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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 27 - Témoignages du 16 mai 2017


OTTAWA, le mardi 16 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada, se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Paul Massicotte. Je représente la province de Québec au Sénat, et je suis vice- président de ce comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public qui sont ici dans la salle, ainsi qu'à ceux qui nous regardent à la télévision. Pour ceux qui nous regardent, je vous rappelle que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les visionner en webdiffusion sur le site sencanada.ca. Vous trouverez aussi d'autres renseignements sur l'horaire des réunions sous la rubrique « Comités du Sénat ».

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter, en commençant par ma collègue à ma droite.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, Québec.

Le sénateur Black : Douglas Black, Alberta.

Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, je viens de Toronto et je suis le parrain du projet de loi C-18 au Sénat.

Le sénateur Lang : Daniel Lang, Yukon.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le vice-président : J'aimerais aussi vous présenter notre greffière, Maxime Fortin, et notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks.

Honorables sénateurs, le 4 mai dernier, le Sénat nous a confié l'examen du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Aujourd'hui, pour cette première réunion dans le cadre de notre étude du projet de loi C-18, nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Catherine McKenna, ministre de l'Environnement et du Changement climatique.

Madame la ministre, vous êtes accompagnée aujourd'hui de trois représentants de l'Agence Parcs Canada : Daniel Watson, chef de la direction, Pam Veinotte, directrice d'unité de gestion, Parc urbain national de la Rouge, et Rachel Grasham, directrice des politiques, affaires législatives et du cabinet. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous invite tout d'abord à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses. Je souligne que madame la ministre doit nous quitter à 17 h 45, alors nous allons nous assurer d'utiliser le temps dont nous disposons de façon efficace en posant de courtes questions et en donnant de courtes réponses.

À vous la parole, madame la ministre.

L'honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l'Environnement et du Changement climatique : Merci, honorables sénateurs. Je suis très heureuse d'être ici, et je crois que c'est une très belle occasion.

[Traduction]

Je suis fière de me joindre à vous aujourd'hui dans le cadre des délibérations de votre comité pour présenter le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Je tiens à remercier le sénateur Eggleton de son aide dans ce dossier. Je mentionne également que je suis accompagnée de Daniel Watson, chef de la direction de Parcs Canada, et de Pam Veinotte, qui a travaillé d'arrache- pied dans ce dossier pour nous mener à cet aboutissement fantastique aujourd'hui.

[Français]

Je suis fière de me joindre à vous aujourd'hui dans le cadre des délibérations de votre comité pour vous présenter le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-18 propose d'apporter une série de modifications à trois lois existantes. Je crois que chaque ensemble de modifications est dans l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes.

Le premier ensemble de modifications se rapporte au parc urbain national de la Rouge, situé dans la région du Grand Toronto. C'est le tout premier parc du genre au pays. Les modifications soutiendraient essentiellement les efforts investis par Parcs Canada pour exploiter pleinement les possibilités de la Rouge.

Le parc urbain national de la Rouge est unique pour de nombreuses raisons : la flore et la faune qu'il abrite sont remarquablement diversifiées et elles comprennent plusieurs espèces menacées. Les terres qui forment cet endroit unique témoignent de l'histoire humaine depuis des milliers d'années. Les peuples autochtones parcourent les berges de la Rouge depuis des millénaires, s'y sont établis et y ont prospéré. Aujourd'hui, les archéologues sont d'avis que certains sites de villages autochtones situés dans le parc sont parmi les plus anciens du Canada.

J'ai eu l'occasion d'assister à une présentation d'artéfacts du peuplement huron-wendat de la région de la Rouge.

[Français]

L'agriculture continue de prospérer dans le parc urbain national de la Rouge. En fait, de grandes étendues de terres agricoles de catégorie 1 — les plus rares, les plus riches et les plus fertiles au pays — sont situées à cet endroit. Certains champs situés dans le parc sont exploités continuellement depuis des siècles.

[Traduction]

Cela dit, l'aspect qui est peut-être le plus fascinant du parc urbain national de la Rouge — et la raison pour laquelle tous les Canadiens et Canadiennes ont tout à y gagner — c'est qu'il est situé dans notre plus grande ville. L'aménagement d'un parc national à l'intérieur d'une ville est une occasion de faire connaître les merveilles du Canada à des milliers de citadins et de nouveaux arrivants dans ce pays et de les mettre en valeur.

Ces dernières décennies, les nouveaux arrivants au Canada se sont principalement établis dans nos plus grandes villes. Malheureusement, beaucoup ne sont pas familiers avec le patrimoine naturel et culturel du Canada. Le transport en commun rend toutefois le parc urbain national de la Rouge accessible à des milliers de nouveaux arrivants. En fait, 7 millions de Canadiens peuvent y accéder grâce au transport en commun en moins d'une heure. Ce fait, ainsi que le patrimoine et l'histoire incroyables du parc, laissent présager de vastes possibilités pour le parc de la Rouge.

Afin de saisir pleinement ce potentiel, il faut prendre en considération un facteur clé qui incite les gens à visiter les parcs nationaux. Des recherches montrent qu'après avoir visité l'un de nos parcs nationaux, une personne est beaucoup plus portée à en visiter d'autres.

Le parc urbain national de la Rouge est une passerelle vers les autres parcs nationaux du Canada. On y offre, au cours de l'année, le très populaire programme d'Initiation au camping de Parcs Canada qui permet aux gens de se familiariser avec le camping, une activité très canadienne. Les visiteurs sont exposés au patrimoine naturel, culturel et agricole fascinant de ce pays, dans un environnement urbain près de chez eux, et en font l'expérience. La population canadienne ne peut donc qu'en bénéficier.

Personnellement, je peux vous dire que j'ai visité le parc urbain national de la Rouge pour la première fois l'année dernière, même si j'ai grandi à Hamilton. J'ai été renversée de voir, qu'à un endroit que je considérais comme une région urbaine très dense, il y a un parc et des paysages magnifiques où l'on peut faire du canot, de la randonnée et apprendre à camper. C'est un véritable joyau.

J'ajoute que Parcs Canada collabore à un programme spécial avec l'Institut pour la citoyenneté canadienne. Dans le cadre du programme, les nouveaux citoyens canadiens et leurs familles reçoivent un laissez-passer qui leur garantit une entrée gratuite, pendant un an, à plus de 1 000 lieux répartis aux quatre coins du pays, dont les parcs nationaux, les lieux historiques nationaux et les aires marines nationales de conservation administrés par Parcs Canada.

Cette année, afin de célébrer le 150e anniversaire de la Confédération, comme vous le savez tous, je l'espère, le gouvernement du Canada est ravi d'offrir à tous les visiteurs l'entrée gratuite à tous les sites gérés par Parcs Canada.

Le parc urbain national de la Rouge est un endroit idéal pour découvrir le patrimoine naturel, culturel et agricole du Canada. Le projet de loi C-18 fait de l'intégrité écologique une priorité dans la gestion du parc. C'était une condition posée par la province de l'Ontario pour accepter de céder des terres provinciales au parc.

L'intégrité écologique consiste à préserver des éléments indigènes, comme la faune, la flore, l'eau et les processus écologiques. Parcs Canada donne la priorité à l'intégrité écologique dans sa gestion des parcs nationaux. De plus, le projet de loi C-18 permettra à Parcs Canada de suivre la même approche dans sa gestion du parc urbain national de la Rouge.

[Français]

Je crois que vous tous, comme la grande majorité des Canadiens et Canadiennes, êtes très fiers de notre patrimoine. Nous reconnaissons que le Canada a la chance de jouir d'une abondance de splendeurs naturelles et d'avoir une histoire riche. Nous aimons tisser des liens avec ce patrimoine, parce qu'il nous inspire et nous stimule. Il est le reflet de notre identité canadienne et de nos convictions. C'est la raison pour laquelle nous édictons des lois dans le but de protéger les endroits qui nous sont chers et d'autoriser Parcs Canada à gérer nos parcs nationaux, nos lieux historiques nationaux et nos aires marines nationales de conservation.

