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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 52 - Témoignages du 27 novembre 2018


OTTAWA, le mardi 27 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour étudier la teneur des éléments de la section 5 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je suis Rosa Galvez, et je suis une sénatrice du Québec. Je suis présidente du comité.

Avant de commencer, je tiens à souhaiter la bienvenue à trois nouveaux membres du comité. Bienvenue, sénateur Carignan. La sénatrice Patti LaBoucane-Benson fera également partie du comité, ainsi que la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta. Je peux vous affirmer, au nom de tous les membres du comité, que nous nous réjouissons de travailler avec vous. Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander aux sénateurs autour de la table de se présenter.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Carignan : Claude Carignan, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta.

Le sénateur Woo : Le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

La présidente : Nous avons également avec nous nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Jesse Good et Sam Banks, ainsi que Maxime Fortin, greffière du comité, à ma gauche.

Nous étudions la teneur des éléments de la section 5 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Nous accueillons aujourd’hui, de Ressources naturelles Canada, Annette Tobin, directrice intérimaire, Division de la gestion des hydrocarbures extracôtiers, Direction des ressources pétrolières, et Jessica MacIntosh, analyste des politiques, Division de la gestion des hydrocarbures extracôtiers, Direction des ressources pétrolières.

Nous avons également avec nous, d’Environnement et Changement climatique Canada, Judy Meltzer, directrice générale, Bureau de la tarification du carbone, et Philippe Giguère, gestionnaire, Politiques législatives.

Merci beaucoup d’être là. Nous vous écoutons, madame Tobin.

Annette Tobin, directrice intérimaire, Division de la gestion des hydrocarbures extracôtiers, Direction des ressources pétrolières : Merci de nous accueillir. C’est un réel plaisir, et je me réjouis de pouvoir discuter avec vous.

Ressources naturelles Canada a contribué à la Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget en présentant six modifications incluses dans la section 5 de la partie 4. L’objectif de ces six modifications est en fait double. Les articles 176 à 178 et l’article 181 facilitent la tarification du carbone dans la zone visée par l’Accord Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et la zone extracôtière, conformément au cadre de cogestion du pétrole et du gaz extracôtiers.

Les articles 179 et 180, quant à eux, prolongent la période d’application des règlements transitoires sur la santé et la sécurité au travail de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière. Cela s’applique à la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador et à la zone extracôtière Canada-Nouvelle-Écosse.

En ce qui concerne les articles 176 à 178 et l’article 181, le but est de permettre l’incorporation par renvoi du régime provincial de tarification du carbone de Terre-Neuve-et-Labrador à la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et de faciliter l’application de cette loi provinciale sur la tarification du carbone dans cette zone extracôtière.

[Français]

Ces modifications reflètent les approches à l’endroit de la tarification du carbone dans la zone extracôtière convenue par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, dont l’harmonisation avec la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Les modifications permettent aussi à l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers d’agir en tant qu’organisme de réglementation responsable du système provincial de tarification du carbone dans la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador.

[Traduction]

En ce qui concerne l’article 176 visant le recouvrement des coûts, comme l’énoncent les lois de mise en œuvre des accords, les gouvernements fédéral et provincial contribuent à parts égales. Ils couvrent entièrement les budgets de l’office des hydrocarbures extracôtiers, puis les coûts sont entièrement recouvrés de l’industrie et remis aux gouvernements en parts égales.

L’article 176 introduit la conditionnalité du recouvrement des coûts afin que la totalité des coûts liés à l’administration du régime provincial par l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers soit fournie par la province, et que ces coûts soient déposés entièrement au crédit de la province une fois qu’ils sont recouvrés de l’industrie, ce qui déroge au fonctionnement normal du régime de recouvrement des coûts.

L’article 177 est l’incorporation par renvoi du régime provincial de tarification du carbone. L’article 164.1 et le paragraphe 164.2(1) qui sont proposés à l’article 177 présentent donc le régime provincial de tarification du carbone de Terre-Neuve-et-Labrador intitulé Management of Greenhouse Gas Act et l’incorporent par renvoi dans la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador. On y précise également les exemptions et restrictions de l’incorporation par renvoi. L’incorporation par renvoi a pour effet de donner une portée fédérale à la loi provinciale en permettant qu’elle s’applique aux activités autorisées par la loi visant l’accord fédéral. Cependant, il nous faut aussi ces exemptions pour éviter l’imposition de mécanismes fédéraux en plus d’un processus déjà soumis à des exigences provinciales semblables. Par exemple, le régime provincial incorporé par renvoi n’est pas assujetti à la Loi sur les textes réglementaires et à la Loi sur les frais de service.

L’article 177 conférerait aussi à l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, l’organisme de réglementation du secteur extracôtier, le pouvoir d’administrer le régime provincial de tarification du carbone dans la zone extracôtière Canada—Terre-Neuve-et-Labrador. L’office n’a pas ce pouvoir en ce moment. C’est par l’entremise de cet accord que la province verserait et recouvrerait la totalité des coûts de l’organisme de réglementation relatifs à l’administration de ce régime provincial de tarification du carbone.

