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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 29 - Témoignages du 16 mai 2017


OTTAWA, le mardi 16 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 14 h 15, pour étudier la teneur des éléments des sections 10 et 17 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures (sujet : Section 10 de la partie 4 du projet de loi C-44).

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à tous, chers collègues, témoins et membres du public qui suivez les présentes délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous entreprenons aujourd'hui d'examiner les éléments des sections 10 et 17 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures. Nous commençons par la section 10, qui apporte certaines modifications à la Loi sur les juges, puis nous étudierons la section 17 plus tard ce mois-ci.

Nous entendrons durant la première heure, du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale, le sous- commissaire Marc Giroux, et de la Commission d'examen de la rémunération des juges. M. Gil Rémillard, président de la Commission quadriennale, Me Peter Griffin et Mme Margaret Bloodworth, tous deux membres de la Commission quadriennale, et Mme Louise Meagher, directrice exécutive. Merci à vous tous de votre présence. Monsieur Giroux, vous avez la parole.

Marc Giroux, sous-commissaire, Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour vous entretenir du rôle de mon bureau et de l'aide que nous apportons à la Commission d'examen de la rémunération des juges.

Je commencerai par exposer très brièvement ce que nous faisons. Je suis sous-commissaire à la magistrature fédérale. En vertu de l'article 74 de la Loi sur les juges, le commissaire est le délégué du ministre de la Justice pour l'application de la partie 1 de la loi, qui traite de la nomination des juges, des salaires, des pensions, des congés, des surnuméraires, et cetera. Nous offrons aussi des services au Conseil canadien de la magistrature, pour lequel nous faisons des présentations budgétaires. Nous lui fournissons aussi du personnel et des locaux.

[Français]

En vertu de la loi, nous avons d'autres responsabilités en ce qui concerne l'administration de la justice, notamment l'administration du processus de nomination à la Cour suprême du Canada et aux cours supérieures et l'élaboration de la liste des postes.

[Traduction]

Notre mission en général est de préserver l'indépendance judiciaire. Nous sommes indépendants du ministère de la Justice et notre personnel est très restreint.

En ce qui concerne la Commission quadriennale, la Commission d'examen de la rémunération des juges, nous lui fournissons un soutien mais elle est indépendante de notre bureau. Conformément à l'article 26 de la Loi sur les juges, elle est constituée aux quatre ans pour examiner les salaires et aux autres avantages consentis aux juges. Les commissaires sont nommés de la manière suivante : un est choisi par la magistrature, un autre par le gouvernement et ces deux-là choisissent un président. C'est nous qui nommons le directeur exécutif. Nous sommes très chanceux d'avoir Mme Louise Meagher à ce poste auprès de la dernière commission constituée.

De manière très générale, la commission entend les présentations des parties, à savoir le gouvernement et la magistrature, et fait ses recommandations dans les neuf mois qui suivent. Le gouvernement dispose alors de quatre mois pour réagir et il peut envisager de faire des modifications en conséquence.

[Français]

Les amendements qui sont proposés en ce moment sont le résultat des délibérations et des recommandations de la Commission d'examen de la rémunération des juges. Elle touche le salaire des juges et des protonotaires qui sont, en fin de compte, des quasi-juges des cours fédérales. Elle procure une nouvelle allocation à ces protonotaires. Il y a également d'autres amendements plus techniques qui ont été adoptés à la suite des délibérations de la commission.

[Traduction]

Voilà essentiellement ce que j'avais à dire. Le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale est un petit département indépendant qui offre des services aux juges, administre la partie 1 de la loi, s'acquitte d'autres missions que le ministre peut confier au commissaire, dont la nomination des juges des cours supérieures, ainsi que de la Cour suprême, et j'entends par là l'administration du processus de nomination. Nous assumerons peut-être un autre rôle selon la forme actuelle du projet de loi C-337, qui est rendu devant le Sénat si je comprends bien, et nous apportons notre soutien à cette commission.

[Français]

Sur ce, je cède la parole à M. Gil Rémillard, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions un peu plus tard.

[Traduction]

Gil Rémillard, président, Commission quadriennale, Commission d'examen de la rémunération des juges : Merci beaucoup.

[Français]

Merci de nous avoir invités à comparaître devant votre comité pour discuter du cinquième rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges, que j'ai l'honneur de présider depuis le 18 décembre 2015. Je voudrais simplement mentionner que nous avons rédigé notre rapport en nous référant essentiellement au mandat de la commission, qui est constituée en vertu de l'article 26 de la Loi sur les juges. Ce mandat consiste essentiellement à examiner le caractère satisfaisant des traitements et autres avantages consentis aux juges de nomination fédérale.

La Cour suprême du Canada a confirmé à plusieurs reprises que l'indépendance de la magistrature est la pierre angulaire de l'intégrité de notre système judiciaire et de notre démocratie, tout simplement. Nous savons que cette indépendance doit se fonder sur trois caractéristiques principales : l'inamovibilité, l'indépendance administrative et la sécurité financière, qui est le sujet de notre rapport.

Comme nous le mentionnons à l'article 26 de notre rapport, nous avons adopté une approche qui se fonde sur le bon sens. Nous avons examiné minutieusement le raisonnement des commissions précédentes ainsi que la preuve produite devant nous, et ce, en fonction des facteurs d'analyse énoncés dans la Loi sur les juges. Ce sont ces critères qui, essentiellement, nous ont guidés dans la rédaction de notre rapport.

[Traduction]

Le premier de ces facteurs est l'état de l'économie, y compris le coût de la vie et la situation financière globale du gouvernement; viennent ensuite le rôle de la sécurité financière des juges dans la préservation de l'indépendance judiciaire, le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature et, enfin, tout autre facteur objectif que la commission juge pertinent.

Nos recommandations représentent les opinions réfléchies et unanimes qui, à nos yeux, servent le mieux l'intérêt public en ce qui concerne la rémunération des juges pour la présente période de quatre ans.

Je laisse à Mme Bloodworth le soin de vous en dire davantage sur la grande qualité des présentations et des témoignages d'experts que nous avons entendus de la part de tous les intéressés.

[Français]

Margaret Bloodworth, commissaire, Commission quadriennale, Commission d'examen sur la rémunération des juges : Bonjour. Merci de nous avoir invités à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Traduction]

Je sais qu'il faut faire vite afin d'avoir le plus de temps possible pour répondre à vos questions, aussi je m'en tiendrai à dire combien nous avons profité de la masse des témoignages reçus, dont les témoignages d'experts, les présentations préparées par les jurisconsultes qui ont comparu devant nous lors des deux journées d'audiences que nous avons tenues il y a un an, ainsi que de nombreux mémoires écrits. Les intervenants ont été nombreux, surtout de la magistrature et du gouvernement, évidemment, mais nous en avons aussi entendu beaucoup d'autres, dont le juge en chef de la Cour fédérale.

La qualité des présentations et des témoignages était telle que nous avons convenu à l'unanimité qu'il n'était pas nécessaire d'engager des experts indépendants. Nous en avions suffisamment devant nous, qui avaient répondu amplement à nos questions durant les audiences, mais aussi après lorsqu'ils ont encore étoffé leurs arguments. C'est pourquoi nous tenons à les remercier publiquement d'avoir autant facilité notre travail.

Peter Griffin, commissaire, Commission quadriennale, Commission d'examen de la rémunération des juges : Je prends le relais, monsieur le président, honorables sénateurs. Merci de nous recevoir. La liste des recommandations que nous faisons au gouvernement se trouve au chapitre 8 de notre rapport, dont les principales concernant les salaires des juges.

La première est que les salaires des juges continuent d'être ajustés suivant l'indice de l'ensemble des activités économiques, comme le veut actuellement la Loi sur les juges. La deuxième est de fixer à l'avenir le niveau de rémunération des juges puînés en fonction de cet indice également, afin de respecter l'écart de traitement actuel entre les juges puînés, les juges en chef et les juges en chef adjoints; de ne pas appliquer d'écart de traitement entre les juges des cours d'appel et les juges puînés des cours de première instance; enfin, nouveau point dont la commission devait s'occuper, de fixer les salaires des protonotaires de la Cour fédérale à 80 p. 100 de celui des juges de la Cour fédérale.

À partir de là, nous avons fait d'autres recommandations et redressé quelques anomalies de longue date dans certaines des dispositions les plus détaillées de la loi. Telle est donc la série de recommandations que nous avons faites au gouvernement et auxquelles il a réagi dans le délai prescrit par la loi.

Le président : Vous nous avez déjà aidés à bien prononcer, en anglais, le mot « prothonotaries », qui a fait un peu jaser dans le comité.

Le sénateur Baker : Je le prononce d'ailleurs « proto-notaire » en détachant le préfixe, parce qu'il s'agit bien d'un notaire, mais nous nous en tiendrons à la description de Me Griffin.

Je vais poser mes questions d'un seul coup et vous laisser ensuite y réfléchir. Je suis heureux de vous voir ici, maître Griffin, vous qui avez une vaste expérience de nos tribunaux. Nous avons discuté, en passant, de l'emploi des protonotaires dans des tribunaux autres que la Cour fédérale parce qu'ils relèvent de la Loi sur les juges, et vous venez à juste titre de hausser leur salaire. Nous avons pensé qu'ils pourraient alléger la tâche des juges de première instance si on pouvait les importer du système de la Cour fédérale dans nos tribunaux criminels.

Je tiens à vous remercier d'avoir mis les juges du Labrador sur un pied d'égalité avec leurs collègues des autres régions nordiques. J'ai pris cela comme une bonne nouvelle en lisant le document.