[Traduction]

Il y a plus d'un siècle, le Canada mettait sur pied le premier service de parcs nationaux au monde. Aujourd'hui, Parcs Canada gère l'un des plus beaux et des plus vastes réseaux d'aires patrimoniales naturelles et culturelles protégées au monde. Il compte 46 parcs nationaux, 171 lieux historiques nationaux, quatre aires marines nationales de conservation et un parc urbain national. Parcs Canada reçoit fréquemment des éloges sur la scène internationale pour ses projets de conservation, ses programmes éducatifs et les expériences de qualité supérieure qu'il propose aux visiteurs. Le projet de loi C-18 soutiendra les efforts déployés de Parcs Canada pour offrir l'accessibilité et la conservation : des tâches dont l'agence s'acquitte fort bien.

Le projet de loi C-18 est l'aboutissement d'importantes consultations et représente une collaboration considérable entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et de nombreux intervenants, chacun ayant sa propre vision et s'engageant à faire du parc urbain national de la Rouge une réussite. J'espère avoir la chance de vous parler de toutes les rencontres auxquelles j'ai participé avec des agriculteurs, des écologistes et des dirigeants autochtones. Je pense que nous avons réussi à convenir d'une solution prudente, intelligente et pratique pour la suite des choses.

Les deux autres séries de modifications proposées dans le projet de loi C-18 profiteront aussi aux Canadiens et Canadiennes. La première modifiera les limites du parc national Wood Buffalo, qui est situé dans le Nord de l'Alberta. Ce changement favorisera l'établissement de la réserve indienne Garden River. Ce changement permettra de respecter un engagement que le gouvernement du Canada a pris envers la nation des Cris de Little Red River. Il contribuera également à l'effort national de réconciliation avec les peuples autochtones.

[Français]

L'ensemble la population canadienne et tous les organismes publics ont un rôle à jouer pour atteindre cet objectif. Il vaut la peine de mentionner que Parcs Canada collabore régulièrement avec plus de 300 communautés autochtones d'un bout à l'autre du pays pour conserver, rétablir et mettre en valeur des éléments de notre patrimoine naturel et culturel. L'année dernière, l'agence a mis sur pied un cadre de réconciliation afin de solidifier ses partenariats avec les groupes autochtones. Plus récemment, Parcs Canada a lancé un programme de financement qui favorise la création de possibilités dans le domaine du tourisme autochtone.

[Traduction]

Le troisième et dernier ensemble de modifications proposé dans le projet de loi C-18 concerne la Loi sur l'Agence Parcs Canada. Ces modifications moderniseront les règles qui régissent le compte des nouveaux parcs et lieux historiques. Ce compte finance l'acquisition de terrains et de biens immobiliers afin d'établir, d'agrandir ou de désigner une aire patrimoniale protégée comme un parc national, un lieu historique national ou une aire marine nationale de conservation.

Selon la forme actuelle du compte, les fonds peuvent seulement être utilisés pour les aires qui ne sont pas entièrement fonctionnelles. Cette restriction empêche Parcs Canada d'exploiter pleinement les possibilités de plusieurs parcs nationaux, comme le parc national de la péninsule-Bruce, en Ontario, et le parc national des Prairies, en Saskatchewan.

Les modifications proposées donneraient à Parcs Canada la souplesse nécessaire pour intervenir rapidement et acquérir des terres ainsi que des biens patrimoniaux. Les modifications proposées permettraient aux Canadiens et Canadiennes de contribuer, à titre individuel, à l'achèvement ou à l'agrandissement d'aires patrimoniales déjà fonctionnelles.

[Français]

Tout comme notre pays continue de grandir, notre réseau d'aires protégées doit aussi continuer de s'élargir. Il est aussi important que les lieux que nous chérissons servent de porte d'entrée vers la nature, le patrimoine culturel, l'aventure et la découverte. Ils doivent nous inspirer et permettre la transmission de nos histoires, y compris celles des peuples autochtones.

[Traduction]

Le texte de loi dont vous être saisis vise à appuyer ces objectifs louables; il vise manifestement l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes. Le projet de loi C-18 permettrait à Parcs Canada et à la population canadienne de mettre pleinement en valeur le parc urbain national de la Rouge. Il renforcerait la capacité du Canada à enrichir et à protéger notre patrimoine naturel, culturel et agricole. Il ferait avancer également le processus de réconciliation avec les peuples autochtones.

Pour conclure, j'aimerais remercier toutes les parties concernées d'avoir travaillé ensemble à trouver des bases communes. Je me réjouis que nous soyons capables de modifier la loi pour y inclure l'intégrité écologique. Après tout, un parc est un endroit où la priorité en matière de gestion devrait être de protéger la nature. Je réitère que cette initiative se réalisera en collaboration étroite avec les peuples autochtones qui ont utilisé et protégé ces terres pendant des milliers d'années et qui conservent un rôle très important pour faire connaître leurs histoires et assurer la protection de cet endroit remarquable au bénéfice des générations futures.

Finalement, l'intégrité écologique constituait une condition préalable importante de la province à la cession de terres vraisemblablement parmi les plus précieuses sur le plan écologique en Ontario. Je tiens à remercier les agriculteurs et les écologistes qui ont démontré une vision plus large que leurs propres intérêts et qui comprennent que nous travaillons déjà collectivement à l'amélioration de l'intégrité écologique du parc grâce à plus de 30 projets d'intendance et que le maintien et la restauration de l'intégrité écologique sont dans notre intérêt à tous. Il est également dans notre intérêt à tous qu'il y ait des fermes exploitées dans le parc, pour montrer aux Canadiens et aux Canadiennes d'où viennent les aliments, parce que beaucoup n'en ont aucune idée.

[Français]

Il est maintenant temps d'aller de l'avant pour la nature et pour tous les Canadiens et Canadiennes. Je demande à tous les membres du comité d'appuyer le projet de loi C-18 sans amendements.

[Traduction]

Il est maintenant temps d'aller de l'avant et de prendre des mesures concrètes pour la nature et pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Je demande à tous les membres du comité d'appuyer le projet de loi C-18 sans amendement. Je vous demande également à tous de vous joindre à moi le dimanche 18 juin, le jour de la fête des Pères, pour venir pagayer le long de la Rouge avec moi.

[Français]

Le vice-président : Merci, madame la ministre.

Au risque de me répéter, madame la ministre doit nous quitter à 17 h 45. Assurons-nous de lui poser des questions courtes, ce qui permettra à tous les sénateurs de participer.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : J'aimerais d'abord poser une question à la ministre, après quoi j'en aurai d'autres à poser aux fonctionnaires, qui resteront sûrement plus longtemps avec nous.

Madame la ministre, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui et de nous présenter le projet de loi C-18. Je remercie également l'ancien gouvernement de tout le travail qu'il a abattu pour permettre la création de ce parc urbain national. L'un des obstacles à l'époque, que ce projet de loi contribue à lever, était la question de l'intégrité écologique, à laquelle tenait mordicus le gouvernement provincial.

Cet ajout, ainsi que la modification portant création de la réserve de Wood Buffalo et celle modifiant la loi sur l'agence, en font un projet de loi à la satisfaction de tous.

J'aimerais aussi vous interroger, madame la ministre, sur une correspondance que j'ai eue avec M. Chiarelli, ministre de l'Infrastructure de l'Ontario. Il me disait ce qui suit dans sa lettre :

Nous apprécions les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour répondre aux préoccupations de l'Ontario concernant la gestion environnementale et la protection des activités agricoles préexistantes dans le parc.

Vous avez mentionné les activités agricoles.

Parlez-moi de la façon dont se sont déroulées les discussions avec les représentants de la province, à supposer qu'ils soient totalement d'accord avec le projet de loi C-18 et qu'ils cèdent leurs terres au gouvernement fédéral pour l'agrandissement et l'amélioration du parc.

Mme McKenna : Merci beaucoup, sénateur Eggleton, et merci de travailler de pair avec nous dans ce dossier.

Quand j'en ai hérité, j'y ai vu une occasion en or. L'ancien gouvernement a travaillé très fort et a réussi à créer le parc urbain national de la Rouge. Le gouvernement provincial avait posé une condition pour nous céder ces terres, qui permettront de doubler la superficie du parc. Cette condition était d'en assurer l'intégrité écologique, et je crois que la difficulté tenait à la méfiance qui marquait les relations entre les agriculteurs et les écologistes. Quand je me suis assise avec eux, avec mon esprit pragmatique, je leur ai dit : « Je crois que nos positions ne sont en fait pas très éloignées l'une de l'autre. »

L'intégrité écologique est une priorité des parcs nationaux. Cela correspond tout à fait à nos valeurs, et c'était la condition préalable posée par le gouvernement de l'Ontario. En même temps, comme il s'agit d'un parc urbain national, il faut reconnaître qu'il y a aussi des agriculteurs qui y sont établis et qui exploitent des fermes dans le parc, ce qui est une très bonne chose. Comme je l'ai dit, c'est l'occasion de montrer le travail des agriculteurs et comment on produit les aliments. Il y a aussi des groupes autochtones présents dans le parc depuis des milliers d'années.

