Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 33 - Témoignages du 19 octobre 2017


OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Richard Neufeld. J’ai l’honneur d’être président de ce comité. Je viens de la Colombie-Britannique. Je souhaite la bienvenue à tous ceux et celles qui sont parmi nous aujourd’hui en personne ou qui nous regardent à la télévision ou en ligne d’un peu partout dans le pays. Je rappelle à tous ceux et celles qui nous regardent que les séances des comités sont publiques et accessibles en ligne sur le nouveau site web du Sénat à sencanada.ca. Tous les documents relatifs aux travaux du comité se trouvent en ligne, y compris les rapports antérieurs, les projets de loi étudiés et les listes de témoins.

Je voudrais maintenant demander à mes collègues sénateurs de se présenter. Je commencerai par vous présenter moi-même le sénateur Paul Massicotte, du Québec, qui est vice-président du comité.

Le sénateur Massicotte : Bonjour.

La sénatrice Galvez : Sénatrice Galvez, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le président : J’aimerais aussi vous présenter notre personnel, à commencer, à ma gauche, par la greffière, Maxime Fortin. Sont également présents, à ma droite, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a confié à notre comité la tâche de mener une étude approfondie sur les effets, les défis et les coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s’est engagé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. C’est une tâche énorme.

Notre comité a adopté une approche sectorielle pour cette étude. Nous étudierons cinq secteurs de l’économie canadienne qui représentent globalement plus de 80 p. 100 de la totalité de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’électricité, du transport, de l’exploitation pétrolière et gazière, des industries à forte intensité d’émissions exposées au commerce et des bâtiments.

Nous avons publié notre premier rapport provisoire sur le secteur de l’électricité le 7 mars, et notre deuxième, sur le secteur du transport, le 22 juin.

Aujourd’hui, pour notre 53e réunion consacrée à cette étude, j’ai le plaisir d’accueillir, du Conseil national de recherches du Canada, Michel Dumoulin, vice-président intérimaire, Génie, et Philip Rizcallah, directeur, Recherche et développement, Construction. Merci beaucoup, messieurs, de vous être joints à nous. Nous écouterons vos exposés avec beaucoup d’intérêt. Ensuite, nous aurons des questions à vous poser. La parole est à vous.

Michel Dumoulin, vice-président intérimaire, Génie, Conseil national de recherches Canada : Je vous remercie. Je suis heureux de comparaître devant le comité. J’ai en effet un exposé préliminaire, mais avant de le présenter, je dois mentionner en toute honnêteté que, même si j’ai 27 ans d’ancienneté au CNRC et que j’ai occupé différents postes dans différents secteurs, je n’en suis qu’à ma troisième semaine dans mes fonctions actuelles. Je serais très heureux de vous parler du CNRC, de notre mandat et de nos opérations générales, mais nous avons la chance de pouvoir compter sur de grandes compétences au conseil. Je suis donc heureux d’avoir ici ce matin mon collègue, Philip Rizcallah. C’est notre grand spécialiste des codes modèles nationaux et de tout ce qui les entoure.

Cela dit, je suis vice-président par intérim de la Division du génie du Conseil national de recherches du Canada. Comme je viens de le dire, je suis accompagné aujourd’hui de Philip Rizcallah, directeur de la recherche-développement en construction, à la Division du génie du CNRC. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de prendre la parole devant le comité aujourd’hui.

Nous aimerions vous faire part des récentes initiatives prises par le CNRC pour aider le gouvernement du Canada à atteindre ses objectifs touchant à la fois l’économie à faibles émissions de carbone et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour vous donner une meilleure idée de l’ampleur et de la portée du travail effectué par le CNRC, j’aimerais vous mentionner qu’il s’agit d’une organisation de portée nationale, dotée d’un effectif d’environ 3 700 chercheurs et employés hautement qualifiés et novateurs, répartie dans l’ensemble du pays.

[Traduction]

Notre travail couvre un large éventail de disciplines scientifiques et techniques, et a contribué à changer la vie de nombreux Canadiens et de gens du monde entier.

Depuis un siècle, le CNRC constitue la principale organisation de recherche et de développement du gouvernement du Canada. Nous avons acquis une réputation d’excellence à coup d’innovations marquantes comme le radar, le stimulateur cardiaque, l’enregistreur de vol, le canola, le Canadarm, un vaccin contre la méningite et le tout premier vol à réaction propulsé au biocarburant. De plus, nous sommes toujours fiers de mentionner le prix Nobel décerné à l’un de nos chercheurs émérites, le regretté Gerhard Herzberg, pour le travail en spectroscopie moléculaire qu’il a réalisé au CNRC.

Chaque année, le conseil travaille en collaboration étroite avec l’industrie pour réaliser des projets de recherche-développement de concert avec un millier d’entreprises. Nous offrons des conseils techniques à quelque 11 000 PME et collaborons avec plus de 200 hôpitaux de recherche, universités, collèges, ministères fédéraux et partenaires internationaux.

Nos activités sont alignées sur les priorités du gouvernement fédéral. À l’heure actuelle, nous concentrons nos efforts sur trois grands domaines : le soutien de l’innovation industrielle, l’appui à la réalisation des mandats fédéraux et l’avancement des sciences et de l’innovation grâce à la recherche exploratoire.

J’ajouterai, dans le contexte de notre discussion d’aujourd’hui, que le CNRC coordonne et supervise les codes modèles nationaux, dont ceux du bâtiment et de l’énergie, afin de favoriser l’adoption des codes modèles et des nouvelles technologies par l’industrie. Nous appuyons aussi l’élaboration de normes pour le secteur de la construction, produisons des guides et des pratiques exemplaires et réalisons des projets pilotes et des évaluations technico-économiques.

Pour ce volet de son mandat, le CNRC exploite un réseau d’établissements et de centres, dont le Centre canadien des technologies résidentielles. Le centre, qui se compose de maisons-témoins, est exploité conjointement par le CNRC, Ressources naturelles Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Il permet de donner aux fabricants et aux concepteurs de produits un banc d’essai en conditions réelles pour mettre à l’épreuve les innovations technologiques qu’ils conçoivent, avant les essais complets sur le terrain dans des résidences habitées.

Le Centre canadien des matériaux de construction est un autre exemple. Travaillant en étroite collaboration avec des fabricants et des fournisseurs du secteur de la construction, le centre met des matériaux à l’essai pour confirmer leur conformité avec les caractéristiques techniques annoncées et les exigences des codes du bâtiment, de l’énergie et de prévention des incendies.

Ces codes ont évolué en fonction de l’expérience acquise et des innovations introduites. À l’heure actuelle, nous faisons tous les cinq ans une révision consensuelle en profondeur de ces codes, de concert avec tous les secteurs de la construction et le public. Cette façon de procéder permet de concilier de manière viable les impératifs de stabilité, de flexibilité et d’économie.

[Français]

Cette démarche garantit que les changements apportés reposent sur les connaissances les plus récentes. Il s’agit de fournir aux professionnels de la construction l’assurance nécessaire pour innover en toute sécurité, réduire les risques et maintenir au plus bas les coûts de conformité en établissant des règles uniformes et dignes de confiance qui suivent l’évolution de l’industrie.

[Traduction]

Cela m’amène à la contribution du CNRC au Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Dans cette initiative, le CNRC, en étroite collaboration avec Ressources naturelles Canada, travaille avec l’industrie pour développer les technologies nécessaires d’une manière économique.

Un des objectifs, qui découle directement du cadre, est la mise en œuvre par les provinces et les territoires de codes de l’énergie de plus en plus rigoureux. Ces codes visent plus particulièrement les constructions neuves à partir de 2020, le but à long terme étant d’implanter des codes modèles à consommation énergétique nette nulle d’ici 2030. De plus, un code modèle ou un guide pour les bâtiments existants devrait être terminé d’ici 2022.

Le CNRC est appelé à jouer deux rôles distincts de premier plan dans la réalisation du cadre pancanadien.

Premièrement, le CNRC effectuera et surveillera les travaux de recherche, et consolidera les résultats et les connaissances nécessaires pour établir les solutions techniques et les instruments de politique publique sur lesquels devront reposer les codes du bâtiment et de l’énergie. Nous remettrons le fruit de ce travail à la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, groupe indépendant de bénévoles mis sur pied par le CNRC pour orienter et superviser l’élaboration des codes modèles nationaux de construction.

La commission déterminera si cette information peut être intégrée dans les futures versions des codes. Pour sa part, le CNRC diffusera largement cette information dans le public et l’industrie pour favoriser l’adoption des codes partout dans le pays et encourager l’industrie à s’y conformer.

Deuxièmement, le CNRC travaillera en étroite collaboration avec la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies et ses comités techniques pour assurer le respect de l’échéancier établi dans le cadre pancanadien. Nous y parviendrons en déterminant les besoins de recherche et de ressources pour accélérer l’élaboration des codes.

Au départ, les provinces et les territoires pourront fixer la date à laquelle ils adopteront des niveaux de rendement particuliers, pour progresser graduellement vers l’adoption du code de consommation énergétique nette nulle en 2030.

Pour préserver la qualité du code, de même que la transparence et l’équité du processus d’élaboration, le CNRC continuera de travailler en étroite collaboration avec l’ensemble des parties intéressées pour respecter les objectifs du cadre pancanadien durant le processus d’élaboration des codes.

Outre ces retombées à long terme, l’avènement d’une économie à faibles émissions de carbone engendrera de nombreux avantages à court terme. Les efforts que nous menons pour aider l’industrie à innover se traduiront rapidement par la création de richesse et d’emplois.

[Français]

Dans le cadre des efforts qu’il déploie actuellement, le CNRC en partenariat avec d’autres ministères donnera l’impulsion à la recherche et développement collaboratifs. Nous validerons les hypothèses, nous enrichirons les connaissances et offrirons des réponses et des solutions validées. La recherche développement est un atout pour les entreprises qui voudront saisir les nouvelles occasions engendrées par l’économie à empreinte de carbone allégée.

[Traduction]

En réduisant l’empreinte carbone de nos bâtiments, nous aiderons le Canada à honorer les engagements qu’il a pris en souscrivant à l’Accord de Paris. Il s’agit là d’un objectif immédiat et pratique. Le travail que nous faisons au CNRC pour résoudre les problèmes actuels aboutira inévitablement à des solutions et des innovations pour le Canada et le monde.

Je voudrais souligner, en conclusion, que c’est grâce à l’étendue des compétences du CNRC, à son infrastructure scientifique unique et à la portée nationale de son action qu’il a réussi à réunir des intervenants du Canada et de l’étranger.

Pour l’avenir, nous demeurons bien positionnés pour amener les principaux acteurs à travailler ensemble en faveur de l’innovation. Cela aura des effets réels sur la vie des Canadiens dès aujourd’hui et pendant les décennies à venir.

Je vous remercie de l’intérêt que vous portez au CNRC. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d’être parmi nous ce matin. Nous sommes heureux de vous accueillir. Vous avez un historique très impressionnant. Merci au nom des Canadiens et des Canadiennes.

Dans votre présentation, vous nous donnez l’espoir et la confiance que nous atteindrons nos objectifs d’ici 2030. La mise en place d’un code pour les bâtiments existants vise 2022, soit dans quatre ou cinq ans. Des experts nous disent que nous sommes trop en retard, que les objectifs sont trop ambitieux. Où en sommes-nous? Pourquoi pensez-vous que nous pourrons atteindre nos objectifs de 2030 alors qu’il reste beaucoup de choses à faire et qu’il y a un délai assez important pour mettre en pratique les connaissances au sein de notre économie?

[Traduction]

M. Dumoulin : Je vous remercie pour cette très bonne question.

[Français]

Je vais demander à mon collègue, Philip, de vous donner des exemples spécifiques sur le niveau de confiance que nous avons collectivement au Canada dans l’atteinte des objectifs. J’aimerais insister sur le fait que le CNRC joue un rôle de conseiller neutre, non biaisé. Notre mission est de faire de la recherche et développement, développer des connaissances qui permettront d’atteindre des objectifs et donner des avis neutres et non biaisés pour que l’industrie et l’ensemble des parties prenantes puissent prendre les décisions et les actions qui s’imposent. Les actions proviendront surtout de l’impulsion d’autres ministères qui injecteront des fonds et mettront en place des programmes. Notre rôle est de donner des avis aux autres ministères et à l’industrie pour que les meilleures décisions soient prises en fonction des objectifs visés.

Le sénateur Massicotte : En d’autres mots, vous n’êtes responsable de rien. Pourquoi avez-vous confiance que nous atteindrons nos objectifs? Disposez-vous d’informations ou d’un compte rendu? Où en êtes-vous avec ce programme d’innovation en matière d’énergie, et cetera?

