Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 23 - Témoignages du 30 mars 2017
OTTAWA, le jeudi 30 mars 2017
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
Le président : Chers collègues, bonjour. Soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Je m'appelle Richard Neufeld. Je suis un sénateur de la Colombie-Britannique et je suis président du comité.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont présents ici et à tous les Canadiens qui peuvent nous écouter à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca, le nouveau site web du Sénat. On peut aussi trouver en ligne tous les renseignements concernant les travaux du comité, notamment les rapports publiés, les projets de loi étudiés et la liste des témoins.
Je demande maintenant à mes collègues assis à la table de bien vouloir se présenter. Je vais commencer moi-même en présentant le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.
La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, sénatrice du Québec.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l'Ontario.
Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : Je présente aussi notre personnel. À ma gauche, notre greffière, Maxime Fortin, et à ma droite, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.
Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a chargé notre comité d'entreprendre une étude approfondie sur les effets et les coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à abaisser avant 2030 nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport au tonnage de 2005. C'est une entreprise colossale.
Pour cette étude, notre comité a adopté une démarche sectorielle. Nous étudierons cinq secteurs de l'économie canadienne à qui sont imputables plus de 80 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre : la production d'électricité; les transports; le pétrole et le gaz; les secteurs à forte intensité d'émissions et tributaires du commerce; les immeubles. Notre premier rapport intérimaire consacré au secteur de l'électricité est paru le 7 mars.
C'est aujourd'hui la 38e séance que nous consacrons à cette étude et je suis heureux d'accueillir les représentants de l'Association canadienne du ciment, Michael McSweeney, président et chef de la direction, et Adam Auer, vice- président, Environnement et développement durable. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, après quoi nous passerons aux questions. La parole est à vous, monsieur.
Michael McSweeney, président et chef de la direction, Association canadienne du ciment : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de me donner la possibilité de venir témoigner aujourd'hui afin de parler d'un sujet que notre industrie considère comme un des plus importants dossiers du gouvernement.
L'Association canadienne du ciment représente tous les fabricants de ciment du pays. Notre industrie est à l'origine de retombées économiques directes, indirectes et secondaires d'une valeur de 82 milliards de dollars et emploie directement ou indirectement 170 000 Canadiens dans des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés.
Notre industrie a toujours été en faveur et continuera à privilégier d'importants changements et des mesures efficaces pour lutter contre le changement climatique, y compris la mise en place d'une tarification des émissions de carbone. En date de cette année, toutes les cimenteries du Canada, sauf une — monsieur le sénateur MacDonald — opèrent dans une province qui a déjà adopté une tarification du carbone, notamment la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, le Specified Gas Emitters Regulation de l'Alberta et le système de plafonnement et d'échange de l'Ontario et du Québec, avec la Californie.
À mesure que les gouvernements canadiens ont adopté la tarification du carbone, de nombreux groupes de réflexion très respectés tels que la Commission de l'écofiscalité qui témoignera après nous, la Smart Prosperity Initative, l'Institut Pembina et EnviroEconomics ont tous étudié l'impact de la tarification du carbone sur la compétitivité.
Les résultats sont cohérents. Si les incidences de la tarification du carbone sur la compétitivité sont faibles dans l'ensemble, certains secteurs sont à haut risque et celui du ciment figure régulièrement, dans les divers pays du monde, parmi les secteurs les plus vulnérables. À l'échelle mondiale, on considère, comme vous l'avez dit, que la production du ciment est une industrie à forte consommation d'énergie et exposée à la concurrence. C'est ce que j'appellerai le secteur EITE. C'est pourquoi il est impératif que les gouvernements, au moment de mettre en place des systèmes de tarification du carbone dans des secteurs EITE comme celui de la production du ciment, comprennent bien que nos concurrents sur le marché de l'importation et de l'exportation ne sont pas assujettis aux mêmes systèmes de tarification et que cela désavantage l'industrie canadienne.
Nous pouvons prendre l'exemple de ce qui s'est passé en Colombie-Britannique. La taxe carbone de 30 $ la tonne qui s'applique en Colombie-Britannique double le coût des combustibles traditionnels pour four à ciment tels que le charbon et le coke de pétrole, ce qui entraîne une perte importante de parts de marché au profit des importations en provenance des États-Unis et d'Asie. Lorsque la Colombie-Britannique a introduit la taxe sur les émissions carboniques, en 2008, les importations de ciment en Colombie-Britannique en provenance d'Asie et des États-Unis représentaient environ 6 p. 100. Elles ont atteint un sommet de 40 p. 100 ces dernières années, entraînant la fermeture d'usines, la perte d'investissements pour la province et l'élimination de débouchés économiques en Colombie- Britannique. Ironiquement, les importations ont également contribué à augmenter les émissions mondiales de GES liées à la production et au transport du ciment depuis les marchés d'importation.
Heureusement, la Colombie-Britannique a récemment offert un certain répit à notre industrie en proposant un financement transitoire quinquennal ou fonds technologique de 27 millions de dollars pour soutenir les efforts de notre industrie en vue de l'utilisation de combustibles à plus faible teneur en carbone. Bien que ces fonds soient les bienvenus, ils font pâle figure par rapport à la taxe sur les émissions carboniques de 20 millions de dollars que nous devons payer chaque année et face au manque à gagner que nous continuons à subir en raison des parts de marché que nous perdons au profit des importations. En soi, ce soutien financier que nous recevons de la part de la Colombie-Britannique n'est pas une solution à long terme.
Par bonheur, d'autres provinces ont également reconnu ce problème. Par exemple, en vertu du programme de plafonnement et d'échange qui s'applique en Ontario et au Québec, les secteurs EITE bénéficient de droits gratuits jusqu'à un seuil de rendement, préservant ainsi l'incitatif du marché visant à réduire les GES tout en offrant une certaine protection contre les mesures de conformité qui désavantagent les secteurs EITE par rapport à leurs concurrents étrangers. En outre, en Ontario, les secteurs utilisant beaucoup le charbon, tels les secteurs du ciment, de l'acier et autres, se sont vu promettre des fonds technologiques de 40 à 60 millions de dollars pour des combustibles à faibles émissions carboniques. Il ne s'agit pas d'un substitut à d'autres mesures de protection de la compétitivité, mais d'une mesure complémentaire au Plan d'action contre le changement climatique de l'Ontario qui augmentera notre capacité à contribuer de manière significative aux objectifs ontariens de réduction des GES.
Ces mesures sont encourageantes. En revanche, les risques pour notre secteur demeurent élevés. Permettez-moi d'en mentionner quelques-uns.
Une solution permanente aux défis de la Colombie-Britannique en matière de compétitivité demeure incertaine, d'autant plus que le régime fédéral est censé augmenter le tarif à 50 $ la tonne.
Au Québec, les premières ébauches de la prochaine phase du système de plafonnement et d'échange proposent des réductions des émissions liées aux procédés industriels dans notre secteur et ces réductions sont mathématiquement impossibles à atteindre sans faire appel aux technologies de capture du carbone qui ne seront pas viables techniquement et commercialement avant au moins 10 ans.
En Ontario, le seuil de rendement diminue à un rythme qui ne pourra être soutenu au-delà de la première période de conformité. En effet, on nous demande de réduire de 20 p. 100 en quatre ans.
Enfin, si le gouvernement fédéral a, dans la pratique, délégué aux provinces la responsabilité en matière de tarification du carbone et de compétitivité, il envisage simultanément d'autres mesures réglementaires telles que l'application à l'industrie d'une norme relative au combustible propre qui pourrait nuire à l'intégrité des approches provinciales et augmenter les défis auxquels l'industrie doit faire face en matière de compétitivité.
Permettez-moi cependant de souligner que la tarification du carbone peut donner de bons résultats dans les secteurs EITE, mais seulement si les gouvernements fédéral et provinciaux s'unissent pour proposer un système cohérent de tarification, de politiques et d'investissement, complémentaire et global, qui protège l'économie canadienne alors qu'elle se prépare à adopter une économie à plus faibles émissions carboniques, tandis que nos partenaires commerciaux n'ont pas à se plier à des programmes similaires.
Cela m'amène au deuxième élément crucial de la transition du Canada vers une économie à faibles émissions carboniques : nous devons adopter une nouvelle approche pour le financement des infrastructures et un financement accordé par le gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales.
Dans le budget présenté la semaine dernière, le gouvernement a réaffirmé son intention d'investir sérieusement dans le développement des infrastructures, de l'innovation et de la technologie. Ces investissements sont nécessaires et bienvenus, mais ils ne répondront pas aux objectifs en matière d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation à ceux-ci, à moins que le paradigme de prise de décisions entourant ces investissements soit modifié explicitement afin d'inclure la mesure des impacts économiques et environnementaux tout au long du cycle de vie.
Je vais vous donner un exemple. Notre industrie du ciment s'est lancée récemment dans la promotion du ciment Portland au calcaire auquel nous avons donné dans tout le pays le nom de Contempra. Ce type de ciment permet de réduire les gaz à effets de serre en provenance du béton. Quand on utilise le ciment Contempra, on réduit de 10 p. 100 l'empreinte GES du béton. Le remplacement de tous les ciments vendus au Canada par du ciment Contempra permettrait de réduire d'une mégatonne les émissions annuelles de CO2, sans coût supplémentaire pour les Canadiens. Le ciment Contempra n'est pas très répandu au Canada, même s'il satisfait aux mêmes normes de rendement que le ciment d'usage courant, qu'il est utilisé depuis des décennies en Europe et qu'il est reconnu depuis 2010 dans le Code national du bâtiment du Canada. Cela est dû au fait que l'industrie de la construction, les codes et les organismes de normalisation, ainsi que les organismes d'approvisionnement publics chargés de la planification et de la commande de projets d'infrastructure ont une aversion pour les risques et ne valorisent pas encore suffisamment les innovations dans le domaine de la conception et des matériaux de construction à faibles émissions carboniques.
En tant qu'acheteurs de plus de la moitié de tout le béton produit au Canada, les gouvernements pourraient, d'un simple trait de plume, faire du ciment Contempra le ciment par défaut utilisé dans la majorité des projets d'infrastructure au Canada. Or, à l'exception de la Colombie-Britannique, les efforts déployés par notre industrie pour encourager un tel changement sont toujours demeurés vains. Grâce à cette seule technologie, nous pourrions réduire d'environ 2 p. 100 l'écart dans les émissions que, d'après le gouvernement, le Canada doit obtenir afin d'atteindre son objectif pour 2030.
Le ciment Contempra nous offre vraiment une solution des plus faciles, mais les services d'approvisionnement du gouvernement n'ont pas encore montré qu'ils étaient capables de s'adapter, même s'ils affirment que la lutte au changement climatique est leur plus grande priorité. Ce type d'attitude doit être remis en cause.
Par ailleurs, nous avons lourdement investi dans la recherche en faisant appel au Massachusetts Institute of Technology et à d'autres centres universitaires, afin de mieux comprendre le rôle que le béton peut jouer dans nos autres applications à faibles émissions carboniques. Par exemple, des évaluations sérieuses effectuées par des tiers sur l'ensemble du cycle de vie démontrent hors de tout doute les avantages des chaussées rigides en béton par rapport aux revêtements d'asphalte, en matière de coûts et sur le plan climatique. Les revêtements de béton durent une cinquantaine d'années, leur entretien coûte moins cher et ils permettent une réduction de la consommation de carburant pouvant atteindre 7 p. 100. Par comparaison avec l'asphalte, ces propriétés permettent d'obtenir une réduction d'environ 12 000 tonnes de GES par kilomètre de voie sur une durée de vie de 50 ans.
Par exemple — je le précise à votre intention, monsieur le sénateur Black —, un simple tronçon de 43 kilomètres dans le parc national Yoho, une voie qui, incidemment, doit être refaite, permettrait d'éviter l'émission d'un million de tonnes de CO2 au cours de sa vie utile de 50 ans s'il était refait en béton plutôt qu'avec un revêtement d'asphalte.
Par ailleurs, contrairement au témoignage livré par un autre secteur devant notre comité, les besoins énergétiques opérationnels au Canada ne représentent pas simplement 50 p. 100, mais plus de 90 p. 100 des émissions carboniques, en grande partie à cause des systèmes de chauffage et de refroidissement. L'inertie thermique du béton peut jouer un rôle important et contribuer à réduire ces demandes opérationnelles. Aujourd'hui, l'utilisation stratégique de la masse thermique a permis de réduire de plus de 70 p. 100 les besoins énergétiques opérationnels d'édifices commerciaux comme le Manitoba Hydro Place. Avec l'application de codes du bâtiment et de codes de l'énergie plus stricts, le béton pourrait jouer un rôle important dans le cadre de stratégies abordables visant à atteindre l'objectif tant recherché de l'immeuble à consommation énergétique nette zéro.
Vous comprendrez alors pourquoi nous avons été déçus lorsque nous avons constaté, dans le budget de 2017, que le gouvernement va dépenser 40 millions de dollars pour accorder un traitement préférentiel aux matériaux de construction à base de bois, au détriment des autres matériaux de construction, y compris le béton, alors que l'on pense de plus en plus que cela pourrait en fait contribuer à une augmentation des émissions de GES et à rendre nos bâtiments plus vulnérables au changement climatique.
Soyons clairs : nous ne demandons pas aux gouvernements d'imposer le béton dans la construction des routes ou des immeubles. Nous demandons tout simplement au gouvernement d'adopter une approche sectorielle neutre en matière de planification, d'utiliser des outils qui font appel à des solutions efficaces pour relever le défi de la transition vers une économie à faible intensité carbonique et résistante sur le plan climatique.
Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait rendre obligatoire l'analyse des coûts sur la durée de vie et l'évaluation environnementale du cycle de vie pour tous les projets d'infrastructure financés par le gouvernement fédéral, y compris les investissements transitant par les provinces et les municipalités. En adoptant une approche axée sur le cycle de vie pour toutes les décisions concernant les infrastructures, le gouvernement fédéral sera en mesure de comprendre et d'optimiser les possibilités en vue de construire des infrastructures au moindre coût tout au long de leur durée de vie, tout en investissant dans des infrastructures qui produisent l'empreinte carbone la plus faible.
Mais surtout, l'utilisation de ces outils permet d'appuyer sur des données fiables et sur une rigueur scientifique des décisions qui exigent une réflexion sérieuse, transparente et à long terme, afin de protéger ultimement l'investissement des contribuables. Par conséquent, nous souhaitons que vous demandiez, dans votre rapport final, que le gouvernement fédéral applique des critères englobant l'ensemble du cycle de vie à tous les projets d'infrastructure financés par le gouvernement fédéral.
Je pourrais continuer, mais, notre temps étant limité, je vais m'arrêter là et c'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions. Merci.
Le président : Merci. C'était très intéressant.
Chers collègues, puisque notre comité est complet et que nous avons tous une question, je vais revenir au système qui consiste à laisser chacun d'entre vous poser une question. Nous entamerons par la suite un second tour. Il est parfois difficile pour moi d'accorder un temps égal à chacun. Je vais commencer par le sénateur Massicotte. Vous avez droit à une question et une réponse et ensuite, nous passerons à quelqu'un d'autre.
Le sénateur Massicotte : Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous comparez les coûts par rapport aux émissions carboniques. Vous avez signalé qu'au Québec, votre crédit ne vous a rien coûté. Je sais que votre industrie construit une grande usine dans le nord-est du Québec et on me dit que c'est en grande partie parce que les coûts de l'énergie sont faibles. Donnez-moi des chiffres. Disons par exemple qu'un de vos produits coûte 100 $ au détail. Expliquez-moi comment se décline ce coût. Quelle est la part de l'énergie, celle des matières premières et la part de la taxe sur le carbone que vous payez en Colombie-Britannique, par exemple?
M. McSweeney : Je vais vous répondre dans l'ordre inverse. En Colombie-Britannique, la taxe sur le carbone représente environ 20 millions de dollars par an.
Le sénateur Massicotte : Donnez-moi alors un pourcentage de vos ventes. Donnez-moi une idée des proportions.
M. McSweeney : Adam, est-ce que vous pouvez fournir ces chiffres au pied levé?
Adam Auer, vice-président, Environnement et développement durable, Association canadienne du ciment : Je ne peux pas vous donner les coûts de tous les éléments, mais je peux vous dire que l'énergie représente environ 40 à 50 p. 100 de nos coûts. Je ne sais pas quels sont les pourcentages que représentent la taxe sur le carbone et les autres éléments tels que la main-d'œuvre, mais je pourrai vous fournir ces chiffres plus tard.
M. McSweeney : En général, nous ne prenons pas part aux discussions concernant le prix ou les éléments qui ont une incidence sur le prix du produit.
Le président : Vous pourrez peut-être nous revenir plus tard à ce sujet.
M. McSweeney : D'accord, je pourrai vous fournir des chiffres approximatifs.
Le sénateur Black : Je vous remercie pour cette excellente présentation. Pouvez-vous nous dire si l'industrie du béton risque de disparaître au Canada?
M. McSweeney : Le ciment est une poudre. L'élément de base est du calcaire que nous chauffons dans un four à une température de 1 450 degrés Celsius. Au bout d'un moment, le calcaire se transforme en une sorte de lave qui refroidit rapidement et qui devient un produit semblable à l'acier, que l'on appelle le clinker. Celui-ci est ensuite broyé. Au bout du compte, le ciment, c'est un peu comme du talc. On peut l'expédier dans le monde entier, parce que c'est un produit très léger.
Le béton, en revanche, comprend de 7 à 10 p. 100 de ciment, du sable, du granulat et de l'eau. Une fois que l'eau a été ajoutée au mélange, le béton ne peut être transporté sur plus de 100 à 150 kilomètres. Le ciment est le liant qui maintient ensemble le sable, le granulat et l'eau.
Il y aura toujours une industrie locale du béton, car le béton est un produit qui ne peut pas voyager très loin. Le ciment, en revanche, sera victime des importations au Canada. En Colombie-Britannique, plus de 40 p. 100 du ciment est importé. Aujourd'hui, les importations s'élèvent à 10 p. 100 en Alberta, 10 p. 100 en Ontario et 5 p. 100 au Québec.
Mais si nos partenaires commerciaux n'appliquent pas, comme on peut le constater, un système de tarification du carbone semblable à celui du Canada, nos usines feront face à d'énormes pressions sur le plan des coûts et nous ne serons peut-être pas en mesure de soutenir la concurrence. Il est donc possible que le système de tarification du carbone soit trop lourd pour les entreprises canadiennes alors que nos partenaires commerciaux n'appliquent pas le même système. Cela pourrait menacer 15 ou 16 usines canadiennes.
La sénatrice Griffin : Je suis d'accord avec le sénateur Black pour dire que cet exposé était excellent. Je ne savais pas qu'il y avait une différence entre le ciment et le béton. Pour moi, c'était la même chose. Je suis contente de savoir la différence.
Dans votre exposé, vous avez parlé des moyens économiques et réglementaires que le Canada a eus à sa disposition pour faire évoluer les choses. Vous avez fait de très bonnes suggestions concernant les approvisionnements du gouvernement et l'analyse sur un cycle de vie complet que certains d'entre nous appellent aussi la méthode du coût complet. Quel est, selon vous, le principal obstacle qui s'oppose à la mise en œuvre de ces changements? Est-ce une simple peur du risque ou est-ce de l'inertie?
M. McSweeney : Je pense que c'est de l'inertie. Je crois que la plupart des infrastructures bâties de nos jours sont essentiellement de ressort provincial et surtout municipal, que ce soit les usines de traitement des eaux usées ou le transport public, et cetera. Je suis sûr qu'il vous est arrivé, en empruntant une rue de votre ville, de vous demander pourquoi les services publics refaisaient le revêtement alors qu'il vous semblait que la chaussée avait déjà été refaite il y a tout juste cinq ans. Cela s'appelle l'inertie. Les services publics ont tendance à utiliser toujours le même matériau. Les responsables ouvrent un tiroir et disent : « Nous allons refaire la rue Yonge. » Ils ouvrent le tiroir, sortent le plan, le mettent sur la table et lancent un appel d'offres.
Notre industrie demande constamment aux gouvernements d'installer ou de mettre en place un système sollicitant des conceptions et des soumissions différentes. Si l'on tenait compte du coût sur la durée de la vie utile, le béton serait toujours gagnant. Parfois même, le béton l'emportera grâce à son coût initial, mais il sera toujours gagnant si l'on tient compte des coûts sur la durée de vie utile, parce qu'une chaussée en béton dure entre 40 et 50 ans, alors qu'une chaussée en asphalte a une durée de vie de 7 à 12 ans. Par conséquent, le recours à des conceptions et des soumissions différentes permet aux preneurs de décisions au niveau municipal, provincial ou fédéral, de choisir le matériau de construction qui leur donnera le meilleur rendement possible et qui aura la plus longue durée de vie utile.
Je pense que vous avez tous pu constater ce qui est arrivé à Toronto avec le rapport du vérificateur général, au gouvernement provincial avec le rapport de son vérificateur général, lorsqu'il a dévoilé un système de collusion dans l'industrie du pavage. Quand la concurrence est intense, les gens font des calculs et des comparaisons et les contribuables en sortent gagnants.
Le sénateur Lang : Merci pour votre exposé. Je dirais que vous avez probablement illustré ce que le gouvernement ne devrait pas faire.
J'aimerais revenir ici à la Colombie-Britannique, dont vous avez parlé dans vos observations liminaires; en Colombie-Britannique, une taxe sur le carbone de 30 $ par tonne double le coût du ciment traditionnel, des combustibles pour les fours, et cetera, entraînant ainsi une perte importante des parts de marché au profit des importations en provenance des États-Unis et d'Asie. Vous avez dit ensuite que cette situation a entraîné des fermetures d'usines, des pertes d'investissements et de retombées économiques. Vous avez dit un peu plus tôt que l'industrie du ciment a dû absorber des coûts de 20 millions de dollars. Ensuite, vous poursuivez en disant qu'en Colombie-Britannique, le système fédéral fera en sorte que le coût s'élèvera à 50 $ par tonne. Si j'ai bien compris, d'ici 2020, ou à toute autre date qui aura été établie, vous perdrez effectivement environ 35 millions de dollars.
Pouvez-vous nous indiquer, maintenant ou plus tard, combien d'usines ont dû fermer et combien d'emplois ont été perdus en Colombie-Britannique au cours de cette période, afin que nous puissions comprendre les véritables enjeux pour les Canadiens dont l'emploi dépend de ce type d'industrie?
M. McSweeney : Très brièvement, nous pouvons vous fournir un rapport très détaillé, mais nous avions trois cimenteries en Colombie-Britannique — une à Kamloops, une à Delta et une à Richmond. Celle de Kamloops vient juste de fermer, parce qu'elle n'était plus économiquement viable. Quand les importations en provenance d'Asie et des États-Unis atteignent 40 ou 42 p. 100, c'est presque une tonne de ciment sur deux qui provient de l'étranger, du ciment sur lequel la taxe sur le carbone ne s'applique pas, comme vous le savez. En revanche, en Colombie-Britannique, la taxe sur le carbone s'applique sur les combustibles que nous utilisons pour la fabrication du ciment. Par conséquent, le ciment qui arrive à Seattle en provenance d'Asie est chargé sur des camions et transporté dans le Lower Mainland.
Cela entraîne des fermetures dans les cimenteries de la Colombie-Britannique. Nous pouvons vous indiquer combien de temps durent ces interruptions de production, mais je dirais qu'elles varient de trois à six mois. Chaque fois que l'usine interrompt ses activités, les employés sont mis en disponibilité, les emplois indirects sont suspendus et les effets se répercutent sur les collectivités. Nous pourrons vous fournir les données exactes concernant les fermetures au cours des huit dernières années, ainsi que leur durée.
Le sénateur Wetston : Merci pour votre exposé. J'aimerais en savoir un peu plus au sujet de la structure du marché. J'aimerais comprendre où vous vous situez dans cette industrie. Est-ce qu'il existe une association canadienne du béton? Ma question est sérieuse, ce n'est pas une blague.
M. McSweeney : Non, pas vraiment.
Le sénateur Wetston : Est-ce qu'il existe quelque chose?
M. McSweeney : Nous sommes réunis au sein d'un réseau souple que nous appelons l'Association canadienne des producteurs de maçonnerie en béton. Nous nous réunissons deux fois l'an. Les six cimenteries du Canada sont intégrées verticalement et sont les plus grandes productrices de béton.
Le sénateur Wetston : Monsieur le président, ce n'était pas véritablement ma question. Je m'interrogeais simplement à ce sujet, mais ce sont des renseignements qui sont utiles, je l'espère.
Le président : Ce sont de bonnes informations. Merci.
Le sénateur Wetston : Non, je n'ai pas encore terminé, mais je peux attendre le deuxième tour, si vous préférez. Il est question d'autres produits utilisés dans cette industrie. Nous avons parlé du bois, par exemple. Nous avons entendu les témoignages de représentants des industries des produits forestiers et d'autres secteurs.
Pouvez-vous nous indiquer comment votre secteur se compare à d'autres produits concurrentiels sur le marché des matériaux de construction, par exemple, par opposition aux chaussées et aux revêtements dont vous avez parlé, et nous préciser le volume des émissions de GES associées à ces autres produits concurrentiels? Avez-vous une idée de cela et pouvez-vous nous en parler?
M. Auer : Sur le plan de la quantité, je pense que le béton est utilisé, en termes de volume, deux fois plus que tous les autres matériaux de construction réunis. Cela inclut les immeubles, les chaussées et les autres infrastructures.
Si Michael a soulevé la question de l'énergie opérationnelle, c'est que les matériaux utilisés dans la construction d'immeubles produisent la plus grande partie des GES et qu'il faut tenir compte du rôle des matériaux et de la réduction de l'utilisation d'énergie dans le calcul de la contribution globale aux émissions carboniques de tout matériau qui entre dans le cycle de vie de cette structure. Vous pouvez consulter certaines recherches à ce sujet. Je crois que la documentation que nous avons distribuée contient des mémoires du MIT. Vous pourrez constater que le béton se place en très bonne position sur le plan de l'empreinte carbone quand on tient compte du cycle de vie utile.
La sénatrice Seidman : Merci, monsieur McSweeney, pour cet excellent exposé. Comme mes collègues assis autour de cette table, vos observations m'ont permis de comprendre des choses qui m'étaient auparavant tout à fait inconnues.
Vous avez dit que les recherches démontrent l'avantage d'utiliser le béton, par exemple pour le revêtement des voies routières et dans la construction des immeubles commerciaux. Ensuite, vous avez présenté des recommandations concernant l'application de données fiables et d'une certaine rigueur scientifique. Où en est l'industrie dans l'utilisation des données issues de la science et de la recherche et du développement et quels sont, d'après vous, les nouveaux progrès et les nouvelles technologies auxquels on peut s'attendre au cours des années à venir?
M. McSweeney : Certainement. Je vais commencer par préciser que le béton est le produit le plus utilisé dans le monde, après l'eau. Pour chaque habitant du monde, homme, femme et enfant, on utilise chaque année 3 000 livres de béton. Cela vous donne une idée de la taille de l'industrie du béton.
Nous faisons de nombreuses recherches sur les bâtiments et les chaussées. En collaboration avec notre homologue américain, nous faisons appel au Massachusetts Institute of Technology qui a effectué beaucoup de recherches. Nous nous sommes associés à l'Université de Sherbrooke, à l'Université de Toronto pour faire des recherches sur la durabilité et à l'Université de Waterloo pour des recherches sur les chaussées.
