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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 49 - Témoignages du 20 novembre 2017 (séance de l'après-midi)


ST. JOHN’S, le lundi 20 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 h 3, pour étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je tiens à profiter de l’occasion pour porter à l’attention de nos témoins le fait que le Comité sénatorial permanent des finances nationales est ici, aujourd’hui, à St. John’s, pour poursuivre son étude spéciale sur les modifications proposées durant l’été 2017 par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Nous accueillons trois témoins : M. Kerry Murray, directeur des politiques du Newfoundland and Labrador Federation of Labour, M. Des Whelan, président de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations de Terre-Neuve-et-Labrador, et M. Jim Case, président de LAT49 Architecture Inc.

M. Murray, suivi de M. Whelan, puis, de M. Case, présenteront leurs déclarations préliminaires qui dureront environ cinq minutes chacune. Nous allons ensuite passer immédiatement aux questions des sénateurs.

Monsieur Murray, je sais que c’est au cours des 72 dernières heures — je ne dirais pas « à la dernière minute » — que nous vous avons demandé de comparaître aujourd’hui. Nous sommes heureux, cet après-midi, de pouvoir entendre vos commentaires et vos recommandations. Je tiens à dire que c’est la sénatrice Marshall qui nous a rappelé de venir à St. John’s.

Cela dit, je vous demande, monsieur, de bien vouloir présenter votre déclaration.

Kerry Murray, directeur des politiques, Newfoundland and Labrador Federation of Labour : Merci de nous permettre de comparaître à la dernière minute. La sénatrice Marshall est mon ancienne députée provinciale à la législature, alors nous nous connaissons un peu en raison de nos interactions à l’époque où j’étais membre du conseil scolaire local.

Je travaille pour la Newfoundland and Labrador Federation of Labour. Nous représentons environ 65 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs de l’économie de toutes les collectivités des quatre coins de la province. Nous faisons la promotion de solides politiques publiques et de solides services publics harmonisés avec nos valeurs liées à la justice sociale et à l’égalité économique.

La NLFL et le mouvement syndical à l’échelle du pays voient d’un bon œil le plan du gouvernement fédéral d’éliminer les échappatoires fiscales auxquelles ont accès les personnes à revenu élevé qui utilisent des sociétés privées sous contrôle canadien pour éviter de payer leur juste part d’impôt. Les règles fiscales actuelles dans notre pays permettent aux plus riches de payer moins d’impôt sur le revenu des particuliers en raison de certaines de ces échappatoires qui existent depuis très longtemps. Des règles qui font en sorte qu’il est possible pour quelqu’un qui gagne 300 000 $ d’éviter de payer de l’impôt dont le montant est équivalent au salaire annuel d’un travailleur moyen ne sont vraiment pas justes.

Nous parlons du recours au fractionnement du revenu et des placements passifs, dont je ne parlerai pas des différents types. Je suis sûr que vous savez tous de quoi je parle. Ce genre d’évitement fiscal et ces règles coûtent probablement à notre pays 500 millions de dollars par année, de l’argent qui pourrait servir à payer les soins de santé, l’éducation, l’infrastructure et ce genre de choses. Voilà qui termine un genre d’introduction à notre organisation et à ce que nous pensons.

Lorsqu’il est question de la prestation des services publics essentiels sur lesquels nous comptons, dans notre pays, les Canadiens s’attendent à ce que tout le monde paye sa juste part. Afin de maintenir la capacité fiscale et le soutien politique nécessaire au moment de payer pour ces services, il est d’une importance cruciale que le système soit fondé sur l’équité fiscale, un système fiscal qui reconnaît les divers niveaux de capacité à payer de l’impôt. Un système qui vise à réduire les inégalités et qui ne les empire pas en récompensant de façon disproportionnée les plus riches, un système qui n’est pas inutilement complexe et criblé d’échappatoires permettant aux personnes à revenu élevé de profiter du système fiscal aux dépens du reste d’entre nous. Selon nous, ce n’est tout simplement pas juste.

Comme le ministère des Finances l’a écrit — c’est quelque chose qui a été beaucoup repris et dont il a été pas mal question dans les médias —, l’élimination des échappatoires fiscales, la lutte contre l’évasion fiscale et le maintien de l’équité fiscale sont essentiels à la préservation de la capacité du gouvernement, notre gouvernement, de maintenir son rôle dans le cadre du financement des soins de santé, des services d’hébergement, des prestations à l’enfance, de la Garde côtière et des autres services et programmes essentiels dont les Canadiens ont besoin.

C’est un débat qui dure depuis longtemps dans les pays industrialisés, et les pays qui ont misé sur l’équité fiscale ou ont mis en place un système fiscal progressif vraiment juste sont ceux qui affichent les plus faibles mesures de pauvreté et d’inégalité et qui obtiennent parmi les meilleurs résultats — voire les meilleurs résultats — au chapitre d’un large éventail d’indicateurs économiques et sociaux.