Il fallait donc reconnaître l'importance de l'intégrité écologique dans nos discussions, tout en nous engageant envers les agriculteurs qui devaient depuis longtemps se débrouiller avec des baux annuels — imaginez un instant d'essayer d'emprunter de l'argent lorsque vous n'avez qu'un bail d'un an. Nous sommes donc parvenus à une entente afin de protéger l'intégrité écologique du parc tout en permettant aux agriculteurs d'y exploiter leurs fermes; ainsi les terres nous seront cédées, et nous signerons des baux de 30 ans. J'ai eu des conversations avec le ministre Duguid, qui est le ministre responsable de ce dossier. Nous nous sommes rencontrés. Il accueille favorablement cette proposition, avec les modifications proposées.

Il faut toutefois comprendre qu'il y a là un équilibre délicat. Si des amendements sont proposés au projet de loi, je pense qu'il sera très difficile de conserver l'équilibre trouvé entre les craintes des agriculteurs, quant au maintien de leurs activités agricoles; les revendications des écologistes, qui souhaitent que l'intégrité écologique demeure une priorité; et les peuples autochtones, qui tiennent à ce que nous reconnaissions leurs histoires et leurs cultures dans un esprit de réconciliation. Je pense que nous avons trouvé un juste équilibre, et que le gouvernement de l'Ontario nous accorde tout son appui.

Le sénateur Patterson : J'aimerais vous interroger un peu plus sur le concept de l'intégrité écologique, madame la ministre. Ce comité a déjà étudié ce projet de loi, et votre prédécesseure avait dit au comité que le concept de l'intégrité écologique ne s'appliquait pas à l'environnement urbain. Je peux peut-être vous citer rapidement son témoignage, qui avait sans doute été préparé par des fonctionnaires toujours au service du ministère :

Les écosystèmes maintiennent leur intégrité lorsque leurs composantes originales demeurent intactes mais, comme les écosystèmes sont en constante évolution, les stratégies de conservation visant l'intégrité écologique doivent également permettre les processus reflétant les conditions naturelles de l'écosystème. Il faudrait donc ainsi permettre le déroulement naturel de processus écologiques comme les feux de forêt, les inondations et les infestations de ravageurs, ce qui n'est ni souhaitable ni réaliste dans un environnement urbain. La zone du parc est fragmentée par la présence d'autoroutes, de chemins de fer, de lignes de transport d'électricité ainsi que de terres agricoles, et 7 millions de personnes vivent à proximité de la Rouge.

Si l'on appliquait dans ce projet de loi le concept d'intégrité écologique de la même manière que nous le faisons avec nos parcs nationaux, il deviendrait impossible de maintenir le type d'agriculture durable qui a cours dans la région depuis des siècles.

Comment avez-vous réussi à surmonter ces difficultés?

Mme McKenna : Il est tout à fait cohérent de préserver la norme de l'intégrité écologique. Nos parcs sont très différents les uns des autres au Canada. Bien sûr, celui-ci est notre premier parc urbain national, ce qui est très emballant, mais nous suivrons un processus similaire à celui qui a donné naissance aux parcs nationaux tels qu'on les connaît, en mettant l'accent sur les ressources et les processus naturels.

En même temps, il y a des agriculteurs qui y sont établis. J'en ai parlé avec eux, et ils conviennent de la pertinence de mettre l'accent sur l'intégrité écologique, parce qu'ils estiment faire de l'agriculture durable. Le futur plan de gestion nous permettra d'en préciser les détails.

J'ai une grande confiance en mes responsables de parcs. Je comprends les observations de l'ancienne dirigeante de Parcs Canada, mais nous avons déployé beaucoup d'efforts pour arriver à nous entendre avec les écologistes et les agriculteurs.

En toute honnêteté, je crois que les discussions précédentes ont malheureusement avorté à cause de la méfiance de chacun. Les agriculteurs pensaient qu'ils ne pourraient pas continuer d'exploiter leurs fermes. Les écologistes croyaient que les pratiques agricoles ne seraient pas conformes à leurs valeurs. Je crois qu'il existe une solution à long terme et que nous avons trouvé l'équilibre délicat nécessaire.

Je n'entrerai pas dans les détails, faute de temps, mais Daniel pourra vous en parler plus tard.

Le vice-président : Je crois que les fonctionnaires resteront avec nous après votre départ.

Mme McKenna : Oui, il restera avec vous plus longtemps et pourra vous présenter notre compromis plus en détail.

Le sénateur Black : Madame la ministre, je vous félicite, vous et vos collègues, pour ce travail fantastique. Les préoccupations qui viennent d'être soulevées montrent que c'est l'aboutissement d'une négociation compliquée, de toute évidence, et que vous avez réussi à tirer votre épingle du jeu au bénéfice de tous les Canadiens.

Je n'ai pas vraiment de question à poser, mais j'aimerais faire deux brèves observations.

À titre de sénateur de l'Alberta, je me réjouis de l'agrandissement du parc national Wood Buffalo. C'était la bonne chose à faire pour bien des raisons. Nul besoin de les exposer en détail, mais je pense que c'était la chose à faire et je vous en suis très reconnaissant.

Ensuite, au sujet de ce modèle de parc urbain, quand nous l'avons étudié la dernière fois, j'avais évoqué l'idée de le reproduire au parc Stanley, au parc Point Pleasant, à Halifax, ou dans la vallée de la rivière, à Edmonton. Il y a de magnifiques espaces naturels dans nos villes, que nous voulons protéger à tout prix pour nos enfants et nos petits- enfants.

Je vous remercie donc, madame la ministre.

Mme McKenna : Merci infiniment, sénateur Black.

Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet du parc national Wood Buffalo et du retranchement de terres du parc : il est extrêmement important d'honorer notre engagement envers la communauté.

Nous nous sommes engagés à élargir le territoire protégé par nos parcs et nos aires protégées, donc vous avez raison de dire que nous pourrions envisager d'autres projets. C'est un modèle pour le monde entier. Il faut attirer encore plus la population vers nos parcs, parce que c'est bon pour la santé, pour la condition physique. C'est une merveilleuse façon de passer du temps en famille. Beaucoup de nouveaux Canadiens et Canadiennes et de personnes moins nanties n'ont pas la chance de visiter nos parcs, donc je pense que c'est là une formule très prometteuse.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie infiniment d'être avec nous aujourd'hui, madame la ministre.

J'aimerais vous interroger au sujet d'une lettre que notre comité a reçue de Jim Robb, directeur général de l'organisme Friends of the Rouge Watershed. Je suis certaine que vous êtes au courant. Bien qu'il soit vraiment ravi de ce projet de loi, il souhaiterait le modifier. Il affirme que des éléments importants ont été laissés de côté. Il voudrait donc modifier le projet de loi pour y inclure la Ceinture de verdure de l'Ontario, la moraine d'Oak Ridges et les plans de conservation du parc et du bassin hydrographique de la Rouge, qui existent déjà. Voici ce qu'il écrit : « Les plans de conservation déjà en vigueur en Ontario représentent des intérêts et des investissements publics importants, qui méritent un appui explicite et qui bénéficieraient d'un nouvel élan... » dans le parc national de la Rouge.

En appui à cette demande, nous avons reçu une lettre de Brad Duguid, le député provincial de Scarborough-Centre. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette demande.

Mme McKenna : Merci beaucoup, et je tiens à remercier Jim Robb de tout le travail qu'il fait depuis des décennies au sein de l'organisme Friends of the Rouge Watershed. Il a travaillé vraiment très fort, et nous lui en sommes très reconnaissants.

Comme je l'ai dit, dans la vie, il faut avoir un sens pratique et rechercher l'équilibre. Nous nous sommes posé des questions au sujet de certaines propositions; nous voulions savoir jusqu'où elles allaient et si le temps était venu de regarder certains détails de plus près. Un plan de gestion du parc sera négocié, et il y a justement une occasion de faire cela.