[Traduction]

Philip Rizcallah, directeur, Recherche et développement, Construction, Conseil national de recherches Canada : Nous sommes responsables de beaucoup de choses. En fait, nous avons la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, qui est un organisme indépendant. Il s’agit d’un groupe de bénévoles n’appartenant pas à l’administration publique qui oriente l’élaboration des codes du bâtiment. Au CNRC, nous assurons un soutien technique, administratif et financier à la commission et à ses comités. Je dirais donc que nous avons quelques éléments qui comptent parmi les plus brillants du monde qui travaillent avec ces comités pour les guider, les appuyer et faire les recherches dont ils ont besoin pour prendre des décisions. Sommes-nous sûrs que les changements nécessaires seront prêts avant l’échéance de 2030? Je suis personnellement sûr que nous aurons les changements voulus à temps.

À l’heure actuelle, pour élaborer les codes, nous travaillons avec un groupe d’intervenants de l’industrie. Les codes constituent des documents vraiment dynamiques. Ils évoluent et s’améliorent constamment, de sorte que nous aurons les solutions nécessaires d’ici 2022. Ce ne seront pas des solutions finales, mais elles figureront dans le code.

À mesure que nous actualisons les codes, nous disposerons de solutions de plus en plus perfectionnées. Après que nous aurons commencé à mettre à l’épreuve les solutions et les technologies, nous serons en mesure de les intégrer dans les codes. Bref, oui, nous sommes confiants.

Le sénateur Massicotte : Comme vous le savez, il y a toujours de longs délais entre le moment où la théorie est mise au point et celui où son application devient courante parmi les consommateurs et les citoyens.

En parlant de grands immeubles, vous avez dit dans votre exposé que beaucoup des nouvelles constructions se font en hauteur. J’ai cru comprendre que, dans sa forme actuelle, le code concerne principalement les maisons unifamiliales. Pourtant, des milliers et des milliers de logements sont et seront construits.

Comment affronterons-nous cette situation? Où en sommes-nous à cet égard? Quand on regarde les immeubles en construction, on s’aperçoit qu’il y a encore beaucoup de vitres et d’espaces inefficaces. Qu’allons-nous faire pour remédier à ce problème?

M. Rizcallah : C’est une bonne question, mais je voudrais d’abord corriger un point : les comités s’occupent aussi bien de maisons que de grands bâtiments. Il y a le Code national du bâtiment et le Code national de l’énergie pour les bâtiments, qui traite des grands immeubles en hauteur. Les comités élaborent et actualisent ces codes en visant une date d’achèvement de 2022 ou 2023.

Ils travaillent également sur le Code national du bâtiment — qui traite des maisons — avec la même échéance. C’est en fait le même comité, mais peut-être des groupes différents, qui élabore les changements. Ceux-ci sont tout aussi ambitieux dans le cas des grands bâtiments que dans celui des maisons.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre présence au comité aujourd’hui. Je voudrais revenir sur un point que nous avons discuté avec vos collègues de Ressources naturelles Canada lors de leur comparution ici le 19 septembre.

Vous avez parlé de travaux en cours destinés à élaborer un code modèle de l’énergie. Lorsque nous avons entendu les représentants de Ressources naturelles Canada, ils nous ont présenté une série de diapositives indiquant que leur ministère mettait au point, de concert avec le CNRC, une série de normes minimales pour les bâtiments, y compris des codes modèles de l’énergie pour les bâtiments existants, qui comprendront des exigences minimales de rendement énergétique à observer à des moments particuliers du cycle de vie des bâtiments, par exemple à l’occasion de rénovations ou en cas de vente ou de changement d’occupants.

Vous avez mentionné ces normes minimales dans votre exposé. Ces exigences minimales de rendement énergétique seront-elles prêtes en 2022? Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les exigences prévues, surtout au sujet des moments particuliers du cycle de vie?

M. Dumoulin : Je vous remercie de votre question. Je ne connais pas d’exemples précis. Phil, avez-vous des détails à donner à ce sujet?

M. Rizcallah : Je ne connais pas non plus d’exemples précis. Je peux vous dire que nous suivons notre calendrier et que nous collaborons avec Ressources naturelles Canada pour mettre au point ces codes. Je crois que vous voulez savoir s’il y a des exemples précis de changement que nous nous attendons à apporter dans le cas des maisons ou des grands bâtiments. Nous pouvons nous attendre à des améliorations au chapitre de l’isolation et des valeurs « R » de résistance thermique des bâtiments. Nous pouvons également nous attendre à des améliorations en matière d’éclairage, peut-être de sources de chaleur ou encore de combustibles de remplacement et de sources d’énergie pour les maisons. Encore une fois, cependant, tout cela dépend des solutions que trouveront les comités techniques.

Je peux vous dire, sans aller trop loin dans les détails techniques, que pour élaborer les codes, le CNRC aide les comités en adoptant soit une approche fondée sur le rendement et l’objectif visé soit une approche prescriptive. Dans ce dernier cas, par exemple, nous allons dire qu’il faut mettre six pouces d’isolant dans les murs. Dans l’approche fondée sur le rendement, on dira plutôt qu’il faut atteindre une certaine valeur de résistance thermique, indépendamment de la méthode utilisée. Les solutions retenues dans l’approche fondée sur le rendement peuvent varier considérablement. Voilà pourquoi nous avons le CNRC et ses laboratoires de démonstration, qui sont chargés de confirmer que les méthodes ou les matériaux permettront d’obtenir les résultats voulus.

L’approche prescriptive est simple : les murs doivent avoir des montants de 2 pouces sur 6 et une épaisseur donnée d’isolant pour atteindre la valeur « R » voulue. Je ne peux pas vous donner des chiffres précis. Ce sont des considérations techniques que les comités inscrivent dans les codes.

La sénatrice Seidman : Cela s’appliquera-t-il aux maisons unifamiliales, par exemple?

M. Rizcallah : Absolument. Les normes s’appliqueront aux maisons unifamiliales, aux duplex, aux immeubles d’appartements et à tout le reste.

La sénatrice Seidman : Nous en venons au point qui me préoccupe. Prenons le cas d’une personne âgée qui veut vendre sa maison pour aller dans un établissement de retraite. Il y aura donc un changement d’occupants. Faudra-t-il que cette personne fasse des rénovations pour se conformer aux nouveaux codes avant de pouvoir vendre? Cela fera-t-il partie des conditions de vente? Comment fera-t-on respecter l’application du code dans ce cas? Je trouve difficile de comprendre les règles.

M. Rizcallah : C’est une bonne question. Je dirai, pour être clair, que les codes élaborés par le CNRC de concert avec la commission visent les constructions neuves et les rénovations majeures. Leur mise en application relève des provinces et des territoires, qui définissent les exigences et précisent la version du code à appliquer dans tel ou tel cas. Le CNRC ne fixe aucun de ces critères, qui varient non seulement avec la province, mais aussi avec la ville ou la municipalité.

Certaines administrations — je ne dis pas que cela se produira nécessairement — peuvent accorder un délai de 10 ans pour se conformer aux exigences du code. D’autres peuvent imposer de les respecter en cas de rénovations majeures, comme le remplacement de la toiture. En général, les règles actuelles exigent, en cas de remplacement, le respect du code qui a été appliqué lors de la construction. Elles vous indiqueront donc ce qu’il y a à faire. Certaines administrations pourraient exiger le respect de normes supérieures, mais je serais très surpris qu’elles imposent de moderniser automatiquement chaque bâtiment dès le lendemain de l’adoption d’un nouveau code.

La sénatrice Seidman : Eh bien, non. Les témoins nous ont parlé de moments particuliers du cycle de vie. Les exigences minimales de rendement énergétique s’appliqueraient à ces moments, c’est-à-dire en cas de rénovation, de vente ou de changement d’occupants. Vous dites cependant que la réglementation est mise en vigueur au niveau provincial ou municipal?

M. Rizcallah : C’est exact.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre exposé.

Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de votre programme Bâtiments à haute performance. Combien de participants compte-t-il? Quelles provinces y prennent part?

M. Dumoulin : Je suis heureux que vous ayez posé la question. Le programme Bâtiments à haute performance est l’un de nos principaux programmes de recherche-développement. Au CNRC, nous nous efforçons toujours de réunir des partenaires de l’ensemble de l’industrie. Nous mettons en œuvre ces programmes à long terme de recherche-développement en précisant les résultats recherchés dès le départ.

Ce programme particulier est dirigé par Trevor Nightingale, qui n’est pas présent ce matin. Je ne sais pas, Phil, si vous pouvez donner des détails à ce sujet.

M. Rizcallah : Voulez-vous savoir combien de ministères et de groupes ont participé au programme Bâtiments à haute performance?

La sénatrice Griffin : Oui, et quelles provinces.

M. Rizcallah : Je ne peux pas répondre à la question concernant les provinces, mais j’en connais quelques-unes. Je sais que le programme a étroitement collaboré avec le Nouveau-Brunswick et le groupe hydroélectrique. Nous avons travaillé avec la Banque Royale du Canada, par exemple, qui a des succursales partout. C’est une organisation nationale. Nous avons également travaillé avec plusieurs ministères fédéraux, dont Ressources naturelles Canada, la Défense nationale, Infrastructure Canada, et plusieurs autres groupes. Je ne peux pas être plus précis en l’absence de Trevor. Nous pouvons cependant vous transmettre ces renseignements, si vous le souhaitez.

La sénatrice Griffin : D’accord, c’est très bien. Je viens de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons chez nous ces magnifiques maisons, fermes et bâtiments en L du patrimoine. Certains de ces édifices sont pleins de courants d’air parce qu’ils n’ont pas toujours été bien entretenus. Si une personne âgée possède une ferme et veut la vendre, elle aurait probablement à dépenser des centaines de milliers de dollars pour qu’elle soit conforme au code.

Dans certains cas, je peux comprendre que le plus simple pour ces gens est de démolir la maison. Lorsque vous considérez le bilan carbone, tenez-vous compte des coûts liés à la construction d’un nouveau bâtiment par opposition à la remise en état d’un bâtiment existant?

M. Dumoulin : Je vous remercie pour cette excellente question.

M. Rizcallah : Tout cela fait partie de l’équation. On fait des calculs pour déterminer s’il est plus économique et plus écologique de reconstruire ou de remettre en état.

Je voudrais revenir sur une chose que vous avez dite. Je ne crois pas qu’au moment de l’adoption d’un nouveau code, vous aurez automatiquement à rénover votre bâtiment historique ou votre édifice vieux de 100 ans pour le rendre conforme à la dernière version du code. Nous avons plusieurs exemples. Au cours des 75 dernières années, nous avons actualisé notre code, mais, à ma connaissance, il n’est jamais arrivé qu’une province impose aux gens d’installer des extincteurs automatiques parce que cela est prévu dans un nouveau code. Les choses ne se passent pas de cette façon.

Je ne voudrais pas alarmer les gens en leur donnant l’impression que c’est l’intention visée lorsqu’on actualise les codes. Ordinairement, les provinces sont très sensibles aux besoins de leurs citoyens. Elles écoutent, consultent, prévoient des délais et établissent des calendriers relatifs aux différentes catégories de bâtiments. Elles n’exigeront pas que des édifices du patrimoine respectent les mêmes normes que des bâtiments ordinaires. Il est cependant possible, si les réparations à faire sont faciles, comme le remplacement des fenêtres, qu’elles demandent aux gens de procéder à certaines rénovations. Par exemple, s’il faut remplacer la toiture, elles pourraient exiger que le nouveau toit satisfasse à une norme supérieure. Voilà ce que je peux vous dire à ce sujet.

Le sénateur Patterson : Nous devrions peut-être laisser la sénatrice Galvez poser une question écrite.

Le président : Elle m’a indiqué qu’elle était prête.

La sénatrice Galvez : Je suis bien placée pour juger de la valeur de ce que vous faites parce que je fais de la recherche et que je m’occupe de génie civil.

La commissaire à l’environnement a dit dans son rapport que les choses n’avancent pas pour une foule de raisons. Elle a signalé, par exemple, qu’il y a un certain nombre de ministères et d’organismes qui devraient travailler ensemble, comme Environnement et Changement climatique Canada, Sécurité publique Canada, le CNRC, Infrastructure Canada et Ressources naturelles Canada. Chacun d’entre eux a progressé dans une certaine mesure.

Vous avez dit que vous êtes les coordonnateurs. Cela étant, pourquoi les différents organismes progressent-ils à des rythmes différents? Ils ne semblent pas agir d’une manière concertée.

J’ai une autre question : l’énergie constitue un objectif évident parce que tout le monde doit payer pour en consommer. Nous comptons l’énergie. Nous avons des compteurs partout. Nous ne comptons cependant pas à l’eau. Nous ne comptons pas les déchets.

Vos codes sont tous axés sur l’énergie. Pourquoi ne nous attaquons-nous pas à l’eau, aux déchets, au recyclage, à la durabilité et au cycle de vie?

