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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 27 - Témoignages du 18 mai 2017


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada, se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour examiner ce projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld, sénateur de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité.

Je veux souhaiter la bienvenue aux personnes ici présentes et à tous ceux qui nous regardent à la télévision ou en ligne aux quatre coins du pays. Je rappelle à ces derniers que les séances du comité sont ouvertes au public et sont également diffusées en ligne sur le nouveau site du Sénat à l'adresse sencanada.ca. Tous les renseignements relatifs aux travaux du comité, comme les rapports antérieurs, les projets de loi étudiés et la liste des témoins, s'y trouvent également.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter. Je commencerai par présenter mon vice-président, le sénateur Massicotte, originaire du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Black : Douglas Black, de l'Alberta.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de Toronto, en Ontario, près de chez vous.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Je voudrais également présenter notre personnel, soit notre greffière, Maxime Fortin, et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.

Chers collègues, le 4 mai, le Sénat a confié à notre comité l'étude du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Aujourd'hui, pour la deuxième séance portant sur cette étude, j'ai le plaisir d'accueillir Mme Janet Sumner, directrice générale, Wildlands League, de la Société pour la nature et les parcs du Canada.

Merci de vous joindre à nous. Je vous demanderais de faire votre exposé, après quoi nous vous poserons quelques questions.

Janet Sumner, directrice générale, Wildlands League, Société pour la nature et les parcs du Canada : Bonjour et merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous dans le cadre de votre examen du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Je suis directrice générale de la Wildlands League de la Société pour la nature et les parcs du Canada, ou SNAP. Je réside aussi à proximité de la rivière Rouge et je mesure en minutes le temps qu'il me faut pour quitter la maison et plonger ma pagaie dans ses eaux.

Le monde est confronté à deux grands défis environnementaux : les changements climatiques et la perte de biodiversité. Nous sommes aux prises avec la sixième extinction de masse de plantes et d'animaux de la planète. On n'a pas assisté à pareille extinction depuis celle des dinosaures. Or, la meilleure manière de lutter contre la perte de biodiversité consiste à créer des aires protégées.

La mission de la Wildlands League de la SNAP vise à protéger de vastes régions reliées de nature sauvage et à veiller à ce que l'aménagement soit bien géré ailleurs. Nous travaillons sur de grands territoires, collaborant avec les gouvernements autochtones, fédéral et provinciaux, ainsi qu'avec les administrations municipales. Nous travaillons également avec des entreprises des secteurs des forêts, de l'exploitation minière et de la production hydroélectrique pour trouver des solutions. C'est notre travail de trouver une solution convenable.

J'ai beaucoup voyagé dans un grand nombre de régions sauvages du pays. J'ai dormi avec des ours polaires et marché au sein d'un troupeau de caribous de la toundra. J'ai transporté en avion des équipes de l'industrie forestière en Alberta, au Manitoba et en Ontario, et j'en suis arrivée à la conclusion que le Canada est absolument magnifique.

Même si la région de la Rouge n'est pas une aire sauvage remarquable, elle abrite 1 700 espèces, dont 23 sont menacées. En protégeant bien cette région, nous protégerons l'habitat de ces espèces et leur permettrons ainsi de prospérer. Il s'agit d'un cadeau, d'un héritage que nous léguons aux enfants de la grande région de Toronto, de Scarborough, de Pickering, de Durham et des régions voisines de la rivière Rouge.

La rivière Rouge fournit un habitat dont ont grandement besoin les papillons monarques qui migrent vers le sud. Qu'on s'intéresse à la buse à épaulettes, au faucon pèlerin ou au noyer cendré, la protection du parc national de la Rouge est un cadeau pour le Canada.

En ce qui concerne le projet de loi C-18 dont vous êtes saisis, je voudrais remercier l'honorable Catherine McKenna et son équipe d'avoir travaillé diligemment afin de trouver des solutions. Cette aire est toutefois le résultat des milliers d'heures de travail accompli par des bénévoles, par des Autochtones qui ont pris soin de cette terre, et nous sommes très chanceux aujourd'hui que la rivière Rouge soit dans son état actuel.

La Wildlands League de la SNAP appuie les modifications que le projet de loi C-18 propose d'apporter à la Loi sur le parc urbain national de la Rouge. Comme sept millions de personnes vivent à une heure de route du parc urbain national de la Rouge proposé, les gestionnaires du parc auront besoin de solides outils juridiques pour protéger l'écosystème du parc contre les pressions que l'environnement urbain environnant exercera inévitablement. C'est facilement ce qui menace le plus le parc. Il faut notamment qu'un mandat légal exige explicitement que la nature passe en premier dans toutes les décisions de gestion, y compris quand on propose de construire de nouvelles routes, des aires de stationnement ou d'autres projets d'aménagement. En l'absence d'un tel cadre, la nature perdra inévitablement.

Nous nous réjouissons que ce projet de loi offre une plus grande certitude au milieu agricole, et nous sommes impatients de travailler avec les agriculteurs pour étudier les nombreuses façons dont nous pouvons améliorer l'intégrité écologique du parc. L'intégrité écologique est un voyage, une progression constante. On commence là où on est et on apporte continuellement des améliorations au cours de chaque période de trois ou cinq ans. Voilà comment on assure l'intégrité écologique.

Quand je pense aux inondations qui touchent actuellement la rivière Rouge, à ses berges envahies d'eau et au profil changeant de la rivière à la confluence du lac, je me souviens de la journée que j'ai passée à marcher avec des agriculteurs dans un de leurs champs. Ce jour-là, nous voulions examiner un projet d'intendance visant à rétablir le fonctionnement hydrologique de la rivière Rouge. Ces travaux doivent améliorer l'intégrité écologique en remettant les systèmes écologiques en état et en les rendant plus résilients.

Le parc de la Rouge englobe une bonne partie du bassin versant de la rivière Rouge, un des derniers cours d'eau se jetant dans l'ouest du lac Ontario qui soit libre de tout aménagement urbain. Il fournit à la faune le seul lien écologique entre la moraine d'Oak Ridges et le lac Ontario. Il est donc essentiel de remettre les systèmes hydrologiques en état et d'améliorer l'intégrité écologique.

C'est à cet endroit que nous tenons chaque année notre activité intitulée « Paddle the Rouge », qui signifie « Pagayer sur la rivière Rouge », dans le cadre de laquelle nous enseignons aux jeunes à pagayer. Nous en profitons pour montrer aux nouveaux arrivants au Canada la nature et la beauté qui se trouvent tout près de chez eux. J'y amène mon petit-fils, qui est épaté par les fleurs aquatiques et les insectes.

Nous tenons ici une solution qui convient à la nature et aux agriculteurs, et qui, d'après ce que je comprends, satisfait aux critères de l'Ontario aux fins de transfert des terres.

Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci beaucoup de cet exposé.

Nous entendrons d'abord le vice-président, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Madame Sumner, merci de votre exposé. Vous n'avez manifestement pas ménagé vos efforts pour en arriver à ce point. Félicitations au nom de tous les Canadiens.

Permettez-moi de m'attaquer au cœur du problème, c'est-à-dire au fait qu'il semble y avoir une divergence d'opinions à propos des définitions, de la manière d'assurer l'intégrité écologique et du fait qu'il faudrait faire plus que ce qui est proposé.

Vous n'ignorez pas que dans sa forme actuelle, le projet de loi est acceptable pour les gouvernements fédéral et provincial. Le ministre actuel y est particulièrement réceptif, même si son prédécesseur était peut-être moins enthousiaste.

Certains affirment que ce projet de loi est très bon, mais qu'il faut faire plus que ce qui est proposé et inclure des règlements. Le gouvernement de l'Ontario a déjà envisagé d'adopter des règlements, à défaut de quoi on n'obtiendra pas les résultats escomptés. Je suis certain que vous savez à quoi je fais référence.

Qu'en pensez-vous? Que nous recommanderiez-vous de faire?

Mme Sumner : Nous avons étudié l'amendement que d'autres ont proposé, et nous avons demandé un avis juridique à ce sujet. D'après ce que j'ai compris, on nous a indiqué que si nous assujettissons la définition d'intégrité écologique de la loi à d'autres lois ou règlements, cela amoindrirait l'intégrité écologique et minerait l'intention que l'on avait quand on a inclus l'intégrité écologique dans la loi au lieu de la renforcer.

Ce qui me préoccupe, c'est que nous avons fait beaucoup de chemin pour en arriver à la solution actuelle. Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, elle convient aux agriculteurs, et ce n'est pas un hasard : c'est le fruit de nombreuses heures de discussion et d'efforts visant à comprendre ce qu'est l'intégrité écologique.

Je pense que si nous déstabilisons la solution maintenant, le passage de la Rouge pourrait ne pas se concrétiser. Or, je tiens à ce qu'on assure l'intégrité écologique pour que le parc soit géré de manière à ce que la nature passe avant tout.

Le sénateur Massicotte : Vous avez indiqué plus tôt que vous vivez dans le parc, n'est-ce pas?

Mme Sumner : Je vis à proximité.

Le sénateur Massicotte : Vous n'habitez pas dans une des maisons ou des fermes louées dans le parc?

Mme Sumner : Je vis tout près de Kingston Road, à proximité du Dairy Queen.

Le sénateur Massicotte : Vous connaissez certainement de nombreux résidants du coin. Vous avez, à l'évidence, rencontré des agriculteurs et diverses personnes. Que répondez-vous aux allégations voulant qu'il y ait une entente de faveur? Ceux qui restent là sont des amis du gouvernement précédent qui demeurent là depuis des lustres, et ils bénéficient d'une entente privilégiée. Elle n'est pas équitable et le loyer qu'ils paient n'est pas adéquat. Comment réagissez-vous à ces affirmations? Y a-t-il une parcelle de vérité là-dedans?

Mme Sumner : Je suis une environnementaliste qui s'occupe de questions relatives à l'environnement. Je n'ai donc pas cherché à déterminer si l'entente était équitable pour les agriculteurs.

J'ai parcouru certaines de leurs terres et j'achète des produits de la ferme de Mike Whittamore. Je suis désolée qu'à compter de l'an prochain, il n'y aura plus de produits pour le public. Je crois comprendre que les agriculteurs se sont montrés d'excellents intendants. Je pense que ce projet de loi nous permettra de réaliser des progrès avec eux au chapitre de l'intégrité écologique, et je suis impatiente de voir ce que nous allons accomplir.

Le sénateur Black : Madame Sumner, merci beaucoup de comparaître. Je n'ai pas de question à vous poser, simplement une observation. J'ai, tout comme vous, le privilège de demeurer en bordure d'un parc national. Je réside tout près du parc national Banff; je suis donc parfaitement conscient des frictions que suscitent l'aménagement et la protection de la nature chaque semaine. Je constate que les discussions deviennent tendues et souvent déplaisantes. Je veux vous remercier et vous féliciter, car je sais à quel point il a dû être compliqué d'en arriver au point où on décide ce qu'il convient de faire. Je vous remercie de tout cœur, vous et votre organisme, et je vous encourage fortement à venir vous installer à Banff.

Le président : Votre maison est-elle à vendre?

Le sénateur Black : Il s'agit d'une...

Le président : C'est une location.

La sénatrice Griffin : Comme le sénateur Black, je n'ai pas de question précise, mais une observation, principalement parce que le sénateur Massicotte a posé toutes mes questions. Il va falloir s'en parler.

Je vous félicite pour le travail accompli jusqu'à maintenant. Je me suis rendue à la rivière Rouge il y a un an et demi environ, et j'ai été vraiment impressionnée par ce qu'on y faisait. J'étais en compagnie du conseil d'administration de Nature Canada. Il y a longtemps, plusieurs années avant cette initiative, alors qu'on discutait de la rivière Rouge, ce conseil d'administration se préoccupait beaucoup du concept d'intégrité écologique et se demandait si la manière dont le parc serait géré aurait des répercussions négatives ailleurs dans les systèmes du parc.