Les deux questions qui viennent à l'esprit concernent, en premier lieu, les surnuméraires. On leur verse le même salaire qu'aux juges des cours supérieures, le même salaire que s'ils ne demandaient pas d'exercer à titre surnuméraire. Puis c'est le juge en chef qui leur assigne leurs causes. Avez-vous examiné la charge de travail des surnuméraires par rapport à la charge moyenne d'un juge de cour supérieure, et si le juge en chef leur assigne souvent des causes ou non? Voilà pour ma première question.

À propos de la retraite des juges, quand on sait qu'un juge est à la veille de prendre sa retraite à 75 ans, n'y aurait-il pas moyen d'annoncer son remplaçant le jour même? Il doit y avoir une raison. Toute personne sensée dirait : « Cela paraît raisonnable. Qu'y a-t-il de mal à cela? Qu'est-ce qui nous empêche de le faire? »

Maître Griffin, vous avez dit qu'il n'y aurait pas d'écart de traitement. Il y en a un entre le juge et le juge en chef d'une cour supérieure. Il y a un écart entre tous les juges en chef et les personnes qui sont juges dans la même cour. Il n'y en a pas entre un juge de cour supérieure et un juge de la Cour d'appel. J'imagine que vous avez entendu des intervenants dire qu'il devrait y avoir un écart, fondé sur la hiérarchie. Chose certaine, lorsqu'on se rend jusqu'à la Cour d'appel et que la cause s'arrête là, il n'y a plus de recours après. Il y a toujours la Cour suprême, mais vous savez comme moi que les chances sont très minces de voir sa cause portée devant la Cour suprême du Canada? Sur quoi vous êtes-vous fondés pour refuser un écart de traitement entre ces deux catégories de juges?

M. Griffin : Sénateur Baker, permettez-moi de remonter le fil de vos questions.

Dans notre rapport, nous mentionnons deux facteurs à considérer dans l'écart de traitement. Le premier est le degré de subjectivité qu'il y aurait à essayer de distinguer entre l'importance du rôle d'un juge de première instance, devant qui la plupart des affaires prennent fin, et celle d'un juge de cour d'appel. En second lieu, quand on examine les statistiques recueillies dans les différentes cours d'appel, on se rend compte que les juges en faveur de l'écart de traitement sont en minorité. C'est pourquoi notre recommandation est libellée ainsi dans le rapport.

Quant à votre question sur la nomination d'un remplaçant dès qu'un juge prend sa retraite à 75 ans, elle ne relève pas des attributions que nous confère la Loi sur les juges. Je ne peux donc vous être d'aucune utilité à ce sujet, non plus que sur le rôle joué par les juges surnuméraires, sinon pour vous dire qu'à mon avis, sénateur Baker, les surnuméraires travaillent fort dans les tribunaux auxquels j'ai affaire.

Le sénateur Baker : Je n'en doute pas. Il y a longtemps dans ce même comité, vous avez posé la question, monsieur le président, du plein salaire accordé à un juge surnuméraire qui se voit confier du travail périodiquement par le juge en chef. Nous ne doutons pas que ce soient des juges qui travaillent fort. Vous-même êtes un avocat qui travaille fort, maître Griffin. La jurisprudence cite votre nom dans 150 causes. Félicitations.

Le président : Avez-vous un commentaire à ce sujet?

M. Griffin : Non, je suis juste étonné par le nombre.

M. Giroux : Je peux vous en dire davantage à propos des surnuméraires. La loi permet à un juge qui compte au moins 15 années de service et qui atteint le nombre 80 en additionnant son âge et ses années de service, de choisir d'exercer à titre surnuméraire. Il s'agit d'un juge qui exerce depuis de nombreuses années et qui, dès qu'il atteint ce facteur de 80, peut décider de rester juge à plein temps ou de prendre sa retraite, ou encore de devenir surnuméraire de sorte que le tribunal puisse faire appel à lui de temps à autre. Je connais des juges en chef qui tiennent en haute estime la sagesse, pour ainsi dire, ou l'expérience des juges surnuméraires dans leur tribunal.

Quant à la charge de travail, sénateur Baker, elle peut varier d'une cour à l'autre, mais on peut supposer en général que les surnuméraires assument la moitié environ d'une charge de travail normale.

Le président : Y a-t-il un écart important entre le revenu d'un juge retraité et celui d'un surnuméraire?

M. Giroux : Eh bien, oui. Le juge surnuméraire, en ce qui nous concerne, est toujours un juge, payé au plein salaire d'un juge. Une fois à la retraite, s'il a atteint le facteur de 80, s'il a atteint le seuil donnant droit à une pleine pension, celle-ci équivaut aux deux tiers du salaire d'un juge puîné.

Le sénateur McIntyre : Merci à tous de vos présentations. Je constate que les protonotaires recevront une augmentation de salaire, que je trouve justifiée. Je vois aussi qu'ils auraient droit au remboursement des frais juridiques découlant de leur participation au processus d'examen de la rémunération. Pouvez-vous m'expliquer cela, s'il vous plaît? Pourquoi se feraient-ils rembourser des frais juridiques à même les poches des contribuables?

Mme Bloodworth : En bien, les juges y ont droit déjà, à hauteur de 60 p. 100, je crois. Ils ont défendu âprement leur cause, et à défaut de l'appuyer, la magistrature ne l'a certainement pas rejetée. Le problème avec les protonotaires, c'est qu'ils ne sont pas plus de cinq ou six en tout. Lorsqu'un millier de juges assument les frais de représentation encourus durant deux jours d'audiences et un certain nombre de présentations, la somme est relativement modeste pour chacun, tandis que répartie entre cinq ou six personnes, elle est très considérable. Nous en avons donc discuté et, comme l'indique notre rapport, nous n'avons pas accepté la pleine indemnisation parce qu'il n'y aurait plus alors le moindre incitatif à faire preuve de parcimonie dans les dépenses. Par contre, il nous apparaissait très injuste de faire assumer par cinq personnes le coût qu'un millier d'autres environ se partageaient. Voilà comment nous en sommes venus à cette conclusion.

Le sénateur McIntyre : Comme vous dites, ils ne sont que six après tout.

J'attire votre attention sur l'article 24 de la Loi sur les juges, qui prévoit un « bassin » de postes de juges dont les salaires peuvent être payés par le gouvernement du Canada mais qui ne sont pas encore assignés à une juridiction en particulier. Comment fonctionne ce bassin de postes de juges additionnels? Par exemple, si une province édicte une loi en vue de majorer le nombre de juges de ses juridictions supérieures, le traitement des juges serait-il automatiquement versé en vertu de l'article 24?

M. Giroux : Je peux répondre, monsieur le président. L'article 24 parle d'un bassin de postes de juges que le ministre peut de temps à autre attribuer à une juridiction. Ce bassin a été comblé dans les modifications proposées, qui ajoutent 28 nouveaux postes, dont 12 vont à l'Alberta et un va au Yukon. Les autres restent ouverts, si vous voulez, jusqu'à ce que le ministre décide quelles juridictions y auront droit. Pour se voir attribuer un poste, une juridiction doit présenter un dossier complet devant des représentants du ministre, qui pourront vous en dire davantage puisqu'ils témoigneront après nous, si je comprends bien. Donc, ces postes, autres que ceux attribués à l'Alberta et au Yukon dans les présentes modifications, feront l'objet d'une décision ultérieure du ministre.

Le sénateur McIntyre : Donc, combien de postes sont assignés à des juridictions particulières?

M. Giroux : Tous les postes du bassin à l'heure actuelle, tous les autres postes sauf un seul sont attribués à des juridictions. Lors des modifications antérieures de la loi, si le bassin avait été comblé par un certain nombre, ces postes ont tous été répartis dans différents tribunaux à travers le pays et ils y sont maintenant attachés en permanence.

Le sénateur McIntyre : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités.

La section 10 de la partie 4 du projet de loi C-44, qui traite de la Loi sur les juges, prévoit le remboursement des frais juridiques engagés en raison de la participation de protonotaires à une enquête de la commission. Pouvez-vous nous dire à combien s'élèvent ces frais de représentation?

M. Rémillard : Si vous me le permettez, je vais demander à M. Giroux de répondre à votre question.

M. Giroux : Sénateur Boisvenu, je n'ai pas les chiffres à l'heure actuelle. Je ne sais pas si la soumission a été faite à ce sujet, mais c'est une information que je peux obtenir et vous faire parvenir.

Le sénateur Boisvenu : Deux juges font actuellement l'objet d'une enquête de la part du Conseil canadien de la magistrature à la suite de la parution de documents démontrant que ces juges avaient participé à des activités sociales lors d'une conférence fiscale organisée par KPMG. Est-ce que ces juges vont également bénéficier de ces traitements?

M. Giroux : Il y a une disposition qui traite des dépens des juges et des protonotaires en ce qui a trait à leur représentation devant la Commission quadriennale, la disposition à laquelle vous avez fait allusion.

Pour ce qui est des frais juridiques des juges qui font l'objet d'une plainte devant le Conseil canadien de la magistrature ou ceux qui pourraient être poursuivis pour un acte qui découle de leurs fonctions à titre de juges, notre bureau reçoit du financement de la part du Conseil du Trésor du Canada, soit des affectations bloquées qui permettent de rembourser les juges de leurs dépens lorsqu'ils font face à une plainte devant le Conseil canadien de la magistrature. Nous suivons à cet égard les tarifs fixés par le ministère de la Justice et le gouvernement.

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Rémillard, comme ancien ministre de la Justice du Québec, de 1988 à 1995, est-ce que vous avez entendu parler des préoccupations du Québec? Le comité a mené une étude nationale sur les retards judiciaires, et le Québec est dernier de classe au Canada. On sait que le Québec a engagé des fonds additionnels dans le cadre de la loi adoptée à l'Assemblée nationale en décembre dernier, et qu'il versera 150 millions de dollars au cours des quatre prochaines années. Est-ce que votre comité a traité des besoins urgents du Québec en ce qui concerne la magistrature, lesquels besoins la ministre fédérale de la Justice s'est engagée à combler?

