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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 48 - Témoignages du 14 juin 2018


OTTAWA, le jeudi 14 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 31, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité. J’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul J. Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La présidente : J’aimerais également vous présenter le personnel du comité, notre greffière, Maxime Fortin, et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.

En mars 2016, le comité a entamé son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le comité s’intéresse à cinq secteurs qui sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada, soit l’électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émission, et les bâtiments.

Aujourd’hui, nous accueillons, du Bureau du vérificateur général du Canada, Mme Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable, et Mme Kimberley Leach, directrice principale. Merci de vous joindre à nous. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci beaucoup.

[Traduction]

Je suis ici pour parler de deux projets. Le premier concerne un audit que nous avons mené sur les objectifs de développement durable, les ODD. Je vous parlerai de notre audit et je vous préciserai si le Canada est prêt à mettre en œuvre ces objectifs de développement durable.

Je parlerai également d’un document historique sur le changement climatique dans le cadre duquel nous avons obtenu la participation des vérificateurs généraux de partout au Canada — à l’exception du Québec — dans une approche collaborative pour examiner les notions d’atténuation et d’adaptation relativement au changement climatique. Ce sont donc les deux sujets dont je vous parlerai. Je répondrai aux questions sur ces sujets ou à d’autres questions des sénateurs.

Je vous remercie de nous donner l’occasion de présenter ces deux rapports que nous avons également déposés au Parlement au printemps dernier. Je suis accompagné de Kimberley Leach, qui est aussi responsable de ces deux audits. Si je ne peux pas répondre à une question, elle pourra y répondre.

Dans le premier audit, celui sur les objectifs de développement durable, nous avons examiné sept organisations fédérales pour déterminer si elles étaient prêtes à mettre en œuvre le Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, qu’on appelle les objectifs mondiaux ou le monde que nous voulons.

Cet audit est important, car il s’agit de la participation canadienne à un effort conjoint des vérificateurs généraux du monde entier pour évaluer si leurs gouvernements sont prêts à mettre en œuvre les engagements internationaux de développement durable.

Lorsque vous pensez aux vérificateurs généraux de partout dans le monde et au développement durable, vous ne pensez pas toujours à regrouper ces deux choses, mais les vérificateurs généraux de partout dans le monde ont élaboré un plan composé de quatre approches liées aux ODD. Le Canada est responsable de l’une de ces approches, à savoir les vérifications de l’état de préparation. Les gouvernements sont-ils prêts à mettre en œuvre les ODD? Les vérificateurs généraux commenceront également à examiner des objectifs précis pour déterminer si les cibles seront atteintes.

Il est remarquable qu’un groupe de gens comme les vérificateurs généraux de 180 ou 190 pays accomplissent ce travail et présentent leurs données aux Nations Unies. Le Canada participe à ce projet.

Le Canada a adopté le Programme 2030 en 2015, dans le cadre d’un effort mondial pour atteindre les 17 objectifs de développement durable. Ces objectifs incitent à l’action dans plusieurs domaines pour créer un monde durable, avec notamment une éducation de qualité, des villes durables, la croissance économique, la conservation de la biodiversité, des emplois décents, et la croissance de l’économie, de l’industrie, de l’innovation et de l’infrastructure. Il y a 17 objectifs différents.

Dans notre audit, nous avons constaté que trois ans après avoir pris cet engagement, le gouvernement fédéral n’était pas prêt à mettre en œuvre le Programme 2030 des Nations Unies. Qu’avons-nous conclu? Nous avons conclu qu’il n’avait pas d’approche pangouvernementale et que le leadership de la mise en œuvre était réparti entre cinq différents ministères. À mon avis, il est très difficile de réaliser des progrès lorsque 10 personnes contrôlent le volant.

Nous avons conclu que le gouvernement n’avait pas adopté de stratégie de communication ou d’engagement pour inclure d’autres échelons de gouvernement et les Canadiens, et qu’il n’avait pas encore élaboré une série complète d’objectifs nationaux.

[Français]

Même si ces données sont recueillies pour mesurer le rendement du Canada par rapport aux indicateurs mondiaux du Programme 2030, nous n’avons pas trouvé de système pour évaluer, surveiller et communiquer les progrès réalisés par rapport aux cibles nationales une fois qu’elles avaient été définies. Faute d’un leadership clair d’un plan de mise en œuvre et d’activités précises et soutenues d’évaluation et de surveillance des résultats, le Canada ne pourra pas respecter les engagements qu’il a pris envers ses citoyens et les Nations Unies.

Malgré les risques d’atteinte au développement durable que nous avons relevés dans cet audit et des audits antérieurs, nous attendons encore de voir le gouvernement fédéral intégrer les objectifs liés à l’économie, à la société et à l’environnement de façon significative.

Le deuxième rapport que je vous présente aujourd’hui est un rapport collaboratif sur les changements climatiques. Ce rapport est historique dans le sens où c’est la première fois qu’autant de vérificateurs généraux au Canada unissent leurs efforts pour examiner un enjeu d’une telle importance à l’échelle du pays.

[Traduction]

Chacun des bureaux provinciaux participants a vérifié le dossier du changement climatique et présenté ses conclusions à son assemblée législative. Comme vous le savez, nous avons fait la même chose à l’échelon fédéral, en déposant mon rapport au Parlement l’automne dernier et en comparaissant devant votre comité pour présenter mes conclusions en décembre dernier.

Le vérificateur général du Canada, à titre de vérificateur des gouvernements des trois territoires, a aussi présenté des rapports sur le changement climatique aux assemblées législatives des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut.

J’aimerais vous présenter certains grands thèmes que nous avons soulevés dans ce rapport d’audit collaboratif sur le changement climatique.

Tout d’abord, les bonnes nouvelles. Les audits effectués au niveau fédéral, provincial et territorial ont confirmé que les gouvernements du pays se penchaient sur la question du changement climatique. Tous ont reconnu l’importance de cet enjeu et se sont engagés à prendre des mesures d’envergure pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au changement climatique.

[Français]

Maintenant, je vais vous faire part des mauvaises nouvelles. La plupart des gouvernements ne sont pas en voie d’atteindre leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre. Sept gouvernements n’avaient pas fixé de cible globale de réduction à l’horizon 2020. Six gouvernements avaient fixé une cible : le gouvernement fédéral et les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Parmi les gouvernements qui avaient fixé une cible, deux étaient en voie de les atteindre, soit le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

Le Canada a maintenant fixé une cible de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030. Les provinces et territoires ont tous indiqué qu’ils comptent contribuer à l’atteindre. Cependant, les audits ont relevé que seuls le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest avaient établi des cibles à atteindre d’ici 2030. Et le gouvernement fédéral ne savait pas encore comment il allait mesurer la contribution de chaque province et territoire à l’atteinte de la nouvelle cible nationale.

Les travaux d’audit ont montré que la majorité des provinces et territoires avaient élaboré des stratégies générales pour réduire les émissions, mais qu’elles ne comportaient pas d’échéancier détaillé, de plans de mise en œuvre ou d’estimation des coûts. De plus, beaucoup de gouvernements ignoraient si les mesures qu’ils comptaient prendre leur permettraient d’atteindre leurs cibles de réduction, ou bien ils savaient déjà qu’elles seraient insuffisantes.

[Traduction]

Par exemple, en 2016, la Colombie-Britannique a livré un plan de leadership sur le changement climatique dans lequel le gouvernement présentait les mesures qu’il comptait prendre pour réduire les émissions. Toutefois, ce plan n’indiquait pas clairement et de façon mesurable comment les cibles seraient atteintes. Il manquait aussi un échéancier clair et de l’information détaillée sur la mise en œuvre du plan d’atténuation. De la même façon, la stratégie des Territoires du Nord-Ouest sur les gaz à effet de serre, qui a pris fin en 2015, n’indiquait pas de cibles significatives sur les émissions.

Les vérificateurs ont aussi examiné les mesures prises par les gouvernements pour aider la population canadienne à se préparer aux impacts du changement climatique. Tout d’abord, les gouvernements doivent déterminer les risques liés au changement climatique. Notre rapport indique que seule la Nouvelle-Écosse avait entrepris une évaluation détaillée et pangouvernementale de ces risques. Les vérificateurs ont relevé de bonnes pratiques dans certaines régions, par exemple les travaux en cours pour cartographier des zones d’inondations ou pour tenir compte de la fonte du pergélisol dans le Nord. Certains gouvernements avaient évalué les risques pesant sur des collectivités, des secteurs ou des ministères en particulier.