M. Dumoulin : Merci pour ces excellentes questions. Je vais essayer de répondre à la première, qui concerne notre rôle de coordination et le besoin de concertation entre les différents ministères et organismes.

Je peux vous dire qu’il y a actuellement une coordination considérable. Quand j’ai dit, dans mon exposé préliminaire, que le CNRC joue le rôle de coordonnateur, je voulais parler en particulier des codes et de l’appui donné à la commission. Vous savez, j’en suis sûr, que chaque ministère prend de nombreuses initiatives. Certaines entraînent une intervention de notre part, qui nous permet d’atteindre nos objectifs, mais nous avons tous des rôles différents.

Le CNRC n’est pas le coordonnateur général de tout ce qui se passe au Canada. Nous remplissons différents rôles et n’avons pas à dicter ce qui se passe. Compte tenu de notre mandat, notre rôle fondamental consiste tout d’abord à produire des connaissances et des technologies, puis à les utiliser pour donner des conseils en vue de la prise de décisions fondées sur des données probantes. Différents organismes sont appelés à prendre des décisions. Nous ne dictons pas à l’industrie ce qu’elle a à faire. Nous ne le faisons dans aucun de nos secteurs d’activité. Notre action se situe davantage au niveau de la coordination.

Toutefois, en parlant précisément de coordination, elle s’applique essentiellement aux codes.

La sénatrice Galvez : Qui tient les réunions concernant les codes?

M. Dumoulin : Cela dépend des mesures à prendre. Je ne peux pas vous donner de détails à ce stade. En toute honnêteté, je ne le sais pas, mais je peux trouver les renseignements pour vous, si vous le souhaitez.

Votre seconde question traitait de l’eau, si j’ai bien compris. Quand peut-on s’attendre à ce que l’eau et les problèmes qui l’entourent soient traités de la même façon que l’énergie? Encore une fois, je ne le sais pas personnellement.

M. Rizcallah : Comme nous l’avons dit plus tôt, nous sommes responsables du Code national du bâtiment et du Code national de la plomberie. En ce qui concerne votre question particulière concernant l’eau, nous avons adopté au cours du dernier cycle, il y a cinq ans, un certain nombre de mesures destinées à économiser l’eau, qui ont été intégrées dans le code : réduction de la consommation dans les urinoirs, les toilettes, les éviers, les pommes de douche, et cetera. Nous continuons à travailler en ce sens. Nous cherchons aussi cette année des moyens de réutiliser les eaux ménagères, les eaux usées et les eaux noires. Nous avançons sur ce front, mais cela fait partie non du projet de code de l’énergie, mais des travaux courants d’actualisation du code du bâtiment et du code de la plomberie.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre exposé. Je voudrais revenir sur votre point concernant la collaboration avec les provinces et les territoires en vue de l’élaboration d’un code de l’énergie de plus en plus rigoureux.

Le Comité sénatorial des peuples autochtones a réalisé une étude sur le logement dans le Nord, et notamment le logement social. Cette étude remonte à l’année dernière. Nous avions constaté que les codes modèles du bâtiment élaborés par l’intermédiaire du CNRC étaient alignés sur les normes et les conditions nationales, mais ne tenaient pas compte des circonstances uniques du Nord.

Les témoins nous avaient dit que les maisons conçues et construites selon les normes du Sud peuvent ne pas convenir dans le Nord. Par exemple, un architecte expérimenté nous a dit que les codes imposent l’installation de ventilateurs-récupérateurs de chaleur, mais comme les maisons sont faites pour être pratiquement étanches, ces ventilateurs ont tendance à se bloquer par suite de la condensation et de l’accumulation de neige dans les climats nordiques.

Nous avions donc recommandé que le CNRC collabore avec les provinces, les territoires et d’autres intervenants pour élaborer des codes modèles du bâtiment conçus pour les conditions et les circonstances particulières du Nord. C’était une recommandation spéciale du comité, mais nous attendons encore la réponse du gouvernement.

Avez-vous des observations à faire au sujet de cette recommandation et du besoin de prendre en compte le climat très particulier du Grand Nord?

M. Dumoulin : Absolument. Je serai heureux de le faire. Je vous remercie de votre question.

C’est une question qui revêt une importance croissante. Il y a de nombreux problèmes dans le Nord. Nous participons à des discussions concernant l’Arctique et toutes les incidences du climat. Vous savez peut-être que de nombreux ministères et organismes ont commencé à élaborer un cadre et une stratégie scientifique pour l’Arctique. Nous participons à la première étape de ce projet.

Pour répondre à votre question concernant l’élaboration de codes adaptés à ces régions, je vous dirai que nous en sommes à la phase de départ. Phil a récemment pris part à des discussions à ce sujet. Je le laisserai donc vous en parler.

M. Rizcallah : Nous convenons avec vous que le Code national du bâtiment ne convient peut-être pas dans toutes les régions situées au nord du 60e parallèle, surtout dans le marché du logement. Au cours des quelques derniers mois, nous avons travaillé avec Infrastructure Canada, Ressources naturelles Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement en vue de former un consortium de partenaires financiers chargé d’élaborer un guide d’illustration adaptable — je préfère l’appeler code simplifié du bâtiment — pour le Nord.

Quand je dis « simplifié », ce n’est pas du tout dans le sens de « réduit » ou « affaibli ». J’aime bien le qualificatif « adaptable ». Il s’agit d’un code qu’on peut adapter aux circonstances. Si on se trouve dans une région isolée où on n’a pas accès à des ventilateurs-récupérateurs de chaleur, par exemple, on ne construit pas une maison parfaitement étanche. On peut concevoir la maison d’une manière différente convenant à l’endroit en cause.

Nous espérons lancer ce projet au cours de l’année prochaine. Nous avons réuni les partenaires. Nous disposons au CNRC des compétences nécessaires pour élaborer ce code.

J’ai également eu des entretiens avec le groupe des Premières Nations de l’Ontario qui s’est montré très intéressé à un code du même genre. Avant d’entreprendre une collaboration avec cet organisme provincial particulier, nous voulions trouver des participants d’envergure nationale. Nous en avons maintenant. Nous espérons donc concevoir un guide illustré de logement adaptable à l’usage des Premières Nations.

Nous ne pouvons forcer personne à l’adopter ou à le mettre en vigueur, mais nous l’élaborerons à l’intention des Premières Nations, qui pourront s’en servir si elles le jugent bon.

Le sénateur Patterson : Cela me semble prometteur.

Le président : J’ai quelque chose à dire au sujet de cette question, que je trouve excellente. Cette situation ne date pas d’hier. Le gouvernement ne vient pas tout juste de commencer à construire des maisons dans le Nord. Il le fait depuis des dizaines d’années.

Vous dites que vous élaborez un code ou que vous collaborez avec d’autres ministères pour commencer à examiner la situation. Pouvez-vous alors nous expliquer ce qui a été mal fait dans le passé? Je ne comprends pas. L’Arctique ne vient pas tout juste d’apparaître.

M. Rizcallah : Non.

Le président : Le gouvernement a construit ces maisons pour les gens du Nord, mais nous venons tout juste de former un groupe en disant que nous allons étudier les problèmes pour trouver des moyens d’y remédier.

Je vous en prie, aidez-moi à comprendre.

M. Rizcallah : Je ne dirais pas que cela vient tout juste de commencer. Nous avons la partie 9 du Code national du bâtiment, traitant des maisons, qui peut être utilisé, mais ce n’est sans doute pas facile de le faire d’une manière adéquate.

Nous pouvons avoir le meilleur code du monde, mais si nous ne disposons pas sur place des compétences nécessaires et de mécanismes de suivi ou d’inspection pouvant nous indiquer si la construction est conforme au code, nous aurons des problèmes de moisissure et de chauffage et des faiblesses structurelles. À l’heure actuelle, le code peut être utilisé dans le Nord, mais ce n’est pas facile.

Avec un guide illustré, nous voulons maintenant offrir aux gens du Nord des directives plus faciles à appliquer. Je ne peux pas parler d’adoption, de mise en vigueur et d’inspection parce que cela ne fait pas partie de notre mandat.

Le président : Je ne vous demande pas de le faire. Je comprends ce que vous dites. C’est un autre ministère ou organisme qui n’a pas fait ce qu’il avait à faire. Cela me dérange à cause de tous les problèmes causés par la moisissure et les maisons qui tombent en ruine dans le Nord. Cela ne date pas d’hier. Les difficultés se manifestent depuis longtemps.

Le sénateur Dean : Je vous remercie pour votre présence au comité, pour le travail que vous faites et pour les réalisations passées du CNRC.

Je voudrais maintenant aller au-delà des codes. Le CNRC est une organisation de recherche de renommée mondiale. Pouvez-vous nous parler un peu des travaux réalisés en dehors des sentiers battus, aussi bien à l’interne qu’en collaboration avec d’autres, pour la prochaine génération? Je parle des choses auxquelles on ne pense pas aujourd’hui, et pas seulement d’ampoules électriques, de montants de 2 pouces sur 6 et de bourre isolante.

Dans 10 ou 15 ans, de quoi parlerez-vous aux gens qui nous auront remplacés? Comme nous avons la chance et l’occasion de vous avoir ici, je crois que c’est une question qu’il est utile de poser.

M. Dumoulin : Je vous remercie de cette question très intéressante. Oui, nous aimons bien quitter les sentiers battus. Nous avons au CNRC beaucoup de gens qui sont très portés à le faire. Comme je l’ai déjà dit, nous disposons de grandes compétences. Nous avons des gens d’une vaste gamme de disciplines et beaucoup d’innovateurs.

En parlant de quitter les sentiers battus dans le domaine de la construction et des bâtiments — Phil, n’hésitez pas à intervenir si vous en avez envie —, nous devons penser aux villes intelligentes et aux cités du futur. On en parle beaucoup ces temps-ci. En pratique, cela signifie que nous commençons à travailler sur l’intégration de l’intelligence artificielle, des capteurs, de la télédétection et de l’automatisation. Nous commençons à envisager de réaliser dans les bâtiments l’automatisation qui existe actuellement dans l’industrie et dans les opérations de fabrication.

Par exemple, la possibilité de vieillir chez soi dépendra dans une grande mesure des moyens de détection du mouvement dans les maisons, moyens qui permettront de déclencher des alarmes si une personne âgée a besoin d’aide. Il faut également penser à l’intégration des transports dans les villes parce qu’il y a de plus en plus d’urbanisation et que les problèmes de transport deviennent de plus en plus aigus.

Par conséquent, l’intégration — des premières aux dernières étapes — consiste à suivre l’urbanisation et la croissance de nos villes pour s’assurer que tout s’emboîte bien tout en veillant à maintenir le commerce et les espaces habitables. Il faut réfléchir à de nouveaux modèles d’urbanisation. En un mot, il s’agit d’intégrer les technologies de l’information et les logiciels dans le monde physique.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence au comité aujourd’hui.

Pour faire suite à la question du sénateur Dean, je dirai que la recherche et l’investissement dans la recherche constituent un important élément de la prospérité économique. Je connais bien ce qui se fait à cet égard dans le secteur privé, mais je n’en sais pas autant sur la recherche et l’investissement dans le secteur public. Je suis évidemment au courant du travail que vous faites et que font les universités.

Je voudrais poser quelques petites questions. Où se classe le CNRC dans le monde au chapitre de la recherche et de l’investissement dans la recherche?

M. Dumoulin : Je vous remercie de votre question. Parlez-vous des montants et des intrants ou des résultats et des activités?

Le sénateur Wetston : Ma seconde question est la suivante : quelle est l’importance de votre recherche dans cet important secteur d’activité?

M. Dumoulin : Le budget global de recherche du CNRC s’élève à environ un milliard de dollars par an. Bien sûr, ce montant est réparti entre plusieurs secteurs. Près de 300 millions de dollars vont au PARI, ou Programme d’aide à la recherche industrielle. En gros, l’investissement dans les activités de recherche et de développement — autrement dit, dans les laboratoires — atteint probablement 275 millions de dollars. Pour le domaine du bâtiment, l’investissement se chiffre à environ 50 ou 60 millions de dollars.

Le sénateur Wetston : Où se classe le CNRC par rapport à d’autres instituts de recherche gouvernementaux? Il y en a beaucoup qui sont très connus. Avez-vous une idée de votre position? J’essaie de déterminer si nous investissons suffisamment dans la recherche.

M. Dumoulin : Oui. Je dirais que nous investissons suffisamment dans la recherche gouvernementale parce que nous utilisons l’argent d’une manière efficace. Nous devons concevoir des solutions proprement canadiennes dans le cadre de nos budgets limités. Bien entendu, si nous nous comparons à l’Allemagne, aux États-Unis ou à la Chine, nous ne nous classons pas très haut sur plusieurs plans, y compris nos investissements dans la recherche-développement.