Il ne s’agit pas d’un nouveau débat au pays. Dans le cadre de mes brèves recherches, j’ai trouvé un livre blanc datant de 1969 et produit par le ministre des Finances du gouvernement libéral de l’époque intitulé « Propositions de réforme fiscale », et deux des domaines que le ministre a cernés étaient les suivants : d’importants genres de revenus et de prestations échappent à l’impôt. Le gouvernement propose de les incorporer au revenu imposable. En particulier, il propose d’établir un « impôt sur les gains de capital »; l’autre, qui concerne les échappatoires, porte que : « [...] selon la loi actuelle, les contribuables peuvent se soustraire à l’impôt en ayant recours à des stratagèmes. La réforme doit supprimer les échappatoires aujourd’hui accessibles à ceux qui, par suite de leur fortune, disposent de conseils des experts pour en tirer parti. » Par conséquent, ce débat ne date pas d’hier dans notre pays, et l’heure est venue de rattraper à cet égard le reste du monde industrialisé.

En 2015, dans sa campagne, le gouvernement actuel a aussi promis d’annuler les allègements fiscaux qui profitent aux plus riches et d’assurer l’équité du régime fiscal. Depuis 2000, les changements fiscaux au Canada ont vraiment bénéficié aux sociétés, aux entreprises, à ceux qui gagnent beaucoup d’argent et aux riches. De 2000 à aujourd’hui, le taux fédéral d’imposition des sociétés est essentiellement passé de 29,5 p. 100 à 15 p. 100, actuellement. Notre taux d’imposition des sociétés est le plus bas du G7, et les provinces ont fait la même chose pour les petites entreprises, en réduisant l’exemption et le taux d’imposition des petites entreprises.

La théorie selon laquelle des taux d’imposition plus bas pour les sociétés leur permettent de conserver plus de revenus qu’elles peuvent ensuite réinvestir pour soutenir la croissance et la création d’emplois et encourager de nouveaux investissements de capitaux ne s’est vraiment pas concrétisée. En fait, la croissance économique au cours de la dernière décennie a un peu stagné, a été faible, et ne nous a pas permis d’atteindre nos objectifs.

De plus, pendant ce temps, les recettes fiscales fédérales, en tant que pourcentage du PIB du pays, ont chuté et sont à leur plus bas des 50 dernières années. Depuis 2000, les dépenses consacrées aux programmes et aux services dans notre pays en tant que pourcentage de l’économie ont aussi chuté en dessous des normes historiques.

Nous tenons à souligner les mesures qui ont été prises par le gouvernement actuel et le ministère des Finances pour aller de l’avant dans le dossier de l’imposition progressive. Il s’agit de mesures positives, mais nous croyons qu’il faut en faire un peu plus.

Il faut lutter de façon plus proactive contre les échappatoires fiscales et les paradis fiscaux. Le récent document qui a été communiqué sur la façon dont les sociétés cachent et protègent des revenus imposables met en lumière ce qui est probablement une lacune flagrante de notre système fiscal, pas seulement ici, mais probablement aussi dans certaines autres administrations.

Nous devons éliminer les échappatoires fiscales régressives et inefficaces. Nous devons imposer les entreprises de commerce électronique étrangères afin d’équilibrer les règles du jeu pour les fournisseurs canadiens. Nous devons envisager d’imposer les banques et les entreprises du domaine des finances qui ont engrangé des bénéfices exceptionnels dans notre pays.

Je vais m’arrêter ici. Nous tenons à souligner, comme je l’ai dit, ce qui a été fait jusqu’à présent. Je vous remercie de l’occasion que vous nous avez offerte d’exprimer nos points de vue sur cet enjeu important.

Le président : Monsieur Whelan, s’il vous plaît.

Des Whelan, président, Association canadienne des constructeurs d’habitations — Terre-Neuve-et-Labrador : Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant le comité aujourd’hui. Je suis aussi accompagné de Victoria Belbin, la directrice générale du bureau de Terre-Neuve-et-Labrador de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations.

Monsieur le président, distingués sénateurs et collègues, le secteur de la construction résidentielle à Terre-Neuve-et-Labrador génère plus de 11 231 emplois, 725 millions de dollars en salaire et plus de 1,6 milliard de dollars d’activités économiques. Je tiens à ajouter que, il y a quatre ans, ces chiffres étaient deux fois plus élevés, ce qui signifie que notre secteur a essuyé un recul de 50 p. 100 de ces trois indicateurs durant cette période.

Le secteur de la construction résidentielle et de la rénovation est principalement composé de petites entreprises familiales, dont plus de 95 p. 100 comptent cinq employés ou moins. Le secteur de la construction résidentielle est de nature cyclique et est vulnérable aux conditions économiques régionales.

De plus, vu la nature du domaine de la construction résidentielle et de la rénovation, on ne saurait trop insister sur la capacité de nos membres de maintenir des capitaux dans leurs entreprises, des fonds auxquels ils peuvent avoir facilement accès pour investir dans l’acquisition de biens à des fins de développement. De plus, comme c’est le cas dans de nombreuses industries, on peut aussi utiliser ces capitaux durant des périodes économiques plus difficiles, et cet argent devient alors une question de survie. Ces facteurs font aussi en sorte que l’industrie est particulièrement sensible aux changements dans l’environnement d’affaires.

Le code fiscal canadien n’a pas vraiment fait l’objet de changements importants depuis plus de 50 ans, et on pourrait se demander pourquoi, après 50 ans, le gouvernement du Canada semble si pressé d’apporter de grands changements sans tenir compte des éventuelles conséquences imprévues pouvant survenir. En fait, nos membres ne savent toujours pas quel impact tout cela aura sur eux, parce que, en raison de leur petite taille — certaines sont même des microentreprises —, ils n’ont pas l’expertise nécessaire pour déterminer quelles seront les répercussions.

