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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 46 - Témoignages du 22 mai 2018


OTTAWA, le mardi 22 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit en séance publique aujourd’hui, à 17 h 21, pour étudier la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, pour examiner un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Je salue les sénateurs et la ministre McKenna. Je vous souhaite tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice qui représente le Québec et je suis aussi présidente du comité.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur MacDonald : Je suis le sénateur MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je suis la sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : J’aimerais vous présenter le personnel du comité, à savoir notre greffière, Maxime Fortin, et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. La partie 5 du projet de loi porte sur la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

[Français]

Nous accueillons l’honorable Catherine McKenna, ministre, et Stephen Lucas, sous-ministre, du ministère de l’Environnement et du Changement climatique. Merci d’avoir accepté de vous joindre à nous.

Madame la ministre, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

[Traduction]

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Je suis ravie de comparaître encore une fois devant le comité et je vous remercie beaucoup pour votre travail acharné. Je vous en suis très reconnaissante.

Honorables sénateurs, permettez-moi d’aller au cœur de la question, à savoir que la pollution a un coût. Les phénomènes météorologiques violents qui découlent des changements climatiques coûtent déjà des milliards de dollars par année en frais d’assurance aux Canadiens. Un peu partout au Canada, les gens sont directement témoins de feux de forêt ravageurs, de terribles inondations, de graves sécheresses et d’orages violents. Selon certaines estimations, les changements climatiques coûteront 5 milliards de dollars par année à l’économie canadienne d’ici 2020.

La lutte contre les changements climatiques comporte un avantage; elle offre une occasion formidable de favoriser la croissance propre. D’après la Banque mondiale, cette tendance mondiale à favoriser la croissance propre offrira des possibilités d’ici 2030 qui se chiffrent à 23 billions de dollars.

La très grande majorité des Canadiens souhaitent que le gouvernement prenne des mesures pour lutter contre les changements climatiques et qu’il favorise la croissance économique. C’est exactement pour cette raison que nous mettons en œuvre la tarification de la pollution. La tarification du carbone est un puissant incitatif à réduire les émissions polluantes et elle encourage les particuliers et les entreprises à économiser en faisant des choix plus propres, comme en isolant mieux leur maison et en faisant l’acquisition d’appareils plus écoénergétiques.

La tarification de la pollution offre une certaine souplesse. Elle envoie un message auquel les gens réagissent de diverses manières. La tarification rend la pollution plus coûteuse, et l’innovation propre moins chère, ce qui stimule l’innovation, permet la création de bons emplois pour la classe moyenne et récompense les choix écologiques.

En raison de cette souplesse qu’elle offre, la tarification de la pollution est rentable. Elle laisse les marchés faire ce qu’ils font le mieux. Elle nous permet de nous attaquer à des problèmes comme les pluies acides, comme l’ancien premier ministre Brian Mulroney me l’a mentionné à de nombreuses reprises, tout en appuyant la croissance et l’innovation propres.

La tarification est efficace pour réduire la pollution par le carbone. Au cours des 10 dernières années, la tarification directe de la pollution mise en œuvre en Colombie-Britannique a permis de réduire les émissions de 5 à 15 p. 100. En même temps, le PIB réel de la province a progressé de plus de 17 p. 100 entre 2007 et 2015. Le secteur des technologies propres, qui est en croissance dans cette province, engrange maintenant des recettes estimées à 1,7 milliard de dollars par année.

La tarification de la pollution par le carbone a déjà été adoptée dans près de la moitié des économies dans le monde, notamment la Chine, la Californie et l’Union européenne, pour ne nommer que celles-là.

Quatre Canadiens sur cinq habitent dans une province où la tarification du carbone est en vigueur. Cela représente 80 p. 100 des Canadiens. Les quatre provinces en question — l’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique — ont affiché les meilleurs taux de croissance économique au pays l’an dernier. Cette réussite est attribuable à de nombreux facteurs, bien entendu, mais tous ceux qui affirment que la tarification du carbone nuit à l’économie ne fondent pas leurs arguments sur des données probantes.

La tarification de la pollution est avantageuse pour l’environnement et l’économie. C’est l’approche que recommande la très grande majorité des économistes. Cette politique est appuyée par plus de 30 gouvernements et 150 grandes entreprises au sein de la coalition internationale pour le leadership en matière de tarification du carbone. Cette coalition comprend les cinq grandes banques canadiennes ainsi que des sociétés canadiennes qui œuvrent dans les secteurs des biens de consommation, de l’énergie et de l’exploitation des ressources.

En octobre 2016, le premier ministre a annoncé l’engagement du gouvernement d’instaurer la tarification du carbone à l’échelle du Canada, pour un vaste ensemble de secteurs de l’économie, et de l’appliquer avec une rigueur qui augmentera au fil du temps.

Pour que la tarification du carbone s’applique d’un bout à l’autre du Canada, le gouvernement s’est engagé à élaborer et à mettre en œuvre un régime fédéral de tarification du carbone en guise de filet de sécurité. Ce régime s’appliquera uniquement dans les provinces ou les territoires qui le demandent ou qui n’ont pas mis en place un régime de tarification du carbone en 2018 qui respecte la norme établie par le gouvernement fédéral. Les provinces et les territoires ont jusqu’au 1er septembre pour confirmer l’approche qu’ils choisissent en ce qui a trait à la tarification du carbone. Par la suite, le gouvernement déterminera où le régime fédéral s’appliquera.