Par exemple, en 2017, le gouvernement du Nunavut a évalué les risques découlant du changement climatique pour les sources d’eau potable des collectivités. Il a aussi évalué les risques pesant sur le secteur des mines dans le territoire, y compris sur les infrastructures comme les routes d’accès et les pistes d’atterrissage, ainsi que sur les résidus ou déchets miniers.

Toutefois, le gouvernement fédéral, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest n’avaient ni plan ni stratégie d’adaptation.

[Français]

Par ailleurs, le rapport collaboratif propose des questions comme celles-ci que les législateurs et les Canadiens pourraient envisager de poser à mesure que les gouvernements d’un bout à l’autre du pays donneront suite à leurs engagements liés aux changements climatiques. Comment les gouvernements vont-ils démontrer qu’ils seront capables d’atteindre leurs cibles de réduction des émissions? Comment les mesures prévues seront-elles financées? Alors que les gouvernements prévoient des ressources aux mesures d’adaptation, comment s’assureront-ils de donner la priorité aux risques les plus urgents?

Honorables sénateurs, nous encourageons les membres de ce comité à se pencher sur ces questions. Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureuses de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage. Nous passons maintenant à une période de questions et de réponses.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, mesdames, de votre présence ici ce matin. Je ne sais pas quoi dire. Vous avez produits plusieurs rapports et les provinces énoncent clairement qu’on n’atteindra pas nos objectifs. Les gouvernements ont toujours de belles politiques, des énoncés et des engagements sincères et sérieux, mais c’est plus facile de créer une stratégie que d’atteindre des objectifs. Quelle sera la prochaine étape? On a un beau rapport, mais le message se répète. On expose de très beaux plans et de très bonnes idées. On veut tous s’engager, mais aucune mesure n’est prise. Que fait-on? On dit et redit que c’est très important. Quelles en seront les conséquences?

Mme Gelfand : Mon rôle est de continuer à réaliser des audits pour voir où ils en sont rendus. Votre rôle pourrait être de les faire comparaître devant vous pour leur poser des questions suivantes : qu’en est-il du plan? Est-ce qu’on peut connaître les détails? Avez-vous fixé un échéancier pour la gestion du projet? Où en sont les provinces?

Le gouvernement fédéral a créé le nouveau cadre, mais votre rôle consiste à poser des questions par rapport à ce qui est proposé. Invitez les gens à comparaître devant vous et demandez-leur des plans détaillés. On dispose de quelques outils : des audits, la pression des législateurs, les questions des législateurs. En fin de compte, c’est le gouvernement qui doit prendre des actions et fixer des objectifs à atteindre.

Le sénateur Massicotte : Dans notre système démocratique, l’objectif principal des élus est de se faire réélire ou de se faire élire au pouvoir du gouvernement. Si on est incapable d’atteindre les objectifs, les électeurs ne devraient-ils pas manifester leur mécontentement? Ce gouvernement nous a vendu un plan. Nous l’avons accepté. La taxe sur le carbone sera bientôt mise en place. Devrait-on dire aux électeurs que, s’ils ne changent pas de gouvernement, rien ne changera?

Mme Gelfand : Dans le cadre de tous les audits réalisés à ce jour par Mme Kimberley Leach et le Bureau du vérificateur général de concert avec plusieurs gouvernements, on a élaboré plusieurs plans axés sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, aucun de ces gouvernements n’a réussi à atteindre les objectifs ni à mettre en œuvre des plans. On doit demander des précisions en ce qui a trait au budget, aux ressources et aux échéanciers pour être en mesure de déterminer si on atteindra nos objectifs.

Le sénateur Massicotte : L’objectif est souvent de quatre ans, mais il y aura des conséquences très graves d’ici 20 ans ou 30 ans.

Mme Gelfand : Certains pays industrialisés ont réussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. On continuera nos audits. Je continuerai de remplir mes obligations et le Bureau du vérificateur général du Canada continuera de surveiller de près tous les deux ou trois ans les objectifs du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Le cadre pancanadien ne faisait pas partie de notre audit. C’est ce que je comprends. Il a été mis en œuvre après notre plan d’audit.

[Français]

Donc, le nouveau plan fédéral est entré en vigueur à la suite de notre audit. Je vous recommande d’inviter la ministre pour lui demander où elle en est. Selon tous les documents dont j’ai pris connaissance, le gouvernement gère le projet plus étroitement que par le passé.

Kimberley Leach, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : C’est la raison pour laquelle on a fait ce projet.

[Traduction]

Le bureau du commissaire a été créé en 1995. Notre premier audit sur le climat a été mené en 1998. Nous avons mené une douzaine d’audits sur le climat depuis ce temps-là, et nous sommes parvenus à des conclusions semblables. Vous avez absolument raison. Nous avons conclu que des cibles n’avaient pas été atteintes, que des coûts n’avaient pas été mesurés et qu’il y avait des faiblesses importantes dans les structures gouvernementales. Il y a environ trois ans, nous avons voulu adopter une approche différente, afin de reconnaître le rôle essentiel que jouent les provinces et les territoires dans ce dossier. Nous avons établi un partenariat avec eux et nous avons demandé à chaque vérificateur d’examiner son propre gouvernement pour vérifier ce qu’il avait fait. Nous voulions cerner quelques réussites.

Nous voulions cerner certains éléments qui pourraient servir à d’autres. Nous avons trouvé de tels éléments. Comme Julie l’a dit, nous avons conclu que certaines provinces avaient très bien fait les choses et que certaines mesures fonctionnaient très bien.

Oui, nous reconnaissons qu’un grand nombre de nos audits ont livré les mêmes résultats, car les gouvernements font les mêmes choses. Nous espérons qu’en adoptant cette approche pancanadienne en matière d’audit, nous pourrons contribuer aux progrès accomplis.

[Français]

Mme Gelfand : Puisque des vérificateurs généraux, partout au pays, ont examiné de près cette question, c’est assez significatif. Tout à coup, des questions leur apparaissent. Le travail des vérificateurs généraux porte principalement sur l’aspect financier. Il s’agit de s’assurer qu’on n’a pas un système corrompu. Il y a de très grands bureaux, comme celui du vérificateur général du Canada, mais il y a également de petits bureaux à l’échelle provinciale qui font un audit de performance par année. Les vérificateurs généraux de petites provinces commencent à constater les coûts liés à l’inaction et à la mise en œuvre des projets, et les coûts liés aux changements climatiques. Cela aura une plus grande influence à long terme. Il s’agit d’un projet historique et important.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Traduction]

La présidente : J’aimerais intervenir très brièvement. La dernière fois que vous êtes venue ici, vous avez dit que les dirigeants envoyaient peut-être le même bon message. Les citoyens exercent peut-être des pressions, mais il y a un nombre important de fonctionnaires au milieu qui ne bougent pas. Je suis retournée dans ma province, le Québec. J’ai interrogé certains ministres. C’était intéressant, car ils m’ont dit que c’était une mode qui allait seulement durer pendant un certain temps, et que cela changerait avec le prochain gouvernement.

Je leur ai dit que cette mode durait depuis les 30 dernières années.

Pensez-vous qu’il faudrait sensibiliser les fonctionnaires du milieu qui ne bougent pas?

Mme Gelfand : Je ne suis pas sûre que je sois en mesure de répondre à cette question. Je ne crois pas que nous puissions répondre à cette question dans le cadre de nos travaux.

La présidente : Vous avez dit qu’il fallait les amener ici et leur poser la question. Nous avons fait comparaître des ministres devant le comité et nous leur avons posé la question. Il est peut-être temps de…

Mme Gelfand : Oh, je comprends ce que vous voulez dire. Vous pourriez certainement demander au sous-ministre de comparaître.

La présidente : … l’exécution, l’opération.

Mme Gelfand : Oui, car ce sont les responsables.

