pour tout le reste, alors nous travaillons avec un consortium du Québec qui étudie la possibilité de créer un réactif de bioflottation, à l'aide de la biologie moléculaire et de la génomique. On créerait ainsi toute une nouvelle bio-industrie pour l'industrie minière. Encore une fois, il s'agit d'un autre projet potentiel.

Dans le domaine de l'environnement, nous menons actuellement deux projets. Ce que nous appelons le carrefour des connaissances en est un. Essentiellement, lorsqu'un projet minier va de l'avant, une surveillance de base de la qualité de l'eau doit être effectuée, et les données relatives à la qualité de l'eau doivent être présentées aux administrations compétentes — fédérales-provinciales-territoriales — et ces données sont accessibles, mais elles ne sont pas faciles d'accès. Elles sont vraiment difficiles à trouver. Il est vraiment difficile de les obtenir. En collaboration avec la province de la Colombie-Britannique et avec Geoscience B.C., nous avons maintenant accès à des données sur la qualité de l'eau, localisées de façon géospatiale dans la province, et elles sont accessibles à tous. Elles sont ouvertement accessibles, et je pense qu'on peut maintenant accéder à environ 10 millions de points de données; tout simplement un accès ouvert et transparent aux données sur la qualité de l'eau.

Le dernier projet en environnement que nous sommes sur le point de lancer — et il y en a d'autres — fait partie de l'exploitation minière. Beaucoup de ces exploitations sont situées dans des régions éloignées. Les sociétés minières sont obligées d'aller y surveiller la qualité de l'eau. Habituellement, elles envoient une personne par avion, si c'est dans une région éloignée; cette personne prélève des échantillons en lots et les renvoie au laboratoire, où on les analyse. Ce sont des aperçus dans le temps. Nous avons défini un projet et recensé six entreprises et technologies potentielles dans le monde — dont deux sont au Canada, en fait —, qui vont faire passer cette surveillance de la qualité de l'eau à une surveillance à distance en temps réel. Votre capteur de la qualité de l'eau — pour tout ce qui est prévu aux annexes 4 et 5 — va finir par ressembler à cela dans 5 à 10 ans, et vous pourrez y accéder sur votre tablette électronique.

La première entreprise avec laquelle nous travaillons est une entreprise en démarrage de Calgary qui emploie une technologie axée sur la génomique.

Le président : Sénatrice Seidman, je vais vous placer dans la deuxième série de questions. J'ai beaucoup d'intervenants. Je vais commencer à changer le processus.

La sénatrice Griffin : Merci de votre présence. Dans votre mémoire, vous avez précisé ce que le gouvernement du Canada peut faire pour vous, et le sénateur Black en a également parlé. Quels autres instruments économiques seraient utiles à l'industrie minière, en plus des 50 millions de dollars que vous avez demandés sur cinq ans?

Je vais vous affirmer d'avance que la prochaine partie de ma question portera sur les instruments réglementaires, puisque vous avez mentionné que des problèmes sont liés au fait de faire des affaires ici, comparativement à l'Australie, par exemple. Lesquels des instruments réglementaires dont nous disposons, au Canada, pourraient être modifiés ou pourraient être utiles?

Alors, j'aimerais obtenir plus de détails sur les instruments économiques, puis savoir quels instruments réglementaires vous seraient utiles?

M. Weatherell : Excellent, merci. Je vais commencer par aborder les instruments réglementaires. Le Conseil canadien de l'innovation minière se concentre sur l'innovation, et c'est l'Association minière du Canada qui s'occupe du volet réglementaire, alors je consulterais l'AMC à ce sujet. Ce sont des experts, et ils s'occupent de tout ce qui touche la réglementation et les politiques.

Concernant les instruments financiers, je vais vous donner un exemple précis : le prototypage et la mise à l'essai de la technologie. Par exemple, les véhicules électriques à batterie coûtent très cher. Les sociétés minières adoreraient que soit mis en œuvre un genre de programme dans le cadre duquel elles pourraient compenser les coûts liés à l'achat, à la mise à l'essai et au prototypage des véhicules électriques à batterie en milieu souterrain afin qu'elles ne dépensent pas 15 ou 20 millions de dollars à elles seules pour s'assurer qu'ils fonctionnent avant d'acheter un parc entier.

Dans son nouveau programme de démonstration de l'innovation en matière d'énergie, Ressources naturelles Canada a établi quelque chose comme cela. Voilà le premier élément. Le deuxième, c'est le prototypage et la démonstration de la technologie, comme cette technologie de concassage et de broyage, par exemple. Si nous ne sollicitons pas de sociétés de capital-risque, de firmes d'ingénierie ou d'autres entreprises, il serait bien que nous disposions d'un fonds canadien, qui nous permettrait d'aller faire ce qui est pertinent par rapport à notre fonctionnement.

Il existe certains mécanismes, mais, malheureusement, ils ne conviennent pas à la façon dont nous fonctionnons actuellement, ce qui fait partie du problème. Il s'agit là de deux exemples.

La sénatrice Fraser : Merci. Tout cela est fascinant. J'ai une clarification rapide concernant la nouvelle technologie de concassage : comment avez-vous dit qu'elle s'appelait?

M. Weatherell : Un broyeur à marteaux et enclumes.

La sénatrice Fraser : On envoie des choses dans un entonnoir?

M. Weatherell : C'est plutôt comme une structure en étoile.

La sénatrice Fraser : « Des mines... fonctionnant entièrement à l'électricité sont possibles d'ici cinq ans ». J'ai grandi dans une ville minière, et, si vous pouvez faire cela, ce sera énorme. Toutefois, je présume qu'un assez bon nombre de ces nouvelles mines se trouvent dans le Nord?

M. Weatherell : Oui.

La sénatrice Fraser : Ou dans des territoires assez éloignés. Où allez-vous vous procurer l'électricité?

M. Weatherell : Dans les régions éloignées, il y a deux ou trois options. En ce moment, les génératrices au diesel existantes sont la première. La deuxième consiste à s'alimenter au fil de l'eau, si c'est faisable. Je sais qu'une société minière étudie un projet de centrale au fil de l'eau, au Nunavut. La troisième — même si c'est beaucoup plus loin —, c'est le SMR, c'est-à-dire les réacteurs de petite et moyenne taille... Des réacteurs nucléaires. C'est pour dans 8 à 10 ans. Pour l'instant, ce serait les génératrices au diesel.

La sénatrice Fraser : Comptez-vous les émissions du diesel découlant de la production de l'électricité lorsque vous dites que nos mines ne produiraient aucune émission et fonctionneraient entièrement à l'électricité?

M. Weatherell : Ce n'est que l'exploitation souterraine.

La sénatrice Fraser : Je suppose que c'est aucune émission nette après que vous aurez recapté toute l'énergie des déchets.

M. Weatherell : Oui.

La sénatrice Fraser : Je suis mystifiée par la notion d'appliquer la technologie génomique à l'exploitation minière. Vous avez parlé de bioflottation. De quoi peut-il bien s'agir?

M. Weatherell : C'est très intéressant. Des études ont montré que les particules de métal dans les circuits de flottation, qui sont mélangées à toutes sortes de produits chimiques, sont en fait entourées de bactéries. L'idée est la suivante : peut-on créer ou modifier ces bactéries de manière à ce qu'elles fassent flotter d'eux-mêmes et de façon sélective les minerais, sans les produits chimiques? Il s'agit là d'un exemple. C'est un projet sur lequel se concentrent l'Université Laval, le CNRC et COREN, à Québec.

J'ai parlé du capteur de la qualité de l'eau. Par exemple, une protéine dans une bactérie émet un signal électrique en réaction à une influence externe, comme un ion de cuivre ou de cyanure dans l'eau. Grâce à la modification génétique de ces bactéries, on peut les faire réagir à divers anilides dans l'eau, par exemple. C'est là-dessus que l'entreprise de Calgary travaille.

Le sénateur Wetston : Monsieur Weatherell, je vous confesse que j'ai étudié l'exploitation minière en roche dure à l'Université Mount Allison il y a plus de 45 ans. La mine dont vous parlez me semble certainement très différente de la première dans laquelle je suis descendu. C'est probablement pourquoi j'ai laissé la profession.

La productivité est un gros défi à surmonter au pays, dans de nombreux secteurs, pas seulement l'exploitation minière. Je pense que vous faites allusion à cela lorsque vous parlez d'innovation, et, selon moi, nous avons pris du retard pour un certain nombre de raisons et continuons d'en accuser.

À part les sujets que vous avez abordés aujourd'hui — et j'ai une question à poser en deux volets, qui ne prendra pas de temps —, parlez-moi un peu des problèmes de productivité dans votre industrie.

M. Weatherell : Le plus simple, c'est l'exploitation souterraine. On estime que la productivité de ce type d'exploitation se situe à environ 24 p. 100. Une fois qu'on arrive dans les mines plus profondes, il faut envoyer de l'équipement et des gens, et ils doivent se rendre à des endroits et trouver l'équipement. Si on fait du dynamitage, il faut évacuer les mines. C'est extrêmement improductif.

Si on fait des choses comme se débarrasser du dynamitage, on n'a pas à évacuer les mines. Dans le cas de la coupe mécanique, on n'utilise pas d'explosifs, alors il y a moins de dangers. En outre, si on utilise des technologies de communication de l'information intelligentes on peut aussi accroître la productivité. Il y a des exemples de cas où elle a été augmentée de 400 p. 100.

Par ailleurs, on peut en tirer des avantages simplement dans le processus minier. Lorsqu'on déplace des matériaux de la mine souterraine jusqu'à la surface, il y en a parfois qu'on appelle des matériaux surdimensionnés; lorsqu'on les déplace, ils se coincent, et leur retrait peut prendre de 6 à 20 heures. Nous étudions une technologie qui permettra de ramener ce délai à cinq minutes.