À l'instar du sénateur Black, je considère que l'important ici, ce sera la gestion courante du parc et la résistance aux pressions exercées pour procéder à des aménagements. La situation est inhabituelle, puisqu'une importante population urbaine vit à proximité. La grande popularité du parc pourrait aisément en entraîner la destruction. Je sais que c'est un problème dans les réserves naturelles de Grande-Bretagne, où on se demande comment éviter que ces aires soient envahies par les visiteurs. Personne n'a de mauvaises intentions, mais cela peut arriver. Un problème se pose donc également à cet égard.

Je me fie beaucoup à Parcs Canada et à la manière dont il entend gérer le parc, mais je suis certaine qu'il est aussi sensible à tout le travail accompli par les bénévoles et les groupes non gouvernementaux pour faire du parc ce qu'il est et que nous espérons qu'il deviendra. Merci.

Le sénateur Wetston : Bonjour. Je vis à Toronto et je suis enchanté d'avoir le parc. Je joue au golf à proximité, mais pas à l'intérieur de celui-ci.

À votre avis, comment le projet de loi aborde-t-il les problèmes relatifs à la biodiversité? Positivement? Négativement? Traite-t-il de toutes les facettes de la question et de vos préoccupations à l'égard de la biodiversité dans le parc urbain national de la Rouge?

Mme Sumner : Comme je l'ai souligné au début de mon exposé, la perte de biodiversité constitue un problème mondial, et ce n'est pas à un parc en particulier qu'il revient de le résoudre. Le Canada doit cependant réfléchir à la manière dont il peut freiner cette perte au pays.

Il faut protéger la rivière Rouge, là où se trouve la partie septentrionale de la forêt carolinienne. En protégeant l'intégrité écologique dans le parc et en y faisant passer la nature en premier, on permettra à 1 700 espèces d'avoir un habitat.

L'intégrité écologique est une progression constante qui vise à améliorer le fonctionnement écologique. Nous ne commençons pas par une aire complètement sauvage, mais par un parc qui possède bien des attributs et des caractéristiques, que nous allons améliorer.

Comme d'autres l'ont indiqué, j'ai une grande confiance à l'égard de Parcs Canada, qui collaborera avec un grand nombre de parties prenantes, comme les agriculteurs et bien d'autres, afin de voir comment on peut concevoir les programmes d'intendance et permettre à la nature d'avoir une meilleure chance dans la région de la rivière Rouge.

Le sénateur Wetston : Êtes-vous favorable au projet de loi?

Mme Sumner : Oui. Nous voulons qu'il soit adopté.

Le sénateur Wetston : Qu'est-ce qui passe en premier? Est-ce que l'intégrité écologique, traitée et définie comme elle l'est, contribue à régler le problème qui vous préoccupe au sujet de la biodiversité?

Mme Sumner : Oui, car elle permet de faire passer la nature en premier. Le projet de loi indique qu'il s'agira du principal outil de gestion dont Parcs Canada disposera pour examiner les propositions. Cela signifie que Parcs Canada planifiera avec d'autres intervenants afin d'améliorer l'intégrité écologique en cours de route. Nous ne pouvons pas agiter une baguette magique pour faire du parc une parfaite aire sauvage aujourd'hui. Il faudra l'améliorer graduellement.

Le sénateur Wetston : Si vous étiez roi ou reine d'un jour et pouviez améliorer ce projet de loi, que feriez-vous?

Mme Sumner : Nous n'avons pas réfléchi à la question. Nous sommes vraiment très satisfaits du projet de loi tel qu'il est. Comme je l'ai indiqué, c'est une solution, et chaque fois qu'on tente de déstabiliser une solution, il faut reprendre les discussions avec tous ceux avec qui on a trouvé la solution. L'idéal, c'est qu'un projet de loi fasse passer la nature en premier. Je crains que si vous commencez à changer de cap, cela déstabilise la solution que nous avons devant nous.

Le sénateur Wetston : Je vis à Toronto, une ville populeuse aux prises avec la congestion routière où, comme je l'ai indiqué à la ministre, la nature et d'autres choses — comme les espaces de stationnement, si on veut entrer dans les détails — sont peu accessibles. J'ai écouté la sénatrice Griffin, qui possède une expérience considérable à ce sujet. Ce qui m'intéresse personnellement, c'est qu'un grand nombre d'habitants de Toronto aient accès au plein air et à la nature, hument l'air frais, arpentent les parcs et voient la nature, qui se fait rare dans cette ville. Quand on se balade en ville, on emprunte des routes, des autoroutes et des ponts. Vous savez ce que c'est. Craignez-vous que le parc soit envahi?

Mme Sumner : Oui. C'est pourquoi nous devons faire confiance à Parcs Canada pour nous aider à gérer la situation. Il y a 7 millions de Canadiens qui habitent à moins d'une heure de route du parc de la Rouge. Il n'y a pas de doute là- dessus. Est-ce que j'aimerais avoir davantage de parcs et de sites naturels? Absolument. Nous pourrions certainement y remédier, si c'est ce que le gouvernement souhaite. Nous en serions d'ailleurs très ravis.

Je crois que les jeunes de la région du Grand Toronto et de la rivière Rouge pourront apprivoiser la nature à cet endroit et pagayer sur la rivière. J'ai été très heureuse de pouvoir initier les jeunes de ma famille au parc de la Rouge. J'estime que cet endroit est un bon point de départ. J'y vois une forme d'espoir.

La sénatrice Fraser : Je suis un peu désavantagée. Je n'ai jamais travaillé dans le domaine des parcs, je n'habite pas près d'un parc national et je ne joue pas au golf à proximité d'un parc national, alors je m'y connais un peu moins bien dans ce dossier que plusieurs de mes collègues.

J'ai quelques questions à vous poser. Pardonnez-moi mon ignorance, mais dans le projet de loi, à la définition d'intégrité écologique, il est question d'« éléments abiotiques ». Qu'est-ce que cela signifie exactement?

Mme Sumner : Je vais laisser la représentante de Parcs Canada répondre à cette question.

Pam Veinotte, directrice d'unité de gestion, du Parc urbain national de la Rouge, Agence Parcs Canada : Bonjour. Les « éléments abiotiques » désignent simplement tous les éléments vivants et non vivants d'un écosystème.

La sénatrice Fraser : Les roches et les arbres.

Mme Veinotte : C'est tout, en fait. Cela englobe tous les aspects d'un écosystème. Si on pense à une maison, par exemple, nous savons qu'il y a de nombreux systèmes et éléments qui la composent et qui sont nécessaires à son fonctionnement, alors il en va de même pour l'écosystème. Les éléments abiotiques désignent donc tous les éléments vivants et non vivants.

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup. Je viens d'apprendre quelque chose, et j'espère en apprendre encore davantage.

Si j'ai bien compris, vous avez participé aux discussions et aux négociations qui nous ont amenés ici aujourd'hui?

Mme Sumner : Oui.

La sénatrice Fraser : Et j'imagine que ces discussions étaient longues, prudentes et parfois difficiles.

Mme Sumner : Tout à fait.

La sénatrice Fraser : Afin que je comprenne un peu mieux la dynamique, pourriez-vous me dire si, au cours de ces discussions, vous avez pris connaissance de certaines préoccupations, soulevées par les personnes en cause, dont vous n'étiez peut-être pas consciente, et ce que vous étiez prête à concéder pour atteindre les objectifs du projet de loi, auquel vous semblez être très favorable?

Mme Sumner : Comme je l'ai dit dans ma déclaration, la SNAP collabore avec les personnes qui peuvent avoir des intérêts divergents, que ce soit une société minière ou forestière, et je dirais que dans chacune de ces discussions, j'en apprends énormément.

Cela fait partie de mon travail de comprendre les intérêts des autres parties. Dans ce cas-ci, c'était l'aboutissement de nombreuses années de discussions et de rencontres avec les agriculteurs. Dans quelle mesure comprenons-nous réellement les autres? Ce qui a été un moment décisif pour moi, c'est lorsque j'ai constaté que les agriculteurs avaient déjà entrepris 31 projets d'intendance en collaboration avec Parcs Canada et qu'ils travaillaient déjà à l'amélioration de l'intégrité écologique du parc.

Ce qu'il faut dire, c'est que pour eux, l'intégrité écologique signifiait qu'il fallait que, du jour au lendemain et comme par magie, tout soit parfait sur le plan écologique. Il s'agissait donc de ralentir le processus et de comprendre qu'on ne peut pas atteindre les objectifs en matière d'intégrité écologique en appuyant sur un bouton, et que ce sont les travaux et les projets d'intendance qui ont déjà été entrepris qui permettront d'améliorer l'intégrité écologique.

Honnêtement, c'est ce que nous devons faire pour chacun de nos parcs. Chaque parc présente des difficultés, que ce soit au chapitre des changements climatiques ou du développement industriel qui peut se trouver à proximité, ou dans ce cas-ci, qui empiète sur l'environnement.

Comprendre dans quelle mesure ces projets peuvent améliorer la fonctionnalité et l'espace réservé à la nature représente un défi de taille. Dès que nous avons commencé à ralentir le processus, à moins redouter les opinions divergentes et à discuter ouvertement, nous nous sommes rendu compte que l'intégrité écologique n'était pas aussi terrifiante que nous le pensions. Bien entendu, nous devrons travailler ensemble à l'élaboration de plans de gestion pour le parc et aussi faire confiance à Pam et à son équipe dans ce dossier. Ils se sont présentés à la table non pas dans le but de tout décider, mais plutôt d'amener les gens à discuter. Selon moi, ces conversations portent sur les possibilités qui s'offrent à nous et les façons de créer un lieu où la nature peut prospérer.

La sénatrice Fraser : Ce ralentissement, et le fait d'aborder le sujet graduellement, si je puis m'exprimer ainsi, était-ce votre plus gros compromis?

Mme Sumner : Non, ce n'était pas un compromis. Ce que je voulais dire par ralentissement, c'est qu'il ne s'agissait pas simplement de se renvoyer la balle : « Nous devons faire ceci; non, nous ne pouvons pas », mais plutôt de prendre le temps de s'écouter et de se demander : « Qu'est-ce que vous entendez exactement par intégrité écologique? » Il y a beaucoup de gens qui laissaient entendre que pour atteindre l'intégrité écologique, il fallait cesser de cultiver les terres du jour au lendemain. Aussitôt que nous avons précisé qu'il n'en était pas du tout question, la discussion a pris une nouvelle tournure.

Vous pourrez demander à Mike ce que les agriculteurs ont gagné, mais d'après ce que j'ai compris, le projet de loi leur fournit plus de certitude relativement à la durée des baux, par exemple. Je pense que c'est quelque chose que réclamaient les agriculteurs. Encore une fois, je ne peux pas parler en leur nom; vous devrez leur demander. En ce qui nous concerne, notre principale préoccupation était de voir le concept d'intégrité écologique inclus dans le projet de loi.

Le sénateur Mockler : Madame Sumner, je ne veux pas pointer qui que ce soit du doigt, mais mon objectif ici est de bien comprendre la situation. Je vais vous parler un peu de ce que nous avons vécu au Nouveau-Brunswick. Vous connaissez sans doute le parc national Kouchibouguac, au Nouveau-Brunswick?

Mme Sumner : Oui.

Le sénateur Mockler : C'était la première chose.

Deuxièmement, sachez qu'en tant que résidant de la province depuis les années 1960, homme d'affaires et membre de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick au début des années 1970, je suis au courant de toutes les confrontations entourant le parc national Kouchibouguac. Cela fait d'ailleurs encore l'objet d'un débat, et lorsqu'on parle de la gestion du parc national, on sait que cela a eu des répercussions sur les habitants du Nouveau-Brunswick, pour ne pas dire de tout le Canada atlantique.