J’ai vu certaines des feuilles de travail qu’utilise le sous-ministre pour le cadre pancanadien. Elles sont plus détaillées que tout ce que nous avons vu auparavant. Ce plan a été mis en œuvre ou est entré en vigueur à la fin de notre audit, et il n’a donc pas été inclus dans l’audit. Nous voulons donner au gouvernement un an ou deux avant de mener un autre audit. Toutefois, on nous a montré quelques documents. Ils sont plus détaillés que tout ce que nous avons vu auparavant. Êtes-vous d’accord?

Mme Leach : Oui.

Le sénateur Richards : Le sénateur Massicotte a posé la question que j’allais poser.

Je me demande si nous avançons un peu à tâtons dans la façon dont nous établissons ces objectifs. Nous ne semblons pas avoir une démarche cohérente; nous sommes éparpillés un peu partout.

Avez-vous une idée de la façon dont cela fonctionnera au cours des 4, 5 ou 10 prochaines années?

Mme Gelfand : Vous avez absolument raison. Nous avons conclu que les provinces ne tentaient pas d’atteindre la même cible. À l’époque où nous avons mené nos audits, nous avons conclu que certaines provinces avaient des objectifs pour 2020, d’autres pour 2025 et d’autres pour 2030, alors que certaines provinces n’avaient aucun objectif. Si nous visons tous des objectifs différents, que nous n’avons pas les mêmes références et que nous utilisons des méthodes différentes pour mener nos analyses, comment pourrons-nous regrouper les conclusions?

Dans certaines provinces, les travaux d’audit ont été menés deux ans passés. Les provinces ont peut-être commencé à regrouper tout cela dans le cadre pancanadien. Nos audits sont manifestement toujours menés vers le passé. Il pourrait être utile de demander au sous-ministre de comparaître devant votre comité pour lui demander de faire un bilan de la situation actuelle.

Le sénateur Richards : Oui. Vous avez également mentionné que les seuls endroits qui avaient atteint leurs objectifs étaient le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest. Ce sont trois endroits très différents du Canada. Les objectifs du Nouveau-Brunswick sont donc différents de ceux de l’Ontario et des Territoires du Nord-Ouest.

Comment établissez-vous une corrélation entre ces trois entités? Il s’agit d’objectifs très différents, et ces objectifs produiront donc des résultats différents, n’est-ce pas?

Mme Gelfand : Je crois que seulement deux provinces avaient atteint leurs objectifs, à savoir la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

Mme Leach : Les deux provinces mentionnées par Julie étaient en voie d’atteindre leurs objectifs de 2020. L’Ontario est un cas spécial, car si son système de plafonnement et d’échange demeure en place et que la province compte les émissions venant d’ailleurs, elle atteindra ses objectifs. Sinon, on prévoit qu’elle ne les atteindra pas.

Le sénateur Richards : Maintenant que le Nouveau-Brunswick a fait faillite et que la plus grande partie de son industrie a quitté la province, il lui est plus facile d’atteindre ses objectifs en matière de gaz à effet de serre.

Mme Leach : Dans notre rapport, nous avons parlé du cas de la Nouvelle-Écosse, car on peut se demander comment cette province a atteint ses objectifs. Nous disons ici — et c’est le résultat des travaux d’audit effectués par les vérificateurs de cette province — que, selon eux, ils réussissent en partie en raison des mesures prises par le gouvernement. Il y avait aussi quelques facteurs externes en jeu. On a également fermé quelques usines. De plus, la Nouvelle-Écosse a fait des progrès du côté de l’énergie renouvelable. Ce sont donc les raisons invoquées pour expliquer la réussite de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Richards : Merci.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Je suis un peu perplexe au sujet du groupe de vérificateurs de partout dans le monde que vous avez formé pour accomplir ce travail. Je présume que vous avez été choisis pour mener les travaux de préparation à la mise en œuvre. Que font les autres vérificateurs?

Mme Gelfand : Les vérificateurs généraux de partout dans le monde — je ne les ai pas rassemblés, ils se sont rassemblés. Ils avaient déjà établi une relation avec les Nations Unies. Les Nations Unies veulent que les vérificateurs généraux du monde entier soient forts et indépendants. Leur rôle principal est de veiller à ce qu’il n’y ait pas de corruption et que les fonds soient dépensés de façon appropriée.

Les vérificateurs généraux, de leur propre chef — et ils en parlaient depuis environ deux ans avant même que j’entende parler de cela — avaient décidé qu’ils voulaient aider les Nations Unies à déterminer comment les pays réussissaient à atteindre leurs objectifs.

Ils ont élaboré quatre approches.

La première approche consistait à s’assurer qu’ils rendent des comptes et qu’ils soient transparents eux-mêmes. Le Canada fait partie des 10 meilleures communautés de vérificateurs généraux dans le monde. Nous sommes évalués par des pairs de partout dans le monde. Nous sommes l’un des meilleurs bureaux. Il existe d’autres bureaux qui ne sont pas indépendants du gouvernement et qui ne rendent pas leurs rapports publics. Un effort de renforcement des capacités est en cours, afin d’aider les vérificateurs généraux à devenir plus indépendants du gouvernement, afin qu’ils puissent fournir aux législateurs les renseignements dont ils ont besoin. La transparence et la reddition de comptes forment donc la première approche.

Je vais oublier une approche. Il y a une approche dans laquelle les vérificateurs généraux examinent des objectifs précis. Dans une autre approche, tous les vérificateurs généraux ont accepté de mener des audits de l’état de préparation, afin de déterminer si les gouvernements sont prêts.

La quatrième approche vise à contribuer à l’ODD no 16, c’est-à-dire la paix, la justice et des institutions efficaces. Les bureaux de vérificateurs généraux contribuent déjà aux institutions efficaces.

Les vérificateurs généraux ont convenu de travailler sur quatre approches au cours des quatre prochaines années, et le Canada s’est porté volontaire. Parmi tous les vérificateurs généraux du monde, un seul bureau national a un ou une commissaire à l’environnement et au développement durable dans le Bureau du vérificateur général, et c’est celui du Canada. Le seul autre endroit où cela existe, c’est au Québec. Aucun autre bureau de vérificateur général n’a de commissaire à l’environnement et au développement durable. Il existe des commissaires à l’environnement et au développement durable, mais il s’agit d’agents du Parlement distincts et ils ne relèvent pas du bureau de vérification.

Le sénateur Wetston : Aidez-moi à définir le problème lié à l’atteinte de ces objectifs, à part le fait que le monde est un endroit chaotique et que les politiques sont chaotiques, car le monde est chaotique. Je vais éviter de dire que le Canada est un endroit chaotique. Nous reconnaissons qu’il y a des défis liés à l’élaboration d’objectifs stratégiques et à leur atteinte. Aidez-moi à comprendre quels sont ces défis. Permettez-moi d’abord de décrire quelques éléments comme je les vois.

Je ne suis pas sûr qu’il existe des incitatifs pour atteindre les objectifs que vous tentez de convaincre le gouvernement de mettre en œuvre. Je soupçonne que vous pensez à un certain type de régime réglementaire ou législatif pour la mise en œuvre des objectifs liés à la durabilité. C’est ce que je pense. Le gouvernement est occupé avec un grand nombre d’enjeux importants et d’enjeux liés à l’environnement, comme nous le savons. Je ne sais pas — et vous pouvez peut-être formuler des commentaires sur cette question — si les incitatifs sont raisonnablement conçus pour atteindre ces objectifs. Êtes-vous en mesure d’évaluer non seulement les enjeux politiques liés à différents gouvernements, que ce soit à l’échelon municipal, provincial ou fédéral, mais également la réalité opérationnelle liée à l’atteinte de ces objectifs? Harmonisez-vous les incitatifs liés à la durabilité environnementale avec la croissance des entreprises? Croyez-vous que vos efforts pour accomplir ce travail tiennent compte de cet équilibre important? Honnêtement, le pays a besoin des deux, mais pas de l’un sans l’autre. Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard, madame Gelfand?

Mme Gelfand : Tout d’abord, mon travail consiste à mener un audit sur les engagements pris par les gouvernements. Les gouvernements ont pris des engagements à cet égard. Les vérificateurs généraux seraient du même avis que moi, c’est-à-dire qu’il ne nous revient pas de définir ces objectifs ou la façon de les atteindre. Si les gouvernements disent qu’ils vont les atteindre, notre travail consiste à vous dire s’ils vont les atteindre ou non. C’est notre travail.

