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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 31 - Témoignages du 15 juin 2017


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 305, Loi modifiant le Code criminel (méfait), se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues et invités, bienvenue à la présente séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous allons commencer aujourd'hui l'étude du projet de loi C-305, Loi modifiant le Code criminel (méfait). Pendant la première heure de délibérations, nous allons entendre Chandra Arya, qui est député de Nepean et parrain du projet de loi; Rebecca Bromwich, directrice du Programme d'études supérieures en résolution de conflits de la faculté de droit et d'études juridiques de l'Université Carleton; ainsi que William Trudell — c'est un habitué du comité —, qui est président du Conseil canadien des avocats de la défense. Merci à chacun de vous d'être ici.

Monsieur Arya, auriez-vous l'obligeance d'entamer les déclarations? Vous avez la parole, monsieur.

Chandra Arya, député, Nepean, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi C-305 a été adopté avec l'appui de tous les partis politiques et de tous les députés.

Il vise à modifier un paragraphe du Code criminel portant sur les dommages à la propriété attribuables à des crimes motivés par de la haine fondée sur la religion, la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique. Le projet de loi C- 305 vise à allonger cette liste en y ajoutant l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité et l'expression de genre ainsi que les déficiences physiques.

Les ajouts à la liste ont pour but d'englober l'éventail de motifs de distinction illicite en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la législation provinciale sur les droits de la personne.

À l'heure actuelle, le Code criminel prévoit une infraction pour les méfaits motivés par la haine et visant des biens religieux, ce qui comprend les lieux de culte : les églises, les temples, les mosquées, les synagogues et les cimetières. Le projet de loi C-305 propose d'élargir la définition des lieux de culte visés pour englober d'autres propriétés utilisées par des groupes religieux ou d'autres groupes identifiables tels qu'ils sont définis dans le Code criminel. La définition comprendrait les établissements d'enseignement et les garderies ainsi que les immeubles servant à des activités administratives, sociales, culturelles ou sportives, comme les centres communautaires et les résidences pour personnes âgées.

Les ajouts à la liste de structures visées s'expliquent par le fait que les lieux de culte ne sont pas les seuls endroits ciblés jusqu'à maintenant. En effet, de plus en plus de criminels motivés par la haine ciblent d'autres immeubles utilisés par des groupes religieux et d'autres groupes identifiables. Les méfaits haineux peuvent avoir des conséquences à long terme sur la collectivité.

Selon une récente étude du ministère de la Justice, les crimes haineux sont des crimes perpétrés non seulement contre la personne, mais contre l'ensemble de la communauté. L'étude cite David Matas, qui a dit que les gens vivent en communauté et que leurs droits s'exercent dans la communauté.

Dans le cas des crimes haineux, il faut tenir compte du fait que les répercussions sur la communauté sont particulièrement dévastatrices, car ces crimes sont des crimes à messages par lesquels l'agresseur avise les membres d'un certain groupe qu'ils sont méprisés, dépréciés ou jugés indésirables dans un quartier, une collectivité, une école ou un lieu de travail particulier.

Il ne faut pas oublier, non plus, que ces crimes peuvent avoir pour conséquence que la victime rejette l'aspect d'elle- même qui a été ciblé ou qu'elle associe une part essentielle de son identité à la peur, à la perte et à la vulnérabilité.

L'étude du projet de loi par votre comité tombe à point nommé. Selon un rapport de Statistique Canada publié mardi, le nombre de crimes haineux contre des musulmans signalés à la police a augmenté de 60 p. 100 en 2015 comparativement à l'année précédente. Il y a eu 159 incidents antimusulmans signalés à la police cette année-là, par rapport à 99 l'année d'avant. Les Canadiens d'origine juive demeurent la minorité religieuse la plus ciblée.

Pendant la même période, le nombre total d'incidents, comme les méfaits, le vandalisme et les graffitis, a augmenté de 5 p. 100. C'est surtout là-dessus que le projet de loi C-305 met l'accent.

Le projet de loi ne réglerait pas tous les problèmes de racisme et de discrimination, mais il propose une petite mesure importante pour faire avancer la protection des plus vulnérables, renforcer le Code criminel et avoir un grand effet dissuasif.

Le projet de loi C-305 est une étape importante pour faire de nos quartiers et de nos collectivités des endroits plus sûrs. Pensons au message clair que nous enverrions à tous les Canadiens, à savoir que l'ensemble de la population du pays, pas seulement un groupe de personnes choisies, peut se sentir davantage en sécurité en sachant que le Parlement a pris des mesures de protection concrètes et rigoureuses.

Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur.

Rebecca Bromwich, directrice, Programme d'études supérieures en résolution de conflits, faculté de droit et d'études juridiques, Université Carleton, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de vous parler de cet important projet de loi, qui arrive effectivement à point nommé, comme l'a justement dit M. Arya. Il est évident, selon la recherche juridique et sociale ainsi que le rapport de Statistique Canada dont on a parlé, que les crimes haineux en général affichent une hausse de 5 p. 100, alors que les crimes haineux contre les musulmans ont augmenté de 60 p. 100. Bien entendu, ces chiffres datent de 2015, c'est-à-dire avant certains événements récents que nous connaissons tous. Je parle de l'attaque contre des fidèles d'une mosquée qui a eu lieu cette année à Québec, le 29 janvier, ainsi que de la vague de graffitis haineux que l'on a observée à Ottawa l'automne dernier. La recherche empirique et la recherche sociale nous indiquent donc sans aucun doute que nous avons un problème de crimes haineux dans nos collectivités. Je suis également d'avis que ce projet de loi arrive à point nommé.

En résumé, j'appuie plus particulièrement l'élargissement de la définition des catégories de personnes et de communautés auxquelles s'applique cette protection de manière à inclure les personnes handicapées, l'âgisme et, bien entendu, la communauté LGBT, qui brillent par leur absence dans le libellé actuel de l'article 430 du Code criminel. J'y suis tout à fait favorable.

J'aimerais néanmoins faire une certaine mise en garde à ce sujet. D'une part, il est très important de tenir compte de la diversité de nos collectivités dans les protections contre les crimes haineux ainsi que de tous les espaces publics, y compris les immeubles publics, comme les universités — des endroits où je travaille —, les centres communautaires, les résidences pour personnes âgées, les garderies et les écoles que fréquentent nos enfants, dont les miens. Il faut également ajouter des choses comme l'identité de genre et l'orientation sexuelle aux critères de ce qui peut constituer un crime haineux en matière de méfaits. J'appuie fermement ces propositions pour protéger l'inclusion complète des LGBT et des personnes handicapées. À l'heure actuelle, l'article 430 est anormal comparativement aux autres dispositions relatives aux crimes haineux et à d'autres dispositions de nos lois, notamment l'article 15 de la Charte, qui a été interprété de manière à comprendre ces dimensions de la diversité. J'estime donc que l'article 430 du Code criminel est dépassé, et il est effectivement temps de le mettre à jour. Il ne correspond pas aux dispositions de nos autres lois.

J'ai toutefois des préoccupations. Je suis préoccupée par le taux d'incarcération que nous observons actuellement. Comme vous le savez, il est très élevé. À l'échelle provinciale, le ministère de la Sécurité publique propose maintenant de faire construire une nouvelle prison. Nous envisageons une augmentation du nombre de détenus, plus particulièrement le nombre de détenus avant procès. Bien entendu, les jeunes et les adultes détenus avant procès sont déjà plus nombreux que ceux qui purgent une peine. C'est très problématique.

Il est possible que la proposition législative dans le projet de loi C-305 ou peut-être l'essentiel du texte n'ait pas besoin d'être amendé pour résoudre le problème, mais qu'il faille plutôt procéder à une mise en contexte de manière générale.

Le président : Vous allez un peu trop vite.

Mme Bromwich : Entendu.

Le président : Avez-vous terminé?

Mme Bromwich : Eh bien non!

Le président : Allez moins vite. Pour les interprètes.

Mme Bromwich : Désolée.

Je m'inquiète qu'on jette plus de monde en prison et que nous soyons déjà dans cet état d'esprit, celui de continuer à emprisonner plus de gens. La population carcérale canadienne ne cesse d'augmenter, particulièrement celle des individus en détention avant procès. D'après mes propres travaux de recherche de doctorante et mes travaux ultérieurs, c'est très problématique pour les conditions de détention. Si on s'en soucie, la première et la plus facile des solutions consiste, à l'exclusion de toutes les autres mesures, à diminuer la population carcérale et à cesser de surpeupler les prisons.

Il importe vraiment d'agir concrètement contre la xénophobie, le racisme, l'augmentation du taux de crimes haineux et, notamment, l'islamophobie. Mais les dispositions réparatrices du projet d'article 430 m'inquiètent aussi. Le projet d'alinéa 430.4(1)a) range les nouvelles infractions parmi les actes criminels et crée une nouvelle catégorie pour leurs auteurs qu'elle rend passibles d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas 10 ans. C'est long.

Comme M. Arya l'a fait observer dans son discours à la Chambre des communes, en deuxième lecture, ce n'est pas un minimum obligatoire. Voilà qui importe. Néanmoins, le sort que nous réserverons aux prévenus est préoccupant.

Le président : Nous nous arrêtons ici. Désolé, mais la parole est à M. Trudell.

William Trudell, président, Conseil canadien des avocats de la défense : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis ravi et honoré de me retrouver encore une fois devant vous, au point que je me sens un peu comme un membre de la famille. Alors, avant qu'on me mette en pénitence, j'ai deux ou trois choses à vous dire.