L’article 178 modifie la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre afin qu’il soit précisé que si, à l’avenir, le régime provincial de tarification du carbone de Terre-Neuve ne répond plus aux normes fédérales, la zone extracôtière Canada—Terre-Neuve-et-Labrador sera ajoutée à la partie 2 de l’Annexe 1 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, laquelle va en fait mettre fin à l’application de cette incorporation par renvoi. Autrement dit, nous incorporons le régime provincial de sorte qu’il s’applique à la zone extracôtière, mais si à l’avenir on conclut que le régime ne répond plus à nos normes fédérales, nous avons dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre une disposition qui met fin à cela. Cette disposition était jugée importante.

Pour ce qui est de l’entrée en vigueur, la date fixée par décret est le 1er janvier. Nous sommes le 27 novembre, alors nous n’avons plus beaucoup de temps, mais nous avons intégré une disposition de rétroactivité. Si la loi n’est pas adoptée à cette date, elle pourra avoir un effet rétroactif. C’est ce qui est prévu.

Je vous ai parlé de quatre modifications. Les deux autres, liées au deuxième objectif de ces modifications, visent la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière. En vertu de cette loi, des règlements transitoires régissent la santé et la sécurité dans les deux zones extracôtières : la zone Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et la zone Canada—Nouvelle-Écosse. Nous avons des règlements transitoires qui sont entrés en vigueur en 2014 alors qu’on travaillait à la rédaction des règlements permanents. Comme vous le savez, il faut beaucoup de temps pour mettre en œuvre ces règlements permanents. Cinq années n’ont vraiment pas suffi. Nous avons donc demandé que ces règlements transitoires s’appliquent une année de plus, et les règlements permanents seront prêts à la fin de décembre 2020.

Je crois avoir traité des six modifications qui sont là. Nous pourrions passer aux questions, si vous avez besoin d’éclaircissements.

La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage. Il y a des sénateurs qui aimeraient poser des questions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence ce soir. Lorsqu’on examine le projet de loi et les amendements, tout semble conforme à nos pratiques existantes. Si je comprends bien, il n’y a rien de nouveau et on applique la norme comme on le fait ailleurs. Si tel est le cas, pourquoi le fait-on maintenant? Pourquoi ne pas l’avoir fait lors de l’adoption du projet de loi sur la tarification du carbone?

Philippe Giguère, gestionnaire, Politiques législatives, Environnement et Changement climatique Canada : Je peux commencer à répondre à votre question et mes collègues pourront compléter, le cas échéant. Effectivement, lorsque vous avez vu passer devant vous le projet de loi qui est maintenant une loi, soit la Loi sur la tarification sur la pollution causée par les gaz à effet de serre dans laquelle on retrouve la partie qui prévoit la possibilité d’incorporation par renvoi, ces autorités auraient pu être utilisées.

Cela dit, dans ce cas précis et dans l’esprit de cogestion des lois et de mise en œuvre des accords, Terre-Neuve-et-Labrador a demandé spécifiquement de procéder par le biais de cette loi. En fait, c’est l’accommodement qui est présenté dans les modifications proposées devant vous.

Le sénateur Massicotte : Est-ce qu’on parle de cogestion avec toutes les autres provinces? On a beaucoup de cogestion qui se fait avec Terre-Neuve-et-Labrador pour les puits extérieurs? Est-ce que c’est conforme à cette pratique?

M. Giguère : Ce sont les zones extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse qui sont gouvernées par la législation dont est responsable Ressources naturelles Canada. Ce sont des lois miroirs. Donc, l’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador a une loi similaire et s’apprête à apporter des amendements similaires à ceux qui sont soumis au Parlement en ce moment.

C’est dans cet esprit de cogestion.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Merci beaucoup. Pouvez-vous me dire jusqu’à quelle distance des côtes le Canada va exiger la taxe sur le carbone? Je viens de recevoir une note disant que Hibernia se trouve à 300 kilomètres des côtes, et que Hebron, Terra Nova et White Rose sont à 350 kilomètres des côtes. Jusqu’à quelle distance le Canada va-t-il dire que tout est taxable?

M. Giguère : La zone extracôtière est définie dans la loi visant l’accord. Ce régime peut donc s’appliquer jusqu’à la limite de la zone extracôtière définie dans la loi visant l’Accord Canada—Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Où est-ce écrit? Où est-ce, dans ces amendements? La taxe sur le carbone est une nouvelle mesure. Ou est-ce simplement théorique, et nous discutons de ce qui est actuellement taxé et de ce qui le sera plus tard?

M. Giguère : Les amendements proposés sont dans la Loi de mise en œuvre de l’accord. Je pense que la Loi de mise en œuvre de l’accord comprend la réglementation qui définit la limite ou le territoire de la zone extracôtière visée par cette mesure législative. Les gens de RNCan auront peut-être des commentaires. Ce qu’on propose par l’intermédiaire de ces amendements, c’est l’incorporation par renvoi du régime provincial. Le régime provincial de Terre-Neuve est mentionné là-dedans.

[Français]

C’est un peu comme étirer la couverture. En ce qui concerne le régime provincial qui sera mis de l’avant à Terre-Neuve-et- Labrador, ce qui est suggéré au Parlement, c’est d’étirer la couverture pour que ce régime puisse s’appliquer dans la zone extracôtière qui est définie dans la loi de mise en œuvre de l’accord.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : La taxe canadienne sur le carbone s’appliquera-t-elle à toutes les activités dans cette zone, y compris les navires qui y circulent et toute autre activité en mer dans la zone que vous avez décrite? Tous ces navires devront-ils désormais payer une taxe sur le carbone?