M. Rémillard : Je peux vous répondre que, essentiellement, notre mandat au sein de la commission était de faire en sorte qu'on puisse obtenir de bonnes candidatures pour se doter d'une magistrature de haute qualité. Cependant, il ne faisait pas partie de notre mandat de nous attarder à des questions plus politiques comme celles que vous posez et qui relèvent davantage du domaine politique que de notre mandat. Notre rapport s'est limité à déterminer les conditions qui peuvent nous permettre d'affirmer que nous pouvons attirer les meilleurs candidats possible pour être juges, afin que nous puissions avoir au Canada — et nous pouvons en être fiers comme Canadiens — l'un des meilleurs systèmes judiciaires qui existent au monde. Les questions politiques, on les a laissées au ministre.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Je ne sais pas à qui adresser ma question, mais si l'un de vous veut bien y répondre... quiconque s'y prête le mieux. Ce projet de loi omnibus propose à l'article 221 des changements au régime des juges surnuméraires. Pourriez-vous nous expliquer ces changements?

M. Giroux : Quelle partie, plus précisément?

La sénatrice Batters : Dans notre étude des retards judiciaires, nous avons abordé la question des juges surnuméraires, qui revêt peut-être ici quelque pertinence.

M. Giroux : À quel article du projet de loi faites-vous allusion?

La sénatrice Batters : Je renvoyais à l'article 221, mais vous pouvez aussi bien répondre à titre général au sujet des changements apportés au système des juges surnuméraires. Est-ce le bon article?

M. Giroux : Vous parlez de ce qu'on appelle généralement la démission volontaire. C'est une modification très technique, mais, pour l'essentiel, il s'agit de...

La sénatrice Batters : Pourriez-vous commencer par expliquer ce qu'est la démission volontaire?

M. Giroux : Je vais commencer par là. Un juge qui répond à la règle du total des 80 ans a droit à une rente calculée à partir de son traitement au moment où il se retire. Un juge en chef qui a démissionné volontairement de son poste pour assumer un rôle de juge surnuméraire ou de simple juge dans son tribunal a le droit, au moment où il se retire et après avoir servi le nombre d'années exigibles comme juge en chef, à une rente qui n'est pas calculée à partir du traitement d'un simple juge, mais sur le traitement d'un juge en chef, puisque c'est le rôle qu'il assumait auparavant.

Dans les territoires, les juges en chef sont appelés juges principaux. Auparavant, il y avait une lacune dans la loi, de sorte que les juges principaux des territoires ne pouvaient pas démissionner volontairement pour ensuite toucher une rente calculée à partir de leur traitement d'un juge principal.

Dites-moi maintenant si je vous ai perdue, parce que j'essaie moi-même de ne pas me perdre.

Pour l'essentiel, les modifications visent à corriger cette situation pour permettre aux ex-juges en chef qui ont décidé de démissionner volontairement pour assumer un rôle de juge surnuméraire ou de simple juge ou qui ont démissionné d'un tribunal de première instance, par exemple, pour assumer le rôle de juge de la Cour d'appel de la même province, de toucher une rente calculée à partir du traitement d'un juge en chef, puisque c'était leur rôle auparavant.

La sénatrice Batters : Je vous remercie.

Madame Bloodworth, quand cette Commission d'examen de la rémunération des juges a-t-elle été créée et quand y avez-vous été nommée?

Mme Bloodworth : La Commission a été créée, je crois, le 15 décembre 2015. L'élection a eu lieu en octobre, et nous avons tous été nommés en même temps.

La sénatrice Batters : Décembre 2015, donc.

Mme Bloodworth : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je suis désolée d'avoir été en retard, mais j'aimerais comprendre le choix du critère lié à la rémunération, à l'augmentation de la rémunération des juges fondée sur l'ensemble des activités économiques. Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi ce critère a été retenu plutôt qu'un autre, comme l'indice des prix à la consommation?

M. Rémillard : Je vous remercie, madame la sénatrice Dupuis, pour votre question pertinente. C'est une question dont nous avons beaucoup discuté parce qu'elle est fondamentale, bien sûr, et parce qu'elle soulève des considérations qu'il est important de bien comprendre.

[Traduction]

Peter, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Griffin : L'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques, ou IREAE, servait à l'origine, dans la Loi sur les juges, d'indicateur idéal de l'augmentation des salaires de tous les salariés, qu'ils perçoivent un salaire ou un traitement, à l'échelle du pays, par opposition à l'indice des prix à la consommation, qui est un indicateur de la consommation.

Nous avons examiné les mémoires qui nous ont été présentés sur la question de savoir s'il serait plus indiqué d'employer l'indice des prix à la consommation. Nous avons conclu que l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques traduit plus fidèlement les augmentations de salaire, mais nous avons aussi constaté qu'il fait partie intégrante de la Loi sur les juges du point de vue de la rémunération et qu'il a été approuvé par des commissions antérieures.

Nous avons également procédé à une comparaison avec le cas de la rente de juge, qui est indexée en fonction de l'IPC, parce qu'elle serait fondée sur les prix à la consommation plutôt que sur les gains. C'est ainsi que nous en sommes venus aux conclusions exposées dans notre rapport.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce que vous auriez une idée, selon les discussions que vous avez eues, si ce critère que vous avez retenu est plus généreux que celui de l'indice des prix à la consommation?

[Traduction]

M. Griffin : Je ne m'étendrai pas sur nos délibérations parce que je crois qu'elles comportent certaines protections, mais je peux vous dire que nous étions tous parfaitement conscients de la nature de l'IREAE et du fait qu'il peut, parfois, s'écarter de l'IPC, et que cette variation peut être différente d'une fois à l'autre. Nous étions assurément conscients de ce que cela supposait et nous avons estimé qu'il constituait l'indicateur le plus valable et qu'il fallait continuer de l'utiliser.

[Français]

La sénatrice Dupuis : La question que je voulais poser n'était pas claire; je ne voulais pas du tout interférer avec la confidentialité de vos débats. Je voulais simplement savoir, selon les calculs que vous avez faits, s'il s'agissait d'un indice plus généreux que l'indice des prix à la consommation.

[Traduction]

Mme Bloodworth : C'est le cas parfois, et parfois non. C'est le cas le plus souvent. On m'a dit que, cette année, il est inférieur à l'indice des prix à la consommation, et cela traduit probablement une certaine situation économique.

Je vous renvoie au paragraphe 40 de notre rapport : nous avons conclu qu'il était tout à fait approprié d'ajuster le traitement des juges en fonction de l'augmentation moyenne de la rémunération de la population desservie par eux. Cela contribue à garantir un lien cohérent entre le traitement des juges et le salaire des Canadiens en général.

De ce point de vue, notre logique n'est pas compromise par ce qui est plus généreux. Ce qui compte, c'est ce qui est le plus approprié, et c'est le raisonnement qui sous-tendait nos conclusions. Cela s'est révélé le plus souvent plus généreux, comme vous pouvez l'imaginer, parce que les augmentations de salaire des Canadiens n'ont pas seulement à voir avec l'augmentation des prix à la consommation. Elles ont aussi à voir avec la productivité et bien d'autres facteurs.

Il se trouve que cette année est une anomalie, si on veut, parce qu'un autre indice est plus élevé — je parle de l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques —, mais cela ne change rien à notre conclusion, parce que celle-ci s'appuie sur une cohérence avec le salaire moyen des Canadiens.

Le président : J'ai quelques questions. Vous parlez de l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques. Est-ce qu'il est dressé en fonction des quatre dernières années ou de l'année écoulée? Comment ce chiffre est-il calculé?

M. Giroux : L'indice dépend d'un pourcentage fourni par Statistique Canada à notre bureau avant le 1er avril de chaque année, et Statistique Canada tient compte des gains hebdomadaires moyens des Canadiens au cours de la plus récente période possible. Par exemple, cette année, pour l'augmentation enregistrée en vertu de l'IREAE qui nous a été fournie le 1er avril, Statistique Canada avait tenu compte de l'année civile 2016 pour la comparer à l'année 2015 et calculer un pourcentage pour cette période. C'est comme cela qu'ils calculent l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques. Cette année, il était de 0,4 p. 100.

Le président : Monsieur Rémillard, vous avez parlé des critères que vous employez, et j'ai l'impression que le facteur primordial est l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques, mais vous avez aussi parlé d'un certain nombre d'autres choses, comme la situation économique en cours et la situation financière du gouvernement. Comment en arrivez-vous à ces considérations? Par exemple, le gouvernement actuel affiche des déficits importants. Comment cela entre-t-il en ligne de compte dans vos calculs et comment faites-vous pour factoriser ces autres critères et en arriver à une décision?

[Français]

M. Rémillard : Merci, monsieur le président, de votre question. Pour nous, c'était une situation extrêmement importante que de pouvoir établir le contexte économique dans lequel nous devions prendre notre décision. Ce contexte économique, on se le rappelle, au cours des trois et quatre dernières années, était incertain et nous a amenés à regarder de très près l'évolution économique du pays et la situation de l'économie d'une façon générale, telle qu'elle évolue en fonction de différents facteurs. Nous avons entendu plusieurs spécialistes qui sont venus témoigner devant nous, et nous avons reçu aussi les dépositions et les mémoires de spécialistes qui sont venus nous expliquer le contexte général économique.

Je vais demander à Peter de compléter ma réponse.