D'abord, très officiellement, au nom du Conseil canadien des avocats de la défense et en mon nom propre, je tiens à féliciter votre comité pour son rapport, publié hier et intitulé Justice différée, justice refusée. C'est un rapport remarquable, ample, minutieux, qui n'oublie aucun détail. Je lui aurais donné le sous-titre : « Le système de justice pénale et ses délais ». Son regard est vraiment neuf. Bravo! J'espère qu'il ne se vendra pas à cause des milliers de cas qui vont échapper à la justice si nous ne réagissons pas, parce que je pense que c'est la première fois qu'une telle démarche ample est adoptée, qui renverse les tours d'ivoire de la justice pénale.

Cela étant dit, revenons au projet de loi C-305. Votre comité qui en envisage l'adoption me semble presque différent de celui dont je viens de parler, parce que ce projet de loi semble avoir été produit dans une tour d'ivoire. Avec le plus grand respect pour son parrain, à qui j'ai déjà, d'avance, présenté mes excuses, nous en déplorons respectueusement l'inutilité. Au risque d'être désormais traité en paria par vous, je rappelle que le Code criminel n'a pas pour objet la manipulation des structures sociales, l'ingénierie sociale, qu'il ne peut pas servir de recueil de déclarations politiques. Votre rapport préconise modération et discrétion. Il dénonce le fourre-tout du système. Je joins mes propos à ceux de Rebecca. Ce projet de loi vise à arrêter et à punir des auteurs de crimes déjà visés par l'article 718 du Code criminel selon lequel la haine ou le facteur racial sont aggravants.

Je vous laisse ce sujet de réflexion. Au Canada, nous voulons tous, en quelque sorte, bien nous entendre, mais, parfois, il est bon de protester. La plupart des protestations comprennent du préjugé, du parti pris, peut-être même un peu de haine. N'est-il pas ironique que la teneur du projet de loi C-305 soit contraire à certaines avancées déjà réalisées par les homosexuels et les femmes, grâce à leurs protestations. Hier encore, je lisais des rapports sur le projet de loi. J'espère que vous n'en accélérerez pas l'adoption, que vous prendrez le temps de l'examiner. Je sais que l'été s'en vient, mais il importe vraiment de tenir compte de l'ensemble de la situation.

Voilà. J'ai terminé. Je serai heureux d'essayer de vous aider, si vous me questionnez. Je vous incite à la prudence. Je suis maintenant prêt à me retirer dans ma chambre, si vous l'ordonnez.

Le président : Merci, notamment pour vos aimables observations sur notre rapport.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Arya, de parrainer le projet de loi. Je remercie aussi tous les participants.

Le projet de loi donne le choix à la Couronne : recourir à la procédure sommaire ou à la mise en accusation. Je remarque, monsieur Arya, que la peine maximale prévue par le Code, par suite d'une mise en accusation, est de 10 ans de prison et qu'elle est, par la procédure sommaire, de 18 mois. C'est sévère. Encore une fois, vous avez dit, à la Chambre, que le projet de loi ne prévoyait pas de peine minimale obligatoire. Pourquoi avez-vous décidé de conserver la peine actuellement prévue?

M. Arya : Je n'ai absolument pas tenu compte de cette partie du paragraphe, parce que je savais que le projet de loi antérieur prévoyait 18 mois et 10 ans. Ça montre la volonté de bien dissuader, que ce n'est pas seulement symbolique, mais que c'est aussi un moyen majeur de dissuasion contre les crimes haineux. J'étais d'accord. Voilà pourquoi je n'ai pas examiné cet article particulier ou que je n'y ai pas touché.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Trudell, si vous voulez, dites-nous ce que vous en pensez. Ça concerne le choix. Pouvez-vous formuler des observations sur la façon dont le choix est fait? Est-ce que ça dépendrait du montant des dommages aux biens ou de la valeur des biens eux-mêmes?

M. Trudell : Eh bien, on commence par la valeur des biens, puis on examine les dommages sous le prisme du Code. Je pense que la décision se prendrait à la discrétion de la Couronne. J'ignore si des avocats de la Couronne ont témoigné, mais ça les place dans une position très difficile.

En fin de compte, ce n'est pas ce qui arrive. Ce n'est pas vraiment la punition. C'est l'arrestation, la stigmatisation, le chef d'accusation. Pour ce qui est de la prison, personne n'y va plus, à moins que le tribunal n'y voie que la seule issue.

Ça se passera comme suit : il y aura arrestation; peut-être un dossier criminel; stigmatisation. Il faut tenir compte du simple fait que ça entrera dans le système. Contre un problème social, ne peut-on faire mieux que porter des accusations criminelles? Ce serait ma position. Ça donne beaucoup de latitude discrétionnaire. Ça permet amplement aux pressions de s'exercer. Visiblement, dans un climat où il se commet beaucoup de crimes haineux, la pression exercée sur les avocats de la Couronne peut très bien trouver son exutoire dans la procédure par mise en accusation. Mais ça ne règle pas le problème général. J'ignore si ça aide.

Le sénateur Pratte : Je ne suis pas avocat. Pardonnez mon ignorance dans ce domaine. Je me demande quels seront les rouages, parce que le projet de loi vise beaucoup de lieux et d'objets. Bien sûr, ils seront tous reliés à des groupes sociaux, ethniques ou religieux, mais différemment. Tel endroit peut servir régulièrement ou quelquefois à un groupe ethnique, religieux ou culturel. Il peut créer un attachement solide ou lâche. C'est variable. Quels seront donc les rouages de la loi pour la détermination de la peine ou la décision d'entamer des poursuites? Comment cette différence se fera-t-elle? La destruction d'un objet religieux équivaut-elle à celle de quatre bâtons de hockey dans l'aréna d'un groupe ethnique ou culturel? Non! Alors, comment?

M. Arya : J'ignore comment on procédera à la mise en accusation sous le régime de cet article, mais je m'arrête aux répercussions de ces crimes haineux dans la communauté, qu'ils aient visé un lieu de culte, une église, une synagogue, une mosquée, un temple ou un centre communautaire. L'effet est le même. Ce crime envoie localement un message, celui du rejet du groupe visé. Donc, peu importe s'il touche une école, un centre communautaire, un aréna sportif, une église ou une mosquée.

Mme Bromwich : Si je peux donner une réponse d'avocat, d'un point de vue technique, et M. Trudell peut voler à mon secours aussi, concernant les éléments de l'infraction, il incomberait à la Couronne d'en faire la preuve. Donc, chaque cas est un cas d'espèce, qui obligerait la poursuite à établir que tel lieu, à tel moment, se rangeait dans la catégorie protégée. Ça impose donc ces obligations à la Couronne, du moins au début.

Le sénateur Pratte : Compris.

M. Trudell : Ça vient aggraver le problème découlant de l'arrêt Jordan, qui nous préoccupe tous. Ça ajoutera des couches de poursuites, d'interprétations, de remises en question de la Charte des droits et libertés. Nous sommes tous, nous ici présents et tous les Canadiens, horrifiés par la haine, les partis pris et les préjugés raciaux. Ça ne représente pas notre pays. Mais on ne résout pas ces problèmes par l'extensivité excessive de ce projet de loi trop vague.

Voilà pourquoi je dis qu'il existe de meilleures façons de s'attaquer à des problèmes sociaux de cette nature. Le seul fait d'en discuter en public, c'est parlant. Je perçois donc un véritable problème dans le fait de privilégier ces infractions et de les poursuivre.

La sénatrice Batters : Monsieur Arya, il suffit de voir à quels types d'endroits le projet de loi élargirait la définition de bien. Actuellement, elle se limite aux lieux servant principalement au culte. Le projet de loi les énumère en détail. Mais il l'étendrait aux bâtiments ou aux structures utilisés principalement par un groupe identifiable comme établissement d'enseignement, notamment une école, une garderie, un collège ou une université ou aux objets liés à ces établissements, à ceux qui servent à la tenue, par un groupe identifiable, d'activités ou d'événements à caractère administratif, social, culturel ou sportif, notamment un hôtel de ville, un centre communautaire, un terrain de jeu ou un aréna ou aux objets liés à une telle activité ou événement et à ceux utilisés principalement par un groupe identifiable comme résidence pour personnes âgées ou aux objets liés à telle résidence se trouvant sur le terrain et ce genre de choses.

Alors, pourquoi ainsi élargir la définition? Franchement, j'ai de la difficulté à concevoir un endroit qui y échapperait.

M. Arya : Comme je l'ai dit, c'est les répercussions sur la communauté. Que des vandales s'en prennent à un lieu de culte et, disons, à un centre communautaire juif ou à une école catholique, les répercussions sont les mêmes dans la communauté.

Mme Bromwich : Petite précision : si nous voulons vraiment protéger les gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres, les LGBT, ou les personnes handicapées, les lieux de culte ne sont pas les endroits où les trouver, ceux qu'ils fréquentent. Je pense qu'il est archaïque de vouloir seulement protéger des lieux de culte quand ces groupes marginalisés et vulnérables se trouvent ailleurs.

La sénatrice Batters : Monsieur Trudell, que pensez-vous de l'élargissement à ce point d'une définition?

M. Trudell : C'est incroyable. Méfait — nous ne pouvons pas oublier l'alinéa c) du paragraphe 430(1) : « empêche, interrompt ou gêne l'emploi, la jouissance ou l'exploitation légitime d'un bien... ».

Un exemple. Disons que je ne suis pas d'accord avec la politique de l'Université Trinity Western que je juge discriminatoire et que je décide de gêner la circulation des gens dans l'entrée de l'établissement sous ce prétexte. Cet article s'applique à moi. Mais Rebecca qui me défend invoquera le droit que j'avais de protester, ma liberté d'expression.

Ou, encore, je suis dans une église catholique, un dimanche matin, et je n'aime pas le sermon, en raison de la réaction des prêtres aux dénonciations des actes de pédophilie, n'est-ce pas? C'est du préjugé, du parti pris. Je risque l'arrestation. Ce n'est pas notre objectif. Le projet de loi doit donc ratisser beaucoup moins large s'il veut se révéler indispensable, et je suppose qu'on peut dire qu'il ne l'est pas.