Assurément, nous apprécions l’esprit des annonces faites en octobre. Cependant, on ne saurait trop insister sur le fait que la certitude est capitale pour les propriétaires de petites entreprises, comme les membres de notre association. Ces annonces pourraient en fait avoir des répercussions positives sur nos membres, mais sans les renseignements dont chaque propriétaire d’entreprise a besoin pour évaluer les résultats possibles, ces annonces ne sont que des promesses dont l’évaluation sera seulement possible lorsqu’on connaîtra les détails.

Par exemple, au cours des deux dernières années, le gouvernement du Canada a apporté d’importants changements aux règles en vertu desquelles les acheteurs d’habitations peuvent être admissibles à une hypothèque. Ces changements ont été proposés pour atténuer les marchés en surchauffe dans de grands centres et des centres urbains comme Toronto et Vancouver. Les effets sur ces grands centres urbains ont été négligeables. Cependant, à Terre-Neuve-et-Labrador, où la situation économique était déjà difficile, nos membres constatent une réduction de 50 p. 100 des demandes hypothécaires de leurs clients. Cette réalité a accentué le déclin d’une année à l’autre des mises en chantier, à un moment où nous devrions faire la promotion de l’accession à la propriété afin que plus de ménages puissent accroître leur équité et leur richesse.

Nous devrons composer en janvier 2018 avec des modifications supplémentaires liées aux règles hypothécaires qui réduiront encore plus les ventes dans le marché des personnes qui achètent des maisons pour la deuxième et la troisième fois. C’est contre ces genres de conséquences imprévues que nos membres aimeraient vous mettre en garde.

Nous espérons que les nouvelles règles sur le fractionnement du revenu tiendront compte de la contribution dynamique des membres de la famille à une entreprise, et nous sommes encouragés par les références du gouvernement aux contributions, sous forme de capital et d’actions, et au fait d’assumer un risque financier lorsqu’on détermine les contributions importantes à la création et à l’exploitation d’une entreprise. Cependant, lorsqu’il est question d’investissements conjoints et de la responsabilité financière des époux des propriétaires de petites entreprises, ce que certains peuvent considérer comme un fractionnement du revenu pourrait aussi être considéré comme un rendement sur les investissements auxquels les époux ont droit en raison de l’apport de capital et des privilèges associés à leurs biens personnels.

De plus, nous espérons que le gouvernement acceptera de réviser périodiquement les seuils de revenu passif pour s’assurer de cibler seulement ceux qui gagnent le plus d’argent et, en même temps, de limiter l’impact sur les réelles exigences opérationnelles en matière d’investissement passif.

Nous savons qu’il y aura de nouvelles rondes de discussion et de consultation, un processus auquel l’ACCH a hâte de participer, qui portera sur la façon de composer avec ce que le gouvernement considère comme les enjeux problématiques liés au transfert intergénérationnel de la propriété des entreprises.

Même si les plans de réduire l’impôt des petites entreprises sont les bienvenus, les protections en cas de baisse sont plus importantes pour nos membres. Une imposition inférieure des profits aide assurément lorsqu’une entreprise va bien, mais ne l’aide pas du tout durant les périodes plus difficiles.

Dans un même ordre d’idées, l’incertitude n’est jamais une bonne chose pour les affaires, et les propositions du gouvernement ont créé beaucoup d’incertitude au sein de l’industrie. Cette incertitude persiste encore aujourd’hui. Il faut absolument que le gouvernement communique les règles définitives et détaillées et les cadres de mise en œuvre des dispositions qui seront adoptées, afin que les entreprises puissent rapporter les rajustements nécessaires. Il est aussi crucial que le ministère des Finances et l’Agence du revenu du Canada et le secteur privé travaillent en collaboration pour s’assurer que les lignes directrices d’interprétation de la législation sont claires, de façon à ce que la mise en œuvre des nouvelles modifications des règles ne crée pas de confusion et un tout nouveau lot de problèmes.

Enfin, l’ACCH et l’ARC ont fait de l’excellent travail, ensemble, pour lutter contre l’économie souterraine dans le domaine de la construction résidentielle et de la rénovation. En fait, l’ACCH de Terre-Neuve copréside un comité de pair avec le ministère des Finances de la province actuellement, et nous espérons que la collaboration donnera bientôt des résultats.

Cependant, une imposition plus élevée et les perceptions d’iniquité auront pour effet d’augmenter les transactions en argent comptant. Ce serait bien dommage si, en raison de ces changements fiscaux, plus de personnes se joignaient à l’économie souterraine et que cela entraînait, par conséquent, une diminution des revenus fiscaux du gouvernement.

Notre objectif, c’est de nous assurer que le système fiscal est juste et équilibré, sans causer de préjudice pour nos membres qui, de pair avec les propriétaires de petites entreprises à l’échelle de notre merveilleux pays, sont responsables de plus de 70 p. 100 des emplois, représentant ainsi une composante très, très importante de notre économie. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Case, veuillez présenter votre exposé.

Jim Case, président, LAT749 Architecture Inc. : Merci, mesdames et messieurs. Je m’appelle Jim Case. Je suis architecte et directeur général d’une société d’architecture du centre-ville de St. John’s qui emploie un peu plus de 20 personnes. La structure actuelle de l’organisation est en place depuis environ 20 ans. Durant une bonne année, nous générons environ 5 millions de dollars en frais d’honoraires de conception, et ces fonds sont consacrés aux salaires, aux opérations et à de modestes profits, qui, invariablement, sont tous réinvestis dans l’économie locale.