Judy Meltzer, directrice générale, Bureau de la tarification du carbone, Environnement et Changement climatique Canada : Terre-Neuve-et-Labrador prévoit mettre en œuvre son propre régime de tarification du carbone. La province a fourni au fédéral les détails de l’approche qu’elle préconise pour s’assurer qu’elle se conforme aux critères de référence fédéraux.

Terre-Neuve-et-Labrador implantera son propre régime. Je ne prétends pas pouvoir donner des détails au nom de la province, mais le régime inclura une redevance sur le carburant et une tarification de la pollution applicable à l’industrie lourde. Toutefois, le régime fédéral ne s’appliquera pas à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Le régime fédéral ne s’appliquera pas au transport maritime?

Mme Meltzer : Le régime fédéral ne s’appliquera pas à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Neufeld : Et la Nouvelle-Écosse?

Mme Meltzer : La Nouvelle-Écosse... Comme on l’a mentionné ce matin, les provinces et les territoires peuvent mettre en place leur propre système. Le régime de tarification des émissions de carbone proposé par la Nouvelle-Écosse est un système de plafonnement et d’échange. La province est aussi en voie de se conformer aux critères fédéraux, ce qui signifie que le régime fédéral de tarification de la pollution par le carbone ne s’appliquera pas non plus à la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Neufeld : Donc, vous dites que la zone couverte est entièrement de compétence provinciale. Le fédéral n’a aucune compétence en zone extracôtière? Je trouve cela un peu difficile à croire.

M. Giguère : Dans la zone extracôtière... Voilà pourquoi l’incorporation par renvoi est proposée par l’intermédiaire des amendements. La zone extracôtière est une zone fédérale. Encore une fois, il est précisément question de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador, qui est axée sur la cogestion. C’est une loi miroir; les amendements proposés par l’Assemblée législative devront aussi être axés sur la cogestion.

J’ajouterais un détail. Au paragraphe 164.2(2) du projet de loi, il est précisé que l’incorporation par renvoi du régime provincial est liée à la tarification des émissions de gaz à effet de serre et ne s’applique pas aux dispositions en vertu desquelles est imposée une taxe. Donc, les amendements relatifs à la zone extracôtière ne s’appliquent pas aux mesures de taxation. C’est uniquement lié au régime de tarification des émissions proposé par Terre-Neuve. Essentiellement, ce régime est semblable au régime fédéral, mais il s’applique aux grands émetteurs industriels de la zone extracôtière.

Le sénateur Neufeld : Merci.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre exposé.

Dans son annonce par communiqué de presse du 27 novembre, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador indique :

La mise en œuvre du plan provincial dépend de la mise en œuvre d’un système national de tarification du carbone. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador se réserve le droit d’annuler son plan si toute autre province ou tout autre territoire ne met pas en place son propre régime ou ne se conforme pas au filet de sécurité fédéral.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Meltzer : Je n’ai pas de commentaire précis sur la façon dont le gouvernement de Terre-Neuve présente sa stratégie. D’après ce que je comprends, l’approche pancanadienne vise l’instauration d’une tarification sur la pollution à l’échelle du pays. À mon avis, si cette mesure n’était pas appliquée à l’échelle nationale, certaines administrations pourraient être préoccupées quant à l’uniformité des règles. Je ne peux faire de commentaire précis sur l’objectif de ce communiqué.

La sénatrice Seidman : Essentiellement, ils disent qu’ils annuleraient leur plan si « toute autre province ou tout autre territoire ne met pas en place son propre régime ou ne se conforme pas au filet de sécurité fédéral ». Voilà ce qu’ils disent; c’est donc lié au filet de sécurité fédéral.

Mme Meltzer : En ce qui concerne la dernière partie de cette question, je peux confirmer, comme indiqué dans l’annonce du 23 octobre du gouvernement du Canada, que le régime fédéral de tarification de la pollution par le carbone s’appliquera intégralement ou en partie dans les administrations précisées à ce moment-là. Il s’appliquera donc en partie en Saskatchewan et à l’Île-du-Prince-Édouard, et intégralement au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Yukon et au Nunavut. Quant aux autres, les Territoires du Nord-Ouest prévoient mettre en œuvre leur propre régime; la Colombie-Britannique et l’Alberta ont déjà leur propre régime; la Nouvelle-Écosse a un système prévu qui satisfait aussi aux critères, et l’Île-du-Prince-Édouard a entrepris, en partie, la mise en œuvre de son propre système. Tout cela pour dire que toutes les administrations ont agi, soit pour mettre en œuvre un plan conforme aux critères, soit pour adhérer au régime fédéral ou encore pour maintenir leurs systèmes actuels.

La sénatrice Seidman : Madame Tobin, dans votre exposé, vous avez dit qu’une des dispositions du projet de loi vous permet de décider qu’une administration ne satisfait plus aux normes du gouvernement fédéral. Je suppose que vous imposeriez alors votre propre filet de sécurité.

Mme Tobin : Je vais laisser mes collègues d’Environnement Canada répondre à la question, puisqu’il y a un processus.