La sénatrice Batters : J'ai une autre question, si le temps le permet. Sinon, j'attendrai le prochain tour.

Le président : Monsieur Arya, voulez-vous répondre, brièvement?

M. Arya : Très brièvement. À l'origine, le projet de loi visait toutes les écoles, tous les centres communautaires. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, de la Chambre, après étude, a réduit sa portée et en a modifié l'extension.

La sénatrice Batters : La portée de la version actuelle est réduite?

M. Arya : Oui, madame.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce possible de répéter l'explication? Vous venez de donner une information, et je ne suis pas certaine que nous ayons tous compris. Vous avez donné une indication sur le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, qui aurait réduit la portée de votre projet de loi?

[Traduction]

M. Arya : Eh bien voici. Dans la version originelle, quand j'ai élargi la liste des bâtiments et des biens visés, j'y ai inclus toutes les écoles, tous les centres communautaires, tous les arénas sportifs, alors que le comité permanent a jugé que c'était trop. Il a limité la portée du projet de loi aux écoles et aux centres communautaires servant principalement à ces groupes identifiables.

Mme Bromwich : Si vous me permettez d'intervenir, le projet de loi élargit la portée des lieux auxquels la protection s'appliquerait. Il n'élargit pas la définition de méfait. Respectueusement, je ne suis pas d'accord avec M. Trudell selon qui une protestation serait englobée dans la notion de méfait. Une jurisprudence abondante porte sur la notion de méfait en droit criminel, sous le régime de l'article 430 ou celui d'autres articles. Je suggérerais respectueusement que « méfait » n'égale pas « protestation ». D'ailleurs, beaucoup de groupes confessionnels ont exprimé leur appui au projet de loi, y compris le mien, l'Église presbytérienne du Canada. Beaucoup d'Églises et de groupes confessionnels, notamment juifs et musulmans, l'ont fait.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J'essaie de comprendre la logique de votre projet de loi par rapport à ce qui existe déjà dans le droit criminel. À partir de la définition générale de méfait au paragraphe 430(4.1), on a ajouté un certain nombre de catégories de méfaits à l'égard, premièrement, de données informatiques; deuxièmement, de culte religieux; troisièmement, des monuments commémoratifs de guerre; et ensuite, des biens culturels.

Pour ce qui est du culte religieux, on a voulu, semble-t-il, préciser que s'il y a un méfait à l'égard d'un bâtiment ou d'une structure servant principalement au culte religieux, on est passible soit d'une accusation ou d'une infraction. Si je comprends bien ce que vous dites ici, on sort de l'esprit de culte religieux et on élargit la portée de cet article en précisant qu'on conserve l'élément de structure servant principalement au culte religieux, et y ajoutant la notion d'établissement d'enseignement et de services à l'enfance. Toutefois, les garderies ne sont pas des établissements d'enseignement. En tout cas, elles n'ont pas été reconnues comme des établissements d'enseignement jusqu'ici. Vous ajoutez donc des structures servant à des activités d'un caractère tout autre, donc administratif, social, culturel ou sportif et, finalement, la résidence pour personnes âgées.

J'essaie de comprendre ce qui a motivé non seulement l'ajout de ces différentes catégories, mais aussi le choix que vous avez fait, par exemple, dans le dernier cas, d'une résidence pour personnes âgées.

[Traduction]

M. Arya : Comme je l'ai dit, j'ai tenu compte des répercussions de ces crimes haineux sur la communauté. Quand ils touchent une mosquée ou une synagogue, les répercussions dans la communauté sont les mêmes que si ç'avait été contre une école catholique ou un centre communautaire juif. J'ai fait ce choix, parce que, en fin de compte, comme je l'ai dit, ce crime envoie à certains groupes le message qu'on les méprise, qu'on les dévalorise ou qu'on les juge indésirables dans le quartier, l'école communautaire ou le lieu de travail. Comme l'effet est le même, je pense que tous ces lieux doivent être visés.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie, monsieur Trudell, pour vos observations. Comme vous le savez, notre comité s'est échiné pendant presque un an et demi sur cette question, et j'étais très fier d'avoir contribué à ce rapport. Je vous remercie pour ce que vous en avez dit.

Revenons à la définition de « bien » dans le projet de loi, parce que, bien sûr, elle est différente de celle de l'article 2 du Code criminel selon lequel il est davantage défini comme meuble que foncier ou construit. C'est une notion différente. Ensuite, il y a une énumération de lieux. Je dirais qu'on y distingue mal, d'après moi, ce qui est privé et ce qui est public. Par exemple, un abribus chargé de graffitis ou d'une affiche ne serait pas visé par le projet de loi, et cet acte pourrait traumatiser un groupe qu'il nommerait.

Vous nommez les résidences pour personnes âgées, mais qu'en est-il des refuges pour les femmes ou les sans-abri d'un centre-ville, qui pourraient aussi servir à propager des messages ou des discours haineux ou de support à toutes sortes d'affiches ou quoi d'autre?

À la lecture de la liste, nous comprenons tous ce terme général de lieu de culte. Mais n'énumérer que les personnes âgées comme victimes de la haine ou du vandalisme que vous voulez prévenir, en omettant les autres cibles possibles, ça me semble illogique. Ça ne me semble pas s'appliquer aux endroits énumérés dans les alinéas a) à d). Pourriez-vous expliquer vos réflexions pour que nous puissions vraiment comprendre vos objectifs?

M. Arya : Le projet de loi dont vous êtes saisis a été modifié par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Dans mon projet de loi initial, j'ai rallongé la liste des crimes haineux fondés sur la religion, la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique, afin d'inclure l'identité de genre et l'orientation sexuelle. Les membres du comité, après avoir entendu plusieurs témoins, ont ajouté d'autres catégories tels l'âge, le sexe, et une déficience mentale ou physique, ce que j'ai également accepté.

Le sénateur Joyal : Je répète ma question. Qu'est-ce qui vous a poussé à distinguer et à identifier les lieux que vous avez mentionnés dans le projet de loi?

M. Arya : J'ai été très clair, dès le départ, au sujet de la liste des structures. Je crois qu'un crime haineux commis contre un lieu de culte a le même impact sur la collectivité que s'il était commis contre un édifice utilisé par un groupe ethnique ou un groupe religieux particulier. C'était le motif.

Le sénateur Joyal : Permettez-moi de vous donner l'exemple que je viens d'utiliser. Une mosquée, un temple ou une école pourrait se trouver près d'un abribus. Il y a maintenant de nombreux abribus en ville, car nous faisons la promotion du transport en commun, et cetera. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose. Si nous souhaitons protéger une école ou une mosquée et qu'un abribus se trouve devant une mosquée ou une école, cet abribus ne sera pas couvert par le projet de loi. Et il se peut que cet abribus soit utilisé par toutes les personnes qui fréquentent ce temple ou tous les membres du groupe identifié qui fréquentent cette école, et cetera. Comprenez-vous ma préoccupation?

M. Arya : Avec mes connaissances non juridiques limitées, je peux affirmer que l'abribus ne sera pas visé par ce paragraphe.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Comme nous en avons discuté lorsque nous nous sommes rencontrés à cet égard, si je ne veux pas parrainer ce projet de loi, ce n'est pas parce que je n'appuie pas l'intention et les mesures que vous tentez de prendre pour aider des groupes à éviter de faire l'objet de crimes haineux ou d'un autre type de préjudice. Comme on l'a déjà dit, certains éléments ne sont pas visés, par exemple les refuges pour femmes battues, et je suis préoccupée par le potentiel d'étendre la portée des personnes qui peuvent être criminalisées et emprisonnées en raison de ce projet de loi.

J'aimerais que M. Trudell nous parle davantage de ce que cela signifie pour les manifestations — surtout après ce qui vient juste de se produire dans le cas de Beatrice Hunter, la protectrice de la terre — et de la façon dont on a utilisé les manifestations pour criminaliser des gens. Pourriez-vous nous en parler davantage? Ce n'est pas une question que j'ai explorée de façon approfondie, mais j'aimerais connaître les répercussions que cela engendrera, selon vous.

M. Trudell : Je vais tenter d'approfondir le sujet, mais de façon décousue.

Permettez-moi seulement de préciser une chose : nous convenons tous que les crimes haineux sont inacceptables. Selon l'article 718.2 du Code criminel, « ... sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant :... que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle ». Oubliez les abribus, car ils sont couverts dans le Code criminel.

J'ai dit au début que certains progrès importants avaient été réalisés à la suite de manifestations que les gens n'aimaient pas au moment où elles se sont produites, car elles étaient motivées par la colère, les préjugés et même la haine pendant un certain temps. Il faut donc atteindre un équilibre. Dans ce cas-ci, nous prenons un problème de la collectivité dans la collectivité et nous le transférons dans le Code criminel, qui est déjà trop volumineux. Et lorsqu'on sort un problème de la collectivité pour qu'il soit examiné par le système de justice pénale, la collectivité ne participe plus à ce processus. Je crois donc que le fait d'intenter des poursuites judiciaires contre les manifestants représente un gros problème. Leurs manifestations sont peut-être contrariantes au moment où elles se produisent, mais peut-être que cinq ans plus tard, on se rendra compte qu'elles étaient parfaitement justifiées. Je pense qu'à l'exception des gens qui sont motivés par la haine et qui sont déjà visés par la loi, le projet de loi a une portée trop vaste et cela provoquera un nombre considérable de débats inutiles relativement à ces accusations et aux tribunaux.

