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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 35 - Témoignages du 2 novembre 2017


OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 5, afin de poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Paul Massicotte, sénateur de la province de Québec.

Avant de commencer, honorables sénateurs, j’aimerais demander l’autorisation de présider les délibérations aujourd’hui, étant donné que la motion du 7 décembre 2016 a expiré le 31 octobre dernier. Je souligne aux sénateurs que si l’autorisation n’est pas accordée, nous devrons disposer.

[Traduction]

Tout le monde est-il d’accord pour que nous poursuivions les travaux?

Des sénateurs : D’accord.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J’aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public qui sont présents dans la salle ainsi qu’à ceux qui nous regardent à la télévision. J’en profite pour rappeler que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu’on peut aussi les visionner en webdiffusion sur le site sen.parl.gc.ca. En outre, vous obtiendrez plus de renseignements sur les horaires sous la rubrique « Comités » sur le site web du Sénat.

J’invite les sénateurs autour de la table à se présenter, en commençant à ma droite.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Galvez : Sénatrice Rosa Galvez, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, Toronto, Ontario.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut, Iqaluit.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J’aimerais également vous présenter notre personnel, en commençant par la greffière, Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

En mars 2016, le Sénat a confié au comité le mandat d’examiner les effets, les défis et les coûts liés à la transition d’une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport au niveau de 2005, et ce, d’ici 2030.

Notre comité a entrepris l’étude secteur par secteur. Nous avons donc prévu d’étudier cinq secteurs de l’économie canadienne qui, ensemble, sont responsables de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit des secteurs de l’électricité, du transport, du pétrole et du gaz, des industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émission, et du bâtiment. Nos rapports provisoires sur les secteurs de l’électricité et des transports ont été publiés plus tôt cette année.

À l’occasion de notre 56e réunion dans le cadre de cette étude, qui portera principalement sur le secteur du bâtiment, j’ai le plaisir d’accueillir, du Bureau d’assurance du Canada, M. Craig Stewart, vice-président, Affaires fédérales, ainsi que Mme Nadja Dreff, directrice, Division de l’économie et économiste principale adjointe.

Je vous remercie d’avoir accepté de témoigner devant notre comité aujourd’hui. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous procéderons aux questions et réponses. À vous la parole.

Craig Stewart, vice-président, Affaires fédérales, Bureau d’assurance du Canada : Merci et bonjour, monsieur le président et membres du comité.

[Traduction]

Je vous remercie de nous avoir invités à discuter avec vous du coût actuel des changements climatiques et, dans le même ordre d’idée, du besoin d’effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Un fait intéressant à souligner, c’est qu’au cours des dernières années, notre industrie s’est clairement exprimée en ce qui concerne le besoin de traiter les changements climatiques comme un danger réel qui pèse déjà sur nous et non pas comme une vague menace future.

Dans un rapport publié en juin dernier aux États-Unis dans le cadre de l’évaluation nationale du climat commandée par le Congrès américain, des scientifiques de 17 organisations fédérales du gouvernement américain ont expliqué la façon dont les phénomènes météorologiques violents que nous voyons actuellement sont liés aux changements climatiques. Ils estiment, avec un degré de certitude élevé, que les températures en Amérique du Nord vont poursuivre leur ascension et que la fréquence et l’intensité des précipitations abondantes vont aussi augmenter. Même s’il est difficile d’établir des liens avec un événement isolé, les scientifiques ont conclu que la violence des phénomènes météorologiques les plus violents est attribuable aux phénomènes extrêmes prévus. En d’autres mots, les phénomènes eux-mêmes se seraient produits dans tous les cas, mais avec moins de violence.

Je représente le Bureau d’assurance du Canada, une association professionnelle nationale représentant 90 p. 100 du marché de l’immobilier et des assureurs qui offrent des services d’assurance habitation, d’assurance automobile et d’assurance commerciale au Canada. Nos membres offrent des emplois à environ 125 000 Canadiens. Le total de notre base de cotisations est égal à 53 milliards de dollars. Dans l’ensemble, nous versons environ 9 milliards de dollars en impôts et autres prélèvements aux gouvernements fédéral et provinciaux et aux administrations municipales.

L’année dernière, les assureurs ont payé 36 milliards de dollars pour le règlement de sinistres, dont 14 milliards de dollars uniquement pour les immeubles résidentiels et les biens à usage commercial.

Nous sommes uniquement bien placés pour quantifier les coûts sans cesse croissants des changements climatiques pour les Canadiens. Si vous regardez les diapositives devant vous, vous pourrez avoir un aperçu de la situation globale.

[Français]

Je suis désolé. Je n’ai pas eu le temps de faire traduire la présentation, mais toutes ces images seront disponibles en français si nécessaire.

[Traduction]

La deuxième diapositive provient d’une de nos entreprises membres, Munich Re. On y montre les tendances globales relatives aux sinistres catastrophiques. Clairement, on voit qu’il y a une tendance à la hausse relativement aux sinistres assurés, et ce, dans le monde entier. Vous pouvez aussi voir quelle est la cause. Les phénomènes géophysiques, dans le bas en rouge, sont généralement des tremblements de terre. Les phénomènes climatologiques, en orange dans le haut, sont habituellement des sécheresses ou des feux de friche. Cependant, les parties les plus importantes du graphique sont les parties bleue et verte de chaque barre. Il s’agit de phénomènes météorologiques, comme des ouragans violents, des orages de convection et des tempêtes hivernales ainsi que des phénomènes hydrologiques comme des inondations en surface causées par le débordement d’un lac, d’une rivière ou d’un océan proche. Ces phénomènes sont la cause de la plupart des sinistres à l’échelle mondiale. Comme le montre le graphique, dans l’ensemble, l’eau est le vrai problème et non le feu.

Cela s’applique également au Canada. Au total, 75 p. 100 des pertes remboursées par le gouvernement dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de catastrophe sont causées par des inondations. Je suis au courant des récents feux de friche en Colombie-Britannique et à Fort McMurray en Alberta, mais les inondations demeurent, selon nous, le vrai problème. Je vais y revenir dans une minute.