Le 18 juillet, le gouvernement fédéral a proposé des modifications à l’imposition des petites entreprises. Ces importants changements ont causé beaucoup d’incertitude pour mon entreprise et quant à mon avenir. Mes plans de retraite et ceux de mon épouse des 40 dernières années ont soudainement dû être révisés. Le ton utilisé dans le document était fâcheux et très offensant. On sous-entendait que j’étais un fraudeur du fisc, et que, d’une façon ou d’une autre, j’étais un paria qui refusait de payer sa juste part.

Récemment, le gouvernement a adouci le ton par rapport à sa position initiale. Nous ne savons pas dans quelle mesure, puisqu’il s’agit plutôt d’information qui nous arrive au compte-gouttes que de révisions concrètes. Ces commentaires, gazouillis, rumeurs, tentatives d’apaisement et suggestions défensives ne font rien pour atténuer mes inquiétudes et, à maints égards, me laissent confus et amer.

Ce qu’on retirera peut-être de la proposition du 18 juillet et ce qu’on maintiendra reste vague et nébuleux. Non seulement pour moi, mais pour mon comptable. Mes conseillers n’ont plus rien de solide sur quoi appuyer leurs conseils. Ils ne peuvent pas me dire quel sera l’impact sur mon entreprise, ma vie et mes plans de retraite. Ils sont complètement perdus.

Mon épouse a abandonné son programme menant à un diplôme et est allée travailler pour me soutenir dans le cadre de mes études. Elle a laissé tomber diverses carrières prometteuses pour m’accompagner là où je réussissais à trouver du travail, dans un premier temps, un peu partout au Canada atlantique, puis en Asie et en Europe. Lorsque nous avons mis toutes nos économies en jeu et hypothéqué notre avenir, elle était là pour me conseiller et me soutenir. Elle a abandonné sa carrière pour ce faire. Elle m’a suivi pas à pas pendant 38 ans pendant que je bâtissais ma carrière et, au bout du compte, mon entreprise. Lorsque j’ai pris des risques pour créer une entreprise et en assurer la croissance, elle a pris ces risques elle aussi et elle a fait des sacrifices immenses. Nous ne considérions pas mon entreprise comme une entreprise familiale, mais maintenant, à la lumière de cette proposition, c’est ainsi que nous la voyons, et c’est ainsi que nous la défendons. Sinon, le gouvernement a réduit la contribution de mon épouse à rien. Il considère que tout ce qu’elle a fait ne vaut rien.

Et maintenant, mon conseiller me dit que, selon cette proposition, si je peux prouver que mon épouse a participé de façon importante à la réussite de notre entreprise, je peux lui verser un salaire raisonnable conformément à ses contributions. Mais, alors, de quelle façon le gouvernement interprète-t-il les termes importants ou raisonnables? Qui déterminera si sa contribution est importante et qui déterminera son salaire raisonnable? Moi? Mon conseiller d’affaires? Un vérificateur mécontent de l’ARC? Et quels sont les coûts engagés lorsque je dois demander à mes conseillers financiers de produire les documents requis pour respecter une définition obtuse du qualificatif « important » et de passer en revue la situation de mon épouse et sa vie pour déterminer si ce qu’elle a fait pour moi a une importance? Et puis quoi, après? Défendre ces constats devant l’ARC? Les défendre devant la cour de l’impôt?

Et qu’en est-il de la planification pour laquelle mon épouse et moi avons payé en respectant tout à fait les règles et la réglementation fiscale en vigueur à l’époque? Nous n’avons pas bénéficié d’avantages fiscaux grâce à des échappatoires. Nous avons simplement planifié notre retraite grâce à l’éventuelle vente de notre entreprise. Les produits de la vente et les profits que nous avons réussi à accumuler en raison de nos excédents en 2013, 2014 et 2015, trois années de prospérité sur 35 années plus modestes, étaient censés financer notre retraite.

Et maintenant, je comprends que les revenus passifs de plus de 50 000 $ seront imposés au taux punitif de 73 p. 100. Cette décision est fondée sur l’hypothèse de 1 million de dollars d’épargne générant un taux de rendement de 5 p. 100 pour le reste de ma vie. Il n’y a, pour l’instant, aucune indication qu’on présume que ce million de dollars d’économie sera partagé entre mon épouse, moi et mon partenaire d’affaires et son épouse ou si nous avons chacun un potentiel d’économie de 1 million de dollars. En tant que couple, nous n’avions pas prévu et nous ne nous attendions pas à devoir vivre avec 50 000 $ par année durant notre retraite. De plus, nous ne pouvons assurément pas subsister durant notre retraite avec 25 0000 $ si nous devons séparer le seuil de 50 000 $ avec nos partenaires d’affaires.

L’imposition à un taux de plus de 70 p. 100 est punitive, et quasiment pernicieuse. Il ne s’agit pas d’un fondement juste de l’imposition. Dans un système juste, on ne changerait pas soudainement les règles. La cession de mon entreprise à de jeunes architectes compétents qui vont me succéder avait pour objet non seulement de leur offrir une occasion financière, mais de s’assurer que mon épouse et moi puissions bénéficier de l’exemption permanente des gains en capital que nous pensions mériter, puisque nous n’avons pas de pension.