Le délicat équilibre que nous avons entre les environnementalistes et les agriculteurs est extrêmement important. Si nous allons trop loin — comme je l'ai dit, je crois que n'importe quel amendement viendra briser l'équilibre que nous avons en ce moment —, je crois que cela nous empêchera d'arriver dans les dispositions nécessaires pour agrandir le parc tout en y ayant des exploitations agricoles fonctionnelles.

Je tiens aussi une copie de la correspondance du ministre Duguid. Je lui ai parlé. Il appuie le projet de loi sans l'amendement. Il reconnaît que le projet de loi a demandé un travail colossal, et que beaucoup de gens ont mis la main à la pâte pour nous permettre d'arriver là où nous sommes.

Le vice-président : Me permettez-vous de clarifier quelque chose avec vous? Vous avez parlé du sénateur Duguid.

Mme McKenna : J'ai dit « sénateur »? Je voulais dire « ministre ».

Le vice-président : Je crois que le ministre Duguid a dit exactement le contraire.

La sénatrice Seidman : Eh bien, en lisant la lettre de Brad Duguid, on voit qu'il appuie bel et bien la demande. La lettre exprime un soutien législatif sans équivoque pour la mise en œuvre des plans de conservation de la ceinture de verdure, de la moraine d'Oak Ridges et du bassin hydrographique de la Rouge qui existaient tous avant la création du parc. Je crois que ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous avez correspondu avec lui après cela.

La lettre vous est adressée. En fait, j'essaie d'en trouver la date. C'est pour cette raison que j'ai l'air un peu étrange en ce moment. Quoi qu'il en soit, la lettre s'adresse à vous, madame la ministre McKenna. Avez-vous eu d'autres échanges épistolaires avec lui?

Mme McKenna : Pardonnez-moi, je devrais clarifier quelque chose.

Le ministre responsable est en fait le ministre Chiarelli. J'ai travaillé avec le ministre Duguid parce que cette question lui tient beaucoup à cœur. Dans sa lettre du 8 mars, le ministre Chiarelli précise :

Le ministre Duguid a confirmé publiquement que les amendements proposés au projet de loi C-18 feront tomber tous les obstacles à la formulation d'une recommandation au Cabinet invitant ce dernier à aller de l'avant avec le transfert des terres de l'Ontario dans le parc.

Je lui ai aussi dit où nous en sommes. Je sais qu'il s'est montré intéressé par d'autres amendements, mais je lui ai expliqué que ces autres amendements seraient vraiment problématiques, et il a convenu qu'il appuyait le projet de loi, même sans eux.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Wetston : Merci d'être là aujourd'hui. Je vous remercie de vos observations.

Je vais dire quelque chose de très général, mais je veux quand même que vous me disiez ce que vous en pensez. Je vis à Toronto. Je suis un sénateur de Toronto, comme l'est le sénateur Eggleton, et je comprends ce que vous essayez d'accomplir.

En tant que résidant de cette formidable ville canadienne qu'est Toronto, je peux voir qu'il y a d'incroyables avantages et certains désavantages. Du côté des désavantages, on pourrait parler du transport en commun, de la cohue, de l'accessibilité, du bruit ou de l'impossibilité d'avoir accès à la nature. Je crois que c'est une question très importante. Tous les habitants de Toronto ou du Grand Toronto n'ont pas un chalet, un accès à un lac, la possibilité d'aller marcher dans les bois, de respirer de l'air pur et de profiter des grands espaces. Je n'essaie pas de faire un discours, non, mais je veux que vous compreniez bien sur quoi se fonde ma réflexion. Au final, je n'aurai qu'une question.

J'ai grandi sur l'île du Cap-Breton. En tout temps, j'avais accès à la nature en dedans de 10 minutes, alors je sais à quel point la nature est importante. J'appuie à fond ce que vous essayez de faire. Je crois que c'est quelque chose de très important, et je salue tout particulièrement cette idée de parc urbain dans la région du Grand Toronto.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur ce qui vous a motivée à appuyer et à faire avancer cette initiative?

Deuxièmement, pouvez-vous nous donner une idée des aspects financiers entourant le parc urbain national de la Rouge? J'aimerais comprendre un peu mieux de quoi il retourne parce que, jusqu'ici, je n'ai pas vu grand-chose à ce sujet.

Mme McKenna : Merci beaucoup. Votre intervention ne manquait pas de poésie et elle était assurément fidèle à ce que je ressens à l'égard des parcs.

Lorsque j'ai hérité de ce dossier, des conservateurs sont venus me voir pour me dire : « Nous pouvons mener ce projet à terme. Comme nouveau gouvernement, vous ne traînez rien derrière vous. Pourquoi n'essaieriez-vous pas de réaliser cela? »

Je suis de ceux qui croient qu'il est très important de profiter de la nature. Je suis de Hamilton. Je ne pense pas que les gens pensent nécessairement à la nature lorsqu'ils pensent à Hamilton, mais, comme vous, j'ai aussi habité à Toronto. J'allais à l'Université de Toronto et j'ai rencontré beaucoup de jeunes, en particulier, qui n'avaient jamais eu la chance d'aller dans un parc. Alors, lorsque j'ai entendu parler du parc urbain national de la Rouge et que j'ai eu la chance d'y faire une visite, j'ai été renversée. Je me disais qu'il fallait être créatif et fournir aux gens des occasions d'aller dans les parcs.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, lorsque vous mettez les pieds dans un parc, vous commencez à comprendre et à aimer la beauté naturelle du Canada. Pour 2017, quel plus beau cadeau pourrait-on offrir que celui d'agrandir le parc national urbain de la Rouge? Comme je l'ai dit, sept millions de Canadiens vivent à moins d'une heure de transport en commun de ce parc. Il s'agit d'un endroit accessible et abordable, d'un endroit formidable pour passer la journée. Il ne fait donc aucun doute que ce sont des aspects auxquels j'ai pensé.

En ce qui concerne les aspects financiers, je ne suis pas certaine de bien comprendre. Parlez-vous du montant d'argent qu'il faudra engager pour appuyer l'agrandissement du parc? Si c'est le cas, je peux vous fournir cette information. Il y aura un investissement de 170 millions de dollars sur 10 ans, investissement auquel s'ajoutera une somme de 10 millions de dollars par la suite.

C'est une chose un peu étrange que d'avoir la responsabilité des parcs, car, d'une certaine façon, les parcs coûtent de l'argent. Les gens ne semblent pas se rendre compte que je suis, je crois, la troisième détentrice d'actif en importance du gouvernement — on parle ici de tronçons de la Transcanadienne, de ponts, de canaux. L'entretien de ces actifs coûte beaucoup d'argent. L'entretien des parcs est coûteux, mais les avantages qu'on en retire sont bien plus importants que les montants qu'on y consacre.

Au chapitre des aspects économiques concrets, on peut penser aux collectivités qui sont aux portes d'entrée. De nombreux parcs ont des collectivités autochtones dans leur voisinage et pour ces collectivités, le parc est le seul levier économique disponible. Sans lui, pas de revenus, pas de petites entreprises. Il y a quand même des avantages qui vont au-delà de cela. Il y a des avantages sur le plan de la santé. Il y a des avantages liés à l'atténuation des changements climatiques et à l'adaptation à ces changements. J'essaie de voir comment nous pourrions faire mieux pour rendre compte de la vraie valeur des parcs.

Si ce sont les chiffres qui vous intéressent, il y a les dollars et les cents. Ce n'est pas très gentil de dire cela. Je suis une avocate, alors je peux me permettre de dire des choses comme celle-là. Or, les parcs ont une valeur plus vaste, celle que l'on voit lorsque l'on tient compte de ce qui est important pour les gens.

Nous avons maintenant des choses comme des marches pour les patients qui ont des problèmes de santé mentale. Le fait de pouvoir aller faire un tour dans la nature contribue de façon énorme à garder les gens à l'extérieur des hôpitaux. J'essaie de réfléchir de manière plus stratégique, car je dois parler des avantages globaux des parcs au ministre des Finances. Il convient en effet de souligner qu'à certains égards, nous sommes très chanceux comme pays.

[Français]

La sénatrice Galvez : Il est difficile d'être en désaccord avec ce projet de loi. Il est tellement parfait. Je vous félicite. Cela fait partie de vos projets et cela deviendra une réalité. C'est définitivement tout un défi de rasembler autour de la table ces différents participants dont les intérêts se font concurrence.