Si vous aviez le temps d'examiner ce projet de loi, vous pourriez tous vous rendre compte que vous avez voulu sortir dans la rue pour manifester contre quelque chose dans votre collectivité à un certain moment. Seriez-vous visés par cet article s'il était mal appliqué?

Lorsque nous examinons nos lois dans notre pays, nous nous demandons s'il y a un besoin ou un vide à combler. Nous ne nous demandons pas si nous devrions formuler des commentaires sociaux et parler de restructuration. Lorsqu'on retire un élément de la collectivité pour le traiter dans le cadre du système de justice pénale, la collectivité ne traite plus cet élément. Il s'ensuit que l'abribus du sénateur Joyal est un problème communautaire. Il ne sera pas résolu en l'incluant dans le Code criminel. Ce n'est pas une réponse cohérente à la question.

Mme Bromwich : On peut notamment éliminer l'article 430 du Code criminel si la détermination de la peine est déjà abordée dans l'article 718. Et si on pense que l'article 430 devrait faire partie du Code criminel et qu'il y a des endroits qui doivent être protégés, comment justifie-t-on le fait que seuls les lieux de culte seraient des endroits protégés? C'est une autre façon d'aborder la question.

Je ferais valoir qu'il y a une raison de protéger certains endroits qui sont étroitement liés à des personnes marginalisées ou vulnérables qui éprouvent des émotions particulières à l'égard de ces endroits, et ces cas peuvent être traités de façon individuelle dans chaque endroit. J'aimerais également répéter qu'il serait intéressant d'étudier la jurisprudence relative à la différence entre les manifestations et les méfaits pour comprendre comment il est inapproprié d'utiliser la jurisprudence sur les méfaits pour traiter les cas de manifestations. Cela ne serait pas l'intention ou la conséquence inévitable de ce projet de loi.

La sénatrice Omidvar : Je trouve cela intéressant. Je comprends que les manifestations et les méfaits sont deux choses différentes.

Ma question s'adresse à M. Arya. Vous avez dit plus tôt dans votre témoignage que ce projet de loi représenterait une mesure dissuasive importante contre les méfaits criminels comme celui-ci. Est-ce votre opinion ou cette affirmation se fonde-t-elle sur des preuves? Une telle loi existe-t-elle ailleurs et si oui, quel est le résultat? Pourriez-vous nous communiquer certains faits à cet égard?

M. Arya : Il y a de nombreuses preuves à cet égard. Par exemple, le ministère de la Justice mène une étude sur le sujet, mais je ne me souviens plus du titre exact. Il y a également d'autres publications. Je pourrais ultérieurement fournir ces documents au comité.

La sénatrice Omidvar : C'est donc fondé sur des preuves.

M. Arya : Oui.

La sénatrice Omidvar : L'adoption d'une telle loi permettra-t-elle de réduire le nombre de méfaits criminels?

M. Arya : Absolument.

La sénatrice Omidvar : Je ne suis pas avocate, mais je comprends que ces petites différences ont beaucoup d'importance.

Le libellé du projet de loi C-305, qui vise le terrain, la couleur, la race, la religion et l'origine nationale ou ethnique ne correspond pas tout à fait au Code criminel et aux principes de détermination de la peine énoncés dans l'article 718.2. Par exemple, la langue n'est pas incluse. Pour quelle raison ces différences existent-elles? Cela aura-t-il des répercussions sur l'administration de la loi?

M. Arya : Pourriez-vous répéter votre question?

La sénatrice Omidvar : À partir de la ligne 7 de votre projet de loi, on dit ceci : « ... étant motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle ou la déficience mentale ou physique... ».

Les principes de la détermination de la peine prévus à l'article 718.2 du Code criminel visent aussi la langue, mais vous n'avez pas inclus la langue dans les vôtres. Je me demande donc s'il s'agit d'un oubli ou si c'est le produit d'une réflexion délibérée.

M. Arya : Je n'ai pas examiné l'article 718 dont vous parlez.

Le sénateur Gold : Merci. Je vous demande également de faire preuve d'indulgence. Je suis le parrain du projet de loi au Sénat et je suis aussi avocat. Je suis heureux de le parrainer. Je ne m'étais pas rendu compte que j'aurais pu devenir un membre permanent ou un témoin dans ce dossier. Je vais m'exprimer sous forme de questions, mais j'admets qu'il s'agit en quelque sorte de réponses à certaines des questions qui ont été posées.

Il est vrai, monsieur Trudell, que la discrimination et le racisme représentent un problème social, mais les actes de vandalisme actuellement commis contre une clinique d'aide juridique au service de la communauté noire ou la communauté LGBT ou le lancement d'une bombe incendiaire dans une école sont des infractions criminelles qui relèvent du Code criminel. Et ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas résoudre le problème sous-jacent que la loi ne devrait pas tenir compte de ces crimes de façon appropriée. Et avec tout le respect que je vous dois, nous parlons de ces types d'infractions criminelles, et non des manifestations.

En ce qui concerne les préoccupations légitimes liées aux prisons surpeuplées, n'est-il pas vrai que l'article du Code criminel à cet égard prévoit les mêmes sanctions, et que ce projet de loi n'augmentera pas la possibilité ou les dispositions liées à la détermination de la peine seulement pour les infractions criminelles commises contre des lieux de culte? Il ne prévoit pas de modifications à la loi actuelle, et nous ne sommes pas ici pour réviser l'ensemble du Code criminel ou les principes de détermination de la peine. Nous devrions peut-être le faire, mais pour le moment, le projet de loi laisse les choses comme elles sont. C'est bien cela, n'est-ce pas?

Monsieur Trudell, vous avez raison lorsque vous dites que selon les principes de détermination de la peine, le caractère haineux d'une infraction représente une circonstance aggravante, mais ai-je raison de penser — et comme je l'ai dit à la Chambre, j'espère que j'ai raison — que même si on en tient compte, une infraction commise contre un centre communautaire situé près d'une synagogue, d'une église ou d'un temple par la même personne poussée par le même motif, c'est-à-dire terroriser cette collectivité, ne serait pas assujettie à la même peine potentielle, même lorsqu'on tient compte du fondement haineux? Étant donné que les infractions commises contre des églises font l'objet d'une structure de pénalité pour les infractions criminelles fondées sur la haine différente de celle des méfaits généraux motivés par la haine, je crois que l'une des justifications, c'est la nécessité de combler l'écart.

Si nous croyons qu'une infraction criminelle fondée sur la haine commise contre un centre communautaire d'une communauté noire ou un cercle d'amitié autochtone ne devrait pas entraîner une peine différente de celle d'un crime commis contre une église ou un temple, la peine potentielle devrait donc être la même, toutes autres choses étant égales, et oui, les abus de la Couronne et le pouvoir discrétionnaire devraient probablement nous préoccuper. Mais c'est le système auquel nous devons faire confiance dans une certaine mesure.

Les membres du comité ont réduit la portée du projet de loi, car il est clair qu'il cible des endroits qui sont principalement utilisés par ces groupes. Et oui, un svastika peint sur un abribus à l'extérieur d'un centre juif pour les aînés cause certainement un préjudice à la personne qui le voit, mais il y a une différence, sénateur Joyal. Ce projet de loi protège des endroits où les membres de la collectivité se réunissent — les centres chinois pour les aînés, les centres communautaires juifs, les centres pour personnes âgées — pour recevoir des soins et être en sécurité. Lorsqu'on cible ces centres, il s'agit d'une atteinte à leur sécurité, et ce n'est pas la même chose que lorsqu'un individu crie dans Hyde Park en scandant des slogans racistes. C'est une distinction qui fait une différence, même si cela n'excuse pas les svastikas sur les abribus ou d'autres crimes haineux.

Enfin — et cela s'adresse à la sénatrice Dupuis —, pourquoi les centres pour personnes âgées? Je crois que nous vieillissons tous, mais les gens qui se trouvent actuellement dans ces endroits sont certainement vulnérables, et malheureusement, ils sont ciblés. C'est vrai.

Vous avez raison. Je dis que la loi n'est peut-être pas suffisamment inclusive à certains égards, je l'admets volontiers. Mais je ne crois pas qu'elle est trop inclusive. Je crois qu'elle vise, même si elle ne le fait pas parfaitement, des endroits et des gens qui méritent eux aussi de profiter des protections offertes par la loi. Que cela crée un effet dissuasif ou non, il s'agit certainement d'un message symbolique.

Le président : Je vous ai accordé du temps supplémentaire, mais j'aimerais donner à nos témoins le temps de répondre brièvement. Le temps sera bientôt écoulé. Quelqu'un souhaite-t-il répondre?

M. Trudell : Sénateur Gold, je respecte les renseignements généraux que vous avez présentés sur le parrainage du projet de loi, tout comme je respecte l'honorable député, mais je n'ai pas entendu où se trouve la lacune. La lacune est comblée dans l'article 718.2 par les circonstances aggravantes. Il s'ensuit que si un jeune dessine un graffiti sur un abribus et qu'il n'est pas dirigé contre le centre juif situé à côté, c'est un graffiti, et c'est un méfait. Toutefois, s'il y a des preuves qu'il visait les gens qui habitent à côté, la Couronne interviendra, invoquera l'article 718, prouvera l'infraction et il s'agira d'une circonstance aggravante.

Nous ne vivons pas en vase clos. Si vous trouvez une lacune législative, comblez l'écart au lieu de rendre le Code criminel plus sévère pour un commentaire social. Toutefois, avec tout le respect que je vous dois, il n'y a pas d'écart.

Mme Bromwich : Oui, je suis d'accord avec la sénatrice Pate; le projet de loi, tel que libellé, ne vise pas tous les éléments, mais il devrait les viser. Comme je l'ai déjà dit, l'augmentation des taux d'incarcération me préoccupe, et cela ne réglera pas le problème.