[Traduction]

Le président : Il faudrait beaucoup trop de temps pour entrer dans tous les détails. Est-ce que des gens se présentent devant votre groupe pour manifester leur opposition? Est-ce que tout le monde est là pour justifier des augmentations? Personne n'exprime donc de préoccupations? L'un des problèmes auxquels ce comité s'intéresse sérieusement est la question des retards dans les procédures judiciaires. Tenez-vous compte du nombre d'appels? Ces enjeux ne font manifestement pas partie de vos considérations. J'ai l'impression, d'après cette brève réunion, que le facteur primordial est l'indice de la rémunération pour l'ensemble des activités économiques et que les autres facteurs sont jugés secondaires et n'entrent pas en ligne de compte dans la décision finale.

M. Griffin : Permettez que je réponde à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées.

Nous avons eu une série de désaccords, compte tenu de faits et des mémoires qui nous ont été soumis, concernant la question de savoir s'il fallait fixer une augmentation supérieure à l'IREAE et s'il fallait employer l'IPC ou l'IREAE. C'est le gouvernement qui a produit des témoins, notamment des témoins experts, pour contredire les soumissions des juges favorables à une augmentation supérieure à l'IREAE. Nous avons entendu beaucoup de témoins, notamment des témoins experts, opposés les uns aux autres concernant les enjeux à faire valoir. En fin de compte, la commission a conclu qu'il ne devrait pas y avoir d'augmentation supérieure à l'IREAE et que l'indice restait un indicateur valable.

Nous avons également tenu compte d'un certain niveau de rémunération dans la fonction publique à titre de comparaison sur un certain nombre d'années, soit le niveau DM-3, mais aussi de ce que des commissions antérieures avaient fait à cet égard. Les témoignages étaient donc contradictoires quant à la façon d'envisager les différents types de comparaisons, à leur mode d'ajustement, à la question de savoir s'il fallait les ajuster, et aux effets que cela aurait. Il a fallu se frayer un chemin à travers tout cela.

Le gouvernement a finalement accepté les recommandations traduites dans le projet de loi C-44, mais nous avions eu auparavant de vives discussions tout au long de nos audiences avec des témoins aux positions opposées.

Le président : Peut-être estimez-vous que cela échappe à votre mandat, mais ce comité peut inclure des observations dans ses rapports. Pensez-vous qu'il faudrait élargir les critères dont de futures commissions devraient tenir compte? Le comité aimerait le savoir si c'est le cas, et c'est ici l'occasion de le faire, si vous avez une opinion à ce sujet.

M. Griffin : Pour ce qui me concerne, monsieur le président, c'est une invitation que je n'avais pas imaginée. Je vais certainement y réfléchir, et si je peux proposer quelque chose, je le ferai avec plaisir.

Le président : Nous vous en serions reconnaissants.

Monsieur Giroux, vous avez renvoyé à une question du sénateur McIntyre, je crois, qui concernait les alinéas 24(3) a) et b), b) plus particulièrement, et l'augmentation du nombre de juges de 50 à 62. Vous avez dit que ces nouveaux postes, sauf un, ont été attribués. Le comité vous serait reconnaissant de lui fournir la liste des juges nommés. Nous n'en avons pas besoin tout de suite, mais nous aimerions l'avoir prochainement.

M. Giroux : Les postes qui existent déjà et dont le nombre a été augmenté en vertu du projet de loi C-44 sont répartis dans l'ensemble du pays et dans divers tribunaux. Je peux vous fournir une liste, qui est peut-être un peu longue à énumérer, mais, pour l'essentiel, il y a les cours d'appel, les cours supérieures, les cours supérieures de première instance de chaque province et territoire, et les tribunaux unifiés de la famille qui obtiennent des postes dans l'ensemble du pays. Je peux vous fournir une liste. Ce serait plus simple que de vous l'énumérer ici.

Le président : Je suis bien d'accord. Merci.

Le sénateur Baker : Merci encore à la commission. Votre rapport témoigne de l'excellent travail que vous avez fait. Vérification faite, j'ai constaté, maître Griffin, que vous avez en fait représenté des clients dans 146 des affaires citées dans la jurisprudence, et non pas 150 comme je l'ai dit. Je demande donc que ce soit corrigé dans l'enregistrement.

Ma question porte sur l'avis communiqué à tous les candidats aux postes de cours supérieures, de la Cour de l'impôt et de la Cour fédérale, qui disait que tous les candidats doivent de nouveau présenter leur candidature en fonction de nouveaux critères au moment même où la commission était chargée d'examiner la procédure. Les candidats doivent désormais présenter de nouveau leur candidature même s'ils l'ont déjà fait dans les six mois précédents, si je comprends bien.

Il faut présenter sa candidature. Il faut fournir une autorisation de vérification du casier judiciaire et des antécédents, et ensuite une autorisation pour qu'un cabinet d'avocats puisse être consulté au sujet de votre situation au Barreau. Tout cela doit être fait. La ministre doit d'urgence combler les postes vacants. Il me semble que cela devrait prendre du temps. Si on a décidé, il y a un an, d'instaurer une toute nouvelle procédure, tout le reste est hors de question. Il faut mettre en place cette nouvelle procédure qu'elle puisse entrer en vigueur, et il faudrait entre un an et un an et demi pour que tous les candidats puissent réunir les éléments nécessaires pour présenter de nouveau leur candidature et que les nouvelles vérifications puissent être faites, et cetera. À moins que j'aie mal compris la réglementation et que l'on puisse présenter à nouveau sa candidature, mais que la vérification des antécédents, du casier judiciaire et de la situation du candidat au Barreau ne soit pas à refaire. Ce n'est pas nécessaire? Monsieur Giroux?

M. Giroux : Je crois que je peux vous donner des éléments de réponse, monsieur le sénateur. Je crois que le gouvernement a fait 58 nominations depuis son arrivée au pouvoir. Trente-huit de ces nominations ont été faites avant l'annonce de la nouvelle procédure, en octobre 2016, et il y a donc eu 20 nominations dans le cadre de la nouvelle procédure.

Vous avez tout à fait raison de dire que la nouvelle procédure suppose que les candidats qui ont déjà présenté leur candidature doivent la présenter de nouveau et remplir le nouveau questionnaire, qui est un peu différent de l'ancien, plus long et plus complet. Et, oui, vous avez raison : on a demandé à tous les candidats de présenter de nouveau leur candidature si on veut.

Je rappelle cependant que 38 des candidatures ont été évaluées selon l'ancienne procédure.

Le sénateur Baker : Est-ce que les critères d'admissibilité ont changé concernant les postes de juge d'une cour supérieure? Les qualifications exigées ont-elles changé? Et est-ce que les critères ont changé concernant la composition des comités régionaux à sept membres plus soi-même, les trois membres de la population, le Barreau, l'Association du Barreau canadien, le juge et l'autre personne nommée, un des avocats chevronnés? Est-ce qu'on a changé les critères dont il faut tenir compte dans les recommandations portées à l'attention de la ministre?

M. Giroux : Il y a plus de questions dans le questionnaire. Les critères généraux restent ceux qui relèvent du mérite, mais les candidats doivent répondre à plus de questions concernant, par exemple, leurs compétences linguistiques. On leur pose plus de questions au sujet de leur aptitude à parler l'autre langue. Il y a plus de questions concernant leur aptitude à traduire la diversité de la société canadienne, et le gouvernement a ouvertement déclaré qu'il souhaite voir plus de diversité parmi les juges des cours supérieures.

Pour répondre à votre question, le questionnaire, qui se trouve sur notre site web, est plus complet et pose plus de questions aux candidats. Les critères généraux de nomination restent les mêmes, mais certains critères peuvent avoir plus de poids, par exemple, comme je le disais, la langue, la diversité, mais aussi le sexe, et cetera.

Le sénateur Baker : Qui propose les noms des trois candidats à un poste vacant? Qui choisit les trois candidats proposés à la ministre? Est-ce que c'est vous? Est-ce vous qui prenez cette décision ou le faites-vous en consultation avec le ministère de la Justice? Qui choisit les trois candidats retenus? Je crois savoir qu'il y a trois catégories de juge : les candidats fortement recommandés, les candidats recommandés et les candidats non recommandés. Qui classe les candidats selon ces trois catégories et désigne les trois premiers de la liste?

M. Giroux : Il existe des comités consultatifs de la magistrature, des CCM comme on dit, dans chaque province et territoire. Au Québec, il y en a deux, et trois en Ontario. Ces comités sont composés de sept membres, comme vous l'avez dit. Un membre de mon personnel participe à toutes les réunions et joue le rôle de secrétaire pour chacun des comités. Les membres des comités représentent les différents groupes que vous avez énumérés tout à l'heure, et trois membres représentent la ministre de la Justice. Dans le cadre de cette nouvelle procédure, ces personnes peuvent demander à être membres d'un comité consultatif de la magistrature, et c'est quelque chose de nouveau. Les deux autres entités représentées au comité sont les mêmes. Par exemple, on demande à l'Association du Barreau canadien de fournir une liste de personnes susceptibles d'être membres de ces comités.

Une fois qu'un candidat a téléchargé le questionnaire à partir du site web, l'a rempli et envoyé à notre personnel, nous envoyons le document au comité compétent de la province ou du territoire, qui examinera la candidature, ce sont les sept membres de ce comité, et non pas un membre de mon personnel, qui désignera les candidats qu'ils recommandent fortement, qu'ils recommandent ou qu'ils ne sont pas en mesure de recommander.

Notre bureau fournit ensuite au bureau de la ministre les résultats de chaque réunion, après quoi on dresse une nouvelle liste des candidats admissibles, dont les noms sont accompagnés d'une mention indiquant s'ils sont fortement recommandés, recommandés ou non recommandés. Le tout est remis avec un rapport contenant les délibérations du comité au sujet du candidat.

Il appartient ensuite à la ministre de décider, c'est-à-dire de choisir dans la liste des candidats admissibles dans telle ou telle province. La façon dont la ministre choisit les candidats relève de son cabinet.