Il semble plutôt que nous sommes sur le point d’être pénalisés et assujettis à une évaluation arbitraire de sa contribution réalisée par un vérificateur de l’ARC. La contribution de mon épouse à mon entreprise ne devrait pas faire l’objet d’une évaluation arbitraire. Le droit matrimonial ne le permettrait pas. Et cependant, le droit fiscal lui réserverait un tel traitement méprisable, commode et biaisé. Est-ce que la modification des règles fiscales pour une telle famille de la classe moyenne dans une province aussi profondément déprimée alors que nous sommes sur le point de prendre notre retraite semble juste et équitable pour vous? Ce ne l’est pas. C’est un mécanisme politique préjudiciable, condescendant, revanchard et empreint de discrimination fondée sur le sexe mal conçu et créé pour apaiser la masse.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Le président : La première intervenante sera la sénatrice Marshall, suivie de la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Marshall : Ma première question est destinée à M. Murray. Lorsque le gouvernement a annoncé sa proposition, à la lumière de la rétroaction qu’il a obtenue, il a révisé ses propositions le mois dernier et s’est aussi engagé à réduire le taux d’imposition des petites entreprises. Ce taux sera réduit à 10 p. 100 en janvier, puis à 9 p. 100. Avez-vous une opinion à ce sujet? Plusieurs autres témoins qui répondaient à une question similaire ont indiqué que le crédit d’impôt pour dividendes changera et que, en réalité, l’avantage net pour le contribuable sera nul ou peut-être même punitif. Je voulais tout simplement vous le dire d’entrée de jeu. Quelle serait votre position sur la diminution du taux d’imposition des petites entreprises?

M. Murray : Je ne crois pas qu’une seule mesure fiscale est révélatrice du caractère progressif de tout un système. Dans notre province, les petites entreprises font partie du moteur économique, on parle donc de nos consommateurs et ce genre de choses. Il faut regarder l’ensemble du cadre fiscal pour déterminer son caractère progressif, pas seulement une mesure fiscale étudiée indépendamment.

La sénatrice Marshall : Vous avez aussi parlé du besoin de créer un système d’imposition juste et du fait qu’il servira à financer les services publics ou à rendre le système plus juste pour la classe moyenne. Le gouvernement, lorsqu’il a procédé à sa mise à jour de la situation financière le mois dernier, a mentionné de telles choses, mais de façon très générale. Il a dit qu’il s’engage à utiliser les recettes futures tirées des mesures fiscales proposées pour offrir d’autres mesures qui soutiendront la classe moyenne, sans entrer dans les détails. Qu’aimeriez-vous qu’on fasse avec les revenus? À la lumière de ce qu’on sait jusqu’à présent, le ministre a indiqué que l’imposition liée au fractionnement du revenu générera 250 millions de dollars, et il a dit que la proposition initiale liée au revenu passif allait générer plusieurs fois 250 millions de dollars, montant qui, selon moi, serait moins élevé, puisque la proposition sur le revenu passif a été révisée. De quelle façon aimeriez-vous qu’on dépense cet argent?

M. Murray : J’ai une longue liste d’épicerie, ici, dans ma poche.

La sénatrice Marshall : Les deux premières choses?

M. Murray : Les deux premières choses qui me viennent à l’esprit seraient une stratégie nationale en matière de garde d’enfants et ces éléments d’infrastructure publique ou de services publics pouvant être favorables à l’économie de plein de façons différentes. Évidemment, la mesure sur la garde des enfants permettrait à plus de parents et de mères monoparentales d’entrer sur le marché du travail, entre autres.

Lorsqu’il est question du bien commun et de la façon de le distribuer, les services publics sont de très bons facteurs égalisateurs pour les gens de tout niveau de revenu, surtout les personnes à faible revenu. Ces personnes ont plus besoin des services publics que les autres. Il y a de nombreux domaines où vous pourriez affecter les revenus fiscaux supplémentaires. Il y a les infrastructures publiques qui doivent être remplacées, la garde des enfants. Il y a beaucoup de choses.

La sénatrice Marshall : Monsieur Whelan, qu’est-ce que les membres de votre organisation vous disent au sujet des propositions de changements fiscaux?

M. Whelan : Comme je l’ai dit dans ma déclaration, il y a un problème à ce sujet, dans la mesure où on parle de petites entreprises ou de microentreprises. Soit dit en passant, j’ai passé beaucoup de temps au cours des deux ou trois dernières semaines précédant la réunion à discuter avec nos membres.

La sénatrice Marshall : Et le gouvernement n’a pas encore mis la dernière main aux propositions.

M. Whelan : Les propositions ne sont pas définitives, alors ils ne savent pas exactement de quelle façon ils seront touchés. Ils sont très nerveux puisqu’ils ont fait des plans au cours des dernières années, que ce soit au cours des 35 dernières années, comme M. Case, ou même depuis cinq ans dans le cas de certains jeunes entrepreneurs à qui j’ai parlé. Ils ont fait ces plans au fil des ans en fonction d’une certaine réalité, et puis d’importants changements sont proposés, et ils n’ont aucune possibilité de commenter. Et maintenant, ils devront faire un pas en arrière pour réévaluer et revoir leurs plans en risquant de perdre, éventuellement, jusqu’à la moitié des revenus qu’ils prévoyaient utiliser à la retraite. Selon nous, la situation est très similaire au fait d’aller dans une organisation qui offre un régime de retraite pour dire : « D’accord, nous allons changer les règles et nous réduisons votre revenu de retraite de la moitié .» Ces personnes ont investi leur argent durant une certaine période. Ils ont payé de l’impôt à mesure qu’ils gagnaient l’argent et l’investissaient, tout comme le font les gens d’affaires. Ils payent de l’impôt deux fois. Ils payent de l’impôt des sociétés, puis ils payent l’impôt des particuliers lorsqu’ils retirent les revenus. Au bout du compte, ils ne comprennent pas tout à fait de quelle façon tout ça les affectera.