Je dirais que pour la première fois, les objectifs de développement durable englobent beaucoup de choses. En effet, ils ont des effets sur les plans social, économique et environnemental. Je peux vous les lire : pas de pauvreté, pas de famine, une bonne santé et le bien-être, une éducation de qualité, l’égalité entre les sexes, de l’eau propre et l’assainissement, de l’énergie propre et abordable, un travail décent et la croissance économique, l’industrie, l’innovation et l’infrastructure, la réduction des inégalités, des villes et des collectivités durables, une consommation et une production responsables, des mesures relatives à la lutte contre le changement climatique, la vie aquatique, la vie terrestre, la paix, la justice et des institutions efficaces, et les partenariats. Il y a 17 objectifs et 169 cibles, et c’est à l’échelle mondiale. En effet, chaque pays doit établir ses propres cibles nationales. Ils ont accepté de le faire. À titre d’auditeurs, notre travail consiste à déterminer s’ils atteindront ces cibles ou non.

Le sénateur Wetston : Vous n’êtes pas prête à admettre que c’est tout simplement trop ambitieux?

Mme Gelfand : Ce n’est pas mon travail de dire cela.

Le sénateur Wetston : Je comprends. Je n’essaie pas de vous mettre sur la sellette.

Mme Gelfand : Lorsque je prendrai ma retraite, je pourrai dire si je pense que c’est trop ambitieux ou non. Dans mes fonctions de vérificatrice, je dois demeurer objective.

Le sénateur Massicotte : Cent dix-sept objectifs?

Mme Gelfand : Non, 17 objectifs, 169 cibles. Les gouvernements les ont acceptés. Je vous dirai s’ils les atteindront.

Le sénateur Patterson : En ce qui concerne les 5 ministères et les 10 mains qui contrôlent le volant, dans votre rapport, vous dites que vous avez audité 7 organismes gouvernementaux, et que 5 de ces organismes avaient été cernés comme étant responsables. Y a-t-il un ministère responsable? Sinon, devrait-on nommer un ministère responsable?

Mme Gelfand : Je ne comprends pas comment cinq ministères seront responsables de cette initiative. Le gouvernement nous a dit que cinq ministères sont responsables de cette initiative.

Le sénateur Patterson : Vous avez dit que nous devrions inviter un ministre ou un sous-ministre à comparaître. Qui devrions-nous inviter?

Mme Gelfand : C’est une excellente question. Le Bureau du Conseil privé était l’un des sept organismes. On nous a dit que cinq ministères étaient responsables de l’initiative. Je fais valoir — c’est mon opinion, mais je crois que c’est raisonnable — que je ne comprends pas comment cinq ministères sont censés assumer la responsabilité de l’initiative. Qui est le responsable? C’est une excellente question.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Leach : J’aimerais ajouter qu’on nous dit depuis deux ans, c’est-à-dire au début de cet audit, qu’un responsable serait nommé. Le 17 avril, c’est-à-dire après notre audit, on nous a répété — et un communiqué public a indiqué la même chose — que le gouvernement s’efforçait de nommer un responsable.

La semaine dernière, nous avons entendu dire que quelque chose était en train de se produire. Nous avons des raisons de croire qu’on réduira les 10 mains qui contrôlent le volant, mais nous ne connaissons pas encore les résultats.

Le sénateur Patterson : C’est très étrange.

Le budget fédéral de 2018 prévoit 49,8 millions de dollars sur 13 ans pour créer une unité sur les ODD. Est-ce qu’il s’agit des objectifs de développement durable?

Mme Leach : Oui.

Le sénateur Patterson : Croyez-vous que les enjeux liés à la coordination, à l’établissement de cibles, à la surveillance et à la production de rapports que vous avez soulignés dans votre audit seront réglés grâce à cette unité, afin de fournir de meilleures données sur la mise en œuvre des objectifs des Nations Unies par le Canada?

Mme Gelfand : Nous ne savons pas encore ce que fera cette unité. Nous ne le savions pas pendant que nous menions notre audit. Cela n’avait pas encore été annoncé. L’annonce a été faite à la fin de notre période d’audit. Nous savons que Statistique Canada — de son propre chef, à ma connaissance — s’efforce grandement de recueillir des données pour l’établissement de cibles nationales potentielles.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie d’être ici.

C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup de difficulté à déterminer comment nous allons établir une cible et à déterminer les coûts engendrés pour les citoyens ordinaires.

Vous avez mentionné que d’autres pays atteignent leurs cibles. Pouvez-vous me préciser de quels pays il s’agit?

Mme Gelfand : Je n’ai pas dit que d’autres pays atteignaient leurs cibles. J’ai dit que d’autres pays réduisaient leurs émissions. Dans le cadre de mon audit, je n’ai pas tenté de vérifier si d’autres pays atteignaient leurs cibles. Je sais par contre que certains pays réduisent leurs émissions.

Le sénateur Neufeld : Savons-nous comment ils s’y prennent pour réduire leurs émissions? C’est facile de dire que certains pays réduisent leurs émissions sans comprendre ou peut-être savoir — je parle de moi, pas de vous — comment ils y parviennent. C’est facile à dire.

Mme Gelfand : Je n’ai pas ces renseignements en mémoire. Je pourrais vous les faire parvenir. Je suis presque sûre que l’Allemagne est l’un de ces pays qui les atteignent.

Le sénateur Neufeld : D’après ce que je comprends, les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne sont à la hausse, et non à la baisse. C’est ce que j’ai compris après avoir lu le document d’information.

Mme Gelfand : Nous pourrions chercher ces renseignements et vous revenir là-dessus.

Le sénateur Neufeld : Oui, s’il vous plaît.

En ce qui concerne ces pays qui réduisent leurs émissions, c’est-à-dire ceux dont vous parlez, notamment l’Allemagne — s’il y en a d’autres, j’aimerais savoir lesquels —, avez-vous tenté de comprendre comment ils s’y prenaient? Avez-vous simplement une donnée selon laquelle leurs émissions de gaz à effet de serre ont diminué? Avez-vous tenté de comprendre pourquoi leurs émissions diminuaient?

Mme Gelfand : Malheureusement, non.

Le sénateur Neufeld : C’est peut-être comme certaines informations que j’ai lues et selon lesquelles leurs émissions de gaz à effet de serre augmentent. Nous ne savons pas pourquoi ou comment, mais elles augmentent.

Deuxièmement, je peux seulement imaginer les énormes différences entre les méthodes utilisées par les vérificateurs généraux d’un peu partout dans le monde et entre celles utilisées par les pays pour établir et atteindre leurs cibles. Par exemple, comment définissent-ils la famine ou les autres cibles? Ces données seront-elles utiles au bout du compte? Je ne dis pas que nous n’essayons pas d’obtenir des données utiles. Je comprends ce que vous tentez d’accomplir, mais chacun de ces pays voit chaque cible différemment. Croyez-vous réellement qu’au bout du compte, si vous recueillez toutes ces données, elles seront utiles aux Canadiens ordinaires?

Mme Gelfand : Peut-être pas aux Canadiens ordinaires.

Le sénateur Neufeld : Ce sont les gens que nous représentons.

Mme Gelfand : Je comprends. Je vous parlais d’une initiative menée par les vérificateurs généraux pour les Nations Unies.

Ils pensent que leurs rapports aux Nations Unies peuvent être utiles. Il s’agit d’une initiative des Nations Unies et les vérificateurs généraux peuvent indiquer aux Nations Unies si les pays atteignent leurs cibles. Ils pourront donc indiquer à chaque pays la mesure dans laquelle il atteint les cibles qu’il a établies.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Selon la cible liée à la pauvreté, les gens devraient gagner plus de 1,25 $ par jour. Eh bien, ce n’est pas une cible pour le Canada. Quelle est la cible du Canada pour la pauvreté? Il revient au pays de l’établir. C’est la responsabilité du gouvernement du Canada. Ensuite, les vérificateurs généraux peuvent évaluer la situation et vous dire si cette cible est atteinte et envoyer un rapport aux législateurs.