La troisième diapositive illustre l’évolution de la situation au Canada au cours des 35 dernières années. On y voit les montants liés aux sinistres assurés. Les cas aberrants sont évidents : la crise du verglas de 1998 au Québec, les inondations de 2013 à Calgary et à Toronto et les feux de friche de 2016 qui ont ravagé Fort McMurray. Malgré tout, le portrait global de la situation est comparable à celui du monde entier. Pendant les années 1980 et 1990, les pertes annuelles anticipées étaient inférieures à 300 millions de dollars annuellement, mais l’année 2009 a tout changé; c’est devenu la nouvelle référence. Les assureurs s’attendent maintenant à ce que les pertes causées par des phénomènes météorologiques violents dépassent le milliard de dollars par année, et les coûts vont continuer d’augmenter. Tous les montants présentés sont en dollars constants de 2016.

À la diapositive 4, vous pouvez voir l’impact sur les demandes d’indemnisation pour perte de biens personnels. Le graphique montre les demandes d’indemnisation pour toutes les causes et pas seulement les phénomènes météorologiques violents. Cependant, la montée globale du nombre de demandes est attribuable au nombre croissant de phénomènes météorologiques violents. Le nombre de demandes pour des pertes causées par autre chose n’a pas bougé ou a même diminué.

La diapositive 5 montre la corrélation qui existe entre l’évolution de la situation et la valeur des primes émises. Il y a une corrélation entre cette augmentation et deux variables sous-jacentes. D’abord, les maisons canadiennes et ce qu’il y a à l’intérieur coûtent rapidement de plus en plus cher à remplacer, et ensuite, le risque qui pèse sur un bon nombre de ces demeures augmente, et dans le domaine des assurances, le prix suit le risque.

La diapositive 6 montre des tendances similaires relativement aux dépenses fédérales pour le rétablissement après catastrophe. Selon les prévisions du Bureau du directeur parlementaire du budget, 900 millions de dollars seront dépensés, en moyenne, chaque année à cause des sinistres au cours de la décennie, et la majeure partie de cet argent, plus de 60 millions de dollars par année, sera dépensée pour réagir aux inondations.

Donc, que faut-il comprendre de tout cela?

Entre le mois d’avril et le mois de novembre, on doit s’attendre désormais à ce qu’il y ait une inondation grave quelque part au Canada toutes les deux ou trois semaines. Cette semaine, c’est arrivé à Wakefield et à Chelsea, à 20 minutes de route au nord d’ici. La région, dans l’Outaouais, a subi trois crues centennales. La photo sur la prochaine diapositive montre de quoi avait l’air la rue principale de Wakefield lundi.

En août, la ville de Windsor a subi sa deuxième crue centennale en deux ans, et, bien sûr, nous sommes tous au courant des inondations qui sont survenues partout au pays au printemps dernier.

Nous croyons que la discussion sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone doit être axée sur la réduction des émissions afin de freiner les changements climatiques qui ne cessent de prendre de l’ampleur et éviter ainsi les pertes futures qui en résulteront. En outre, il faudrait également discuter de la résilience des bâtiments aux phénomènes qui se produisent déjà.

S’il y a une chose que je veux que vous reteniez de ce que j’ai dit, c’est ceci : nous ne sommes pas prêts. Notre pays n’est pas du tout prêt à réagir aux inondations. Beaucoup trop de gens vivent et travaillent dans des régions à risque, sans prendre de mesure pour se protéger physiquement, financièrement et socialement.

Dans deux semaines, le ministre de la Sécurité publique, M. Goodale, va lancer une table ronde nationale pour discuter avec l’ensemble du Canada du risque posé par les inondations. Toutes les provinces, tous les territoires et toutes les organisations autochtones nationales ainsi que des experts dans le domaine y participeront. Nous lui sommes très reconnaissants du leadership dont il fait preuve, mais seul, il lui est impossible d’obtenir des résultats. Il a besoin de soutien.

Pour conclure, les chiffres que je vous ai montrés aujourd’hui sont la preuve que le travail de votre comité est très important. Même si le Canada devrait consacrer des fonds à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, nous ne pourrons pas nous permettre de ne pas le faire.

Merci.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Stewart.

Madame Dreff, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Nadja Dreff, directrice, Division de l’économie et économiste principale adjointe, Bureau d'assurance du Canada : Non.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. C’est important que vous soyez ici, parce que, intuitivement, nous savons tous ce qui se passe, mais nous avons besoin d’experts pour nous fournir des données. J’ai été surprise de voir que les statistiques que vous avez s’arrêtent à l’année en cours. Je suis certaine que vous avez effectué des prévisions. Ce serait important que le comité puisse avoir vos prévisions.

Je reviens tout juste de New York. L'American Society of Civil Engineers m’avait invitée à prendre la parole à propos de la durabilité de l’infrastructure, alors je trouve tout cela très intéressant. J’ai quelques questions.

D’abord, jusqu’à quand prévoyez-vous retenir les demandes d’indemnisation? Pendant combien d’années pourrez-vous continuer à rembourser? Je suis sûre que vous allez commencer à augmenter les primes. Donc, quelles sont vos prévisions?

Ensuite, que recommandez-vous en ce qui a trait à la reconstruction? La reconstruction va-t-elle se faire au même endroit, selon les mêmes normes et avec les mêmes matériaux? Je suis certaine que vous avez une grande expertise en matière d’habitation et de construction. Quelles sont donc vos recommandations?

Mme Dreff : Nous pouvons vous parler de nos prévisions pour 2017. Les données qui sont devant vous reflètent les véritables pertes subies, les demandes qui ont été présentées.

De par leur nature, il est impossible de prévoir le nombre de demandes d’indemnisation, parce que les phénomènes et les causes naturelles sont très imprévisibles. Même si chaque entreprise a sûrement des réserves pour l’évolution des prix et d’autres données analytiques afin de se préparer convenablement à l’avenir, personne ne sait avec certitude ce qui s’en vient. De notre côté, nous représentons l’ensemble de l’industrie, mais nous n’avons pas accès à ces prévisions.

M. Stewart : Les réassureurs internationaux, pour leur part, ont recours à des modèles sophistiqués pour déterminer les taux que doivent payer les compagnies d’assurances. Ce sont probablement eux qui détiennent les prévisions les plus avancées sur le plan technique. Nous pourrions sans doute — mais ce serait à l’échelle mondiale — obtenir ces prévisions des réassureurs pour vous, si vous croyez que cela vous serait utile.