Dans le domaine de l'exploitation souterraine, il y a beaucoup de très bons exemples à cet égard.

Le sénateur Wetston : L'Australie. À mon avis, ce pays a fait beaucoup de bonnes choses relativement à l'élaboration de programmes nationaux en collaboration avec les États. Mon meilleur exemple est une commission nationale des valeurs mobilières, que nous n'avons pas au Canada. Je n'entrerai pas là-dedans, alors je vous prie de ne rien me lancer, mais je veux en parler pour un instant parce qu'il s'agit d'un important élément de mobilisation de fonds de l'investissement dans les pays : la prévisibilité, la constance et l'efficacité.

Si je regarde votre exemple de ce qui a été fait en Australie et que je pense au Canada, pourquoi est-ce que vous vous dites... Par exemple, les 50 millions de dollars que vous demandez auprès du gouvernement fédéral... Pourquoi ne demandez-vous pas cette somme auprès des gouvernements fédéral et provincial? Je pense que quelqu'un y a fait allusion il y a un instant. Pourquoi n'est-ce pas le cas? Si ce n'est pas le cas, avons-nous un problème en ce qui a trait à la concurrence qui existe entre les provinces et le gouvernement fédéral, qui serait due au fait que nous devons répartir tous les avantages dans l'ensemble du pays, ce qui est positif à certains égards, mais qui pourrait ne pas nous permettre d'établir un certain type de politique nationale en matière d'exploitation minière qui permettrait à l'industrie et au gouvernement d'effectuer le genre d'investissements nécessaires à la promotion du secteur, qui a traversé une période très difficile en raison du prix des produits de base au cours des cinq dernières années — nous en sommes bien conscients —, et pouvez-vous me donner une réponse?

M. Weatherell : Absolument. C'est une excellente question et un bon point. Nous commençons à l'échelon fédéral parce que nous sommes une organisation nationale. Beaucoup d'organisations avec qui nous travaillons sont provinciales, alors nous voyons des investissements provinciaux. Encore une fois, nous fournissons la cible, et des entités provinciales investissent à ce chapitre afin d'éliminer certains des obstacles et une partie du cloisonnement.

Un bon exemple se trouve en Ontario. La stratégie de l'Ontario Mining Association consiste maintenant à ne produire aucun déchet et aucune émission due à la productivité et à ne causer aucun dommage. Elle suit notre exemple. L'Ontario suit l'exemple national en matière d'innovation pour le secteur.

Nous y arrivons; nous n'y sommes pas encore, mais nous voyons les choses bouger. Nous commençons par le gouvernement fédéral en tant que signal pour indiquer que c'est important, et les autres provinces et territoires commencent à s'aligner.

La sénatrice Galvez : C'était très intéressant, et j'applaudis votre initiative. Si vous atteignez vos buts, ce sera certainement avantageux pour tous les Canadiens.

Venant du milieu de la recherche et étant moi-même chercheuse, j'ai été un peu confuse relativement à ce que vous avez affirmé au sujet du besoin d'effectuer plus de recherches et de trouver des moyens de les appliquer de façon efficace.

Je suis consciente... et je le sais parce que j'ai participé au concours organisé par Génome Canada, Génome Québec et Genome British Columbia, alors je sais qu'au cours des cinq dernières années, des millions de dollars ont été affectés à la recherche génomique aux fins de l'exploration et de l'exploitation. Il y a les subventions stratégiques et les subventions de RDC du CRSNG, qui sont des fonds collaboratifs et de contrepartie — et on n'a pas besoin d'égaler le financement —, et des millions de dollars ont également été accordés par l'intermédiaire de ce conseil.

De plus, le CRSH, qui est le volet social du CRSNG, vient actuellement tout juste de financer un réseau d'excellence pour l'exploitation minière ayant pour but d'aider les mines à interagir avec les collectivités. Même si l'exploitation minière n'est pas une activité durable, l'argent qu'elle produit peut aider à mener une activité durable dans la collectivité.

Enfin, il y a les chasses gardées; pouvez-vous donc me dire ce qui ne fonctionne pas? Quel est l'obstacle?

M. Weatherell : C'est une très bonne question. On en revient à ce dont le sénateur Wetston parlait tantôt, c'est-à-dire du morcellement. La collaboration n'est pas toujours tout à fait au point.

Je veux faire un petit retour en arrière et vous dire que je préside un groupe pancanadien de bénévoles qui essaie de promouvoir la génomique et les technologies fondées sur la génomique dans l'industrie minière. Cela inclut Génome Colombie-Britannique. Il y a des représentants de Génome Canada et du CNRC. Nous tentons de cibler certaines de ces activités et certains de ces investissements.

Il y a deux ou trois éléments en jeu ici. Premièrement, vous avez mentionné deux ou trois programmes. Je me suis occupé de tous ces programmes. Il y en a cinq, et chacun compte plusieurs programmes, le CRSNG, et ainsi de suite. Puis, le CRSHC, la FCI et le FERAC, par exemple. Il est là, le défi : il y en a trop. Ils sont déconnectés, ils ne travaillent pas nécessairement ensemble et ils s'intéressent davantage aux enjeux universitaires qu'aux enjeux commerciaux.

La sénatrice Galvez : Je conteste cette affirmation. Ce n'est pas vrai. De notre côté, on nous donne des directives, des critères. Nous devons répondre aux besoins des entreprises, sinon, nous n'obtenons pas d'argent.

M. Weatherell : Je vais vous donner un exemple lié à la génomique. C'est un exemple parfait qui s'est produit il y a quelques mois. Il s'agit d'un des projets que j'ai mentionnés — les réactifs de bioflottaison —, en collaboration avec le groupe qui vient du Québec. Les membres du groupe ont présenté une demande dans le cadre du programme de subvention des PRAGE de Génome Canada. Nous avons travaillé très dur sur ce projet et nous étions appuyés par beaucoup d'intervenants de l'industrie, mais la demande a été rejetée. Elle a été rejetée parce qu'elle n'était pas solide du point de vue théorique, même si c'était révolutionnaire pour l'industrie minière. Il y a un certain nombre de défis.

J'ai écrit un livre blanc de six à huit pages pour Ressources naturelles Canada sur certains des défis liés aux programmes de financement au Canada. Il y a un certain nombre de défis. J'ai participé personnellement, tout comme le CCIM, à un certain nombre d'organisations subventionnaires actuelles, aux propositions et aux processus, et il y a des défis. Il y en a beaucoup.

Le sénateur Mockler : Je tiens à commencer en soulignant que vous avez une très bonne réputation.

Nous savons tous que le Canada a la chance d'être un chef de file mondial en matière d'exploration minérale, d'exploitation minière et de services et de technologies fondés sur les connaissances, et je sais que vous jouez un rôle important en la matière. Vous avez répondu à la sénatrice Galvez, mais j'aimerais avoir de plus amples renseignements sur votre déclaration, si c'est possible. Cependant, cela dit, je sais que vous avez joué un rôle très important dans l'industrie minière de l'est du Canada. Je suis tout particulièrement au fait de certains dossiers dans le coin du Nouveau-Brunswick. Ma question est la suivante : vu les changements au sein du gouvernement américain, croyez- vous que les gouvernements du Canada doivent rajuster leurs objectifs en matière de réduction des émissions, puisque cela aura un impact sur ce que vous faites, à la lumière de la nouvelle administration américaine? De plus, d'après votre expérience, devrait-on ralentir le rythme du processus de réduction des émissions?

M. Weatherell : Je vais devoir invoquer l'ignorance, ici. Encore une fois, notre organisation s'occupe d'innovation. Nous ne nous occupons aucunement d'enjeux de nature stratégique. Malheureusement, je dois laisser l'Association minière du Canada répondre à cette question.

Le sénateur Mockler : Vous n'avez aucun commentaire à ce sujet?

M. Weatherell : Pas vraiment.

Le sénateur MacDonald : Je veux obtenir une précision, puis je poserai peut-être une question. Vous avez dit en 2015 que l'industrie minière mondiale présentait un manque à gagner record de 53 milliards de dollars. C'est un nombre assez effrayant pour les investisseurs, ne croyez-vous pas?

M. Weatherell : Oui.

Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous nous fournir des précisions à ce sujet? Que voulez-vous dire exactement par « manque à gagner record ». Vous parlez de pertes en capital? De radiations?

M. Weatherell : Il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte, et je peux fournir le rapport complet de PricewaterhouseCoopers à la greffière, si vous voulez. Je dois préciser que les 53 milliards de dollars concernent seulement les 40 principales entreprises minières, pas l'ensemble de l'industrie. Sur cinq ans, on parle de 200 milliards de dollars. Cela inclut des réductions de valeur, des pertes en capital et ainsi de suite. Cela inclut un large éventail de choses, et c'est effrayant pour les investisseurs.

Le sénateur MacDonald : J'imagine que cette situation touche de façon proportionnelle le Canada? Nous n'y échappons pas.

M. Weatherell : Non, absolument pas.

Le sénateur MacDonald : Donc, lorsqu'il est question d'obtenir des investissements du secteur privé dans l'industrie minière afin de réaliser certaines de ces initiatives, vu l'environnement d'investissement et vu ce à quoi la sénatrice Mockler a fait référence du point de vue de ce qui se passe aux États-Unis, nous reproduisons en quelque sorte le mythe de Sisyphe?

M. Weatherell : Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire? Qu'entendez-vous exactement par le mythe de Sisyphe?

Le sénateur MacDonald : Je vous demande si nous sommes réalistes lorsque nous pensons être en mesure d'obtenir des investissements dont nous avons besoin pour atteindre ces objectifs? Est-ce que l'industrie privée va vraiment s'engager alors qu'elle perd autant d'argent dans ces secteurs?