Le projet de loi est un pas dans la bonne direction. En ce moment, il n'est pas suffisamment inclusif, car il vise seulement les lieux de culte. L'inclusion des personnes LGTB, des personnes handicapées et des groupes qui ne sont toujours pas protégés représente un pas dans la bonne direction. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. D'autres projets du programme législatif devraient avancer et faire plus de choses.

La sénatrice Batters : Monsieur Arya, étant donné ce que nous a dit M. Trudell au sujet de l'article 718 et en raison du fait que tous ces motifs illicites dans la catégorie des méfaits représentent déjà des circonstances aggravantes dans le Code criminel, quel exemple précis pouvez-vous nous donner d'un incident réel qui ne serait pas visé par l'article 718, mais qui serait visé par les dispositions de votre projet de loi?

M. Arya : L'attaque qui a été menée l'an dernier contre une mosquée d'Ottawa; les centres communautaires, les synagogues, et cetera, pourraient être visés, mais au départ, ce paragraphe avait un objectif symbolique et devait servir de mesure dissuasive très importante. Ces gens sont vulnérables, et ils ont besoin d'une attention spéciale. Tous les crimes commis contre eux devraient être abordés sous un angle différent.

La sénatrice Batters : Mais cela serait visé, car c'était un crime commis...

Mme Bromwich : Le centre communautaire ne serait pas visé.

La sénatrice Batters : Mais le crime lui-même était visé, car il était motivé par un préjugé, un préjudice ou la haine et fondé sur la religion, peu importe l'endroit où il a été commis, n'est-ce pas?

M. Arya : Vous laissez donc entendre que le paragraphe sur l'impact n'est pas nécessaire?

La sénatrice Batters : Je cherche à connaître sa raison d'être. Pouvez-vous nous donner un exemple précis?

M. Arya : Je n'ajoute pas un nouveau paragraphe.

La sénatrice Batters : C'est pourtant ce que vous faites.

M. Arya : Non, je modifie des parties du paragraphe pour rallonger la liste. C'est tout. Je ne modifie pas l'ensemble du paragraphe et je n'ajoute pas un nouveau paragraphe.

La sénatrice Batters : Vous augmentez grandement le nombre d'endroits visés.

M. Arya : Oui, les endroits. Toutefois, le crime est toujours le même.

La sénatrice Batters : Le crime est le même, et je vous demande donc pourquoi ce crime dont vous venez de parler ne serait pas visé par l'article 718, car il représente une circonstance aggravante pour les juges. De nombreuses personnes feraient valoir que c'est la façon la plus efficace de gérer ces situations.

M. Arya : L'existence de ce paragraphe est donc justifiée dans ce cas-là, et elle l'est aussi maintenant.

La sénatrice Batters : Monsieur Trudell, avez-vous des commentaires à cet égard?

M. Trudell : Je suis respectueusement en désaccord avec Mme Bromwich. Le centre communautaire est couvert.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ma première question est la suivante : dans le cas d'un appel au viol des femmes sur un mur d'université par rapport à un mur d'un refuge pour femmes battues ou à un mur de clinique d'avortement, serait-ce couvert par votre projet de loi?

[Traduction]

M. Arya : Je ne sais pas.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci.

Monsieur Trudell, vous avez parlé de l'articulation entre l'article 430 et le paragraphe 430(4.1). Qu'est-ce qui arrive dans le cas d'un crime non motivé par un préjugé ou la haine fondée sur la religion, la race, la couleur ou l'origine ethnique à l'égard d'un bâtiment? Est-ce traité dans le paragraphe 430(1)? Ce que je comprends du paragraphe 430(4.1), donc le méfait pour culte religieux, il faut que ce soit motivé par des préjugés ou de la haine fondée sur la religion, la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique. Donc, il y a un élément supplémentaire de preuve à faire que le crime a été motivé par des préjugés ou de la haine, si je pense à un crime dans le même contexte que le paragraphe 430(4.1), donc une structure ou un bâtiment servant principalement de lieu de culte religieux, mais qui ne serait pas fondé sur la haine ou des préjugés fondés sur la race, la religion, et cetera.

[Traduction]

M. Trudell : Les dommages causés à un bien public ou privé représentent une infraction criminelle. Si j'écris un slogan sur le mur d'une clinique d'avortement, cela pourrait être un méfait. Si ce slogan affirme qu'il faut fermer cette clinique, c'est un graffiti sur un mur et c'est un méfait. Je n'ai pas le droit de faire cela. Si j'écris : « Fermez cet endroit ou nous vous tuerons », ou « Vous tuez des bébés et c'est mal », et cetera, on pourra avoir recours aux circonstances aggravantes prévues dans l'article 718, car ce crime est inclus dans ces circonstances.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Trudell, vous avez soulevé la question de l'article 718, c'est-à-dire les circonstances aggravantes. J'aimerais soulever une autre question. Dans la partie XI du Code, les méfaits sont divisés en plusieurs catégories, par exemple un méfait lié aux données, un méfait lié à un lieu religieux, un méfait lié à un monument commémoratif de guerre, un méfait lié à un bien culturel et un méfait lié à des données informatiques.

Le projet de loi modifie le méfait à l'égard des biens religieux. Autrement dit, il élargit la situation pour couvrir des endroits servant principalement au culte religieux. Cela dit, ne pensez-vous pas que ces mesures sont nécessaires? Il me semble que dans le code, il n'est pas question de la situation qu'a soulevée le parrain du projet de loi.

M. Trudell : Non. Les catégories de méfaits définies dans le Code criminel ne sont pas... nous parlons de la détermination de la peine et de la responsabilité pour des crimes raciaux. C'est ce que fait l'article 718. Il en fait une circonstance aggravante.

De plus, le projet de loi est trop vaste. Il ne s'agit pas seulement d'un lieu de culte comme une mosquée, mais aussi d'un champ, par exemple, où une cérémonie peut avoir lieu. C'est trop vaste. S'il y avait une lacune, monsieur, alors il faudrait y remédier, mais aux exemples dans le Code criminel s'ajoute l'article 718.1, ou 718.2 — peu importe lequel —, dans lequel il est justement question du problème que les honorables membres essaient de corriger dans le projet de loi.

Le sénateur Joyal : N'aurait-il pas été préférable de prendre les mots du sénateur Gold : c'est-à-dire, en fait, que plutôt que de déterminer des lieux, nous déterminions le critère du lieu où les gens se rencontrent dans le cadre de leurs activités régulières? N'aurait-il pas été préférable de déterminer ce critère objectif plutôt que de commencer par déterminer des endroits? C'est que, à mon avis, il y aura d'autres endroits auxquels nous n'aurons pas pensé, et cetera. Voilà la question que je pose.

M. Trudell : La clarté est un élément important dans toute mesure législative. Si c'est trop vaste, alors les tribunaux ne pourront rien faire à cet égard. Cela retardera davantage les choses. Si l'on adopte une approche ciblée et que les mesures sont claires, c'est alors beaucoup plus utile s'il est nécessaire de combler le besoin. Regardez tous ces gens intelligents ici présents qui essaient de déterminer ce qui est couvert et ce qui n'est pas couvert. Que se passera-t-il dans une salle d'audience?

Le sénateur Joyal : Merci.

Le président : Je remercie les témoins de leurs témoignages utiles. Nous sommes ravis que vous ayez comparu devant le comité et contribué à son étude.

Pour la deuxième partie de la séance, nous accueillons M. Richard Marceau, avocat-conseil et conseiller politique principal du Centre consultatif des relations juives et israéliennes; M. Mukhbir Singh, président de la World Sikh Organization of Canada; et, enfin, M. Imtiaz Ahmed, imam de la communauté musulmane Ahmadiyya.

Je vous remercie tous de votre présence. Monsieur Marceau, vous pouvez peut-être commencer.

[Français]

Richard Marceau, avocat-conseil et conseiller politique principal, Centre consultatif des relations juives et israéliennes : Je suis heureux d'être ici comme représentant du CIJA. Je commencerai par féliciter le député Chandra Arya d'avoir déposé le projet de loi C-305. Je tiens à remercier tous les députés de la Chambre des communes d'avoir appuyé le projet de loi de façon unanime. Je veux aussi remercier le sénateur Gold d'avoir bien voulu parrainer ce projet de loi au Sénat.

Ce projet de loi est au programme de la communauté juive depuis très longtemps. En fait, il pourrait être intéressant de faire la genèse du projet de loi C-305 sans enlever quoi que ce soit au mérite de M. Arya, bien au contraire.

Alors que j'occupais un poste de député à l'autre endroit, la communauté juive était venue me voir pour me parler de la nécessité d'étendre les protections qui étaient prévues pour les maisons de culte et les cimetières aux centres communautaires et aux écoles. J'étais convaincu, à l'époque, du bien-fondé de cette initiative. J'avais donc préparé un projet de loi qui devait être déposé. Toutefois, la politique étant ce qu'elle est, j'ai perdu mon siège le 23 janvier 2006. Par contre, le projet de loi a été repris par la suite, lors de la 39e législature, par la députée Carole Freeman, lors de la 40e législature, par Marlene Jennings, et enfin, lors de la 41e législature, par Marc Garneau. À chaque fois, le projet de loi a joui d'un appui très large de toutes les formations politiques.

[Traduction]

L'objectif du projet de loi est assez simple. Il s'agit d'étendre la protection déjà accordée aux lieux de culte et aux cimetières à d'autres bâtiments et structures utilisés principalement — on ne parle donc pas d'une cabane dans un champ, comme l'a dit M. Trudell à la fin de la première partie de la séance — par un groupe identifiable. Pourquoi? Parce que les écoles et les centres communautaires sont aussi essentiels à la vie communautaire que les lieux de culte et les cimetières et qu'ils sont aussi souvent la cible de gens qui éprouvent de la haine contre des groupes identifiables que les lieux de culte et les cimetières.