Mme Meltzer : En 2016, lorsque l’annonce a été faite, on partait du fait que diverses administrations du pays avaient déjà un régime de tarification efficace. L’approche pancanadienne du fédéral vise à établir des critères communs permettant une grande latitude pour l’adoption de systèmes différents, notamment un système de plafonnement et d’échange ou une tarification directe. Les provinces et territoires devront évidemment mettre en œuvre les régimes de tarification adaptée à leurs propres contextes, mais il s’agit d’établir des critères de référence communs pour assurer un minimum de rigueur.

Dans la lettre ouverte de décembre 2017 envoyée à leurs homologues, les ministres Morneau et McKenna ont indiqué que les régimes ou les plans provinciaux et territoriaux feraient l’objet d’une évaluation annuelle pour déterminer s’ils satisfont aux critères, aux points de repère ou aux normes du fédéral — il y a toutes sortes d’appellations. Si, pour une raison quelconque, une administration souhaitait adhérer au système fédéral plutôt qu’avoir son propre régime, ou choisissait de mettre en œuvre des mesures partielles ou de n’avoir aucun système, le régime fédéral s’appliquerait. Cette approche pancanadienne est demeurée relativement inchangée depuis l’annonce, en 2016.

La sénatrice Seidman : C’est intéressant, car, dans un autre article du 27 novembre, on s’interroge sur le caractère laxiste de cette tarification. On a l’impression qu’à Terre-Neuve, le régime est beaucoup plus laxiste et que les exceptions sont nombreuses. Beaucoup d’entreprises sont exemptées de cette taxe.

Mme Meltzer : Je sais que Terre-Neuve-et-Labrador a toujours l’intention de mettre en œuvre son système proposé.

De toute évidence, les critères de références qui sont énumérés — je serais ravie de vous fournir la liste complète — permettent une certaine souplesse. En effet, on reconnaît l’existence de circonstances particulières qui nécessiteraient un système adapté.

Toutefois, pour les systèmes de tarification directe, un prix minimum est établi. Par tarification directe, j’entends une juxtaposition au système de plafonnement et d’échange, donc les endroits où il existe un prix fixe. Le prix de référence sera établi à 20 $ par tonne d’émissions de gaz à effet de serre en 2020, avec une augmentation de 10 $ par année pour atteindre 50 $ la tonne en 2022. Toutes les administrations qui choisissent la tarification directe doivent se conformer à ces critères.

Comme pour le système fédéral, des exemptions sont prévues pour les cas particuliers, comme les conditions uniques du Nord, par exemple. Nous sommes conscients qu’on aura recours à ces exceptions. Des critères communs ont été établis pour assurer un minimum de rigueur, mais sans être trop prescriptif. Pour les systèmes de tarification directe de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, on n’établira pas une norme précise pour les émissions de l’industrie lourde, y compris pour l’industrie extracôtière. Je ne peux en dire plus à ce sujet, évidemment.

Le modèle exige une réduction graduelle des émissions par l’intermédiaire d’un signal de prix du carbone. Les provinces et les territoires ont évidemment des leviers distincts pour les autres mesures à leur disposition, mais le critère fixe un prix de référence minimum.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur l’encadrement des dépenses et sur les investissements provenant du revenu de la taxe et de la perception. Si je comprends bien, les revenus seront perçus et le gouvernement du Canada n’émettra pas de directive sur la façon dont ils devront être dépensés, par exemple en investissant dans la province ou dans la zone extracôtière. Les provinces auront donc carte blanche. Pourquoi le gouvernement fédéral ne prend-il pas une part des revenus de la taxe, comme c’est le cas pour d’autres redevances dans le cadre d’ententes de développement extracôtier?

Mme Meltzer : Merci de la question. Je m’excuse, mais je vais poursuivre en anglais.

Le sénateur Carignan : C’est votre droit constitutionnel en vertu de l’article 133.

Mme Meltzer : Je suis sûr qu’il y aura une traduction. Je veux être précise, même si je devrais pratiquer mon français.

[Traduction]

Encore une fois, le modèle pancanadien était un engagement clair selon lequel les administrations... À l’époque, certaines provinces — la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Québec et l’Ontario — avaient déjà un régime. Donc, les provinces et territoires qui mettent en place leur propre système pourront bien sûr utiliser les recettes à leur guise. Si on examine les systèmes existants, on voit que les recettes sont utilisées de diverses façons. Par exemple, elles servent à réduire encore plus les émissions, notamment au Québec, avec le Fonds vert. L’Alberta les utilise pour atténuer l’impact financier pour les familles à revenu faible et moyen. Les recettes de la tarification de la pollution peuvent être utilisées à diverses fins.

L’engagement est de permettre aux provinces et aux territoires qui mettent en place leur propre régime d’utiliser les recettes à leur guise, ce qui vient confirmer votre affirmation, je pense.

Dans le cas du régime fédéral, il a été convenu que les recettes de la tarification directe seraient versées à la province ou au territoire d’origine, c’est-à-dire là où elles sont générées. Cela dit, ce n’est que lorsque le système fédéral s’applique. Pour ce qui est de Terre-Neuve-et-Labrador, la province met en place son propre système et pourra donc décider elle-même de l’utilisation des recettes.