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre offre un cadre juridique pour le régime fédéral de tarification du carbone. Nous sommes convaincus que nous disposons du pouvoir juridique nécessaire pour imposer ce régime. En effet, le gouvernement fédéral a une longue histoire de protection de l’environnement en vertu du principe de la paix, de l’ordre et du bon gouvernement et du Code criminel.

Les provinces canadiennes ont fait preuve d’un réel leadership au chapitre de la tarification de la pollution, et nous tiendrons compte de ce leadership lorsque nous mettrons en œuvre notre plan.

Notre approche offre aux provinces et aux territoires la liberté de concevoir leurs propres régimes, pourvu qu’ils respectent la norme établie par le gouvernement fédéral, et de décider de la meilleure façon d’utiliser les recettes qui proviennent de la tarification de la pollution en vue de soutenir les particuliers et les entreprises chez eux et de favoriser la croissance d’une économie propre. Nous avons très clairement établi que les recettes tirées directement de la tarification de la pollution demeureront dans la province ou le territoire d’origine.

L’Alberta, la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec ont choisi d’utiliser les recettes provenant de la tarification de la pollution dans leurs provinces pour financer des mesures comme des remboursements ciblés ou des réductions d’impôt pour les ménages et les entreprises et pour investir dans la croissance propre en offrant des programmes de rénovation domiciliaire, en soutenant les entreprises qui investissent dans des solutions propres et en améliorant le transport en commun. Ces investissements sont déjà très profitables pour les Canadiens. Ils contribuent à créer des emplois, à favoriser la croissance propre et à encourager les investissements.

Les régimes de tarification du carbone conçus par les gouvernements ne devraient pas augmenter la pression financière sur les ménages à revenu faible ou moyen. Par exemple, les provinces peuvent décider d’offrir des remboursements, des baisses d’impôt ou des rabais liés à des programmes et des technologies écoénergétiques.

Des études ont démontré qu’il est possible de mettre en œuvre une tarification du carbone sans freiner la croissance de l’économie. Des analyses effectuées par le directeur parlementaire du budget, Environnement et Changement climatique Canada et des experts externes confirment que les répercussions économiques de la tarification du carbone seraient négligeables et pourraient être complètement éliminées, dépendant de la façon dont les provinces et les territoires décident d’utiliser les recettes.

Des gouvernements au Canada sont déjà en train de faire ces choix, ce qui leur permet de procéder à la tarification de la pollution tout en s’assurant que personne n’assume des coûts qui pourraient être impossibles à assumer. Le régime mis en place en Colombie-Britannique prévoit un crédit pour la taxe sur les mesures climatiques à l’intention des personnes à faible revenu qui permet de compenser l’effet de la tarification du carbone par des paiements directs aux familles à faible revenu. En Alberta, les familles qui gagnent moins de 95 000 $ par année reçoivent un remboursement complet pour compenser le coût de la taxe sur le carbone.

Donc, la tarification de la pollution peut protéger les familles des coûts nets. Elle ne nuit pas à l’économie et elle permet de réduire la pollution et de préparer le Canada pour qu’il réussisse la transition mondiale vers une croissance plus propre.

Je suis très fière que notre gouvernement prenne cette mesure dans le cadre de ses efforts pour favoriser une croissance propre et de la mise en œuvre du plan d’action sur les changements climatiques. Les données probantes qui proviennent du Canada et de partout dans le monde sont très solides. Elles démontrent que la tarification de la pollution contribue à créer de bons emplois pour la classe moyenne et à inciter les familles et les entreprises à faire des choix qui les aideront à économiser de l’énergie et de l’argent.

Nous savons que l’environnement et l’économie vont de pair. Les Canadiens veulent un environnement sain et une économie en croissance, et c’est exactement ce que nous leur offrons. Je vous remercie.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie, madame la ministre, de votre présence aujourd’hui.

Récemment, à la Chambre des communes, on vous a demandé, et on a demandé au gouvernement, de divulguer tous les documents, dans leur forme initiale et non censurée, qui indiqueraient combien coûtera la taxe fédérale sur le carbone aux familles canadiennes.

Nous savons que le prix de l’essence augmentera d’au moins 11 cents le litre et que le coût du chauffage subira une hausse de plus de 200 $. Toutefois, nous ne connaissons pas le coût global pour une famille canadienne moyenne, car les multiples demandes d’information déposées auprès du gouvernement ont donné lieu à la divulgation de documents dans lesquels des renseignements essentiels ont été caviardés.

Je me demande pourquoi ces renseignements essentiels ont été caviardés et comment nous pouvons déterminer le coût réel quand le gouvernement ne nous donne pas l’information pertinente.