Nous venons tout juste d'engager l'Institut international du développement durable, au Manitoba, pour effectuer une étude déterminante sur les avantages que présentent les trois grands produits de construction — bois, acier et béton — sur le plan des gaz à effet de serre, parce que parfois, on compare des pommes avec des oranges. Dans le débat qui nous préoccupe, il faut comparer des pommes avec des pommes.
Tous les matériaux de construction ont leur place dans la société. Nous demandons tout simplement aux gouvernements de ne pas choisir des gagnants et des perdants dans l'économie. Près d'une scierie, il y a toujours une carrière de sable et de granulat, ainsi qu'une usine de béton. Évidemment, si l'on déshabille toujours Pierre pour habiller Paul, certains ouvriers vont perdre leur emploi dans ces localités, mais, par contre, quand on s'appuie sur des données fiables et des faits scientifiques, on élimine les émotions et on peut prendre de bonnes décisions. Comme l'a dit la sénatrice Griffin, on applique une comptabilité fondée sur les coûts. C'est ce qu'il faudrait faire pour établir les coûts sur la durée de vie utile et pour construire de nouvelles infrastructures et de nouveaux immeubles ayant le plus faible bilan carbone.
Prenons le cas de l'Europe où nous aimons tous voyager. On y trouve des immeubles de faible hauteur entièrement en béton, construits il y a 200 ou 300 ans. Lorsque nous sommes arrivés au Canada, nous avons construit la ville de Montréal tout en bois. Elle a complètement brûlé. C'est alors qu'on a décidé de tout reconstruire en béton. De nos jours, on revient au point de départ et on a tendance à construire en bois lamellé-croisé.
Nous devons effectuer une analyse de l'empreinte carbone la plus faible, ainsi qu'une analyse des coûts sur la durée de vie utile, afin de déterminer quel est le meilleur matériau de construction et laissons la décision aux professionnels, aux ingénieurs qui, au bout du compte, engagent leur responsabilité pour assurer la sécurité de l'immeuble. Ne laissons pas les politiciens se mêler des codes du bâtiment et des codes de l'énergie. Qu'ils se contentent de déterminer le cadre stratégique général.
La sénatrice Galvez : Vous avez déjà répondu à plusieurs questions que j'avais en tête. Les sénateurs peuvent très facilement jouer un rôle dans ce domaine en incitant le gouvernement à effectuer des analyses sur l'ensemble de la durée de vie, à tout le moins sur l'ensemble des travaux financés par le gouvernement fédéral. Je pense que ce serait très facile à faire.
Vous dites qu'il ne faut pas laisser cette tâche aux politiciens, mais puisque j'ai une formation d'ingénieure, je peux peut-être aider. Je crois que le principal obstacle ici, c'est le code, le code du bâtiment, parce qu'il n'est pas appliqué de manière homogène et qu'il ne comprend pas une règle de base. Vous avez raison de dire que nous sommes très en retard par rapport à l'Europe en matière d'application d'un bon code du bâtiment. Avez-vous quelques conseils à nous donner sur la façon d'aborder les discussions si nous devons élaborer à nouveau le code du bâtiment?
M. McSweeney : Depuis maintenant quatre ou cinq ans, je siège en qualité d'observateur à la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies. Je crois vraiment qu'il faudrait fusionner le code du bâtiment et le code de l'énergie. Le code du bâtiment se rapporte à la structure d'un bâtiment et aux aspects concernant la sécurité. Le code de l'énergie s'intéresse à l'énergie d'un immeuble et à son efficacité énergétique. Nous devons fusionner ces deux codes et consacrer plus de temps à l'étude de l'efficacité énergétique puisque, comme je l'ai dit dans mes observations, les GES sont le résultat de 90 p. 100 de l'énergie utilisée au cours de la vie utile d'un bâtiment. On peut énormément améliorer le bilan énergétique si l'on conçoit un immeuble correctement, en faisant appel dès le départ aux technologies intelligentes, afin de réduire de beaucoup le pourcentage de 90 p. 100 des émissions de GES résultant de la consommation énergétique.
Le sénateur Dean : Comme d'habitude, c'est une expérience très instructive et je vous en remercie. Vous avez dit que les grands investissements dans les infrastructures étaient l'occasion d'apporter des changements technologiques et d'opter pour de nouveaux matériaux. Vous avez dit que le ciment Portland au calcaire ou Contempra était un produit de remplacement ou un produit modifié. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet? Voici par exemple ce que j'aimerais savoir : si le gouvernement modifiait les permis ou autorisations nécessaires, est-ce que l'industrie aurait la capacité et disposerait de la technologie moderne suffisante pour s'adapter rapidement à l'utilisation du ciment Contempra? Les coûts pour l'utilisateur final seraient-ils plus élevés si l'on optait pour le ciment Contempra? Pourquoi le Canada est-il en retard alors que d'autres pays sont déjà allés de l'avant dans ce domaine? Sous-entendu, on peut se demander qui s'oppose à l'adoption du ciment Contempra? Est-ce que ce sont des parties intéressées? J'aimerais comprendre un peu plus pourquoi nous n'avons pas encore fait ce choix et savoir si nous sommes capables de nous adapter rapidement à cette nouvelle option.
M. McSweeney : Je vais commencer par préciser qu'en Europe, le ciment Portland au calcaire comprend une proportion de 35 p. 100 de ciment. Au Canada, elle se limite à 15 p. 100. Il faut savoir qu'il nous a fallu de 5 à 7 ans avant d'être autorisés à utiliser cette concentration de 15 p. 100, alors que l'Europe pratique ce mélange depuis longtemps.
Cela est dû à l'inertie du gouvernement. Tout doit être soumis à l'Association canadienne de normalisation dont les comités ne se réunissent qu'une fois par an. C'est un processus laborieux. De leur côté, les États-Unis ont pris exemple sur l'Europe et sur le Canada, et en l'espace de deux ans, les organes de normalisation américains sont passés de zéro à 15 p. 100. Par conséquent, nous devons nous activer.
Je crois que la plupart des gens reconnaissent que les changements climatiques sont un problème. Comme je l'ai mentionné dans mes observations liminaires, si l'on utilisait le ciment Contempra partout au Canada, on pourrait réduire les émissions d'une mégatonne avec une concentration de 15 p. 100. Si l'on optait pour une concentration de 30 p. 100, c'est-à-dire encore moins que celle qu'utilise l'Europe, on pourrait probablement réduire les émissions de deux mégatonnes. Tout cela est à portée de la main.
Souvenons-nous que le gouvernement a un plan dont l'objectif final est fixé à 44 mégatonnes. Il suffirait que notre industrie augmente la concentration à 30 p. 100 dans le ciment Contempra, sans augmenter les coûts — notre industrie a décidé de ne pas augmenter le prix, même s'il s'agit d'un produit vert, et de le vendre au même prix que le ciment ordinaire —, et si nous demandions aux organismes chargés d'établir les codes et les normes de s'attaquer sérieusement aux changements climatiques, nous pourrions réduire les émissions de deux mégatonnes d'un simple trait de plume et sans frais pour le contribuable canadien. Je ne peux pas croire qu'une partie intéressée pourrait s'opposer à un tel changement.
Le président : À titre de précision, j'aimerais vous demander de nous dire ce que vous entendez par 44 tonnes?
M. Auer : Le gouvernement a modélisé l'impact de ses politiques sur les réductions futures des émissions et a déterminé qu'après la mise en œuvre du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, il resterait encore 44 mégatonnes qui ne seraient pas touchées par les politiques déjà annoncées. C'est à cet écart par rapport à l'objectif de 2030 que nous faisons allusion.
Le sénateur Mockler : Il est clair que vous suivez l'actualité de très près. Dans la documentation que vous nous avez fournie, il y a beaucoup de matière à réflexion. Vous suivez de très près ce qui s'est passé la semaine dernière — en fait, cette semaine — aux États-Unis. Je veux parler des opinions de la nouvelle administration Trump au sujet des changements climatiques.
Croyez-vous que les gouvernements canadiens doivent ajuster leurs objectifs en matière de réduction des émissions en fonction de la nouvelle administration américaine et de la direction qu'elle prend ou plutôt vers laquelle elle mène le monde?
M. McSweeney : Depuis que je suis en poste, depuis 10 ans, j'ai constaté que ce sont les gouvernements sous- nationaux qui ont pris position sur le changement climatique, tout d'abord la Colombie-Britannique, puis l'Alberta avec le Specified Gas Emitters Regulation et ensuite le Québec avec le système de plafonnement et d'échange relié au système californien, et maintenant l'Ontario.
Je pense que ce sont les gouvernements subnationaux qui tracent la voie en matière de changement climatique et je crois que le constat est le même aux États-Unis. Il y a en effet la Western Climate Initiative dont vous avez déjà entendu parler. Il y a aussi la Regional Greenhouse Gas Initiative, dans le Midwest. Je crois aussi que les États de New York, de Washington et de l'Oregon prennent leurs propres mesures en matière de changement climatique sans se préoccuper des politiques du gouvernement fédéral américain. Les gouvernements subnationaux du Canada ont montré qu'ils étaient capables de montrer l'exemple dans la lutte contre le changement climatique. Peu importe si le gouvernement fédéral n'agit pas aussi rapidement que beaucoup le souhaiteraient, j'ai confiance que les gouvernements subnationaux vont tracer le chemin à suivre. Que pensez-vous de cette bonne réponse politique?
Le sénateur MacDonald : Bonjour, Michael. C'est un plaisir de vous revoir. Je ne peux pas croire que nous nous sommes rencontrés en 1976; cela fait plus de 40 ans.
M. McSweeney : Quarante et un ans.
Le sénateur MacDonald : Excellent exposé. Quand on réfléchit à l'utilisation du béton, aux possibilités que le béton offre, non seulement comme matériau de construction, mais également comme matériau pour le revêtement des voies routières, il semble qu'une des mesures les plus importantes que pourrait prendre un gouvernement serait de nous encourager à opter pour le béton dans pratiquement tous ces secteurs. On sait depuis longtemps que le béton est moins coûteux que l'asphalte pour le pavage des voies de circulation. Cela est bien connu. Est-ce uniquement une question de coût? Quel est le prix de revient au kilomètre d'un revêtement d'asphalte par rapport à un revêtement de béton?
M. McSweeney : Je ne sais pas le coût exact. Adam, est-ce que vous connaissez ces chiffres?
M. Auer : Tout dépend de la région. Dans certains endroits, le coût initial du béton est inférieur à celui de l'asphalte, mais ailleurs, il peut être un peu plus élevé; cependant, en raison de l'augmentation récente du prix du bitume, l'écart entre les deux est faible au niveau du coût initial. Par contre, le véritable avantage se situe au niveau des coûts sur la durée de vie utile.
M. McSweeney : On a pu constater, dans l'Est de l'Ontario, que le béton peut avoir un coût initial plus faible. Les soumissions pour la construction de voies de circulation en béton l'ont emporté lors des 10 derniers importants appels d'offres lancés par la province pour la construction des autoroutes de la série 400 à Toronto et dans les environs. L'an dernier, nous avons perdu d'un cheveu le marché de l'autoroute 104, en Nouvelle-Écosse, mais nous pensons que les calculs n'avaient pas été bien faits. Nous avons maintenant engagé des ingénieurs qui peuvent se rendre sur place et collaborer avec les organismes d'approvisionnement des provinces pour s'assurer qu'ils prennent bien en compte les évaluations du coût sur la durée de vie utile.
Comme l'a dit Adam, tout dépend du prix du bitume. Quand le cours du pétrole était à 105 $ le baril, le bitume était à peu près au même prix. Lorsque le cours du pétrole est descendu à 50 $ le baril, le bitume est resté à près de 100 $ le baril. On avait toujours cru que le cours du pétrole et celui du bitume étaient liés. Cependant, nous avons bientôt découvert que le prix du bitume n'a pas changé quand le cours du pétrole a chuté, même si certaines pressions se sont exercées pour faire diminuer le prix du bitume. Le coût est nettement plus élevé dans l'Ouest.
Le ciment et le béton sont des produits très locaux, puisqu'ils sont fabriqués dans les régions où l'on trouve du calcaire, du granulat et du sable. Par conséquent, le prix varie selon les régions. Je dirais que nous l'emportons assez facilement dans l'Est de l'Ontario et nous commençons à pénétrer le marché de l'Ouest.
Le président : Avant d'entamer le second tour, j'aimerais rappeler qu'une partie de notre mandat concerne les coûts. Pour faire suite à la question du sénateur Lang, je rappelle aux témoins que vous devrez nous indiquer quels ont été les coûts en matière de pertes d'emplois et de diminution de l'activité économique occasionnées par la fermeture d'une usine en Colombie-Britannique, au tarif de 30 $ la tonne. J'aimerais que vous nous disiez comment les deux autres usines peuvent rester ouvertes, alors que l'autre a dû fermer ses portes. Il doit bien y avoir une raison.
Lorsque le tarif sera fixé à 50 $ la tonne — et non plus 30 $ — en 2022, comme le demande le gouvernement, qu'arrivera-t-il aux 13 cimenteries des autres régions du Canada? Quel sera le nombre d'emplois perdus, la diminution des activités économiques et le coût pour la société dans son ensemble?
Le sénateur Massicotte : Prenons le Québec, puisque c'est là que se trouve la cimenterie la plus récente et qu'elle est généreusement subventionnée, directement et indirectement, par le gouvernement provincial et qu'elle bénéficie de l'électricité à bon marché. L'énergie, qui représente de 30 à 40 p. 100 des coûts totaux, provient essentiellement dans ce cas de l'énergie hydroélectrique dont les émissions sont nulles. Même si le Québec applique une taxe sur le carbone comme il le fait avec le système de plafonnement et d'échange, quelle sera l'incidence pour vous? Supposons que le marché atteigne 20 $ ou 30 $ la tonne. Au Québec, quelle sera l'incidence d'une telle taxe si votre prix de vente est fixé à 100 $? Quel pourcentage occupera la taxe sur le carbone ou le prix du carbone au Québec?