Je n'ai pas de question à vous poser, mais j'ai plutôt un commentaire en ce qui a trait à la maintenance.

[Traduction]

Il concerne la façon dont les gens vont se comprendre entre eux avec le temps. Les Autochtones ont leurs activités. Je ne sais pas s'ils vont être contents de recevoir sept millions de personnes de la ville, mais ils vont évoluer, s'adapter.

J'aimerais savoir si vous avez pensé à un modèle de recherche pour essayer de comprendre les effets de cette coexistence des exploitations agricoles et des peuples autochtones, mais aussi les interactions avec ces citadins et tous les effets bénéfiques que ces relations pourraient avoir. Par la suite, vous pourrez placer les chiffres au bon endroit et répondre ainsi aux questions de certains sénateurs.

[Français]

Mme McKenna : Il y a peut-être des intérêts qui sont en compétition, mais, comme je l'ai constaté, quand tout le monde se rassemble et se parle, chacun voit de quelle façon il peut faire partie du parc. Par exemple, je sais que vous êtes passionnée par les peuples autochtones. Comme je l'ai dit, il y avait une présentation des artéfacts des Hurons- Wendat, et on s'est demandé comment on pouvait présenter une exposition permanente afin de relater l'histoire de ce peuple. C'est Jane Philpott qui en a fait la demande au Musée canadien de l'histoire.

Je crois qu'il y a un grand intérêt à parler d'une partie de notre histoire qu'on ne connaît pas. Je pense qu'on a des idées pour la promotion de la communauté agricole, et il est certain qu'avec les environnementalistes, on pourrait organiser plus de manifestations et favoriser la restauration de zones humides. C'est une occasion rêvée de faire beaucoup de projets ensemble.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Soyez la bienvenue, madame la ministre.

Comme vous le savez, nous parlons d'un projet de loi dont notre comité a déjà été saisi. J'aimerais revenir à la question du sénateur Patterson concernant l'intégrité écologique du parc et la définition de cette notion d'« intégrité écologique ». Il peut sembler étrange que nous ayons eu, il y a seulement quelques années, une ministre de l'environnement qui disait qu'en ce qui concerne nos parcs nationaux, le concept d'intégrité écologique était tout simplement inatteignable dans un contexte urbain, alors que vous affirmez au contraire que cela est très possible.

L'intégrité écologique renvoie à la notion selon laquelle il faut laisser les processus écologiques comme les feux de forêt, les inondations et les infestations de ravageurs suivre leur cours naturel, ce qui, dans un contexte urbain, n'est ni souhaitable ni réaliste. Si j'étais agriculteur et que je vivais dans ces environs, ma plus grande crainte serait un feu de forêt. Un tel feu sera-t-il combattu ou serons-nous tenus d'adhérer aux lignes directrices de l'intégrité écologique?

Avez-vous modifié les règles du jeu pour faire en sorte qu'un feu de forêt pourrait être combattu dans un contexte d'intégrité écologique? Si c'est le cas, comment ces règles ont-elles été modifiées? Si ce n'est pas le cas et si ce projet de loi était adopté, va-t-on se soucier des assurances des personnes qui vivent dans ce contexte urbain?

Mme McKenna : Merci beaucoup. Je ne peux pas parler pour l'ancienne ministre. J'ai constamment des dossiers difficiles qui me demandent de trouver un équilibre. Je crois qu'en ce qui concerne celui des changements climatiques, nous avons montré que nous sommes capables de rassembler les gens.

Pour ce qui est de l'élément agricole, je ne vois pas en quoi il pourrait y avoir de problème. Je crois en effet que les agriculteurs ont toujours été de très bons intendants des terres. Comme ils œuvrent dans la production d'aliments, ils veulent des environnements sains et naturels. Ils veulent protéger leurs animaux. Il existe des façons de travailler en collaboration avec eux pour concrétiser les conditions écologiques qu'ils souhaitent.

Sachez qu'il y a de nombreux parcs nationaux où il n'y a pas de feux de forêt. Le parc national de l'Île-du-Prince- Édouard en est un exemple.

Je crois que nous avons une occasion de travailler en collaboration avec les agriculteurs et de bien comprendre leur situation là-bas. Comme je l'ai dit, ils étaient assujettis à des baux d'un an, alors ils ne pouvaient même pas emprunter. C'était une situation très difficile. Je crois donc que c'est une approche très accommodante.

Daniel, je ne crois pas qu'il reste beaucoup de temps, mais est-ce que vous aimeriez dire quelque chose au sujet des feux de forêt?

Daniel Watson, chef de la direction, Agence Parcs Canada : Par exemple, récemment, il y a eu un feu de forêt au parc national de la Pointe-Pelée — et le libellé de la loi concernant ce parc est pratiquement le même que celui du projet de loi C-18. Nous sommes donc sortis presque immédiatement pour le combattre, ou du moins, pour repousser tout ce qui aurait pu menacer des gens ou des propriétés d'une certaine importance. Si de telles conditions survenaient, nous combattrions l'incendie.

Mme McKenna : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que les agriculteurs nous appuient dans ce que nous faisons. Ils voient cela d'un bon œil. Je crois que le fait d'avoir travaillé avec eux leur fournit la certitude dont ils ont besoin. Ils font confiance aux gens de l'Agence Parcs Canada.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre présence. J'ai appris tout récemment que vous êtes ma députée. Enfin, cela aurait été le cas si j'avais vécu à Ottawa en permanence, mais nous, les sénateurs de l'Île-du-Prince- Édouard, nous vivons à l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme McKenna : J'espère qu'on ne me demande pas de me prononcer là-dessus.

La sénatrice Griffin : Il y a un an et demi, j'ai visité le parc de la Rouge. J'étais très contente d'avoir cette possibilité. Je suis ravie de voir ce projet de loi et je suis contente de voir qu'il s'est rendu jusqu'à notre comité.

Lorsque je faisais partie du conseil d'administration de Nature Canada, le conseil se questionnait sur la préservation de l'intégrité écologique et sur ce que cela signifiait pour le reste du réseau des parcs. À ce moment-là, la grande question était de savoir si cela allait affaiblir le contexte de l'intégrité écologique dans le reste du réseau canadien des parcs nationaux. Je suis heureuse de voir que vous avez réglé cette question, et j'espère que vous êtes d'avis que cela s'est fait adéquatement.

Mme McKenna : Je ne le recommanderais pas si je n'étais pas convaincue que la question a été réglée adéquatement.

Tous nos parcs sont différents. Nous avons des parcs en région montagneuse, et ces parcs ont des pentes de ski. Je crois qu'il faut s'adapter à différentes circonstances tout en tenant compte du caractère prépondérant de l'intégrité écologique. Dans cette optique, les plans de gestion permettent de mettre au point des solutions pour préserver l'intégrité écologique en fonction des attributs particuliers de chaque parc.

La sénatrice Griffin : Merci. C'est du beau travail.

Le vice-président : Madame la ministre, pouvez-vous nous accorder cinq minutes additionnelles?

Mme McKenna : Bien sûr, pourvu que je ne rate pas le vote, car cela pourrait me causer de gros ennuis auprès du premier ministre.

Le vice-président : Dans certaines lettres que nous avons reçues de personnes qui souhaitent que ces amendements soient apportés, on fait référence aux fermes — il y a aussi des résidences — qui sont habitées par des amis de la famille, des amis de la province, en d'autres mots, par des initiés. Les loyers que ces gens paient sont inférieurs à ceux du marché, ce qui, bien sûr, n'est pas juste. Les gens qui nous écrivent ne croient pas que cela est approprié. Je ne suis pas convaincu que ce soit une question de jalousie. Quoi qu'il en soit, ils nous font part des montants payés à l'acre, et il ne semble pas que ces montants soient inférieurs aux prix courants. Je sais qu'il s'agissait de locations d'un an. Pouvez- vous nous dire un mot à ce sujet? Y a-t-il lieu de creuser ou doit-on prendre cela comme le fait d'une personne qui serait mécontente de la situation?

Mme McKenna : Je vais renvoyer cette question à Daniel.

M. Watson : Nous travaillons de très près avec tous les locataires. À la fin de ce processus, il y aura plus de 400 baux. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux. De toute évidence, il est très important pour nous de veiller à avoir les loyers appropriés. Assurément, là où les propriétés seront transférées, les gens se retrouveront avec un propriétaire fédéral. C'est la raison pour laquelle nous passons tant de temps là-dessus; nous voulons nous assurer que nos loyers seront les bons.