Ma question est la suivante : Combien d'agriculteurs ou de gens devrons-nous exproprier? Il n'y a pas de doute qu'on peut en arriver à un consensus en négociant. J'y crois. Pourriez-vous m'expliquer comment vous vous êtes entendus? S'agit-il d'une entente équitable? On nous dit que c'est un traitement de faveur et non pas une entente équitable. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est exactement, de sorte que je puisse dire, en tant que parlementaire, si oui ou non je l'appuie?

Mme Sumner : À ma connaissance, le projet de loi n'entraînera pas le déplacement de qui que ce soit, et s'il y a des éléments précis sur lesquels vous voudriez porter mon attention, je serais ravie d'examiner cela avec vous. Nous avons notamment travaillé auprès des agriculteurs pour déterminer comment nous pourrions préserver l'intégrité écologique dans le cadre de ce projet de loi et, chose certaine, cette mesure législative leur donne la capacité de signer des baux à long terme. Alors au contraire, ils disposeront d'une plus grande stabilité, lorsqu'on sait qu'au cours des 30 dernières années, ils devaient composer avec des baux d'un an à la fois.

Encore une fois, comme ce n'est pas notre priorité, je n'en ai pas autant à dire sur le sujet, et je ne peux pas vous dire si les agriculteurs bénéficient d'un traitement de faveur. Je ne crois pas. Personnellement, j'estime que ce projet de loi offre une certaine garantie, autant pour eux que pour la nature, en incluant l'intégrité écologique dans le projet de loi.

Le sénateur Mockler : Le concept d'intégrité écologique tel qu'appliqué dans les parcs nationaux du Canada est tout simplement irréalisable dans un contexte urbain. Les écosystèmes maintiennent leur intégrité lorsque leurs composantes originales demeurent intactes, mais comme les écosystèmes sont en constante évolution, les stratégies de conservation visant l'intégrité écologique doivent également permettre les processus reflétant les conditions naturelles de l'écosystème.

Ma question est donc la suivante : Pourriez-vous nous dire quels ont été les intervenants du secteur agricole consultés durant l'élaboration du projet de loi C-18, ce qu'ils ont fait valoir et comment le gouvernement a répondu à leurs préoccupations, le cas échéant? Et avez-vous eu des préoccupations à l'égard du processus?

Mme Sumner : Je ne peux pas vous nommer tous les intervenants du secteur agricole. Je suis certaine que Parcs Canada possède une liste. Je connais les agriculteurs à qui j'ai parlé et avec qui je me suis promenée sur les terres. Je souhaitais surtout qu'on en arrive à une compréhension mutuelle de ce qu'est l'intégrité écologique.

Encore une fois, ce que vous avez cité laisse entendre que tout va se faire du jour au lendemain, comme par magie. Cela ne fonctionne pas comme ça. Il s'agit de commencer là où nous en sommes aujourd'hui et de déterminer les projets qu'on veut faire avancer. C'est ce que j'ai dit aux agriculteurs. Vous menez déjà 31 projets, alors vous améliorez déjà l'intégrité écologique. Quels sont les 31 prochains projets sur lesquels nous pourrions travailler ensemble? Que voulons-nous améliorer par la suite? Même si on examine le budget de Parcs Canada, il faudra de nombreuses années pour rétablir la fonctionnalité dans certains de ces secteurs et s'attaquer aux changements.

Je considère que l'une des plus belles choses concernant le parc de la Rouge, c'est qu'il contribue non seulement à ancrer la biodiversité, mais aussi à renforcer la résilience au niveau du bassin hydrographique de la Rouge et du couvert forestier. Toronto a connu de nombreuses difficultés, que ce soit la tempête de verglas ou les inondations que nous subissons en ce moment. Naturellement, le parc de la Rouge est le type d'endroit qui nous permettra de mieux faire face aux changements climatiques qui nous menacent.

Selon moi, c'est ainsi que nous voulons aborder la gestion des parcs. Nous voulons discuter avec tous les gens qui feront partie de la solution et tenter d'aller de l'avant.

Le sénateur Mockler : D'après votre expérience — et vous êtes une professionnelle — a-t-on pris en considération les préoccupations des agriculteurs et des intervenants, en leur garantissant que si, en cours de route, il se passait quelque chose, ils pourraient revenir à la table?

Mme Sumner : Lorsque le projet de loi a été rédigé, et j'essaie de m'appuyer sur les opinions que nous avons recueillies, on voulait inclure le concept d'intégrité écologique, mais aussi garantir qu'on ne mettra pas fin aux activités agricoles. Par conséquent, les deux éléments sont inclus. Le projet de loi prévoit une certaine gestion pour la nature, et il y a tellement de projets que nous pourrions mener en collaboration avec les agriculteurs. Encore une fois, je vois cela comme une possibilité. Au sein du groupe que je préside, nous avons remarqué que plus le projet de loi progresse, plus nous recevons des demandes d'ailleurs au Canada, que ce soit de Halifax, de la Saskatchewan ou de la Colombie- Britannique, qui nous disent : « À quand notre parc urbain national? »

L'adoption d'un tel projet de loi nous garantit en quelque sorte que nous aurons des espaces naturels à offrir aux Canadiens vivant en milieu urbain. Nos parcs nationaux ne doivent pas nécessairement être éloignés. Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons accroître la résilience, de concert avec les municipalités, et commencer à rétablir certains des écosystèmes nécessaires.

Le sénateur Dean : Merci, madame Sumner. On a beaucoup parlé de l'importance de cette initiative en tant que politique publique — je pense qu'on peut l'appeler ainsi — qui concerne de multiples parties ayant des intérêts divergents. D'ailleurs, je vous remercie du rôle que vous avez joué dans l'aboutissement de tout cela.

Vous avez parlé du rôle de Parcs Canada consistant à rallier tous les intervenants. Les gouvernements accomplissent parfois de très bonnes choses, d'autre fois des moins bonnes. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet du rôle de rassembleur de Parcs Canada, du rôle des gouvernements fédéral et provinciaux, de ce qui a bien fonctionné et des leçons que nous pourrions tirer pour améliorer les choses? C'est évidemment une réussite, mais j'aimerais que nous puissions examiner plus en profondeur le rôle de rassembleur qu'assume Parcs Canada.

Mme Sumner : En fait, je pense qu'il y a eu un changement de ton, avec la nomination de la directrice et la participation du personnel de Parcs Canada à la table des discussions concernant la réalisation de certains projets. Les gens se sont ensuite davantage investis dans le processus.

Chose certaine, ce n'est pas parfait. Avant ces modifications, il y avait davantage de divergences d'opinions. Ces modifications et le processus préalable nous ont permis d'aplanir certaines de ces divisions. Les premières fois, nous nous attardions aux différences au lieu d'essayer de parvenir à une solution.

Personnellement, je considère qu'il y a tout un processus à l'origine de ces modifications. Nous avons pu y parvenir grâce au dialogue amorcé par le personnel de Parcs Canada, les excellents projets d'intendance et l'élan qui en résulte, la confiance envers le processus et les travaux fondés sur des données scientifiques. D'ailleurs, il est très important de s'appuyer sur des données probantes. Nous avons des partenaires incroyables à l'Université de Toronto, au zoo et ailleurs qui adoptent une approche fondée sur la science en ce qui a trait à la restauration écologique.

Ensuite, à mesure que nous avançons, nous remarquons que les gens font davantage preuve de bonne volonté et souhaitent participer au processus. Comment pouvons-nous travailler à un bon projet? Comment pouvons-nous améliorer la situation?

Il y aura certainement d'autres conversations difficiles dans le cadre de l'élaboration des plans de gestion. Évidemment, il faudra harmoniser tout cela en tenant compte d'autres facteurs, mais c'est normal lorsqu'on discute avec les divers intervenants. J'attends ces discussions avec impatience, de même que les façons dont nous pourrons améliorer le parc de la Rouge.

Avec le recul, je ne sais pas comment on aurait pu améliorer le processus, mais je suis très optimiste quant à l'avenir.

Le sénateur Dean : Pourrait-on demander à la directrice de se prononcer sur le rôle rassembleur de Parcs Canada dans ce dossier? Mais si nous n'avons pas le temps, je vais comprendre.

Le président : Nous allons peut-être avoir le temps, mais il nous reste d'autres questions.

Le sénateur Dean : J'ai terminé.

Le président : C'est le rôle de Parcs Canada.

Le sénateur Patterson : Je tiens à dire que j'accueille avec plaisir la création de ce parc urbain. Comme vous l'avez indiqué dans votre déclaration, je conviens que nos parcs nationaux n'ont pas besoin d'être éloignés. Sachez que j'appuie la SNAP et que d'où je viens, au Nunavut, nous excédons grandement le quota de parcs nationaux.

Des gens bien intentionnés de Toronto veulent agrandir les zones protégées au Nunavut. Certains d'entre nous ont un différent point de vue à cet égard, car nous ne retirons aucun avantage économique de ces vastes zones protégées et éloignées. L'un de nos plus grands parcs nationaux a accueilli 17 visiteurs l'an dernier. Il n'y a donc aucune possibilité d'affaires pour les pourvoyeurs, les guides, les propriétaires d'hôtel ni quiconque d'autre.

Cela dit, nous pensons avoir fait plus que notre juste part pour ce qui est de protéger les terres d'autres sources potentielles de développement économique, y compris des exploitations minières, pour notre population croissante de chômeurs. Nous avons une faible population, mais la proportion des chômeurs est très élevée.

Cela étant dit, je tiens à préciser que je suis absolument d'accord avec vous : nous devrions créer des parcs en milieu urbain, et ils seraient beaucoup plus accessibles que les vastes régions protégées du Nord du Canada.

Depuis votre exposé, une question me brûle les lèvres : comment avez-vous survécu à vos nuits parmi les ours blancs?

Mme Sumner : Eh bien, nous avions un guide autochtone extraordinaire, Sam Hunter, qui, dans son enfance, a beaucoup joué avec ces animaux. Il raconte des anecdotes selon lesquelles il les dirigeait vers la ville pour faire peur aux adultes. C'était tout un diablotin.

Nous avons passé quatre nuits à la Pointe Cormorant, où se trouvent des zones traditionnelles de chasse et de pêche. Je dois vous avouer ma frayeur, à notre arrivée, d'apercevoir ces ours qui nous observaient. La première nuit, j'ai eu un sommeil plutôt agité. Mais à la fin de l'expédition, je me suis aperçue qu'ils ne s'approchaient pas; c'était plutôt rassurant.

Cet excellent guide nous a enseigné cette cohabitation et nous a appris à y réfléchir. Quelle belle expédition!

Le sénateur Patterson : Je suis sûr qu'il est toujours indemne?

Mme Sumner : Il l'est, mais il nous a raconté que, après ce voyage, il en a vu de plutôt près. Oui, il est encore indemne.

Le sénateur MacDonald : Merci d'être ici, madame Sumner. Je connais bien la loi d'origine. C'est moi qui l'ai communiquée au Sénat pour la ministre, et nous avons pensé que c'était un excellent premier effort. Nous savions qu'il subsistait beaucoup de motifs de préoccupations sur la généralité de cette loi et sur son application.