La sénatrice Galvez : Et pour les bâtiments?

M. Stewart : À propos des bâtiments, c’est un sujet que nous abordons de plus en plus lorsque nous prenons la parole dans diverses régions du pays pour expliquer qu’il est irresponsable d’exposer les gens au risque ou de continuer à les exposer dans le cas d’une inondation. J’ai un exemple patent qui remonte à 2016. À Fort McMurray, il y avait une collectivité du nom de Waterways. Un grand nombre de résidences à Waterways ont brûlé. Le nom de Waterways vient du fait que c’est une plaine inondable. Malheureusement, quelqu’un a donné la permission de reconstruire les maisons à Waterways, alors le prochain sinistre pour ces personnes ne serait peut-être pas le feu, mais très possiblement une inondation.

L’assiette fiscale dont disposent les municipalités est limitée, mais elles en ont grandement besoin, et la plupart du temps, les résidences près de l’eau sont les plus recherchées. C’est pourquoi les municipalités sont forcées d’autoriser les aménagements dans ces endroits. Cependant, l’Ontario a fait preuve d’un grand leadership en 1960 en retirant aux municipalités le pouvoir d’autoriser les aménagements municipaux dans des plaines inondables. Ce sont les offices de protection de la nature qui disposent de ce pouvoir maintenant. En conséquence, l’Ontario reçoit le moins de fonds par habitant relativement aux Accords d’aide financière en cas de catastrophe, soit 9 p. 100.

Les provinces disposent de leviers pour restreindre le réaménagement dans les plaines inondables. Le Québec, cette année, a hésité mais a fini par prendre la bonne décision pendant l’été et a empêché le réaménagement des régions où il risque d’y avoir de nouvelles inondations.

Sur le plan politique, c’est une décision difficile à prendre, mais nous croyons que c’est la bonne chose à faire, vu ce qui se passe actuellement et ce qui va arriver à l’avenir.

Le sénateur MacDonald : Eh bien, ma question est dans le même ordre d’idée. On voit tout le temps des gens qui construisent dans des zones de faible altitude. Tout le monde dans la région sait que c’est une plaine inondable qui a toujours été là. Je serais curieux de savoir à quel point l’augmentation est liée aux changements climatiques, et dans quelle mesure cela est causé par de mauvaises pratiques de construction et le fait qu’on construit des maisons là où on ne le devrait pas.

Il y a des gens dans la vallée de la rivière Saint-Jean — une énorme plaine inondable — qui sont victimes d’inondations, et ensuite ils demandent au gouvernement de faire quelque chose. Eh bien, qu’est-ce que vous faites dans une plaine inondable en premier lieu? Parfois, je n’arrive pas à comprendre leur raisonnement. Dans quelle mesure peut-on attribuer la faute aux changements climatiques, et dans quelle mesure est-ce à cause des pratiques de construction et de l’étalement urbain?

Mme Dreff : Peut-être devrais-je vous parler des changements climatiques et de la position des assureurs quant aux phénomènes météorologiques violents et aux incidents à venir.

Ce que je peux vous dire, c’est que plusieurs études éminentes ont conclu qu’il y avait effectivement un lien entre le réchauffement climatique et l’augmentation des phénomènes météorologiques violents comme les inondations, les ouragans et les feux de friche, même s’il est extrêmement difficile d’établir un lien entre un phénomène isolé et les changements climatiques. En outre, il est très difficile de déterminer qu’un ensemble donné de demandes d’indemnisation sont attribuables aux changements climatiques.

Je sais que ce n’est pas une réponse idéale, mais c’est quelque chose avec quoi les compagnies d’assurances doivent composer. Il serait certainement utile d’avoir ces projections concernant ce que les changements climatiques signifient pour ce qui est des sinistres assurés. Le mieux que nous pouvons faire, c’est utiliser les modèles dont Craig a parlé et, ce faisant, mettre de côté assez de capital et de réserves. En ce qui a trait à la construction dans des zones inondables, Craig peut en glisser un mot.

M. Stewart : Nous avons un certain nombre de maisons qui ont bénéficié d’une clause de droits acquis pendant des décennies, et même un siècle, par rapport au développement dans des plaines inondables. L’héritage de ces décisions, c’est que, vu l’augmentation du nombre de phénomènes météorologiques violents et du nombre d’inondations provenant des rivières et des lacs, ces maisons sont maintenant touchées.

Que vous imputiez ou non l’augmentation des phénomènes météorologiques violents aux changements climatiques, notre réalité, c’est que nous pouvons maintenant nous attendre à ce que ces phénomènes surviennent fréquemment. Ce qui se produisait auparavant tous les 50 ans pourrait maintenant se produire tous les 20 ans. Comme je l’ai mentionné, cette région au nord de chez nous a connu trois événements, qui surviennent une fois tous les 100 ans, en 10 ans. Nous croyons que ces tendances vont continuer. C’est pourquoi nous croyons qu’il est maintenant irresponsable d’autoriser d’autres lotissements dans les plaines inondables, et, en tant qu’industrie, nous croyons que d’autres nouveaux lotissements dans les plaines inondables devraient être limités.

Pour répondre directement à votre question, en fonction des modèles, nous nous attendons à ce que les phénomènes météorologiques violents augmentent en intensité et en fréquence. Il y aura d’autres inondations dans les plaines inondables. Oui, il y a là-bas plus de constructions, et nous devons limiter cette augmentation.

Le sénateur MacDonald : En tout respect, aucun d’entre vous n’a répondu à ma question. J’ai demandé dans quelle mesure le problème était attribuable à la construction constante de logements dans des zones où ceux-ci ne devraient pas être construits, mais je n’ai pas nécessairement parlé de la météo. Si un lieu se trouve dans une plaine inondable et qu’il y a des inondations, vous allez recevoir de l’eau. Que ce soit la tempête du siècle ou une tempête de fin de semaine, si vous êtes au mauvais endroit, au mauvais moment, et que la maison est construite à cet endroit-là, cela ne devrait pas être ainsi. Combien de ces réclamations sont attribuables à des maisons qui ont été tout simplement construites là où elles ne devraient pas l’être?