Dans le cadre du rapport que nous ferons aux Nations Unies, nous indiquerons, par exemple, que notre pays est prêt à mettre un plan en œuvre. Nous avons posé sept questions, les mêmes questions, partout dans le monde. Par exemple, le gouvernement a-t-il pris un engagement relativement aux ODD? A-t-il décidé d’où proviendront les ressources nécessaires? A-t-il choisi un responsable? A-t-il déterminé la façon dont il obtiendra les données nécessaires? A-t-il déterminé les processus de surveillance et d’examen?

Il y avait sept critères différents, et les vérificateurs ont accepté d’utiliser ces sept critères pour mener leurs audits. Au bout du compte — en juillet, on l’espère —, les vérificateurs généraux qui ont déjà fait cela diront aux Nations Unies qu’ils ont mené une évaluation en se fondant sur ces sept critères et ils indiqueront la mesure dans laquelle les Pays-Bas, le Canada ou les Émirats arabes unis, par exemple, remplissent ces critères. Au fil du temps, lorsqu’un plus grand nombre de vérificateurs généraux auront réalisé cette démarche, nous pourrons indiquer aux Nations Unies la mesure dans laquelle l’ensemble des pays sont prêts à mettre un plan en œuvre.

Deux tâches importantes sont accomplies. L’une consiste à faire rapport aux Nations Unies, mais il est encore plus important, lorsque les gouvernements ont établi leurs cibles nationales, d’indiquer aux assemblées législatives de leur propre pays la mesure dans laquelle le gouvernement atteint les cibles établies par le pays.

J’ai l’impression d’avoir livré un long monologue. J’espère que c’était clair.

Le sénateur Neufeld : Je crois que vous conviendrez avec moi que les gouvernements devraient faire preuve de transparence à l’égard des renseignements qu’ils recueillent et diffusent à la population canadienne sur la façon dont ils comptent atteindre les cibles et sur les coûts que cela engendra au bout du compte.

Lorsque vous dites que nous devrions demander à des ministres ou à des sous-ministres de comparaître, j’aimerais préciser qu’ils ont déjà participé à d’autres discussions et qu’on leur a déjà posé ces questions, car le gouvernement a fait cela. Je parle des coûts liés à la mise en œuvre des cibles de 2020 et de 2030.

Le gouvernement possède déjà ces renseignements. Lorsqu’il les a publiés, il a rédigé presque tous les renseignements et les ministres n’ont pas répondu. Je veux dire que les ministres n’ont pas répondu à la question sur les coûts qui seront engendrés. Et les sous-ministres n’ont pas répondu au comité de la Chambre des communes.

Pourquoi demander aux ministres de comparaître s’ils ne nous communiquent pas certains des renseignements qu’ils ont déjà? Ils devraient faire preuve de transparence à cet égard. J’espère que vous devez être transparente dans votre travail. Que pensez-vous du manque de transparence des ministres ou des sous-ministres à l’égard d’une grande partie des renseignements qu’ils possèdent déjà? Ces renseignements ne sont pas ou ne devraient pas être secrets.

Mme Gelfand : L’une des principales préoccupations du Bureau du vérificateur général est liée à l’accès à l’information. Dans le cadre de l’un de nos audits sur les subventions aux combustibles fossiles, par exemple, nous n’avons pas été en mesure de tirer des conclusions liées à l’objectif de notre audit, car le ministère des Finances ne nous a pas fourni les renseignements nécessaires. Nous avons négocié un nouveau décret en conseil et nous menons un audit de suivi sur ce dossier.

Les gouvernements doivent établir leurs propres politiques sur la reddition de comptes et la transparence. Notre gouvernement a établi une telle politique. Notre travail consiste à examiner l’information et à faire un rapport aux assemblées législatives et au Sénat et à la Chambre des communes. C’est notre travail.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie d’être de retour aujourd’hui. Je présume que toutes les personnes assises à cette table expriment un certain niveau de frustration — tout comme vous.

Honnêtement, on commence à se demander si les cibles sont des instruments utiles, après tout. Ce que j’ai trouvé très inquiétant dans votre exposé, c’est que vous avez dit qu’une fois les cibles nationales établies, nous n’avions aucun système pour évaluer et surveiller les progrès réalisés par rapport à ces cibles, et pour en faire rapport.

En effet, dans l’annexe de votre rapport du printemps 2018, au point no 5, le système d’évaluation, au point no 6, le système de surveillance, et au point no 7, le système pour faire rapport, dans la section « État de préparation du Canada », vous dites qu’il n’y a pas de système pour évaluer les résultats par rapport aux cibles nationales, qu’il n’y a pas de système pour surveiller les progrès réalisés par rapport aux cibles nationales et qu’il n’y a pas de système pour faire rapport sur les progrès réalisés par rapport aux cibles nationales.

Veuillez m’aider à comprendre tout cela. Je ne comprends pas le type d’approche utilisé dans cette situation.

Mme Gelfand : Que puis-je vous dire? Le Canada s’est engagé à mettre ces objectifs en œuvre, et le premier ministre a dit aux Nations Unies qu’ils s’appliquaient au Canada. Sur les sept critères dont je vous ai parlé, nous avons conclu que le pays avait rempli celui de l’engagement. En effet, le Canada a accepté les objectifs.

Ensuite, nous avons examiné d’autres éléments liés à l’état de préparation, et nous avons examiné des renseignements à cet égard. Nous avons vérifié si des cibles nationales avaient été établies. La réponse est non. Nous avons vérifié si un système d’évaluation, de surveillance et d’examen avait été mis sur pied. La réponse est non. Il n’y a même pas de cibles nationales, ce qui signifie qu’il n’y a pas de système pour les mesurer, puisqu’elles n’ont pas été établies.

J’avais présumé que trois ans après avoir pris cet engagement, le Canada serait en meilleure position et davantage préparé pour mettre en œuvre ces objectifs de développement durable. Au contraire, nous avons conclu que le pays n’était pas prêt. Nous avons vu les résultats d’au moins un autre pays — les Pays-Bas — qui a mené un examen en se fondant sur les sept critères, et l’examen de l’audit des Pays-Bas révèle que ces sept critères ont été remplis. En effet, le gouvernement néerlandais avait pris cet engagement, il avait trouvé les ressources nécessaires et il avait établi des cibles nationales et un système pour surveiller et examiner toutes les données. Ce gouvernement a donc rempli chacun des sept critères.

Le Canada remplit un critère et demi, et c’est en raison du travail de Statistique Canada qui, de son propre chef, a commencé à recueillir des données sur ce qui pourrait être utile si nous avions des cibles nationales. Le gouvernement n’avait pas établi de cible, le responsable n’avait pas déterminé qui ferait quoi et quand ce serait fait, et il n’avait pas organisé la cueillette de données.

La sénatrice Seidman : Nous ne pouvons même pas demander qui est responsable du système de données?

Mme Gelfand : Eh bien, Statistique Canada serait l’organisme responsable du système de données, mais il doit avoir un ensemble de cibles établies par le gouvernement.

Mme Leach : J’aimerais également faire la distinction entre les objectifs mondiaux et les objectifs nationaux. Dans notre audit, Statistique Canada a réalisé de bons progrès. En effet, l’organisme fait du bon travail lorsqu’il s’agit de mettre sur pied un système pour mesurer les objectifs mondiaux. Dans notre audit, nous avons indiqué qu’il avait obtenu 68 p. 100 des renseignements dont il avait besoin pour mesurer les objectifs mondiaux.

Toutefois, le gouvernement n’a toujours pas établi un ensemble de cibles nationales qui l’aident à atteindre ces objectifs mondiaux. Comme Julie l’a mentionné, le seuil de pauvreté de 1,25 $ par jour n’est pas approprié pour le Canada. Statistique Canada et d’autres organismes s’efforcent de déterminer un seuil approprié pour notre pays. Il n’a pas encore été établi, mais ces organismes travaillent là-dessus. Le 17 avril dernier, le gouvernement a annoncé qu’il élaborerait une stratégie nationale à cet égard, mais nous attendons cela depuis deux ans.

Le 17 avril, après notre audit, le gouvernement a répété que cela serait fait. Nous avons des raisons de croire que cela sera fait, mais nous ne l’avons pas encore vu.