Mme McKenna : Je vous remercie beaucoup, monsieur le sénateur, pour votre question. Le gouvernement fédéral n’a imposé une tarification de la pollution dans aucune province. Certaines provinces, où vit 80 p. 100 de la population canadienne, ont pris les devants et ont mis en place leur propre régime de tarification de la pollution. Ce sont dans ces provinces qu’habitent 80 p. 100 des Canadiens. Ce que nous pouvons dire pour l’instant, c’est que ces provinces ont non seulement pris des mesures pour réduire les émissions, mais elles affichent également les taux de croissance économique les plus rapides au pays.

Bien entendu, nous nous préoccupons beaucoup des répercussions éventuelles de la tarification. C’est pourquoi nous avons fait savoir aux provinces qu’elles sont libres de déterminer quel régime fonctionne pour elles et ce qu’elles comptent faire avec les revenus. Le gouvernement fédéral a dit très clairement que les revenus obtenus directement de la tarification demeureront dans la province d’origine. Les provinces ont adopté des approches différentes.

Par exemple, la Colombie-Britannique a procédé à des baisses d’impôt. Elle a rendu l’argent et son économie est en croissance. L’idéal, bien entendu, c’est de réduire les émissions, de favoriser la croissance de l’économie et d’appuyer la transition vers une croissance propre.

Il vaut la peine de souligner que Vancouver, et la Colombie-Britannique en général, est un chef de file dans le domaine des technologies propres. Cette ville fait plus que sa part à ce chapitre. Elle suit la tendance mondiale. Nous croyons que c’est une approche intelligente. C’est également une approche rentable. Des économistes ont démontré que c’est l’option la moins coûteuse. Les provinces ont également la liberté de déterminer comment elles souhaitent utiliser les revenus.

Le sénateur MacDonald : Il vaut aussi la peine de souligner que vous n’avez pas du tout répondu à ma question, alors je vais la répéter.

Pouvez-vous dire aux sénateurs ici présents combien coûtera la taxe sur le carbone à une famille typique de la classe moyenne au Canada. Par exemple, combien en coûtera-t-il annuellement à une famille de la classe moyenne composée de deux adultes et deux enfants?

Mme McKenna : Comme je l’ai dit, il n’existe pas une tarification de la pollution partout au pays. Je peux vous parler de la Colombie-Britannique. Elle a décidé de rendre les revenus provenant de la tarification de la pollution directement aux citoyens en leur offrant des baisses d’impôt. Il est donc possible de faire cela — remettre de l’argent dans les poches des contribuables — et aussi de s’assurer de leur fournir des incitatifs pour réduire les émissions.

De son côté, l’Alberta a offert des remises aux familles. L’Ontario et le Québec ont procédé à des investissements dans les technologies propres et dans l’efficacité énergétique. Il appartient donc aux provinces de décider ce qu’elles veulent faire avec les revenus. Nous croyons qu’il doit en être ainsi. Nous estimons que les provinces sont les mieux placées pour déterminer ce qu’elles souhaitent faire avec les revenus, et elles ont tout à fait le droit de rendre ces revenus aux contribuables au moyen de réductions d’impôt ou de remises.

Le sénateur MacDonald : C’est éclairant.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous. Je suis très favorable à la tarification du carbone. C’est ainsi que fonctionne le marché du capitalisme. C’est plus efficace, et on obtient des résultats. Vous avez mon soutien. Cependant, j’ai deux questions, une d’ordre macroéconomique et une autre un peu plus détaillée.

Du point de vue des objectifs fixés, auxquels on s’est engagé à Paris, il y a plusieurs personnes, plusieurs experts, y compris les vérificateurs généraux de chaque province, ainsi que notre superviseur de l’environnement, ici à la Chambre des communes et au Sénat, qui disent tous que la trajectoire prévue est telle que nous n’allons pas atteindre les objectifs, ni à court terme ni en 2030. Vous avez dit que nous allons respecter les ententes et que la projection est positive. Qui dit la vérité? Pourquoi êtes-vous très optimiste, alors que d’autres, très qualifiés, prétendent que nous n’atteindrons pas nos objectifs?

Mme McKenna : Merci de cette question. Au Québec, mettre un prix sur le carbone, ça marche. Quand j’étais à Paris avec le premier ministre, on avait une mission concernant les technologies propres, et il y avait beaucoup de compagnies du Québec qui ont fait la transition, qui ont des solutions propres et qui créent des emplois. Il est sûr que nous avons un plan. Nous avons dit que nous allions atteindre nos cibles, et la tarification du carbone est importante, parce qu’elle représente une réduction de 90 000 mégatonnes de gaz à effet de serre, mais ce n’est pas la seule mesure que nous prenons.

Nous éliminerons aussi le charbon d’ici 2030. Quatre provinces utilisent encore le charbon. Nous avons fait des investissements historiques en matière de transport en commun. Nous sommes le premier pays au monde à réduire de 40 p. 100 les émissions de méthane du secteur pétrolier. Nous avons une stratégie pour les véhicules électriques et le secteur du transport qui produit beaucoup d’émissions. Je pourrais continuer. De plus, nous faisons des investissements en faveur de la technologie propre.

Alors, nous avons un plan d’ici 2030. Si vous regardez ce que fait Environnement et Changement climatique Canada, nous démontrons comment nous allons atteindre nos cibles. Il y a d’autres mesures que nous pouvons prendre. Nous verrons à quel point les réductions liées au transport en commun, les solutions propres, et aussi le secteur forestier peuvent jouer un très grand rôle.