M. Stewart : Les réclamations liées à des plaines inondables représentent environ 20 p. 100 des inondations globales. Environ 80 p. 100 concernent les pluies : des réclamations qui découlent d’un mauvais système d’évacuation des eaux de ruissellement. Les inondations qui proviennent d’une plaine inondable sont en quelque sorte prévisibles pour notre industrie. Il y a des maisons dans la plaine inondable; elles ne devraient pas être là. Mais il y a des lieux dans un contexte urbain, dans une ville, où juste le granulat d’asphalte et l’asphalte, puis de mauvais systèmes d’évacuation des eaux de ruissellement qui n’ont pas été conçus pour cette charge hydraulique, qui comptent pour environ 80 p. 100 du coût total de nos réclamations. C’est une plus grande partie du problème, et ces tempêtes sont assez imprévisibles, parce que nous ne savons pas où une averse torrentielle va se produire et déverser beaucoup d’eau sur une courte période et submerger le système. C’est donc les deux.

Pour répondre à votre question, les plaines inondables représentent une partie prévisible du problème, mais pour le régler dans sa totalité, nous devons examiner les améliorations des systèmes d’évacuation des eaux de ruissellement dans des contextes urbains également et affecter des fonds pour les mettre à niveau, en fonction de nos nouveaux modèles adaptés à la quantité d’eau qu’on s’attend maintenant à recevoir.

Le sénateur Wetston : Merci d’être venus aujourd’hui. J’aimerais vous poser des questions au sujet du BAC et de son rôle. Je crois comprendre que votre rôle principal dans ce domaine, mis à part ce dont vous avez parlé aujourd’hui, c’est de comprendre l’adaptation. Que faisons-nous par rapport à la catastrophe des changements climatiques, aux gaz à effet de serre et à leurs répercussions sur l’environnement — si nous nous entendons pour dire que c’est ce qui se produit — par rapport au rôle que vous avez et au travail que vous faites avec votre industrie concernant l’adaptation à ce nouvel environnement?

M. Stewart : Notre industrie s’est énormément concentrée sur l’adaptation. Au cours des dernières années, on a beaucoup insisté sur la fixation des prix du carbone et la prise de mesures d’atténuation, ce qui est, à notre avis, une conversation importante. Mais en même temps, nous pensons que les changements climatiques sont imminents, que les changements dans les phénomènes météorologiques violents touchent déjà les Canadiens et que les Canadiens qui vivent le long de la rivière des Outaouais ignorent qu’ils sont à risque et qu’ils pourraient perdre toutes leurs économies s’ils venaient à perdre leur maison en raison d’une inondation imprévue; nous croyons que cela ne devrait pas se produire dans notre pays.

Nous avons été très actifs, comme association industrielle, mais aussi par l’entremise de nos membres, et ce, d’un certain nombre de façons. Par exemple, nous mettons l’accent sur des conversations au sujet de la communication des risques climatiques, de la diffusion de renseignements sur le climat, grâce à l’excellent travail qui a été effectué récemment par Mark Carney et Michael Bloomberg dans le cadre d’un groupe de travail et de la diffusion de renseignements sur le climat. Nous participons activement à ce travail à l’échelle mondiale et locale.

Ensuite, un de nos membres, Intact, finance le Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo, qui a fait un excellent travail pour renseigner les consommateurs au sujet des risques auxquels ils font face et les aider à faire les démarches nécessaires.

Une des choses que le centre examine, c’est un programme d’évaluation domiciliaire. Tout comme nous l’avons fait pour l’efficacité énergétique, nous avons envoyé des inspecteurs à domicile afin d’évaluer de quelle façon vous pouvez augmenter l’efficacité énergétique d’une résidence. Vous pourriez essentiellement faire une vérification, si vous le voulez, de la vulnérabilité d’une résidence à une inondation et prendre quelques mesures simples. Par la suite, l’inspecteur à domicile peut dire : « Voici une liste de vérification en 50 points. Voici les 20 points qui vous concernent. C’est ce que vous pourriez faire. » Selon eux, la plupart des maisons pourraient être protégées contre les inondations moyennant un investissement très modeste de 1 000 à 1 500 $.

C’est le genre d’approche novatrice que nous avons en tête. Si nous pensons à un nouveau programme national de rénovation domiciliaire ou à un nouveau programme national de modernisation des immeubles qui est axé sur l’efficacité énergétique, nous croyons que vous pourriez le jumeler à un volet sur la résilience et faire les deux — aider à accroître l’efficience, mais aussi à le rendre plus résistant aux phénomènes météorologiques. Nous avons parlé avec Ressources naturelles Canada à ce propos. Notre industrie déploie tout un éventail d’efforts afin de tenter de réagir en ce moment à l’adaptation aux changements climatiques.

Le sénateur Wetston : Il y a cet outil d’analyse des impacts communautaires que vous avez, je crois, élaboré. Par contre, ce n’est pas un outil de prévision, n’est-ce pas?

M. Stewart : Non.

Le sénateur Wetston : Ce n’est pas un modèle que vous utilisez pour prévoir les risques associés au climat, comme le sénateur MacDonald le mentionnait.

Je veux vous poser une question au sujet du modèle de prévision, et la sénatrice Galvez allait aborder cette question. Je pense qu’il serait très utile de comprendre un peu plus clairement comment vos modèles sont conçus — cela s’adresse probablement plus à l’industrie qu’à votre organisation, mais si vous pouviez demander aux membres de votre industrie s’ils seraient prêts à communiquer ces renseignements — pour comprendre les composantes et les éléments de risque de vos modèles par rapport au fait que vous croyez que les changements climatiques ont des répercussions pour ce qui est des inondations et d’autres risques. C’est important de rattacher une croyance dans les changements climatiques aux risques qui y sont associés.

Nous savons que les modèles sont un point de départ, mais le jugement est la clé. Êtes-vous en mesure de nous fournir — ou peut-être que Mme Dreff le peut — un peu plus de renseignements sur la nature de ces modèles ou pouvez-vous simplement fournir à la greffière plus de renseignements de sorte que nous puissions mieux comprendre le modèle? Pouvez-vous nous aider à cet égard?

Mme Dreff : Nous serions très heureux de nous intéresser davantage à la question de savoir exactement comment les compagnies d’assurances expérimentées que nous représentons, et plus particulièrement les réassureurs, perçoivent les changements climatiques et les modèles de changement climatique à long terme.