Je tenais à revenir avec vous à la notion d'intégrité écologique. Quand la première ministre du gouvernement antérieur en a parlé, elle a déclaré que :

Le concept d'intégrité écologique tel qu'appliqué dans les parcs nationaux du Canada est tout simplement irréalisable dans un contexte urbain. Les écosystèmes maintiennent leur intégrité lorsque leurs composantes originales demeurent intactes mais, comme les écosystèmes sont en constante évolution, les stratégies de conservation visant l'intégrité écologique doivent également permettre les processus reflétant les conditions naturelles de l'écosystème. Il faudrait donc ainsi permettre le déroulement naturel de processus écologiques comme les feux de forêt, les inondations et les infestations de ravageurs, ce qui n'est ni souhaitable ni réaliste dans un environnement urbain. La zone du parc est fragmentée par la présence d'autoroutes, de chemins de fer, de lignes de transport d'électricité ainsi que de terres agricoles, et sept millions de personnes vivent à proximité de la Rouge.

Pouvez-vous dire si on a répondu aux réserves de la ministre, par exemple par les propositions actuelles du gouvernement pour faire de l'intégrité écologique une priorité majeure. Comment conciliez-vous ces deux points de vue?

Mme Sumner : Je tiens d'abord à vous remercier de votre travail sur le projet de loi antérieur et d'avoir fait aboutir le projet. Nous avons également collaboré avec le gouvernement antérieur pour essayer de rendre la loi capable d'évolution.

Nous cherchions, comme nous l'avons dit aux gouvernements antérieurs et au gouvernement actuel, à obtenir de l'Ontario les terres nécessaires pour au moins les protéger comme aujourd'hui, sinon de les protéger davantage. Certaines de ces mesures de protection concernent l'intégrité écologique. Pour nous, il était illogique de chercher à moins bien protéger les terres cédées. D'après nous, ça allait à l'encontre du but recherché. En même temps, nous recherchions une gestion uniforme de la Rouge, et le fait d'accorder plus de droits à la nature ne pouvait que lui être plus favorable. Cette protection égale ou meilleure exigeait vraiment d'accéder à l'intégrité écologique.

Comme je l'ai dit, dans mes réponses antérieures, l'intégrité écologique ne s'obtient pas du jour au lendemain. C'est plutôt une longue quête. D'après vos commentaires, vous semblez dire comme si, essentiellement, c'était chose réglée en une dizaine de minutes ou dès l'adoption du projet de loi. C'est impossible. Par exemple, grâce au brûlage dirigé, la ville de Toronto peut assurer la régénération des forêts dans le High Park.

C'est une science que l'Agence Parcs Canada doit appliquer dans de nombreux autres parcs situés à proximité de l'habitat humain, et nous voulons nous assurer que la population n'en souffrira pas.

Quant à nous, nous constatons que l'intégrité écologique se situe dans un continuum qui autorise une évolution et une amélioration continues et que c'est tout à fait possible dans cette région. Nous connaissons de nombreux exemples de cette gestion par Parcs Canada au fil des ans.

Le président : Avant d'entreprendre la deuxième série de questions, je vais vous en poser quelques-unes.

Dans votre déclaration, vous avez dit que vous étiez d'accord avec la précision apportée dans le projet de loi, selon laquelle l'agriculture, et je le comprends, peut se poursuivre et que vous avez hâte de collaborer de nombreuses façons avec les agriculteurs à l'amélioration de l'intégrité écologique du parc.

Vous avez répété que des mesures étaient possibles. Pourriez-vous en expliquer quelques-unes? Vous dites qu'ils font du bon travail. Ça ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire mieux. De quoi s'agit-il?

Mme Sumner : Nous envisageons notamment de renforcer la possibilité de passage entre le lac et la moraine. Comment l'établir et la créer pour renforcer les couloirs migratoires des oiseaux ou réduire le morcellement? Ça demande une planification approfondie et très soigneuse. Et comment est-ce que ça marche avec les agriculteurs et comment peut-on les amener à fournir leur aide à l'atteinte de cet objectif?

Le président : J'ai grandi sur une ferme. J'en suis parti jeune; j'étais de la main-d'œuvre bon marché. Dites-moi ce qui arrive sur le terrain. Que devraient faire les agriculteurs pour mieux gérer l'intégrité écologique?

Mme Sumner : Une partie répond à leurs craintes concernant la maîtrise des crues. Les projets que j'ai examinés englobent, dans certains cas, l'ajout ou l'enlèvement de buses ou la modification des cours d'eau pour les rendre naturellement plus résilients. Ce genre de planification. Est-il utile d'examiner les crues dans les champs des agriculteurs? Des changements sont-ils nécessaires? Certaines cultures envisagées sont-elles les meilleures? Les pesticides permettent-ils une meilleure conduite? Voilà le genre de planification.

Chaque fois, ça s'insère dans un contexte différent, qui dépend de la ferme et des résultats visés. Il n'y a pas de réponse unique. Il s'agit de réfléchir et d'élaborer les divers projets. Comme je l'ai dit, Parcs Canada a déjà entrepris 31 projets, et je m'inspirerais de certains d'entre eux pour déterminer ce que nous devrions continuer de faire.

Le président : Donc, pour en réaliser certains, ça entraîne immanquablement des coûts. Évidemment, rien n'est gratuit.

Mme Sumner : Vous avez raison.

Le président : Qui paie la facture?

Mme Sumner : Je n'ai pas examiné le financement, mais certains de ces projets ont profité aux agriculteurs, et, encore une fois, il faudrait demander à certains d'entre eux comment ils gèrent ces coûts. Mais, à ce que je sache, certains de ces coûts ont été partagés, tandis que d'autres aident effectivement les agriculteurs. Ils leur sont également profitables. Je ne suis pas certaine de la nature du plan économique de gestion de ces coûts. Pour savoir comment ils les gèrent, je devrais m'adresser à Parcs Canada.

Le président : Je me fie à votre déclaration et à votre liste de choses à faire. Voilà pourquoi je vous questionne vous, pas Parcs Canada, qui a déjà témoigné.

Je veux seulement savoir si on s'attend que l'agriculteur paie tous les coûts imputables à certaines modifications de son mode d'exploitation. Visiblement, vous n'en avez pas discuté avec eux. Vous vivez à proximité. Y a-t-il d'autres moyens pour les atténuer?

Mme Sumner : Nous n'en avons jamais parlé avec eux. Encore une fois, ce n'est pas notre rayon, et la gestion des coûts et leur répartition devraient être négociées avec eux.

Le président : Cette question est un peu hors sujet. Je me réjouis de l'existence d'un parc urbain. Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique. Je suis comme le sénateur Patterson. Nous avons créé dans la province un parc plus vaste que la Nouvelle-Écosse, des parcs et des aires sauvages. Je sais ce que c'est de soustraire du territoire à d'autres types d'activités.

Vous avez dit que les Saskatchewanais étaient désireux d'obtenir un parc national urbain et vous avez aussi parlé de la Colombie-Britannique. Où se trouverait-il? Je connais bien les parcs de la Colombie-Britannique.

Mme Sumner : Ce n'est pas dans la région de mon ressort. Je ne peux donc pas vous renseigner, mais je pense que c'est dans les environs de la baie Howe, sur la foi, encore une fois, de rumeurs entendues, mais qui soulèvent l'intérêt et la curiosité sur la façon de s'y prendre. Encore une fois, ce n'est pas mon rayon. Je ne peux donc pas en parler précisément.

Le sénateur Massicotte : Pendant que nous vous tenons en votre qualité d'experte en la matière, nous avons reçu un mémoire, et j'ignore s'il sera étayé par des témoignages, selon lequel tout ça c'est très beau, mais nous devons augmenter la superficie de, je m'en remets à ma mémoire, 6 ou 7 millions de pieds carrés. Êtes-vous au courant et êtes- vous d'accord sur la nécessité d'agir maintenant?

Mme Sumner : L'adoption du projet de loi permettrait à l'Ontario d'au moins satisfaire au critère et de céder les terres envisagées. Il y en a d'autres. Je pense que le mémoire faisait allusion à la vieille zone aéroportuaire de Pickering.

Le sénateur Massicotte : Effectivement.

Mme Sumner : Nous n'avons pas insisté pour les obtenir, mais, d'un point de vue écologique, un grand parc, c'est toujours mieux.

Le sénateur Massicotte : Mais ce n'est pas essentiel pour atteindre vos objectifs proposés actuellement dans le projet de loi?

Mme Sumner : Non. Nous serions très heureux si le gouvernement et Parcs Canada voulaient aller de l'avant avec un parc urbain national de la Rouge agrandi.

Le sénateur Massicotte : Pour revenir à la définition d'intégrité écologique, vous l'avez résumée dans votre exposé comme une priorité de la nature. Comment est-ce que ça s'applique du point de vue technique? Vous avez mentionné à quelques reprises les crues et les agriculteurs. Avant l'avènement de l'humanité et même quelques milliers d'années avant aujourd'hui, il y avait des crues. C'était très utile. Vous dites que nous devrions les maîtriser. Si la nature est la priorité, ne devriez-vous pas la laisser faire ses crues? Comment ça se définit? Quelles mesures appliquez-vous?

Mme Sumner : Je me suis peut-être mal expliquée. Les crues font partie de la nature, mais, dans les écosystèmes, on sent quel est le rôle normal de l'hydrologie. En milieu urbain, dans la vallée de la Don, les crues découlent de l'échec dans la préservation de la nature.

Dans la vallée de la Rouge, nous cherchons à améliorer les fonctions de l'hydrologie. C'est ce que j'en comprends. En le faisant, ça signifie que les crues font partie des événements naturels et non, peut-être, les crues excessives ou la rupture de l'hydrologie locale.

Il s'agit vraiment de restaurer le cours naturel des choses et le comportement normal de l'hydrologie. Pas question de mettre fin aux crues; pas même nécessaire de les maîtriser. Il s'agit plutôt de conférer au système la résilience voulue pour s'accommoder des crues et de leurs effets.

Le sénateur Massicotte : Pour moi, c'est l'humanité qui utilise ce qu'elle considère comme des connaissances supérieures pour influer sur la nature. La nature a ses cycles, et ça comprend les crues. Vous dites : « Nous avons le bon sens, nous sommes plus intelligents que la nature. Nature, laissez-nous vous aider à faire mieux ». Est-ce là la priorité de la nature?

Mme Sumner : Je préconise de restaurer les systèmes de la nature pour qu'elle puisse gérer les crues.

Le sénateur Massicotte : C'est une zone grise, mais je vous suis reconnaissant de votre...

Le président : Merci beaucoup, madame Sumner, de votre exposé et de vos réponses. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Pour la deuxième partie de la séance, je suis heureux de souhaiter la bienvenue, par vidéoconférence, à M. Whittamore, propriétaire de la ferme du même nom. Nous continuons à chercher à établir le contact avec M. Jim Robb. Nous allons commencer par M. Whittamore. Vous avez la parole. Ensuite, nous vous questionnerons.

Mike Whittamore, propriétaire, Whittamore's Farm : Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir parler du projet de loi C-18 et des modifications proposées au libellé de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge.

Mon frère et moi exploitons une entreprise agricole d'agrément qui est aussi un potager libre-service sur des terres du parc urbain en question qui appartiennent à la province. Expropriés il y a 45 ans, nous louons depuis des terres au gouvernement et à plusieurs organismes successifs. Pendant toute ma carrière d'agriculteur et pendant toute celle de mon frère, nous avons été assujettis à des baux d'une année, et souvent à des prolongations de bail d'un mois.

Deux mots sont au cœur de la discussion d'aujourd'hui : intégrité écologique. Quand j'ai comparu devant votre comité, pendant l'étude du projet de loi C-40, ils étaient aussi à l'ordre du jour. À l'époque, je n'étais pas favorable à l'inclusion de l'expression dans le projet de loi. Il y avait et il subsiste amplement de preuves de la possibilité d'atteindre de diverses manières l'objectif de santé de l'écosystème énoncé dans la Loi. Certains, notamment la haute direction de Parcs Canada et la ministre de l'Environnement de l'époque, s'accordaient à dire que l'intégrité écologique, telle qu'elle était définie, était impossible à atteindre ou n'était pas souhaitable en milieu urbain.