Le vice-président : Par conséquent, et malgré le bail de 30 ans dont vous avez parlé tout à l'heure, vous allez nous garantir que le loyer qu'ils paieront sera celui du marché. Vous êtes convaincus que ce loyer sera équitable et que personne ne bénéficiera de traitement de faveur.

M. Watson : Je peux vous assurer à cet égard qu'il n'y aura aucun traitement de faveur pour qui que ce soit.

Le vice-président : La dernière question échoit au sénateur Eggleton.

Madame la ministre, vous avez dit quelque chose tout à l'heure, et je dois vous mettre en garde : vous avez affaire à un professionnel des chiffres puisqu'il est comptable général accrédité.

Mme McKenna : N'oubliez pas, j'ai dit que j'étais avocate.

Le sénateur Eggleton : Me permettez-vous de poser une autre question?

Le vice-président : Oui, deuxième tour.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais simplement m'attarder sur l'aspect politique des choses.

Jim Robb avait demandé un amendement précis, soit le paragraphe 6(3). Le paragraphe (1), qui porte sur l'intégrité écologique, vise à appuyer et à renforcer la mise en œuvre des plans de conservation existants de la Ceinture de verdure de l'Ontario, de la moraine d'Oak Ridges, du parc de la Rouge et des bassins hydrographiques en Ontario. Brad Duguid y a fait allusion dans sa lettre, mais à titre de député provincial, et non de ministre, parce que c'est Chiarelli qui est ministre.

Chiarelli dit vers la fin de sa lettre : « J'aimerais porter à votre attention, au cas où vous ne seriez pas au courant, que l'Ontario a entrepris un examen coordonné des plans d'aménagement du territoire de la région élargie du Golden Horseshoe, du Plan de la ceinture de verdure et du Plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges. Les détails sur le processus de consultation de l'Ontario concernant l'examen des plans d'aménagement du territoire et les changements proposés à ces plans se trouvent à l'adresse... », puis il indique le site web.

J'ai l'impression qu'il s'agit d'une situation changeante et qu'à en croire cette recommandation, nous ne sommes pas sûrs de comprendre ce qu'il demande. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?

Mme McKenna : En ce qui a trait à l'amendement proposé, je pense qu'il y a deux facteurs à considérer. Premièrement, et j'en ai déjà parlé, je pense que cela nuirait vraiment à la collaboration que nous avons instaurée entre les environnementalistes et les collectivités agricoles.

Selon nous, cela affaiblirait également le principe de l'intégrité écologique. Nous avons maintenant des renvois dans les amendements qui assurent une plus grande certitude quant à ce principe. Comme nous l'avons déjà dit, c'est un principe utilisé dans nos parcs nationaux. Il est chargé d'un certain sens, et nous estimons que le fait d'intégrer, dans une loi fédérale, des renvois à des politiques provinciales réduit la clarté que nous nous efforçons de dégager dans la définition d'intégrité écologique. Bref, cette priorité devient ainsi moins marquée.

[Français]

Le vice-président : Madame la ministre, je pense que vous devez nous quitter. Merci, madame la ministre.

Nous enchaînons maintenant avec la deuxième partie de la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Bienvenue à tous. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-18 en compagnie des représentants de l'Agence Parcs Canada, qui répondront à nos questions.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup. Je suis heureux que les fonctionnaires soient des nôtres. J'ai d'ailleurs rencontré récemment Pam Veinotte, qui m'a fait visiter le parc dans son état actuel et qui m'a parlé de certains des plans. Je suis ravi qu'elle soit là. J'ai l'impression qu'elle connaît chaque brin d'herbe sur les lieux; en tout cas, c'est un sujet qui la passionne beaucoup.

Je suis désolé de vous mettre sur la sellette, mais il fallait que je le dise.

Quelle est, au juste, la superficie du parc? Depuis un certain temps, les gens de la région parlent d'environ 100 kilomètres carrés. Donnez-moi la dimension actuelle et dites-moi quelle en sera la superficie après les ajouts de la province. Au bout du compte, que prévoyez-vous comme superficie supplémentaire?

Dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai utilisé une série de chiffres, et j'espère que l'information était exacte. J'ai dit que le parc urbain national de la Rouge sera 19 fois plus grand que le parc Stanley — croyez-le ou non —, 22 fois plus grand que Central Park, à New York, et 50 fois plus grand que High Park, dans ma ville. Dites-moi, ces chiffres sont-ils tous valables?

M. Watson : Je peux vous assurer que le sénateur est très bien renseigné et que ce sont là les chiffres exacts. Au 31 mars, le parc avait une superficie de 19,1 kilomètres carrés et, après le transfert de terres fédérales, au 1er avril, sa superficie a doublé, en passant à près de 39 kilomètres carrés. Avec l'ajout des terres dont nous parlons, ce qui sera possible après l'adoption de ces amendements et notre collaboration avec les représentants de la province de l'Ontario, comme ils l'ont indiqué, nous passerons à 79,1 kilomètres carrés. Comme vous l'avez signalé, ce sera 22 fois plus grand que Central Park et 50 fois plus grand que High Park, à Toronto. Par contre, je ne suis pas sûr en ce qui concerne le parc Stanley.

Le sénateur Wetston : J'ai quelques questions au sujet des baux. Combien y en aura-t-il, avez-vous dit, pour le parc de la Rouge?

M. Watson : Nous estimons qu'il en aura environ 400.

Le sénateur Wetston : Je ne vous demande pas de nous parler de la négociation de ces baux, mais sont-ils établis selon la juste valeur marchande? À combien se chiffrent-ils, de façon générale? Quelle approche adoptez-vous à cet égard?

M. Watson : Eh bien, chose certaine, nous examinons s'il y a un rendement équitable pour les Canadiens, étant donné que ces parcs seront des actifs détenus pour le compte des Canadiens. Nous examinons les exigences relatives au parc. Nous voulons une collectivité agricole viable au sein du parc; donc, l'établissement des prix doit tenir compte de ces facteurs. Il s'agit de trouver le juste milieu entre ce qui est équitable pour le compte des Canadiens et ce qui permet une exploitation agricole viable sur le plan économique. Pour revenir à une question précédente, nous n'accorderons aucune faveur ni aucun avantage.

Le sénateur Wetston : Qu'en est-il des exploitations non agricoles, comme les hôtels, les centres de villégiature et d'autres établissements qui pourraient être situés sur d'autres zones du parc. Trouve-t-on de telles installations?

M. Watson : Non, pas dans le parc urbain national de la Rouge.

Le sénateur Wetston : Qu'en est-il des autres parcs?

M. Watson : Dans les autres parcs, les gens ont peut-être entendu parler des lieux emblématiques situés dans les montagnes. Ces installations sont là. Certaines d'entre elles sont le résultat d'ententes historiques qui remontent très loin; d'autres sont plus récentes. Si vous avez déjà vu Jasper, Banff ou d'autres endroits de ce genre, il y a une panoplie d'installations.

Le vice-président : Je vais enchaîner avec une question complémentaire. Je crois que dans le parc de la Rouge, il y a des résidences et des terres agricoles. Ai-je raison?

Pam Veinotte, directrice d'unité de gestion, Parc urbain national de la Rouge, Agence Parcs Canada : Il y a une gamme d'exploitations agricoles. Certaines personnes vivent dans des résidences louées dans le parc de la Rouge. Un des objectifs est de prévoir une zone résidentielle. C'est l'une des beautés d'un endroit comme le parc de la Rouge : on peut vivre dans une collectivité dynamique, empreinte d'un esprit communautaire rural auquel on tient vraiment.

Nous avons conclu également quelques baux commerciaux. Il s'agit de petites exploitations, comme une pension pour chien et d'autres choses de ce genre. Il y a également un camp de vacances pour enfants.

Le vice-président : Disons que vous avez une maison. Comment vous y prenez-vous pour déterminer le loyer? Faites- vous évaluer la maison pour en établir la valeur?

Mme Veinotte : Évidemment, nous n'avons pas encore mis au point tous les détails, comme Daniel l'a dit, mais selon la pratique courante, nous utilisons également l'indice des prix à la consommation au Canada pour nous aider à déterminer la hausse appropriée des loyers au fur et à mesure du renouvellement des baux.