La triste vérité, c’est que les répercussions concernent surtout l’avenir. C’est un horizon à long terme, où chaque entreprise — y compris les consommateurs — a surtout des horizons à court terme en ce qui concerne sa planification et sa prise de décisions. C’est pourquoi Craig a parlé de l’adaptation et de la résilience des infrastructures comme étant essentiellement la clé pour atteindre nos cibles d’émissions, au bout du compte et à très long terme.

Comme je l’ai dit, des études fiables ont établi le lien entre des systèmes de réchauffement climatique et des phénomènes météorologiques plus violents et destructeurs que nous avons aussi pu voir dans les chiffres présentés. Toutefois, je pense que la science n’est pas encore en mesure de nous dire exactement ce qui va se produire ni à quel moment cela va se produire, et je ne suis pas certaine que nous ne serons jamais aussi précis. Comme vous l’avez mentionné, les modèles sont des modèles, et ils sont en quelque sorte la meilleure chose que nous pouvons trouver. Il y a encore beaucoup de jugement, et les assureurs sont là. Leur principale raison d’être est le transfert de risques d’autres secteurs de la société.

Le sénateur Wetston : Pour donner suite à ce que vous dites, le comportement est une partie importante de ces modèles. Si vous êtes pour construire sur une plaine inondable, c’est comportemental. S’il y a des changements climatiques, c’est un risque à long terme. C’est important pour nous de comprendre les composantes du modèle. Je pense que vous seriez d’accord avec moi par rapport à l’aspect comportemental du modèle.

M. Stewart : Tout à fait, et nous le pouvons. Les modèles climatiques les plus perfectionnés sont conçus par les réassureurs. Swiss Re et Munich Re sont les deux réassureurs ayant les meilleurs modèles pour le Canada. Nous serions heureux de vous les montrer. Ils ont publié dans le menu détail la façon dont leurs modèles climatiques sont agrégés. Nous nous ferons un plaisir de transmettre ce document au comité.

Le sénateur Massicotte : Si vous pouviez l’envoyer à la greffière, nous pourrons le faire circuler.

Le sénateur Wetston : Cela serait-il acceptable pour vous?

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Stewart : Une autre chose : le gouvernement de l’Ontario a récemment élaboré en Ontario une initiative sur la modélisation climatique. Celle-ci va permettre la création d’un centre d’expertise qui devrait être le meilleur au pays pour faire exactement le type de modélisation de scénarios dont vous parlez. L’initiative est dirigée par John Godfrey, ce qui n’est probablement pas une surprise. Elle a maintenant été financée. Étant donné que la plupart de nos modèles sont mondiaux et que nous dépendons des réassureurs, cela va aider à faire avancer la pratique dans un contexte canadien.

Le sénateur Patterson : Vous avez bien défendu le point selon lequel nous ne sommes pas prêts pour les urgences. Pourriez-vous donner des exemples du manque actuel de préparation aux urgences et de la façon dont on pourrait y remédier?

M. Stewart : Certainement. Essentiellement, il y a quatre étapes d’intervention en cas d’urgence. Il y a le volet de l’état de préparation, ce qui comprend d’atténuer le risque dès le départ. Puis, il y a les étapes d’intervention et de rétablissement. En toute honnêteté, nous ne sommes très bons dans aucune d’entre elles.

Ce qui est important par rapport à l’état de préparation, c’est la détermination des risques, afin de s’assurer que les gens — les Canadiens et les collectivités — connaissent les risques auxquels ils font face. Dans une récente étude menée par l’Université de Waterloo et publiée au printemps, seulement 6 p. 100 des Canadiens qui vivaient dans des zones à risque élevé, des plaines inondables, savaient qu’ils couraient un risque élevé. Jusqu’à ce que vous corrigiez cela, vous n’allez pas encourager ce changement comportemental dont nous parlons. C’est la première chose.

Ensuite, nous croyons que ce qui va se produire durant un événement, c’est que les collectivités ont une réticence pour ce qui est de demander de l’aide. Durant les inondations récentes, c’était essentiellement les services de pompiers volontaires, et, dans une moindre mesure, la Croix-Rouge qui sont venus aider les gens. Des femmes enceintes ont érigé un mur de sable autour de leur propre maison toute la journée avant de la perdre. Cela ne devrait pas se produire au Canada. Nous avons une base des forces armées juste au nord d’ici. Nous ne devrions pas être aussi réticents à demander de l’aide, et l’aide aurait dû être là.

Nous ne sommes pas non plus champions pour ce qui est de déployer des ressources de bénévoles. Au total, 670 personnes ont offert leur aide à titre bénévole et se sont enregistrées auprès de la Ville d’Ottawa. Nous croyons comprendre qu’elles n’ont pas été déployées aussi bien qu’elles auraient pu l’être. Nous devons changer la culture.

Par rapport à l’aspect du rétablissement — nous en avons déjà parlé — nous ne pouvons remettre des gens dans une situation qui met leur vie en danger, à l’endroit même où ils ont déjà fait face à une catastrophe. Nous devons prendre ces décisions politiques difficiles.

Le sénateur Patterson : Vous avez dit qu’environ 6 p. 100 des Canadiens ne savent pas qu’ils se trouvent dans une zone à risque. A-t-on recensé les régions du Canada qui sont à risque de subir des phénomènes météorologiques violents?

M. Stewart : Du point de vue des réclamations, nous pouvons déterminer où se trouvent les endroits les plus à risque, ceux qui ont tendance à avoir le plus de signalements — en fonction des réclamations, mais aussi des ressources gouvernementales — en ce qui concerne les accords d’aide financière en cas de catastrophe. Encore et encore, c’est la région des Prairies qui est le plus à risque de subir des phénomènes météorologiques violents au Canada. Plus particulièrement, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba — que ce soit des incendies, des inondations, de la grêle ou des tempêtes de vent — sont les régions du pays qui seront le plus confrontées à ces événements. Nous faisons tous face à ces événements partout au pays. Nous avons vu beaucoup de ces événements au Québec cette année, et un événement au Cap-Breton l’année dernière, et nous avons parlé de la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, mais les Prairies sont la région qui présente le plus grand risque de manière générale.