M. Weatherell : Je vous répondrai que oui, absolument, et elle s'engage pour deux ou trois raisons. Premièrement, j'ai donné des exemples de situation où les intervenants de l'industrie font des investissements. Si vous regardez les différents défis auxquels l'industrie est confrontée, depuis les efforts pour trouver des dépôts jusqu'à la complexité des taux décroissants en passant par le besoin d'obtenir l'approbation sociale, ce sont là des enjeux collectifs qui expliquent certains des défis et déficiences. L'industrie en a pris conscience et l'a reconnu, et elle prend les devants, et tout le contenu du plan vient de l'industrie. C'est elle qui définit les choses.

Je ne crois pas que nous reproduisions le mythe de Sisyphe. Les intervenants de l'industrie réfléchissent à la façon de changer la façon de faire. Je vais citer un directeur de l'exploitation d'une importante société minière du Canada qui a dit que, si on ne change pas le mode de fonctionnement dans le domaine de l'exploitation minière, ce secteur disparaîtra. Et ce que vous avez ici est le plan détaillé pour essayer d'y arriver.

Le président : Nous allons commencer une deuxième série, et je vais donner à chaque intervenant le droit de poser une question. Nous verrons où nous en serons rendus après.

Le sénateur Massicotte : Dans votre rapport, vous avez aussi parlé des autres solutions techniques qui aideraient beaucoup. De quelle autre possibilité révolutionnaire devrait-on tenir compte? Nous sommes dans le secteur minier, ici. Selon vous, quelles sont les autres choses qui pourraient être importantes?

M. Weatherell : Du point de vue des technologies? J'en ai mentionné deux ou trois. Nous examinons beaucoup les domaines de la génomique, de l'aérospatiale et de la défense. Nous avons cerné une arme défensive qui pourrait servir à fragmenter la roche. Nous avons cerné des technologies aérospatiales qui fonctionnent à l'électricité et servent à enlever des revêtements qui pourraient servir à fragmenter la roche. J'ai discuté avec des représentants de l'Institut d'information quantique qui ont trouvé des techniques de chiffrement quantique qui pourraient être utilisées pour accroître la capacité de suivi et des puits. Nous avons commencé des discussions avec le NINT, en Alberta, sur des applications liées à la nanotechnologie. Nous réalisons actuellement un projet avec SNOLAB, à Sudbury, dans le cadre duquel nous examinons sa technique de manipulation et de gestion de données massives.

Pour nous, la voie est libre. Je repense à la question de la sénatrice Galvez, et il y a des technologies qui existent actuellement de sorte que nous n'avons pas à commencer au stade de la recherche. Nous pouvons trouver ce qui existe déjà dans une industrie, nous l'approprier et contourner le processus linéaire de développement technologique. Ce n'est pas nécessaire de commencer par les recherches. Nous pouvons commencer en cours de route, nous immiscer dans un processus et faire avancer les choses très rapidement. En fait, c'est quelque chose que nous avons déjà fait dans le cadre de nos efforts d'exploration.

Le sénateur Lang : Je veux poser une question générale à laquelle le sénateur Massicotte a fait allusion. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral s'est engagé à réduire les émissions de 30 p. 100 en dessous des niveaux de 2005, d'ici 2030. Selon Environnement et Changement climatique Canada, l'écart des émissions pour atteindre cet objectif est de 219 tonnes métriques de dioxyde de carbone ou d'équivalents. Voici la question que je veux poser à votre organisation : d'après vous, votre organisation et les membres de votre organisation, croyez-vous que cette cible est atteignable et qu'allez-vous pouvoir faire exactement — votre objectif estimé — pour contribuer à cette réduction de 219 tonnes métriques de dioxyde de carbone ou d'équivalents?

M. Weatherell : Ma réponse comporte deux volets. Premièrement, il faut poser toutes les questions liées à la réduction des émissions de carbone et aux politiques connexes à l'Association minière du Canada. Nos cibles concernent les activités en tant que telles, et toute la question des GES et du CO2 constitue des cibles secondaires. Pour ce qui est de savoir de quelle façon l'industrie y arrivera, l'AMC a déjà produit des déclarations de principes à ce sujet. Je m'y référerais.

Nous avons effectué certains calculs initiaux relativement à notre technologie de fragmentation et, à elle seule, elle pourrait permettre une réduction des émissions de GES d'environ 20 p. 100. Si je ne m'abuse, en 2014, l'industrie minière en tant que telle comptait pour seulement 1,1 p. 100 des émissions totales au Canada. Est-ce que ma réponse vous aide?

Le sénateur Black : Vous avez mentionné un mémoire que vous avez préparé relativement aux problèmes liés aux programmes de financement. Pouvez-vous nous le fournir?

M. Weatherell : Absolument.

Le sénateur Black : Le rapport pourrait être utile, parce qu'à la lumière des excellentes questions posées par ma collègue la sénatrice Galvez, j'ai tiré la conclusion que l'argent n'était pas le problème. Il semble y avoir assez d'argent réservé, et c'est plutôt le fait d'affecter ces fonds de façon ciblée et utile qui semble problématique.

M. Weatherell : Exactement, c'est précisément cela.

Le sénateur Black : En parlez-vous dans votre mémoire?

M. Weatherell : Je parle de certains des défis actuels associés à la déconnexion aux niveaux stratégique et gouvernemental jusqu'à celui des processus en tant que tels.

La sénatrice Seidman : C'est intéressant, parce que nous avons entendu, en posant les questions à des témoins dans le cadre des travaux de plusieurs comités, maintenant, qu'il existe des cloisonnements dans le secteur de la R-D. Le domaine de la santé, que je connais très bien, est un excellent exemple de secteur où l'on entend toujours cette plainte.

Cependant, il y a aussi des chercheurs qui effectuent de la recherche fondamentale dans des universités qui nous ont dit qu'une trop grande part des fonds destinés à la recherche était attribuée à des projets de recherche appliqués. Vous savez, ces contradictions existent, alors ce serait utile d'essayer de comprendre votre point de vue et quelles sont vos principales plaintes. Je crois que le sénateur Black vient de vous demander de nous présenter votre mémoire, ce qui pourrait être très utile.

Vous avez répondu à ma question, je crois bien, en parlant des cinq principaux domaines sur lesquels vous travaillez et des principaux projets dans ces domaines. Ma question pourrait donc être la suivante : de quelle façon établissez- vous les priorités, en tant que conseil chargé de l'innovation, compte tenu du très grand nombre d'idées qui doivent vous être présentées?

M. Weatherell : C'est excellent. Essentiellement, je dois vous parler de la façon dont nous fonctionnons, et je prendrai 30 secondes ou moins pour vous l'expliquer.

Nous avons des groupes responsables de la technologie dans ces quatre domaines. Ces groupes sont présidés, habituellement, par un vice-président d'une entreprise minière, et nous l'entourons d'experts et d'intervenants principaux de l'industrie. Ce qu'ils font, c'est de définir la feuille de route technologique, l'état futur, les lacunes technologiques et les projets potentiels. Ensuite, nous passons à l'action et déterminons qui peut réaliser les projets.

Habituellement, nous n'acceptons pas de proposition non sollicitée. C'est un processus très ciblé : voilà ce que nous devons faire, alors de quelle façon pouvons-nous régler le problème? Ce que nous ferons dans un tel cas, c'est que nous allons cerner de possibles agents de prestation, par exemple, en organisant des ateliers ouverts dans le cadre desquels nous invitons des gens à présenter des idées, et ce genre de choses. Il y a deux ou trois semaines, nous avons tenu un événement en collaboration avec Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, Foresight B.C. et une société de capital-risque, pour présenter certains de ces défis au milieu des PME. « Voici quel est le problème de l'industrie : avez- vous des solutions? Venez nous parler. » Nous avons cerné deux entreprises. C'est une approche un peu différente.

La sénatrice Seidman : Merci.

La sénatrice Galvez : Mes collègues vous ont posé la question que je voulais vous poser, mais j'en ai une autre.

Vous avez mentionné que ces technologies seront appliquées dans les nouvelles mines. Cependant, je m'inquiète de tous les résidus et déchets qui sont encore produits par les mines exploitées actuellement, et certaines de ces technologies s'appliquent, comme la biolixiviation. Je vous expliquerai ce que cela signifie devant un petit café.

On peut l'appliquer dans ces cas-ci, et, de plus, je suis allée en Amérique du Sud. Vous savez qu'il y a beaucoup de mines canadiennes exploitées en Amérique du Sud et, en fait, ces entreprises se préparent à quitter le Mexique en raison des problèmes qu'il y a là-bas. Elles partent vers le Chili, la Bolivie, l'Équateur et le Pérou.

Il y a beaucoup de nouvelles entreprises, de marchés et de développement à faire là-bas, et ils s'inquiètent des déchets. Vous avez dit qu'environ 90 p. 100 de ce qui est extrait devient des déchets, mais contient tout de même certains métaux, comme du cuivre et du zinc. Ne serait-il pas intelligent d'aussi utiliser certaines de vos technologies pour extraire ces métaux des résidus?

M. Weatherell : Absolument.

La sénatrice Galvez : Ou à des fins de recyclage, pour réduire les déchets?

M. Weatherell : Absolument. Je ne vous ai donné qu'un aperçu de deux ou trois projets — pas de tout ce que nous faisons —, mais le traitement et la réutilisation des résidus a été cernée par notre groupe responsable des technologies comme étant un domaine clé. Il y a des défis dans ce dossier, surtout en ce qui a trait aux permis environnementaux et ce genre de choses, et il y a aussi des défis liés à la technologie : la biolixiviation est absolument une très bonne candidate dans ce dossier.