Nos budgets sont adaptés à notre taille. C’est pour cette raison que nous devons trouver des solutions innovatrices et créatrices.

Pour revenir à la question posée plus tôt par le sénateur Massicotte au sujet des raisons pour lesquelles nous devons être optimistes quant à la possibilité d’atteindre nos cibles environnementales, je répète que je suis personnellement optimiste, mais pas nécessairement en ce qui concerne les codes. Je ne m’occupe pas de ce domaine depuis assez longtemps, mais j’ai une expérience suffisante de l’ensemble du secteur de l’innovation pour dire avec confiance que nous trouverons des solutions parce que nous avons une communauté très dynamique de PME et d’innovateurs qui parviendront sûrement aux résultats voulus.

Nous avons au Canada de nombreux entrepreneurs en construction ou d’autres domaines, qui perçoivent les tendances et qui s’empresseront de saisir l’occasion d’apporter de grandes innovations sur le marché.

C’est ce que nous devons faire au Canada parce que nous n’avons pas les budgets dont disposent des pays comme l’Allemagne, la Chine et les États-Unis. Nous devons donc veiller à aligner la chaîne d’approvisionnement et à faire en sorte que toutes les PME participantes comprennent ce dont les grands ont besoin pour être en mesure de saisir les occasions et de faire preuve de créativité dans leurs solutions faites au Canada.

Le sénateur Wetston : Votre budget a-t-il augmenté pour vous permettre de faire les recherches nécessaires? Comme je l’ai indiqué dans le préambule de ma question, beaucoup de travail s’est fait pour déterminer l’étendue de l’investissement des sociétés dans la recherche. Cet investissement n’est pas aussi important que dans d’autres pays, me dit-on, ce qui explique que nous ayons moins de productivité que nous ne l’aurions voulu dans notre économie. Par conséquent, les établissements gouvernementaux qui font d’importantes recherches, comme le CNRC, doivent avoir des budgets suffisants pour appuyer le travail accompli du côté industriel. Je crois que vous avez mentionné le PARI.

Avez-vous plus d’argent? Je me rends compte que vous avez fait un jugement de valeur en disant que votre budget était suffisant. Toutefois, par rapport à d’autres économies, nous avons beaucoup de recherches très spécialisées, de sorte qu’il est important de faire des comparaisons pour voir si le CNRC obtient l’appui nécessaire pour soutenir la recherche au Canada. C’est une assez longue question.

M. Dumoulin : C’est une question longue et très intéressante. Nous pourrions passer beaucoup de temps à débattre ces enjeux.

Au CNRC, nous avons pour mandat de faire de la recherche-développement et d’appuyer les décisions du gouvernement. Les questions que vous avez mentionnées relèvent davantage de la politique.

Nous examinons les chiffres et, bien sûr, nous les connaissons. Pour être un peu simpliste, je vous dirais, en considérant les statistiques mondiales d’investissement en fonction du PIB, que nous ne sommes pas si mal servis au Canada par rapport aux autres pays.

Nos lacunes se situent au niveau des investissements de l’industrie dans la recherche-développement. Sur ce plan, nous ne nous classons pas très haut parmi les pays du G7.

Beaucoup de gens plus intelligents que moi font de grands efforts pour trouver des moyens d’augmenter les investissements de l’industrie. Je crois que la situation est attribuable à la structure du secteur privé. Comme je l’ai mentionné, nous avons des PME. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de trouver des solutions adaptées au Canada, qui nous permettent non pas d’investir beaucoup d’argent, mais de créer un environnement propice à l’innovation.

Le sénateur Dean : J’ai peut-être une question plus simple à poser. Vous faites de la recherche de concert avec un millier d’entreprises commerciales. Facturez-vous vos services?

M. Dumoulin : Je vais répondre simplement à votre question : oui.

Le sénateur MacDonald : Vous avez dit dans votre exposé qu’une réduction de l’empreinte carbone de nos bâtiments nous aiderait à honorer nos engagements en vertu de l’Accord de Paris, c’est-à-dire à réduire de 30 p. 100 d’ici 2030 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005. Vous avez ajouté que c’est un objectif immédiat et pratique. Je comprends le caractère immédiat, mais je ne suis pas très convaincu de l’aspect pratique.

En décembre dernier, par exemple, les premiers ministres du Canada ont publié le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, mais la Saskatchewan et le Manitoba n’ont ni accepté ni adopté ce cadre.

Si vous essayez de mettre en œuvre un plan comme celui-ci, qu’advient-il de vos objectifs si certaines provinces rejettent le cadre?

M. Dumoulin : C’est une question très intéressante. Je dirais que ces questions vont au-delà de nos attributions parce qu’elles se situent sur le plan politique. Comme je l’ai mentionné, nous avons pour rôle de créer du savoir, de faire de la recherche et de veiller à disposer des connaissances nécessaires pour que les décisions soient prises sur la base de données probantes. En toute honnêteté, je ne peux pas répondre à votre question.

Le sénateur MacDonald : Dans la même veine, la consommation énergétique nette nulle, qui est l’objectif à atteindre en 2030, me semble constituer un seuil vraiment élevé. Quels sont les principaux obstacles à surmonter pour y arriver dans le cas des constructions neuves et des bâtiments existants?

M. Dumoulin : Je crois que Phil interviendra à un moment donné pour donner des exemples précis.

Compte tenu de l’expérience limitée que j’ai dans ce domaine, je peux dire qu’il y a quelques exemples de bâtiments qui atteignent cet objectif. Dans certains cas particuliers, la technologie nécessaire existe. On a déjà fait des démonstrations de bâtiments à consommation énergétique nette nulle. Autrement dit, ces bâtiments produisaient toute l’énergie dont ils avaient besoin.

M. Rizcallah : Vous avez demandé ce que nous pouvons faire lorsqu’il n’y a pas consensus parmi les provinces. Nous poursuivons les recherches. Même si deux provinces sont opposées, le reste du pays souhaite progresser vers cet objectif.

Nous avons développé la technologie et fait les recherches et les validations nécessaires pour permettre aux provinces d’atteindre les objectifs. Nous espérions satisfaire aux besoins du Manitoba et de la Saskatchewan au moyen d’une approche par étapes. Les deux provinces peuvent avoir l’impression de ne pas être prêtes à viser immédiatement une consommation nette nulle. Dans ce cas, elles peuvent entreprendre la phase 1 qui correspond à une amélioration de 25 p. 100, la phase 2 qui prévoit des réductions de 35 p. 100 et la phase 3 avec 12 p. 100 de mieux pour aboutir à la phase 4 de la consommation nette nulle. Des représentants du Manitoba et de la Saskatchewan siègent à nos comités, comme ceux de toutes les autres provinces, et contribuent aussi bien au niveau technique qu’au niveau politique.

Si des provinces ne se sentent pas prêtes pour l’objectif net nul, elles peuvent choisir d’aller à la phase 2 et dire : « Nous viserons une amélioration de 35 p. 100 pour le moment. La province peut se le permettre et ses citoyens sont heureux ainsi. » Nous pouvons alors dire que ces provinces vont quand même dans la même direction que les autres. Elles suivent les mêmes tendances pour atteindre 35 p. 100. Ensuite, en 2035 — je n’essaie pas de leur forcer la main —, elles pourraient s’orienter vers la consommation énergétique nette nulle.

Voilà comment nous relevons ces défis.

Le sénateur MacDonald : Je suppose que les réserves de ces deux provinces sont attribuables aux coûts à assumer. Pouvez-vous nous donner un exemple de coûts qui seraient particuliers à la Saskatchewan et au Manitoba, mais qui ne s’appliqueraient pas à d’autres régions du pays?

M. Rizcallah : Je ne suis pas sûr que les réserves se fondent vraiment sur les coûts. Il y a peut-être d’autres raisons pour lesquelles les deux provinces ne veulent pas aller de l’avant. Elles peuvent avoir d’autres problèmes ou d’autres priorités. Cela joue parfois un rôle dans la décision d’adopter ou non un plan donné. Elles ne souhaitent peut-être pas mettre tous leurs œufs dans le même panier pour s’orienter vers une consommation nette nulle. Leur décision est peut-être basée sur la création d’emplois ou sur d’autres facteurs économiques.

Je ne peux pas affirmer que leur position est dictée par les coûts. Je ne peux d’ailleurs pas vous dire combien cela coûterait d’avoir des bâtiments à consommation énergétique nette nulle. Nous avons des estimations très approximatives, mais je peux vous garantir que les coûts baisseront de moitié et seront beaucoup moindres dans cinq ans quand on commencera à profiter des économies d’échelle.

Le président : Je voudrais poser quelques questions, après quoi je donnerai la parole à la sénatrice Galvez.

Nous avons beaucoup parlé de codes. Vous avez dit qu’un code modèle ou un guide pour les bâtiments existants serait terminé d’ici 2022. Vous avez ensuite dit qu’en 2022-2023, un code modèle révisé pour les nouvelles constructions serait publié et qu’il comprendrait plusieurs niveaux de rendement, le plus élevé étant celui de la consommation énergétique nette nulle.

Je ne sais pas s’il s’agit d’un seul ou de deux codes. Y en a-t-il deux distincts, un pour les bâtiments existants et un autre pour les nouvelles constructions? Ai-je raison de le penser?

Nous aimerions en outre que vous nous fassiez parvenir, par l’entremise de la greffière — vous n’avez pas à le faire aujourd’hui —, une description de ce que vous entendez par « consommation énergétique nette nulle ».

Vous dites que vous avez une idée approximative du coût dans le cas d’une nouvelle construction. Quelques témoins nous en ont également parlé. J’aimerais donc déterminer si votre idée correspond à la leur.

Par ailleurs, pour réduire le coût de moitié, combien faudrait-il construire de bâtiments à consommation énergétique nette nulle?

Vous pouvez répondre maintenant ou nous envoyer une réponse plus tard par l’entremise de notre greffière. Cela vous convient-il?

M. Dumoulin : Absolument.

M. Rizcallah : Je peux vous donner quelques réponses tout de suite et vous présenter aussi certains renseignements.

En réponse à votre première question, je dirai qu’il y a deux codes. Le premier concerne les nouvelles constructions. C’est le code qui existe en ce moment, que le CNRC publie et que les provinces adoptent.

Le code traitant des rénovations serait tout nouveau. Nous l’appelons code ou guide parce que ce n’est un code que si quelqu’un l’adopte et le met en vigueur par voie de règlement. Nous l’appelons donc guide. Les provinces et les territoires sont alors libres de l’utiliser ou non, mais la première édition devrait paraître en 2022.

En ce qui concerne la définition de la consommation énergétique nette nulle, les comités ne l’ont pas encore mise au point. Le CNRC n’élaborera pas lui-même une définition. Ce sont les comités techniques qui le font. Est-ce que cette consommation comprend un élément de neutralité de l’empreinte carbone? Précise-t-elle les genres de combustibles à utiliser? Il appartiendra aux comités de décider. Cela ne les empêche pas de travailler en vue de l’objectif ultime, qui est d’avoir des maisons ou des bâtiments qui consomment autant d’énergie qu’ils en produisent.

Autrement dit, on n’utilise pas plus d’énergie qu’on n’en engendre. La définition est en cours d’élaboration. Cela signifie que je ne serai pas en mesure de vous la fournir parce que je ne parle pas au nom des comités techniques. Ceux-ci sont indépendants du gouvernement fédéral. Nous laissons leurs membres, qui représentent les Canadiens, décider du sens à donner à la consommation nette nulle.

Pour ce qui est du coût, je peux vous donner un chiffre, mais je ne veux pas en être tenu responsable parce qu’il peut changer selon la province. Dans le cas d’une maison ordinaire, on peut estimer le coût supplémentaire à environ 35 000 $, mais nous avons déjà entendu des gens citer des chiffres inférieurs de moitié : 17 000 $ ou même 15 000 $ pour améliorer et construire une maison à consommation nette nulle.

Encore une fois, cela dépend de l’endroit où le bâtiment se trouve. Cela dépend également du constructeur, de ses connaissances et du degré d’innovation dont il est prêt à faire preuve dans le cas d’un bâtiment donné.

Le sénateur Massicotte : Dans cet intervalle de 17 500 $ à 35 000 $, de quelle taille de maison parlons-nous? Et quel en serait le prix sans compter les rénovations?

M. Rizcallah : Je ne peux pas répondre à cette question. Il faudrait que je fasse des recherches…

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous nous fournir ces renseignements?

M. Rizcallah : Oui, je peux le faire.

Le sénateur Massicotte : Ce serait très utile dans nos délibérations.

La sénatrice Galvez : Vous avez dit que vous avez plusieurs objectifs, un code pour les nouvelles maisons, un autre pour les rénovations ainsi que des guides. Il y a cependant d’autres codes, couvrant par exemple les ponts, de même que des lignes directrices sur le rendement énergétique.