Les choses sont difficiles parce que l’ancien gouvernement n’a rien fait pendant 10 ans. Nous sommes là et nous avons un plan pour avancer. J’ai été vraiment heureuse l’an dernier, car nous avons favorisé une réduction de 232 mégatonnes de plus que ce que nous avions projeté pour nos émissions. Cela a été notre plus grand succès pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il faudra du temps, et 2030 est notre cible. Nous y travaillons très fort.

Le sénateur Massicotte : J’ai une autre question plus détaillée. Votre plan propose effectivement de donner un crédit d’environ 70 p. 100 aux secteurs tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions pour les émissions existantes. C’est naturellement quelque chose à confirmer par industrie et par secteur. Comment ces 70 p. 100 se comparent-ils à nos plans? En d’autres mots, pourquoi 70 p. 100? Quand on regarde l’expérience du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta, à quel pourcentage se situent les crédits que donnent ces provinces à leurs gros émetteurs?

[Traduction]

Mme McKenna : Lorsqu’on conçoit un régime, il faut tenir compte des secteurs tributaires du commerce pour éviter que des entreprises déménagent à l’étranger et aillent polluer là-bas. Ce n’est pas ce que nous voulons. C’est pourquoi nous avons agi intelligemment. En ce qui concerne les industries lourdes, nous avons décidé de nous appuyer sur une norme d’intensité des émissions, soit 70 p. 100. C’est la référence. Les entreprises qui font mieux n’auront pas à payer ou elles pourraient faire de l’argent. Celles qui ne respectent pas la norme vont payer.

Je pense que nous travaillons en très étroite collaboration avec l’industrie. Nous devons bien faire les choses. Il pourrait y avoir des secteurs où il faudra faire des changements, mais nous croyons qu’il s’agit d’une approche intelligente. Il existe des exemples ailleurs dans le monde qui nous montrent ce qui fonctionne bien. Nous avons examiné ce qu’ont fait l’Alberta et la Colombie-Britannique, et nous pensons avoir conçu un régime solide.

Je vais céder la parole au sous-ministre Stephen Lucas, qui pourra vous donner davantage de détails.

Stephen Lucas, sous-ministre, Environnement et Changement climatique Canada : Je tiens seulement à souligner, monsieur le sénateur, que lorsqu’on parle de mesures 30 p. 100 plus sévères que la moyenne ou de 70 p. 100 de l’intensité des émissions moyennes nationales du secteur, il s’agit d’un point de départ. Ces chiffres procèdent d’une analyse des secteurs tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, qui sont environ au nombre de 20 au total, ce qui représente environ 86 installations industrielles au pays. Cette analyse est fondée sur la répartition de ces installations et leur rendement. Nous collaborons avec ces secteurs pour comprendre leur situation et nous allons envisager des modifications en fonction des renseignements qu’ils nous fourniront et de nos modèles concernant l’exposition au commerce et la compétitivité.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi 70 p. 100? Comment se compare le résultat avec ce chiffre avec les résultats actuels en Alberta, en Ontario et au Québec, où la tarification du carbone est en vigueur? Comment se compare ce résultat aux résultats actuels?

M. Lucas : La structure est différente de celle qui existe en Ontario et au Québec, où on a établi un plafond pour l’ensemble des émissions. Il s’agit ici d’une limite pour l’intensité des émissions par unité produite. C’est différent.

En Alberta, ce pourcentage est plus près de 80 p. 100. Cette province a procédé à une analyse sectorielle, qui va nous guider. Nous allons examiner des installations partout au pays, des normes internationales et les renseignements fournis par les installations pour nous orienter dans l’établissement de normes sectorielles qui, comme je l’ai dit, devraient s’appliquer à environ 20 secteurs ou plus au pays.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie, madame la ministre, de comparaître devant nous aujourd’hui. Vous avez affirmé plus tôt qu’il faut encourager les gouvernements à ne pas nuire aux familles à faible revenu et vous avez parlé de certaines provinces qui offrent des remboursements aux particuliers à faible revenu afin que la tarification du carbone n’ait pas de répercussions négatives sur eux.

J’aimerais parler du Nord un instant, car les options en matière d’énergie dans le Nord sont assez limitées. Les gens du Nord n’ont pas beaucoup de choix quant aux carburants qu’ils peuvent utiliser. J’aimerais savoir si vous avez réfléchi à l’incidence qu’aura la tarification du carbone dans le Nord ou dans les régions éloignées?

Mme McKenna : Je vous remercie beaucoup. Je pense qu’il s’agit d’un point très important. Nous reconnaissons que les collectivités éloignées se trouvent dans une situation particulière. Elles dépendent parfois des importations ou elles n’ont peut-être pas les mêmes choix qu’ailleurs en ce qui a trait aux carburants. C’est pourquoi le cadre pancanadien prévoit un engagement à travailler avec les territoires pour trouver des solutions adaptées à leur situation particulière, notamment au coût élevé de la vie et de l’énergie, aux problèmes en ce qui concerne la sécurité alimentaire et aux économies émergentes.