La sénatrice Galvez : Je veux apporter une petite correction, parce qu'il a dit que la technologie allait seulement être appliquée dans les nouvelles mines. Vous dites donc que ce n'est pas seulement pour les nouvelles mines?

M. Weatherell : Les deux.

Le sénateur Wetston : Vous avez parlé du diesel dans le Nord. Nous avons entendu des témoignages au sujet du stockage et des occasions de stockage. Nous comprenons qu'il s'agit d'un domaine sous-développé en ce qui a trait à la prestation de meilleures sources de production, c'est-à-dire des sources de production plus propres. Pouvez-vous me parler rapidement des choses auxquelles vous avez réfléchi en ce qui a trait au stockage dans le Nord, le cas échéant?

Je sais qu'il y a beaucoup de progrès, comme le Powerwall de Tesla, par exemple. C'est une technologie très onéreuse qui permet de fournir l'électricité pour une maison pendant toute une journée, mais, évidemment, ça ne fonctionnera pas.

Évidemment, le nucléaire est une option, mais vous dites qu'il faudra 10 ans pour y arriver. Nous réfléchissions au nucléaire il y a 10 ans, c'est donc dire que nous avons 20 ans de retard.

Quelles sont vos pensées au sujet du stockage et de la possibilité de fournir une source d'énergie de rechange raisonnable dans le Nord?

M. Weatherell : En ce moment, nous ne réfléchissons pas précisément à la question du stockage. Pour commencer, nous réfléchissons à la façon de modifier les opérations de base. Le stockage serait l'une des prochaines étapes. Malheureusement, nous ne faisons rien à ce sujet actuellement.

Le sénateur Meredith : Merci d'être là ce matin. Je suis désolé, je n'étais pas là pour votre exposé, mais j'ai noté, à la page 3 : « En collaboration avec ses partenaires de l'industrie minière et de l'Association minière du Canada, le CCIM a créé une stratégie d'innovation pour l'industrie, appelée Vers une exploitation minière sans résidus ».

J'ai parlé hier à l'un de mes collègues qui a œuvré dans l'industrie pendant un certain temps. Nous discutions de l'innovation au Canada et du fait que, parfois, nous négligeons d'utiliser les technologies qui existent, et nous regardons ailleurs. De quelle façon votre conseil encourage-t-il les intervenants à travailler en collaboration avec le ministère de l'Innovation et, de toute évidence, notre ministre des Sciences, pour s'assurer que les Canadiens ont accès à ces technologies de pointe, qui peuvent servir au sein de l'industrie minière et veiller à ce que les emplois restent ici et soient protégés?

Tandis que nous travaillons tous pour obtenir ce résultat, nous avons rencontré le ministre hier soir et nous avons parlé du fait que toutes les industries doivent s'unir, tout le milieu corporatif du Canada, si nous voulons atteindre nos cibles en matière d'émissions, et tout le reste.

Par conséquent, pour ce qui est de l'innovation canadienne, de quelle façon pouvons-nous maintenir cette innovation au Canada et nous assurer que l'industrie minière d'ici l'utilise?

M. Weatherell : J'ai donné un exemple de ce que nous faisons : nous communiquons avec les organisations de financement actuelles qui financent les PME au Canada. Nous ciblons beaucoup les PME au Canada, et nous avons des petites et moyennes entreprises au Canada qui sont membres de notre conseil. Nous mettons l'accent sur elles, et elles compétitionnent directement contre les fabricants d'équipement d'origine dans d'autres pays. Nous les encourageons. Encore une fois, c'est une question d'extension et de réseautage. Nous tentons de maintenir toutes ces choses au Canada le plus possible.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Weatherell, de votre excellent exposé. Je tiens à remercier les membres du comité d'avoir posé d'excellentes questions et je vous remercie vous aussi d'avoir fourni de très bonnes réponses.

Si c'est possible, veuillez vous assurer d'envoyer à la greffière toute l'information que vous voulez nous faire parvenir, et il s'assurera d'en fournir des copies à tous les membres.

Encore une fois, merci d'avoir pris le temps, malgré votre horaire chargé.

Je tiens à dire une chose au sujet du nucléaire. Nous avons entendu dire qu'il faut 20 ans pour mettre en place une des installations, alors 10 ans, c'est un peu optimiste. Vous savez, Dieu seul sait que cela pourrait changer, mais je voulais souligner qu'on nous a dit que, en moyenne, il fallait 20 ans si je ne me trompe pas.

Merci beaucoup.

Nous allons suspendre quelques instants parce que notre prochain témoin comparaît par vidéoconférence, et il faudra quelques minutes pour préparer le tout, alors ne vous sauvez pas.

Bienvenue à la deuxième portion de la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Pour notre deuxième segment, je suis heureux de souhaiter la bienvenue, par vidéoconférence, à Jennifer Winter, professeure adjointe à l'École de politique publique de l'Université de Calgary.

Merci beaucoup d'être là aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Une fois que vous aurez terminé, les sénateurs vous poseront des questions. La parole est à vous.

Jennifer Winter, professeure adjointe, École de politique publique, Université de Calgary, à titre personnel : Merci beaucoup, et merci de m'avoir invitée à parler de ce sujet très important. C'est un privilège pour moi de vous parler aujourd'hui.

Le Canada fait face à un défi. Il doit réduire les émissions tout en protégeant la qualité de vie et la croissance économique dont nous bénéficions. L'adaptation aux changements climatiques et leur atténuation sont un problème complexe, et il faut évaluer très prudemment toutes les diverses solutions stratégiques.

Du point de vue atmosphérique, la source des émissions n'importe pas. Une tonne, c'est une tonne, peu importe si les émissions viennent de l'Alberta ou de l'Ontario, des sables bitumineux ou d'une usine d'automobiles.

Par conséquent, les meilleures politiques permettant de réduire les émissions sont celles qui s'assurent de miser en premier sur les options de réduction des émissions les moins coûteuses, peu importe d'où les émissions viennent au Canada.

Les solutions stratégiques auxquelles nous avons accès, ce sont l'établissement de prix, la réglementation ou un mélange des deux. Une mesure politique a des coûts et des avantages, elle fait des gagnants et des perdants et elle a des conséquences politiques. Du point de vue économique, nous devrions, lorsque cela est possible, tenter de choisir des politiques permettant d'obtenir le maximum d'avantages à un coût minimal. C'est la raison pour laquelle la plupart des économistes sont en faveur d'établir des prix pour les émissions grâce à des taxes ou encore le recours à un système de plafonnement et d'échange.

À l'opposé, la faisabilité politique des mesures dépend souvent de la visibilité des coûts et des avantages, et c'est la raison pour laquelle les solutions réglementaires sont souvent préférées parce que leurs coûts sont moins explicites.

Les mécanismes d'établissement des prix créent des mesures incitatives pour les particuliers et les entreprises et les poussent à modifier leur comportement et à choisir l'option visant la réduction des émissions la moins coûteuse. Ce peut être en choisissant de ne rien émettre du tout ou d'investir dans une technologie permettant de réduire les émissions. La méthode de réduction des émissions la moins coûteuse consiste à imposer les mêmes prix à tout le monde.

Cependant, je tiens à souligner que l'établissement du prix des émissions n'est pas une solution magique. Plus particulièrement, pour établir le prix des émissions, il faut que les émissions soient facilement mesurables, et une solution réglementaire peut être une meilleure option stratégique. Par exemple, une solution réglementaire pourrait être préférable dans le cas des émissions fugitives liées à la production de pétrole et de gaz.

Jusqu'à présent, j'ai adopté un point de vue général, mais on m'a demandé de formuler des commentaires précis sur la façon dont on peut trouver le juste équilibre entre les avantages économiques associés au secteur pétrolier et gazier du Canada et les besoins d'établir des politiques crédibles afin de réduire les émissions.

Je crains que ma réponse semble simpliste pour certains, mais je crois que nous y sommes déjà. Environnement et Changement climatique Canada possède une estimation du coût social du carbone en 2016 qui s'élève à 43 $ la tonne. Le coût social du carbone mesure le coût associé à chaque tonne de dioxyde de carbone et d'équivalents produits en 2016. On peut aussi l'interpréter comme étant l'avantage associé au fait de ne pas émettre une tonne de dioxyde de carbone ou d'équivalents.

L'Alberta et la Colombie-Britannique ont des taxes sur le carbone, qui sont prélevées sur la combustion des carburants fossiles. Le Québec et l'Ontario ont adopté un système de plafonnement et d'échange, et la nouvelle taxe fédérale sur le carbone fera en sorte qu'il y aura un prix associé aux émissions à l'échelle du Canada. Les prix associés à ces systèmes sont inférieurs au coût actuellement estimé des émissions, le coût social du carbone que j'ai mentionné. Cependant, d'ici 2022, les provinces qui imposent une taxe sur le carbone établiront un prix des émissions équivalant au coût social du carbone. Cependant, sauf si l'Ontario et le Québec diminuent de façon importante leurs plafonds d'émissions, les prix là-bas sont plus susceptibles d'atteindre le même niveau. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en s'assurant que le prix des émissions est harmonisé d'une province à l'autre.

De mon point de vue, le Canada possède déjà des politiques environnementales crédibles ou il s'est engagé à les mettre en place. Vu que nous nous sommes engagés à l'égard de l'établissement du prix des émissions, tout développement économique — peu importe dans quel secteur de l'économie — est tout à fait approprié. Si une entreprise détermine qu'il est rentable d'investir au Canada, malgré la présence d'une taxe sur le carbone de 50 $ ou 100 $ par tonne, aucune autre mesure stratégique n'est nécessaire.