La sénatrice Seidman : Madame Gelfand, j’aimerais vous poser une autre question sur une chose que vous avez mentionnée. Au septième point de votre exposé d’aujourd’hui, on peut lire ceci :

Malgré les risques d’atteinte au développement durable que nous avons relevés dans cet audit et dans des audits antérieurs, nous attendons encore de voir le gouvernement fédéral intégrer l’économie, la société, et l’environnement de façon significative.

Cela m’a frappée, car nous entendons toujours le gouvernement nous dire qu’à son avis, l’économie et l’environnement sont deux notions indissociables. J’aimerais tenter de comprendre ce que vous dites dans cette affirmation.

Mme Gelfand : C’est parce qu’il y a 17 objectifs de développement durable qui englobent, de façon égale, des enjeux sociaux, environnementaux et économiques, et que nous n’avons vu aucun plan pour réaliser ces objectifs et qu’aucune cible n’a été établie, et que, à notre avis, le gouvernement n’est pas prêt, deux ans après avoir accepté de mettre en œuvre ces objectifs, qui sont censés être atteints d’ici 2030.

Nous ne connaissons même pas nos cibles, car il y a cinq ministères responsables et nous ne savons donc pas qui est réellement responsable. Je dirais qu’il s’agit d’un des problèmes, en plus de la Loi fédérale sur le développement durable et de la stratégie connexe. En effet, une Stratégie fédérale sur le développement durable est élaborée tous les trois ans. La dernière de ces stratégies a été élaborée après l’adoption des ODD par le Canada. Nous avons donc des objectifs de développement durable et une Stratégie fédérale sur le développement durable — je ne sais pas, mais logiquement, une Stratégie fédérale sur le développement durable devrait intégrer des objectifs de développement durable. Ces deux notions parlent de la même chose.

Lorsque nous avons vu la première ébauche, nous n’avons trouvé aucune mention des objectifs de développement durable. Nous avons donc demandé où se trouvaient les objectifs de développement durable. Ils ont été intégrés à la version définitive. Toutefois, lorsque vous examinerez la Stratégie fédérale sur le développement durable, vous constaterez qu’elle ne porte que sur les objectifs environnementaux, et non sur les objectifs économiques et sociaux.

Nous parlons de développement durable sur le plan environnemental plutôt que de développement durable sur les plans environnemental, social et économique. C’est dans la loi.

La présidente : De nombreuses questions doivent être posées au gouvernement. Merci.

Le sénateur MacDonald : J’aimerais revenir aux cibles. Selon le point no 13 de votre exposé, sept gouvernements n’ont toujours pas fixé de cible globale de réduction pour 2020. De plus, six gouvernements ont fixé une telle cible, mais seulement deux sont en voie de l’atteindre : le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Quelle est la norme pour ces cibles? Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse atteignent-ils ces cibles parce qu’ils ont établi un seuil très bas? Le seuil établi en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick est-il le même que celui qui est établi en Colombie-Britannique et dans les autres provinces?

Mme Gelfand : Chaque province fixe sa propre cible en utilisant sa propre méthodologie. Ce n’est pas uniforme partout au pays.

Mme Leach : Un bon exemple, c’est que certaines cibles sont sectorielles. Elles viseraient à réduire l’électricité ou les gaz à effet de serre provenant des transports, tandis que d’autres sont fixées pour l’ensemble de l’économie, si bien qu’on ne peut pas les jumeler. Les cibles sont fixées par le gouvernement, dans chaque province et territoire.

Le sénateur MacDonald : Avez-vous consigné les niveaux ciblés qui ont été fixés par toutes les provinces? Y avait-il un écart important dans les cibles?

Mme Gelfand : Ce n’est pas dans notre rapport.

Mme Leach : La deuxième pièce dans notre rapport présente toutes les provinces et tous les territoires et leur cible globale pour 2020, et énonce s’ils sont en voie d’atteindre les cibles.

Toutes les cibles sont différentes. Elles sont toutes assorties d’années de référence, par exemple. Certaines mesurent depuis 1990, d’autres, depuis 2005. Certaines d’entre elles ont 2020 comme échéance, et pour d’autres, c’est 2030. Il y a des écarts importants, et les provinces et les territoires visent tous à atteindre des cibles différentes.

Le sénateur MacDonald : Ne serait-il pas raisonnable de s’attendre à ce que le gouvernement fédéral, s’il décide de mener à bien ce programme, établisse un seuil de référence pour les provinces afin qu’elles aient des cibles uniformes et des moyens pour les atteindre?

Mme Gelfand : Le gouvernement fédéral a établi une cible globale que le pays doit atteindre, et chacune des provinces a fixé sa propre cible en utilisant différents critères. Il y en a une que je trouve incroyable, à savoir une réduction de 33 p. 100 par rapport aux émissions de 2007. Pourquoi avoir choisi 2007?

Lorsque Kim dit que les cibles sont différentes, elles sont toutes très différentes. Nous n’avons pas d’harmonisation, alors la question qui se pose est la suivante : comment allons-nous atteindre la cible de 2030 lorsque nous voyons ici toutes sortes de cibles différentes?

Le sénateur MacDonald : J’ai beaucoup de temps pour mon comptable et pour les vérificateurs généraux, car ils mesurent des facteurs et ils savent ce qu’ils font. Je serais curieux de savoir ce que vous recommanderiez au gouvernement fédéral de faire, et qu’il ne fait pas actuellement, pour fixer ces cibles. Il y a de toute évidence des lacunes. Que feriez-vous si vous disiez au gouvernement fédéral comment fixer les cibles et comment travailler avec les provinces pour établir et atteindre ces cibles?

Mme Gelfand : Jusqu’où je peux aller? Je travaille au Bureau du vérificateur général depuis quatre ans. Je vous dis ce que j’ai appris en travaillant avec un groupe de comptables.

Je dirais qu’il serait très important d’avoir une cible uniforme, transparente et mesurable. De façon générale, je pense qu’il serait normal de s’attendre à des cibles qui visent la même date, ce qui serait utile. Je pense que c’est tout à fait logique. Lorsqu’on examine la situation et que l’on constate ce fouillis, on s’aperçoit que ce n’est pas logique.

Une approche sensée offrirait une cible uniforme, mesurable et transparente qui, en fin de compte, aidera le Canada à atteindre sa cible globale.

Mme Leach : Je pense qu’il faut revenir à la base pour ce qui est d’établir des cibles mesurables. Voici certains exemples de notre rapport.

Le Manitoba avait annoncé des plans pour réduire des émissions dans ses secteurs de l’agriculture et des déchets, mais n’a fourni aucun détail sur la façon dont ces objectifs seront atteints.

Le Nouveau-Brunswick a prévu d’avoir 20 000 véhicules électriques d’ici 2013, mais n’a pas fourni de plan de mise en œuvre expliquant l’échéancier ou le type d’infrastructure nécessaire pour appuyer le projet.

Nous parlons d’objectifs internationaux, d’objectifs nationaux et de la situation d’ensemble, mais il faut commencer au niveau stratégique pour les initiatives précises.

Mme Gelfand : Les vérificateurs ont tendance à examiner systématiquement les facteurs suivants : avez-vous un objectif? Avez-vous un plan? Avez-vous un budget? Avez-vous un calendrier? Les rôles et les responsabilités relèvent de la gestion de projet de base. Lorsque nous effectuons une vérification, nous examinons presque les mêmes facteurs : quel est l’objectif? Où est le plan? Qui est responsable de quoi? Combien le projet coûtera-t-il? Quelle est la date limite? Comment vous en tirez-vous? Ce sont les facteurs que nous semblons toujours examiner. C’est ce à quoi nous nous attendons.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à préciser aux fins du compte rendu que je trouve ironique que la Nouvelle-Écosse soit l’une des deux provinces qui sont sur la bonne voie d’atteindre leur cible, et ce, malgré le fait que la Nouvelle-Écosse produit une plus grande part de son énergie à partir du charbon que n’importe quelle autre province.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai une question précise à propos du rapport du printemps 2018 intitulé Rapport 2 - L’état de préparation du Canada pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies. À la page 23, vous faites référence à la réponse d’Emploi et Développement social Canada à propos de l’objectif no 1, qui est d’éliminer la pauvreté. On fait référence à différentes mesures, dont l’Allocation canadienne pour enfants et celle du Supplément de revenu garanti. Des statistiques peuvent illustrer l’efficacité d’un programme et voir s’il contribue à atteindre l’objectif no 1. Au deuxième paragraphe, au milieu de la page 23, on peut lire les mots : « à l’intérieur d’Emploi et Développement social Canada ». Dans la Stratégie nationale sur le logement, on voit des objectifs clairs visant à faire en sorte que 530 000 Canadiens n’éprouvent plus de besoin impérieux en matière de logement et à réduire l’itinérance chronique de 50 p. 100 au cours de la prochaine décennie.