[Français]

Le sénateur Carignan : La perception peut représenter des montants faramineux dans un secteur, alors que l’investissement pour la plus-value environnementale, par l’entremise de mesures plus vertes pour diminuer les gaz à effet de serre, ne se fait pas nécessairement au même endroit et pourrait se retrouver dans une autre province. On risque de créer un certain déséquilibre.

Mme Meltzer : Je m’excuse si je n’ai pas compris parfaitement la question, et vous pourrez me corriger.

[Traduction]

De toute évidence, les choix d’une province quant à l’utilisation des recettes ont une incidence positive ou négative sur les initiatives, mais dans l’ensemble, la tarification est une mesure incitative. Elle vise à obtenir des réductions là où elles sont moins coûteuses. Donc, une province qui a son propre système obtiendra des réductions dans les secteurs où les coûts sont les plus bas. Investir les revenus dans les initiatives de réduction des émissions d’autres secteurs permet d’obtenir des réductions supplémentaires.

Cependant, l’effet sera différent si elles sont utilisées pour réduire les répercussions sur les coûts, innover ou stimuler l’innovation dans les technologies propres en particulier dans le secteur industriel. Dans un sens, l’utilisation qu’on fait des recettes ne nuit pas au signal de prix qu’on envoie. À l’échelle macro-économique, les occasions de réduction des émissions sont plus nombreuses.

Ai-je oublié une partie de la question?

[Français]

Le sénateur Carignan : On a eu cinq ans pour adopter des normes en matière de santé et de sécurité au travail. On n’a pas été capable de le faire en cinq ans, et on demande une année de plus. Pourquoi? Cela m’échappe.

[Traduction]

Mme Tobin : Nous avons constaté que l’élaboration de la réglementation nécessite la participation de multiples intervenants. On parle d’un ensemble de règlements très techniques. Nous avons aussi constaté qu’on avait manqué de temps pour accomplir le travail. Des consultations sont aussi nécessaires.

Je crois aussi savoir, d’après les commentaires de mes collègues qui participaient plus étroitement au processus, que cela s’ajoutait à la charge de travail liée à d’autres règlements.

Une évaluation quinquennale a été demandée et nous l’avons faite. À l’époque, nous pensions que c’était suffisant, mais ce ne l’était pas, en réalité. En ne prolongeant pas la période de validité des règlements transitoires, on risquait de se retrouver sans règlements en matière de santé et de sécurité au travail avant que les règlements permanents ne soient prêts.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de vos témoignages.

Je voulais parler de la Nouvelle-Écosse. Nous avons entendu que la Nouvelle-Écosse a un plan conforme au Cadre pancanadien de plafonnement et d’échange, mais que l’Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les ressources pétrolières au large des côtes n’y sera pas assujetti et que la Nouvelle-Écosse n’a pas demandé d’amendements pour cet accord. Par conséquent, par ce que je comprends, le filet de sécurité fédéral s’appliquera.

Comment est-ce que cela fonctionne? La province a un plan conforme au cadre pancanadien, de sorte que le filet de sécurité ne s’applique pas, mais il s’appliquerait à ce projet extracôtier précis cogéré par la province et par le fédéral? Comment le filet de sécurité peut-il s’appliquer à ce projet, qui est cogéré par la Nouvelle-Écosse?

Mme Meltzer : Merci de la question.

J’aimerais apporter une précision. À certains égards, étant donné les projections relativement uniques quant à l’évolution des émissions des activités extracôtières de la Nouvelle-Écosse, on ne s’attend pas à ce que ces émissions soient visées, contrairement à celles de Terre-Neuve et d’autres. Donc, concrètement, le filet de sécurité fédéral ne s’appliquera pas aux activités extracôtières de la Nouvelle-Écosse. Ce n’est pas l’intention.

La ministre de l’Environnement et le ministre Morneau ont indiqué que les systèmes pourront évoluer au fil du temps, à l’instar des trajectoires d’émissions. Donc, si de nouveaux projets d’exploitation extracôtière entraînaient des émissions, ces émissions seraient visées soit par le régime provincial, soit par le régime fédéral. Toutefois, pour 2019, tel qu’annoncé le 23 octobre, le fédéral n’a pas l’intention d’appliquer son système aux activités extracôtières de la Nouvelle-Écosse, étant donné le déclin manifeste de la trajectoire des émissions.

Le sénateur Woo : Merci.

La sénatrice Simons : Premièrement, je tiens à dire qu’en tant que citoyenne de l’Alberta, je suis heureuse que le gouvernement albertain ait été autorisé à créer son propre régime de tarification du carbone et à l’utiliser comme bon lui semble.

J’ai quelques questions sur la législation en matière de santé et sécurité au travail. Je n’ai pas très bien compris ce qui se passe. Est-ce une transition d’une loi fédérale à une loi provinciale? Cela a-t-il une incidence sur les protections offertes aux travailleurs des plateformes extracôtières, un milieu très dangereux?

Mme Tobin : Cet amendement ne change rien. Nous demandons le prolongement des règlements transitoires. Ce sont des règlements en matière de santé et sécurité au travail qui s’appliquent aux deux zones extracôtières. Ils sont entrés en vigueur en 2014.

La sénatrice Simons : S’agit-il de règlements fédéraux?