En fait, il pourrait même être possible d'éliminer des approches préexistantes et inutilement coûteuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je parle des politiques assorties d'un coût supérieur par tonne aux prix établis.

Par exemple, le rapport sur les biocarburants de la Commission de l'écofiscalité a révélé que le coût par tonne de la réduction des émissions associées au biocarburant s'élevait à de 128 $ à 596 $ la tonne.

D'autres politiques peuvent même accroître le coût de nos politiques environnementales, sacrifiant ainsi davantage les avantages économiques. Un principe clé de l'efficience économique consiste à traiter tous les particuliers et toutes les entreprises de la même façon afin d'offrir les mêmes mesures incitatives. Les politiques comme l'abandon du charbon ou le plafonnement des émissions liées aux sables bitumineux ont en fait créé un système à deux paliers, où certains types d'activités économiques sont préférés à d'autres.

Dans le cas du plafonnement lié aux sables bitumineux, les activités économiques et les émissions associées à cette activité économique sont évaluées jusqu'au seuil de 100 mégatonnes, après quoi l'activité économique n'a aucune valeur et l'évitement d'une tonne supplémentaire de dioxyde de carbone a une valeur infinie.

Ce genre de politique fait en sorte qu'on ne tient absolument pas compte des coûts et avantages relatifs de l'activité économique comparativement à la réduction des émissions.

Un enjeu maintes fois soulevé dans le contexte des efforts pour atteindre les cibles canadiennes en matière de réduction des émissions, c'est le fait que le Canada a une petite économie et contribue peu aux émissions à l'échelle internationale. Cela ne signifie pas que nous ne devrions rien faire, mais il y a des préoccupations quant à la façon dont le fait de faire cavalier seul pour réduire les émissions influera sur l'économie.

La fuite de carbone est une préoccupation majeure. Cela se produit lorsqu'une activité économique est transférée dans un autre pays où les politiques environnementales sont moins strictes, ce qui réduit les activités économiques ici sans réduire les niveaux d'émissions mondiaux.

Une deuxième préoccupation concerne le fait que les politiques augmentent les coûts pour les entreprises canadiennes, les rendant ainsi moins compétitives sur le marché international. Dans une telle situation, il pourrait être opportun de créer des politiques complémentaires supplémentaires pour atténuer ces répercussions. Par exemple, la Colombie-Britannique a réduit l'impôt des sociétés, tandis que l'Alberta mise sur des subventions à la production dans les secteurs à forte intensité d'énergie touchés par les échanges. Les subventions à la production réduisent les coûts de production des entreprises, préviennent la fuite, mais maintiennent l'effet incitatif de l'établissement de la tarification du carbone.

Cela dit, cependant, même une taxe de 50 $ par tonne sur le carbone n'est pas un si gros fardeau sur le secteur pétrolier et gazier. En guise d'illustration, pour les sables bitumineux de façon générale, les émissions moyennes s'élèvent à 65 kilogrammes par baril. À 50 $ la tonne, on parle de 3,25 $ par baril de coûts supplémentaires. De ce point de vue, l'Office national de l'énergie estime le coût associé au fait de ne pas avoir d'oléoduc supplémentaire à 10 $ par baril.

Les coûts d'une taxe sur le carbone sont éclipsés par les avantages liés au fait de construire de nouvelles infrastructures de transport.

Je tiens aussi à souligner le fait que la production de pétrole et de gaz en sol canadien est sensible aux prix mondiaux. Ces prix échappent à notre contrôle, mais sont un déterminant important de la quantité de pétrole et de gaz produit au Canada, de la croissance économique et de nos niveaux d'émissions correspondants. Cela signifie que le gouvernement du Canada devrait faire preuve de souplesse lorsqu'il établit ses cibles d'émissions, puisque les émissions canadiennes sont fonction de certains facteurs indépendants de notre volonté.

En conclusion, je veux formuler trois points principaux : premièrement, il n'y a rien de spécial au sujet des émissions de pétrole et de gaz. Une tonne est une tonne. Les prix devraient être appliqués de façon uniforme à tous les secteurs. Deuxièmement, certains secteurs, comme celui du pétrole et du gaz, peuvent essuyer des répercussions négatives sur le plan de la concurrence découlant de l'établissement du prix des émissions. D'autres politiques complémentaires, comme les subventions à la production de l'Alberta, peuvent permettre de régler ce problème sans exempter le secteur de la structure de coûts. Troisièmement, le Canada possède une petite économie ouverte. Par conséquent, il faut définir les cibles d'émissions en prévoyant une certaine marge de manœuvre.

Merci de votre temps. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci de votre exposé. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Massicotte : J'ai bien aimé votre exposé. Vous avez très bien résumé le fonctionnement de l'économie, la façon dont les choses devraient se passer et la façon dont nous devrions concevoir le défi auquel nous sommes confrontés en tant que citoyens du monde.

À la base, dans la théorie économique pure, on dit qu'il faut établir un prix qui reflète nos objectifs stratégiques, ce qui signifie que nous voulons nous rendre à 1,5 oC. Par conséquent, il faut traiter tout le monde de la même façon. Le marché fonctionne très bien. Le capitalisme fonctionne bien. Il ne faut pas pénaliser le secteur pétrolier et gazier. Ce secteur devrait payer comme tous les autres. Je crois qu'Environnement et Changement climatique Canada a calculé le coût social à 46 $ par tonne. Cependant, il y a des intervenants, comme Shell, qui ont dit il y a quelques semaines que, pour se rendre là où nous voulions aller, vu les objectifs stratégiques, il faudrait plutôt un coût s'élevant à 200 $ par tonne. Puis, nous avons accueilli un professeur qui nous a dit qu'il fallait probablement se rendre à 150 $, mais que, vu la résistance de la population canadienne, nous devrions assortir ce prix d'une réglementation, même si la réglementation est moins efficiente que la tarification du carbone.

Cela dit, qu'arrivera-t-il si on constate, dans un an ou deux, que 46 $ ou 50 $ par tonne n'est pas adéquat? Selon votre proposition, vous dites qu'il faut opter pour le prix nécessaire pour atteindre nos objectifs stratégiques, advienne que pourra, tout le monde devant payer le même prix pour le carbone. Est-ce que j'ai raison de dire une telle chose? Vous avez parlé de 46 $, mais c'est peut-être 100 $ par tonne ou 150 $. C'est peut-être Shell qui a raison, et il faut établir le prix à 200 $ par tonne. Vous dites qu'il faut rajuster le prix en fonction de cette réalité et de l'atteinte de nos objectifs stratégiques. Ai-je raison de présenter les choses ainsi?

Mme Winter : Oui, c'est exact. Environnement et Changement climatique a estimé le coût à 46 $ par tonne, et c'est leur estimation centrale. Il y a une certaine incertitude quant aux coûts et avantages potentiels des changements climatiques, et le ministère a donc aussi établi une estimation au 95e percentile, qui tient compte de certains risques. L'estimation est beaucoup plus élevée.

Ce que je recommande, c'est que la tarification devrait refléter le coût social du carbone au Canada. Si l'estimation change, alors le prix devrait monter.

Une autre chose dont il faut tenir compte, bien sûr, c'est, essentiellement, le coût économique au Canada de l'augmentation du prix du carbone, à 150 ou 200 $ la tonne. Il faut se demander si les cibles que nous avons établies devraient être atteintes à l'échelle nationale ou si nous ne devrions pas plutôt chercher des options mondiales pour, par exemple, acheter des crédits, ce qui nous aiderait à atteindre nos cibles et à réduire d'une certaine quantité nos émissions, sans nécessairement que cela ait le même coût économique au Canada.

Le sénateur Massicotte : Et vous dites que, à 50 $ la tonne, on arrive à un coût de 3,50 $ par baril; qu'est-ce que cela signifie lorsqu'on est à la station d'essence? Combien nous en coûte-t-il par litre?

Mme Winter : Je n'ai pas le montant à brûle-pourpoint, mais je peux vous trouver l'information. Je crois bien que ce n'est pas très important par rapport aux autres taxes sur l'essence en place, comme la TPS.

Le sénateur Black : Madame Winter, merci beaucoup d'être venue. Laissez-moi vous dire que votre exposé était excellent, et vous avez prouvé encore une fois la réputation de l'École de politique publique, en tout cas, à mes yeux, au moins. Je vous en remercie.

Je veux vous parler de la souplesse. Vous avez avancé, c'est ce que j'en ai compris, que le Canada doit faire preuve de souplesse en ce qui a trait aux cibles en matière d'émissions. Croyez-vous que la position actuelle que le Canada a mise de l'avant est souple? Dans la négative, que faudrait-il faire?

Mme Winter : D'une certaine façon, la position actuelle du Canada est souple, si l'on tient compte du fait que le gouvernement fédéral s'est engagé à travailler en collaboration avec les provinces pour produire des accords d'équivalence sur la tarification du carbone. D'un autre côté, nous avons des cibles fermes, et on met beaucoup l'accent sur la tarification du carbone.

De plus, nous n'examinons peut-être pas nécessairement les coûts et les avantages relatifs des différentes options stratégiques. C'est dans ce dossier qu'il y a beaucoup de travail possible dans le milieu universitaire afin d'aider à étayer les délibérations du gouvernement du Canada et de votre comité, dans le but d'évaluer si nous abordons le problème de la bonne façon : si la tarification du carbone est suffisante ou s'il faut envisager d'autres politiques réglementaires pour réduire les émissions, comme les émissions fugitives dans le secteur pétrolier et gazier, si nous devons envisager le captage et le stockage du carbone dans le secteur agricole ou si nous voulons réfléchir à la possibilité d'avoir recours à des crédits compensatoires à l'échelle internationale.