Vous dites que vous développez ces connaissances, puis que vous laissez les autres en faire ce qu’ils veulent. Les provinces sont libres de les adopter ou non ou de se conformer à une version ou à un autre.

Si vous aviez suffisamment de pouvoir pour exercer une influence, que recommanderiez-vous? Quelle forme devrait prendre le processus pour que la plupart des gens donnent suite à vos recommandations?

M. Dumoulin : Au CNRC, nous croyons que le processus actuel fonctionne bien. Il faut considérer le code comme le résultat d’un compromis convenu entre tous les intervenants de l’industrie et tenant compte de la sécurité des occupants, des coûts, de l’évolution et du degré d’adoption par le secteur.

Il ne faudrait pas perdre de vue que les intervenants représentent un très vaste éventail de points de vue. Il y a les très grandes sociétés de construction, mais il y a aussi de petits entrepreneurs qui ont besoin de temps pour s’adapter aux nouvelles technologies et pour former leurs employés quand des changements surviennent.

Le processus vise donc le compromis, et il fonctionne bien.

Vous devez aussi garder à l’esprit le fait qu’en cas de grandes innovations, lorsque de petites entreprises sortent un nouveau produit, il y a des moyens de le mettre en marché assez rapidement sans avoir à attendre une mise à jour du code dans cinq ans. On peut aussi établir un guide et prouver aux responsables de la réglementation que le nouveau produit donne de bons résultats.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Phil?

M. Rizcallah : Je serais un peu plus catégorique à cet égard. Si nous formulons une recommandation, je dirais qu’il est dans l’intérêt du Canada dans son ensemble que tout le monde adopte en même temps la même version du code. Cela est avantageux pour plusieurs raisons. Il y a d’abord la mobilité économique : ainsi, un travailleur qualifié du Manitoba n’aurait pas à apprendre tout un nouveau code pour aller travailler en Saskatchewan. Cela favoriserait aussi l’innovation et renforcerait la compétitivité de l’industrie qui n’aurait pas alors à créer trois produits différents pour desservir les différentes provinces du pays.

Nous comprenons par ailleurs que les provinces et les territoires puissent trouver difficile d’adopter assez rapidement ces codes. Dans une situation idéale, ce serait l’objectif. Lorsque nous élaborons nos codes, nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires. C’est la raison pour laquelle nos codes ne sont pas les meilleurs possible. En effet, tout le monde n’accepterait pas nécessairement le meilleur code. Nous établissons donc des codes basés sur le minimum acceptable pour que toutes les provinces puissent s’en satisfaire.

Le président : Merci, messieurs, de votre présence, de votre exposé et de vos réponses à nos questions. Votre réputation n’est pas à refaire. Nous apprécions beaucoup le travail que vous faites. Continuez donc dans la même voie. Nous vous souhaitons une bonne journée.

Pour la seconde partie de notre réunion, j’ai le plaisir d’accueillir, du Conseil du bâtiment durable du Canada, Thomas Mueller, président et chef de la direction.

Monsieur, nous avons hâte de vous entendre. Ensuite, nous aurons des questions à vous poser. La parole est à vous.

Thomas Mueller, président et chef de la direction, Conseil du bâtiment durable du Canada : Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président. Je suis très heureux de comparaître devant le comité pour vous faire part du point de vue du Conseil du bâtiment durable du Canada sur la façon dont le secteur du bâtiment peut contribuer à la transition à une économie à faibles émissions de carbone.

J’ai préparé une série de diapositives à votre intention. Je voudrais donc mettre en évidence quelques-unes d’entre elles pour appuyer les points dont nous discutons.

J’aimerais tout d’abord dire que le secteur du bâtiment constitue un élément clé de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. À l’échelle mondiale, il est responsable de 30 p. 100 des émissions des gaz à effet de serre. Dans certaines villes qui ont un bon réseau de transport en commun et une certaine densité, comme Vancouver, la contribution du secteur du bâtiment aux émissions peut atteindre 54 p. 100. Il est donc possible d’envisager des réductions. Je voudrais vous faire part de quelques-unes de nos idées sur la façon d’avancer vers cet objectif.

La diapositive 3 montre que les possibilités sont importantes, non seulement en ce qui concerne la réduction des émissions de GES, mais aussi au chapitre de la création d’emplois et de l’augmentation des recettes fiscales. La diapositive 3 se fonde sur une étude que nous avons terminée en 2016 sur la base des chiffres de 2014. Vous pouvez voir que le secteur du bâtiment durable du Canada avait alors engendré une contribution de 23 milliards de dollars au PIB et qu’il comptait près de 300 000 emplois directs à plein temps. En fait, cette contribution est sensiblement supérieure à la contribution combinée des forêts, des mines et des entreprises de construction desservant le secteur du pétrole et du gaz. Je ne suis pas sûr qu’il s’agissait de nouveaux emplois. Je dis seulement que ce sont des emplois du secteur. Il est certain qu’ils exigent des compétences et des connaissances particulières en construction pour produire des bâtiments de qualité à grand rendement.

Il y a quelques années, nous nous sommes posé la question suivante : comment pouvons-nous assurer une réduction de 30 p. 100 des émissions de GES du secteur du bâtiment d’ici 2030? C’est vraiment le grand défi.

Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 5, l’une des considérations les plus importantes est que nous devons concentrer notre attention sur le carbone plutôt que sur l’énergie. Lorsque nous parlons de réduction des émissions de GES et de carbone dans le secteur du bâtiment et ailleurs, nous avons tendance à continuer à nous soucier de l’énergie. Toutefois, dans le cas des bâtiments, la conception basée sur l’énergie et la conception basée sur le carbone aboutissent à des résultats très différents. La diapositive 5 présente le cas de deux bâtiments identiques construits au Québec. L’un fonctionne strictement à l’électricité, qui abonde au Québec, tandis que l’autre, qui a le même niveau de rendement énergétique, est chauffé au gaz naturel. Le bâtiment chauffé au gaz a une empreinte carbone 36 fois plus importante que celle du bâtiment alimenté à l’électricité.

Vous pouvez donc voir que le système utilisé lors de la conception d’un bâtiment peut influer énormément sur le rendement en matière de réduction du carbone.

Cela étant, l’évolution suivante devrait vraiment mener le Canada aux bâtiments à carbone zéro. La diapositive 7 dit que le Conseil du bâtiment durable du Canada a publié en juin dernier sa norme du bâtiment à carbone zéro. Nous considérons cette norme comme le nouvel étalon du rendement des bâtiments canadiens. C’est une solution proprement canadienne qui se base sur le carbone comme principal moyen de mesurer le rendement des bâtiments, de concert avec les mesures de rendement énergétique, et particulièrement celles qui sont liées à ce qui est vraiment important au Canada. Nous avons un climat extrême pouvant aller du temps chaud et humide au temps froid et sec. Cela impose de concevoir des bâtiments dotés d’une enveloppe pouvant réduire la demande globale d’énergie alliée à des sources d’énergie renouvelable, tant sur place qu’ailleurs.

Nous avons lancé la nouvelle norme en juin, mais nous avons déjà 16 projets pilotes un peu partout dans le pays dans les secteurs privé, public et institutionnel. Les types de bâtiments s’échelonnent entre les projets d’infrastructures et les immeubles de bureaux de 60 étages sur Bay Street, au centre-ville de Toronto.

L’industrie, misant sur le succès du programme de certification LEED, que le conseil met en œuvre au Canada depuis 10 ou 15 ans, applique le programme dans des locaux totalisant 1,1 milliard de pieds carrés. S’appuyant sur l’expérience acquise en reconstruisant ce secteur, l’industrie est sûre de pouvoir maintenant construire des bâtiments à carbone zéro. En fait, le secteur de l’immobilier du ministère fédéral des Services publics et de l’Approvisionnement a maintenant un projet en cours dans le cadre du programme.

En octobre, nous ouvrirons le programme à l’enregistrement et à la certification, ce qui signifie que c’est maintenant plus qu’une norme. Nous offrirons en outre des services de vérification et de certification liés à la norme partout au Canada.

C’est une solution canadienne qui crée aussi une occasion d’innovation dans ce secteur qui continue à stimuler la création d’emplois et la croissance économique dans le pays.

La diapositive 8 montre que, grâce à cette stratégie, nous pensons pouvoir réaliser une réduction de 17 p. 100 dans le secteur du bâtiment, ce qui représente 7,5 millions de tonnes par rapport aux niveaux de 2005. Cela serait possible si, d’ici 2030, nous construisons tous les bâtiments de plus de 25 000 pieds carrés selon la norme carbone zéro. Ce sont les économies que nous avons estimées.

C’est une importante partie du programme, mais il y a une partie tout aussi importante concernant la rénovation des bâtiments. Nous ne pourrons pas atteindre nos cibles de changement climatique dans le secteur du bâtiment sans tenir compte des rénovations. Je parle ici non des maisons, mais encore une fois des bâtiments de plus de 25 000 pieds carrés, dans lesquels il est possible d’obtenir un bon rendement sur l’investissement.

Passons maintenant à la diapositive 12. Beaucoup de mes observations se rattachent en fait aux rénovations de bâtiments, qui représentent l’un des moyens les plus rentables de réduire les émissions. Cela a été prouvé. Voici une diapositive basée sur des données du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat. Les études menées par le Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’Agence internationale de l’énergie permettent de croire que les rénovations constituent l’un des moyens les plus abordables de réduire les émissions des bâtiments.

D’après nos modèles, une réduction de 51 p. 100 est possible grâce à quatre stratégies présentées dans la diapositive 13. Le concept de base, c’est la réalisation de rénovations majeures et, encore une fois, l’adoption d’énergies renouvelables et la substitution de combustibles.

Le but fondamental est d’aboutir à des bâtiments plus écoénergétiques. Dans l’ensemble, le Canada a en général un parc immobilier très inefficace, mais cela signifie que nous avons une excellente occasion d’apporter de grandes améliorations à un très bas prix et avec un minimum d’investissement.

Sur la diapositive 14, vous pouvez voir que l’objectif que nous discutons avec les autorités fédérales et plusieurs gouvernements provinciaux vise l’établissement au Canada d’une économie de rénovation pouvant assurer une réduction des gaz à effet de serre. D’après nos modèles, nous pouvons ainsi contribuer au PIB, épargner environ 6,2 milliards de dollars sur les coûts d’énergie, créer des emplois et produire des recettes fiscales pour les gouvernements du pays.

Voici ce qui pourrait se produire si nous rénovons 100 000 bâtiments dans les 13 prochaines années et voici les avantages qui en découleraient.

Enfin, la diapositive 16 montre qu’il est très important de concentrer nos efforts partout dans le pays. Le conseil a publié il y a deux semaines un rapport qui consiste en une feuille de route des rénovations. Ce document montre comment nous pouvons cibler nos activités dans tous les coins du Canada. Cela dépend encore une fois de la combinaison de sources d’énergie que nous utiliserions à différents endroits.

Dans les régions où le réseau électrique a une importante empreinte carbone, comme l’Alberta et la Saskatchewan, les possibilités de rénovations sont importantes, de même que l’utilisation d’énergies renouvelables pour remplacer les combustibles fossiles. Dans les régions où le réseau électrique à une empreinte carbone moyenne ou faible, nous aurions également la possibilité de rénover et de réaffecter des bâtiments. Cela s’applique en fait partout dans le pays.

Les bâtiments seraient rénovés lorsque c’est le bon moment pour le faire. Il y a énormément d’édifices qui en sont au stade de leur cycle de vie où il est avantageux de les rénover. Dans ces cas, nous devons non pas nous limiter à des rénovations mineures, mais entreprendre des rénovations en profondeur pouvant assurer des réductions de 20 à 40 p. 100 des émissions. Nous devons concentrer nos efforts en matière d’énergies renouvelables et de substitution de combustibles en fonction de la région et de l’importance de l’empreinte carbone de son réseau électrique.

J’en viens à nos recommandations au gouvernement du Canada par l’entremise du comité. Le gouvernement fédéral a un énorme rôle à jouer. C’est l’un des plus grands propriétaires immobiliers du pays, sinon le plus grand. Avec son parc immobilier, il peut devenir un chef de file de différentes façons, en construisant de nouveaux bâtiments, en rénovant des bâtiments existants pour qu’ils soient conformes à la norme carbone zéro, en actualisant la politique fédérale d’écologisation des bâtiments pour la faire passer de la norme LEED or à la norme LEED platine et en l’étendant aux bâtiments existants.

Le gouvernement peut également procéder à une évaluation pour élaborer une stratégie de rénovation de son parc immobilier. L’évaluation devrait également permettre de déterminer les endroits où il convient de concentrer les efforts pour réduire les émissions de carbone au cours des 13 prochaines années.