Dans le cadre de vos travaux, avez-vous trouvé des éléments plus précis sur la façon dont on atteindra cet objectif? Je ne doute pas qu’une Stratégie nationale sur le logement puisse aider, surtout si on cible la population itinérante et les citoyens qui ont le plus besoin de logement. Avez-vous trouvé des cibles plus précises dans la mise en œuvre de stratégies qui peuvent nous indiquer avec plus de certitude si l’on parviendra à respecter l’objectif no 1?

Mme Gelfand : C’est une bonne question. Je ne pense pas qu’on ait obtenu plus d’informations. Nous avons fait une recommandation à la page 21, à savoir que tous ces ministères devraient évaluer dans quelles mesures leurs politiques et leurs programmes pourraient contribuer à la réalisation des cibles. Les réponses qu’ils nous donnent sont leurs informations. Ils ne nous donnent pas plus. C’est leur réponse à notre recommandation. On n’a pas plus d’informations pour le moment.

La sénatrice Dupuis : Autrement dit, vous avez seulement demandé ce qui est fait au sein du ministère pour répondre aux objectifs. Avez-vous eu un regard critique sur les informations qui vous ont été fournies? Parce que si vous êtes un ministère et que vous avez un certain nombre de stratégies et de programmes, vous allez les mettre de l’avant, ce qui est normal. Si c’est la réponse qu’on vous donne et qu’il n’y a pas nécessairement plus de cibles précises, qu’allez-vous faire?

Mme Gelfand : Mon rôle consiste à examiner les objectifs qui ont été fixés et de vous dire si le gouvernement les atteindra ou non, et de formuler des recommandations aux ministères. Leur rôle, c’est de nous répondre. Vous avez leur réponse.

Par la suite, ce sera aux législateurs de demander aux ministères de rendre compte de nos recommandations, à savoir que sera leur plan d’action pour donner suite à nos recommandations. C’est vraiment le rôle du Parlement. Par contre, le vérificateur peut revenir d’ici un an, deux ans ou trois ans pour voir s’ils ont bel et bien mis en œuvre les recommandations.

En ce qui a trait aux objectifs précis, je m’attendais à ce que le gouvernement ait un plan global. Les ministères ont regardé ce qu’ils faisaient déjà et ils ont associé cela à l’une des cibles. À mon avis, il faudrait plutôt établir des cibles nationales et, par la suite, développer des plans et des stratégies pour atteindre ces objectifs.

Il est possible qu’on puisse tenir compte de certaines initiatives déjà mises en place, mais je m’attendais à ce qu’on ait des objectifs nationaux liés directement aux objectifs mondiaux. On pourrait ensuite examiner quelle stratégie permettra d’atteindre les objectifs. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Dupuis : Cela répond à ma question. Ce programme établit des objectifs pour 2030. Quel est votre calendrier d’interventions auprès des ministères à partir de maintenant? Parce que cela ne s’arrête pas là.

Mme Gelfand : C’est une très bonne question. Je suis heureuse de vous dire que le Bureau du vérificateur général est en train d’examiner tous les objectifs mondiaux, parce qu’on n’a pas encore d’objectifs nationaux. On demande à tout le bureau, y compris les vérificateurs financiers, de voir quelles contributions pourraient être faites pour passer en audit les objectifs, qui, à notre avis, comportent de plus hauts risques pour le Canada. Nous avons 15 vérificateurs principaux qui sont responsables de divers dossiers qui concernent, entre autres, les militaires, la défense nationale, les affaires autochtones, la santé et l’aide internationale. Nous avons des équipes qui sont chargées de l’environnement, du climat, des pêches et océans. Chacune de ces équipes examine l’ensemble des objectifs mondiaux et détermine quels sont les risques les plus élevés pour le Canada. Donc, parmi les 169 cibles, on doit déterminer lesquelles doivent faire l’objet d’un audit et quand cet examen doit être réalisé.

Je devrais recevoir des informations du personnel ce mois-ci. Le vérificateur général et moi allons déterminer quand on procédera à l’audit des objectifs globaux spécifiques.

La présidente : Pouvez-vous nous transmettre ces informations? Cela nous serait utile.

Mme Gelfand : Oui, c’est quelque chose qu’on pourrait faire.

La présidente : Excellent.

[Traduction]

Le sénateur Wetston : Lorsque vous répondiez à une question de la sénatrice Seidman, je n’ai pas entendu le pays auquel vous avez comparé le Canada. Je ne suis pas certain du pays que vous avez mentionné.

Mme Gelfand : Les Pays-Bas.

Le sénateur Wetston : Comment pouvez-vous comparer le Canada aux Pays-Bas?

Mme Gelfand : Je ne les compare pas. Je dis que chaque pays examine sept critères et décide s’il avait un engagement à cet égard. Le pays a-t-il établi les ressources? A-t-il désigné un ministère responsable? A-t-il les données, notamment? Les Émirats arabes unis seront en mesure de nous dire, sur ces sept critères, que trois ont été respectés. Pour le Canada, c’est un et demi. Quant aux Pays-Bas, ils les ont tous respectés. L’idée est que les vérificateurs généraux nous disent ce qu’ils ont fait pour tous ces pays.

Le sénateur Wetston : Vous parlez de partage des compétences à la page 4. C’est très répandu au Canada. Je voulais connaître la méthodologie que vous avez élaborée pour le Canada par rapport à celle que vous avez utilisée aux Pays-Bas, en Suède ou dans des pays qui ont des systèmes nationaux plutôt que des fédérations, ce qui est plus difficile.

Bon nombre des politiques que nous étudions à ce comité et à d’autres comités comportent des défis et des problèmes associés à leur mise en œuvre à l’échelle fédérale, provinciale et municipale, et je pense que c’est clair lorsque nous regardons vos recommandations et votre rapport.

J’aimerais savoir ceci, notamment : les États-Unis et l’Australie ont-ils participé? Pouvez-vous comparer comment le Canada, les États-Unis et l’Australie s’en tirent relativement aux cibles? Je reconnais ce que le président a fait concernant l’Accord de Paris, mais les États tentent encore d’atteindre certaines de ces cibles. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

Mme Gelfand : Oui. N’oubliez pas que ce sont des vérificateurs généraux qui ont décidé que cela ferait partie de leur plan stratégique, qu’ils examineront les vérifications de l’état de préparation et utiliseront essentiellement le même ensemble de critères. Et ils se sont entendus sur ces critères.

À l’heure actuelle, je sais qu’environ 80 pays travaillent à ces vérifications de l’état de préparation. Je sais que 11 pays d’Amérique latine ont terminé les vérifications. Le Canada a terminé sa vérification. Je n’ai pas encore vu toutes les données. Je vous communique celles que je connais, car je les ai vues. Je vais assister au forum politique de haut niveau des Nations Unies en juillet, et nous sommes en train de recueillir ces renseignements. Des membres du personnel des vérificateurs généraux — de cinq bureaux différents peut-être — feront des exposés à une activité connexe. Nous saurons où en sont les gens. Cette initiative a été lancée pour les vérificateurs généraux il y a de cela seulement un an et demi, alors où en sont-ils rendus?

Des 80 pays, un certain nombre suivent actuellement une formation pour renforcer leurs capacités afin de pouvoir effectuer la vérification. Je m’attends à ce que d’ici deux ans, et nous espérons d’ici juillet 2019, 50 ou 60 pays auront effectué la vérification, et nous vous dirons comment ils s’en sortent.