Le vice-président : Disons qu'une maison vaut 500 000 $. Quel serait le loyer?

Mme Veinotte : Je ne saurai vous le dire en ce moment. N'oubliez pas que nous sommes en train de reprendre les baux de tous les propriétaires. Il s'agit de baux en provenance des différents paliers de gouvernement.

Quelqu'un a parlé de complexité. Justement, une des complexités est de transférer les baux actuels à la structure fédérale et conformément aux politiques uniformes de Parcs Canada, mais nous examinons cet aspect de très près dans le cas du parc de la Rouge.

Tous ces détails ne sont pas encore réglés, mais pour l'instant, nous nous concentrons évidemment sur le transfert des terrains et nous nous assurons que toutes ces résidences et exploitations agricoles sont prises en compte. Ensuite, nous serons à même de finaliser notre stratégie et de commencer à mettre en œuvre les baux en les transférant à Parcs Canada sous forme de baux fédéraux.

Le vice-président : Je suppose que certaines personnes trouveront le loyer déraisonnable et s'y opposeront; alors, elles plieront bagage, n'est-ce pas? Cette éventualité vous préoccupe-t-elle?

Mme Veinotte : Eh bien, si vous parlez des baux résidentiels...

Le vice-président : Ou des terres agricoles.

Mme Veinotte : Certains agriculteurs et leur famille occupent ces terrains depuis des générations. En ce qui concerne les baux résidentiels...

Le vice-président : Même les agriculteurs louent ces terres. Ai-je raison?

Mme Veinotte : Il y a surtout des locataires sur les exploitations agricoles. On trouve quelques exploitations agricoles privées à l'extérieur des limites du parc.

Quant au groupe résidentiel, c'est assez varié. On y trouve, comme c'est le cas dans bien des endroits, des gens qui ont accepté un bail annuel et qui sont là depuis un certain temps. Il y en a d'autres qui viennent et repartent. Nous verrons la même variété à l'avenir aussi, surtout en ce qui a trait aux baux résidentiels.

Le sénateur Patterson : La dernière fois que nous avons étudié ce dossier, nous avons eu un grand débat sur l'intégrité écologique. Bien entendu, tout le monde est en faveur de la création de ce parc, et on veut tous que cela fonctionne. À l'heure actuelle, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge oblige la ministre à prendre en considération la santé des écosystèmes dans le cadre de la gestion du parc. C'est ce qui a été adopté. Cette exigence est en place.

Maintenant, le projet de loi C-18 propose — et il s'agit là d'une obligation de la ministre — de faire en sorte que la préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques soient la première priorité de la ministre pour tous les aspects de la gestion du parc.

Pourriez-vous m'aider à comprendre cela? Quelle est la différence entre la protection de la santé des écosystèmes, comme l'exige la loi actuelle, et le rétablissement de l'intégrité écologique comme première priorité? Et comment cela changera-t-il la gestion du parc?

M. Watson : Merci beaucoup de la question.

Évidemment, pour interpréter la loi, il faut la lire en entier. Elle comporte trois éléments, et il y a aussi une quatrième partie qui pourrait aider à répondre à votre question.

Dans le premier cas, nous devons lire le préambule de la loi, ce qui est assez crucial. Il y est précisément question d'agriculture, et on y apprend que l'objectif de la loi est d'encourager la mise en œuvre de pratiques agricoles durables. Cette mention figure à l'avant-dernier paragraphe du préambule, qui donne le ton pour le reste du projet de loi.

L'objet de la loi est énoncé à l'article 4. C'est là un autre élément crucial, qui porte sur la création du parc. Aux termes de cette disposition, le parc urbain national de la Rouge « est créé [...] afin de protéger et de mettre en valeur, pour les générations actuelles et futures, le paysage diversifié et le patrimoine naturel et culturel du parc, de favoriser le dynamisme des collectivités agricoles... ». J'ai choisi des petits bouts, par souci de brièveté, mais il faut lire la loi dans son intégralité à la lumière de ces deux éléments.

Deux autres dispositions législatives sont importantes. L'article 13 précise que la ministre a le pouvoir d'établir des baux. L'article 19 prévoit explicitement que rien dans les deux dispositions précédentes, qui imposent des limites, ne peut empêcher la ministre de contracter des baux à des fins agricoles.

En plus de ces mesures, pour la première fois, des baux d'une durée de 30 ans seront mis à la disposition des personnes qui sont là depuis une génération. La présence de ces quatre éléments dans la loi — c'est-à-dire le fait que les baux annuels seront remplacés par des baux d'une durée de 30 ans et que la zone que nous serons en mesure de protéger grâce à toutes ces activités sera presque quatre fois plus grande que la superficie initiale, il y a à peine quelques mois — sera un progrès important pour tous les intéressés, tant pour ceux qui militent en faveur de la protection des écosystèmes que ceux qui veulent maintenir une collectivité agricole dans le parc.

Le sénateur Patterson : Voici où je veux en venir. La santé des écosystèmes est une exigence imposée à la ministre : il faut prendre en considération la santé des écosystèmes du parc dans le cadre de la gestion du parc. J'appelle cela la « santé des écosystèmes ». Ensuite, la ministre est tenue de faire de la préservation ou du rétablissement de l'intégrité écologique la première priorité.

Quelle est la différence entre la santé des écosystèmes et l'intégrité écologique, et comment ces deux notions interagissent-elles l'une avec l'autre? Cela va-t-il modifier la gestion du parc?

M. Watson : Le projet de loi fera en sorte que, parmi les nombreux facteurs que la ministre doit prendre en considération — et le projet de loi ne dit pas que c'est le seul élément à prendre en considération, mais plutôt le premier. D'ailleurs, le reste du texte législatif précise qu'il faudra tenir compte des mêmes types de facteurs qu'avant.

Le premier facteur à considérer serait l'intégrité écologique, mais cela n'élimine pas l'exigence de prendre les mesures prévues dans le reste de la loi. Le processus de planification de gestion est solide dans l'ensemble du réseau des parcs nationaux. Il le sera aussi dans le réseau du parc urbain national de la Rouge. En fait, ce libellé rendrait le tout conforme à ce que nous avons fait d'un bout à l'autre du pays, de Quttinirpaaq dans le Grand Nord à Gwaii Haanas dans la région du Pacifique, en passant par l'île de Sable dans la région de l'Atlantique, et partout ailleurs.

Le vice-président : Je voudrais poser une question supplémentaire sur le même sujet, si vous me le permettez. Nous nous posons tous la même question. Nous utilisons deux mots : intégrité écologique. S'agit-il d'une expression définie? J'ai vérifié sur Google. Je n'ai rien trouvé de précis. Y a-t-il une certaine définition convenue dans la Loi sur l'Agence Parcs Canada?

M. Watson : Je vais céder la parole à ma collègue, parce qu'elle a trouvé la disposition précise.

Le vice-président : C'est dans la liste des définitions énoncées dans le projet de loi.

Mme Veinotte : Voilà. Le projet de loi C-18 ajoute la définition d'« intégrité écologique » à l'article d'interprétation de la loi.

C'est une expression qui a été définie. Elle figure dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada, plus précisément au paragraphe 8(2). Le projet de loi permettrait d'ajouter cette définition à l'article 2 de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge. C'est une terminologie généralement admise et couramment utilisée.

Comme la ministre et Daniel l'ont dit, cela permet d'uniformiser la définition. Cela donne une directive claire à la ministre et à nous, les employés de Parcs Canada qui assurent la gestion du parc.

Le vice-président : Je vais lire la définition d'intégrité écologique, à titre d'information :

L'état du parc jugé caractéristique de la région naturelle dont il fait partie et qui sera vraisemblablement maintenu, notamment les éléments abiotiques, la composition et l'abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques ainsi que le rythme des changements et le maintien des processus écologiques.

Qu'est-ce que cela signifie? Parfois, je me demande si les gens ne s'entendent pas parce qu'ils ne sont pas certains de ce que cela veut dire.

M. Watson : Ce que je peux dire, c'est que le libellé est identique à celui de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, sauf qu'il a été modifié pour s'appliquer uniquement au parc de la Rouge dans ce projet de loi. C'est une notion qui a été soumise à l'épreuve des tribunaux au fil du temps et pour laquelle nous avons mis en place un régime complet.