Mme Tobin : Ce sont des règlements fédéraux et provinciaux. Comme l’a expliqué mon collègue, je crois, pour les deux zones extracôtières, il y a les lois fédérales et provinciales et les règlements fédéraux et provinciaux, qui concordent.

En 2014, lorsque la Loi sur la santé et la sécurité au travail est entrée en vigueur, les règlements n’étaient pas prêts, et des règlements transitoires ont été adoptés. Je pense qu’il a été convenu qu’un ensemble de règlements antérieurs continueraient de s’appliquer jusqu’à ce que des règlements permanents soient élaborés.

Il s’agit d’un exercice de modernisation. D’autres exercices semblables sont en cours pour ces règlements qui régissent les deux zones extracôtières.

Ainsi, cela ne change pas la modification. Il s’agit seulement de demander une année de plus pour la mise en œuvre des règlements permanents.

Pour en revenir à la réponse que j’ai fournie au sénateur, si les règlements permanents ne sont pas prêts d’ici la fin de 2019, on risque de se retrouver sans règlement régissant cette zone. C’est la situation que la prolongation vise à éviter.

La sénatrice Simons : Cela me semble terriblement long. Qu’est-ce qui retarde les choses?

Mme Tobin : Comme je l’ai dit, il s’agit de deux gouvernements provinciaux, et cela nécessite toujours plus de temps. Comme vous pouvez le comprendre, il faut plus de temps. Il y a deux organismes de réglementation. Des consultations doivent être menées. Malheureusement, je n’ai pas participé à leur élaboration, mais je crois comprendre que ce sont des règlements assez techniques, qui portent entre autres sur la plongée sécuritaire.

Cette évaluation de cinq ans constituait un idéal. Je crois que nous avons tous fait notre possible pour que cela fonctionne, mais cela n’a pas été le cas.

Nous nous efforçons toujours de respecter cette échéance. Il s’agissait de s’assurer que si l’on n’arrivait pas à terminer à temps, on ne se retrouverait pas sans règlement sur la santé et la sécurité.

La sénatrice Simons : Les règlements sur la santé et la sécurité au travail des deux provinces doivent-ils être exactement les mêmes? J’imagine que cela retarderait les choses encore plus. Évidemment, les régimes de tarification du carbone seront différents, mais est-ce que les mêmes règles sur la santé et la sécurité au travail s’appliquent aux zones extracôtières de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve?

Mme Tobin : Dans le cas de la santé et de la sécurité au travail, les deux provinces ont convenu d’adopter un régime uniforme pour les deux zones extracôtières. Nous avons tous pu nous entendre là-dessus.

La sénatrice Simons : Merci.

Le sénateur Woo : Je veux revenir à la Nouvelle-Écosse. Dans la note d’information du ministère des Finances, ou il s’agit peut-être de celle d’un de vos ministères, on dit que le filet de sécurité s’appliquerait à la Nouvelle-Écosse, mais je crois comprendre que parce que le profil des émissions ne nécessite pas de filet de sécurité, il ne sera pas appliqué. Mon interprétation est-elle bonne?

Mme Meltzer : Oui. Je suis désolée si la note contenait de l’information erronée, mais je peux vous confirmer que comme on l’a annoncé le 23 octobre, le régime fédéral ne s’appliquera pas à la Nouvelle-Écosse, ni en zone continentale, ni en zone extracôtière. C’est exact. Cela reflète le déclin anticipé de la trajectoire des émissions.

Le sénateur Woo : Peut-être que l’information fournie dans la note d’information est fausse. La trajectoire des émissions change et une tarification ou un autre régime ne seront donc peut-être pas nécessaires, mais dans la mesure où un régime s’appliquerait si la trajectoire changeait, quel serait ce régime?

Mme Meltzer : Nous comprenons que les régimes et les choix peuvent changer. Il s’agit d’une évaluation continue en quelque sorte. L’évaluation effectuée par rapport aux critères de référence est une évaluation annuelle, mais si, par exemple, de nouveaux projets étaient menés dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse et qu’ils entraînaient des émissions de gaz à effet de serre, la province pourrait élargir son propre régime de tarification pour qu’il couvre ces émissions. Dans ce cas, il nous faudrait veiller à ce que ce soit possible. Nous avons pris des mesures en ce sens, mais il se peut qu’on préfère la démarche fédérale, qui est conçue pour être appliquée en tout ou en partie. Je reviens à votre question initiale. Le filet de sécurité fédéral pourrait ne couvrir qu’une partie des émissions de la province selon le choix qui est fait ou la situation.

Le sénateur Woo : La province avait dit qu’elle voulait que l’accord soit révisé de la même façon que celui de Terre-Neuve, mais je crois comprendre qu’elle a changé d’idée. Est-ce que c’est parce quelle s’est rendu compte que le profil des émissions ne nécessiterait pas la mise en place d’un plan ou y avait-il une autre raison? Pourquoi a-t-elle voulu, au départ, qu’on envisage d’apporter le même type de modification que nous envisageons pour Terre-Neuve s’il ne s’agissait pas d’une question en premier lieu?

Mme Tobin : Je vous remercie de la question. Je ne ferais que des suppositions ici. Je ne connais vraiment pas les raisons pour lesquelles elle a changé d’idée et d’approche sur le carbone pour les zones extracôtières, voire plus généralement pour la zone terrestre.