La communauté juive a souvent été la cible de vandalisme. Les Canadiens juifs sont plus victimes de crimes haineux que n'importe quel autre groupe identifiable. Nous avons vu, il y a deux jours, que selon le rapport de Statistique Canada, le taux de crimes haineux est de 55 affaires pour 100 000 Canadiens juifs comparativement à 15 affaires pour 100 000 Canadiens musulmans et à 0,4 affaire pour 100 000 Canadiens catholiques. Nous sommes souvent la cible de crimes haineux.

Statistique Canada indique également qu'environ trois quarts de ces crimes entrent dans la catégorie juridique des méfaits — en gros, le vandalisme et la destruction de biens. Les actes de vandalisme commis contre des centres communautaires et des écoles sont plus que des attaques contre des bâtiments. Ils se répercutent sur une collectivité et une ville. Ils touchent tous les membres de la communauté, peu importe s'ils fréquentent l'endroit en question ou non. Voilà pourquoi ces actes doivent être sévèrement punis.

Comme je l'ai dit, le projet de loi étend la protection en définissant le mot « bien » pour l'application du paragraphe 430(4.101) proposé comme s'entendant non seulement d'un lieu de culte et d'un cimetière, mais également « de tout ou partie d'un bâtiment ou d'une structure utilisés principalement par un groupe identifiable [...] ». Cela inclut un établissement d'enseignement, ou un bâtiment ou une structure servant à la tenue d'activités ou d'événements à caractère administratif, social, culturel ou sportif ou utilisés comme résidences pour personnes âgées.

[Français]

Sénateur Joyal, je sais que vous avez mentionné la définition du terme « propriété » ou du terme « bien ». Lorsqu'on se penche sur ces définitions, cela n'inclut pas seulement les biens meubles, mais cela inclut aussi les biens et immeubles. Les définitions ne sont pas contraires, d'autant plus que la définition du terme « propriété » ou du terme « bien », dans le cadre du projet de loi C-305, précise « pour l'application du paragraphe 4.1 ». Il n'est pas rare dans une loi d'avoir une définition différente pour l'application d'une section d'un article en particulier.

[Traduction]

Le fait que « groupe identifiable » est mentionné et qu'il a été ajouté par le Comité de la justice de la Chambre des communes fait en sorte qu'on ne protège pas que les groupes religieux, et c'est quelque chose que la communauté juive appuie fortement

Je veux seulement ajouter quelque chose. J'ai encore tant de choses à dire.

Le président : Très brièvement.

M. Marceau : Les crimes haineux sont en hausse. Ces mesures législatives constituent un moyen — elles ne représentent pas la panacée et ne résoudront pas tous les problèmes, mais elles permettent au législateur d'indiquer clairement aux gens que les crimes haineux sont inacceptables au Canada, et que les lieux que les groupes fréquentent et utilisent devraient être protégés. Merci beaucoup.

Mukhbir Singh, président, World Sikh Organization of Canada : Au nom de la World Sikh Organization of Canada, je suis ravi d'avoir l'occasion de présenter au comité le point de vue de notre organisme sur le projet de loi C-305.

Créée en 1984, la World Sikh Organization of Canada est une organisation nationale sans but lucratif dont le mandat est de promouvoir et de protéger les intérêts des sikhs canadiens ainsi que de promouvoir et de défendre les droits de la personne de tous les Canadiens, indépendamment de la race, de la religion, du sexe, de l'origine ethnique et de la situation sociale et économique.

Notre organisme est dirigé par un conseil d'administration de 31 membres qui inclut des représentants de partout au Canada. En tant que représentants d'un organisme national, qui représente les intérêts des sikhs canadiens, nous sommes ravis de pouvoir fournir le point de vue de notre communauté sur les crimes haineux commis contre des établissements communautaires.

Lorsque des sikhs vivent dans une communauté, si petite soit-elle, l'une des premières étapes consiste à fonder un gurdwara. Le gurdwara sert de lieu de culte, de centre communautaire et de lieu d'éducation. Des écoles Khalsa ou des écoles sikhes pour enfants ont également été fondées —principalement en Ontario, en Alberta et en Colombie- Britannique.

Il arrive parfois que des actes de vandalisme raciste soient commis contre des gurdwaras et des écoles sikhes au Canada. Encore récemment, en décembre 2016, un gurdwara à Calgary a été vandalisé avec des croix gammées. De nombreux incidents qui surviennent dans les gurdwaras ne sont pas signalés parce que les membres de la communauté ne veulent pas que de tels événements soient connus inutilement.

En juillet 2012, une école Khalsa de Brampton a signalé que des actes de vandalisme avaient été commis avec les lettres KKK et des croix gammées. Ces situations sont inquiétantes et traumatisantes pour la communauté. Il est nécessaire de prendre des mesures pour régler le problème.

Notre organisme appuie le projet de loi C-305. Nous croyons qu'étendre la protection accordée aux structures religieuses à tous les lieux de rassemblement, à toutes les écoles et à tous les centres pour personnes âgées de la communauté sikhe fournira une mesure de protection et de dissuasion supplémentaire concernant les gens qui envisagent de commettre de tels crimes haineux.

Il tombe sous le sens que ces bâtiments soient protégés et non strictement les lieux de culte. De plus, nous appuyons le fait que le projet de loi inclut dans son approche la communauté LGBT et d'autres groupes vulnérables. Il est important d'adopter des mesures visant à protéger les groupes vulnérables et les installations et les bâtiments utilisés principalement par ces groupes afin de dissuader les gens de commettre ces crimes ou d'intenter des poursuites fructueuses lorsque des gens commettent de tels crimes. Nous encourageons le Sénat à adopter le projet de loi rapidement.

Imtiaz Ahmed, imam, Ahmadiyya Muslim Community : Bonjour. Je m'appelle Imtiaz Ahmed. Je suis un imam de l'Ahmadiyya Muslim Jama'at au Canada et je suis présentement l'imam d'Ottawa.

J'aimerais remercier le comité de donner à notre communauté l'occasion de s'exprimer sur ce sujet important. Puisque les projets de loi d'initiative parlementaire ne se rendent pas toujours aussi loin dans le processus législatif, je dirais tout d'abord que nous sommes reconnaissants de l'appui qu'a reçu le projet de loi jusqu'à maintenant.

En novembre 2016, la communauté musulmane Ahmadiyya, a fait front commun avec plus de 20 organismes confessionnels et ethniques de diverses communautés, dont les communautés juive, chrétienne, sikhe ainsi que d'autres représentants de communautés pour écrire au député Chandra Arya afin d'exprimer notre appui au projet de loi C-305. Une foule d'organismes similaires ont écrit à chaque sénateur ce mois-ci pour les encourager à adopter le projet de loi C-305. Cette question nous touche tous et unit nos diverses collectivités.

À mon avis, le Canada est le meilleur pays au monde. Ce pays et des gens comme vous continuent d'apporter des améliorations de sorte que nous puissions être un modèle pour le monde quant à la façon dont des gens de différentes nations, tribus, origines ethniques, races et religions se réunissent et vivent en harmonie.

Malheureusement, nous vivons également à une époque où le fanatisme et la haine s'expriment davantage que même dans des temps récents. Par conséquent, le projet de loi aide à protéger les groupes de notre société qui sont vulnérables à la haine et aux crimes haineux. Notre communauté souhaiterait que nous n'ayons pas à même réfléchir à des modifications telles que celles contenues dans le projet de loi C-305. Toutefois, le contexte actuel nous dicte que nous devons le faire.

Vous connaissez sans doute le dernier rapport sur les statistiques concernant les crimes haineux que Statistique Canada a récemment publié. Il révèle des tendances alarmantes qui indiquent qu'il est nécessaire d'adopter le projet de loi C-305.

En quelques mots, le rapport que Statistique Canada a publié cette semaine a révélé un certain nombre de tendances inquiétantes : à l'échelle nationale, le nombre de crimes haineux déclarés par la police a augmenté de 5 p. 100 en 2015. Pour ce qui est des incidents haineux, qui ciblent des gens en fonction de leur religion, en 2015, au pays il y a eu 178 incidents ciblant des juifs, 159 ciblant des musulmans et 55 ciblant des catholiques.

En ce qui a trait à la trajectoire, les données indiquent que le nombre de crimes motivés par la haine visant la population musulmane était de 159 en 2015, comparativement à 99 en 2014, ce qui représente une hausse de 61 p. 100.

Bon nombre de ces crimes haineux ciblent des institutions communautaires, qui sont souvent très visibles et qui attirent les individus motivés par la haine. Par conséquent, manifestement, il est nécessaire d'élargir la portée actuelle de ce qui constitue des crimes haineux commis à l'endroit de certains groupes marginalisés depuis longtemps dans le cadre du projet de loi C-305. Le projet de loi fournit des outils supplémentaires à notre système de justice pénale pour protéger les Canadiens des crimes motivés par la haine.

Nous trouvons encourageant que la portée des crimes haineux commis contre des lieux de culte, comme des temples, des mosquées, des synagogues, des gurdwaras et des églises, soit élargie pour inclure les bâtiments utilisés principalement comme établissements d'enseignement; les bâtiments servant principalement à la tenue d'activités ou d'événements à caractère administratif, social, culturel; les bâtiments utilisés principalement comme résidence pour personnes âgées; et les cimetières.

Seulement à Ottawa, en l'espace de six mois, le centre communautaire de la communauté musulmane Ahmadiyya a été la cible d'attaques à deux reprises. Par conséquent, il est nécessaire que le projet de loi soit adopté. Je suis convaincu que votre comité poursuivra ses efforts et adoptera le projet de loi C-305.