Comme nous le savons tous, la politique a joué un grand rôle dans le retard de la cession des terres de la province à Parcs Canada.

Au début de 2016, un groupe d'agriculteurs a rencontré les ministres McKenna et Philpott pour discuter de nos motifs de préoccupation. Mme McKenna cherchait une façon de faciliter la cession des terres et, à des réunions ultérieures, on nous a assuré qu'on nous autoriserait à poursuivre l'exploitation agricole, même si l'expression intégrité écologique était insérée dans la loi modifiée. Elle nous a annoncé qu'il y aurait une disposition à cette fin, et ça s'est concrétisé dans l'article 6(2) :

Il est entendu que le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'empêcher l'exercice d'activités agricoles prévu par la présente loi.

Comme vous le savez tous, le paragraphe (1) assure la préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique qui sont la première priorité du ministre.

Dans la loi modifiée, on intégrera la définition, en 42 mots, de l'intégrité écologique. Chacun les comprend à sa façon. L'interprétation de la définition intégrée dans la Loi devra prendre en considération l'article 4 de la même loi, qui décrit les objectifs de la création du parc, parmi lesquels celui de favoriser le dynamisme des collectivités agricoles. Le paragraphe 6(2), dont je viens de parler, renferme les cinq mots clés suivants : « prévu par la présente loi ». Ces mots rassurent la collectivité agricole sur l'existence d'un futur possible pour elle dans le parc urbain national de la Rouge.

La communauté agricole et moi-même ressentons une certaine inquiétude à l'idée d'avaliser le projet de loi C-18. Quarante-cinq années de propriété gouvernementale ont tendance à avoir cet effet. Cependant, nous avons besoin ensemble de terminer ce travail et de faire du projet global de parc urbain national de la Rouge une réalité.

Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas besoin que d'anciens plans comme le Plan de gestion du Nord de la Rouge soient ajoutés à la Loi sur le parc urbain national de la Rouge. Non seulement ce vieux document ne tient compte ni des besoins ni des inquiétudes de la communauté agricole, mais en plus, nous n'avons pas été consultés lorsqu'il a été rédigé il y a près de 20 ans. Il envisage la destruction et le reboisement de milliers d'acres de terres agricoles de catégorie 1, et cela constitue une mauvaise politique publique.

Nous devons vraiment prendre du recul et laisser les fonctionnaires de Parcs Canada faire leur travail. Il s'agit d'un type de parc complètement nouveau dans la famille de cet organisme. La communauté agricole a maintenant consacré un certain nombre d'années à travailler avec le personnel et la direction, et nous avons entièrement confiance en leur capacité d'appliquer un plan de gestion qui répondra aux besoins et aux attentes de tous les intervenants et atteindra un niveau d'intégrité écologique pour un parc urbain en milieu urbain dans lequel l'empreinte humaine est déjà bien présente, y compris une empreinte agricole qui remonte à des centaines, voire à des milliers, d'années.

Dans le cadre de notre réunion de 2006, nous avons suggéré à la ministre que tous les intervenants doivent commencer à collaborer à l'atteinte des objectifs communs d'un parc urbain national de la Rouge. Pendant beaucoup trop longtemps, les agriculteurs et les groupes environnementaux ont été aux antipodes. La sagesse vient avec l'âge. Je crois maintenant que le fait de passer du temps ensemble et d'arriver à mieux se comprendre l'un l'autre aura une incidence positive sur le parc et favorisera, en fait, la collaboration de tous les intervenants dans cet espace.

À cette fin, la ministre Philpott a organisé, en octobre, une réunion avec les agriculteurs et votre témoin précédent, Mme Janet Sumner, et nous avons visité un projet de restauration des zones humides qui venait d'être terminé sur une des fermes. Un certain nombre de projets ont, en fait, doublé le nombre d'acres de terres humides dans le parc au cours des deux dernières années seulement. Nous avons eu une bonne discussion qui, selon moi, a permis à chaque partie de mieux comprendre la situation.

Une fois que les terres auront été transférées, j'espère que la ministre donnera pour consigne à Parcs Canada de former un comité consultatif auquel siégeront tous les intervenants. Cette démarche permettra aussi de mieux comprendre la situation.

J'aimerais aussi parler de l'autre point primordial concernant ce parc, en l'occurrence l'expérience du visiteur.

Je m'y connais en expérience rurale. Mon frère et moi invitons des milliers de personnes à notre ferme tous les ans. À d'innombrables occasions, des parents sont venus me dire à quel point ils appréciaient que leurs enfants soient en mesure de voir d'où venait leur nourriture et de profiter directement de la nature. Au parc urbain national de la Rouge, nous avons une occasion incroyable de mettre la nature, la culture et l'agriculture en valeur.

Comme on l'a mentionné précédemment, sept millions de personnes vivent à moins d'une heure de ce parc. Je crois que, dans 100 ans, on dira que la création du parc urbain national de la Rouge a été véritablement visionnaire, comme celle du parc national Banff.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Massicotte : En résumé, je vous entends dire, avec une vive inquiétude, que vous êtes maintenant tout à fait à l'aise avec le projet de loi parce que vous avez, en fait, deux priorités potentiellement conflictuelles. L'une porte sur l'intégrité écologique, mais, en même temps, la mesure législative contient un alinéa qui stipule que vous respectez le droit aux terres agricoles et à l'utilisation agricole dans le secteur. Cela vous satisfait et vous êtes favorable au projet de loi en tant que tel. Ai-je bien compris?

M. Whittamore : C'est exact. Je suis favorable au projet de loi. Comme l'a mentionné le témoin précédent, dans le contexte du parc urbain, l'intégrité écologique sera un cheminement. La communauté agricole veut le suivre. J'y suis favorable, et je suis d'accord avec la façon dont l'amendement est rédigé.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes aussi en désaccord avec le besoin d'inclure de la réglementation ontarienne qui a déjà été proposée pour y arriver. Comme vous le savez, certains promoteurs disent que nous avons besoin de modifier la loi pour faire allusion à cette réglementation provinciale afin de nous assurer de conserver les objectifs définis antérieurement. Vous dites aussi que cela n'est pas nécessaire. Vous êtes satisfait de la version actuelle. Est-ce exact?

M. Whittamore : Oui. Je conviens que cela n'est pas nécessaire. Du moins à ce jour, 1 700 acres de terres agricoles de catégorie 1 ont déjà été reboisées, et le Plan de gestion du Nord de la Rouge envisage le reboisement de milliers d'acres supplémentaires. Les responsables de la gestion du parc nous ont dit que ce n'était pas une bonne idée et qu'il existe d'autres façons d'assurer la santé de l'écosystème au plan écologique. Ils croient que l'agriculture peut et devrait faire partie de cette solution.

Le sénateur Massicotte : Je suis désolé de vous poser la question — manifestement, cela n'a rien de personnel — mais certaines personnes ont allégué que, il y a quelques années, les utilisateurs actuels des terres, les agriculteurs et les propriétaires qui sont tous locataires, ont manipulé la situation pour obtenir ces terres à très bon marché. En conséquence, il s'agit d'amis du gouvernement, d'initiés, et cetera, qui sont maintenant des locataires désireux d'améliorer leur situation ou d'obtenir un traitement de faveur comme par les années passées. Pourriez-vous vous prononcer là-dessus? Je sais qu'il y a eu une enquête policière et que les gouvernements précédents l'ont infirmée, mais pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Whittamore : Bien sûr. Nous devons remonter à la fin des années 1970. Lorsque les terres ont été expropriées, nous avions un grand projet d'aéroport. Nous nous trouvions, en fait, sur les terres expropriées par le provincial, qui étaient sur le territoire de la ville de Cedarwood. Nous sommes rapidement entrés dans une importante récession, si bien que le projet d'aéroport a été annulé ou mis en veilleuse. Soudainement, les gouvernements fédéral et provincial se sont retrouvés avec 40 000 acres de terres qu'ils devaient exploiter. C'était exactement à l'époque où je commençais ma carrière, en 1980 et en 1981.

Le gouvernement de l'époque a élaboré un programme des jeunes agriculteurs qui a permis à ceux qui étaient prêts à revenir sur la ferme de payer les terres au taux du marché, mais de payer les maisons et les dépendances en deçà des tarifs urbains. Par exemple, les taux actuels se situent à 1 400 $ par mois pour une maison et le taux agricole aurait été d'environ 800 $.

Nous avons acheté ces terres. En fait, ce n'est pas seulement il y a quelques années. En 1998, nous avons racheté certaines des terres lorsque le gouvernement conservateur a cherché à se retirer du système de réserves foncières. Dans les faits, ces terres nous appartiennent depuis 18 ans. Si vous retournez en arrière pour examiner le prix des terres, vous verrez que nous les avons payées à leur juste valeur marchande en 1998. La valeur des terres a augmenté, mais en 1998, nous avons payé la juste valeur. Nous avons mené des analyses comparatives et nous avons payé les terres environ 7 000 $ ou 8 000 $ l'acre à cette époque.

Quelqu'un dit que nous avons bénéficié d'un traitement de faveur? Je peux vous dire qu'il y a cinq ans, dans une de nos propriétés, la maison me coûtait 700 $ par mois et que, soudainement, les taux ont commencé à augmenter. Maintenant, après cinq ans, cette même maison me coûte 1 350 $ par mois. Lorsque j'ai téléphoné à mon propriétaire, Infrastructure Ontario, j'ai dit : « Ne sommes-nous pas assujettis à la Loi sur la location immobilière? Parce que cette maison est vieille de 140 ans, elle a été construite avant 1991 et, en Ontario, les loyers sont contrôlés. » On m'a répondu : « Non, le gouvernement n'a pas à respecter le contrôle des loyers. » Alors, dans les faits, le loyer de cette maison a doublé en cinq ans.

Il ne s'agit pas de maisons urbaines, mais bien de maisons vieilles de 140 ans dans lesquelles le gouvernement n'a presque pas investi. Votre facture d'huile de chauffage s'élève à 4 000 $ par année parce que ces habitations ne sont pas isolées. Telle est la réalité. Je ne vois pas bien de quel traitement de faveur les gens parlent ici.

Pour ce qui concerne le loyer foncier, je paie actuellement 80 $ l'acre. La Fédération de l'agriculture de l'Ontario a mené des études. Dans le sud-ouest de l'Ontario, on paie entre 120 et 150 $, mais lorsqu'on fixe les prix des locations de terrains, il faut tenir compte d'un certain nombre de choses. Les terres sont-elles systématiquement drainées par canalisations souterraines? Je peux vous dire sans équivoque qu'on n'a pas installé de canalisations dans les terres autour d'ici depuis 45 ans, sauf la terre sur laquelle je me trouve, car je fais pousser des cultures de grande valeur. J'ai donc pris un risque il y a 20 ans et j'ai dépensé 100 000 $ pour installer des drains en tuyaux.

La majeure partie du terrain est mal drainée et pleine d'endroits humides, si bien que son rendement n'est pas particulièrement élevé. Il y a beaucoup plus d'unités thermiques dans le sud-ouest de l'Ontario qu'il y en a ici. C'est donc dire que le loyer foncier de notre région devrait se situer entre 50 et 80 $ l'acre, mais nous avons entendu dire qu'il se chiffre à 120 $ l'acre sur certaines terres fédérales. Je ne sais pas bien ce qu'on entend par traitement de faveur.

Le sénateur Wetston : Premièrement, je tiens à dire que je comprends l'économie agricole du mieux que je peux et à quel point elle est difficile. Je vous félicite de continuer dans cette profession parce que je pense que c'est vraiment important. Et je comprends l'exploitation agricole et à quel point il est difficile de rester viable. Félicitations.