Le sénateur Patterson : Vous parlez des responsabilités des municipalités pour ce qui est de prendre des décisions difficiles au sujet de la reconstruction. Nous avons tous vu la situation horrible à Calgary. La Ville de Calgary empêche-t-elle les gens de reconstruire dans la plaine inondable? A-t-elle le courage de faire cela? Est-ce une bonne histoire?

M. Stewart : C’est une bonne histoire. Particulièrement le long de la rivière Elbow, il y a eu des zones où on a dit de ne pas reconstruire; puis il y a eu les autres zones où on a dit : « Si vous reconstruisez, vous devrez vous protéger, parce que nous ne vous tirerons plus d’affaire. »

Calgary est une expérience réussie, et celle de High River est encore meilleure. High River, en Alberta, qui a aussi fait face à de grandes inondations à ce moment-là, n’a pas reconstruit. On a transformé la zone la plus inondable de la ville en parc et on a dit qu’on ne mettrait plus des gens là-bas. De fait, c’est un exemple incroyable que nous pouvons citer par rapport à la façon dont vous devriez prendre ces décisions difficiles après une catastrophe.

Le sénateur Patterson : Vous avez piqué ma curiosité lorsque vous avez dit que, pour 1 000 ou 1 500 $, un propriétaire pouvait atténuer le risque d’inondation. Pouvez-vous donner quelques exemples de ce que vous pouvez faire?

M. Stewart : Il y a des exemples simples. Il y a un clapet anti-retour que vous pouvez installer dans votre sous-sol qui empêche l’eau de remonter lorsque la nappe phréatique grimpe dans vos égouts jusque dans votre maison. Vous pouvez améliorer votre système d’évacuation autour de la maison pour vous assurer que l’eau sur votre propriété ne s’écoule pas dans la maison. Vous pouvez vous assurer d’avoir les bons tuyaux de descente qui drainent aussi l’eau pour qu’elle s’écoule loin de la maison. Vous pouvez sceller les fissures dans votre sous-sol. Il y a un certain nombre de mesures simples qu’un propriétaire peut prendre lui-même.

Le sénateur Massicotte : Et on en est à 1 500 $ juste là.

Le sénateur Richards : Ma question a été posée par le sénateur Patterson et le sénateur MacDonald, mais je vais fournir un contexte historique. Pendant au moins 100 ans, on a dit aux gens de ne pas construire dans les zones de faible altitude de Fredericton, d’où je viens, en raison de la plaine inondable. La plus grande inondation que nous avons connue était en 1972, et elle a emporté des ponts. La plus grande tempête a été le désastre d’Escuminac, en 1959. C’était la plus grande tempête dans la baie. Le plus grand incendie s’est produit en 1825, où 10 000 milles carrés ont brûlé en 10 heures. Les Micmacs, les Acadiens et les Anglais qui vivaient là n’ont pas associé cela aux changements climatiques. Je me pose des questions par rapport aux fils qui tissent le lien ici et au fait de savoir à quel point ils sont forts et démontrables.

Tout cela a des relents d’État policier, et je n’aime pas cela. À quel point êtes-vous certains des liens avec les changements climatiques et de tout cela? Bien sûr, l’incendie qui s’est produit au Nouveau-Brunswick en 1825 était beaucoup plus important que celui de Fort McMurray, même si l’incendie survenu à Fort McMurray a été certainement dévastateur. J’essaie de comprendre tout cela.

M. Stewart : Nous avons toujours connu ces événements. Nous avons eu auparavant des incendies de forêt et des inondations, ainsi que des inondations importantes dans le passé. Étant donné la fréquence et l’intensité des inondations violentes, comme Nadja l’a mentionné, c’est maintenant impossible de dire que cet événement a été causé par les changements climatiques. C’est la question des tendances.

J’ai cité un rapport des États-Unis publié cet été, et c’était essentiellement une évaluation des changements climatiques faite par des experts de 17 organismes différents. Dans leurs évaluations, ils sont probablement allés plus loin que quiconque l’ait fait auparavant pour établir ces liens. C’est une lecture aride, mais fascinante. On dit que l’atmosphère se réchauffe, et l’atmosphère réchauffée va contenir plus d’humidité et va ralentir le courant-jet; comme résultat de l’association de ces choses, vous finirez par avoir des tempêtes aux déplacements plus lents qui peuvent rejeter plus d’eau dans un endroit. C’est le lien qui a été établi.

Le sénateur Richards : Je le constate. J’essaie de comprendre comment vous pouvez, de façon concluante, relier cela aux émissions de carbone et à la façon dont le gouvernement tend à croire que si nous passons à une énergie faible en carbone, cela va nous protéger de ces tempêtes, inondations et incendies. Je ne suis pas entièrement convaincu de l’existence du lien. À tout le moins, cela n’a pas été prouvé de façon concluante à mes yeux, mais je suis peut-être un peu borné ici.

M. Stewart : Non, cela n’a pas été prouvé de façon concluante. Je ne sais pas si cela ne sera jamais prouvé de façon concluante. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il semble y avoir une corrélation avec les modèles, et je crois donc que les liens existent.

Le sénateur Massicotte : Je cherche des détails. Dans votre exposé, vous avez dit que, selon les données scientifiques, il est probable qu’une relation existe. Pour moi, cela signifie 51 p. 100. Pourriez-vous être plus précis? J’aimerais bien voir des choses dont la certitude est de 97 p. 100. Quel serait un meilleur mot que « probable »? Cela veut dire que ce pourrait être chaud ou froid.

M. Stewart : Dans le rapport, on a quantifié exactement ce que cela signifie. Je crois que le chiffre qu’on a utilisé a été projeté avec une grande confiance. Je crois que la « grande confiance » se situe autour de 80 p. 100.

Le sénateur Massicotte : C’est mieux que « probable ».

M. Stewart : C’est mieux que « probable », effectivement.

Le sénateur Massicotte : Nous avons parlé des gens qui retournaient vers des zones à risque élevé, mais rien ne vous empêche de dire : « Je ne vais pas assurer ces maisons. » Lorsque le prêteur hypothécaire décide de ne pas vous consentir de prêt en raison du risque ou que les compagnies d’assurances cessent de l’assurer, les sonnettes d’alarme vont enfin commencer à retentir. Vous avez donné des exemples où des gens retournent bêtement à leur maison. Assurez-vous ces maisons?