M. McSweeney : Adam, gardez cette partie de la question en mémoire pour y répondre plus tard. Je vais commencer par dire que le Québec nous accorde des droits gratuits, ce qui nous aide à demeurer compétitifs dans la province.
Le sénateur Massicotte : Supposons que le prix soit fixé à 20 $ ou 30 $. Je sais qu'aujourd'hui c'est zéro, mais essayez de vous projeter dans l'avenir. C'est cela qui nous inquiète.
M. McSweeney : La production du ciment entraîne deux types d'émissions, comme c'est le cas dans les autres secteurs. Le procédé de fabrication produit 60 p. 100 de nos émissions. Les fours qui portent le calcaire à une température de 1 450 degrés produisent une réaction chimique qui entraîne des émissions de CO2. Pour le moment, c'est la seule façon de fabriquer du ciment. Il n'est pas possible de diminuer ces 60 p. 100.
Les fonctionnaires québécois ont récemment pris contact avec notre industrie, ainsi qu'avec d'autres secteurs, je suppose, pour nous avertir de l'entrée en vigueur de la deuxième période de conformité, après 2020, qui entraînera l'application du système de plafonnement et d'échange sur les émissions liées au procédé de fabrication. Je pense qu'il sera difficile pour une cimenterie de survivre si le système de plafonnement et d'échange s'applique aux émissions liées au procédé de fabrication, parce que les coûts seraient astronomiques.
Le sénateur Massicotte : Donnez-moi d'abord une idée du prix.
M. Auer : Tout dépend du système de tarification et de la façon dont il est appliqué. En Colombie-Britannique, par exemple, le prix fixé pour les combustibles est de 30 $ la tonne et cette tarification s'applique uniquement aux émissions de 40 p. 100 mentionnées par Michael et non pas aux émissions liées au procédé de fabrication, les coûts peuvent monter jusqu'à 10 $ la tonne.
N'oubliez pas qu'il s'agit d'un produit qui permet d'obtenir des marchés parce qu'il est plus économique et que le coût à la tonne est parfois moins cher. Le coût en dollars peut paraître faible, 10 p. 100 ou moins, mais il peut avoir une grande influence sur la capacité à remporter un marché tout simplement parce qu'il s'agit d'un produit à volume élevé, mais à faible marge. Le prix par tonne est important et peut suffire à faire pencher la balance en faveur d'un autre producteur dans un autre territoire.
C'est pourquoi le Québec, l'Ontario et l'Alberta mettent en œuvre des systèmes qui permettent de protéger les secteurs à forte consommation d'énergie et exposés à la concurrence afin de leur épargner une hausse trop grande des coûts. Les secteurs EITE ont encore une obligation de conformité qui les contraint à continuer à améliorer et à réduire leurs émissions, mais grâce à l'application de telles mesures, la taxe ne se traduira pas pour eux, en théorie, par une augmentation des coûts.
La sénatrice Galvez : Ce que vous nous expliquez aujourd'hui est très intéressant. Pourtant, le public, les citoyens, ne sont pas au courant. Je peux vous dire que même les étudiants en génie civil qui seront amenés à construire des routes et des immeubles, n'ont pas connaissance de tout cela.
Je suis très heureuse de vous entendre parler de toutes les recherches que vous faites. Vous avez des chaires partout au Canada; c'est très intéressant. Mais est-ce que vous participez à la formation des étudiants pour leur expliquer l'importance de ces cycles de vie?
M. McSweeney : Depuis quelques années, nous présentons des séminaires et c'est la troisième année que nous avons engagé une firme d'ingénieurs de Waterloo appelée RDH Consulting pour présenter une vingtaine ou une trentaine de séminaires dans les diverses régions du pays. Nous voulons que des ingénieurs viennent parler de l'évaluation des coûts sur la durée de la vie utile, de la plus faible empreinte carbone, et cetera, à des étudiants ingénieurs, à des ingénieurs et à des architectes. Nous sommes fiers d'intervenir auprès de l'utilisateur final qui prendra les décisions concernant le matériel et la conception des immeubles et des voies de circulation du futur.
Le sénateur Wetston : Comme je suis un sénateur de l'Ontario, je voudrais souligner que vous avez mentionné d'autres provinces. Ce n'est pas un concours, même si, de temps à autre, la concurrence entre en jeu. Il y a plusieurs années, le gouvernement de l'Ontario a fermé les usines de charbon par souci de réduire les émissions de GES, une mesure audacieuse, et a créé le tarif de subventionnement, autre mesure audacieuse visant à atteindre l'objectif en matière de qualité de l'air et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je mentionne tout cela pour le compte rendu et non pas pour lancer d'autres discussions.
Je poursuis un peu dans la même ligne que la sénatrice Galvez, mais j'aimerais parler un peu plus de la technologie. J'ai l'impression — et j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet — qu'une économie à faibles émissions de carbone serait possible grâce aux progrès techniques de l'industrie. Vous avez un peu abordé le sujet et vous venez de parler des émissions liées au procédé de fabrication, par exemple, ainsi que de la recherche. Quelles sont les possibilités? Est-ce que le ciment Portland au calcaire est la seule possibilité?
M. McSweeney : J'ai lu la transcription de la question du président à plusieurs industries. « Vous nous avez dit : "Nous avons des limites. Nous en avons fait assez. Nous avons été des leaders dans notre domaine.'' »
Notre industrie n'a jamais eu une telle attitude. Nous appuyons la tarification du carbone depuis plus d'une décennie et nous collaborons avec les gouvernements afin de mettre au point des systèmes de tarification du carbone qui protégeront à la fois l'environnement et la compétitivité de notre industrie.
Il est difficile en ce moment de tenter de réduire les émissions liées au procédé de fabrication, mais nous étudions la possibilité, par l'intermédiaire d'une société de Halifax appelée Carbon Cure, de capter le CO2 dans la cheminée et de l'injecter dans des panneaux préfabriqués, des blocs de maçonnerie et du béton prêt à l'emploi. C'est tout à fait novateur. Solidia est une de nos autres sociétés qui s'intéresse à des technologies similaires.
La société St. Mary's Cement s'est associée à Pond Technologies pour capter les GES dans la cheminée, afin d'alimenter des algues, de cultiver ces algues, puis de les presser, afin d'en fabriquer du biodiésel, avant de les utiliser comme matières premières pour réduire davantage encore les émissions dans un système en boucle fermée.
Nous sommes à la veille d'accéder à beaucoup de telles innovations. Beaucoup d'entre elles reçoivent l'appui de Technologies du développement durable Canada et des centres d'excellence de l'Ontario, et le gouvernement de l'Ontario et celui de l'Alberta vont mettre en place un autre fonds technologique.
Nous progressons lentement, mais il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire aujourd'hui pour réduire cette proportion de 40 p. 100 des émissions de combustion. La plupart de nos usines sont dans des secteurs métropolitains. Encore une fois, si nous parvenions à secouer l'inertie gouvernementale, nous pourrions utiliser les biosolides, qui ne produisent pas d'émissions nettes de gaz à effet de serre, sous forme de combustibles pour remplacer le charbon, après les avoir séchés. Mais hélas, cela prend beaucoup de patience pour faire bouger les gouvernements.
De nos jours, beaucoup de déchets prennent le chemin de la décharge. Même si nous adhérons à la théorie « de la réduction, de la réutilisation et du recyclage », il y a encore beaucoup de matières possédant un pouvoir calorifique qui sont envoyées à la décharge. Nous allons fabriquer du ciment 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, quoi qu'il arrive. Nous avons donc besoin de combustible. Il est possible d'utiliser comme combustible dans les fours à ciment n'importe quelle matière destinée à la décharge qui possède un pouvoir calorifique, afin de produire moins de GES que le charbon. Le charbon et le coke de pétrole étant les combustibles les plus polluants, n'importe quel autre combustible produirait moins de gaz à effet de serre ou d'autres émissions dangereuses. Le plus difficile reste à convaincre les gouvernements de nous autoriser à le faire. Le syndrome « pas dans ma cour » n'est pas un facteur important, parce que si vous déclarez que vous allez utiliser un tel procédé à la cimenterie CRH de Mississauga, angle Ford et Lakeshore, le conseil municipal voudra peut-être soulever certaines questions.
Je dis toujours aux gouvernements que le changement climatique n'est pas pour les âmes sensibles. Les gouvernements devront imposer des règlements. Les gouvernements provinciaux devront augmenter leurs redevances de déversement. En Colombie-Britannique, nous récoltons les biosolides et les déchets solides pour les acheminer à Cash Creek, qui se trouve à 600 kilomètres de Vancouver. Imaginez les gaz à effet de serre produits par un camion qui doit parcourir 600 kilomètres dans un sens et 600 kilomètres dans l'autre, alors que nous pourrions utiliser ces matières aujourd'hui sous forme de combustibles pour remplacer le charbon.
Je me sens une âme d'évangéliste. Je prêche la bonne nouvelle aux gouvernements de toutes les régions du pays et j'espère qu'un jour ils l'entendront.
M. Auer : Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable a créé l'Initiative ciment pour le développement durable. Il a proposé à l'industrie du ciment une feuille de route technologique qui fait état des différentes technologies auxquelles nous avons accès ou espérons avoir accès et qui nous permettront d'apporter notre contribution à l'effort mondial visant à réduire les GES. Si j'ai bien compris, l'initiative produira prochainement des documents sur chacune de ces technologies afin d'indiquer à la population dans quelle mesure nous serons prêts prochainement à mettre ces technologies en œuvre et quels sont leurs potentiels en matière de réduction des émissions.
Le sénateur Lang : J'aimerais faire suite à une question que le sénateur Massicotte a évoquée un peu plus tôt et revenir à la question des coûts et à celle du programme de plafonnement et d'échange qu'appliquent l'Ontario et le Québec. J'essaie de comprendre quand on parle de crédits gratuits, de vente de crédits et de transfert de crédits. Je vais aller droit au but et vous demander de m'expliquer en fin de compte ce que cela signifie. Est-ce que cela veut dire qu'actuellement, en raison de la réglementation qui s'applique au Québec et en Ontario, ces entreprises ne paieront pas de taxe sur le carbone?
M. McSweeney : Qu'elles ne paieront pas de taxe sur le carbone?
Le sénateur Lang : Oui, en fin de compte.
M. McSweeney : En fin de compte...
M. Auer : Je vais prendre l'exemple de l'Ontario, parce que la province a adopté une cible de réduction des émissions pour l'ensemble de l'économie. Tout le monde peut consulter les documents pertinents. La province a établi pour notre secteur des normes de référence industrielles s'appuyant sur une moyenne historique. Pour des raisons mathématiques, certaines de nos usines se situeront au-dessus de la norme de référence et d'autres en dessous. Certaines usines auront une obligation nette de conformité, même en tenant compte des droits gratuits, sauf si elles peuvent réduire leurs émissions en deçà de la norme de référence au cours de la première période de conformité de quatre ans. D'autres industries se situeront au départ en deçà de la norme de référence et disposeront donc de crédits excédentaires qu'elles pourront vendre ou conserver afin de s'acquitter de leurs obligations futures de conformité. Selon la position qu'elles prévoient occuper à la fin de la période de conformité, elles pourront conserver ces crédits, sachant qu'elles subiront des pressions plus intenses à mesure que la norme de référence sera abaissée après quelques années, ou elles décideront de vendre ces droits, étant confiantes de pouvoir continuer à respecter les normes de référence.
M. McSweeney : Pour ce qui est de la première partie de votre question portant sur la taxe sur le carbone par opposition au système de plafonnement et d'échange, notre industrie, qui appartient au secteur à forte consommation d'énergie et exposé à la concurrence, est en faveur du plafonnement et de l'échange, parce que ce système fonctionne pour les industries de ce secteur. Je suis sûr que le prochain témoin vous en parlera.
Nous devons nous assurer que les gouvernements feront preuve de perspicacité au moment de décider quelles sont les industries qui appartiennent au secteur à forte consommation d'énergie et exposé à la concurrence. Ce n'est pas un secteur qui est ouvert à tous. Seulement cinq ou six industries devraient probablement pouvoir prétendre y accéder.
Le système de plafonnement et d'échange mènera à des réductions des émissions, puisque le premier mot de l'expression est bien « plafonnement ». Le gouvernement de l'Ontario obtiendra, pour la première période de conformité, une réduction d'environ 20 p. 100 des émissions de GES, puisqu'elles sont plafonnées. Chaque année, les émissions doivent diminuer. La taxe sur le carbone n'offre pas cette possibilité. Nous avons constaté que certains pays qui appliquent la taxe sur le carbone, qui ont fixé leurs objectifs il y a une dizaine d'années, ne seront pas en mesure d'atteindre leurs objectifs pour 2020.
Selon moi, si nous voulons vraiment réduire les GES, le gouvernement doit savoir manier la carotte et le bâton. Le bâton, c'est le plafonnement : c'est la réduction qui est fixée et l'objectif qui sera atteint en 2030. Dans le système du plafonnement et des échanges, la carotte, ce sont les droits gratuits qui, eux aussi, diminuent au fil du temps, mais qui permettent aux entreprises plus performantes d'obtenir de meilleurs résultats et aux entreprises qui doivent faire plus d'efforts de s'améliorer au fil des années.
Le président : Merci, messieurs, pour ce témoignage très intéressant qui a suscité quelques bonnes questions et quelques très bonnes réponses.
Pour la deuxième partie de la séance, j'ai le plaisir d'accueillir Chris Ragan, président de la Commission de l'écofiscalité du Canada. Monsieur, nous allons écouter votre exposé avec intérêt et nous passerons ensuite aux questions. La parole est à vous.