J'ai vu votre ferme, en passant, mais je ne l'ai pas vraiment visitée dans son intégralité. Je vis à Toronto. C'est une installation remarquable.

Je voulais vous demander si ce projet de loi influe sur la viabilité économique de votre exploitation agricole et, le cas échéant, de quelle façon.

M. Whittamore : Comme je l'ai mentionné, nous avons signé des baux d'un an. Un des points qui excite le plus la communauté agricole est la possibilité d'un bail de 30 ans. Lorsque vous signez un bail d'un an ou de mois en mois, vous n'investissez pas dans l'infrastructure. Personne n'a installé de drains en tuyaux. Aucun des agriculteurs qui cultivent du maïs, du soya ou du blé sur ces terres n'investit 1 000 $ l'acre dans des drains en tuyaux à cause des baux d'un an. Au cours des 45 années, on a proposé d'installer des dépotoirs sur les terres. On allait construire le Dome Stadium sur une partie de ce terrain. Les projets ont changé au gré des gouvernements successifs, en fonction des personnes chargées du dossier. Les agriculteurs n'allaient pas investir temps et argent dans des fermes sans clause de départ. Ainsi, nous avions des baux de cinq ans, mais assortis de clauses de départ d'un an. On nous donne un préavis de six mois pour partir. Avec ces baux de 30 ans, il n'y aura pas de clause du genre.

Les agriculteurs se réjouissent de cette perspective. Nous reconnaissons que nous devrons dresser des plans d'agriculture environnementale et nous collaborerons avec les employés de Parcs Canada. C'est probablement la deuxième chose la plus importante pour veiller à ce qu'on investisse dans ces terres pour les améliorer tant sur le plan de l'agriculture que de la santé de l'écosystème.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre commentaire, car je trouve très difficile de penser à la façon dont vous pourriez investir dans votre propriété, qu'il s'agisse ou non d'un parc urbain, sans avoir de bail à long terme pour vous permettre de faire cet investissement. Il me semble que le gouvernement soit ici sur la bonne voie.

J'ignore si ce devrait être 30, 20 ou 15 ans, mais je dirais qu'il faut quelque chose à long terme pour vous permettre de faire ce type d'investissement dans votre propriété. J'espère que cette démarche pourra avoir des retombées positives, car je pense que c'est probablement la seule façon pour vous de faire ces investissements à long terme. Vous avez déjà pris des mesures dans cette optique, de toute évidence.

Je veux vous poser une autre question, si vous me le permettez. Je pense que la biodiversité et les changements climatiques représentent des défis au plan environnemental. Mme Sumner en a discuté brièvement lorsqu'elle a livré son témoignage aujourd'hui — je pense que vous l'avez entendu. Avez-vous subi la moindre incidence directe des changements climatiques sur les activités agricoles que vous menez dans votre propriété?

M. Whittamore : Si j'en juge par mes 35 années comme agriculteur, je dirais que je vois plus d'extrêmes aujourd'hui. Par exemple, pendant la période de pluie d'il y a deux semaines, il est tombé cinq pouces de pluie sur sept jours. Cela se produit de temps à autre, mais les jours entiers de pluie où il ne tombe qu'une légère pluie sur une période de 24 heures ont tendance à se faire de plus en plus rares.

Côté températures, nous nous sommes toujours préoccupés du froid l'hiver en raison des cultures fragiles que nous faisons pousser, soit des fraises et des framboises. Nous remarquons maintenant qu'il y a plus d'extrêmes de température, c'est-à-dire que l'on connaît une courte période de froid extrême plutôt qu'un hiver plus constant, et il est clair qu'il n'y a pas autant de neige qu'il y avait coutume d'en avoir.

Comme les gens le disent, les changements climatiques peuvent prendre du temps, mais nous en observons.

Le sénateur Wetston : Le côté regrettable dans tout cela est qu'il vous faut regarder les données scientifiques à ce sujet et les croire. Malheureusement, ou heureusement, nous ne vivons sur Terre que pendant le temps qui nous est alloué. C'est très difficile de faire l'expérience des changements climatiques qui sont peut-être survenus il y a 10 000 ans, 5 000 ans ou 100 ans.

Ma question est vraiment de savoir si vous avez relevé ces types de changements dans votre exploitation. Cela semble très conforme aux expériences des autres, qui suggèrent que les températures extrêmes sont plus fréquentes ou peut-être que les températures sont plus instables en raison des changements climatiques, quelle qu'en soit la cause. Bien sûr, nous étudions actuellement cette question en comité.

Merci beaucoup.

La sénatrice Fraser : Bienvenue au Sénat, monsieur Whittamore, même si c'est seulement par vidéoconférence.

Pourriez-vous me dire le nombre d'agriculteurs qui se trouvent sur les terres dont nous parlons et le type d'exploitations agricoles qui sont généralement les leurs? Sont-elles petites? Je ne suis pas agricultrice, alors vous allez devoir parler en termes simples pour me l'expliquer. J'aimerais en savoir un peu plus au sujet de cette communauté.

M. Whittamore : Le nombre d'agriculteurs se situe en 45 et 50. Il s'agit d'agriculteurs en tout genre. Il y a de grands producteurs de cultures commerciales qui font pousser du maïs, du soya et du blé, contre-ensemencés de trèfle. Ils occupent un pourcentage assez important des terres. C'est, en partie, le résultat de 45 années de « négligence » gouvernementale — peut-être que le mot est fort — mais il y a eu pas mal de négligence, car les dépendances tombent en ruine.

Je me souviens que pendant ma jeunesse, c'était une communauté extrêmement dynamique. Elle comptait probablement 200 agriculteurs. Cependant, l'expropriation l'a dévastée et déchirée. Pas mal d'agriculteurs sont déménagés, alors nous avons perdu nombre de cultivateurs qui ont décidé d'aller s'installer dans l'Ouest ontarien ou à un endroit plus éloigné encore où ils ne risquaient pas l'expropriation.

À part les importants producteurs de cultures commerciales, il y a un certain nombre de petits agriculteurs. Les éleveurs sont peu nombreux; il y a des éleveurs d'ovins et de bovins, et je pense qu'il y a probablement deux ou trois producteurs laitiers. Ensuite, on retrouve un certain nombre de personnes comme nous qui cultivent des produits maraîchers, soit des fermes où on peut cueillir ses propres produits, soit des fermes qui vendent leurs produits au marché ou directement au marché des produits alimentaires de Toronto ou aux commerçants.

La sénatrice Fraser : J'ai été très émue par votre témoignage dans lequel vous avez expliqué comment vos opinions avaient changé au fil des ans. Croyez-vous qu'il en va de même pour la plupart des agriculteurs?

M. Whittamore : Oui. Il faut comprendre que l'intervention du gouvernement dure depuis 45 ans; lorsqu'on rencontre ses représentants, ils nous disent toujours qu'ils prennent bonne note de nos commentaires, mais ensuite, ils font ce qu'ils veulent. Les agriculteurs font preuve d'un optimisme prudent. C'est la meilleure façon de décrire la situation.

Je siège à un comité qui entretient des liens avec le parc urbain national de la Rouge. Nous travaillons actuellement sur le dossier de la location et nous prenons diverses mesures à cet égard. Lorsqu'on siège au comité et qu'on travaille avec ces gens depuis aussi longtemps... J'ai pleinement confiance. Je suis très impressionné par Parcs Canada, les gens qu'on engage, l'équipe de gestion. C'est le premier organisme gouvernemental à demander notre opinion. Nous apprenons les uns des autres et j'ai tout à fait confiance.

Le comité ne rencontre pas souvent les agriculteurs, mais nous tentons de... Je crois qu'aujourd'hui, surtout dans la partie nord du parc où les terres fédérales ont été transférées et — comme l'a fait valoir Janet — il y a 30 projets en cours. Les représentants de Parcs Canada nous disent que les agriculteurs sont de la partie. Ils auront des projets pour les années à venir parce qu'ils travaillent ensemble.

Je sais qu'un sénateur a demandé qui payait pour cela. Je vais vous donner un exemple simple. Je crois qu'il s'agit d'un paiement conjoint. Parcs Canada souhaite créer un milieu humide. Celui que nous avons vu permettait aux bovins de s'abreuver dans un petit ruisseau. Les bovins ne sont plus là. On a réparé les tuyaux. On a fait un aménagement paysager et on a modifié le débit de la rivière. Les tuyaux font leur travail. Pour ceux d'entre vous qui ne comprennent pas, les drains en tuyaux sont des conduites qui se trouvent à environ deux pieds et demi sous la surface et qui recueillent l'eau. Pour éviter d'utiliser l'eau de surface, qui est tiède et pleine de bactéries, on fait descendre l'eau, qui sort par ces tuyaux. Elle est beaucoup plus propre, plus fraîche et meilleure pour le milieu humide et l'environnement en général.

Lorsque Parcs Canada a fait les travaux, il a remarqué qu'il y avait deux petits champs. Les agriculteurs lui ont demandé d'enlever la clôture de pierres. Ces terres sont pleines de roches. Si ces agriculteurs avaient reçu un sou pour chaque pierre ramassée, ils seraient multimillionnaires aujourd'hui. Toutes ces pierres servent à construire des clôtures, que l'on retire aujourd'hui.

Ainsi, comme l'équipement a évolué et est maintenant plus gros, l'agriculteur peut maintenant avoir une seule terre de 10 acres plutôt que deux terres de cinq acres, puisqu'on a retiré la clôture.

Tout le monde y gagne. Nous avons créé un milieu humide et l'agriculteur a maintenant une terre plus grande, qui lui permet de travailler plus efficacement. C'est un exemple simple.

La sénatrice Fraser : D'accord, merci beaucoup.

Le sénateur Mockler : Monsieur Whittamore, combien d'acres de terre de la Rouge utilise-t-on aux fins de l'agriculture?

M. Whittamore : Si l'on tient compte du potentiel des terres provinciales et fédérales... Je ne connais pas le chiffre exact, mais pour l'ensemble de la zone, c'est environ 10 000 ou 12 000 acres, je crois. Pour la production, c'est probablement 8 000 acres. Parcs Canada aurait les chiffres exacts.

Le sénateur Mockler : Vous parlez de pierres, et je dois vous dire que dans la communauté agricole d'où je viens, ces pierres sont importantes pour la qualité de la terre.

Vous avez parlé de la location ou des ententes à long terme avec le gouvernement.

M. Whittamore : Oui.

Le sénateur Mockler : Vous me le direz si j'ai tort — c'est vous qui avez l'expérience —, mais j'aimerais beaucoup mieux une entente sur 40 ans qu'une entente sur 30 ans, parce qu'il faut plus que 30 ans pour permettre à nos fils et à nos filles de prendre la relève.

M. Whittamore : Je suis d'accord. J'arrive à la fin de ma carrière et mes 10 petits-enfants font tous autre chose, mais si la prochaine génération veut prendre la relève, il faudrait des baux de 30 ans.

Cela pourrait être 40 ans ou 20 ans. À mon avis, on devrait louer la terre pour 20 ans, par exemple, et prévoir une rencontre avec les gestionnaires du parc tous les cinq ans pour déterminer si tout se passe bien et s'il faut faire des changements. On pourrait alors ajouter cinq ans au bail; ce serait un bail de 20 ans à perpétuité.

Il ne faut pas signer un bail de 20 ans puis commencer à parler de ce qu'on pourrait faire à un an de la date d'échéance. Il faut se rencontrer de temps à autre et renouveler ce bail à perpétuité. Qu'il s'agisse d'un bail de 20, 30 ou 40 ans, cela n'a pas vraiment d'importance à mon avis. Je crois toutefois que pour avoir une vision de carrière, les agriculteurs ont besoin de plus de 20 ans.