Le sénateur Baker : Qui choisit les trois premiers candidats de la liste? Monsieur le président, il n'a pas répondu à ma question. Peu importe, c'est correct.

Le président : Il devrait le faire hors enregistrement. Nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Comment le traitement des juges au Canada se compare-t-il à celui des juges d'autres pays?

M. Rémillard : Nous avons fait quelques vérifications. La situation des juges au Canada se compare très bien et, dans plusieurs cas, même avantageusement avec la situation des autres juges. Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose.

[Traduction]

M. Griffin : J'aimerais simplement ajouter, monsieur le sénateur McIntyre, que le barème de rémunération des juges et l'importance relative de leur rôle est propre à chaque pays, de sorte qu'on peut bien s'en inspirer, mais que ce n'est pas très facile à adapter à notre contexte. Les aspects historiques, la structure existante et les critères fixés par la Loi sur les juges sont nos principaux paramètres, mais nous savons très bien qu'il existe d'autres barèmes de rémunération ailleurs.

[Français]

M. Rémillard : Si vous me le permettez, nous avons au Canada un système de pensions qui est particulièrement significatif pour garantir la qualité de notre système judiciaire.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Giroux, je comprends que vous êtes le commissaire adjoint à la magistrature fédérale. Le processus de sélection en vue de la nomination du prochain commissaire est-il en cours?

M. Giroux : Oui, je puis vous répondre, monsieur le sénateur, que notre bureau et le Conseil privé avons affiché sur nos sites web une annonce, il y a quelques mois, pour inviter les candidatures au poste de commissaire. Bien que l'avis soit toujours sur notre site web, la période pour déposer sa candidature est maintenant terminée. Nous attendons ainsi la nomination d'un ou d'une commissaire.

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Rémillard, ma question sera peut-être un peu embêtante, mais je suis convaincu que vous allez bien y répondre. Il y a une augmentation, cette année, de 308 000 $ à 314 000 $. On ne peut pas la considérer comme une augmentation abusive. Elle représente environ 2,5 p. 100 du coût de la vie. Vous avez quatre critères, notamment celui de l'état de l'économie, la protection de l'indépendance judiciaire grâce à des salaires convenables, et la recherche des meilleurs candidats. Le quatrième est lié à d'autres critères que vous pourriez recevoir.

Dans un contexte aussi désastreux que celui que l'on observe dans nos cours fédérales et nos palais de justice, en termes de délais, la performance de la magistrature ne devrait-elle pas faire partie de vos critères, puisqu'on augmente le salaire? Par exemple, au Québec, c'est le juge en chef qui l'a dit, on a frappé un mur. Le système de justice est presque à la déroute. Or, les juges recevront tout de même une augmentation de salaire. Ne devrait-on pas avoir comme critère additionnel la performance de nos juges à bien gérer les cours, dont le principal artisan est le juge?

M. Rémillard : Monsieur le sénateur Boisvenu, bien sûr, c'est une question très pertinente. Pour notre commission, il s'agit là d'une question politique, qui ne concerne pas nécessairement notre mandat. Dans plusieurs contextes, lors de la rédaction de ce rapport, nous nous situions dans la marge quant à la situation politique et le mandat de notre commission. Ce n'est pas à nous, dans ce rapport, de déterminer les conditions de rémunération en ce qui concerne les évaluations.

Le sénateur Boisvenu : Mais les critères?

M. Rémillard : Seulement les critères d'emploi qui nous permettent ensuite les rémunérer convenablement.

Le sénateur Boisvenu : Le salaire est accordé à un juge en fonction?

M. Rémillard : Le salaire est accordé à un juge qui est en fonction et qui doit aussi avoir une garantie de ces fonctions. C'est aussi un aspect important faisant partie des critères. Il faut qu'il y ait une sécurité économique et l'inamovibilité, qui est aussi un critère d'indépendance. Je crois que nos juges ne doivent pas se trouver dans une situation où ils craignent d'être réprimandés ou démis de leurs fonctions ou dans des fonctions diminuées à cause d'une performance comme telle.Donc, c'est une question que nous n'avons pas étudiée, car elle demeure essentiellement une question politique.

La sénatrice Dupuis : Monsieur Rémillard, selon certains juges en chef, le principal défi d'un juge en chef est de rendre des jugements. C'est le cœur de son travail. Dans un contexte de productivité, y a-t-il quelque chose que vous recommandez qui pourrait éventuellement être pris en compte dans la rémunération des juges?

M. Rémillard : Votre question très pertinente est aussi en relation avec celle du sénateur Boisvenu. Plus tôt, le sénateur Baker a posé des questions qui étaient aussi très pertinentes dans le contexte d'une évaluation politique, avec un grand « P », du travail des juges.

Pour notre part, il s'agissait essentiellement de pouvoir déterminer les critères selon lesquels il pourrait être garanti que nos juges soient indépendants et, par conséquent, qu'il y ait des normes pour les protéger en ce qui a trait à cette indépendance — ce qui est très bien —, et aussi des critères pour assurer leur sécurité financière. C'est ce que nous avons proposé par le truchement des augmentations de salaire que nous proposons. Vous comprendrez que nous nous situons souvent à la marge de ce qui est politique et de ce qui est judiciaire concernant le mandat de cette commission.

[Traduction]

Le président : Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui et d'ainsi prêter main-forte au comité. Nous l'apprécions beaucoup.

Nous accueillons pour notre deuxième heure, Laurie Wright, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs, Adair Crosby, avocate-conseil, directrice adjointe, Services des affaires judiciaires des cours et des tribunaux administratifs et Anna Dekker, conseillère juridique, Services des affaires judiciaires des cours et des tribunaux administratifs, toutes du ministère de la Justice. Je vous remercie d'être venues.

Laurie Wright, sous-ministre adjointe, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice : Monsieur le président, je vous remercie. Malheureusement, la ministre de la Justice n'a pas été en mesure de venir aujourd'hui. Je suis très heureuse d'être une piètre remplaçante et de pouvoir vous être utile pour votre étude du projet de loi C-44.

Comme cela a déjà été dit ici, la section 10 contient les modifications proposées à la Loi sur les juges qui traitent de deux aspects de la responsabilité du Parlement à l'égard des juges des cours supérieures : la rémunération des juges et l'augmentation du nombre des postes de juge. Les modifications proposées introduiraient dans la rémunération des juges des changements conformes aux recommandations de la Commission quadriennale de 2015. Les autres modifications concernent la rémunération des 27 juges des cours supérieures supplémentaires.

[Français]

En ce qui concerne la rémunération judiciaire, l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que le Parlement, et non l'exécutif, détermine la rémunération et les avantages pécuniaires des juges des cours supérieures. Le traitement et les avantages pécuniaires des juges et des protonotaires de la Cour fédérale sont prévus dans la Loi sur les juges. Dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Île-du-Prince-Édouard), la Cour suprême du Canada a établi qu'une commission « indépendante, efficace et objective » devait examiner le caractère adéquat de la rémunération des juges avant qu'il n'y soit apporté des changements.

[Traduction]

Le paragraphe 26.1(1) de la Loi sur les juges prévoit l'établissement de la Commission d'examen de la rémunération des juges tous les quatre ans. Comme nous l'avons déjà dit aujourd'hui, la commission a pour mission de faire enquête sur le caractère satisfaisant de la rémunération des juges et de présenter des recommandations à ce sujet.

La commission actuelle a été convoquée en octobre 2015 et elle a remis son rapport à la ministre de la Justice le 30 juin 2016. Comme vous le savez, le rapport a également été déposé devant les deux chambres du Parlement et le gouvernement a rendu publique sa réponse le 31 octobre 2016.

Dans sa réponse, le gouvernement acceptait les recommandations de la commission; les modifications à la Loi sur les juges que propose le projet de loi C-44 constituent la dernière étape de ce processus. Ces modifications ont pour effet de réviser les dispositions applicables à chacune des cours supérieures de façon à refléter la rémunération des juges au 1er avril 2016, qui est la date d'entrée en vigueur des recommandations. Cela modifie la date d'établissement de la prochaine commission et des commissions suivantes en la faisant passer du 1er octobre au 1er juin de l'année considérée.

[Français]

Les travaux visent aussi à apporter des modifications en ce qui concerne la rémunération de certains juges en chef ou juges principaux, actuels ou anciens, pour que ces derniers soient rémunérés de manière adéquate compte tenu de leur charge.

[Traduction]

L'autre élément clé des modifications met en œuvre l'engagement qu'a pris le gouvernement dans le Budget 2017 de créer des postes de juge supplémentaires de façon à renforcer la capacité des cours d'appel et des cours supérieures canadiennes d'entendre les affaires civiles et pénales.

[Français]

Douze de ces postes sont destinés aux juridictions supérieures de première instance de l'Alberta et du Yukon : onze pour la Cour du banc de la Reine de l'Alberta et un pour la Cour suprême du Yukon.

[Traduction]

Les 15 derniers postes constitueront un bassin de ressources judiciaires qui pourront être attribuées aux cours supérieures du Canada.

Pour ce qui est des postes qui seraient créés pour l'Alberta et le Yukon, avant le Budget 2017, ces gouvernements ont fourni des données statistiques détaillées concernant la charge de travail actuelle et projetée de façon à justifier la nécessité de nommer des juges supplémentaires.

Pour ce qui est des 15 derniers postes de ce bassin, un certain nombre de provinces et territoires ont demandé des postes. Le ministère travaille rapidement et en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour examiner ces données et mettre au point des indicateurs objectifs susceptibles de justifier les demandes de postes de juge supplémentaires.

Lorsque les analyses des besoins auront été achevées et que toutes les demandes de postes supplémentaires auront été examinées, la haute direction communiquera rapidement à la ministre de la Justice son avis sur ces demandes.