Je viens tout juste de rencontrer les premiers ministres de tous les territoires. Ils appuient la tarification du carbone, mais, bien entendu, ils souhaitent que nous tenions compte de leur situation. Je leur ai dit que c’est certes une priorité pour moi. Mon objectif est de réduire les émissions, et non de nuire aux gens. Dans le Nord, bien des gens ont un faible revenu, alors je crois que nous devons agir intelligemment. Nous allons continuer de travailler avec les territoires. Comme je l’ai dit, nous travaillons déjà très bien avec eux. Nous leur avons transmis notre modèle, et ils sont très intéressés à travailler avec nous pour trouver une solution adaptée à la situation que vivent les gens dans le Nord.

La sénatrice Cordy : Vous avez dit tout à l’heure que la tarification du carbone est un incitatif puissant, et je crois que c’est le cas, en effet. Je pense que vous avez cité Brian Mulroney, je ne suis pas certaine, mais quoi qu’il en soit, je crois que nous sommes tous d’accord. Les documents que j’ai lus indiquent tous qu’il s’agit effectivement d’un incitatif, et à moins d’imposer la tarification du carbone, il est impossible de réduire considérablement les émissions.

Certaines provinces ont mis en place un système de plafonnement et d’échange, certaines ont opté pour une taxe sur le carbone, et d’autres se verront imposer le régime conçu par le gouvernement fédéral, mais il est entendu que toutes les recettes tirées de ce régime seront retournées à la province d’origine.

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance vers une taxe sur le carbone plutôt qu’un système de plafonnement et d’échange? Quelles discussions en coulisses ont mené à cette décision?

Mme McKenna : Je vous remercie beaucoup. Je suis ravie que tout le monde comprenne bien la tarification de la pollution. C’est fantastique.

Nous espérons que les provinces vont élaborer et mettre en œuvre un régime qui leur convient bien. Compte tenu du fait qu’il est possible, mais peu probable, et il semble que ce ne sera pas le cas à tout le moins pour la moitié du pays, que nous devions imposer un régime, nous étions d’avis qu’une taxe directe sur les carburants et un régime propre aux secteurs à forte intensité d’émissions constituaient la solution la plus logique. Nous nous sommes engagés à retourner les recettes aux provinces.

Il existe en fait trois régimes. Il y a celui qui consiste à prélever une taxe directe, il y a le système de plafonnement et d’échange et il y a le régime hybride qu’a adopté l’Alberta. Nous sommes d’avis que notre régime est la solution la plus logique. Nous estimons qu’il offre de la souplesse et qu’il tient compte des secteurs tributaires du commerce.

La présidente : J’aimerais vous poser une question. Cela fait déjà un certain temps que certaines provinces, comme vous l’avez mentionné, ont mis en œuvre une tarification du carbone, notamment le Québec, l’Alberta et l’Ontario. Le Québec fait des affaires avec certains États américains, comme la Californie.

Une fois que la tarification sera en vigueur, croyez-vous que des marchés importants, comme celui entourant la région des Grands Lacs, seraient intéressés à intensifier les échanges commerciaux?

Mme McKenna : C’est une très bonne question. La tarification de la pollution est une tendance mondiale. Je ne suis pas certaine du pourcentage exact, mais je dirais que près de la moitié des pays dans le monde ont mis en œuvre la tarification de la pollution ou envisagent de le faire. C’est une solution soutenue par la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, qui comprend d’importantes sociétés de partout dans le monde.

Il est intéressant d’examiner la situation aux États-Unis. La Californie représente la cinquième ou la sixième économie en importance, dépendant des chiffres qu’on utilise, et son marché est lié à l’Ontario et au Québec. Il y aussi la côte Est américaine qui adopte la tarification du carbone, et on voit que la tendance s’intensifie. Nous avons conclu une entente avec des États américains qui représentent 40 p. 100 de l’économie américaine, et je peux vous dire que nous examinons avec eux notamment la tarification du carbone et que nous nous sommes engagés à travailler ensemble sur cette question.

Lorsque j’ai rencontré mon homologue mexicain, j’ai appris que le Mexique est très intéressé par la tarification du carbone. Il en va de même pour le Chili, et Singapour vient de mettre en œuvre la tarification. Ce que nous espérons, c’est qu’à un moment donné, particulièrement en ce qui concerne le système de plafonnement et d’échange, il y aura des liens entre les systèmes. Cela favoriserait l’efficience.

Nous savons qu’il faudra que la tarification de la pollution soit en vigueur partout dans le monde, car il s’agit d’une des solutions efficaces et peu coûteuses dont nous disposons pour réduire les émissions, mais aussi, ce qui est très important, pour innover. Lorsque cet incitatif existe, lorsque la tarification de la pollution est en vigueur, et qu’il existe une solution qui permet de réduire ou d’éliminer les émissions polluantes, alors les consommateurs et les entreprises l’adoptent, et c’est ce que nous avons observé au Canada.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie pour votre présence aujourd’hui. Madame la ministre, j’aimerais faire un suivi en ce qui concerne des principes généraux qui sous-tendent votre objectif.