Comme dans le cas d'autres lois, nous élaborerons, avec le temps, des critères qui délimiteront cette définition. Je me trompe peut-être, mais je crois que cette notion remonte jusqu'aux années 1930. Il s'agit d'une très vieille mesure législative.

Le vice-président : Aux yeux des experts, il s'agit d'une expression définie, ayant un sens précis?

M. Watson : C'est certainement le cas dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question complémentaire à poser au sujet de la définition. Le sénateur Patterson a souligné que, dans le projet de loi précédent, on utilise l'expression « prend en considération ». Or, le verbe « prendre en considération » ne correspond pas vraiment au degré de priorité prévu dans l'actuel projet de loi. « Prendre en considération » signifie que vous devez tenir compte d'un aspect parmi tant d'autres et que vous pouvez refuser d'en faire une priorité. C'est une simple considération; n'est-ce pas là, au fond, de quoi il retourne? Cela permet-il d'accorder une plus grande priorité?

M. Watson : Cela signifie que, sur la liste des enjeux que la ministre devrait prendre en considération, le premier élément devrait être l'intégrité écologique. Cela n'empêche pas la ministre d'être tenue de remplir ses autres obligations en vertu de la loi.

Le sénateur Eggleton : De plus, le fait qu'on ne lui accordait pas la priorité représentait une pierre d'achoppement pour la province, à laquelle s'ajoutait celle de s'approprier une aire de 44 kilomètres carrés.

Le sénateur Lang : J'aimerais passer à un autre sujet, à savoir l'établissement du « Compte des nouveaux parcs et lieux historiques », proposé pour les nouveaux lieux patrimoniaux protégés.

Un rapport d'audit interne ayant trait aux voies navigables de l'Ontario vient d'être publié. Je pense que vous connaissez l'existence de ce rapport parce que vous avez ordonné que cet audit interne soit effectué.

Je pose la question pour deux raisons. Vous pourriez peut-être formuler des observations sur les résultats de cette vérification. Par ailleurs, quelles mesures prenez-vous pour vous assurer que les problèmes observés ne surviendront pas en ce qui concerne le compte que nous établissons?

Pour l'édification de tous, je vous informe qu'aux pages 14 et 15 du rapport de l'audit interne, l'équipe d'auditeurs a observé 35 contrats non conformes sur 68 :

[. . .] contrats ont été identifiés dans le système financier STAR comme compétitif alors que nous n'avons retracé aucune évidence étayant le tout.

En outre, les auditeurs n'ont « pu trouver des évidences de compétition au dossier en ce qui concerne 13 contrats identifiés comme compétitifs » et 52,9 p. 100 des contrats ont donc été établis après le fait au fin de paiement.

J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi cela se produit et quelles mesures vous prenez pour changer cela. Pouvez-vous nous assurer que cela ne se produira pas si nous établissons ce compte?

M. Watson : Je suis heureux d'en parler. Il s'agit d'un audit que j'ai demandé — ou, du moins, que mon bureau a demandé. Je pense que c'est mon prédécesseur qui a déclenché le processus. Toutefois, j'ai été ravi d'obtenir ces résultats. Nous avons demandé ces vérifications pour nous assurer que nous maintenions le cap et que, si des erreurs existaient, nous étions en mesure de les rectifier. Nous en avons trouvé un certain nombre qu'il nous a fallu gérer.

J'ai été réconforté par le fait que, dans bon nombre de cas, ce qui s'était produit, c'est que les gens avaient simplement omis d'inscrire les renseignements sur les dossiers dont ils disposaient, alors que, dans d'autres cas, ils ne l'avaient pas fait. Certaines des questions qui ont été soulevées à propos des contrats concernaient des endroits où nous demandions à des gens de tondre le gazon autour des écluses, sans que les contrats aient été conclus au moment où ils accomplissaient le travail. Nous avons donc passé ces problèmes en revue avant d'y remédier.

Le compte en question était d'un genre très différent de celui qui nous occupe. Dans le bon vieux temps, si je peux me permettre d'employer cette expression, nous créions le parc en entier, puis nous l'ouvrions dès qu'il était tout à fait prêt.

Nous possédons aujourd'hui un certain nombre de parcs pour lesquels il nous faudra pas mal de temps avant d'avoir fini de réunir toutes les terres. Le parc national des prairies en est un bon exemple : pour créer le parc, nous avons réuni un certain nombre de terres, mais nous savions que nous souhaitions en acheter d'autres afin d'être en mesure de protéger une aire d'une plus grande superficie.

La façon dont le compte a été conçu à l'origine partait du principe selon lequel vous faisiez le nécessaire pour vous procurer toutes les terres dont vous aviez besoin, puis vous ouvriez le parc, dont les opérations étaient à un stade distinct.

Une fois que le parc est ouvert, vous ne pouvez plus utiliser le compte d'établissement des parcs pour acheter de nouvelles terres. Je comparerais cela à un interrupteur marche-arrêt, par opposition à un gradateur. Le compte dont nous disposons aujourd'hui est un interrupteur marche-arrêt. Après l'ouverture du parc, il n'est plus possible d'utiliser le compte d'établissement des parcs pour faire l'acquisition de nouvelles terres.

Nous allons passer à un gradateur, ce qui veut dire que, tant que nous achetons des terres pour accroître la superficie du parc, nous pouvons utiliser le compte d'établissement des parcs. On ne peut pas se servir du compte pour les opérations régulières; on ne peut l'employer que pour établir de nouvelles parties d'un parc.

Le sénateur Lang : Il y a deux aspects à prendre en considération en ce moment : la comptabilité et la question de responsabilisation. Quelles mesures votre organisme prend-il pour veiller à ce que ce genre de problèmes ne se reproduise pas?

M. Watson : Je le répète, les types de contrats qui étaient mentionnés dans l'audit sur la gestion des voies navigables diffèrent de ceux dont il est question ici. Et il s'agit de différents types d'ententes. Dans le cas présent, nous achèterions des terres pour établir des parcs. Il ne s'agit pas d'un contrat de service ou de construction du genre de ceux qui seraient négociés pour la gestion des voies navigables.

En ce qui concerne l'audit sur la gestion des voies navigables, mon dirigeant principal des finances et moi avons établi quelques directives très claires. Un de mes vice-présidents est responsable de la plupart de ces projets majeurs. Il a élaboré une série de directives et des cours de formation à l'intention des membres du personnel qui doivent les passer en revue afin de s'assurer qu'ils comprennent clairement leurs responsabilités. Nous avons eu une conversation longue et fructueuse à ce sujet à la table de l'exécutif de gestion afin de veiller à ce que chaque secteur de l'organisme connaisse à fond leurs responsabilités.

Le sénateur Lang : Et ce, dans l'ensemble de Parcs Canada?

M. Watson : Dans l'ensemble de l'organisme.

Le vice-président : Lorsqu'on lit le rapport du vérificateur général — je sais que nous ne participons pas personnellement au processus et que les auditeurs sont toujours à la recherche d'une perfection inexistante —, il ne nous donne pas une bonne impression de l'engagement de votre administration. Il y a beaucoup de travail bâclé : des accords non datés ou datés après le fait, des documents signés après la fin du contrat, et cetera.

Je sais que ce rapport est différent, mais si une culture de négligence existe, nous devons nous assurer d'y mettre un terme. Je suppose que vous dites en ce moment que vous allez le faire, mais le message doit être exprimé clairement de manière à ce que ces problèmes ne surviennent pas de nouveau, parce que cela paraît mal.

M. Watson : Vous exprimez cela d'une façon beaucoup plus diplomatique que je l'ai fait dans mon procès-verbal.

Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous fournir les directives que vous avez données en vue de rectifier la situation? La situation est préoccupante.

Lorsque vous êtes originaire d'une petite collectivité et que vous commencez à attribuer des contrats à des fournisseurs exclusifs, cela peut entraîner une importante interaction sociale au sein de la collectivité. À moins que ce soit absolument nécessaire, je vous recommanderais fortement de vous assurer que le système en place est ouvert et transparent afin que les règles du jeu soient connues de tous.

[Français]

Le vice-président : Monsieur Watson, madame Veinotte, madame Grasham, merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui. Cela nous a permis d'avoir des réponses à nos questions. Comme vous avez pu le constater, nous étions curieux et nous avions plusieurs questions. Je pense que vous avez fait votre travail, alors merci encore une fois. Étant donné qu'il n'y a pas d'autres questions, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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