Notre travail, en tant qu’organisation, c’est d’essayer de le découvrir pour eux afin qu’ils puissent comprendre, mais nous ne pouvons pas le faire si nous ne connaissons pas les règles qui seront appliquées.

La sénatrice Marshall : Certains témoins ont dit que leurs membres avaient soit fermé leurs portes, soit se perdaient en conjectures et prenaient des mesures liées à ce qu’ils pensaient que le gouvernement allait faire. Est-ce le genre de choses que vous constatez aussi parmi vos membres?

M. Whelan : Je ne sais pas si j’ai entendu dire que certaines personnes avaient fermé leurs portes, mais les décisions changeront. Les revenus qu’on garde au sein d’une entreprise aident à saisir des occasions d’investissement. Nos bâtisseurs doivent acheter des terrains des années avant de pouvoir en tirer profit. Ils doivent investir cet argent. Ils doivent construire l’infrastructure. Ils doivent mettre tout cela en place puis espérer que, au bout du compte, les facteurs n’auront pas trop changé. Ces facteurs peuvent avoir une incidence sur le prix des maisons. Cela peut avoir une incidence sur la capacité d’une personne à embaucher des gens, à construire des maisons, à aller de l’avant et à croître. Ce genre de bouleversements pousse tout le monde à prendre du recul et à réévaluer ce qu’il faut faire. Cela pourrait entraîner une réduction de l’activité économique, ce qui est mauvais pour tout le monde.

La sénatrice Marshall : Vos membres seraient-ils mobiles? Par exemple, les médecins qui ont constitué une société seront touchés par ces changements fiscaux, et ils sont habituellement mobiles. Ils peuvent aller dans une autre province ou même aux États-Unis. Vos membres bénéficient-ils d’une telle mobilité?

M. Whelan : C’est une question difficile. Certains d’entre eux ne peuvent même pas se déplacer d’une collectivité à l’autre, parce qu’ils ont concentré leurs efforts de construction dans une région précise de Terre-Neuve-et-Labrador. Premièrement, ils doivent vendre leur entreprise, ce qui, bien sûr, devient problématique, en raison du troisième niveau de changement lié aux gains en capitaux et ce genre de choses. Ce genre de chose mine la capacité de prévoir l’avenir d’une entreprise. Les membres ne sont pas très mobiles.

La sénatrice Marshall : L’un des objectifs du comité, c’est d’évaluer l’incidence sur l’économie et les intervenants. Croyez-vous que les membres qui ne sont pas mobiles composeront avec les changements et réussiront ou croyez-vous qu’ils seront plus durement touchés, ce qui pourrait entraîner la fermeture de certaines entreprises?

M. Whelan : Comme je l’ai dit, nous avons constaté une diminution de 50 p. 100 des mises en chantier à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous n’avons pas vu un très grand nombre d’entreprises fermer leurs portes jusqu’à maintenant. Je ne peux qu’imaginer que, pour bon nombre d’entreprises, le fait de voir leurs occasions d’affaires diminuer de 50 p. 100 leur causera des difficultés. Les genres de changements fiscaux prévus viendront chambouler toute la planification qu’ils ont faite au cours des 35 dernières années ou peu importe depuis combien d’années ils sont en affaires, et cela fera en sorte que plus d’entreprises risqueront d’être menacées.

La sénatrice Marshall : Monsieur Case, merci de votre témoignage, surtout lorsque vous avez parlé du soutien de votre épouse. Malheureusement, mon interprétation du témoignage des représentants du ministère des Finances, c’est qu’ils n’étaient pas très favorables aux contributions des époux à l’entreprise de leur partenaire. Je crois comprendre ce que vous aimeriez voir se produire lorsque le ministre présentera son budget en 2018. Qu’aimeriez-vous qu’il fasse de la proposition sur le revenu passif? Vous avez parlé de l’incidence que cela aura sur votre retraite. Les propositions ne sont pas peaufinées, et il y a encore beaucoup de renseignements à venir. Bien sûr, en tant que Comité sénatorial des finances nationales, ce qui se produira, lorsque nous aurons terminé les présentes audiences, c’est que, en 2018, on nous présentera un document budgétaire et nous aurons probablement deux semaines pour l’examiner. Dans le cas de la proposition sur le revenu passif, il s’agira probablement d’une proposition très détaillée. Alors qu’aimeriez-vous voir là? Votre réponse pourrait nous aider lorsque nous examinerons le projet de loi qu’on nous présentera l’année prochaine.