Le sénateur Mockler : À votre avis, a-t-on répondu aux préoccupations de la communauté agricole? Dans la négative, est-ce que la création d'un conseil consultatif du parc pourrait atténuer les préoccupations futures?

M. Whittamore : Je crois qu'on a répondu aux préoccupations de la communauté agricole. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a une certaine appréhension, étant donné nos 45 ans d'histoire, mais je crois que la création d'un conseil consultatif qui comptera la participation de tous les groupes agricoles et environnementaux est l'une des mesures les plus importantes en vue d'aller de l'avant, d'abord, et de mieux comprendre le point de vue des autres organisations ensuite. Nous sommes depuis beaucoup trop longtemps en désaccord avec les autres organisations; j'en suis responsable, tout comme la communauté agricole. Comme je l'ai dit plus tôt, avec l'âge vient la sagesse, mais j'espère que nous allons créer ce conseil consultatif.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Whittamore, de votre présentation. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Pour la deuxième partie de cette heure, nous recevons le directeur général de Friends of the Rouge Watershed, Jim Robb, par vidéoconférence. Monsieur Robb, vous pouvez faire votre déclaration préliminaire, puis nous passerons à la série de questions.

Jim Robb, directeur général, Friends of the Rouge Watershed : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de me donner l'occasion de témoigner devant le comité.

Depuis 1991, notre groupe de conservation communautaire, Friends of the Rouge Watershed, a coordonné le travail de plus de 60 000 bénévoles et supporteurs en vue d'améliorer l'état du bassin hydrographique de la rivière Rouge et du parc. Je travaille à titre de bénévole pour la rivière Rouge depuis 1986 et, depuis 1997, je suis directeur général de Friends of the Rouge Watershed. De plus, j'ai été vice-président de la Commission des évaluations environnementales de l'Ontario de 1990 à 1996.

Le bassin hydrographique de la rivière Rouge est entouré par 120 kilomètres carrés de terres publiques près de Toronto. La plupart de ces terres fédérales et provinciales font partie du système du patrimoine naturel de la ceinture de verdure de l'Ontario. Elles représentent notre dernière chance de créer un grand parc dans le Sud de l'Ontario, une région qui compte le tiers de la population du Canada et le tiers des espèces en voie de disparition du Canada, mais dont seulement une terre sur 400 est un parc national; 80 p. 100 de ses terres sont des zones agricoles et des établissements.

Je remercie le Sénat et la Chambre des communes de prioriser l'intégrité écologique par l'entremise du projet de loi C-18. Il comporte toutefois une importante lacune, qui pourrait être réglée en ajoutant le paragraphe 6(3), qui devrait se lire comme suit :

Le paragraphe (1) a pour objet d'encadrer et de compléter la mise en œuvre des plans de conservation actuels de la ceinture de verdure, de la moraine d'Oak Ridges et du parc de la Rouge de l'Ontario.

Il est nécessaire de modifier le projet de loi C-18 par l'ajout du paragraphe 6(3) pour respecter :

a) les vastes intérêts publics que représentent les plans de conservation de la ceinture de verdure de l'Ontario, de la moraine d'Oak Ridges et du parc de la Rouge;

b) l'accord de 2013 entre le Canada et l'Ontario visant à satisfaire et même à surpasser les exigences des plans de conservation actuels de l'Ontario dans le cadre de la création du parc national;

c) la demande explicite de l'Ontario en vue d'adopter un amendement comme le paragraphe 6(3) en septembre 2014 et en février 2017, dans des lettres adressées aux ministres fédérales de l'environnement;

d) Les promesses écrites « approuvées par le parti » des candidats de 16 circonscriptions de l'est de la RGT, y compris les députés élus Jane Philpott et Gary Anandasangaree, et 14 de leurs collègues.

Dans une lettre de février 2017 adressée à la ministre McKenna, le ministre ontarien Brad Duguid a écrit ce qui suit :

Le projet de loi C-18 modifie le paragraphe 6(1) de la Loi sur le parc urbain national de la Rouge en vue de prioriser l'intégrité écologique. Merci. Nous vous serions également très reconnaissants si vous répondiez à notre deuxième demande par l'entremise du paragraphe 6(3).

Des ONG respectées comme Environmental Defence et Ontario Nature souhaitent également voir le paragraphe 6(3) intégré au projet de loi C-18. Le directeur général d'Environmental Defence a fait valoir ceci :

Le Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe de l'Ontario se fonde sur la mise en œuvre des plans de conservation de la ceinture de verdure, du parc de la Rouge et du bassin hydrographique pour atténuer les répercussions de la croissance et des changements climatiques, et mieux protéger la santé du lac Ontario de même que la santé et le bien-être des humains.

Dans sa lettre à l'intention de la ministre McKenna, l'ancien député de Scarborough—Rouge River, Alvin Curling, qui a siégé pendant 20 ans au Parlement de l'Ontario, a fait valoir ce qui suit :

Les plans du parc de la Rouge de l'Ontario ont été élaborés par quatre gouvernements provinciaux et trois partis politiques différents. Ils ont tous pris des mesures importantes en vue de protéger et de rétablir l'intégrité écologique et le cœur du parc : le « grand corridor écologique » de la petite rivière Rouge entre le lac Ontario et la moraine d'Oak Ridges.

Le paragraphe 6(3) est nécessaire en vue d'appuyer les mandats fédéraux et les plans approuvés en vue :

1) d'améliorer la qualité des bassins versants, du lac Ontario, de l'eau potable et de la santé publique en vertu de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et du plan d'action de la région de Toronto;

2) de freiner l'évolution de la pollution et d'atténuer les risques d'inondation et d'érosion, qui augmentent avec les changements climatiques;

3) d'améliorer l'habitat, la biodiversité et le rétablissement des espèces en péril;

4) d'améliorer l'accès du public aux parcs publics dans la région la plus populeuse du Canada;

5) de reconstituer le sentier historique du Portage de Toronto des Premières Nations et le grand corridor écologique prévu par le Plan de la ceinture de verdure de l'Ontario entre le lac Ontario et la moraine d'Oak Ridges.

À l'heure actuelle, les baux résidentiels et agricoles sont subventionnés selon un taux de 60 à 80 p. 100, ce qui signifie que la plupart des terres publiques du parc de la Rouge sont interdites d'accès au public. Si l'on maintient le statu quo en matière de subventions en signant des baux de 30 ans, les Canadiens n'auront pas accès à la plupart des terres publiques de ce parc national et perdront 3 milliards de dollars de services, comme l'atténuation de la pollution, des inondations et des changements climatiques, et 100 millions de dollars en raison des baux subventionnés et de l'absence d'appels d'offres ouverts et concurrentiels.

Les Canadiens en ont assez des promesses brisées et de l'inaction en ce qui a trait aux défis climatiques et environnementaux importants. Comme l'a fait valoir le président de Friends of the Rouge, Kevin O'Connor :

Si l'on omet d'ajouter le paragraphe 6(3) au projet de loi C-18, le gouvernement fédéral et Parcs Canada gaspilleront le temps et l'argent des contribuables à réinventer la roue alors que les plans d'action urgents pour remédier à la situation seront retardés à cause d'un chevauchement inutile.

Les Canadiens veulent que le parc urbain national de la Rouge soit un exemple visible de mesures environnementales correctives et d'optimisme pour notre pays, notre planète et nos jeunes.

Nous vous demandons de faire preuve de vision en appuyant le projet de loi C-18 et en y ajoutant le paragraphe 6(3) pour appuyer la mise en œuvre de plans de mesures correctives à long terme qui se fondent sur des données scientifiques et qui ont été élaborés à la suite de nombreuses consultations avec les intervenants et la population.

Nous vous remercions de faire ce travail au nom des Canadiens. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Robb. Nous passons à la période de questions.

Le sénateur Massicotte : Je tiens à vous remercier, au nom du Canada, des efforts que vous déployez depuis de nombreuses années en vue de faire de ce parc une réalité dans l'intérêt supérieur des Canadiens. Je sais que vous y travaillez très fort. Vous avez déjà témoigné devant nous auparavant, et nous vous en remercions, vous et votre organisation.

J'ai lu votre présentation et je viens bien sûr d'entendre votre déclaration, mais je vais vous dire ce que je comprends : vous utilisez des données probantes, des faits et des appuis antérieurs à l'égard de votre position visant à modifier le projet de loi. Je vais être poli, mais il semble que certaines personnes aient changé d'idée, y compris l'ancien Parti libéral du Canada et certains anciens ministres.

D'après ce que je vois aujourd'hui, le ministre actuel — et non l'ancien ministre de l'Ontario — appuie le projet de loi tel qu'il est proposé. Le gouvernement du Parti libéral du Canada appuie le projet de loi tel qu'il est proposé. Vous avez raison de dire qu'ils ont déjà eu une opinion contraire. Il semble qu'ils aient aujourd'hui une autre opinion. Ils ont peut-être eu une révélation ou ils comprennent mieux la situation, ou alors ils comprennent maintenant ce que c'est de gouverner et d'arriver à un consensus.

Que répondez-vous à cela? En d'autres termes, ce que vous dites est juste, mais nous sommes rendus là : les gouvernements fédéral et provinciaux, qui comptent des environnementalistes et des agriculteurs, disent que c'est la bonne chose à faire et demandent aussi qu'on ne modifie pas le projet de loi selon votre proposition parce qu'on ne fera que compliquer la définition de l'intégrité écologique. Comment répondez-vous à cela?

M. Robb : Je réponds qu'ils font fi de la loi du pays et qu'ils font fi de l'accord signé par les gouvernements du Canada et de l'Ontario le 26 janvier 2013. L'accord énonce explicitement que Parcs Canada travaillera avec le gouvernement de l'Ontario pour satisfaire ou surpasser les politiques actuelles relatives à la ceinture de verdure de l'Ontario et à la moraine d'Oak Ridges, qui sont des politiques en matière de diligence raisonnable.

Lorsqu'on a élaboré le plan du bassin hydrographique et du parc de la Rouge, on a tenu compte de la croissance; la province dit qu'il faut croître. De plus en plus de gens viennent au pays. Toronto est une importante zone de croissance. On a donc fait des prévisions et on a constaté qu'on ne pourrait pas respecter les droits riverains ou maintenir la qualité de l'eau des Grands Lacs, et qu'on ne pourrait pas éviter les inondations et l'érosion, qui sont coûteuses. On est donc retourné à la case départ et on s'est demandé comment faire pour permettre une telle croissance. On a déterminé qu'il fallait rétablir le parc de la Rouge et d'autres terres publiques, et créer des forêts et des zones humides afin de réduire le ruissellement et la pollution et de compenser les pressions supplémentaires qu'entraîne la croissance.

Pour faire une comparaison, c'est comme si l'on obtenait l'approbation de construire un avion d'un certain poids en fonction d'un certain train d'atterrissage et d'un certain profil d'aile, puis qu'on disait : « Nous allons construire cet avion; nous allons accommoder le plus de gens possible, mais nous allons ignorer le train d'atterrissage et les ailes. » Cet avion finirait par s'écraser.

Cela va complètement à l'encontre du droit environnemental, et à l'encontre du cadre stratégique auquel travaillent M. Whittamore et les agriculteurs depuis 27 ans. Le corridor écologique de la Rouge, l'élément central du parc qu'on tente de détruire, a été mis sur pied par le gouvernement de Mike Harris. C'est Dalton McGuinty qui l'a intégré au plan de la ceinture de verdure et il faisait partie du plan officiel de M. Markham.

Ce qui se passe ici, c'est que les intérêts d'une circonscription menacent de compromettre l'intérêt public de 37 millions de Canadiens.