Pouvez-vous m’aider à comprendre les avantages et les coûts associés à la politique que vous mettez en œuvre? Il y a toujours, invariablement, des gagnants et des perdants. Vous ne voyez peut-être pas les choses de cette façon, mais il est difficile de ne pas se poser cette question : qui sont les gagnants et qui sont les perdants en ce qui a trait à la tarification de la pollution? Pouvez-vous me le dire?

Mme McKenna : Je vous remercie. La tarification de la pollution est considérée comme la solution la plus efficace parce qu’elle offre de la souplesse. En fait, c’est un concept conservateur, dans le sens courant du terme, mais aussi dans le sens du Parti conservateur lorsqu’il est question de Brian Mulroney, qui avait eu recours à cette solution dans le cadre du traité sur les pluies acides et qui a très bien fonctionné.

Cette solution incite les entreprises et les familles à choisir comment elles vont réduire la somme qu’elles ont à payer. Elles feront des choix et elles décideront comment elles vont s’y prendre.

Bien sûr, les recettes sont un élément important. C’est pourquoi nous avons affirmé que les revenus n’iront pas au gouvernement fédéral. Ce sont les provinces qui en profiteront.

Pour ce qui est des gagnants et des perdants, c’est la raison d’être du recyclage des recettes. Si on examine ce qu’ont produit les économistes et ce qu’a fait la Colombie-Britannique en pratique, on constate qu’on peut dissiper les inquiétudes.

Je suis très préoccupée par la classe moyenne et ceux qui aspirent à en faire partie et par les régions du Nord. C’est pourquoi l’utilisation des recettes d’une façon judicieuse est très importante. On peut offrir des remboursements aux familles, particulièrement les familles à faible revenu ou à revenu moyen.

Les véritables perdants sont ceux qui continuent, comme certaines entreprises, à polluer et qui ne voient pas que nous poursuivons l’objectif d’un avenir plus propre. La bonne nouvelle, c’est que nous discutons avec des entreprises, de grandes entreprises à forte consommation d’énergie, et elles comprennent toutes que c’est la voie à suivre. Au bout du compte, elles vont réaliser des économies.

C’est l’occasion pour tout le monde d’agir intelligemment. Nous savons que nous devons nous attaquer aux changements climatiques. Nous sommes conscients du réchauffement de la planète. Nous voulons agir de façon sensée et organisée.

Je n’aime pas qu’on dramatise et je n’aime pas les surprises. J’aime agir de façon réfléchie et mettre en place de bonnes politiques. C’est pourquoi nous avons travaillé d’arrache-pied et c’est pourquoi je continue de travailler en très étroite collaboration avec les gouvernements des territoires — en fait, avec les gouvernements de l’ensemble du pays — et avec les entreprises. Je mets l’accent sur l’occasion qui leur est offerte d’utiliser les recettes pour soutenir les familles à faible revenu et à revenu moyen et pour aider les gens à faire les choix qu’ils souhaitent.

Lorsque je m’entretiens avec des Canadiens, je constate qu’ils veulent faire des choix qui contribuent à réduire la pollution, car ils comprennent comme moi que nous devons préserver la planète pour nos enfants.

La présidente : Je veux simplement faire une parenthèse pour dire aux sénateurs qu’il y aura un vote, mais seulement à 18 h 20, alors ça devrait aller.

Veuillez poursuivre.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie. Je crois que j’essayais d’en venir au fait qu’il faut véritablement modifier les comportements. Il existe de nombreuses façons d’y parvenir. La taxe sur le carbone est une façon directe d’essayer de modifier les comportements, mais il y aura des entreprises qui auront davantage de difficulté à changer leurs comportements.

D’un autre côté, si on souhaite favoriser un changement des comportements à l’aide d’un système de plafonnement et d’échange, ce qu’a plus ou moins fait valoir la sénatrice Cordy, on atteint d’autres objectifs.

J’en ai discuté avec vos fonctionnaires. Le gouvernement peut intervenir directement ou bien on peut favoriser une réaction des marchés.

J’ai toujours cru que pour obtenir une réaction des marchés, il valait mieux les inciter à changer leur comportement. On peut ainsi obtenir un meilleur résultat que si le gouvernement force la main des entreprises en leur imposant la taxe qu’elles devront payer. Cela peut fonctionner dans certaines situations.

Si votre objectif global est de modifier les comportements — et je suis d’accord, soit dit en passant —, alors nous devons tarifier la pollution, d’une façon ou d’une autre.

J’aimerais savoir, selon vous, quelle méthode… Je veux dire, on peut tarifier le carbone de la façon que vous proposez, et c’est la méthode la plus simple, d’après moi, mais cela ne signifie pas pour autant que l’objectif sera plus facile à atteindre.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, madame la ministre?

Mme McKenna : Ce que vous dites est très intéressant. À mon sens, les deux approches sont fondées sur le marché, et je vais vous expliquer pourquoi. J’essayais de saisir laquelle des deux approches, selon vous, est fondée sur le marché. On pourrait dire que le système de plafonnement et d’échange est manifestement fondé sur le marché puisqu’il y a échange, mais à mon avis, une approche fondée sur le marché signifie que vous avez le choix de changer votre comportement sur le marché, contrairement à une approche réglementaire. Il y a diverses approches. Nous croyons avoir adopté une méthode responsable. Ce n’est pas seulement une tarification, ce qui serait une possibilité. En instaurant une tarification directe, nous permettons aux gens de décider ce qu’ils veulent faire.