M. Case : Étant donné ma situation actuelle, comme je l’ai dit, je prévoyais prendre ma retraite l’année prochaine. Par conséquent, puisque nous avons travaillé pendant 38 ans, et, comme je l’ai dit, durant les trois dernières qui ont été fructueuses, nous avons réussi à mettre de côté l’argent dont nous disposons actuellement, je crois qu’il devrait y avoir un genre de clause sur les droits acquis. J’ai respecté toutes les règles, j’ai fait ce que j’étais censé faire. Je n’utilisais pas d’échappatoire. Comprenez-moi, il ne s’agissait pas d’échappatoires. C’est ainsi que les choses étaient. Comme je l’ai dit, je ne suis pas un fraudeur et donc, je n’ai pas le temps de me réorganiser. Je veux partir et profiter de la vie. J’ai 60 ans. J’ai d’autres plans. Ce ne sont pas seulement mes plans de retraite qui sont mis en suspens. Tous les plans associés à ma retraite sont en suspens. En fait, ils s’écrouleront.

Ce que j’aimerais qu’on fasse, d’une façon ou d’une autre, ce serait de dire : « D’accord, vous êtes passé à travers tout ça .» Il devrait y avoir une date limite. Il faudrait peut-être aller jusqu’aux gens cinq ans avant moi ou plutôt cinq ans derrière moi, et leur permettre de continuer ce qu’ils ont commencé d’une façon ou d’une autre, mais il faudrait peut-être apporter ces changements de façon progressive. Le fait que tout soit rétroactif va vraiment me causer d’énormes difficultés.

Je ne fais pas partie de la classe supérieure. Je suis à peine dans la classe moyenne. Je suis né et j’ai grandi sur la rue Springdale, ici à St. John’s, dans un quartier de la classe ouvrière. Nous avons dû faire preuve de détermination pour nous en sortir. Le père de mon épouse était pêcheur. Nous sommes allés à l’école. Nous n’avions aucun argent durant nos études. Mon épouse a dû laisser tomber ses études. Elle n’a jamais fini son programme menant à un diplôme parce que, à ce moment-là, nous avons dû déménager en Australie pour trouver du travail. Je n’ai même pas mentionné cette période.

La sénatrice Marshall : Vous avez mentionné le revenu passif et le seuil proposé par le ministre, les 50 000 $. Je crois qu’on a demandé au ministre s’il s’agissait d’un seuil par partenaire dans un partenariat ou si le montant devait être partagé entre tous les partenaires. Combien de partenaires aviez-vous? Je veux simplement comprendre la situation des 50 000 $.

M. Case : Il y a mon partenaire d’affaires, moi et nos épouses respectives.

La sénatrice Marshall : Quel genre de seuil aimeriez-vous qu’on établisse, s’il doit y en avoir un? Durant leur témoignage, d’autres témoins nous ont dit que le seuil est bien trop bas.

M. Case : Il est trop bas. Si le seuil doit être fondé sur 1 million de dollars, je crois qu’il devrait y avoir un demi-million de dollars pour nous tous. Le seuil de 50 000 $ représente maintenant les revenus de 5 p. 100 par année qu’on pourrait tirer de ce million de dollars dans notre portefeuille.

La sénatrice Marshall : Par conséquent, vous préféreriez un seuil par actionnaire ou par partenaire à un montant total?

M. Case : Absolument, oui, madame la sénatrice.

Le président : Nous passons à la sénatrice Andreychuk, qui sera suivie des sénateurs Oh et Cools.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Case, avez-vous déjà eu des interactions avec l’ARC au sujet de votre épouse et du partage de votre revenu parce que, par exemple, on remettait en question ce que vous faisiez, en d’autres mots, dans le cadre d’une vérification ou de quelque chose du genre?

M. Case : Avant les changements fiscaux?

La sénatrice Andreychuk : Oui, avant les changements.

M. Case : Jamais. L’ARC ne m’a jamais posé de questions.

La sénatrice Andreychuk : Vous êtes donc dans cette situation avec votre épouse depuis les tout débuts de votre entreprise?

M. Case : Essentiellement, oui. Nous n’avons pas constitué notre entreprise en société immédiatement. Nous l’avons fait il y a environ 10 ans. Tout ce qu’on a fait avant était fait sous la guise d’un simple partenariat.

La sénatrice Andreychuk : Ce qui pose problème à de nombreux témoins que nous avons rencontrés, et qui dérange aussi, selon moi, certains membres, c’est le critère de raisonnabilité.

M. Case : Oui, c’est un concept qui me trouble beaucoup.

La sénatrice Andreychuk : Et les représentants du ministère ont dit que la notion de raisonnabilité figure déjà dans la Loi de l’impôt sur le revenu. D’après ce que je comprends de cette notion, on pourrait l’appliquer à des choses qu’on peut évaluer de l’extérieur. Par exemple, une personne peut avoir trop facturé pour des frais d’accueil ou inscrit un montant exorbitant pour un trajet en limousine jusqu’à l’aéroport. On a une façon objective d’évaluer le caractère raisonnable de ces dépenses. S’il en coûte 25 $ pour se rendre à l’aéroport et que la personne facture 50 $, elle pourrait avoir une raison, par exemple une panne de voiture sur l’autoroute.

Dans le cas de ce critère-ci, il semble que le caractère raisonnable touche à l’essence même de votre mariage, votre partenariat avec votre épouse ou votre être cher. Est-ce que cela fait partie du problème?