Le sénateur Black : Ce sont des processus et des mesures — nous avions déjà entendu parler d'une bonne partie d'entre eux — qui nous aideront à atteindre les objectifs que le Canada a établis à Paris. Dans votre déclaration — et c'est quelque chose que nous avons beaucoup entendu jusqu'ici — vous avez fait allusion au fait que le coût sur l'économie canadienne pourrait être tel que la souplesse dont il faudra faire preuve pourra exiger plus que le simple fait de trouver d'autres méthodes pour essayer d'atteindre les objectifs établis. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, nous parler des préjudices pour l'économie?

Mme Winter : L'enjeu actuel, c'est que le coût social du carbone, c'est-à-dire le coût pour le Canada lié au fait de ne pas réduire nos émissions, est très inférieur au prix requis estimé pour respecter nos engagements. En fait, il y a une rupture fondamentale entre l'objectif stratégique, qui est d'au moins réduire les émissions mondiales de façon à atteindre l'objectif de 2 oC, et le coût actuellement estimé des émissions au Canada.

Cet écart explique pourquoi il faut une marge de manœuvre. L'écart signifie que nous devons envisager des politiques complémentaires pour atténuer ou réduire les répercussions sur l'économie canadienne. Par exemple, l'Alberta utilise des subventions à la production. C'est une façon de maintenir la force incitative de la tarification du carbone sans imposer le coût total de la tarification du carbone dans les secteurs qui consomment beaucoup d'énergie.

Le sénateur Black : Mais n'est-ce pas là un jeu à somme nulle? Je vous prends de l'argent grâce à la taxe sur le carbone et, puisque cela vous est préjudiciable, je vous renvoie l'argent pour vous indemniser. Ne trouvez-vous pas que c'est une drôle de façon de faire des affaires?

Mme Winter : Il faut choisir si on veut atténuer les répercussions sur certains secteurs de l'économie. La Colombie- Britannique a choisi de réduire l'impôt sur les sociétés; c'est donc bénéfique pour l'ensemble de l'économie de la Colombie-Britannique, mais ça ne limite pas les répercussions liées à la compétitivité d'un seul secteur. C'est un choix quant à savoir ce qu'on veut faire avec les revenus et ce qu'on veut faire avec les politiques complémentaires.

Le sénateur Black : Merci, madame Winter.

Le sénateur Mockler : Madame Winter, dans votre article de 2013 intitulé The Importance of Policy Neutrality for Lowering Greenhouse Gas Emissions, vous examinez les diverses solutions stratégiques visant à réduire les émissions de GES. L'article laisse aussi entendre qu'un taux d'imposition uniforme sur l'énergie constitue la meilleure option. J'ai plusieurs questions, mais pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? De quelle façon les entreprises et les ménages canadiens seront-ils touchés?

Mme Winter : Absolument. Dans mon article, nous avons traité l'énergie comme étant équivalente aux émissions; c'était une abstraction théorique, mais la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre au Canada viennent de la consommation d'énergie. Nous étions à l'aise avec cette hypothèse.

Nous disons qu'un taux d'imposition uniforme sur l'énergie est la meilleure solution parce que cela signifie que tout le monde est confronté au même prix par rapport aux autres options stratégiques, comme la norme sur l'intensité des émissions, par exemple, qui crée des différences de prix d'un secteur d'une économie à l'autre et d'une entreprise à l'autre.

Pour ce qui est de l'impact sur les ménages associé à la taxe sur le carbone, pour l'Alberta, en particulier — et je peux obtenir les calculs pour le reste du Canada — on parle d'environ 500 $ de dépenses supplémentaires. En général, cela semble un montant élevé, mais en tant que part des dépenses totales des ménages au Canada, c'est en fait assez peu, moins de 1 p. 100.

Le sénateur Mockler : J'ai un commentaire à formuler, puis je veux poser une autre question. Je crois, madame, que vous venez de dire que vous pourriez nous fournir des renseignements supplémentaires sur les répercussions. C'est assurément quelque chose que j'aimerais, surtout vu la question à laquelle nous sommes confrontés actuellement, soit le vieillissement de la population. Plutôt que d'accroître notre population dans l'est du Canada, c'est le contraire qui se passe. Par conséquent, si vous avez le temps de le faire, j'aimerais bien que vous nous fournissiez cette information.

Ma prochaine question est liée à nos voisins du Sud. En tant que professeur, je suis sûr que vous avez un avis. Croyez-vous que le gouvernement canadien doive rajuster ses objectifs en matière de réduction des émissions à la lumière de la nouvelle administration américaine? Est-ce que les politiques canadiennes en matière d'énergie et de changement climatique devraient être harmonisées avec celles des États-Unis tandis que nous discutons de ce qui nous attend?

Mme Winter : Ça, c'est vraiment l'une des questions du jour, savoir de quelle façon le Canada devrait réagir à la nouvelle administration au sud de la frontière. Pour répondre à votre question, je dirais d'un côté que le Canada fait face à des coûts et des avantages différents associés aux changements climatiques. La raison pour laquelle je parle de coûts et d'avantages, c'est qu'il y a possiblement certains avantages pour le Canada en tant que pays nordique, puisque le réchauffement climatique pourrait, par exemple, prolonger la saison de croissance.

Cependant, il y a aussi des coûts importants associés aux changements climatiques. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devrions harmoniser nos politiques de tarification et nos autres politiques avec le coût pour le Canada. Pour ce qui est de s'adapter à ce que le reste du monde fait, je crois qu'il faut le faire grâce aux politiques complémentaires, si nous sommes préoccupés par la compétitivité ou par les répercussions sur les ménages.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Je suis vraiment d'accord avec vous lorsque vous dites qu'une tonne, c'est une tonne. C'est évident.

Je veux comprendre votre déclaration selon laquelle une taxe sur le carbone de 50 $ par tonne n'est pas un fardeau particulièrement lourd pour sur le secteur pétrolier et gazier. Vous avez ensuite donné un exemple et terminé en soulignant que l'Office national de l'énergie a estimé le coût lié au fait de ne pas construire d'oléoduc supplémentaire à 10 $ par baril. Les coûts d'une taxe sur le carbone sont éclipsés par les avantages liés au fait de construire de nouvelles infrastructures de transport. Pouvez-vous m'expliquer plus en détail cette déclaration?

Mme Winter : Absolument. Les 3,25 $ sont fondés sur la moyenne pour les sables bitumineux. Bien sûr, le coût pour chaque producteur des sables bitumineux dépendra de l'intensité de ses émissions. Par conséquent, pour de très bonnes installations d'extraction des sables bitumineux, où le niveau d'émissions de gaz à effet de serre par baril est bas, les coûts seront beaucoup moins élevés. Dans les installations qui produisent plus d'émissions, les coûts seront beaucoup plus élevés, alors il y aura évidemment des variations.

En ce qui a trait aux avantages des infrastructures de transport supplémentaire, c'est une estimation tirée du rapport Avenir énergétique du Canada de l'Office national de l'énergie, où l'office a prévu un scénario où il n'y avait pas d'infrastructure supplémentaire, et un autre, où il y en avait. On peut comparer les avantages de la production de pétrole dans ces deux scénarios et la quantité produite pour obtenir une estimation de ce que serait le coût par baril s'il n'y avait pas d'infrastructure supplémentaire.

Cette infrastructure supplémentaire permet aux sociétés d'exploitation des sables bitumineux, entre autres, d'augmenter le nombre de marchés auxquels elles peuvent accéder, ce qui leur donne une plus grande marge de manœuvre quant au prix. Donc, c'est l'avantage d'avoir cette infrastructure supplémentaire, et elle réduit aussi potentiellement les coûts liés au transport, puisque le transport ferroviaire coûte plus cher que le transport par pipeline.

Le sénateur Meredith : Merci, madame. Vous avez présenté un exposé très complet. Je veux aussi saluer l'Université de Calgary : j'ai un collègue qui se trouve au Qatar, et son drapeau y flotte. J'applaudis les travaux de l'université ainsi que les vôtres sur ce sujet.

L'une des choses qui me préoccupent avant tout est la question suivante : je me demande toujours si le gouvernement fait ce qu'il doit faire. Malgré l'absence de cadre réglementaire exhaustif qui s'appliquerait à l'ensemble des provinces, nous savons que l'industrie pétrolière et gazière est très importante pour l'économie canadienne. Vous avez abordé la question des fuites, mais que devrions-nous faire, du point de vue de la réglementation, actuellement, afin d'atteindre les cibles que nous avons fixées par rapport aux émissions carboniques? Faisons-nous tout ce que nous devons faire? Que pouvons-nous faire de plus? Quelles sont les trois priorités sur lesquelles le gouvernement du Canada devrait insister dans son cadre réglementaire afin de veiller à établir une uniformité d'un bout à l'autre du Canada?

Mme Winter : Vous soulevez un excellent point : il y a des coûts associés au fait que les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux ne sont pas alignées. Cela se ressent dans les coûts commerciaux. La Commission de l'écofiscalité du Canada a également fourni une estimation des coûts relatifs à ce manque d'uniformité entre les politiques de chacune des provinces en matière de tarification du carbone. Voyez-vous, cela augmente le coût d'observation des entreprises qui exercent leurs activités dans différentes régions administratives du Canada.

L'une de mes principales recommandations pour le gouvernement du Canada serait d'harmoniser les politiques, par l'intermédiaire d'une stratégie énergétique canadienne ou d'une stratégie canadienne en matière de changement climatique, lorsque c'est possible. On pourrait viser les normes environnementales ainsi que d'autres domaines, comme les normes en matière de combustible dans l'ensemble des provinces, ce genre de choses. Là où c'est possible, il faut mettre en place des règles similaires, car cela allège les pressions économiques que subissent les entreprises et peut les aider à atteindre les cibles environnementales qui ont été fixées.