Compte tenu des limites de temps que nous avons aujourd'hui, je terminerai ici mes remarques. Je serais très heureuse de répondre à vos questions. Je suis accompagnée par mes collègues, Adair Crosby et Anna Dekker, qui pourront également vous fournir des réponses.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Baker : Je remercie les témoins et Mme Wright pour son exposé.

Pour ce qui est de l'ajout de 15 postes de juge supplémentaires qui n'ont pas encore été attribués, vous dites que vous avez procédé à un examen des indicateurs objectifs, ce sont les mots que vous avez utilisés, contenus dans les dossiers transmis au gouvernement fédéral pour la nomination de ces juges dans les provinces et les territoires. Pourriez-vous décrire au comité quels sont les indicateurs objectifs retenus par le gouvernement, par la ministre, lorsqu'il s'agit d'attribuer à la province ou au territoire qui le demande un poste de juge de la cour supérieure?

Mme Wright : Je vais vous présenter quelques remarques et ensuite, ma collègue, Anna, vous fournira d'autres renseignements.

Une partie du problème vient du fait que l'administration de la justice est un domaine de responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Nous devons travailler en étroite collaboration avec nos homologues territoriaux et provinciaux, parce que ce sont eux qui sont chargés, par exemple, de tous les aspects touchant le fonctionnement quotidien des tribunaux. Cela peut comprendre des choses comme fournir des bureaux aux juges et prévoir un nombre suffisant de greffiers. Bien sûr, il est important que nous travaillions ensemble. Il est très coûteux pour les provinces ainsi que pour le gouvernement fédéral de faire des investissements aussi importants dans le système de justice.

Le deuxième aspect relié à votre question consisterait à vous dire qu'étant donné que chaque province est responsable de l'administration de la justice et que chaque juge en chef contrôle ses propres tribunaux, le type de données et leur traitement en vue d'obtenir des statistiques qui se rapportent à la charge de travail des tribunaux varie selon la province et le tribunal concernés. Nous n'avons pas un modèle unique qui nous permet d'obtenir les mêmes renseignements auprès des provinces, des territoires et des tribunaux de façon à pouvoir évaluer les besoins.

Anna pourrait peut-être vous parler des différents éléments que nous essayons d'obtenir des provinces.

Le sénateur Baker : Avant que vous interveniez, je précise que je parle seulement du cas où une province a demandé l'attribution d'un poste de juge. Autrement dit, la province a déjà accepté de fournir les salles d'audience et les services correspondants et elle souhaite maintenant obtenir un poste de juge. Le ministère dispose de 15 postes de juge à répartir.

Vous dites qu'il existe des indicateurs objectifs dont il faut tenir compte et vous avez mentionné que la charge de travail était l'un d'entre eux. Est-ce là le seul indicateur qui est examiné ou le Canada est-il dans la situation où malgré l'existence de 15 postes de juge supplémentaires, personne n'en demande? Autrement dit, combien de provinces et territoires demandent des postes faisant partie de ces 15 postes? Les demandes portent-elles sur un nombre de postes supérieur ou inférieur à 15?

Mme Wright : Je pense que votre question comprend deux parties. Anna va peut-être vous fournir d'autres détails sur le genre d'indicateurs que nous utilisons pour analyser les besoins en juges et nous pourrons ensuite dire quelques mots de la situation pour ce qui est des pressions exercées pour obtenir les juges faisant partie de ce bassin.

Anna Dekker, conseillère juridique, Services des affaires judiciaires des Cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice : Je vais uniquement parler des indicateurs objectifs et de la question essentielle de savoir comment les tribunaux gèrent leurs dossiers.

Figurent, par exemple, parmi les renseignements pertinents, les tendances en matière de dépôt de nouveaux dossiers, et en les répartissant entre certaines catégories comme les affaires pénales, civiles et concernant la famille. Nous examinons les tendances en matière de gestion des dossiers, comme les délais d'attente des audiences prévues ou le pourcentage des jugements mis en délibéré. Cela pourrait être la disponibilité de juges, le nombre d'heures et de jours d'audience annuel; données qui varient toujours d'un tribunal à l'autre. Le plus important, ce sont les cas en instance, c'est-à-dire le nombre de dossiers en cours à la fin d'une période donnée.

Un indicateur qui fait parfois ressortir la nécessité d'augmenter les ressources judiciaires serait le fait que le nombre des dossiers en cours augmente régulièrement. Si le nombre des nouveaux dossiers augmente et si le nombre des dossiers pris en charge n'augmente pas, cela veut dire que les ressources judiciaires sont suffisantes. Cependant, si le nombre des dossiers en cours augmente régulièrement, cela indique peut-être qu'il faudrait des juges supplémentaires. Cela pourrait aussi s'expliquer non seulement par l'augmentation du nombre des nouveaux dossiers, mais par celle de leur complexité et par conséquent, du temps qu'il faut consacrer à chacun.

Étant donné que les provinces et les territoires ont des capacités différentes en matière de production de données statistiques, comme l'a mentionné Mme Wright, il n'est pas possible d'appliquer la même formule à chaque province et territoire. Étant donné que les situations sociales, géographiques et démographiques varient énormément, tout comme l'accès aux tribunaux et aux services de règlement extrajudiciaire, il n'est pas toujours possible de faire des comparaisons entre les provinces et les territoires, en particulier si l'on prend en compte leur nombre d'habitants.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, mesdames. Cette section de la loi touche deux points, dont l'augmentation salariale des juges, que je comprends très bien. La partie de cette section que je ne comprends pas concerne la distribution des postes de juges.

Je ne sais pas si vous connaissez la situation, au Québec, mais je vais vous l'expliquer, si vous me le permettez, monsieur le président. Le Québec vit une situation catastrophique sur le plan juridique. Depuis six mois, 200 personnes ont été remises en liberté sans avoir subi de procès, et on pense que, d'ici un an, c'est au-delà de 1 000 personnes qui connaîtront la même situation. Le Québec, qui prévoit investir 150 millions de dollars d'ici quatre ans, a nommé cinq juges à la Cour supérieure et deux à la Cour d'appel. La ministre fédérale de la Justice nous dit que son ministère va éventuellement nommer d'autres juges. Dans ce projet de loi, près de la moitié des postes de juges que vous octroyez sont accordés à l'Alberta, et vous en distribuez au Yukon, mais aucun au Québec. J'aimerais que vous m'expliquiez votre logique.

Mme Wright : Merci, sénateur, pour votre question.

[Traduction]

Un aspect de la répartition des postes est le moment auquel nous recevons des renseignements complets de la part des provinces pour ce qui est de leur demande de nouveaux postes.

Nous suivons un cycle budgétaire et nous savons qu'il y a encore des demandes auxquelles il n'a pas été répondu pour ce qui est de l'analyse des besoins, et c'est la raison pour laquelle nous avons créé ce bassin de postes pour nous permettre de continuer à travailler avec nos homologues territoriaux et provinciaux pour veiller à ce que l'analyse des besoins soit effectuée pour que la ministre puisse prendre une décision à ce sujet. C'est donc finalement une question d'échéancier.

Nous travaillons très étroitement avec nos collègues de la province de Québec. En fait, nous les avons rencontrés tout récemment. C'est une relation basée sur la collaboration. Ces personnes nous fournissent d'excellents renseignements et nous pensons être très rapidement en mesure de terminer l'analyse des besoins concernant ces postes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame, nous sommes en mai. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a demandé au gouvernement fédéral en décembre — il y a donc six mois — de nommer sept nouveaux juges. Pourquoi cette demande n'est-elle pas incluse dans ce projet de loi?

Mme Wright : Merci, sénateur.

[Traduction]

La répartition des postes de juge entre les différentes provinces est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Bien sûr, le point de vue de la province, qui administre les tribunaux dans leur fonctionnement quotidien et qui dispose de renseignements constamment mis à jour au sujet de l'effet de la charge de travail, de sa complexité et des autres facteurs pertinents, est très important. Parallèlement, c'est le Parlement qui fixe la rémunération, de sorte qu'il est très important pour nous de veiller à ce que la ministre dispose des meilleurs renseignements possible avant de prendre ce genre de décision.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que je dois comprendre que la décision de ne pas attribuer de postes au Québec, au moment où il est urgent de le faire, revenait à la ministre et non à vous, à titre de sous-ministre?

[Traduction]

Mme Wright : La décision au sujet de la répartition des postes est toujours prise par la ministre. Elle peut bien entendu consulter les collègues du Cabinet ainsi que le premier ministre. Ses collaborateurs la conseillent simplement sur la question de la justification de ces demandes de postes.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Madame Dekker, j'aimerais comprendre quelque chose. Dans la réponse que vous avez donnée au sénateur Baker, je crois que vous avez fait allusion à des indicateurs objectifs qui ont trait, entre autres, à la gestion des causes, comme le temps de cour, par exemple. Il y a plusieurs éléments très faciles à vérifier avec des critères objectifs, comme l'inventaire des causes pendantes. Est-ce que c'est un système qui est uniforme à travers les provinces et les territoires?

Je comprends très bien que la situation est différente dans chacune des provinces et dans les territoires, et que les réponses seront donc différentes. Mais est-ce que les critères objectifs sont appliqués uniformément partout? Est-ce que ces critères ont été développés pour la définition d'un bassin de X nombre de juges ou si ce sont des critères permanents, fondamentaux, que les provinces connaissent à l'avance et auxquels elles doivent se conformer?

[Traduction]

Mme Dekker : Je vais m'en remettre à Me Crosby pour cette question; elle a plus d'expérience que moi pour ce qui est des aspects précis de ces questions.