Pour ce qui est du secteur privé, nous recommandons des activités de même nature. Tout financement fédéral offert à l’égard de bâtiments institutionnels ou commerciaux devrait être assujetti à l’exigence carbone zéro. Nous recommandons que des programmes tels que le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, la Banque canadienne de l’infrastructure et la Stratégie nationale de logement soient également assujettis à l’exigence carbone faible ou nul et que des cibles de rénovation soient fixées pour les projets en cours.

Il ne faudrait pas sous-estimer le pouvoir que confèrent au gouvernement fédéral les marchés de l’État et ses propres politiques. Ce sont d’excellents outils pouvant servir à réaliser des changements sur le marché. En 2004 ou 2005, lorsqu’un ancien gouvernement libéral avait introduit la politique LEED or, les effets sur le secteur privé avaient été énormes parce que le gouvernement avait essentiellement protégé le secteur privé contre les risques que comporte la construction de bâtiments écologiques. Considérez où en est le secteur privé aujourd’hui : des milliards de dollars de fonds de pension et de valeurs mobilières sont investis dans la construction écologique partout dans le pays. Le gouvernement joue un rôle important tant dans son propre parc immobilier qu’à l’égard des bâtiments des secteurs institutionnel, commercial et non gouvernemental.

Je vais m’arrêter là. J’attends avec intérêt vos questions. Merci beaucoup.

Le président : Merci à vous, monsieur. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin.

Je m’interroge sur l’aspect pratique de certaines de vos recommandations. Nous proposez-vous de viser un objectif de consommation énergétique nette nulle pour tout bâtiment de plus de 15 000 pieds carrés?

M. Mueller : C’est 25 000 pieds carrés.

Le sénateur Massicotte : Expliquez-moi comment vous en arrivez là. Vous pouvez poser l’hypothèse que c’est un investissement logique, rationnel et rentable, mais je pense pouvoir trouver de nombreux exemples où ce n’est pas nécessairement le cas. Proposez-vous des subventions? Comment est-ce que tout cela fonctionnerait?

M. Mueller : Pour être clair, nous ne proposons pas que ces bâtiments respectent la norme carbone zéro. Il y a près de 100 000 bâtiments de plus de 25 000 pieds carrés au Canada. Nous recommandons de réaliser entre 20 et 40 p. 100 de réduction de l’énergie utilisée dans ces bâtiments. Voilà ce que nous recommandons.

Le sénateur Massicotte : Comment y parvenez-vous?

M. Mueller : Il y a trois obstacles : l’accès au capital, les coûts de transaction élevés — parce que les rénovations sont actuellement faites bâtiment par bâtiment — et le fait que les investisseurs ne savent pas si les travaux aboutiront au rendement prévu. Une fois le bâtiment rénové, donnera-t-il les résultats attendus et assurera-t-il un rendement suffisant sur l’investissement?

Nous avons actuellement un projet pilote en Ontario appelé Investor Confidence Project, qui consiste en un outil permettant de garantir aux investisseurs que la rénovation d’un bâtiment produira les économies promises. Nous nous occupons de ce projet.

Le gouvernement peut jouer un rôle très important au chapitre de l’investissement. Il peut recourir à la Banque de l’infrastructure et aux fonds d’infrastructure pour garantir des prêts accordés à l’égard de rénovations de bâtiments.

Avec cet outil de garantie, le capital et l’adossement assuré par les garanties de prêts, le secteur privé est très intéressé. Il est prêt à investir de l’argent tiré de fonds de pension dans des projets immobiliers et des rénovations de bâtiments. Il y a quelques jours, nous avons appris que les fonds de pension canadiens, dont la valeur s’élève à quelque 1 500 milliards de dollars, ont investi jusqu’ici 188 milliards dans l’immobilier un peu partout dans le monde et ont l’intention d’en investir davantage parce que cela leur rapporte un excellent rendement.

Les fonds de pension ne régissent pas de la même manière que le marché des valeurs mobilières. Ils manifestent un peu plus de patience, étant à la recherche d’un revenu régulier. Nous l’avons vu dans le cas des bâtiments LEED tant nouveaux qu’existants. Les fonds de pension y ont investi beaucoup d’argent. Nous croyons en outre qu’ils seraient prêts à investir dans des projets groupés de rénovation qui s’appliqueraient à plus d’un bâtiment à la fois. Nous parlons ici de groupes de bâtiments pouvant nécessiter 20, 30 ou 50 millions de dollars de rénovations.

Le sénateur Massicotte : Je peux le concevoir dans le cas de certains organismes et fonds de pension. Il est effectivement possible de regrouper les projets, mais proposez-vous de forcer des entreprises privées à vendre leurs projets à des fonds de pension? D’après mon expérience de ces fonds, que je connais bien, leurs responsables savent compter. Ils cherchent un bon rendement sur l’investissement parce qu’ils représentent des retraités.

J’essaie de voir l’aspect pratique des choses. Prenons le cas d’un bâtiment industriel. J’imagine que 80 p. 100 des grands bâtiments de fabrication ou d’entreposage ont au moins 15 ou 20 ans, sinon plus. Leur coût moyen est de 2 $ ou 3 $ le pied carré. Si on réalise des économies de 30 à 40 p. 100, cela représente 80 cents le pied carré, mais je pense que le coût des rénovations s’élèverait à bien plus de 10 ou 20 $ le pied carré. Un rendement de 1 p. 100 n’est pas suffisant, compte tenu des risques.

Je sais que vous pouvez citer beaucoup de chiffres et que les gens investissent dans de nombreux projets, mais, pris individuellement, chacun paraît sensé. Dans ce cas particulier, je ne suis pas sûr que les projets seraient rentables sans une subvention du gouvernement. Je regrette de compliquer les choses en essayant de considérer l’aspect pratique.

M. Mueller : Je crois que les bâtiments industriels constituent probablement le pire exemple parce qu’ils ne sont pas très rentables au départ. Il y a cependant une foule d’autres bâtiments, comme ceux des universités et collèges — le commerce de détail n’a pas fait grand-chose dans ce domaine —, qui peuvent assurer un meilleur rendement.

Je ne dis pas que ce serait une mauvaise idée que le gouvernement accorde des subventions ou des encouragements, mais nous examinons pour le moment différentes options stratégiques et différents modèles pouvant convenir le mieux à l’avenir. Nous ne pouvons pas dire que nous avons déjà tout étudié, mais nous savons qu’on peut tirer un bon rendement sur l’investissement dans le domaine de la rénovation des bâtiments.

Les bâtiments varient considérablement selon la catégorie, l’âge, l’emplacement, le genre, et cetera. Aucun type particulier d’investissement ne peut convenir dans tous les cas. Cela dépend du lieu. Nous croyons qu’il est possible de rénover pour obtenir 20 à 40 p. 100 d’économies et que cela serait rentable. Pour le moment, nous essayons de déterminer le meilleur modèle d’investissement, et l’apport du gouvernement peut nous être utile à cet égard. Est-ce la Banque de l’infrastructure avec ses garanties de prêts, ou des investissements provenant de fonds de pension? Peut-on compter sur les subventions offertes aux niveaux fédéral et provincial, qui sont remboursées plus tard grâce aux économies d’énergie? Différents modèles permettraient d’aboutir au résultat recherché.

Les immeubles de bureaux de catégorie B n’ont pas le même accès au capital. Cela a été reconnu comme obstacle à maintes et maintes reprises. Comment pouvons-nous remédier à cette situation pour aller de l’avant quand un bâtiment est prêt? Les investisseurs n’avanceront pas de l’argent pour des rénovations si un bâtiment n’a pas atteint le stade de son cycle de vie où il a besoin d’être rénové. Il faut également tenir compte de ce facteur.

Le sénateur Massicotte : La seule mise en garde que j’ai à faire, c’est que 90 p. 100 des propriétaires d’immeubles sont des fonds de pension, des sociétés publiques ou des familles très riches qui peuvent facilement accéder à du capital. Je crois que ce serait une erreur de supposer que ces gens ne savent pas compter, comme vous semblez le croire d’après la façon dont vous avez décrit le troisième obstacle. Ils savent bien compter et vont faire des rénovations s’ils le jugent rentable.

Comme vous le savez, ces coûts sont transmis aux locataires en quasi-totalité. Il n’y a donc pas un problème de capital. Il s’agit simplement de déterminer si les travaux assureront un rendement raisonnable. Supposer que ces gens ne savent pas compter peut entraîner des erreurs dans le reste de vos hypothèses.

M. Mueller : Nous n’avons pas encore une solution parce qu’aucune administration — sauf en Europe — ne s’est vraiment attaquée au problème de la rénovation des bâtiments. Je ne prétends pas avoir une réponse à toutes les questions qui se posent. Nous essayons de déterminer le meilleur modèle permettant d’avancer au Canada.

Nous organisons en décembre une table ronde à laquelle doivent participer quelques importants ministères fédéraux. Nous y présenterons quelques options stratégiques en vue de trouver le meilleur modèle. Nous sommes d’avis que, sans rénovation des grands immeubles — il n’est pas indispensable de rénover les 100 000 qui existent; 50 000 ou 60 000 suffiraient —, nous n’atteindrons pas nos cibles relatives au changement climatique. En effet, la courbe de ce changement continue à monter. On ne peut constater aucun fléchissement.

Le défi que nous avons maintenant consiste à trouver un moyen de faire fléchir cette courbe. Nous croyons que la rénovation constitue une solution clé et qu’il est nécessaire d’avancer dans cette direction. Je vous remercie de vos excellentes observations.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de votre exposé. J’ai deux questions à vous poser.

Où se situe votre organisation dans le plan du gouvernement? Je ne sais vraiment pas.

Deuxièmement, avez-vous l’intention d’inclure, à part l’énergie, d’autres aspects qui permettent aussi de réduire l’empreinte carbone, comme l’eau, les déchets, le recyclage des matériaux et l’analyse du cycle de vie?

M. Mueller : Le Conseil du bâtiment durable du Canada est un organisme national à but non lucratif dirigé par l’industrie. Notre conseil d’administration et nos membres se composent essentiellement de représentants de l’industrie. Nous avons aussi quelques représentants du gouvernement. Nous sommes donc vraiment représentatifs. C’est aussi le cas de notre conseil d’administration, dont le président vient d’Oxford Properties.

Le secteur commercial de l’immobilier participe beaucoup aux activités du conseil, ayant d’importants investissements dans les bâtiments écologiques du Canada. Le gouvernement fédéral applique la politique LEED or. LEED est un système de classement que nous avons créé au début des années 2000 et qui a permis de réaliser de bonnes réductions. À l’heure actuelle, quelque 1,1 milliard de pieds carrés de locaux satisfont à la norme LEED. Cette norme a été adoptée par le gouvernement fédéral, Services publics et Approvisionnement Canada, d’autres ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et des municipalités de tout le pays. Nous travaillons actuellement avec le gouvernement en vue de passer à un niveau supérieur, la norme platine, et d’étendre le programme aux bâtiments existants qui s’y prêtent. LEED ne convient pas dans tous les bâtiments et dans toutes les régions.

Nous avons fait des progrès à cet égard auprès du ministère de la Défense nationale. Voilà comment nous nous situons par rapport au gouvernement. LEED est une norme mondiale appliquée dans 160 pays. Cela répond à votre seconde question. Nous avons élaboré la norme carbone zéro pour faire preuve de leadership et d’innovation et pour concentrer davantage les efforts sur la réduction de l’empreinte carbone du secteur du bâtiment. Vous avez posé une bonne question parce que je crois que nous devons trouver un certain équilibre avec d’autres facteurs environnementaux, notamment en ce qui touche la santé. On peut construire l’immeuble le plus écoénergétique du monde, mais quels sont les effets sur la qualité de l’environnement intérieur, sur la santé humaine, et cetera?

Le système LEED assure un bon équilibre entre ces différents aspects. Au cours des 15 dernières années, les bâtiments ont été conçus dans une optique holistique, de façon à les rendre efficaces en ce qui concerne l’eau, l’énergie et les matériaux utilisés, en fonction de leurs incidences environnementales et de leurs effets sur la qualité de l’environnement intérieur. C’est aussi de cette façon que nous concevons les immeubles et les sites. Il y a donc constamment l’objectif implicite de résilience des bâtiments au moment où se multiplient les inondations, les orages et d’autres événements de ce genre.

C’est une norme holistique que nous continuons à faire appliquer partout dans le pays. Nous essayons cependant d’insister davantage sur le carbone et sur les moyens de faire la transition à une économie à faibles émissions.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre exposé, monsieur.

Vous avez parlé d’efforts déployés dans tout le pays et de projets pilotes réalisés un peu partout au Canada. Je représente une région du pays, le Nunavut, qui est très froide, très sombre et très rétrograde au chapitre de l’énergie. Nous sommes hélas entièrement dépendants du diesel.