M. Stewart : C’est une excellente question. Nous sommes un marché compétitif. Il y a plus de 200 compagnies d’assurances qui s’efforcent avec voracité d’obtenir des parts de marché. Dans cet environnement compétitif, certains assureurs peuvent prendre la mauvaise décision d’assurer ces maisons de nouveau. Ils agissent de façon indépendante. Ils prendront toutefois des mesures pour réduire leurs risques. Ils pourraient les plafonner et dire : « Oui, nous allons vous assurer, mais vous pourrez réclamer au maximum de 10 000 à 20 000 $ si un événement se produit. » Ils pourraient attacher des franchises très élevées à ces propriétés. Une société a dit qu’elle allait assurer tout le monde, mais le prix va exactement refléter le risque; donc, si vous voulez une assurance, il vous en coûtera de 10 000 à 15 000 $ par année.

Le sénateur Massicotte : Je présume que les gens des assurances sont des personnes rationnelles et logiques. Faisons cette hypothèse. Cela signifie que ces compagnies qui décident d’assurer ces maisons à ces conditions ont évidemment dit que la probabilité est telle qu’ils feront de l’argent grâce à ce régime d’assurance. Cela affaiblit donc votre argument, parce qu’ils ont dit que, peu importe les risques élevés, ils pourront en retirer de l’argent. Cela semble donc éliminer les sonnettes d’alarme qui retentissent lorsque vous dites « Ne faites pas ça. »

M. Stewart : Je ne suis pas sûr que ces maisons, par exemple à Waterways, soient assurées à ce point-là. Je dis qu’il est possible qu’elles le soient. Mais la réalité, c’est que les compagnies ont des actuaires qui voient le monde de façons différentes et ils peuvent adopter des stratégies particulières pour dire : « Ce sera un produit sacrifié si nous l’offrons, mais nous allons le subventionner d’une autre façon. » Elles adoptent chacune des stratégies et des approches différentes.

En ce moment, c’est un fouillis. Le domaine des assurances contre les débordements de cours d’eau est très difficile. C’est pourquoi nous tenons des conversations avec Sécurité publique Canada et les provinces, parce qu’en ce moment, les provinces font marche arrière et, franchement, elles assurent des personnes sans encaisser de primes. La question est donc la suivante : comment ajoutez-vous une certaine rationalité au système, parce qu’il n’y en a pas?

Le sénateur Massicotte : Je viens du milieu des affaires. Mon seul commentaire à ce propos, c’est qu’il est rare que des gens ou des entreprises fassent volontairement quelque chose dans le but de perdre de l’argent.

La sénatrice Galvez : Il y a deux choses sur lesquelles je souhaite poser des questions. Je vis sur la rive du Saint-Laurent, mais pas à côté du fleuve. Je vis de l’autre côté. Mes voisins sont inondés chaque année, parce que le réseau de collecteurs pluviaux n’est pas conçu de façon à prendre en charge toute l’eau qui arrive. Je vis dans ma maison depuis une vingtaine d’années. Mes voisins avaient l’habitude d’être inondés tous les trois ans; c’est maintenant le cas chaque année. Nous voyons donc une relation entre le fait de recevoir plus d’eau, les températures plus chaudes et les inondations.

Lorsque j’ai acheté ma maison, j’ai demandé à la municipalité si je pouvais connaître les limites d’inondation. On m’a dit que c’était confidentiel, parce qu’il y avait de l’argent associé à la spéculation concernant le fait de vivre près du bord de l’eau. Au terme de beaucoup de pressions et en raison de l’augmentation du nombre d’inondations, la municipalité a finalement communiqué à chacun d’entre nous la limite d’inondation pour notre maison — juste ce qui concernait notre maison — en disant que c’était confidentiel.

J’étais au forum des municipalités lorsque ce sujet a été abordé. Le problème tenait au fait de recueillir des données pour rendre ces modèles fiables. Ma question est la suivante : vos modèles seront-ils de bons modèles de projection?

Mme Dreff : J’aimerais commenter les données et dire que c’est vraiment au cœur de notre vie, de toute évidence. Mais la cartographie des inondations est quelque chose dont Craig va parler, et c’est certainement une initiative que nous avons entreprise.

Pour répondre à certains des autres commentaires, la façon dont les compagnies d’assurances travaillent, c’est qu’elles ne peuvent pas dire, avec quelque précision que ce soit, quelle maison sera inondée cette année ou même l’année suivante. Elles travaillent avec des bassins de souscripteurs, et leurs projections sont fondées sur ces bassins — il y a donc beaucoup de gros chiffres — et, par conséquent, personne ne se met volontairement dans une situation où il va perdre de l’argent.

Mais comme nous l’avons souligné, les changements climatiques changent certainement la façon dont nous examinons les données. Qui plus est, ce que nous avons constaté dans le passé ne permettrait pas nécessairement de prédire l’avenir, selon ce que les gouvernements et les sociétés font dans l’ensemble par rapport aux émissions et la mesure dans laquelle d’autres changements climatiques se produiront. Je vais laisser Craig parler de la cartographie des inondations.

M. Stewart : Les assureurs se fondent sur trois compagnies mondiales qui fournissent les données de risque, la modélisation. Ils évaluent les primes en fonction de ces trois compagnies — RMS, Aon et JBA — et ces trois compagnies ont seulement commencé à faire de la modélisation au Canada en 2015. Nous en sommes probablement à la troisième itération de leurs modèles; elles les mettent à l’essai, les valident et les améliorent rapidement. Ces modèles s’améliorent. Ils n’étaient pas parfaits; ils ne le sont toujours pas.

Comment procurez-vous ces données aux consommateurs de façon à ce qu’ils sachent à l’avance qu’ils sont à risque? Nous travaillons en ce moment là-dessus.

La Ville d’Edmonton et la Ville de Halifax ont toutes deux rendu publiques leurs données sur la cartographie des inondations. La Ville d’Edmonton a été obligée de le faire. L’ombudsman provincial a dit à la ville qu’elle devait le faire. La municipalité a obtempéré, et Don Iveson, le maire, s’est exprimé et a dit que le ciel ne leur était pas tombé sur la tête; cela n’a pas eu une incidence sur le prix des propriétés lorsque nous avons fait cela, pas d’une façon importante.