Chris Ragan, président, Commission de l'écofiscalité du Canada : Merci beaucoup. Si j'ai bien compris les règles de fonctionnement, vous me donnez quelque chose comme sept minutes pour présenter mes observations. C'est une belle expression, « quelque chose comme ».
Le président : Oui, de sept à dix minutes.
M. Ragan : Voilà qui me plait; je viens de gagner trois minutes. Merci beaucoup de m'avoir demandé de venir témoigner aujourd'hui.
Permettez-moi de commencer en signalant à votre attention un article signé par le sénateur Neufeld dans le Hill Times. J'aimerais vous lire un extrait de cet article qui me semble fournir une bonne description de ce qu'est la Commission de l'écofiscalité.
[. . .] je crois que nous devrions faire tout notre possible pour lutter contre le changement climatique, mais il faut savoir que le changement climatique est inéluctable, que nous réussissions à atteindre nos objectifs ou non. L'atmosphère ne connaît pas de frontière. C'est une chose pour notre pays de se conduire comme un bon citoyen du monde et de faire de son mieux pour réduire ses émissions carboniques, mais il ne faut quand même pas pour autant détruire totalement notre économie et appauvrir la population canadienne.
Je partage entièrement cette opinion. Les membres de la Commission de l'écofiscalité sont tous des économistes et je sais exactement qu'ils partagent une valeur commune : ils sont fermement convaincus qu'il est possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en continuant à augmenter les retombées économiques, dans la mesure où l'on sera prêt à réfléchir attentivement à la façon dont nous concevons nos politiques climatiques. Voilà essentiellement le rôle que se donne la Commission de l'écofiscalité. Nous sommes un organisme totalement indépendant. Nous ne recevons aucune subvention de la part de gouvernements, quels qu'ils soient. Environ 90 p. 100 de nos fonds proviennent de fondations familiales et près de 10 p. 100 de certaines entreprises. Nous ne sommes impliqués dans aucune bataille. En fait, notre principe fondamental est que de meilleures politiques nous permettront d'obtenir de meilleurs résultats sur le plan environnemental comme sur le plan économique et c'est pourquoi, depuis trois ans, nous publions des études. Si vous ne connaissez pas bien la Commission de l'écofiscalité, je vous invite à vous rendre sur le site www.ecofiscal.ca. Tout ce que nous avons produit, gros ou petits rapports, billets de blogues, opinions publiées dans les journaux, vidéos ou Google Hangouts, tout se trouve là.
On vous a remis un exemplaire de mon exposé. Permettez-moi maintenant de commenter les diapositives. Je tiens à m'assurer que vous avez bien reçu mon exposé. Très bien. Je suis certain qu'il y a beaucoup de gens autour de cette table qui savent probablement mieux que moi, de par leur expérience personnelle, ce qu'est la compétitivité en affaires. Permettez-moi tout simplement de souligner qu'il y a beaucoup d'éléments qui influencent la capacité d'une entreprise à relever avec succès la concurrence dans son secteur commercial — mentionnons le taux d'imposition des sociétés, les règlements sur les pensions, les politiques relatives au marché du travail, la capacité à attirer et conserver de bons employés, ce qui nous amène indirectement à prendre en compte la qualité des écoles de la région et les prix de l'immobilier. Les facteurs sont nombreux. Le coût des émissions carboniques est un facteur supplémentaire qui vient s'ajouter à l'ensemble.
Par conséquent, lorsqu'il est question de compétitivité et que l'on conjugue les notions de tarification du carbone et de compétitivité des entreprises, la compétitivité dont nous parlons alors est d'un type tout à fait spécial. Nous devons définir dans quelle mesure la tarification du carbone dans un certain secteur géographique place nos entreprises dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport à ses concurrents qui exercent leurs activités dans un autre territoire où s'applique une tarification différente. Je tiens à souligner ce point. Si nous vivions dans un monde — vous savez que ce n'est pas le cas — où la tarification du carbone serait la même partout, je n'aurais rien à dire au sujet des pressions concurrentielles dues à la tarification du carbone, car le problème n'existerait pas. Le contexte dans lequel nous vivons est problématique, par exemple parce que le prix du carbone qui s'applique en Colombie-Britannique est de 30 $ la tonne, alors que l'État de Washington n'applique aucune tarification. Les producteurs de ciment doivent subir la concurrence des producteurs en activité de l'autre côté de la frontière, dans le nord de l'État de Washington ou en Oregon. Voilà le problème.
Le vrai problème en matière de compétitivité, c'est que si l'on se préoccupe des coûts économiques ou de la prospérité économique de manière plus générale, il faut prendre en compte les coûts économiques liés aux réductions des émissions carboniques. Selon nous, la réduction des émissions ne doit pas se traduire par la fermeture ou la réduction des activités de nos entreprises, la perte de parts de marché au profit de nos concurrents qui exercent dans des territoires où le prix du carbone est moins élevé. Nous ne voulons surtout pas que nos entreprises cessent leurs activités au Canada et s'installent de l'autre côté de la frontière dans une région où le prix du carbone est plus bas ou nul. C'est le concept de la fuite d'activités économiques.
Le défi est donc le suivant : comment fixer un prix du carbone qui soit un incitatif économique très puissant aussi bien pour les ménages que pour les petites et les grandes entreprises? Comment proposer un tel incitatif visant à réduire les émissions carboniques sans nuire parallèlement à la compétitivité du secteur canadien des entreprises?
Passez maintenant à la page suivante — excusez-moi, je pense qu'il n'y a pas de numéro de page; je crois que c'est la page 4 — l'ampleur du défi. Pour définir le défi, nous avons passé en revue chacune des provinces afin de déterminer quelle était la part de l'économie, mesurée en fonction du PIB, provenant de sociétés particulièrement menacées par la mise en place d'une tarification du carbone. Pour les besoins de la modélisation, nous avons choisi de fixer le prix du carbone à 30 $ la tonne, ce qui est exactement le prix appliqué aujourd'hui en Colombie-Britannique. L'Alberta adoptera ce même tarif en 2018, mais l'Ontario et le Québec attendront encore quelques années avant de l'appliquer. En nous basant sur un prix du carbone à 30 $ la tonne, nous avons cherché à identifier les secteurs dont l'intensité d'émissions est particulièrement forte — je vous présenterai des diagrammes à ce sujet un peu plus tard — mais qui sont aussi exposés à la concurrence. Ce sont les secteurs qui doivent faire face à leurs concurrents établis dans d'autres territoires.
Pour l'ensemble du Canada, le pourcentage est assez restreint et représente environ 5 p. 100 de l'économie canadienne. Aujourd'hui, 5 p. 100 du PIB de l'économie canadienne, représente 100 milliards de dollars. C'est beaucoup, mais une proportion de 5 p. 100 de l'économie canadienne est, pourrait-on dire, « exposée au carbone ». Ces entreprises sont particulièrement vulnérables à cause du prix du carbone, parce qu'elles affichent une forte intensité d'émissions et parce qu'elles font face à des concurrents qui exercent leurs activités ailleurs. Cinq pour cent, ce n'est pas grand-chose en matière de décisions politiques. Par contre, c'est un problème pour ceux qui font partie de cette tranche de 5 p. 100. Sans vouloir minimiser le problème, on peut dire que, d'un point de vue politique, on peut vivre avec ce 5 p. 100.
Le problème est que le pourcentage n'est pas réparti de façon égale dans toutes les régions du pays. Si l'on passe en revue les différentes provinces, on s'aperçoit qu'en Ontario et au Québec, le pourcentage tourne autour de 1,5 p. 100 du PIB. Le problème est moins grave pour la première ministre de l'Ontario que pour celui du Canada, mais en Alberta et en Saskatchewan, c'est 18 p. 100. Par conséquent, la question de la compétitivité pose un problème plus grand aux premiers ministres de la Saskatchewan et de l'Alberta.
Si vous passez à la page suivante, vous trouverez des graphiques à bulles qui pourront vous paraître un peu technos, mais à la Commission, nous n'avons pas peur de faire dans le techno. Laissez-moi vous expliquer ce graphique. Sur l'axe vertical, nous mesurons le coût des émissions si le prix du carbone est fixé à 30 $ la tonne, et le coût que cela représente sous forme de part du PIB. Voilà pour l'axe vertical. Les gens qui ont une formation en mathématique savent que cela s'appelle une échelle logarithmique. Si vous ne savez pas ce que c'est, ce n'est pas grave.
L'axe horizontal indique dans quelle mesure ce secteur est exposé à la concurrence, dans quelle mesure il doit affronter la concurrence d'entreprises qui exercent à l'extérieur de son territoire.
Ici, chaque secteur a deux cercles. Un cercle bleu qui correspond à la part du PIB provincial de ce secteur et un cercle rouge qui représente la part des émissions de gaz à effet de serre de cette province.
La première chose sur laquelle j'aimerais attirer votre attention à propos de l'Alberta est une particularité que l'on retrouve dans toutes les économies développées du monde. Comme en Alberta, en Nouvelle-Zélande ou en France, toutes les économies développées ont un grand cercle bleu dans l'angle inférieur gauche, parce que les économies développées sont essentiellement des économies axées sur les services. Au Canada, le secteur des services représente environ 70 p. 100. C'est un secteur qui produit très peu d'émissions et une grande partie des services sont destinés à l'économie intérieure. On pense à l'éducation, aux soins de santé, aux services financiers, et cetera. Cela représente une part énorme de notre économie. Toutes les économies développées présentent ce grand cercle à gauche, et le coin inférieur gauche ne pose aucun problème.
Le problème se trouve au coin supérieur droit. Vous trouverez à cet endroit tous les suspects actuels, comme j'aime bien les appeler. Ce sont les cimenteries, les producteurs d'engrais, les raffineries, les aciéries. En Alberta, il y a aussi les activités qui sont propres à cette province, par exemple les sables bitumineux, le pétrole classique et la valorisation du bitume, mais 18 p. 100 de l'économie albertaine se trouve dans le coin supérieur droit. Ce sont les secteurs qui posent problème et qui méritent une attention particulière lorsqu'on conçoit une politique de tarification du carbone.
À la page suivante, il est question de l'Ontario, et vous constaterez qu'il y a beaucoup moins d'activités dans le coin supérieur droit. Les entreprises des secteurs des engrais, du ciment ou de l'acier ne se trouvent pas dans une position enviable parce qu'elles produisent beaucoup d'émissions et doivent donc absorber un coût carbone élevé. Mais l'Ontario dans son ensemble affiche une beaucoup moins grande activité que l'Alberta dans le coin supérieur droit.
À la page suivante, on vous présente la Nouvelle-Écosse qui n'a pas non plus beaucoup d'activités dans le coin supérieur droit. Je tiens cependant à attirer votre attention sur un secteur particulier en Nouvelle-Écosse et après cela, je reviendrai à l'Alberta. Regardez le secteur des pâtes et papiers en Nouvelle-Écosse. L'industrie du papier a un coût carbone d'environ 10 p. 100 en termes de part du PIB et est très exposée à la concurrence, ce qui n'est pas surprenant. C'est une industrie qui exporte sur les marchés mondiaux. Si l'on revient à l'Ontario, dans le secteur du papier, on s'aperçoit que le coût carbone de ce secteur est nettement plus faible et représente environ 2 p. 100. Pourquoi? Les méthodes de fabrication du papier en Nouvelle-Écosse sont sensiblement les mêmes que celles qu'on utilise en Ontario, mais la source d'énergie est différente. L'électricité utilisée en Ontario provient de sources essentiellement propres, alors que l'électricité qu'utilise la Nouvelle-Écosse provient dans une proportion de 50 p. 100 environ, de centrales au charbon. C'est la part de carbone dans l'électricité qui fait que la production de papier est plus génératrice d'émissions de carbone en Nouvelle-Écosse qu'en Ontario. Voilà quelques commentaires sur les couleurs, pour mieux comprendre ces graphiques à bulles.
La page suivante montre un visage que l'on voit de plus en plus souvent ces jours-ci. J'ai essayé de trouver une image qui ne soit pas trop caricaturale. Depuis le 8 novembre, on se pose beaucoup de questions sur l'utilité pour le Canada d'opter pour la tarification du carbone à la suite de l'entrée des États-Unis dans une ère nouvelle, celle du président Trump.
J'aimerais faire ici la distinction entre la rhétorique politique et les faits. L'arrivée de Donald Trump met du vent dans les voiles de ceux qui n'aiment pas l'idée de la tarification du carbone. C'est facile de dire que les États-Unis n'adopteront pas la tarification du carbone, que Donald Trump éviscère l'EPA, l'agence pour la protection de l'environnement, et que, par conséquent, nous ne devrions pas adopter la tarification du carbone dans notre pays. C'est un argument que vous avez probablement entendu. Je l'ai certainement entendu fréquemment moi-même. Cela a changé et, je crois, a rendu d'autant plus complexe le discours politique sur la tarification du carbone. Je l'admets, tout à fait.
Je crois que les faits n'ont pas beaucoup changé en réalité. Le 7 novembre, quand nous ne savions pas qui allait être président, il est vrai que les États-Unis étaient loin d'avoir une tarification du carbone à l'échelle nationale. Aujourd'hui, ils ne sont pas plus près d'avoir une tarification du carbone à l'échelle nationale. La tarification du carbone aux États-Unis n'allait pas se faire bientôt. Le Clean Power Plan de l'EPA comportait des politiques qui exigeaient la réduction des émissions, et certaines d'entre elles pourraient changer prochainement, mais la tarification du carbone n'était pas à l'horizon aux États-Unis.