Le sénateur Massicotte : Donc, ce que vous dites, c'est que ces gens jouent un petit jeu, sans s'intéresser aux intérêts à long terme du Canada, et ce peut-être pour des raisons politiques, mais nous avons entendu les témoins. Certains sont venus ici. Ils m'ont semblé avoir les intérêts des Canadiens à cœur. Mais vous nous dites que non. Que ces gens sont... j'essaie de rester poli... qu'ils ont tout faux et qu'ils ont changé d'idée. Qu'ils ont une vision à court terme. Est-ce bien cela?

M. Robb : Voilà ce que je réponds : il y a beaucoup de bons agriculteurs, des agriculteurs qui sont dans le parc de la Rouge depuis longtemps. Il est vrai que le gouvernement a exproprié ces terres il y a 45 ans, ce qui est grave. Mais cela fait 45 ans et nombre des agriculteurs de l'époque sont maintenant à la retraite, ont déménagé ou ont acheté de plus grosses fermes avec l'argent qu'ils ont reçu du gouvernement fédéral dans les années 1970.

Depuis, on a loué les terres selon un tarif de 40 à 75 $ par acre, ce qui ne représente que 20 ou 30 p. 100 de la juste valeur marchande, et on les a louées à des personnes d'influence bien branchées. Elles connaissent les bonnes personnes. Parcs Canada est nouveau dans cette région. Pas moi. En 2006, la Société immobilière de l'Ontario, qui gérait ces terres, a intenté une poursuite de 47 millions de dollars contre ses propres employés pour fraude, abus de confiance et transactions foncières inappropriées. Il y a plein de squelettes dans le placard. En ce qui me concerne, ce qui se passe aujourd'hui finira par être exposé au grand jour et la population canadienne sera consternée de voir cela.

On peut renégocier les baux, on peut se montrer juste envers les anciens agriculteurs, mais à l'heure actuelle, les locataires du parc sont des promoteurs consultants. Ce sont des multimillionnaires qui louent les terres à 40 $ l'acre. À Toronto, il fallait payer 1 870 $ par mois pour avoir 500 acres et une maison à deux ou trois chambres en 2010.

Le sénateur Massicotte : En ce qui a trait aux subventions et à la juste valeur marchande des baux, nous avons soulevé la question auprès de Parcs Canada, et je suis certain que vous avez entendu le témoignage de ses représentants. Ils ne connaissent pas le passé, l'histoire, mais ils nous assurent qu'à l'avenir, toutes les négociations relatives au loyer se feront selon la valeur du marché. Je comprends que cela ne vous rassure pas tellement.

M. Robb : Cela ne me rassure pas, pour la raison suivante : à l'heure actuelle, seulement environ 25 p. 100 des terres du parc, qui sont toutes des terres publiques... on ne parle pas des terres privées. Mike Whittamore est propriétaire de terres privées à l'extérieur du parc et il peut louer certaines terres dans le parc. On parle de terres publiques. Le public a accès à moins du quart des terres publiques du parc. En signant des baux de 30 ans pour toutes les terres agricoles... À l'heure actuelle, seulement 66 ou 70 p. 100 du parc est consacré à l'élevage du bétail, à la culture du maïs pour l'éthanol et à la culture du soya pour l'engraissement des bovins. Mike Whittamore est l'exception. Sa ferme privée se situe à l'extérieur du parc et offre l'autocueillette de même que des produits frais.

Il y a quelques autres petites entreprises du genre, mais les gens qui arrivent dans la région ne connaissent pas vraiment sa réalité. La grande majorité des terres du parc servent à l'élevage des bovins et à la culture du maïs et du soya. Ainsi, les agriculteurs privés à l'extérieur du parc peinent à gagner leur vie parce que le prix des produits varie en raison de la surproduction de maïs et de soya certaines années. Les agriculteurs qui se trouvent dans le parc produisent les mêmes produits, mais louent leur terre au cinquième de la juste valeur marchande. J'utilise les chiffres d'un spécialiste du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales et de nombreuses sources en ligne disponibles. J'ai parlé au représentant de Transports Canada responsable de cette région, et il m'a dit que 90 p. 100 des terres fédérales sont louées à 40 $; le prix est plus élevé dans le cas des baux récents.

La sénatrice Griffin : C'est intéressant. Vous avez cité la lettre d'un ancien député provincial de Scarborough—Rouge à l'intention de la ministre McKenna, dans laquelle il évoque cinq raisons pour lesquelles l'ajout du paragraphe 6(3) est nécessaire en vue d'appuyer les mandats fédéraux et les plans approuvés.

Je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas y arriver par l'entremise du processus de planification de gestion de Parcs Canada plutôt que par l'entremise de cet amendement. Pourquoi ne pouvons-nous pas atteindre cet objectif par l'entremise du système de gestion de Parcs Canada?

M. Robb : On a déjà un problème : en 2012, le ministre de l'Environnement Peter Kent avait promis la mise sur pied d'un comité des intervenants du parc urbain national de la Rouge au cours des semaines suivantes. Cela fait maintenant près de cinq ans. Mike Whittamore dit qu'on rencontre les agriculteurs. Parcs Canada ne nous a pas rencontrés. Nous ne faisons pas partie du processus. Il est trop tôt pour négocier les baux. Il faut un plan de gestion et il faut protéger les intérêts publics.

Si l'on n'énonce pas cela dans la loi, comme de nombreuses autres choses, alors on ne fera que réinventer la roue. Parcs Canada dépensera 18 millions de dollars par année pour réinventer ce qui se trouve déjà dans les plans de gestion du gouvernement de l'Ontario depuis 27 ans, après des années de consultations auprès de la population et des intervenants.

Si c'est inscrit dans la loi, cela a plus de poids. En tant qu'ancien vice-président du conseil d'évaluation environnementale, j'ai vu ce qui se passait lorsque la loi n'était pas claire ou directive. On peut se retrouver avec de graves problèmes de mise en œuvre et ainsi gaspiller le temps et l'argent des contribuables.

La sénatrice Griffin : Je conviens qu'il y a eu de nombreuses consultations publiques associées à la signature de ces accords. C'est très bien, mais d'après ce que je comprends, la communauté agricole n'a pas été consultée, par exemple. Je me trompe peut-être, mais c'est ce qu'ont dit certains témoins.

J'aimerais revenir...

M. Robb : Est-ce que je peux répondre à cela?

La sénatrice Griffin : Bien sûr, allez-y. Je reviendrai à mon point ensuite.

M. Robb : C'est complètement faux. De 1990 à 1994, le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario a réalisé un processus public de planification sur quatre ans pour le premier plan du parc de la Rouge. Le plan a été approuvé par le cabinet. Les agriculteurs y ont participé, tout comme les environnementalistes et les groupes communautaires. Tous les gouvernements y ont participé.

De 1997 à 2001, sous le gouvernement conservateur de Mike Harris, on a réalisé un processus public de planification sur cinq ans avec les agriculteurs, les intervenants, les environnementalistes, les municipalités et le gouvernement fédéral. On a ainsi établi le corridor écologique du Little Rouge, qui s'étend du lac à la moraine. Ensuite, la ville de Markham a apporté une modification à son plan officiel afin d'y intégrer le corridor écologique du Little Rouge. Par la suite, le gouvernement provincial a négocié pendant deux ans avec les intervenants et la population en vue de créer le plan de la ceinture de verdure. Enfin, on a négocié le plan de gestion du corridor du Little Rouge pendant deux ans.

On a dépensé des millions de dollars des contribuables pour des consultations avec les intervenants et la population. Des scientifiques ont pris part au processus. Ces plans ont été approuvés en vertu de la Loi sur l'aménagement du territoire de la province.

En fait, la Rouge est comme une chrysalide. C'était une chenille qui avait trop de pattes. C'est maintenant une chrysalide et les gens qui louaient les terres au quart de leur juste valeur marchande tentent de lui couper les ailes avant qu'elle ne devienne un papillon.

La sénatrice Griffin : C'est très bien. Merci de cette précision. C'est un nombre impressionnant d'intervenants qui participent à la négociation de ces accords en vue d'atteindre ce niveau. Toutefois...

M. Robb : Ce ne sont pas des accords; ce sont des lois et des plans.

La sénatrice Griffin : Il y a des lois et des plans en place, mais vous n'arrivez pas à me convaincre d'intégrer cet amendement au projet de loi. Ce sont des éléments très intéressants. Je suis certaine qu'ils constitueront un bon point de départ pour orienter le processus de Parcs Canada. Il ne partira pas de zéro. Je crois que c'est excellent. Merci de nous avoir fait part de votre point de vue.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Robb, nous avons entendu M. Whittamore tout à l'heure, à qui vous avez fait référence. Monsieur Whittamore, nous parlons des connaissances détaillées du marché et des taux. Vous faites partie du marché. Vous me semblez informé. Que répondez-vous à la thèse d'une entente de faveur avec les personnes à l'interne et à ce qu'on dit à propos du loyer versé pour ces acres?

M. Whittamore : Jim a dit que nous payions le quart ou le cinquième du prix courant. Jusqu'à il y a cinq ans, nous payions 50 $ par acre pour louer nos terres. En l'espace d'un an, ce taux est grimpé à 80 $ par acre. Même à 50 $, je paie seulement le cinquième du taux du marché? Il essaie de dire qu'on devrait payer 250 $ par acre. Je doute que ce soit le cas en Ontario, à l'exception peut-être des terres bien drainées du sud-ouest de l'Ontario qui comptent 400, 500 et peut- être même 600 unités thermiques de plus que les nôtres. Il est tout simplement faux de prétendre qu'on devrait payer 250 $ par acre.

L'OFA a fait une recherche pour déterminer les taux du marché actuels et ce qu'ils devraient être dans la région, et c'est autour de 50 à 80 $ par acre. On peut demander 250 $ par acre, mais à moins d'être productif dans le maïs et le soya... Malgré ce que dit Jim, la rotation traditionnelle comprend le maïs, le soya et le blé. On a cultivé beaucoup de blé au cours des dernières années. Si vous regardez les champs, vous verrez des centaines d'acres de blé. On fait une rotation aux trois ans.

Je tiens à préciser que le maïs ne sert pas seulement à produire l'éthanol; il sert aussi à la production alimentaire. Au fil des années, on a pensé que d'une certaine façon... certains disaient qu'on exportait les cultures. Le maïs ne sort pas de la province. Il y a 14 millions de personnes qui vivent ici. On consomme tout le maïs. En fait, nous sommes un importateur net de maïs. On s'en sert pour faire l'éthanol, mais nous n'avons pas créé cette demande. Nous répondons à la demande du marché.

En ce qui a trait au soya, oui, on le donne à manger aux animaux, mais les gens mangent du poulet, du poisson, du bœuf et du porc. Nous n'exportons pas le soya. Il y a le tofu. Le soya sert à de nombreuses fins, mais il sert à la consommation humaine. On le consomme dans la province.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous un commentaire final, monsieur Robb?

M. Robb : Oui. Les chiffres que j'ai présentés proviennent d'un scientifique du ministère de l'Agriculture de l'Ontario. Je peux vous donner la citation.

De plus, j'ai consulté les chiffres des États-Unis pour des latitudes similaires. Nous nous penchons sur la question du commerce équitable et de la concurrence. Aux États-Unis, les statistiques sont publiées par comté et l'on parle d'environ 250 à 300 $ canadiens par acre pour des terres et des latitudes similaires, avec des unités thermiques similaires également.

Le sénateur Massicotte : Il se trompe peut-être. Merci beaucoup.

Le président : Je remercie tous les témoins de leur présence. Nous avons entendu deux bons exposés, de même que de bonnes questions et réponses.

Hier, j'ai présenté une motion voulant que nous siégions le mardi 30 mai, pour que nous puissions entendre deux autres témoins au sujet de ce projet de loi puis passer à l'étude article par article. J'espère qu'elle sera adoptée aujourd'hui. Nous verrons ce qui se passera.

Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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