En terminant, je dirais que les criminels motivés par la haine ne font pas de distinction entre les lieux de culte, les centres communautaires et les écoles. Il devrait en être de même pour la loi. Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur McIntyre : Messieurs, je vous remercie de vos exposés. De toute évidence, les crimes haineux commis contre les biens ont de graves conséquences, entre autres sur le plan économique. Cela dit, pourriez-vous nous parler du fardeau économique que votre communauté doit porter et des coûts que ces crimes entraînent pour votre communauté?

M. Marceau : Je peux répondre à la question. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'aller dans une synagogue durant les Grandes Fêtes, les trois fois dans l'année où les juifs vont dans une synagogue, mais c'est comme aller à l'aéroport pour prendre l'avion. Nous devons louer des détecteurs de métal, nous devons payer pour des services policiers. Nos bâtiments doivent être mieux protégés. Le centre communautaire juif d'Ottawa a des vitres pare-balles.

Dans mon organisme, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, il y a trois personnes à temps plein qui s'occupent de la sécurité. Nous menons des vérifications de sécurité dans toute la communauté au Canada : écoles, synagogues et centres communautaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous demandons davantage d'aide de la part du gouvernement pour les coûts qui sont liés à cela. L'ancien gouvernement a créé le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité, un budget de 5 millions de dollars. Dans le dernier budget, le montant a été doublé et s'élève maintenant de 10 millions de dollars. C'est une somme considérable qui est dépensée par la collectivité. Cela a des répercussions sur les frais de scolarité et les frais des écoles privées, des synagogues et des centres communautaires. Ce n'est pas seulement théorique.

Mes deux fils travaillent au centre communautaire juif, ici à Ottawa, et quand ils s'y rendent, je me demande s'ils sont en sécurité. Ils travaillent au camp sportif. Seront-ils victimes d'une attaque? Les mesures de protection sont-elles suffisantes?

Il y a des répercussions économiques, bien entendu, que vous avez mentionnées. Elles sont réelles. Il y a également des conséquences psychologiques et émotionnelles liées au fait d'envoyer ses enfants à l'un de ces endroits, par exemple.

M. Ahmed : Les incidents qui se sont produits récemment à notre centre communautaire d'Ottawa ont entraîné des coûts. Il y a tout d'abord le nettoyage. Si des fenêtres sont brisées, cela a également des conséquences financières pour nous. Il y a ensuite l'installation de caméras. Nous avons dû installer des caméras autour des biens, et nous avons dû nous assurer qu'elles nous permettraient d'attraper le responsable. Ces coûts comprennent du matériel de sécurité. Il y a d'autres coûts également.

Comme l'a dit mon collègue, les conséquences psychologiques sont beaucoup plus importantes que l'aspect financier.

M. Singh : Dans mon travail de collaboration avec les centres communautaires, j'ai choisi de ne pas divulguer publiquement ce type de crimes haineux. Ils ont dû mettre à jour leurs systèmes de sécurité également. D'un point de vue réaliste, certains de leurs systèmes n'étaient pas en mesure de capter ce qui se passait à l'extérieur, car la résolution n'était pas assez bonne. Ils ont donc dû apporter d'autres modifications à l'éclairage pour couvrir le centre communautaire. Les coûts liés à la sécurité sont assez importants pour les centres communautaires sikhs.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ma question s'adresse à chacun des trois témoins. La préoccupation à laquelle le projet de loi C-305 répond — puisque vous appuyez le projet de loi —, c'est que non seulement vous voulez que les lieux servant principalement au culte religieux soient couverts par le Code criminel, mais également les autres lieux où peuvent se retrouver des gens pour un motif religieux, que ce soit une résidence pour personnes âgées, un centre communautaire ou un lieu où il y a une activité quelconque; est-ce que je comprends bien ce que vous recherchez?

[Traduction]

M. Singh : Oui, vous avez couvert la question. Je pense qu'on établit très clairement que lorsque des individus s'attaquent à ces centres religieux, on ne fait pas de distinction entre un lieu de culte, une école religieuse ou n'importe quel autre centre communautaire.

[Français]

M. Marceau : Je suis d'accord avec M. Singh, en effet. C'est le but du projet de loi. Les communautés juives ne se regroupent pas seulement dans les synagogues. Je pourrais même dire que les centres communautaires sont plus fréquentés que les synagogues. Il est souvent plus agréable de suivre un cours de poterie ou de faire une partie de basketball que de passer trois heures et demie un samedi matin dans une synagogue.

Un centre communautaire juif est autant lié à la communauté et autant utilisé par la communauté, sinon plus, qu'une synagogue. On l'a vu à Ottawa l'hiver dernier, ou encore en 2004, lorsque l'école Talmud Torah de Montréal a été attaquée. Ni l'une ni l'autre des attaques n'a eu lieu dans un établissement religieux en tant que tel. Il s'agissait dans les deux cas d'établissements fortement identifiés à la communauté juive.

[Traduction]

M. Ahmed : Habituellement, les gens vont dans des lieux de culte pour prier. Une personne se rend sans une synagogue pour prier, et il en est de même pour un gurdwara ou une mosquée. Cet aspect est couvert. Or, lorsque nous tenons d'autres événements communautaires — et parfois, ils ont lieu dans nos centres communautaires —, ces lieux de culte dans lesquels ils sont tenus devraient également être couverts, à mon avis.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Marceau. N'aurait-il pas été plus simple — et j'ai posé la question aux témoins qui vous ont précédé également — de définir un critère plus large, qui aurait davantage couvert ce que j'appelle la mobilité de l'expression de la haine à l'égard de certains groupes? Si l'intervention a lieu sur un site en particulier, les personnes qui expriment ce genre de conviction vont se déplacer ailleurs et tenter d'identifier la communauté protégée là où elle va se retrouver.

N'aurait-il pas été plus simple, pour ce projet de loi, de déterminer le critère de la rencontre dans un lieu public ou accessible au public? Il me semble que cela aurait été une manière d'ajuster le projet de loi en évolution par rapport à ce que j'appelle la détermination de l'expression haineuse, qui va trouver d'autres façons de s'exprimer. Comme vous le dites très bien, si vous installez des portiques de sécurité ou toutes sortes de mesures de sécurité, on l'a vu avec le terrorisme, ce n'est plus à l'intérieur des aéroports que cela se passe, c'est à l'extérieur. On loue un camion et on tente de frapper des passants.

Si on s'appuie sur la manière dont ces personnes qui entretiennent ce genre de conviction vivent, l'option m'apparaît préférable de déterminer un critère objectif et un endroit objectif plutôt que de tenter de déterminer des endroits, ce qui laisse ainsi passer entre les trous des endroits qui ne seraient pas couverts.

M. Marceau : Comme chaque projet de loi que vous étudiez à titre de législateurs, l'enjeu est d'atteindre l'équilibre. La première mouture du projet de loi a été considérée comme étant trop large et comme pouvant capter dans son filet toutes sortes d'endroits.

Je me souviens de discussions que j'ai eues avec les députés à l'époque, de même qu'avec la bureaucratie, par rapport à la première mouture. Je peux vous donner l'exemple suivant : un groupe évangélique loue le Centre Bell pour une activité; est-ce que cela ne se retrouverait pas dans les mailles du projet de loi C-305 tel qu'il était formulé à l'époque? Les députés ont cru que c'était peut-être un peu trop large. Il est vrai qu'on a tendance quelquefois, à titre de législateurs, à oublier que les juges et les procureurs ont aussi une tête sur les épaules et qu'ils sont capables d'utiliser leur gros bon sens.

Ce sont donc les députés qui ont décidé de resserrer les critères et de nommer les endroits, en utilisant notamment l'expression « servant principalement ». Ils se sont dit que, de cette façon, en cernant un certain nombre d'endroits, mais aussi en rajoutant le critère de l'utilisation principale, tout cela ferait en sorte que les critiques de la sénatrice Batters, selon lesquelles la portée du projet de loi était trop large, pouvaient être calmées, du moins en partie.

Il y a en effet un danger en ce qui a trait à une façon de faire objective, car cela pourrait s'appliquer à peu près à tout et éliminerait la raison d'être non seulement du projet de loi C-305, mais la distinction entre un méfait général et un méfait pour des raisons particulières.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Est-ce que les autres messieurs ont des observations à faire à cet égard?

M. Ahmed : Je suis du même avis que Richard. Selon le rapport que Statistique Canada vient de publier, 178 crimes haineux commis contre des Canadiens juifs ont été déclarés, et c'est 155 et 55 contre les Canadiens musulmans et les Canadiens catholiques respectivement.

Bon nombre de ces crimes sont commis contre des centres et des établissements communautaires. Voilà pourquoi il est important de souligner l'importance d'inclure, au-delà des lieux de cultes, les centres communautaires et d'autres lieux qui sont associés à la religion, ou tout autre groupe d'ailleurs.

Le sénateur Gold : Au cours de la première partie de la présente séance, nous avons entendu des témoignages selon lesquels ceci n'était pas nécessaire parce que les dispositions sur la détermination de la peine dans le Code criminel nous permettent de tenir compte de la motivation haineuse. Or, pourriez-vous me donner votre avis sur mon interprétation du Code criminel en général, et me dire si je me trompe? D'après mon interprétation, même si l'on tient compte du crime haineux en tant que circonstance aggravante, c'est-à-dire un crime haineux commis contre un centre communautaire, qui n'est pas couvert par le Code criminel à l'heure actuelle — de la même façon que les églises et les synagogues —, même si l'on en tient compte en tant que circonstance, la peine maximale que l'auteur du crime, s'il est reconnu coupable, pourrait recevoir, par mise en accusation, serait de deux ans parce que c'est la peine maximale pour un méfait en général; tandis que si le même crime était commis contre votre établissement, un centre communautaire, la peine maximale pourrait être de 10 ans, aux termes des mesures actuelles, telles qu'elles s'appliquent pour des établissements religieux.