Adair Crosby, avocate-conseil, ministère de la Justice : Jusque vers le milieu des années 1980, lorsqu'un procureur général nous écrivait en disant : « J'ai besoin d'un nouveau juge », le Parlement nommait un nouveau juge en modifiant la Loi sur les juges. C'est probablement depuis le milieu des années 1980 et le début des années 1990, que la collaboration s'est établie entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires et il a fallu du temps pour leur expliquer que, lorsque le Cabinet décide de créer un nouveau poste et d'autoriser une rémunération, cela représente une affectation de ressources publiques importantes et qu'il faut démontrer au Cabinet que c'est un investissement justifié, de sorte qu'aujourd'hui, les provinces savent très bien qu'il est nécessaire de travailler avec les fonctionnaires de notre service pour préparer le type d'analyse des besoins susceptibles de convaincre le Cabinet.

Comme l'a mentionné plus tôt Mme Wright, les provinces utilisent des systèmes informatiques légèrement différents les uns des autres, elles ont également des niveaux d'expertise différents et leurs situations varient. Nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces pour mettre au point le genre d'information qui peut, d'après nous, justifier un besoin et qui nous permet de fonder une recommandation à la ministre. Nous parlons donc de critères objectifs, mais il s'agit plutôt de l'obligation de réunir des données empiriques ou particulières au contexte, mais qui soient objectives de nature et suffisantes pour persuader le Cabinet qu'il y a lieu de faire un tel investissement.

Cela varie beaucoup selon la province ou le territoire concerné; par exemple, il y a des provinces riches comme la C.- B. et l'Ontario qui ont des systèmes informatiques sophistiqués et qui sont capables de présenter toutes sortes de tableaux et de mécanismes d'analyse des données qui nous aident à effectuer notre analyse. Il y a aussi des provinces et des territoires qui travaillent à partir des dossiers papier et la situation varie donc d'un gouvernement à l'autre, mais nous essayons de voir ce dont disposent ces gouvernements pour les aider à justifier leur demande, sans qu'on leur applique un ensemble de critères particuliers.

Cela dit, je crois que nous allons essayer de systématiser la collecte des données faisant partie des mêmes catégories. Nous posons toujours la même question : comment pouvez-vous démontrer que votre charge de travail a augmenté? Nous utilisons toujours les mêmes types d'indicateurs, que ce soit l'augmentation du nombre des dossiers ou l'augmentation des délais. Nous utilisons en fin de compte les mêmes sortes de critères, mais la façon dont nous organisons les données de façon à justifier notre conclusion finale varie.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J'aurais une question complémentaire. Cela veut-il dire que, lorsque vous examinez les retards, une province qui aurait moins de retards pourrait se voir attribuer un poste alors qu'une province qui aurait plus de retard pourrait voir sa demande refusée? S'agit-il d'une partie importante des critères qu'on retient dans l'évaluation des demandes?

[Traduction]

Mme Crosby : Nous n'appliquons pas une norme unique pour ce qui est des critères appropriés. En fait, nous travaillons avec le tribunal concerné pour l'aider à définir quelles sont ses hypothèses de travail. Les tolérances à l'égard des délais judiciaires varient selon la province ou le territoire concerné. Les juges utilisent des hypothèses différentes au sujet des heures de travail, de la durée des déplacements et des audiences. Il n'existe pas de nombre précis de semaines ou de mois qui soit attribué au règlement d'un dossier.

Par exemple, nous savons qu'actuellement, il existe des retards dans les provinces et nous travaillons avec chaque province pour essayer de déterminer combien il faudrait nommer de juges pour ramener la charge de travail à un niveau gérable et dans lequel les délais ou les temps d'attente pour les audiences seraient acceptables et conformes aux paramètres pertinents de la province.

La sénatrice Batters : Cela fait plus d'un an que notre comité étudie la question des délais devant les tribunaux pénaux. Aujourd'hui, je calcule qu'il y a encore — en tenant compte du fait que certaines nominations de juges ont été annoncées la semaine dernière — 54 postes de juge des cours supérieures qui sont vacants au Canada. Est-ce bien exact?

Mme Crosby : Cela change tous les mois. Je pense que le chiffre était, au 1er mai, de 62. Cela dépend du nombre de nominations qui sont faites chaque mois et du nombre des postes qui sont vacants. Il y a constamment des juges qui prennent leur retraite. Cela évolue.

La sénatrice Batters : J'avais déduit les quelques postes vacants survenus depuis, mais je n'ai pas tenu compte des nouveaux départs à la retraite. Nous devons ajouter à tout cela 28 postes de juge nouveaux, ce qui nous en donne plus de 80 aujourd'hui.

En octobre dernier, la ministre de la Justice actuelle a démantelé les 17 comités consultatifs de la magistrature et annoncé un processus de nomination complètement nouveau. Est-il exact que plus de six mois après que la ministre de la Justice ait fait part de cette nouvelle situation, il y a encore sept des 17 comités consultatifs de la magistrature qui n'ont toujours pas été mis sur pied? Est-ce exact?

Mme Crosby : C'est exact.

La sénatrice Batters : Pour les provinces et territoires concernés, ces comités ne peuvent même pas commencer leur travail. Ce sont des comités qui sont chargés d'examiner les demandes des personnes qui ont posé leur candidature à un poste de juge fédéral, de vérifier leurs références et d'effectuer ce travail important. Pour les provinces et territoires qui n'ont pas encore de comité consultatif de la magistrature, il n'y a personne qui puisse faire ce travail, est-ce bien exact?

Mme Dekker : Pour autant que je sache, c'est exact. Les gens peuvent toujours déposer leur candidature, mais il n'y a personne qui est en mesure d'examiner ces demandes.

La sénatrice Batters : Ou d'effectuer les entrevues ou de s'occuper des autres étapes du processus. C'est tout à fait inacceptable parce que cela a un effet majeur sur la crise des retards qui touche les tribunaux pénaux canadiens.

Notre Comité des affaires juridiques effectue un travail important sur cette question. Nous avons présenté un rapport intérimaire majeur en août dernier, ce qui fait près d'un an. Nous présentions quatre grandes recommandations, notamment que la ministre fédérale de la Justice comble les postes judiciaires vacants. Ce n'était qu'une des quatre grandes recommandations que nous présentions dans ce rapport intérimaire. Pourquoi cette recommandation n'a-t-elle pas été examinée avec le sérieux qu'elle mérite, compte tenu de la crise que connaissent actuellement nos tribunaux pénaux?

Mme Wright : Je vous remercie, sénatrice Batters. Je sais que les sénateurs sont conscients, puisqu'ils ont étudié en profondeur la question des retards, du fait qu'il s'agit d'une question complexe et que le nombre des postes vacants au sein des cours supérieures est bien évidemment un facteur important. Étant donné, toutefois, que la plupart des affaires pénales sont entendues par les tribunaux inférieurs des provinces et non pas par les cours supérieures, il faut admettre que cela atténue quelque peu l'effet des postes vacants de juge des cours supérieures sur les retards.

Bien entendu, comme vous le savez, la ministre de la Justice a rencontré tout récemment ses collègues territoriaux, provinciaux et fédéraux. Ils ont présenté une liste de cinq aspects qui doivent être étudiés en priorité pour introduire rapidement des réformes qui vont aider à accélérer le traitement des dossiers pénaux. Cela comprend des choses comme le volume élevé des dossiers concernant les infractions contre l'administration de la justice et d'autres questions de ce genre.

Cela dit, la ministre a déclaré elle-même qu'il était important de réduire le nombre des postes vacants au niveau des cours supérieures. Vous avez bien entendu remarqué que, récemment, elle a procédé à une série de nominations. Selon ce processus, ce n'est pas le ministère qui conseille directement la ministre, mais la sous-ministre, qui était ici plus tôt aujourd'hui, et qui conseille la ministre au sujet des nominations. C'est une différence qu'il est important de faire parce que, bien entendu, nos avocats comparaissent régulièrement devant les juges et il est donc important que ce soit un service indépendant qui travaille avec la ministre pour procéder aux nominations.

La sénatrice Batters : La ministre n'a pu comparaître aujourd'hui. Je ne peux pas parler au nom du comité, mais nous voulons vraiment que les choses bougent. Nous savons que c'est une question complexe. Nous l'avons reconnu dans notre rapport intérimaire. C'est un aspect qui relève de ses pouvoirs ainsi que de ceux du gouvernement et qui pourrait être réglé le plus tôt possible.

Un des comités consultatifs de la magistrature qui n'a pas encore été mis sur pied est celui du Nunavut. Nous avons entendu, l'automne dernier, le sous-ministre de la Justice du Nunavut qui nous a parlé de la crise qu'entraînaient les postes vacants de juges à la cour supérieure au Nunavut. À l'époque, il y en avait deux de vacants sur six, ce qui représente 33 p. 100. Je ne pense pas qu'aucun juge n'ait été nommé à cette cour. Il n'y a toujours pas de comité consultatif de la magistrature. Je sais que nous avons nommé un certain nombre de juges suppléants, mais je pense qu'aucun de ces postes vacants n'a encore été comblé. Il n'y a toujours pas de comité consultatif de la magistrature. Il me semble que la situation est d'une urgence absolument criante. On nous a dit, il y a six mois, que c'était effectivement le cas.

Mme Wright : Encore une fois, la question de l'établissement des comités ne relève pas du ministère.

Pour ce qui est de l'appui à la magistrature dans les territoires, nous avons procédé, au cours de l'automne, à un certain nombre de nominations de juges suppléants et ce sont des nominations qui autorisent les juges des cours supérieures des provinces à siéger en qualité de juge territorial et à prendre en charge des dossiers et améliorer ainsi la situation. Cela, bien entendu, ne répond pas pleinement à la question des postes à remplir, mais c'est au moins une mesure qui a été prise actuellement pour améliorer la situation.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie pour votre exposé.