C'est précisément en raison de cela que la Commission de l'écofiscalité réitère depuis trois ans que tout territoire de compétence du pays adoptant la tarification du carbone doit tenir compte sérieusement de la question de la compétitivité. S'il y avait eu un prix du carbone équivalent aux États-Unis il y a deux ans ou l'an dernier, la question de la compétitivité aurait alors été beaucoup moins importante, au moins pour les entreprises dont les concurrents sont aux États-Unis. Mais il n'en était rien, et voilà pourquoi nous soulignons l'importance du problème de la compétitivité.
À mon avis, par conséquent, la compétitivité allait toujours être importante. Nous aurions toujours dû accorder une attention particulière à ces industries exposées à la concurrence. Nos politiques auraient toujours dû tenir compte de cette compétitivité. Je ne crois pas que l'arrivée de Donald Trump ait fondamentalement changé ces faits.
Le graphique de la page 9 démontre, avec certains résultats de modélisation découlant de nos rapports récents, qu'il est important que le Canada institue unilatéralement une tarification du carbone. Du côté gauche, on peut voir les réductions réelles des émissions et les réductions d'émissions motivées par la mauvaise raison, c'est-à-dire le fait que des entreprises canadiennes diminuent en importance et traversent le 49e parallèle pour s'installer aux États-Unis. De ce côté, on peut voir ce qui arrive si toutes les provinces canadiennes — et c'est ce que nous voulons dire par « Le Canada agit seul » — agissent de concert mais que les États-Unis ne le font pas. Oui, nous obtiendrions une réduction des émissions, mais la zone verte démontre qu'une grande part des réductions d'émissions est causée par le fait que nos entreprises ferment leurs portes et traversent la frontière. Ce n'est pas le but.
Du côté droit, on peut voir ce qui arrive si le Canada et les États-Unis agissent de concert. Bien sûr, les réductions d'émissions augmentent, mais la zone grise, qui représente les fuites, rapetisse radicalement. Cela signifie qu'il est possible de régler le problème de la compétitivité.
D'après cette diapositive, un des moyens de régler le problème de la compétitivité serait de convaincre les États-Unis d'adopter la tarification du carbone. Je ne mettrai pas tous nos œufs dans le même panier, mais nous pouvons essayer. Continuons à parler à quiconque veut bien nous écouter, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs, mais je ne mettrai pas beaucoup d'œufs dans ce panier.
L'autre option, passant à la diapositive suivante, décrit ce qu'on pourrait faire avec une fraction des recettes. On revient là sur certaines des choses dont Michael et Adam ont parlé.
Nous avons produit un rapport portant spécifiquement sur le recyclage des recettes. Le rapport tout entier vise les territoires de compétence qui ont déclaré avoir un prix du carbone ou envisagé d'en instituer un. La tarification du carbone est le meilleur moyen de réduire au moindre coût les émissions. Elle est bien meilleure que l'approche réglementaire coercitive. Très bien; c'est ce que nous disions dans notre premier rapport sur la tarification du carbone. Ce deuxième rapport porte sur ce que vous allez faire maintenant avec les recettes, parce que vous allez générer des recettes, une assez grosse proportion de recettes, variant d'une province à l'autre et d'une période à l'autre au gré de la hausse du prix du carbone. Ces recettes seront assez considérables pour que vous, en tant que gouvernement, deviez examiner sérieusement ce que vous allez en faire.
Les avantages pour l'environnement proviennent du fait que le prix du carbone est l'élément moteur de la réduction des émissions au fil du temps. Les avantages économiques — et rappelez-vous, la Commission de l'écofiscalité se préoccupe des deux — découlant de la tarification du carbone proviennent en grande partie de ce que vous faites des recettes. Si vous utilisez les recettes pour réduire l'impôt sur le revenu des sociétés — et l'impôt sur le revenu des sociétés est l'impôt le plus nocif pour la croissance qui n'a jamais été inventé par l'homme —, si vous pouvez réduire l'impôt sur le revenu des sociétés, vous pouvez stimuler la croissance. Si vous réduisez l'impôt sur le revenu personnel, vous pouvez aussi stimuler une certaine croissance, quoique pas autant qu'avec l'impôt sur le revenu des sociétés.
Un territoire de compétence où l'infrastructure est un véritable défi peut utiliser ces recettes pour financer l'infrastructure. Un territoire de compétence où la dette publique est un problème, et nous en avons quelques-uns de ceux-ci, peut utiliser ces recettes pour réduire la dette publique. Différentes provinces seront confrontées à différentes situations, mais avec un recyclage attentif des recettes, il est possible de produire différents types d'avantages économiques.
Michael a mentionné une des façons d'utiliser les recettes quand il a parlé de l'attribution de droits gratuits. Quand le Québec accorde un permis gratuit dans le cadre d'un système de plafonnement et d'échange à une société productrice de ciment, ou quand l'Ontario accorde un permis gratuit à une société productrice d'acier, cela constitue effectivement un usage des recettes. Quand on accorde un permis gratuit à une entreprise, ce permis a une valeur marchande. Les cadeaux gratuits n'existent pas. Quand on accorde à quelqu'un un permis « gratuit » d'une valeur de 15 $, c'est tout comme si on lui remettait 15 $ dans une enveloppe. Avec un peu d'espoir, nous ne le faisons pas avec une enveloppe dans une salle obscure, mais nous donnons une valeur monétaire à une entreprise. Cette valeur monétaire va directement dans le résultat net de la société, ce qui signifie qu'elle protège la compétitivité de cette entreprise, et sa rentabilité. Si on offre cette valeur marchande — le permis gratuit — à une entreprise à condition qu'elle reste dans le territoire de compétence et poursuive ses activités, on s'est attaqué directement au problème de la compétitivité.
Il s'agit donc de deux choses ici; deux buts doivent être atteints. Premièrement, réduire les émissions de la façon la plus rentable et deuxièmement, empêcher nos entreprises de diminuer leurs activités ou peut-être même de quitter le secteur entièrement et de sortir du territoire de compétence.
Deux objectifs font appel à deux instruments. Le premier instrument, c'est le prix du carbone, qui est le meilleur moyen de réduire les émissions, mais si on offre une valeur marchande, que ce soit sous la forme d'un permis gratuit dans le cadre d'un système de plafonnement et d'échange ou de ce qu'on appelle en Alberta « l'attribution fondée sur les extrants » qui est de fait une subvention aux extrants, on donne une valeur marchande à une entreprise à condition que celle-ci demeure dans le territoire de compétence, continue à produire et continue à recruter des travailleurs. Si elle ne fait pas cela, elle n'obtient pas la valeur marchande. C'est une façon de traiter directement du problème de la compétitivité.
Le graphique de la page 10 présente ce que l'on appelle le soutien transitoire à l'industrie. Ce graphique présente cinq façons de recycler les recettes, et celles-ci sont indiquées au bas du graphique. Quatre de ces façons se ressemblent presque sur le plan de la réduction des émissions et celui des fuites, mais la cinquième colonne est différente. C'est là où nous accordons un soutien transitoire en particulier aux industries à forte intensité d'émissions.
Passant à la dernière diapositive, je dirais que ces genres de mesures devraient satisfaire aux trois critères applicables aux mesures de soutien : ciblées, transparentes et temporaires. Ces mesures devraient cibler les secteurs qui en ont besoin, c'est-à-dire en réalité les industries productrices de grandes quantités d'émissions et exposées à la concurrence. Celles-ci se trouvent dans la partie supérieure droite de nos diagrammes à bulles.
Ces mesures devraient être transparentes. En général, à la Commission de l'écofiscalité du Canada, nous sommes en faveur des politiques transparentes. Je suppose que ce n'est pas tout le monde qui l'est, mais nous le sommes, et donc nous vous recommandons d'expliquer au peuple pourquoi vous offrez ces permis gratuits, ou toute autre mesure, aux industries productrices de grandes quantités d'émissions. C'est en réalité une fonction du prix du carbone dans notre territoire de compétence par rapport au prix du carbone dans un territoire de compétence concurrent.
Voilà pourquoi aussi elles devraient être temporaires. Si nous devançons l'autre territoire de compétence sur le plan de la tarification du carbone, c'est-à-dire que notre prix du carbone est plus élevé, il nous faut mettre en place ces politiques. Mais s'il nous rattrape, on peut abandonner ces politiques, et c'est pourquoi elles devraient être temporaires.
Je vais m'arrêter là. Merci beaucoup. Je m'excuse, car j'ai probablement dépassé le temps alloué. Merci.
Le président : Merci beaucoup. C'était un exposé intéressant. Et c'est un peu ce que nos membres font; ils doublent leur temps. De fait, vous vous en êtes bien tiré, 10 ou 15 minutes. Je plaisante.
Le sénateur Massicotte : J'ai vraiment apprécié votre exposé. Votre organisme fait un très bon travail et on en apprend beaucoup. J'espère que nous, du côté du gouvernement, tiendrons compte de vos conseils afin de faire en sorte que ceci soit tout aussi détaillé.
Vous proposez comme solution une aide temporaire aux entreprises grandement exposée à la concurrence. L'aspect temporaire, je suppose, se rapporte au moment où la concurrence nous rattrape en ce qui concerne la taxe sur le carbone. Y a-t-il une autre solution selon laquelle, plutôt que de les aider directement, nous imposerions une sorte de taxe à l'importation pour compenser l'écart des coûts de sorte que la concurrence ne nous vole pas nos employés et notre part du marché?
M. Ragan : C'est une excellente question. Ces mesures sont généralement appelées « ajustements carbone à la frontière ».
On peut se demander, tout d'abord : cela pourrait-il se produire? Oui et non, selon la façon dont on établit la politique. Les provinces ne peuvent pas le faire. Si j'interprète bien la Constitution, les provinces ne peuvent pas instituer des tarifs sur les importations, que ce soit d'une autre province canadienne — quoique nous ayons certaines exceptions intéressantes — ou de l'autre côté du 49e parallèle. Par exemple, la Colombie-Britannique ne peut imposer un tarif sur les importations de produits américains ou chinois. Seul le gouvernement fédéral peut le faire.
Selon le cadre pancanadien actuel, le gouvernement fédéral insiste sur une tarification du carbone dans toutes les provinces, mais exprime très clairement la préférence que ce soit les provinces qui le fassent. En d'autres termes, une tarification du carbone doit être en place d'ici janvier 2018 à 10 $ la tonne, et ce prix augmentera à un taux donné, mais il faut que ce soient les provinces qui produisent leurs propres politiques, et le gouvernement fédéral n'interviendrait que si une province n'adopte pas une politique dans son propre territoire.
J'en déduis que le fédéral ne veut pas du tout instituer lui-même la tarification du carbone, et ce, à juste titre à mon avis. Il s'agit, d'une part, d'éviter une dispute fédéral-provinces, chose qui se produit périodiquement dans ce pays au sujet de différents enjeux. D'autre part, il est établi que les provinces conserveront les recettes de toute manière. Même si c'est le gouvernement fédéral qui agit, on a promis dans le cadre pancanadien que les recettes seraient conservées au sein de la province. La province pourrait être la mieux placée pour s'occuper du problème de la compétitivité en concevant des mesures comme l'attribution de permis gratuits ou les attributions fondées sur les extrants. La province est probablement la mieux placée pour le faire; c'est donc là un argument.
Mais le gouvernement fédéral pourrait appuyer les provinces en instituant une série d'ajustements carbone à la frontière, ces ajustements étant des tarifs fondés sur le contenu en carbone. C'est une idée qui peut paraître très bonne sur papier, mais quand on commence à penser à ce que sera un ajustement carbone à la frontière, c'est beaucoup plus compliqué qu'un tarif. Pour établir le taux imposé aux bardeaux de couverture, par exemple, il faut savoir quelle est la chaîne d'approvisionnement de ces bardeaux importés. Il faut connaître la chaîne d'approvisionnement de chaque produit importé pour pouvoir établir le tarif de carbone approprié. Ce n'est pas chose impossible, mais c'est extrêmement laborieux.
Je ne suis pas absolument certain de cela, mais mon instinct économique me dit que ce serait une bien meilleure politique de laisser les provinces s'occuper du problème de la compétitivité comme l'Ontario, le Québec et l'Alberta le font, et de laisser le fédéral en dehors de tout cela. Il vaudrait mieux laisser les provinces s'occuper de cela et garder à l'esprit qu'une fois que les États-Unis et les autres territoires de compétence remontent la pente — certains territoires de compétence devancent le Canada sur le plan de la tarification du carbone et d'autres sont derrière lui —, le problème disparaît et les mesures portant sur la compétitivité ou les ajustements carbone à la frontière deviennent inutiles.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Vous avez présenté des renseignements complexes d'une façon très simple.
Dans vos graphiques verts...
M. Ragan : Les avez-vous aimés?
La sénatrice Galvez : Je les ai adorés. Ils me parlent beaucoup. C'est très professionnel.
M. Ragan : Professionnel comment?
La sénatrice Galvez : Je suis une ingénieure, et donc j'aime beaucoup les graphiques.
M. Ragan : Voilà qui est intéressant. C'est génial.
La sénatrice Galvez : Il y a une ligne dans l'axe Y qui détermine quand une société ou une industrie devient un producteur de grandes quantités d'émissions et est exposé à la concurrence, et ce sont eux qui produisent les plus grandes quantités d'émissions.
Ce sont ceux dont nous devons nous préoccuper. Par conséquent, mettriez-vous une ligne horizontale à la valeur qui indique les industries productrices de grandes quantités d'émissions et exposées à la concurrence dans chaque province?
M. Ragan : Très bonne question. Il s'agit de déterminer le seuil au-delà duquel nous admettons qu'il y a un problème et en deçà duquel nous n'avons pas besoin de nous inquiéter. La façon dont je formule cela laisse entendre qu'il y aurait une certaine subjectivité dans l'établissement du seuil. Le seuil que nous avons utilisé pour établir le graphique — il n'y a pas de seuil dans les diagrammes à bulles —, mais pour établir le graphique de la page 4, le seuil que nous avons utilisé pour repérer les secteurs à risque était exactement celui proposé par la loi Waxman-Markey des États-Unis. C'est une question de jugement.