Dois-je comprendre que c'est l'une des lacunes que la mesure essaie de corriger, soit cette disparité entre les peines maximales pour le même crime, l'un commis contre une église, l'autre contre le centre communautaire voisin? Mon interprétation est-elle bonne?

M. Marceau : Oui; c'est bien le cas. Si je peux parler de deux petites choses, la deuxième chose que je veux dire, c'est que M. Trudell a soulevé une question, principalement au sujet du nombre de personnes qui sont incarcérées, et cetera. Est-ce un problème? Oui. Est-ce que c'est un problème qui devrait être réglé ici? Je ne crois pas que ce soit là qu'il faille le faire. Si le comité veut aller plus loin, j'en serai ravi. C'est une étude qu'il pourrait valoir la peine d'entreprendre.

Le troisième aspect, c'est qu'il convient de se rappeler d'où vient l'idée, non seulement par rapport au projet de loi C- 305, mais aussi la raison pour laquelle les lieux de culte et les cimetières ont été inclus dans le Code criminel en premier lieu. C'était après les attentats du 11 septembre; les législateurs craignaient, dans cette période trouble, que les membres de la communauté musulmane soient la cible de crimes haineux. Ils envoyaient essentiellement le message suivant : « Oui, nous renforçons la Loi antiterroriste. De nombreuses mesures peuvent être prises, mais nous tenons à affirmer que les musulmans ne sont pas tous des terroristes. Notre communauté est pacifique, et tout crime à l'égard de cette communauté pacifique sera sévèrement puni. »

Comme nous l'avons vu encore une fois cette semaine dans un rapport, on observe une hausse marquée des crimes haineux, qui s'étendent maintenant au-delà de la communauté musulmane. Les musulmans sont ciblés de plus en plus, et nous avons évoqué les chiffres pour la communauté juive. Ne sous-estimons pas le message envoyé par cette institution, le Parlement, lorsqu'elle affirme que cibler des groupes identifiables — qu'il s'agisse des musulmans, des chrétiens, des sikhs, des juifs ou de la communauté LGBTQ — est inacceptable au Canada. Il s'agit également d'une chose importante que les législateurs, que le Parlement, se doivent de faire.

La sénatrice Pate : Concernant l'enjeu que le sénateur Gold vient de soulever, si on vise principalement à imposer des peines plus sévères, je me demande, dans ce cas, comment conciliez-vous cette mesure et certains propos tenus par les dirigeants de la communauté, particulièrement en réaction à certains crimes qui ont été commis ici, à Ottawa, par des jeunes. Nous savons qu'il s'agit souvent de gestes posés par des jeunes qui ont une foule d'autres problèmes qui les mènent dans cette voie, et nous savons également qu'il existe de nombreuses preuves — comme la Cour suprême l'a indiqué, en fait — que la dissuasion est inefficace et n'est pas une façon légitime de prévenir la criminalité, en particulier chez les jeunes. Comment conciliez-vous cela avec l'envoi d'un signal qui, semble-t-il, se veut plus éducatif qu'autre chose? Qui ne serait pas prêt à appuyer ce genre de choses? Qui ne voudrait pas freiner l'augmentation de ce type de crime? Si on choisit de mettre l'accent sur les peines, quelles preuves avons-nous que cela puisse véritablement favoriser la création d'un milieu plus sûr pour n'importe lequel de ces groupes?

M. Marceau : Premièrement, vous parlez des jeunes, mais je suppose que vous parlez de la personne qui est responsable de la vague de crimes qui ont été perpétrés ici, à Ottawa.

Si je me souviens bien, ce jeune homme était à deux mois d'avoir 18 ans. Donc, s'il avait commis les mêmes actes deux mois plus tard, les sanctions auraient été beaucoup plus sévères.

La sénatrice Pate : Elles pourraient toujours l'être; il y a déjà une disposition...

M. Marceau : J'en conviens, mais en tant que jeune contrevenant, il n'est pas traité de la même façon que s'il était inculpé en tant qu'adulte. Je peux vous dire que la communauté juive... Je me dois d'être prudent, car la communauté juive est loin d'être monolithique; on emploie même l'expression « deux juifs, trois opinions ». La communauté juive réclamait une peine sévère pour ce jeune homme, c'est certain, après les gestes qu'il a commis à la synagogue de la congrégation Machzikei Hadas, puis celle de la congrégation Kehillat Beth Israel, la synagogue du centre communautaire juif que je fréquente.

La communauté avait peur. Des gens nous appelaient le matin pour nous demander s'ils devaient envoyer les jeunes à l'école ou s'ils devaient plutôt se rendre au centre communautaire. Sous-estimer les répercussions sur les membres de la communauté est une erreur. Quant à la dissuasion, je pense que c'est l'un des deux volets de tout système de justice pénale. Il y a les sanctions et les mesures dissuasives.

Je crois, comme le sénateur Gold l'a indiqué plus tôt, qu'il convient d'examiner la possibilité d'augmenter la peine maximale de 2 à 10 ans, que cela devrait être adopté, et je suis convaincu qu'en envoyant un message, le législateur s'acquitterait de l'une des fonctions du Parlement en tant que plus haute instance démocratique au pays. C'est l'un des rôles des sénateurs et des députés.

La sénatrice Pate : Même si les membres de la communauté ont indiqué qu'ils auraient préféré qu'on adopte une approche plus réparatrice ou éducative?

M. Marceau : Parce qu'il s'agissait d'un jeune contrevenant.

La sénatrice Omidvar : Ma question est dans la même veine que celle de la sénatrice Pate, et elle s'adresse à M. Singh et M. Ahmed.

Je suis certaine que vous avez consulté vos communautés respectives concernant ce projet de loi. Les membres de vos communautés ont-ils soulevé des préoccupations à l'égard du projet de loi, en particulier des craintes concernant des conséquences inattendues?

M. Ahmed : Avez-vous un exemple?

La sénatrice Omidvar : Certaines personnes pourraient penser, comme la sénatrice Pate l'a indiqué, qu'il pourrait être préférable de régler ces problèmes par l'éducation ou la résolution de conflits plutôt que d'opter pour la criminalisation, et cetera.

M. Ahmed : Je crois qu'il faut agir avec rigueur lorsqu'on observe un ensemble d'attitudes chez ceux qui commettent des crimes haineux. Lors d'un incident survenu à notre centre communautaire d'Ottawa, les auteurs ont fracassé une fenêtre d'un véhicule et laissé une hache devant la porte d'entrée du centre. Imaginez des enfants qui se rendent à une mosquée ou à un centre communautaire avec la crainte qu'une personne puisse les attaquer avec une hache ou une arme quelconque. Donc, nous avons effectivement consulté la communauté, mais je pense qu'il y a une recrudescence de crimes haineux et que nous devons faire preuve d'une grande sévérité à cet égard.

M. Singh : En 2016, nous avons constaté que les gens de la communauté sikhe vivaient de plus en plus dans la peur et craignaient que leurs centres communautaires soient attaqués ou ciblés. Ce sentiment de peur a entraîné des changements dans l'organisation des centres communautaires, que ce soit en assurant une présence sur les lieux 24 heures par jour ou en installant des systèmes de sécurité. Pour ce qui est de la consultation avec la communauté pour trouver des solutions de rechange, je dirais que selon mon expérience auprès de la communauté, beaucoup de gens ont tendance à ne pas signaler les incidents afin d'éviter d'attirer l'attention des médias ou d'éviter des attaques secondaires.

Nous essayons d'informer les gens. Je pense que certains de nos collègues ont fait un excellent travail pour sensibiliser les gens de la communauté à l'importance de signaler ces crimes haineux. Je considère le signalement des crimes haineux comme un facteur qui favorise l'éducation, ce qui, en soi, permet de réduire la fréquence de tels crimes.

L'adoption le projet de loi C-305 en élargissant sa portée des centres religieux et des lieux de culte pour inclure les écoles — qui sont essentiellement leur équivalent pour la communauté sikhe — irait simplement dans le sens du principe de la protection de ces élèves.

M. Marceau : Puis-je répondre brièvement, sénatrice?

La sénatrice Omidvar : Je vous en prie.

M. Marceau : L'éducation est un aspect important. Comme je l'ai mentionné, je ne crois pas que le projet de loi soit une panacée qui réglera tous les problèmes. Nos trois communautés travaillent activement à se faire connaître auprès des Canadiens.

Il y a deux ou trois ans, j'ai été invité à visiter un gurdwara; c'était une première pour moi. Cela m'a permis de comprendre le travail formidable qu'on y fait et de voir comment la communauté est structurée. Il en va de même pour la communauté musulmane ahmadie. Nous avons d'ailleurs accueilli des gens de cette communauté dans une synagogue de Toronto, et nous avons aussi visité une mosquée de la ville. En outre, la population en général est la bienvenue dans nos synagogues et notre centre communautaire.

C'est une question de compréhension mutuelle. Le droit pénal a ses limites; je suis d'accord avec M. Trudell sur ce point. Il a un rôle important, certes, et nous sommes ici pour traiter du projet de loi C-305, mais je peux affirmer, au nom de la communauté juive — et j'ai pu constater le travail que font mes collègues des deux autres organisations à cet égard —, que nous sommes tous déterminés à favoriser l'éducation et à mieux faire connaître nos communautés auprès de la population canadienne en général.

Le président : Messieurs, je vous remercie d'avoir comparu au comité aujourd'hui. Merci aussi de votre témoignage; nous vous en sommes très reconnaissants.

Chers collègues, nous procéderons mercredi prochain à l'étude article par article de ce projet de loi, ainsi qu'à l'adoption, je l'espère, de notre rapport sur la correction de lois.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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