M. Mueller : Oui, je sais.

Le sénateur Patterson : Ce n’est même pas le combustible fossile le plus propre. Pour le chauffage et l’électricité, c’est donc le diesel. Nous sommes en quelque sorte la tête d’affiche du recul énergétique, même si notre contribution aux émissions de gaz à effet de serre du Canada ne s’élève qu’à 0,5 p. 100 pour une superficie qui est la plus importante du pays.

Excusez-moi, mais je m’intéresse d’une façon très particulière à cette région du Canada qu’on a parfois tendance à oublier.

J’ai noté dans votre documentation que vous avez des membres dans 12 provinces et territoires. J’ai également cru comprendre que l’appartenance au conseil est facultative. Je suppose que le Nunavut est la 13e administration canadienne qui n’est pas membre de votre organisme.

M. Mueller : Je ne sais pas. C’est possible. Il faudrait que je vérifie. Nous avons cependant des projets… Je suis sûr qu’il y en a dans les Territoires du Nord-Ouest. Des bâtiments écologiques y ont été construits.

Le sénateur Patterson : Il y a un projet LEED fédéral à Yellowknife.

Je me demande si, parmi les 16 projets pilotes que vous avez mentionnés, il n’y en aurait pas dans une région comme celle que je représente au Sénat, qui ne dispose que d’une seule source d’énergie sans possibilité de substitution. C’est très beau de parler de carbone zéro, mais j’essaie d’imaginer un peu de quelle façon un tel objectif pourrait être réalisé dans ma région. Je ne suis pas fier de le dire, mais nous n’avons pas encore la possibilité de recourir à une autre source d’énergie. C’était ma question.

M. Mueller : C’est une bonne question. Je sais que vous êtes obligés d’utiliser du carburant diesel. Vous vous demandez de quelle façon il serait possible de le remplacer par un combustible fossile plus propre. Peut-on envisager de passer au gaz naturel ou à un combustible du même genre?

La norme carbone zéro est censée aider l’industrie à réduire ou à éliminer les émissions de carbone. Certains intervenants peuvent y parvenir tout de suite, mais ce sera plus long pour d’autres. Ce programme a pour but d’aider, dans certains cas, les responsables des immeubles à réduire leurs émissions avec le temps afin d’améliorer le rendement.

Dans une région comme la vôtre qui se sert de diesel, un combustible fossile, vous verrez sur notre carte que l’empreinte carbone est assez importante. Vous produisez également votre électricité dans des centrales au diesel.

Le sénateur Patterson : Oui, à 100 p. 100, dans la totalité des 25 collectivités.

M. Mueller : Pour vous rapprocher de la norme carbone zéro, vous devez envisager des bâtiments — surtout dans votre climat — extrêmement bien isolés. Il y a des exemples dans le monde. Je viens personnellement de la région des Alpes, qui comprend le Sud de l’Allemagne et l’Autriche. On y trouve d’excellents exemples de bâtiments ayant une très forte isolation thermique dans les secteurs montagneux très froids.

Dans votre cas, c’est la stratégie à adopter parce que vous devrez attendre assez longtemps avant de pouvoir vous passer des combustibles fossiles et de trouver une autre source d’énergie.

Le sénateur Patterson : Nos collectivités sont tellement petites que nous n’avons pas la possibilité de réaliser des économies d’échelle.

M. Mueller : Vous devez donc renforcer l’isolation et augmenter l’efficacité des bâtiments en recourant à une enveloppe très étanche. Toute énergie consommée dans le bâtiment, surtout pour le chauffage, réduit considérablement l’efficacité. Dans ce genre de technologie, l’enveloppe du bâtiment fait 80 à 90 p. 100 du travail.

Vous devrez continuer à utiliser de l’électricité. Dans les périodes ensoleillées — je n’oublie pas que vous avez de longues périodes d’obscurité sans aucun soleil —, vous pouvez en fait recourir à l’énergie solaire. Ce genre de technologie pourrait parfaitement convenir. On pourrait même songer à l’énergie géothermique qui, elle aussi, pourrait s’avérer rentable.

L’autre option, qui n’a pas encore fait l’objet de recherches suffisantes, c’est un bon moyen de stockage de l’énergie. On pourrait faire du stockage pour alimenter les bâtiments dans les périodes d’obscurité au cours desquelles les capteurs solaires ne produisent pas d’électricité.

Ce sont les possibilités que vous avez actuellement.

Peuvent-elles vous mener à une situation de carbone zéro? Probablement pas pour le moment. Nous essayons cependant de dire aux gens que des projets sont réalisés dans certaines régions, comme en Colombie-Britannique, au Québec et au Manitoba, qui disposent d’une source d’énergie électrique propre permettant de parvenir au but sans déployer d’efforts excessifs. D’autres régions doivent travailler plus fort, mais nous devons tous nous efforcer d’avancer dans cette direction.

Dans votre cas, la solution la plus sensée consiste à avoir des bâtiments dotés d’une meilleure enveloppe pouvant leur assurer une grande efficacité. En fait, d’après les études que j’ai vues, le coût d’une telle enveloppe est assez raisonnable. Il n’est pas nécessaire de faire de grands frais pour améliorer le rendement de l’enveloppe, mais on a alors besoin d’une bonne ventilation avec récupération de chaleur. C’est là un concept qui est très clair : une meilleure enveloppe, une bonne isolation, un vitrage efficace et des choses de ce genre. Vous pouvez ainsi avoir des bâtiments à grand rendement qui réduiraient immédiatement l’empreinte carbone, particulièrement avec le diesel comme source d’énergie. Avec le temps, vous devrez aussi trouver des moyens de recourir à d’autres sources d’énergie là où cela est possible et réalisable.

Le sénateur Patterson : Je vous saurais gré de me dire si le Nunavut est membre du Conseil du bâtiment durable du Canada. S’il ne l’est pas, pourriez-vous envisager — compte tenu de vos propos encourageants concernant la concentration des efforts partout dans le pays et du fait que notre région est la plus étendue du Canada — de prendre contact avec la Société d’habitation du Nunavut ou le gouvernement du territoire pour voir s’il nous serait possible de profiter de votre expérience, de vos compétences et de vos conseils?

M. Mueller : Très volontiers. Nous serons très heureux de le faire.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence au comité aujourd’hui. Vous parlez d’une économie fondée sur la rénovation au Canada. D’après ce que nous ont dit d’autres témoins ainsi que des représentants du gouvernement — j’ai une note au sujet de cette question que vous connaissez probablement —, près de 75 p. 100 des bâtiments de 2030 sont déjà construits aujourd’hui.

M. Mueller : Oui.

Le sénateur Wetston : Dans ces conditions, une politique ou une approche de rénovation est évidemment nécessaire pour atteindre nos cibles.

J’ai deux choses à vous demander. Tout d’abord, une question très générale. J’ai une certaine expérience des matériaux de construction européens pour des raisons que je n’aborderai pas. Pouvez-vous nous dire pourquoi l’Europe est tellement en avance sur le Canada au chapitre des matériaux de construction ayant une intensité carbone moindre et qui permettent d’améliorer la qualité environnementale des maisons et des bâtiments? Tout d’abord, êtes-vous d’accord, surtout dans le cas de l’Allemagne?

M. Mueller : Je suis d’accord. Je vais en Europe chaque année pour voir où en est l’innovation dans le domaine du rendement énergétique des bâtiments. Cela s’étend aux matériaux.

L’Europe est en avance, mais pas tout entière. Le sud du continent ne l’est pas tellement. Dès qu’on va au sud des Alpes, les choses changent sensiblement et se dégradent de plus en plus avec la progression vers le sud. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais c’est un fait.

Dans l’ensemble de l’Europe, et particulièrement à des endroits tels que les Pays-Bas, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède et même l’Europe de l’Est, l’économie a toujours… Les pays n’ont pas leurs propres sources d’énergie et, quand on importe son gaz naturel de la Russie, on a un point de vue très différent de celui qu’on aurait si on pouvait consommer un combustible produit chez soi. Nous avons la chance d’être riches en énergie.

Les Européens doivent être plus efficaces et utiliser du mieux qu’ils peuvent leur argent ou leur énergie. C’est simplement leur façon de penser.

De plus, l’Europe est l’un des continents les plus densément peuplés de la planète. Elle compte 400 millions d’habitants. Les gens ont une mentalité — je ne peux pas l’expliquer autrement — qui les amène à vouloir que tout soit plus efficace. Si vous parlez à une dame de 70 ans dans la rue, vous constaterez qu’elle est très au courant des questions environnementales. Pourquoi? C’est à cause d’une culture de conservation et de considération.

Par rapport à nos normes, l’Europe est très sensiblement en avance sur le plan du rendement énergétique des bâtiments. Les Européens ont en fait une économie de rénovation. C’est le cas en Allemagne. Chaque année, le gouvernement fédéral allemand investit quelque 6 milliards d’euros dans cette économie pour stimuler la rénovation parce que cela réduit la dépendance du pays. Tout est donc plus efficace.

En ce qui concerne les matériaux de construction, les Européens tiennent compte à la fois de l’empreinte carbone de chaque produit et de sa toxicité. Il y a bien des années, ils ont introduit des programmes tels que les Déclarations environnementales de produits, ou DEP, qui renseignent sur l’empreinte environnementale de différents matériaux de construction. Nous avons adopté ces déclarations au Canada il y a trois ans dans le cadre de notre programme LEED.

Vous pouvez maintenant, dans le cadre du LEED, obtenir des déclarations environnementales de produits. Différentes industries canadiennes les ont adoptées. C’est le cas des industries du ciment et du bois et de beaucoup d’autres. Il y a maintenant des centaines sinon des milliers de personnes qui comprennent mieux comment assurer plus de transparence au sujet de la composition des matériaux de construction. Le but n’est pas tant de condamner certains produits que de mieux comprendre comment les matériaux sont fabriqués.

L’Europe a adopté ces déclarations depuis au moins 15 ou 20 ans. Elle a donc accumulé beaucoup de connaissances qui lui permettent de faire de meilleurs choix de produits et, lorsque ceux-ci sont utilisés dans des bâtiments ou des locaux, de savoir comment construire pour réduire l’empreinte environnementale tant des opérations que des matériaux. Cela donne aussi la possibilité de réduire l’impact environnemental aux stades de l’extraction, de la fabrication, et cetera.

Au Canada et en Amérique du Nord, nous n’en sommes encore qu’aux toutes premières étapes tandis que l’Europe est déjà très avancée.

Le sénateur Wetston : Mon expérience concerne essentiellement la qualité de l’air intérieur et les matériaux toxiques tels que le formaldéhyde, les panneaux de fibres MDF, et cetera.

M. Mueller : J’ai justement présenté un exposé à Harvard il y a deux semaines. L’université dispose d’une foule de recherches sur les bâtiments. Ses conclusions sont assez choquantes : les chercheurs ont mesuré l’incidence des matériaux de construction sur la qualité de l’air intérieur et ont constaté que cet air est aussi pollué sinon plus pollué que l’air extérieur.

Le sénateur Wetston : C’est une étude de Harvard?

M. Mueller : Oui. Le nom du chercheur est Joe Allen. Si vous me laissez votre carte, je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer des renseignements.

Cela est vraiment alarmant. Nous avons cherché, dans le cadre du programme LEED, à réduire les incidences sur la qualité de l’air et de l’environnement à l’intérieur. C’est là que nous passons 90 p. 100 de notre temps. La qualité de l’air intérieur est donc très importante. C’est tout ce que je vais dire à ce sujet.

Le sénateur Wetston : Je pense que, si nous devons améliorer le rendement énergétique des bâtiments et réduire leur empreinte carbone, nous ferions bien de les améliorer aussi sur le plan sanitaire.

J’ai parlé du nombre de bâtiments déjà construits qui existeront encore en 2030. Je ne suis pas trop sûr de l’exactitude du chiffre de 75 p. 100, mais il est assez proche de la réalité. Dans le concept que vous élaborez, comment passez-vous de la théorie à la pratique dans l’économie de la rénovation?

Vous en avez parlé d’une façon générale, mais pouvez-vous nous donner quelques détails au sujet de ce qu’il sera absolument indispensable de faire pour atteindre l’objectif?

M. Mueller : Nous avons déjà abordé la question des investissements. Les nouvelles sont très positives à ce sujet, mais il n’y a pas de solution facile. En Amérique du Nord, nous sommes quasiment en territoire vierge, de sorte que le Canada peut vraiment devenir un chef de file à cet égard.

Le secteur du bâtiment comporte toute une chaîne de valeurs qui commence par le fait qu’au Canada, nous ne sommes pas assez renseignés sur le rendement des bâtiments parce que nous ne recueillons pas les données nécessaires. Au gouvernement fédéral, Ressources naturelles Canada a introduit il y a quelques années le programme Energy Star dans le cadre duquel nous avons commencé à recueillir de telles données. C’est une mesure très positive parce qu’auparavant, nous devions compter sur les données américaines pour évaluer le profil énergétique de nos propres bâtiments. Aujourd’hui, nous avons un meilleur ensemble de données, mais le gouvernement doit continuer à investir dans ce domaine.