Fait intéressant, cependant, au sujet du seuil : au fur et à mesure que le prix du carbone augmente — quand nous procédons à la modélisation avec des prix de 30 $, 50 $ et 70 $ par tonne —, les secteurs problématiques ne changent pas. L'industrie cimentière est un secteur producteur de grandes quantités d'émissions et elle le restera toujours. Il est très difficile de faire d'un secteur dans la partie inférieure gauche un cas problématique, parce qu'il produit de très petites quantités d'émissions. Par conséquent, même si on double ou triple le prix du carbone, ce n'est pas véritablement un problème.
Les axes sont trompeurs dans les diagrammes à bulles. Pour le secteur des services en Alberta, par exemple, les recettes de carbone qui contribuent au PIB s'élèvent à 1 p. 100. Cette proportion mérite presque d'être ignorée.
Les secteurs qui présentent un défi ne changent pas beaucoup. Le prix du carbone les influence beaucoup.
Le sénateur Lang : Tout d'abord, si je devais aller à l'université... je crois que vous êtes associé à McGill, n'est-ce pas?
M. Ragan : J'aimerais savoir comment répondre à votre question. Où allez-vous avec cela? Ça n'a pas été une très grande semaine pour McGill.
Le sénateur Lang : Vous seriez heureux d'apprendre que si je devais aller à l'université, je m'inscrirais à votre cours.
M. Ragan : Merci. J'apprécie cela. J'espère que j'enseignerai encore.
Le sénateur Lang : Ceci étant dit, je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais partons de ça.
Ce qui nous inquiète le plus ici, autour de cette table, et vous y avez fait allusion, ce sont les conséquences de la décision de passer à une économie de carbone où, essentiellement, comme l'a déclaré le président dans un article dans le Hill Times, nous pourrions paralyser complètement toute l'économie dans cet effort de devenir une économie sans carbone, comparativement à d'autres économies dans le monde.
Je m'inquiète de comprendre quelles sont les véritables conséquences. Parfois, on nous jette de la poudre aux yeux par un discours que je ne comprends pas souvent, mais je comprends l'emploi et je comprends les ramifications pour les Canadiens qui tentent de gagner leur vie et de trouver un emploi. Il faut avoir été sans emploi pour savoir ce que cela signifie d'être au chômage et de ne pas pouvoir payer son hypothèque. Ceci étant dit, c'est là l'aspect réel auquel nous sommes confrontés.
En tant qu'organisme et groupe de réflexion, avez-vous pris l'initiative d'examiner les conséquences réelles dans les territoires de compétence qui ont actuellement une taxe sur le carbone et un système de plafonnement et d'échange, et avez-vous étudié les conséquences réelles de la mise en œuvre de ces politiques particulières? Je parle de ce que le témoin précédent a mentionné, des fermetures de cimenterie en Colombie-Britannique, par exemple. Cela correspond à des emplois, à des gens.
Il me semble que nous devrions examiner attentivement ce que nous faisons présentement avant d'aller plus loin dans cette voie et faire ce que certaines personnes qualifient de « boire le Kool-Aid », avant de prendre des décisions qui mettront des gens au chômage et menaceront notre économie.
Mon autre question... deuxièmement, j'aimerais savoir...
Le président : Nous devons avancer.
Le sénateur Lang : Vous lui avez accordé 15 minutes.
Le président : C'est notre invité. Nous perdons du temps.
M. Ragan : Ce sont des durs.
Le sénateur Lang : L'autre aspect qui m'inquiète, c'est que, pendant que nous examinons ces politiques et en débattons sans fin, avez-vous étudié les conséquences de ces politiques et le fait que des entreprises ne s'installent pas au Canada? Il ne s'agit pas seulement que nous perdons des entreprises, mais des entreprises ne s'installent pas ici parce que nous n'offrons pas quelque chose d'attrayant et ne semblons pas concurrentiels pour ce qui est de leur offrir l'environnement favorable les incitant à investir et à créer des emplois ici au Canada.
M. Ragan : Excellentes questions. Je ne conviens pas de la prémisse tout entière, mais j'en conviens de la majorité. Nous devons nous méfier de décupler la rhétorique. Je ne crois pas qu'il y ait un risque de paralyser l'économie tout entière. Du point de vue du Canada, la proportion des secteurs qui présentent un cas problématique s'élève à 5 p. 100. C'est extrêmement important quand on fait partie de ces 5 p. 100, parce que quand une usine ferme, ceux qui ont été mis à pied le ressentent comme si l'économie entière s'était arrêtée.
C'est mon premier point. Et c'est exactement la raison pour laquelle nous avons effectué notre analyse : déterminer l'envergure de ce problème et nous y attaquer.
Certains travaux ont été faits concernant la Colombie-Britannique. Cette province est celle qui tarifie le carbone depuis le plus longtemps. Ça a débuté en 2008, soit il y a presque 10 ans. Je suis un macroéconomiste. Je trouve très difficile de mettre à l'essai des hypothèses de façon rigoureuse et crédible avec seulement huit ans de données — très difficile.
Mais on peut voir à ce stade, pour la Colombie-Britannique, que le prix du carbone dans cette province a réduit la consommation de combustible par habitant. Sa taxe s'applique à six combustibles fossiles, et donc elle ne porte que sur les émissions provenant de l'utilisation de combustibles fossiles. Une réduction de la consommation du combustible par habitant correspond à une réduction par habitant des émissions provenant de combustibles, et la province a réduit ses émissions par habitant de 5 à 15 p. 100 au cours d'une période de croissance pour elle.
Bien des gens déclarent que les politiques de la Colombie-Britannique n'ont pas fonctionné parce que ses émissions ont commencé à augmenter de nouveau au cours des deux dernières années — et elles l'ont fait —, mais l'économie de cette province croît d'environ 1 p. 100 par année en nombre d'habitants. Par conséquent, on ne peut pas prendre l'agrégat; il faut prendre les données par habitant. Les émissions par habitant là-bas ont diminué.
En Alberta, au Québec et en Ontario, à dire franchement, il est encore bien trop tôt pour examiner les données et se demander si cela fonctionne ou voir quels secteurs ont pâti. Je crois vraiment que c'est trop tôt. Si on regarde l'Alberta en particulier, la politique de cette province est assez bien conçue. C'est une taxe sur le carbone de portée générale. La province a tenu sérieusement compte de l'impact sur les ménages à faible revenu. Nous avons produit des rapports visant l'impact sur les ménages. Elle a sérieusement pris en compte ce facteur et donne des remises en espèces aux ménages à faible revenu. Aussi, elle a pris en compte très sérieusement la question de la compétitivité, et elle a des attributions fondées sur les extrants. La politique est bien conçue.
J'ai une observation au sujet du secteur cimentier en Colombie-Britannique : je sais que le secteur cimentier le dit, donc vous savez probablement ce que je vais dire. Nous avons fait certains travaux pour tenter de déterminer exactement dans quelle mesure la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique a été responsable de l'augmentation des importations de ciment et de la réduction des exportations de celui-ci, par rapport à d'autres provinces au Canada et aussi en fonction des autres choses qui se sont produites. Nous avons eu d'énormes écarts dans le taux de change Canada-États-Unis, et ceux-ci ont un énorme impact sur les importations et les exportations. Quand nous avons examiné les données — et nous n'avons pas encore publié quoi que ce soit sur le sujet —, il a été plutôt difficile de dégager un impact systématique du prix du carbone de la Colombie-Britannique sur la production cimentière de cette province. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu un. Cela veut dire que quand on examine les données de façon systématique, il est plutôt difficile d'en dégager un.
Ma dernière observation est motivée par votre remarque à savoir si nous attirons des investissements dans le pays, si des entreprises viennent s'installer ici. À mon sens, l'investissement étranger est une chose extrêmement compliquée. Je suis membre du Conseil consultatif en matière de croissance économique du ministre Morneau. Un des rapports que nous avons produits porte sur la question d'attirer l'IDE, c'est-à-dire l'investissement direct étranger. Essentiellement, rien n'est simple pour ce qui est d'attirer l'IDE, parce que si cet investissement vient ou non est fonction de plusieurs choses. La politique est certainement une de ces choses. Dans les discussions concernant la tarification du carbone, à l'échelle fédérale ou provinciale, la certitude au sujet de la politique est certainement très importante, à mon avis. J'encouragerais donc les gouvernements — et je le fais chaque fois que je m'adresse à eux — à avoir une politique prévisible dans le temps, qu'il s'agisse d'un système de plafonnement et d'échange ou d'une taxe sur le carbone, ou encore de décider d'utiliser ou non ce genre de remises en espèces. Cela est très utile, à la fois pour les entreprises qui existent déjà dans le territoire de compétence, parce qu'elles prennent des décisions de planification à long terme, et pour attirer des entreprises étrangères dans le secteur.
Je conviens de toutes vos préoccupations, mais cependant pas de toutes vos prémisses.
Le président : Merci. Je demanderais à tous les membres qui vont poser des questions d'être un peu plus succincts et, si je peux me le permettre, à notre invité d'en faire de même. Cette dernière question a pris neuf minutes, soit dit en passant. J'ai sept autres personnes qui veulent poser des questions, et nous devrons sortir d'ici dans 20 minutes, ce qui donne une idée à tout le monde du contexte.
M. Ragan : Je suis désolé; je vais accélérer.
Le sénateur Black : Merci, monsieur Ragan de votre exposé, et merci de la contribution que vous faites non seulement à la Commission de l'écofiscalité, mais au Canada. Je suis un sénateur de l'Alberta, donc le graphique que vous présentez est relativement intéressant. Je représente plusieurs de ceux que vous avez appelés « les suspects habituels ».
Je peux vous dire que la tarification du carbone en Alberta — et nous appuyons l'initiative de tarification du carbone — a placé l'Alberta en position concurrentielle défavorable, et que les investissements de l'extérieur en Alberta ont cessé, comme le prouve l'annonce hier de Synovus-ConocoPhillips. C'est toujours la même histoire : la théorie que nous aimons et la pratique que nous n'aimons pas. La question que je vous pose est très directe. Avez-vous déterminé que le Canada peut respecter ce à quoi il s'est engagé à Paris sans endommager notre économie, et le cas échéant, comment?
M. Ragan : Excellente question. Pour vous répondre honnêtement, je dirais peut-être, et seulement si nous le faisons soigneusement.
Vous aurez remarqué, entre autres, que la Commission de l'écofiscalité n'appuie aucune série de cibles. Nous évitons de parler de cibles car, à mon avis, il y a un trop grand débat à savoir si des cibles particulières sont appropriées ou non.
Le sénateur Black : Vous ne le faites peut-être pas, mais le Canada, lui, le fait.
M. Ragan : Et je comprends. Je ne suis pas convaincu qu'un pays comme le Canada devrait avoir la même cible qu'un pays comme la France, par exemple. Le problème réside dans le fait que, selon le consensus scientifique, nous devons, à l'échelle mondiale, réduire les émissions de quelque 80 p. 100 d'ici environ 2050, et vous pouvez certainement contester ces chiffres. Mais à mon avis, cela ne signifie pas, même si nous convenons parfaitement que les émissions doivent diminuer de 80 p. 100 dans le monde entier d'ici 2050, que chaque territoire de compétence dans le monde devrait réduire ses émissions de la même quantité exactement. C'est le genre de raisonnement qui a mené à ces cibles.
Je n'approuve pas ni rejette les cibles du Canada. Notre point de départ, c'est que le Canada et, plus précisément, les provinces canadiennes, ont établi des cibles. Elles ont établi des cibles et nous les avons prises telles quelles et avons dit : « Très bien, si vous voulez atteindre ces cibles, vous pouvez le faire de diverses façons. Vous pouvez soit imposer des règlements coercitifs, soit instituer une forme quelconque de tarification du carbone. Examinons ces deux choses et voyons ce qui serait le mieux. » La tarification du carbone est considérablement meilleure que la démarche réglementaire, mais nous n'approuvons pas, et je n'approuve pas, une série particulière de cibles.
Revenons donc à votre question : le Canada peut-il atteindre les cibles de 2030 sans endommager l'économie? Je dirais que oui, mais il vous faudra concevoir ces politiques avec grande attention. Il ne s'agit pas seulement de concevoir attentivement la tarification du carbone, mais aussi le recyclage de ces recettes de la meilleure façon pour l'économie.
Pour terminer, je dirais que — et c'est quelque chose qui m'inquiète et peut-être vous aussi — il faut avoir une plus grande foi — je n'aime pas utiliser ce terme —, il faut avoir la conviction qu'un prix du carbone fera ce qu'il peut faire, et instituer un moins grand nombre de politiques non tarifaires en périphérie. Je crains que les gouvernements canadiens dans tout le pays mettent un prix sur le carbone. Ensuite, n'étant pas certains qu'il fera ce qu'il doit faire, ils institueront un paquet d'autres politiques — subvention pour ceci, règlement sur cela — et celles-ci seront très coûteuses. Le prix du carbone sera moins coûteux; les autres politiques le seront davantage.
Le sénateur Wetston : Merci, Chris, de votre présence aujourd'hui et de votre exposé. Mes collègues ici m'ont déjà entendu parler un peu du programme urbain. Nous parlons beaucoup du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Nous ne parlons pas beaucoup des villes. Beaucoup se passe dans les villes en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre. Vous avez parlé de la tarification du carbone et du système de plafonnement et d'échange. Du point de vue microéconomique — et je reconnais que vous êtes un macroéconomiste —, quels genres d'incitatifs envisageriez-vous, imagineriez-vous au-delà de la tarification du carbone ou du système de plafonnement et d'échange pour appuyer les réductions de gaz à effet de serre?
M. Ragan : Spécifiquement dans les villes?
Le sénateur Wetston : Beaucoup de choses se passent dans les villes, Chris.