Le sénateur Meredith : Monsieur le président, j'ai une question rapide à propos de l'industrie.

Madame, il y a un autre aspect qu'il faut aborder : la responsabilité des émetteurs. Pouvez-vous me dire quel rôle les émetteurs devraient jouer du point de vue de l'acceptabilité sociale, et reconnaissent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre? Quelle responsabilité devraient-ils assumer? Avons-nous fait tout ce qui est en notre pouvoir afin de veiller à ce que les émetteurs participent véritablement et pleinement à cet effort?

Mme Winter : La responsabilité des émetteurs est de réagir aux politiques adoptées : s'il s'agit de la tarification du carbone, alors ils doivent réduire leurs émissions en réaction, ou alors investir dans de nouvelles technologies. L'un des problèmes actuellement au Canada tient au fait que les prix diffèrent d'une province à une autre. Donc, le gouvernement fédéral devrait peut-être intervenir — comme cela s'est passé au Royaume-Uni — en Ontario et au Québec, où les prix sont moins élevés à cause de leur système de plafonnement et d'échange, afin de mettre en place une taxe fédérale supplémentaire sur les émissions carboniques. Ainsi, les entreprises en Ontario et au Québec auraient les mêmes incitatifs — dans le cadre de ce système de plafonnement et d'échange — que les entreprises en Alberta et en Colombie-Britannique, où il y a une taxe sur les émissions carboniques.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup, madame Winter. Je tiens à féliciter l'École de politique publique. Je soupçonne que vous avez travaillé en étroite collaboration avec Jack Mintz au fil des années, et je crois qu'il entretient toujours des liens avec l'université. Je tiens vraiment à faire l'éloge du travail que vous accomplissez.

J'ai une question de nature générale à poser. Je crois que vous pourrez bien y répondre, puisque vous êtes professeure. C'est à propos de votre paragraphe sur les options stratégiques à notre disposition, soit la tarification, la réglementation ou une combinaison des deux.

J'ai beaucoup de difficultés avec le vocabulaire que vous utilisez, mais c'est un problème avec lequel j'ai dû composer tout au long de mon parcours professionnel; je parle des compromis, des coûts et des avantages, des gagnants et des perdants, et des conséquences politiques. Puisque vous êtes une universitaire, je suis sûr que vous avez également des problèmes avec cela.

Je suis en quelque sorte un admirateur d'Arthur Okun, le macroéconomiste qui est malheureusement décédé depuis longtemps. Je suis en faveur de son approche concernant l'égalité et l'efficience des marchés.

Ma question est la suivante : selon vous et selon vos travaux, y a-t-il une façon d'harmoniser les choses? Je ne parle pas de déterminer qui sont les gagnants et les perdants dans le scénario que vous avez présenté, mais plutôt d'aligner les intérêts des gagnants et des perdants afin d'avantager l'ensemble du Canada et de la société canadienne, que ce soit au chapitre de l'utilité sociale ou de l'efficience économique.

Je veux insister sur l'harmonisation dans ma question : quelles mesures sont à notre disposition en matière d'harmonisation afin de créer quelque chose d'avantageux à l'échelle nationale, pour l'ensemble du pays?

Mme Winter : Vous posez une très bonne question, car la situation est épineuse. Les considérations d'égalité par rapport aux considérations d'efficience sont, je crois, l'une des principales questions qui intéressent les politiciens. Nous savons qu'ils demandent que tout le monde soit traité de façon équitable et que ce soit fait de façon efficiente. Les considérations liées à l'équité soulèvent le fait que certains groupes, par exemple les entreprises qui doivent utiliser beaucoup d'énergie ou les ménages à faible revenu, sont désavantagés.

Je dirais donc que c'est à ce chapitre que les politiques complémentaires ont un rôle à jouer : si nous réduisons la tarification sur les émissions de gaz carbonique, peu importe la forme que cela prend — une taxe ou un système de plafonnement et d'échange —, cela veut essentiellement dire que nous délaissons le bâton, dans une certaine mesure, que nous réduisons les incitatifs de changer la façon dont les choses sont faites. Lorsqu'on essaie à la fois de régler nos préoccupations en matière d'équité et d'environnement avec la même politique, on risque de nuire aux deux, parce qu'on continue de désavantager certains secteurs de l'économie plus que d'autres. À cela s'ajoute le fait qu'il y a moins d'incitatifs à réduire les émissions de gaz carbonique. C'est pourquoi je crois qu'il faut fixer un prix qui est convenable — selon ce que nous avons déterminé — pour le Canada, puis adopter des politiques complémentaires afin de traiter une à une les questions particulières.

En ce qui concerne l'harmonisation des intérêts, l'une des choses qui filtrent des sociétés d'exploitation des sables bitumineux est le fait qu'elles produisent de la vapeur lorsqu'elles brûlent du gaz naturel. Dans ce cas, il est logique pour elles de vouloir réduire leurs émissions, puisque ce faisant, elles vont réduire leurs coûts et améliorer leur capacité de production pétrolière.

Il y a aussi un autre exemple d'harmonisation des intérêts en Alberta : la province encourage la coproduction. Afin de produire du pétrole, les sociétés d'exploitation des sables bitumineux brûlent du gaz naturel dans leurs usines, ce qui crée de la vapeur qui sert aussi — avantage supplémentaire — à produire de l'électricité. Grâce à cela, il y a en même temps une production du pétrole ainsi qu'une production d'électricité dont les émissions de gaz carbonique sont relativement moins élevées. Ce genre de synergie est une façon d'harmoniser les intérêts des gagnants et des perdants.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup.

La sénatrice Griffin : Merci.

Mes questions portent sur la connaissance du public de la question énergétique. Croyez-vous que le public comprend à quel point il sera difficile d'atteindre les cibles en matière de réduction des émissions de gaz carbonique?

Mme Winter : Non, pas du tout. Je crois également que, d'un grand nombre de façons, le public — y compris moi- même — est malheureusement mal informé de l'ampleur des difficultés. C'est très difficile d'être un expert du sujet ou de bien connaître n'importe laquelle de ces questions.

L'une des solutions possibles qui ont été suggérées pour un avenir faible en carbone au Canada, c'est l'électrification des transports. C'est effectivement possible, et on pourrait mettre cela en œuvre très rapidement ou plus progressivement, mais ce passage suppose un coût, puisque toute notre infrastructure de transport est conçue, essentiellement, pour les véhicules à combustible fossile. L'électrification des transports suppose d'avoir un nombre suffisant de bornes de recharge, d'agrandir le réseau électrique et d'installer plus de générateurs afin de répondre à la nouvelle demande. Tout cela aura un coût, et il faudra également démanteler l'infrastructure que nous avons présentement.

Selon moi, il n'y a actuellement pas assez d'études sur les coûts et les avantages potentiels des différentes options. Je crois que l'une des raisons qui expliquent cela est le fait que, actuellement, même les universitaires comme moi-même n'ont toujours pas — disons, pas avant les dix dernières années — vraiment compris l'importance des difficultés et ce qu'il fallait faire.

La sénatrice Griffin : J'ai une question complémentaire, également à propos de la connaissance du public en matière d'énergie. Je crois que le public devrait en savoir plus à propos de cette question; ils devraient avoir une plus grande connaissance de l'énergie, des cibles de réduction des émissions carboniques et de certaines des options qui s'offrent à nous et, comme vous le dites, de certains des coûts connexes. Selon vous, comment pourrions-nous y arriver?

Mme Winter : Une autre excellente question, encore. De mon côté, je suis fascinée par ces sujets et par les politiques environnementales, mais pour un grand nombre de personnes, c'est ennuyeux à mourir.

J'ai une petite anecdote : j'ai passé le repas de Noël à expliquer à mes parents comment fonctionne la taxe sur les émissions carboniques en Alberta. J'ai passé — je ne me souviens plus — pas moins de deux heures à expliquer comment la taxe sur les émissions carboniques fonctionne en Alberta et comment la remise pour les ménages fonctionne. Mes parents sont des gens très intelligents, mais ils ont quand même eu de la difficulté à comprendre. C'est pourquoi je crois que les universitaires comme moi-même devraient, lorsque c'est possible, faire des entrevues avec des reporters afin de préciser ce qui se passe et d'expliquer en termes simples et accessibles les politiques et leurs conséquences. Je crois que c'est également un rôle que le gouvernement du Canada devrait jouer. Les campagnes d'information publiques ne devraient pas seulement expliquer que nous essayons d'atteindre des cibles et que le Canada s'en portera mieux; il faut aussi dire ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.

Le sénateur Massicotte : Vous mentionnez que toutes ces options stratégiques seraient avantageuses pour un pays, et chaque pays est souverain. Mais, par rapport aux politiques économiques, un grand nombre de nos entreprises et de participants dans le marché exercent leurs activités à l'échelle internationale. Donc, vous reconnaissez qu'il y a un problème lié au fait que nous allons nuire à la compétitivité des exportateurs, surtout ceux qui produisent beaucoup d'émissions carboniques. Vous avez donné deux exemples de solution à ces problèmes. Nous pouvons les traiter différemment en les remboursant en partie ou nous pouvons les protéger comme cela se fait en Colombie-Britannique, c'est-à-dire que la politique ne s'appliquerait pas à eux.

Ce serait une façon de faire efficace du point de vue de la théorie économique, mais seriez-vous d'accord pour dire que pour être juste envers ces entreprises, nous devrions également imposer une taxe aux importateurs qui gèrent leur production de gaz à effet de serre différemment — je parle bien d'une taxe sur les importations pour ces entreprises — afin que le marché soit équitable pour tous? Seriez-vous d'accord avec cela?