En outre, de nombreux économistes appuient la tarification directe. Ils sont d’avis qu’il s’agit d’une méthode très claire. Ce qui se passe avec les revenus est aussi très clair, et selon eux, il faut les rembourser.

Ce que nous avons fait, c’est que nous avons discuté avec les entreprises pour déterminer quelle approche est la plus logique, du point de vue commercial. C’est pour cette raison que les entreprises qui produisent des émissions élevées et qui sont exposées au commerce ont déclaré qu’elles comprenaient le besoin de tarifier la pollution, mais nous croyons qu’il s’agit d’un système où il faut tenir compte de l’intensité et trouver le meilleur résultat. Les gens doivent viser haut, et cette approche leur plaisait.

Je vais demander à mon sous-ministre de dire quelques mots.

M. Lucas : En vertu du régime proposé devant servir de filet de sécurité fédéral que vous avez à examiner, pour les entreprises qui produisent des émissions élevées et qui sont exposées au commerce, le système de normes de rendement fondées sur les émissions offre diverses voies qui créent des débouchés permettant de réduire le coût de la conformité.

Ainsi, si les émissions d’une entreprise sont au-delà de la norme fondée sur les émissions, l’entreprise pourrait soit payer la tarification directe, soit acheter des droits d’une société ayant obtenu de très bons résultats qui recevrait des crédits ou des compensations pouvant venir d’un autre secteur.

En réalité, l’approche proposée crée des occasions commerciales de favoriser l’innovation et de réduire les coûts.

La présidente : J’aimerais intervenir à nouveau. La tarification constitue une façon de réduire les émissions, mais une autre façon importante d’y arriver est en informant et en éduquant le consommateur. Le consommateur doit savoir quelle est l’empreinte carbonique de tel ou tel produit afin de pouvoir faire son choix.

Je rêve peut-être, mais j’aimerais pouvoir prendre un produit vendu sur le marché et déclarer : « Voici les trois options; celle-ci fera le moins de tort à la planète. » Présenterez-vous des mesures en ce sens pour accompagner la pratique de la tarification du carbone?

Mme McKenna : Vous avez tout à fait raison. Je le répète, les Canadiens que je rencontre me disent qu’ils veulent trouver des façons de réduire leur empreinte. Ils ne savent pas toujours exactement comment y arriver. Nous parlons de l’importance d’isoler, d’utiliser des compteurs intelligents et de fournir des incitatifs. Avec le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, nous travaillons en partenariat avec les provinces qui ont adhéré à notre plan de lutte contre les changements climatiques. Nous investissons dans des mesures d’efficacité énergétique utiles et nous avons recours à un programme qui offre des renseignements sur l’efficacité énergétique des appareils. C’est certainement là que se trouvent les possibilités réelles.

Je ne sais pas si certains d’entre vous ont des compteurs intelligents, mais le montant de données qu’ils fournissent est formidable. Pourquoi faire fonctionner le système de chauffage ou de climatisation lorsque vous n’êtes pas à la maison? Vous pouvez tout régler.

D’après moi, aujourd’hui, les mégadonnées et la technologie fournissent une occasion réelle de faire mieux. Ensuite, il y a aussi les mesures que nous avons toujours pu prendre, comme améliorer l’isolation.

L’éducation est certainement un élément essentiel. Le marché commence à offrir de nombreux produits, mais nous devons aussi veiller à ce que l’information soit disponible.

On peut voir la tarification du carbone comme étant un indicateur de l’empreinte d’un produit. Ainsi, si le produit est plus efficace, il coûtera moins cher. Si vous isolez votre maison, vos factures diminueront; c’est la raison de le faire. Ce n’est peut-être pas la même chose que d’apposer une étiquette sur un produit — mesure que nous prenons aussi —, mais évidemment, il faut absolument sensibiliser la population aux possibilités non seulement de réduire les émissions, mais aussi d’économiser.

Le sénateur Marwah : Merci, madame la ministre et monsieur le sous-ministre, d’être ici aujourd’hui.

Le projet de loi permet en grande partie aux provinces de concevoir leurs propres programmes, y compris pour ce qui touche le réinvestissement, ce qui est très positif, car ainsi, elles peuvent répondre aux besoins de leurs citoyens, ce qui est une très bonne chose, selon moi.

Comment ferez-vous en sorte que les programmes mis en place par les provinces correspondent aux priorités fédérales? En outre, il y a le cas extrême où, comme vous le savez, en Ontario, un dirigeant potentiel a proposé d’éliminer complètement des parties du système.

Avez-vous suffisamment de leviers et de recours pour faire en sorte que des progrès soient accomplis et qu’il y ait une certaine uniformité entre les provinces? Je me préoccupe des entreprises qui ont des installations dans deux provinces et qui devront soudain répondre à deux autorités. Comment faire en sorte qu’il y ait un minimum d’uniformité entre les provinces?