Je crois qu’avec la fin de la production et des activités liées aux projets de gaz naturel en mer à la fin de l’année civile, il n’était pas urgent d’établir un régime de tarification du carbone pour la zone extracôtière à ce moment-ci et d’apporter ces modifications miroirs aux dispositions législatives de mise en œuvre de l’accord atlantique.

Or, les discussions se poursuivent pour déterminer la voie à suivre si le profil et le mécanisme de réglementation du carbone qui convient devaient changer ultérieurement.

Le sénateur Woo : Il me semble étrange qu’il n’y ait pas de mécanisme par défaut pour inclure la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse dans le cadre pancanadien alors que l’idée est de s’assurer que tout est couvert, que ce soit au moyen d’un système de plafonnement et d’échange ou d’une tarification du carbone. Bien entendu, un prix du carbone ne s’appliquerait pas à un secteur qui n’émet pas de carbone. Ce n’est pas parce qu’un prix est fixé qu’il est appliqué à un produit ou à un service; il s’agit de déterminer s’il y a une teneur en carbone.

Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, il est étrange que rien ne la couvre, au motif que le profil des émissions change, alors qu’on peut avoir un régime qui la couvre et ne la pénalise pas, qui n’entraîne pas de pénalités ou de coûts pour ce secteur.

Mme Meltzer : Je crois que vous parlez d’un des principaux critères de référence fédéraux. Il s’agissait d’assurer une large couverture de principales sources d’émissions, et c’est explicite. Il indique, par exemple, la couverture d’émissions en Colombie-Britannique comme ligne directrice générale, en reconnaissant qu’il y a différentes sources d’émissions. Les sources varient selon les administrations, et certaines n’ont pas les mêmes que la Colombie-Britannique.

Comme d’autres provinces, la Nouvelle-Écosse devait soumettre son plan de tarification de la pollution cet automne. Toutes les provinces avaient jusqu’en septembre pour le faire. Les plans ont tous été évalués en fonction de ce même critère. Le système de plafonnement et d’échange proposé par la Nouvelle-Écosse couvre toutes ses principales sources d’émissions. Encore une fois, c’est l’un des critères. Les systèmes doivent répondre aux exigences rigoureuses, se fonder sur les dispositions législatives, et cetera. Il y a une longue liste de critères, et on a jugé que la proposition de la Nouvelle-Écosse les respectait.

Je suis désolée si je dis la même chose, mais cette évaluation est menée chaque année. Il est difficile de prédire où seront faits les investissements, mais les critères feront en sorte que toute source principale d’émissions est couverte par une tarification sur la pollution.

[Français]

Le sénateur Mockler : J’ai écouté attentivement les réponses données par les fonctionnaires.

Bonjour, madame Meltzer, nous nous voyons souvent, ces temps-ci.

[Traduction]

J’écoute attentivement ce qui est dit sur le plan de tarification du carbone de Terre-Neuve-et-Labrador. Le plan vise à remplacer la taxe sur l’essence temporaire de 4 p. 100 par une taxe sur le carbone de 4,42 p. 100. Il contient également de nombreuses exemptions pour les grands producteurs et les consommateurs, et cela suscite beaucoup de questions. Certains ont dit que ce plan de tarification du carbone était trop souple. Je viens du Nouveau-Brunswick, et le gouvernement fédéral a jugé que ce plan concordait avec les normes de Terre-Neuve, mais le plan du Nouveau-Brunswick a été rejeté.

Pouvez-vous en expliquer la raison, ou les raisons, et nous dire ce que devrait faire le Nouveau-Brunswick?

Mme Meltzer : Je peux certainement dire que tous les systèmes sont évalués systématiquement en fonction de critères de référence communs et de l’approche pancanadienne. Le modèle fédéral, dans la mesure où les administrations doivent respecter des critères communs de rigueur et d’efficacité, permet aux administrations de mettre en œuvre le type de régime d’une façon qui est sensée dans leur situation. Il y a donc des différences entre les divers régimes au pays tant sur le plan du système de tarification que sur la façon dont c’est appliqué.

Je ne pourrais pas en dire davantage, et cela dépasse quelque peu la portée des questions sur les zones extracôtières. Or, je peux vous assurer qu’ils sont tous évalués systématiquement en fonction des critères de référence et mènent à des réductions graduelles par l’intermédiaire d’un signal de prix du carbone.

Le sénateur Mockler : Vous n’avez pas expliqué pourquoi le plan a été refusé. Pouvez-vous l’expliquer?

Mme Meltzer : Ce que je peux dire, c’est que le système a été évalué en fonction des critères de référence. Je n’ai pas le document ici, mais je pourrai revenir là-dessus. Il est très détaillé. Il contient des pages de conseils sur les exigences du système, et les plans de chaque administration ont été systématiquement évalués en fonction des mêmes critères. C’est en fonction de l’évaluation systématique qu’on a déterminé si les systèmes étaient conformes ou non.

Le sénateur Mockler : J’ai une dernière question. Je crois que nous devons examiner cela en fonction d’une vision pancanadienne et de critères, mais votre réponse ne me satisfait pas. Pourriez-vous informer la greffière des raisons et de la façon dont le Nouveau-Brunswick a été évalué et des critères et des aspects de la vision pancanadienne qu’il n’a pas respectés?