Ma question porte sur la date de commencement de la prochaine commission et des suivantes qui est passée du 1er octobre au 1er juin de l'année considérée. Je note que le paragraphe 26(2) de la loi est modifié par le projet de loi C-44 pour énoncer que la commission commence ses travaux le 1er juin 2020 et ce même 1er juin tous les quatre ans par la suite. Voici ma question : pourquoi est-ce que la date de début des travaux de la prochaine commission a été reportée?

Mme Wright : Sénateur, c'est une excellente question.

La date de début actuelle du 1er octobre coïncide malheureusement avec la date des élections à jour fixe. Le gouvernement au pouvoir doit encore s'occuper des affaires courantes pendant la campagne électorale ainsi que pendant la période qui précède la transition et un des principes du gouvernement responsable est que le gouvernement sortant ne doit pas lier le futur gouvernement en prenant des décisions importantes, notamment en procédant à des nominations importantes.

Nous avons donc été obligés d'attendre que le nouveau gouvernement soit assermenté et qu'il ait été au pouvoir pendant une certaine période pour que nous puissions l'informer et lui parler des recommandations au sujet de la nomination d'un membre du gouvernement, mais également de la position du gouvernement devant la commission.

Le changement de date qui l'a fait passer au 1er juin a pour but de régler ce problème pour que, la prochaine fois, il n'y ait pas de retard dans le début des travaux de la commission. Nous sommes tout à fait conscients du fait qu'il faut agir rapidement dans ce domaine et c'est la raison pour laquelle le changement a été fait.

Le sénateur McIntyre : Si j'ai bien compris votre réponse, ce qui justifie la modification, c'est qu'il y aurait un conflit entre le début des travaux de la commission et le déclenchement d'élections générales à date fixe. Est-ce bien cela?

Mme Wright : Oui.

Le sénateur Baker : J'aimerais m'adresser à nouveau à Laurie Wright. Il est important que vous ayez fait remarquer que ce sont les provinces qui assument la plupart des coûts : les bureaux, le personnel de soutien, les salles d'audience et le reste. Mais quelle est la situation réelle au Canada? Le nombre des juges de la Cour supérieure peut être fixé par une loi provinciale; il est donc possible de procéder à des nominations. Nous trouvons-nous dans la situation où nous avons prévu 15 postes de juges qui n'ont toujours pas été attribués et où il y a plus de 15 demandes de nomination de juges qui ont été présentées au gouvernement fédéral? Est-ce bien la situation actuelle?

Mme Wright : La situation actuelle est que nous nous trouvons toujours dans une situation cyclique pour ce qui est du moment où les provinces présentent des demandes pour obtenir des postes de juges. De la même façon que les postes vacants évoluent, il y a un cycle pour ce qui est du nombre des demandes qui émanent des provinces et du nombre des postes qui sont disponibles.

Il y a toujours le risque qu'à un moment donné, le nombre des nouvelles demandes soit supérieur à celui des postes de juges. Ceci ne veut pas dire que les modifications que nous étudions dans ce projet de loi vont complètement régler la question.

Le sénateur Baker : Non, je le comprends. Cependant, à l'heure actuelle, vous avez 15 postes de juges dont le gouvernement fédéral assume la rémunération et les pensions et le reste. La province vous dit : « Nous avons les locaux et nous avons un besoin. Nous avons besoin de ces juges. » À l'heure actuelle, en ce moment-ci, le gouvernement fédéral a-t-il reçu plus de 15 demandes pour un de ces 15 postes de juges, à votre connaissance, ou pouvez-vous répondre à cette question? Estimez-vous ne pas pouvoir y répondre? Je comprendrais. Le comité comprend. Vous êtes une fonctionnaire.

Mme Wright : Il y a, bien sûr, un élément de confidentialité pour ce qui est des négociations et des conversations que nous sommes en train d'avoir — je n'aurais pas dû parler de « négociations » parce que ce n'est pas une négociation — de la relation de collaboration que nous avons avec les provinces. Nous nous trouvons donc dans une position assez délicate sur cette question.

Le sénateur Baker : J'ai l'impression que vous n'avez pas reçu de demandes correspondant aux 15 postes de juges et je me demande pourquoi. Bien évidemment, le gouvernement aurait prévu de créer plus de 15 postes de juges s'il avait reçu des demandes pour un nombre supérieur à 15.

Mme Wright : Je crois que cela revient à la question de la période considérée. Jusqu'ici, le gouvernement fédéral n'a jamais envoyé chaque année une lettre aux provinces les invitant à présenter leurs demandes au même moment. La ministre décide, à l'égard de sa recommandation budgétaire qui vient d'être annoncée, en fonction des renseignements que ses collaborateurs possèdent à ce moment-là, mais cela évolue.

Le sénateur Baker : Je crois, sénatrice Batters, que votre analyse du processus est exacte.

Je respecte le fait que vous n'êtes pas en mesure de nous donner le nombre des demandes qui ont été présentées, mais cela ne nous empêche pas de nous demander si le gouvernement est en mesure de répondre à une demande qui est relativement urgente.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Madame la sous-ministre adjointe, un peu plus tôt, vous avez parlé de l'information nécessaire. Pour nous qui regardons cela de l'extérieur, toute l'information nécessaire, cela peut être assez vague. Je comprends que vous et Mme Dekker avez fait référence à des indicateurs plus précis, comme le contrôle de l'inventaire des cas ou la gestion des cas. Cependant, si on essaie de comprendre le point de vue des gens qui attendent et qui entendent leur gouvernement provincial dire qu'il manque de juges fédéraux, ce n'est pas très clair. D'une part, si les provinces ont demandé des juges, malgré le fait qu'on entend dans les médias que des demandes sont faites, c'est la première fois qu'on fait référence à l'ensemble des indicateurs auxquels une province doit répondre pour obtenir une réponse favorable.

Pouvez-vous être plus précise sur l'état des demandes et l'information nécessaire à recevoir?

[Traduction]

Mme Crosby : Je crois pouvoir dire que nous parlons en ce moment à un certain nombre de provinces et territoires. C'est un processus répétitif, de sorte qu'il n'est pas vraiment possible de fournir une image précise de la situation parce que cela dépend des provinces et des territoires.

Bien souvent, les provinces nous fournissent des renseignements qui ne décrivent qu'une partie de la situation et nous devons alors leur demander davantage de renseignements. Un bon exemple serait celui d'une province qui a peut- être un nombre de dossiers assez constant, mais des délais qui ne font qu'augmenter, ce qui indique parfois que les dossiers sont de plus en plus complexes. Mesurer la complexité relative des dossiers et relier cet aspect au nombre de juges est une longue opération, qui fait parfois appel à d'autres indicateurs. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit possible de vous donner une image de la situation à l'égard de chacune des provinces et territoires. Cela varie beaucoup.

Mme Wright : J'aimerais dire que l'un des aspects clés de la mission de la ministre, et du ministère qui l'appuie, est de veiller à ce que les Canadiens aient accès à un système de justice de bonne qualité. Notre priorité, lorsqu'il s'agit de parler à nos homologues provinciaux, n'est pas de dire : « Nous fixons la barre à un certain niveau et nous nous attendons à ce que vous fassiez le travail pour y arriver. » Nous voulons que les conditions soient remplies parce que nous voulons que les Canadiens aient le meilleur système de justice possible. De ce point de vue, nous sommes, comme l'a dit Adair, constamment en train de demander : « Pouvez-vous nous donner d'autres renseignements sur un certain point qui nous permettraient de justifier votre demande? » Je pense que nous travaillons tous pour atteindre le même but, qui est de faire en sorte que les Canadiens aient accès à la justice.

[Français]

La sénatrice Dupuis : À l'article 216 du projet de loi C-44, au paragraphe 2, il est question de l'indemnité supplémentaire de vie chère pour le Nord canadien. On constate que les juges de la Cour suprême de Terre-Neuve-et- Labrador qui résident au Labrador, ainsi que les juges des Cours suprêmes du Yukon, des Territoires-du-Nord-Ouest et du Nunavut reçoivent une indemnité de vie chère. Le fait de résider dans ce qui serait le Nord canadien serait-il l'un des critères? Parce que c'est un critère objectif aussi. Par exemple, s'il y avait des juges qui habitaient dans le Nord du Québec, ces juges pourraient-ils avoir accès à ce genre d'indemnité?

[Traduction]

Mme Crosby : La Loi sur les juges prévoit des indemnités pour les régions nordiques qui sont offertes, comme vous le remarquez, aux juges des Territoires du Nord-Ouest ainsi qu'au juge du Labrador; cette indemnité est uniquement offerte aux juges qui siègent dans le Nord. Le gouvernement a modifié cette règle à la suite d'une recommandation de l'avant-dernière commission qui proposait d'offrir également cette indemnité au juge du Labrador.

Les juges qui se déplacent dans le Nord et dans la partie nord du Québec auraient certainement droit à une indemnité de déplacement. Il n'a pas été demandé d'étendre l'indemnité des régions nordiques aux juges qui résident vraiment dans le Nord.

[Français]

La sénatrice Dupuis : S'il y avait une décision, la province de Québec pourrait-elle faire en sorte que ses juges qui pratiquent dans le Nord — à condition d'être résidents du Nord — aient accès à cette indemnisation? Non? Merci.

[Traduction]

Le président : Je remercie les témoins. J'apprécie que vous soyez venues aujourd'hui et que vous ayez participé aux débats du comité. Cela est très apprécié.

Nous allons siéger maintenant à huis clos pour donner certaines orientations à nos analystes au sujet du rapport sur cette étude et pour qu'ils puissent commencer leur travail; j'espère également que la traduction sera faite et communiquée au comité dans un avenir proche.

Je demande aux personnes qui n'ont pas de motif d'être là de quitter la salle maintenant, si vous ne travaillez pas pour l'un des sénateurs ou n'êtes pas membre du personnel.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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