Je ne peux pas dire précisément où les États-Unis sont rendus ou s’ils seront en mesure de le faire, car le fonctionnement du bureau de la responsabilité gouvernementale est très différent. Le Congrès a demandé quelles vérifications doivent être réalisées. Les États-Unis n’ont pas la même indépendance que le vérificateur général a au Canada.

Je crois que l’Australie sera l’un des pays qui feront ces vérifications. Les vérificateurs généraux ont décidé qu’ils les feraient; c’est maintenant leur devoir de s’acquitter de cette tâche.

Le sénateur Wetston : Merci.

Le sénateur Patterson : La Colombie-Britannique semble se démarquer comme la province ayant réduit le plus ses émissions. À l’annexe 2, je constate que la Colombie-Britannique a également augmenté le potentiel de stockage de carbone des forêts de la province en tant que principale mesure à prendre.

Nous avons des forêts dans tout le pays. Nous avons une énorme superficie de forêts boréales dans le Nord du Canada qui, je crois, sont des puits de carbone.

La solution est-elle que la Colombie-Britannique donne l’exemple? Si l’on veut toujours s’améliorer pour atteindre des réductions des émissions, la solution est-elle de suivre l’exemple de la Colombie-Britannique et de tirer parti de nos immenses superficies de forêts? Le Nouveau-Brunswick est une autre province qui a d’énormes étendues de forêts. S’agit-il d’une solution simple pour combler les lacunes que vous avez relevées, ou suis-je simpliste?

Mme Gelfand : Toute cette question est très compliquée; ce n’est pas du tout simple. C’est une excellente question. Je crois savoir que la Colombie-Britannique a une taxe sur le carbone — et elle est peut-être la première province à en avoir adopté une au Canada. Je regarde Kim, car elle connaît plus les détails.

Toute la question des forêts fait assurément partie de la solution. Elles peuvent être des puits et des sources. Durant les feux, elles deviennent des sources. Elles peuvent aussi être considérées comme étant des puits. Il y a le régime des règles entourant ce que vous considérez être le couvert forestier auquel le Canada participe. Je vais laisser le soin à Kim de répondre à cette question, car elle connaît plus de détails.

Mme Leach : Vous regardez peut-être la pièce 3 de notre rapport, mais nous fournissons un exemple de la façon dont la Colombie-Britannique utilise des puits de carbone dans son plan. Le Plan de leadership en matière de climat de 2016 de la Colombie-Britannique incluait 12 mégatonnes de réductions d’ici 2050 grâce aux puits de carbone dans ses forêts, ce qui est environ la moitié des réductions qu’elle compte atteindre. C’est considérable.

Comme Julie l’a dit, la façon dont vous mesurez ces réductions pose problème. Les incendies de forêt et les infestations de ravageurs sont des perturbations qui peuvent avoir une incidence sur la mesure à laquelle les forêts servent de puits.

La Colombie-Britannique a fait valoir que c’est une façon dont elle pourra réduire ses émissions. D’autres provinces n’ont pas encore fourni autant de détails. C’est une question sur laquelle il vaut la peine de se pencher.

Mme Gelfand : D’après ce que je comprends, les Nations Unies, pour permettre aux pays de considérer les couverts forestiers comme étant des puits ou des sources et les règles connexes, utilisent ce que l’on appelle l’affectation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie, l’ATCATF. Il y a tout un groupe d’experts qui travaillent à quantifier le couvert forestier. Cela fait partie de la solution.

Une partie de la solution consiste à éviter la déforestation. Si vous exploitez les forêts, vous contribuez à la déforestation et vous n’avez plus de puits. Les forêts font effectivement partie de la solution.

Le sénateur Patterson : Cela ne plaît pas aux environnementalistes, mais les forêts anciennes sont des émetteurs de carbone…

Mme Gelfand : Lorsqu’elles se détériorent.

Le sénateur Patterson : […] les forêts exploitées régulièrement produisent de l’oxygène et retiennent le dioxyde de carbone.

Votre pièce 2 montre que le Nunavut est encore une fois l’exemple parfait de l’absence de progrès au chapitre des émissions de gaz à effet de serre. Il n’est pas le seul. Le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et le Yukon n’ont aucune cible et ne sont pas sur la bonne voie.

Vous avez signalé qu’en Nouvelle-Écosse, des usines ont fermé leurs portes qui auraient pu contribuer à atteindre les cibles. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces provinces ou ces territoires que j’ai mentionnés n’ont rien à signaler?

Mme Gelfand : Je ne peux pas, malheureusement. C’est le gouvernement qui décide s’il fixe une cible.

Le sénateur Patterson : Je pense savoir pourquoi il en est ainsi au Nunavut, car le territoire n’a pas d’énergie de remplacement. Je n’en dirai pas plus.

Le sénateur Richards : Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à ces questions, mais y a-t-il une référence internationale pour ces cibles? Y a-t-il une référence internationale que divers pays doivent essayer d’atteindre? Il pourrait y avoir des écarts assez importants.

Par exemple, il y a l’égalité des sexes. Eh bien, l’Arabie saoudite, que Dieu bénisse ce pays, a enfin permis aux femmes d’assister à une partie de soccer. Je sais que c’est un peu risqué. Y a-t-il une référence internationale? Établit-on une norme que la communauté internationale veut que les pays respectent?

Mme Gelfand : Oui, il y a des cibles internationales que l’on peut examiner. Il y en a 169. Citons notamment le montant de 1,25 $ d’un point de vue de la pauvreté.

Quelques-unes des cibles sont meilleures d’un point de vue d’un vérificateur général. Elles sont mesurables. Certaines sont plus générales et plus difficiles à mesurer. Il y a, au total, 169 cibles pour ces 17 objectifs à l’échelle mondiale. Chaque pays est censé dire si cette cible mondiale est appropriée pour lui — car pour certains pays, elle peut l’être — ou s’il doit établir une cible nationale.

Le sénateur Massicotte : Je veux clarifier deux choses que vous avez dites pour m’assurer que nous sommes tous sur la même longueur d’onde.

Vous avez dit au passage que lorsque vous exploitez les forêts, c’est une source importante d’émission de CO2. Vous avez fait cette affirmation sur un ton négatif. Je pense que c’est le contraire. Si vous exploitez une forêt, vous prenez ce bois, mais vous ne le brûlez pas. Vous faites essentiellement des madriers de deux par quatre. Vous piégez le CO2 dans ce produit pendant des décennies. Le bois peut finir par pourrir, selon la manière dont vous vous en occupez.

Je présume qu’au Canada, le bois qui est coupé est remplacé par de nouveaux arbres. Les données scientifiques ne sont pas claires, mais cela consommera de grandes quantités de CO2. Pour un plus vieil arbre, je ne sais pas trop, mais c’est extrêmement positif. Ai-je raison?

Mme Gelfand : Je ne voulais pas dire que l’exploitation forestière est une mauvaise chose. Je voulais dire que la perturbation dans les forêts peut être négative. Les incendies de forêt et les ravageurs peuvent avoir une incidence négative.

Le sénateur Massicotte : Je ne sais pas trop pour ce qui est des ravageurs, mais c’est évidemment le cas lorsqu’ils grugent les arbres.

Mme Gelfand : Lorsque c’est émis dans l’air, c’est le carbone.

Le sénateur Massicotte : Le sénateur MacDonald a dit être surpris que la Nouvelle-Écosse utilise principalement le charbon comme source d’énergie. Si je ne m’abuse, pour toutes ces mesures, internationales et provinciales, de même que nationales, la référence est ce qui se faisait dans le passé. Lorsque nous disons que nous réduirons une quantité donnée d’ici 2030, ce n’est jamais une donnée absolue. Cela dépend toujours de nos progrès et des critères. Par conséquent, si vous êtes un grand pollueur, il sera évidemment plus facile pour vous d’atteindre l’objectif, et vous ferez justement bonne figure parce que c’est plus facile pour vous de l’atteindre.

Tout dépend de votre position dans le passé; ce n’est jamais absolu. Une province qui est un grand pollueur pourrait facilement réduire ses émissions de façon considérable. Ses émissions pourraient continuer d’être largement supérieures par habitant que celles de nombreuses autres provinces. Ai-je raison?

Mme Gelfand : C’est exact.

La présidente : Merci beaucoup. Nous avons trouvé vos témoignages très intéressants.

(La séance est levée.)

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