Nous croyons qu’il n’y a aucune raison pour laquelle une municipalité ne fournirait pas ces renseignements au public. Les gens ont le droit de savoir.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé de la nécessité de renforcer la résilience aux événements, et j’ai été frappé par vos exemples de façons dont on peut protéger des maisons contre les inondations ou réduire les dommages. La façon d’apporter ce changement, je dirais, c’est d’utiliser les codes du bâtiment. J’aimerais savoir si le BAC recommande ces changements simples, et parfois même peu coûteux, des codes du bâtiment? Parce que cela me semble être la façon de renforcer la résilience.

M. Stewart : Le BAC est représenté. Nous avons un membre au comité sur la résilience aux changements climatiques qui a été établi par le Conseil national de recherches afin de faire évoluer le Code national du bâtiment. Comme vous l’avez entendu dire, des pressions sont exercées pour qu’on ajoute à ce code la résilience aux changements climatiques d’ici 2020. Nous appuyons sans réserve cette proposition de toutes les façons possibles.

Le problème tient à la mise en œuvre, bien sûr. Comme vous avez entendu d’autres personnes le dire, le Code national du bâtiment devient un plafond, et non pas un plancher. Nous nous appuyons sur d’autres administrations pour imiter le modèle et l’améliorer; puis, bien sûr, les promoteurs exercent des pressions pour le diluer ou l’affaiblir.

Nous espérons que cela ne se produira pas avec les éléments de la résilience aux changements climatiques. Nous sommes d’avis que du bon travail est fait pour améliorer le code, mais le travail difficile viendra après 2020 lorsqu’il faudra le mettre en œuvre.

Le sénateur Wetston : Je suis heureux que le sénateur Patterson ait posé la question au sujet de Calgary. Merci de l’avoir fait. Nous en avons discuté.

J’aimerais parler du risque. Il y a des primes de risque partout dans la société. Elles sont beaucoup établies en fonction de ce qui se produit. Le sénateur Massicotte a plus ou moins répondu à cette question.

Nous savons que notre société comporte aujourd’hui beaucoup de risques géopolitiques. Depuis la crise financière de 2007, beaucoup de risques financiers sont assortis d’un prix. Que vous croyiez ou non aux changements climatiques, on commence à établir le prix de beaucoup de risques en fonction de la façon dont nous gérons ces événements sociétaux. Nous avons beaucoup de risques politiques au sud de la frontière, en Corée et ailleurs. C’est un phénomène aujourd’hui qui pourrait être plus accentué qu’à d’autres moments.

Imaginons que les changements climatiques ne sont pas ce qui crée ces enjeux concernant les inondations et d’autres choses. Nous avons parlé de la tendance ici. Dites-moi comment vous percevez le risque dans ce contexte. Pour ceux qui disent que ce n’est pas un problème, pour ceux qui disent que c’en est un — et il y a des études qui le démontrent — voyez-vous ce scénario de risque d’une façon quelque peu différente ou acceptez-vous le fait que c’est un risque réel et que vous devez l’assortir d’un prix en fonction de la façon dont vous percevez les fonctions de l’industrie que vous représentez?

M. Stewart : Lorsque l’industrie a entrepris de fournir la cartographie des inondations, nous avons investi dans le premier modèle horizontal sur les inondations de partout au Canada. Nous avons investi dans ce modèle, nous avons élaboré un modèle de risques qui a utilisé les données réelles. Au bout du compte, nous sommes un domaine d’actuaires qui s’appuient sur des données réelles. Nous avons jeté un œil aux données sur les réclamations historiques pour orienter notre modèle.

Oui, nous avons examiné les scénarios et les projections. Nous avons examiné l’hydrologie; nous avons jeté un œil à la topographie, à l’endroit où l’eau est susceptible de s’accumuler; puis nous avons examiné les tendances en fonction de ce que nous avions vu à partir d’événements liés à des réclamations.

Les données que vous avez vues dans les diapositives sont historiques. Elles montrent une ligne de tendance qui augmente, et c’est attribuable au fait qu’il y a plus d’eau que n’importe quoi d’autre. Les données objectives réelles sont ce qui guide nos actions, si vous voulez, à ce sujet.

Il y aura plus d’eau dans l’avenir. Celle-ci va s’accumuler dans certains endroits, dont certains sont prévisibles, et nous devrions prendre des décisions en fonction de ces données objectives. Vous pouvez retirer complètement de l’argument le lien de causalité, mais ce que nous voyons, c’est que, au Canada, l’incidence de phénomènes météorologiques violents augmente et s’aggrave, et nous devons renforcer la résilience en conséquence.

Le sénateur Massicotte : Je pense qu’il sera utile que vous nous disiez ce qui s’est passé en Floride, par rapport à la réassurance, et dans la région de Miami. Êtes-vous au courant du scénario là-bas, où les assureurs privés sont essentiellement sortis de l’État et comment c’est subventionné ou garanti par l’État, et du fait que les personnes qui vivent au sud de Miami ne peuvent plus obtenir d’assurance en raison du risque d’inondation?

M. Stewart : De nouveau, nous sommes guidés par les données objectives. Comme vous l’avez mentionné plus tôt, nous sommes des gens d’affaires. Nous ne voulons pas investir dans des endroits où il y aura une perte évidente. Il y a quelques endroits, y compris la côte de la Louisiane, où des assureurs ont dit : « Nous ne retournerons simplement pas là-bas pour assurer des maisons dans cette région. »

Au Canada, nous ne sommes pas encore arrivés là. Vous pouvez cerner divers endroits et dire que les assureurs n’iront pas là-bas. Je ne suis pas sûr pourquoi il y a une différence à ce moment-ci, mais il y en a une. Peut-être que nos modèles ne sont pas assez objectifs pour prédire avec certitude les pertes qui se produiront, et, par conséquent, les compagnies ne prendront pas le risque. Oui, les assureurs dans le marché américain, qui est probablement plus avancé, se sont éloignés et ont dit qu’il n’en était pas question.

Le sénateur Massicotte : Merci de vos commentaires et de vos connaissances. Nous en sommes très reconnaissants. Nous nous attendons à recevoir la projection future qui nous donnera une idée de la situation dans 30, 40 ou 50 ans. Ce serait utile. Merci à vous tous d’avoir participé.

(La séance est levée.)

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