Mme Meltzer : Encore une fois, je dirais que cela dépasse un peu la portée des modifications sur la zone extracôtière, mais je serai très heureuse de vous fournir l’information sur les critères qui ont servi à évaluer tous les systèmes. Nous pourrons certainement fournir les documents à la greffière.

Le sénateur Mockler : La décision a-t-elle été prise par des fonctionnaires ou par la ministre?

Mme Meltzer : L’évaluation systématique a été effectuée par Environnement et Changement climatique Canada, et le gouvernement a ensuite pris une décision fondée sur l’évaluation.

Encore une fois, je crois que cela dépasse un peu la question de la zone extracôtière, et je n’ai donc pas beaucoup de renseignements à vous donner, mais, en décembre 2017, les ministres Morneau et McKenna ont demandé aux provinces et aux territoires de présenter leurs plans au plus tard le 1er décembre. Le ministère a collaboré étroitement avec toutes les administrations — tant Finances Canada qu’Environnement et Changement climatique Canada — pour fournir du soutien technique, des modélisations, des précisions, des évaluations, et cetera.

Les provinces et les territoires ont présenté l’information sur leurs systèmes actuels ou prévus. Les critères de référence, dont les informations supplémentaires publiées en août 2017 et ensuite en décembre 2017, ont été utilisés pour des évaluations très systématiques, de sorte qu’une approche cohérente a été utilisée. Environnement et Changement climatique Canada était le ministère responsable.

Le sénateur Patterson : J’aimerais poser une question précise sur le projet de loi, soit sur le paragraphe 164.2(2), qui précise que l’application du régime provincial de tarification du carbone dans les zones extracôtières Canada-Terre-Neuve-et-Labrador exclut tout élément relatif à des taxes du régime provincial d’établissement de prix du carbone.

Quelle est la distinction qui est faite entre une taxe et un régime de tarification du carbone dans ce paragraphe? J’ai toujours pensé qu’employer « tarification du carbone » était une façon euphémique de parler de la taxe sur le carbone, mais il s’agit vraiment de la même chose. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, dans ce paragraphe, on traite de la taxe et de la tarification du carbone comme s’il y avait une différence?

M. Giguère : Cette disposition est ajoutée parce que le gouvernement du Canada croit que les éléments et les paramètres d’une taxe fédérale devraient être déterminés par le Parlement. Dans le contexte de ces modifications, l’objectif était d’incorporer par renvoi le système de Terre-Neuve pour les émetteurs industriels. Ce n’était pas d’incorporer par renvoi une taxe provinciale sur le carbone, mais seulement le régime de tarification des émissions proposé par Terre-Neuve.

Encore une fois, je le répète, le principe à la base, c’est qu’une taxe fédérale devrait être déterminée par le Parlement, et parce que ce qui est proposé ici, c’est l’incorporation par renvoi, cela retirerait au Parlement la capacité d’envisager pleinement l’imposition d’une taxe.

C’est aussi le type de disposition que nous avons pour l’incorporation par renvoi d’un régime provincial en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Il s’agit d’une disposition type que vous trouveriez dans nos mesures.

Le sénateur Patterson : Je crois comprendre que, dans le projet de loi, « taxe » signifie « taxe fédérale » par opposition aux régimes de tarification provinciaux. Le mot « taxe » est-il défini de sorte que nous soyons sûrs qu’il est question de la compétence fédérale?

M. Giguère : Dans ce contexte, « taxe » se rapporte à une taxe provinciale. Donc, concernant la disposition dont vous avez parlé, il s’agit d’une taxe provinciale.

Le sénateur Patterson : Et le terme est-il défini de sorte que nous n’ayons pas à consulter un spécialiste comme vous lorsque nous essaierons de comprendre ce qu’il signifie?

M. Giguère : Le terme n’a pas été défini dans le projet de loi.

Le sénateur Patterson : Cela ne pourrait-il pas semer la confusion?

M. Giguère : J’imagine...

Le sénateur Patterson : Peut-être pas pour vous.

M. Giguère : Évidemment, on essaie toujours de définir chaque terme d’un projet de loi. Dans ce cas, « taxe » est employé dans son sens général, et il appartiendra aux tribunaux...

[Français]

... de trancher sur les paramètres exacts à ce sujet.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Les modifications permettraient à la province de déléguer à l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers l’autorité d’appliquer et de gérer le régime provincial de tarification du carbone à Terre-Neuve-et-Labrador. Est-ce que ce nouveau pouvoir se traduirait par l’ajout de responsabilités pour l’office, et l’office a-t-il les capacités qu’il faut pour les assumer?

Mme Tobin : Je vous remercie de la question. Ce seront de nouvelles responsabilités qui nécessiteront probablement de nouvelles ressources, financières et humaines.

Concernant la disposition sur la récupération des coûts dont j’ai parlé plus tôt, dans votre document, on indique que le gouvernement provincial fournira les ressources financières. L’office, l’organisme de réglementation, récupérera les coûts liés à l’administration du régime provincial de tarification du carbone. L’argent recouvré sera retourné entièrement à la province.

Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Patterson : Merci.

[Français]

La présidente : Puisqu’il n’y a plus de questions, nous tenons à remercier les témoins de leur présence.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

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