Mme Winter : Oui, c'est une solution possible, mais je ne suis ni experte en commerce ni avocate en droit commercial, alors je ne peux pas vraiment me prononcer sur les considérations juridiques liées à une telle chose. C'est quelque chose à quoi il faudrait réfléchir. Mais oui, si on veut mettre en place un marché égalitaire, en imposant des taxes sur les importations selon l'intensité des émissions de gaz carbonique des entreprises, cela pourrait peut-être fonctionner. Cependant, une taxe sur les importations aurait aussi un impact sur les consommateurs canadiens. Les entreprises qui exportent au Canada ne seront pas nécessairement touchées, alors vous avez l'option de protéger les producteurs canadiens, à l'instar de ce qui se fait pour les entreprises étrangères, en faisant assumer les coûts aux consommateurs canadiens.

Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord, et je comprends que c'est une solution défavorable pour le consommateur, mais avons-nous d'autres choix? J'ai l'impression que vous dites que nous ne devrions pas faire cela à cause de ce point négatif, ce qui veut dire qu'au fil du temps, les entreprises importatrices au Canada vont dominer le marché canadien, car leurs coûts de base seront beaucoup moins élevés que ceux des entreprises canadiennes. Cela n'aurait-il pas de conséquences défavorables très graves pour l'économie canadienne?

Mme Winter : Ce serait une mauvaise chose pour l'économie canadienne, mais ça pourrait aussi être une bonne chose pour l'économie canadienne. Je suis désolée de vous donner cette réponse typique d'une économiste.

Au bout du compte, ce sont les consommateurs canadiens qui vont assumer la majeure partie des coûts associés à la taxe sur les émissions carboniques ou à la tarification des émissions carboniques, puisque ce sont eux qui se trouvent au bout de la chaîne économique. Une taxe sur les importations pourrait être un moyen de renforcer l'égalité, oui.

Néanmoins, je crois que le Canada pourrait peut-être également encourager d'autres pays à imposer leur propre tarification sur les émissions carboniques afin que ces préoccupations quant à la compétitivité ne concernent pas uniquement le Canada. Ainsi, toutes les entreprises du monde devront payer le même prix. Ensuite, nous pourrons délaisser ces politiques complémentaires et nous pencher sur les préoccupations en matière de compétitivité.

Je sais que ma réponse est parfaitement utopique, mais puisqu'un grand nombre de pays se sont engagés à atteindre des cibles de réduction des émissions carboniques, il faudrait réfléchir aux avantages qu'offre la réduction des émissions carboniques, au coût le plus bas possible, à la collectivité internationale. La tarification du carbone est la solution.

Le président : Madame Winter, nous avons terminé la période de questions, mais j'ai deux ou trois questions à poser dans le temps qu'il nous reste.

Plus tôt, le sénateur Massicotte vous a demandé quel serait le prix à la pompe si on imposait une tarification de 150 $ la tonne. Permettez-moi de faire des extrapolations en prenant la Colombie-Britannique en exemple : c'est environ 7 cents le litre pour 30 $ la tonne, donc ce sera probablement 35 cents le litre.

Si vous prenez les cibles que le Canada a fixées pour 2030 — vous les connaissez bien, et nous aussi —, les chiffres fournis par Environnement Canada montrent que nous allons devoir faire des efforts de réduction pour atteindre ces cibles. On parle d'une réduction de 219 millions de tonnes.

Si on arrête l'industrie pétrolière et gazière, la réduction serait de 233. Ce n'est que 14 millions de tonnes de plus que notre objectif. Devant cette tâche herculéenne, on doit se demander si cela est possible, et la réponse s'impose — du moins pour moi — que ce n'est pas le cas. Je ne dis pas que nous ne devrions pas essayer, je ne veux pas que vous vous fassiez une mauvaise idée à mon sujet. Je ne dis pas que nous ne devrions pas explorer toutes les options qui s'offrent à nous, mais lorsque ce genre d'objectifs sont fixés et que nous n'informons pas le public des coûts qu'il devra assumer et des changements qu'il aura à faire dans son mode de vie, il me semble que ce n'est pas juste.

Croyez-vous que nous allons pouvoir atteindre cette cible de 219 millions de tonnes de moins dans le monde entier d'ici 2030 en imposant une tarification de 50 $ la tonne?

À titre informatif, je veux vous dire que d'autres experts nous ont dit qu'il faudrait de 200 à 300 $ la tonne. Selon vous, est-il possible pour nous d'atteindre la cible fixée? C'est bien d'avoir des objectifs, mais ils ne servent à rien s'il est impossible de les atteindre.

Mme Winter : Absolument. Vous soulevez un très bon point : la force que nous accordons au bâton, à la taxe sur les émissions carboniques, va sans aucun doute avoir un impact sur la vie des personnes. Même avec 50 $ la tonne, il est peu probable que ce sera suffisant pour provoquer un changement de comportement assez important pour atteindre les cibles du Canada en matière d'émissions carboniques.

En ce qui concerne l'idée d'arrêter l'industrie pétrolière et gazière, je répondrais à cette question en disant : oui, si nous faisons cela, on réduirait les émissions produites par l'industrie pétrolière et gazière. Mais est-ce que cela ferait vraiment une différence? Essentiellement, la différence ne sera peut-être pas très importante, puisque les consommateurs canadiens vont simplement importer le carburant, l'essence et le diesel d'ailleurs. C'est une chose à prendre en considération, et c'est pourquoi j'ai insisté sur ces concepts de flexibilité; nous devrions mettre en place des politiques qui ne feront pas fi des coûts pour le Canada. En outre, si nous avons pour objectif d'atteindre une cible qui suppose un coût extrêmement élevé pour le Canada, nous devrions examiner la possibilité de déployer des efforts à l'étranger où la réduction d'émissions carboniques peut se faire à coûts très faibles.

Je ne connais pas toutes les options possibles, mais il y a des feux de forêt ou des montagnes de pneus qui brûlent toujours et qui produisent des émissions carboniques à l'échelle mondiale; le coût pour éteindre ces feux est faible, et ce serait extrêmement avantageux. C'est ce genre d'option flexible que le Canada devrait prendre en considération.

Le président : Merci beaucoup. C'est assez difficile pour nous d'intervenir dans le reste du monde alors que nous avons déjà de la difficulté à mettre cela en place au Canada. J'en suis conscient.

J'ai déjà abordé ce sujet, et c'est la deuxième fois qu'un témoin nous parle d'adaptation. Vous avez mentionné cela dès le début. Je sais que nous avons une tâche à accomplir, mais d'après les renseignements mondiaux que me font parvenir les analystes de la Bibliothèque du Parlement, nous savons que les émissions vont augmenter pendant les 50 prochaines années au moins, parce que nous allons continuer d'utiliser les combustibles fossiles. Du moins, c'est ce que tous les experts s'entendent pour dire présentement.

D'après ce que je sais de la situation globale, il y aura, par exemple, 2 000 centrales au charbon seront exploitées au cours des 10 ou 15 prochaines années. Certaines sont en train d'être construites maintenant. Donc, malgré tous ces efforts que nous déployons, nous sommes en train de perdre du terrain — et nous respirons tous le même air et partageons la même atmosphère —, et nous n'avons pas étudié ce que nous pouvons faire en matière d'adaptation pour composer avec ce qui va vraiment arriver. Que nous le voulions ou non — et je ne dis pas que nous ne devrions pas essayer de réduire notre empreinte carbonique —, c'est quelque chose que nous allons devoir affronter, du moins c'est ce que disent toutes les prévisions et ce genre de choses à notre disposition.

Je voudrais savoir un peu plus ce que vous pensez des mesures d'adaptation. Je crois que nous devrions réfléchir à cela pour l'ensemble du Canada. Comment est-ce que nous pouvons faire en sorte que Fred et Martha — le grand public — s'adaptent à ce monde qui est en train de changer? À qui va-t-on refiler la facture? Si on leur impose simplement une taxe sur les émissions carboniques, ils ne seront pas contents. Mais ce sont eux les utilisateurs finaux, alors ce sont eux qui vont devoir assumer le coût. C'est l'utilisateur final, et non la société pétrolière, dans les faits.

Devrions-nous nous réfléchir davantage aux mesures d'adaptation? Comment allons-nous nous adapter à ce qui va arriver, peu importe qu'on atteigne ou non cette cible de 219 tonnes, puisqu'après cela, le gouvernement a prévu comme prochaine étape quelque chose qui, selon moi, est pratiquement impossible? C'est une cible encore plus exigeante. Pouvez-vous nous donner votre opinion sur l'adaptation?

Mme Winter : Une politique éclairée ne devrait pas être axée uniquement sur la réduction des émissions carboniques : elle devrait également prévoir des mesures d'adaptation au cours des 10, 15, 20 et 30 prochaines années afin d'atténuer la façon dont les changements climatiques vont toucher le Canada. Il faut se demander si nous devons, disons, investir dans un nouveau type d'infrastructure afin de nous adapter aux changements, quels qu'ils soient.

Oui, la politique ne devrait pas être axée uniquement sur l'élimination des émissions. Elle devrait aussi être axée sur les mesures d'adaptation. Le rôle du gouvernement à ce chapitre est d'aider les universités et les entreprises à investir dans la recherche et le développement afin d'essayer de s'adapter à ce que l'avenir nous réserve. Bien entendu, la difficulté tient au fait que nous n'avons aucune certitude sur ce qui va se passer, alors il nous incombe de prévoir une gamme de scénarios différents pour l'avenir.

Le président : D'accord. Je vous remercie de nous avoir présenté votre exposé. C'était très intéressant. Les sénateurs ont posé de bonnes questions, et vous avez fourni d'excellentes réponses. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous ce matin malgré votre horaire chargé.

(La séance est levée.)

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