M. Ragan : Bon, voilà donc ce que je vous dirais en ce qui concerne des politiques complémentaires.
Nous publierons un rapport au cours des deux prochains mois visant les territoires de compétence ayant adopté la tarification du carbone. Nous reconnaissons qu'imposer un prix au carbone est probablement la meilleure politique pour réduire les émissions avec le temps, mais il y a certaines parties de l'économie où la tarification est difficile. Il est difficile d'arriver à un prix du carbone pour l'agriculture. Il est difficile de régler certains problèmes avec la tarification du carbone. Nous avons donc dans ce rapport — et cette réponse ne vous satisfera pas entièrement — élaboré un cadre selon lequel les gouvernements peuvent déterminer les bonnes et les mauvaises politiques. Par bonnes et mauvaises, je veux dire celles qui coûtent le plus par rapport à celles qui coûtent le moins, parce que nous mettons l'accent sur les politiques climatiques rentables.
Par exemple, un règlement sur le méthane bien conçu serait une bonne politique, une politique à faible coût. Nous avons dans notre rapport une étude de cas dans laquelle on examine les règlements fédéraux sur le méthane, les analysons et arrivons à la conclusion qu'ils sont plutôt bons. Cela aurait été très difficile à faire avec un prix du carbone. Mais on peut en réalité le faire avec un règlement bien conçu, et le coût est assez faible. Un exemple de politique qui finit par être très onéreuse serait quelque chose comme une subvention pour véhicule électrique. Nous avons étudié le cas de la subvention du Québec pour véhicule électrique. Elle génère quelques autres avantages au sujet desquels vous pouvez avoir un débat, mais le coût par tonne d'émissions réduites est très élevé. Ce sont là simplement deux exemples d'études de cas que nous avons faites.
Une troisième porte sur l'élimination graduelle du charbon en Alberta. Nous démontrons que la majeure partie de la réduction des émissions du charbon proviendrait du prix du carbone. La valeur ajoutée, pour ainsi dire, de l'élimination graduelle du charbon est plutôt petite, mais cela signifie que c'est une politique assez coûteuse.
Il y a un grand nombre de différents types de politiques de non-tarification qu'on pourrait imaginer ajouter à la tarification du carbone, et notre rapport aide à déterminer quelles sont les bonnes et quelles sont les mauvaises.
Le président : Poursuivons. Nous devons être sortis d'ici à 10 heures. C'est catégorique.
M. Ragan : Cette montre est-elle juste? D'après elle, il est 9 heures moins 11; nous avons donc encore une heure.
Le président : Ajoutez une heure de plus parce que personne n'est assez grand pour la changer. Ajoutez une heure et vous aurez l'heure exacte.
Le sénateur MacDonald : Je regarde le graphique pour la Nouvelle-Écosse. Vous avez parlé de l'usine de papier. Je connais très bien cette usine de papier.
C'est une des usines de papier de meilleure qualité et des plus efficaces au monde, mais ses coûts d'électricité s'élèvent à 50 à 60 millions de dollars par année; c'est à ça qu'elle est toujours confrontée. Comparativement aux autres provinces, cela me paraît bon, mais je vois la contraction et l'effondrement de l'économie de la Nouvelle-Écosse. En tant que personne qui a grandi dans un Cap-Breton industriel quand nous étions un contributeur net à l'assiette fiscale, cela me fait vraiment peur de constater que nous sommes si bas en ce qui concerne l'industrie.
Ma question porte sur un point que vous avez soulevé vous-même. Vous êtes un membre du Conseil consultatif en matière de croissance économique du ministre des Finances fédéral. Pouvez-vous nous dire comment fonctionne cette relation? Répondez-vous à des demandes du ministre des Finances pour produire des rapports sur certaines choses, ou lancez-vous vous-même vos activités? Êtes-vous écoutés?
M. Ragan : Ce sont des questions intéressantes auxquelles je ne m'attendais pas.
Pour répondre à la première, nous avons décidé en tant que groupe de 14 personnes que notre mandat était clair : trouver des façons d'améliorer la croissance du revenu par habitant dans toute la répartition des revenus. C'était un mandat assez clair pour le comité. Lors de notre première réunion, ou de la deuxième, ce groupe de 14 personnes a décidé de la façon dont nous voulions envisager le monde et de la façon dont nous voulions déterminer quels sont les déterminants de la croissance.
Voilà comment l'économiste fonde sa réflexion sur la croissance : il y a le capital, la main-d'œuvre, la technologie et l'innovation, et il y a le degré de concurrence sur le marché et le commerce. Ensuite, nous avons commencé à produire des idées et l'initiative était presque exclusivement, ou peut-être exclusivement, la nôtre. Nous avons produit des idées et parlé à des gens au ministère des Finances et dans d'autres ministères aussi. Nous leur avons demandé des renseignements et leurs opinions, et nous avons obtenu leurs opinions, et ainsi de suite, mais l'élan est toujours venu du conseil. C'est la première réponse.
La deuxième question était : Sommes-nous entendus? Eh bien, notre première série d'annonces a été faite en octobre, et toutes les trois ont été annoncées par le gouvernement : la Banque de l'infrastructure, l'augmentation de l'immigration avec certaines politiques y afférant, et la création d'une agence d'investissement direct étranger pour attirer les IDE. Tout de suite après notre annonce, le gouvernement a annoncé ces trois choses, et il poursuit leur évolution. Quand nous avons fait cinq autres recommandations, je crois, les deux tiers se sont retrouvés d'une façon ou d'une autre dans le budget du 22 mars. Je dirais donc que oui, il semble que nous soyons entendus.
Le sénateur MacDonald : Avez-vous recommandé quelque chose sur les taxes sur le carbone?
M. Ragan : Nous n'avons pas du tout parlé de la taxe sur le carbone.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Moi aussi je m'inscrirais à votre cours tout de suite.
M. Ragan : Merci.
La sénatrice Seidman : Je suis très visuelle, et je dois dire que j'apprécie beaucoup vos graphiques.
J'aimerais vous interroger, cependant, au sujet de votre rapport intitulé Des choix judicieux : options de recyclage des recettes de la tarification du carbone, qui explique un peu plus le recyclage des recettes. Vous faites une comparaison des priorités entre cinq provinces canadiennes, et elles sont très différentes des catégories que vous nous avez présentées aujourd'hui et de la façon dont elles sont réparties sur le plan des priorités pour les provinces. J'apprécierais beaucoup que vous nous expliquiez un peu l'élaboration de ces priorités et leur évolution changeante.
M. Ragan : C'est une excellente question. Pendant que nous élaborions ce rapport, nous n'avions pas l'intention d'inclure cette partie. Nous allions parler des diverses options de recyclage des recettes, du pour et du contre, puis nous avons décidé que nous devions vraiment prendre position sur ce que diverses provinces pourraient faire, mais nous ne voulions pas recommander clairement que l'Alberta réduise son taux d'imposition des entreprises ou que le Québec investisse dans l'infrastructure. Nous avons dit : « Produisons une illustration du cadre que nous voulons élaborer, et faisons-le pour cinq provinces. »
La discussion entre les 12 commissaires a été fascinante, parce qu'il y a eu quelques batailles sur ce sujet. Nous tentions de nous mettre à la place de gouvernements, nous disant : « Eh bien, si nous étions parachutés à Vancouver et nous demandions quoi faire en Colombie-Britannique, que ferions-nous? » Nous avons donc pris en considération les taux d'imposition, l'état de l'infrastructure et à quel point les cibles de réduction des émissions étaient agressives. Il nous fallait examiner l'ensemble du tableau et nous dire, si nous étions le gouvernement, c'est ça que je ferais. Nous avons repéré ces trois degrés de priorité : élevée, moyenne et faible.
En notre qualité d'économistes, nous avons déterminé vers quoi nous nous pencherions ou ce que nous recommanderions aux gouvernements de faire, compte tenu du contexte économique et environnemental de la province. L'Alberta, à l'époque, n'avait pratiquement aucune dette publique, et il aurait donc été difficile de lui recommander d'utiliser les recettes pour réduire la dette publique. Celle-ci n'existait pas. Le Québec, pour sa part, avait un gros montant de dettes publiques, tout comme il l'a aujourd'hui, donc utiliser ces recettes pour réduire la dette publique était une priorité élevée. L'infrastructure est un plus grand problème pour le Québec que pour l'Alberta et la Colombie-Britannique; cela a donc ajouté des points. C'est le genre de discussions en va-et-vient entre les commissaires qui ont été échauffées.
Est-ce que c'était une réponse convenable?
La sénatrice Seidman : C'était un bon début, mais c'est tout le temps que j'ai.
Le sénateur Patterson : Merci, monsieur Ragan, de votre exposé.
J'aimerais vous demander de porter votre attention au territoire de compétence éloigné et froid où je vis : le Nunavut. Sa petite population est éparpillée dans de minuscules collectivités. Il n'y a aucune industrie de fabrication. Il y a un taux de chômage élevé, une proportion élevée de logements sociaux, un soutien du revenu élevé, un grand secteur public, un secteur minier naissant, un tout début d'accès à la propriété résidentielle et un climat désespérément froid — je crois qu'il fait moins 20 environ aujourd'hui dans la partie sud où j'habite. Il n'y a pas d'hydroélectricité, l'énergie éolienne est intermittente, l'énergie solaire est limitée à la moitié de l'année et il n'y a aucune autre option de remplacement du diesel que nous utilisons pour alimenter en énergie nos collectivités. Dans le cadre de la Déclaration de Vancouver, nos premiers ministres ont convenu d'une tarification du carbone, et cela va manifestement augmenter le coût de la vie.
Vous parlez d'un recyclage des recettes intelligent. Comment recyclons-nous les recettes intelligemment? Je doute que quiconque au Nunavut souhaite voir un investissement dans la technologie si le prix de toutes les choses consommées augmente. Doit-on les redistribuer aux ménages? Cela prend-il la forme de remboursements d'impôt? Avez-vous réfléchi à ces problèmes des régions éloignées et tributaires du diesel?
M. Ragan : Laissez-moi vous dire que les problèmes que vous venez de décrire constituent d'immenses défis pour de nombreuses collectivités du Nord. Tout d'abord, n'imaginons même pas régler tous ces problèmes avec un prix du carbone ou même avec simplement le recyclage des recettes. Je crois qu'il y a de nombreuses choses, et je ne suis certainement pas un expert dans le domaine du développement économique du Nord canadien. Je ne le suis pas.
Cependant, s'il devait y avoir un prix du carbone et si le gouvernement fédéral insistait pour qu'il y ait un prix du carbone en place dans chaque partie du pays, y compris les territoires, ce qui comprend de nombreuses collectivités du Nord, je crois alors que l'élément clé que vous avez mentionné est le fait qu'il y a très peu d'autres options que le diesel. Ce que je ferais, ce serait redistribuer une grande portion des recettes — peut-être toutes les recettes — directement aux collectivités de sorte qu'elles soient remises directement au peuple.
Mais parallèlement, il faudrait faire venir certaines ressources d'ailleurs, en dehors du prix du carbone, et alimenter en électricité un grand nombre de ces collectivités pour qu'elles puissent abandonner le diesel. Certes, cela ne peut être fait instantanément, et certainement pas gratuitement, mais il me semble que si nous accordons de l'importance au développement économique des collectivités du Nord, nous devrions leur fournir un réseau de distribution d'électricité propre. Cela pourrait signifier de leur acheminer de l'électricité du Sud, pour ainsi dire, ou peut-être installer une alimentation en électricité par des panneaux solaires sur les toits, ce qui devient de moins en moins cher. Mais l'alimentation en électricité de ces collectivités du Nord me semble être une partie essentielle du plan.
Le président : Merci. Il y a des personnes qui auraient une deuxième question, mais nous manquons de temps. C'était un exposé très instructif. Il était intéressant et on a eu droit à de très bonnes questions et à de très bonnes réponses.
Je vous verrai après la séance pour vous poser quelques questions, parce que j'en ai certainement quelques-unes, fondées sur certaines de vos observations, mais il y en a une que je peux mettre dans le compte rendu tout de suite. Vous avez dit que le Canada pourrait atteindre ses cibles de Paris. Vous n'allez pas appuyer quoi que ce soit, mais en termes généraux, cela représente 50 $ par tonne d'ici 2022, je crois bien.
M. Ragan : Oh, non, non, non. Je n'ai pas dit cela. La question posée était : le Canada peut-il atteindre ses cibles de 2030 sans causer des dommages graves à l'économie? Je crois que c'était la question. Et j'ai répondu : « Oui, s'il conçoit bien ses prix du carbone dans tout le pays. »
Tout le monde ne s'entend pas sur le prix que devrait avoir le carbone nécessairement pour qu'on atteigne nos cibles de 2030, mais ce nombre se situe probablement entre 150 $ et 200 $ par tonne. Si on faisait cela aujourd'hui — et je ne connais personne qui suggère que nous allions instantanément à 150 $ par tonne —, mais 35 cents le litre aujourd'hui nous situerait encore en deçà du prix de l'essence que nous payions à l'été 2014.
Le président : Pas là où je vis, mais quand même.
M. Ragan : Cet énoncé est approximativement correct, mais nous pourrions en discuter. Était-ce 2012? Me suis-je trompé d'année?
La sénatrice Seidman : Non.
M. Ragan : Le point que je souhaite faire ressortir, c'est qu'il ne s'agit pas d'un changement du prix de l'essence qui soit très loin de tout ce que nous avons vu. À ma connaissance, toutes les études qui ont modélisé ceci ont suggéré une augmentation graduelle du prix du carbone jusqu'à ces chiffres, ce qui permet d'atteindre les cibles de 2030. Ensuite, la façon dont on recycle les recettes est cruciale.
Le président : Merci. Nous l'apprécions beaucoup. La séance est levée.
M. Ragan : Merci.
(La séance est levée.)