Mme McKenna : Merci beaucoup. Je pense que le premier principe, c’est que nous reconnaissons certainement le rôle des provinces. Franchement, ce sont elles qui ont ouvert la voie. Les quatre provinces qui ont tarifié la pollution ont agi indépendamment du gouvernement fédéral.

J’ai bon espoir que les gouvernements concevront des programmes qui leur conviendront, mais s’ils ne le font pas, nous avons été clairs. Nous avons établi des critères qui montrent quelles sont les attentes afin d’assurer une certaine conformité. Les critères offrent beaucoup de souplesse quant au choix d’une tarification directe, d’un système de plafonnement et d’échange ou d’un régime hybride, ainsi que relativement à l’utilisation des revenus.

Nous attendons la réponse des provinces. Elles ont jusqu’à septembre pour nous dire ce qu’elles vont faire et quel sera leur système. Nous les évaluerons ensuite pour assurer l’uniformité. Je le répète, l’objectif n’est pas que le gouvernement fédéral se serve du filet de sécurité; c’est que les provinces agissent, qu’elles prennent des mesures intelligentes, qu’elles conçoivent un système adapté à leur situation et qu’elles utilisent les revenus comme bon leur semble.

Le sénateur Marwah : Qu’arrivera-t-il si vous n’êtes pas satisfaits des mesures qu’elles prennent?

Mme McKenna : Dans ce cas, nous avons le filet de sécurité. C’est vraiment de cela qu’il est question. C’est pour cette raison que nous investissons autant de temps dans le filet de sécurité. Certaines provinces choisiront peut-être d’utiliser un filet de sécurité, ou le gouvernement fédéral se trouvera peut-être dans une situation où il devra se servir d’un filet de sécurité. Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas mon premier choix, mais nous croyons être bien placés pour le faire.

Des systèmes ont été mis en place. Prenez l’exemple de l’Ontario. Les provinces touchent des revenus liés à ce système, et des crédits ont aussi été vendus. Il y aurait donc des répercussions financières si un gouvernement décidait de reculer.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J’ai une question technique. En ce qui concerne le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission qu’il y a au Québec et en Ontario, il y a beaucoup d’experts qui affirment qu’au lieu de faire des efforts pour réduire les émissions, il serait plus efficace et plus simple pour les compagnies d’acheter simplement des crédits de la Californie. Si c’est le cas, pour le Canada cela représente des déboursés à l’extérieur du pays sans toucher le volume de CO2 émis par ces entreprises. D’après votre analyse, est-ce quelque chose de possible? Si oui, que faisons-nous avec ce défi?

Mme McKenna : Avec un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission, le seuil doit baisser. Il en coûtera plus cher pour acheter des crédits. M. Lucas, mon sous-ministre, peut vous en donner plus de détails.

M. Lucas : Dans le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de la Western Climate Initiative, il y a des règles un peu plus efficaces et rigoureuses qui prévoient la diminution du plafonnement — comme la ministre l’a dit — et un prix de base qui augmente avec le temps. Donc, c’est la combinaison du plafonnement et d’un prix minimum qui pousse le marché.

Le sénateur Massicotte : L’hypothèse que j’ai proposée, est-ce que c’est quelque chose que vous prévoyez? Est-ce que ces compagnies vont s’en servir? Est-ce votre projection?

M. Lucas : Dans notre modélisation, nous avons examiné la diminution du plafond en Ontario et au Québec qui existe dans la législation.

Le sénateur Massicotte : Ma deuxième question est la suivante. Le projet de loi exclut des secteurs importants, comme l’agriculture et d’autres secteurs en particulier. Est-ce une exclusion temporaire et que, éventuellement, vous allez revenir avec un autre programme incitant les agriculteurs à être plus exigeants en ce qui a trait au CO2 ou prévoit-on une exception malgré le fait qu’ils soient déjà inclus avec le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission?

M. Lucas : Notre système consiste en une vaste gamme d’émissions couvertes par la tarification du carbone. Évidemment, nous avons décidé dans notre projet de loi, comme la Colombie-Britannique, d’exclure l’essence utilisée par les fermes dans le secteur de l’agriculture, mais aussi les émissions difficiles à quantifier, comme les émissions des animaux et aussi des émissions dans le méthane. Nous avons un autre cadre réglementaire pour les émissions de méthane et les autres mesures liées au secteur forestier en ce qui a trait au stockage de carbone. Donc, c’est personnalisé en fonction des émissions qui peuvent être mesurées.

Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance avec votre programme. C’est très important pour notre pays et le monde entier.

Mme McKenna : Nous sommes chanceux, nous avons de très bons fonctionnaires qui nous aident beaucoup.

La présidente : Je vous remercie.

Cela va conclure notre rencontre, puisque nous devons aller voter.

[Traduction]

Je suis désolée, mais nous devons nous arrêter là. Merci beaucoup d’être venus.

Mesdames et messieurs les membres du comité, pouvons-nous discuter très brièvement? Nous avons des instructions à donner.

Merci beaucoup.

Mme McKenna : Merci beaucoup de m’avoir invitée. Je suis ravie d’être ici et je vous remercie de vous intéresser au dossier.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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