C’est un aspect, mais comment obtenir des données? La meilleure façon de le faire consiste à rendre obligatoires l’analyse énergétique des bâtiments et des produits et la publication des résultats, comme l’Ontario l’a fait. La province a maintenant un règlement obligatoire sur l’analyse énergétique. Les principales villes des États-Unis, comme New York, Seattle, Chicago et Boston, ont toutes des programmes obligatoires. Une fois qu’on a constitué un ensemble de données, on peut comprendre les bâtiments, savoir comment se comportent les différentes catégories et prendre ainsi des décisions sur les investissements nécessaires. C’est un élément très important.

Nous avons produit un cadre national montrant comment il serait possible de faire ce travail au Canada, et nous continuons à en faire la promotion. La Colombie-Britannique envisage aussi de mettre en œuvre un programme obligatoire. Quand on connaît l’investissement à faire, on peut déterminer les types de bâtiments d’un certain âge qu’il est nécessaire de cibler.

Voilà où le gouvernement pourrait intervenir par l’entremise de la Banque de l’infrastructure, pour offrir des incitatifs — les services publics pourraient également en offrir — afin d’encourager l’investissement dans ces bâtiments. Nous devons déterminer le meilleur modèle d’investissement, ce que nous n’avons pas encore fait. J’ai de la difficulté à imaginer le Canada en train de consacrer 6 milliards de dollars par an à des programmes d’encouragement des rénovations. Nous devons trouver un modèle convenant mieux au secteur privé, car cela existe. Toutefois, comment peut-on amener quelqu’un à investir pour obtenir un certain rendement?

En troisième lieu, il faut procéder à une analyse énergétique une fois que les améliorations ont été apportées. Il faut pouvoir étiqueter le bâtiment. Il faut en outre communiquer au public les données sur le rendement de l’immeuble parce que la transparence est très utile.

Du côté de la rénovation, nous avons un programme appelé Investor Confidence Program, qui permet de s’assurer de la rigueur du système. Quand on investit dans un bâtiment dans le but d’augmenter de 25 p. 100 le rendement énergétique et de réduire d’autant les factures d’énergie et les émissions de carbone, on veut savoir s’il y a de bonnes chances d’atteindre ce résultat, si le bâtiment a été vérifié, si le travail est fait et si le bâtiment fonctionne au niveau voulu. C’est à cela que sert ce programme.

Il s’agit d’une chaîne de valeurs que nous devons créer. À cet égard, le gouvernement a un rôle important à jouer sur le double plan de la politique et de la réglementation.

Le président : Je vais poser une ou deux questions, après quoi nous passerons au second tour.

Le sénateur Wetston s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles l’Europe a beaucoup fait sur le plan environnemental. Il est notoire que c’est bien le cas. Je crois que cela est dû en partie au prix que les Européens doivent payer pour leur énergie. Si vous deviez débourser 42 cents pour chaque kilowattheure d’électricité, par rapport à 8 cents au Canada, vous chercheriez une plus grande efficacité énergétique, n’est-ce pas?

Le prix constitue une bonne raison, mais nous ne pouvons pas simplement majorer le prix des services publics pour forcer les gens à faire des économies. C’est du moins l’une des raisons que j’ai trouvées.

M. Mueller : Vous avez tout à fait raison. C’est vraiment la principale raison : les gens comprennent le langage de l’argent.

Le président : Oui, et ce n’est pas seulement en Allemagne. On constate la même chose au Danemark et dans beaucoup d’autres pays.

Vous avez par ailleurs dit que vous communiqueriez au sénateur Wetston certains renseignements. Pouvez-vous, je vous prie, les transmettre à notre greffière pour qu’elle les fasse parvenir à tous les membres du comité?

M. Mueller : Très volontiers. Je serai heureux de le faire.

Le président : C’était une excellente question.

Avez-vous une description de la maison à consommation énergétique nette nulle?

M. Mueller : Oui, nous en avons une.

Le président : Pouvez-vous l’envoyer aussi à notre greffière?

M. Mueller : Nous avons cette norme qui donne une description très détaillée. Je ne voulais pas vous donner une documentation trop volumineuse. Nous avons la norme. Elle décrit exactement la nature d’une telle maison.

Le président : Je comprends.

Je viens du Nord de la Colombie-Britannique. Au Canada, une bonne moitié des maisons sont chauffées au gaz naturel. C’est l’un des combustibles fossiles les plus propres que nous connaissions.

M. Mueller : C’est un bon combustible à substituer au charbon ou au diesel. Je suis bien d’accord.

Le président : Nous n’avons pas utilisé de charbon, mais il y a des endroits où on utilise le diesel parce que c’est tout ce qu’on a. C’est le cas de la région que représente le sénateur Patterson : elle se compose de collectivités isolées qui n’ont accès ni au gaz naturel ni au réseau électrique. Elles utilisent du combustible diesel. C’est un problème que nous avons et que nous ne savons pas comment régler.

Pour réduire notre empreinte carbone, croyez-vous que nous puissions nous écarter de ce pourcentage de 50 p. 100 des maisons chauffées au gaz naturel? Beaucoup des nouvelles maisons qui sont construites ont le chauffage au gaz. Je ne crois pas que la tendance soit à la baisse. Je pense en fait qu’elle est à la hausse.

Que pouvons-nous faire?

M. Mueller : Je ne voudrais pas donner une fausse impression. Je ne crois pas que nous ayons besoin de renoncer complètement aux combustibles fossiles pour atteindre nos objectifs dans le secteur du bâtiment. En toute honnêteté, je ne crois pas que nous ayons à le faire. Pas d’ici 2030. Toutefois, pour 2050, nous aurons un objectif de 80 p. 100 de réduction, mais c’est différent pour 2030.

Ce qui compte vraiment, c’est l’échelle. Dans le programme LEED, on peut avoir l’impression que 1,1 milliard de pieds carrés, c’est beaucoup. Toutefois, par rapport au nombre total de bâtiments — nous en avons 7 000 dans le programme sur un total canadien de 240 000 bâtiments —, on peut voir la différence. L’échelle compte.

Je veux dire par là que le nombre de nouveaux bâtiments carbone zéro qu’on construit n’a pas vraiment beaucoup d’importance. Même si toutes les nouvelles constructions sont conformes à la norme carbone zéro, cela ne suffirait pas pour atteindre notre cible. Nous devons recourir à la rénovation aussi bien des bâtiments que des maisons.

Je vis à Vancouver et, même là, les maisons sont tellement inefficaces qu’on peut facilement améliorer leur rendement énergétique. Pour les maisons neuves, il faut d’abord réduire la demande d’énergie dans tous les cas. Peu importe si on utilise des combustibles fossiles ou des énergies renouvelables parce qu’il est impossible pour le moment de remplacer toute la consommation de combustibles fossiles. C’est l’efficacité qui constitue le concept de base.

Pour ce qui est des normes du bâtiment, vous savez, je suis sûr, que la Colombie-Britannique est passée au code à cinq étapes. Vancouver en est actuellement à l’étape 3. J’espère que beaucoup de municipalités vont le faire aussi. Il s’agit essentiellement de combiner le rendement énergétique à des enveloppes sensiblement plus étanches. Par conséquent, il faut recourir non à un vitrage double, mais à un vitrage triple et à une ventilation avec récupération de chaleur. On semble s’entendre pour dire que c’est le moyen le plus efficace et le plus économique de réduire la demande d’énergie des bâtiments.

Certains diront qu’on peut faire des économies de 80 ou 90 p. 100. Je crois qu’il faudra du temps pour en arriver là. Ce serait l’équivalent des normes européennes. Toutefois, même si nous atteignons 30 à 40 p. 100, c’est l’échelle qui compte. Dans les nouveaux bâtiments, nous avons besoin d’améliorations grâce à de meilleures enveloppes, à la ventilation avec récupération de chaleur ainsi qu’à des chaudières et à un éclairage plus efficaces. Dans le cas de la Colombie-Britannique, je crois qu’un éclairage efficace n’aura pas une grande incidence sur l’empreinte carbone parce que les gens ont déjà une source d’énergie propre, mais le montant de la facture d’énergie compte aussi.

Ces stratégies permettront d’obtenir les résultats voulus. Nous n’avons pas parlé des maisons existantes parce que nous croyons que le gouvernement et les services publics doivent s’en occuper, à cause de leur lien direct avec les propriétaires.

Le simple remplacement de la chaudière dans une maison pleine de courants d’air n’est pas très rentable. Les gens devraient savoir ce qu’il convient de faire parce qu’on leur a expliqué assez souvent les moyens d’augmenter le rendement énergétique. C’est à cet égard que les propriétaires ont besoin d’incitatifs. J’aime bien le modèle dans lequel le propriétaire fait des améliorations et se fait rembourser une part des frais, comme dans le cas du financement après construction ou des programmes de type PACE. Le propriétaire prend alors les choses au sérieux et dispose de modèles assurant une importante réduction de l’énergie. Cela revient toujours à l’enveloppe du bâtiment, suivie par l’équipement. Il ne faut pas inverser cet ordre. Il ne serait pas très sensé de le faire.

Il faut d’abord s’occuper de l’enveloppe et de l’isolation, puis de l’équipement. Voilà la façon d’atteindre l’objectif au moindre coût.

Le président : J’ai une petite question à poser. Vous avez parlé de chaudières efficaces. Y a-t-il actuellement dans le commerce des chaudières dont l’efficacité va au-delà de 98 p. 100?

M. Mueller : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Galvez : Nous savons que, en Europe et ailleurs, les rendements sont plus élevés que chez nous. Nous croyons que c’est à cause du prix de l’énergie. Qu’en est-il donc du rôle des codes du bâtiment? En Suède, en Finlande et dans les autres pays scandinaves, les codes sont plus sévères et plus holistiques. Où en sont les codes canadiens du bâtiment? Le savez-vous? Qu’est-ce que vous en pensez? Peuvent-ils jouer un plus grand rôle, ou bien en font-ils assez actuellement?

M. Mueller : Cela dépend de l’administration en cause. Je peux vous dire que les codes du bâtiment sont vraiment importants quand il s’agit d’accroître le rendement des vieux et des nouveaux bâtiments au Canada. J’ai cru comprendre que le gouvernement fédéral envisage de publier un code de rénovation et un autre de consommation nette nulle. Je ne connais pas les dates exactes. Je crois que ce sera en 2019 pour le code de rénovation et en 2021 ou 2022 pour le code de consommation nette nulle, et que cela variera selon la province.

Nous avons besoin de relever la norme d’ensemble. Les codes du bâtiment constituent un important instrument, mais je ne suis pas tout à fait sûr qu’ils nous conduiront à notre objectif. Il faut attendre trop longtemps pour atteindre un seuil que tout le monde accepte. C’est un cycle de cinq ans, qui est trop long. De toute façon, les codes du bâtiment sont toujours décalés, en ce sens que lorsque le gouvernement fédéral établit un code national, il faut attendre que les provinces l’adoptent. Combien de temps faut-il pour cela? Peut-être 1 an, 5 ans, 10 ans. Bref, les codes sont décalés.

Cela signifie aussi qu’une fois un code mis en place à une certaine date, tout bâtiment construit par la suite doit y être conforme. Prenons le cas d’une école: entre la planification, l’approbation et l’achèvement, il peut s’écouler trois ans. Il y a un décalage. Par conséquent, les codes sont importants, mais compte tenu du caractère urgent de l’action relative au changement climatique, s’il faut réduire de 30 p. 100 d’ici 2030 pour faire fléchir la courbe, les codes sont certes un élément, mais je ne crois pas qu’ils constituent la solution.

Du côté de la construction, le secteur privé doit intervenir, ce qu’il a fait à cause de l’existence d’un bon modèle de gestion. Cela est utile en ce qui concerne le rendement de l’investissement, les coûts de fonctionnement, la politique de responsabilité sociale, la gouvernance environnementale et sociale, les critères d’analyse, la durabilité, et cetera. Par conséquent, le secteur privé joue à mon avis un rôle critique dans la multiplication des activités.

Nous avons également besoin des codes. Nous devons aussi avoir des outils d’évaluation pour nous aider à viser et à réaliser un rendement supérieur dans les bâtiments. Nous avons besoin des trois aspects parce que les codes seuls ne suffiront pas pour résoudre le problème. C’est un élément important, mais pas le seul élément qui compte.

Le président : Je vous remercie de votre exposé et de vos réponses à nos questions. Nous les avons beaucoup appréciés. Si vous pouvez communiquer à la greffière les renseignements dont nous avons parlé, tous les membres du comité pourront en disposer.

Merci beaucoup, monsieur.

(La séance est levée.)

Haut de page