La raison pour laquelle je m’exprime ainsi, c’est que nous avons passé des décennies au Canada à essayer de valoriser l’unité familiale et la soutenir. En même temps, nous n’avons jamais dit, en tout cas, à ma connaissance, dans aucune loi, ce que devait être cette unité familiale. En fait, nous avons plutôt élargi ce que la notion de famille peut bien vouloir dire. Vous savez, avec les mariages entre conjoints de même sexe, et ainsi de suite, nous avons abandonné la vision traditionnelle du mariage et les rôles traditionnels, et élargi cette notion pour donner aux unités familiales toute la marge de manœuvre dont elles ont besoin pour jouer un rôle positif dans l’amélioration du Canada.

Est-ce ce que vous vouliez dire dans votre intervention? Vous deveniez très émotif, et je le devenais aussi avec vous.

M. Case : Pardonnez-moi, madame la sénatrice.

La sénatrice Andreychuk : Non, cette situation me trouble aussi.

M. Case : Je crois que vous avez visé dans le mille. J’imagine que, du point de vue de la famille traditionnelle, on ne peut pas être beaucoup plus traditionnel que nous. Ce que je veux dire, c’est que, de bien des façons, nous avons été très chanceux. Nous avons réussi à élever deux enfants, dont un a obtenu un doctorat. Ils vivent tous les deux ici en ville. Nous sommes très chanceux.

Nous avons dû le faire, comme je l’ai dit, d’entrée de jeu. À un moment donné, lorsque nous avons terminé nos études, mon épouse a travaillé comme photographe, mais je l’ai ensuite emmenée en Australie pour trouver du travail. Nous sommes revenus après un an parce que son père était décédé. Puis, un peu plus tard, lorsque nous étions ici, au début des années 1980, je suis passé d’un emploi à l’autre. Vous savez, il n’y a pas beaucoup de travail dans le domaine de l’architecture à Terre-Neuve. On ne construit pas ce genre de choses ici. Je suis passé d’un emploi à l’autre, dans la région des Maritimes, puis j’ai réussi à survivre à la récession des années 1980, ce qui a été assez difficile. Mon épouse avait deux enfants. Nous les avons élevés. Elle a arrêté de travailler. Elle n’a jamais retravaillé dans le domaine de la photographie. Et juste au moment où nous commencions à nous remettre sur nos pieds, nous avons été frappés par la récession des années 1990. Durant la récession des années 1990, au départ, je suis allé à Montréal pour travailler sur le projet Hibernia, puis nous avons laissé cela derrière nous pour revenir à la maison. Il n’y avait pas d’emploi, rien.

Chevron m’a alors demandé si j’accepterais d’aller travailler dans un chantier naval en Corée. Et donc, avec seulement un préavis de 10 jours, nous avons tout emballé, nos deux enfants, toute notre famille et nous sommes partis vivre en Corée pendant deux ans et demi parce qu’il n’y avait aucune autre façon de survivre. Encore une fois, mon épouse a quitté son travail. C’est un sacrifice que nous avons tous fait parce que nous avions appris de la récession des années 1980 qu’il n’y avait pas d’espoir pour nous, ici. C’est seulement grâce au travail que j’ai fait en Corée que j’ai pu accumuler assez d’argent pour revenir et vraiment rembourser nos dettes ici et faire un modeste investissement de 10 000 $ dans l’entreprise pour laquelle je travaillais à ce moment-là. J’ai emprunté 10 000 $ de plus de mon père puis 10 000 $ de la banque, et on connaît la suite, si je peux m’exprimer ainsi.

Mon épouse avait aussi commencé une carrière prometteuse en tant que technicienne juridique, carrière qu’elle a dû laisser tomber pour partir en Corée. Lorsque nous sommes revenus pour finalement nous établir, nous avons dit : « tu sais quoi, à quoi bon? » et donc, elle n’est jamais retournée travailler. Elle n’a jamais terminé ses études. Durant tout ce temps, pendant ces 30 ans, lorsque tout était en jeu, elle était toujours là sur la ligne de mêlée avec moi.

Comme vous savez, je suis très préoccupé et vraiment offusqué par le ton de toute la question du fractionnement du revenu, un terme que je trouve tout à fait dégradant. Je n’ai pas intégré mes enfants dans ma société parce que j’estimais que c’était inapproprié sur le plan moral. J’aurais pu le faire, mais je ne l’ai pas fait. Mais j’ai reconnu mon épouse dès le départ comme une partenaire à 50 p. 100 de tout ce que j’avais fait dans ma carrière et lorsque j’ai bâti mon entreprise, ma société, qui, je suis fier de le dire, connaît du succès; c’est une entreprise que j’aimerais laisser aux jeunes qui la gèrent actuellement. J’emploie cinq architectes. Ils sont prêts à travailler. J’aimerais bien qu’ils puissent connaître quelques bonnes années. C’est un peu là où j’en suis, madame la sénatrice. Merci.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Whelan, avez-vous eu des discussions avec le gouvernement au sujet des conséquences imprévues de l’économie souterraine? Je ne pense pas que nous ayons entendu des témoignages, ou nous en avons peut-être reçu et j’ai raté les séances, par rapport à la situation des constructeurs de maisons. Je viens de la Saskatchewan. Nous avons la même chose. Nous lisons les journaux, c’est Toronto, Vancouver. Je n’ai pas vraiment adopté la position que vous adoptez, soit que les constructeurs de maisons sont touchés en vertu des lois ou des politiques qui concernent les deux centres principaux. Avez-vous des données à ce sujet?

M. Whelan : Je n’en ai pas. Nous siégeons actuellement à un comité avec le gouvernement provincial où nous recueillons ces sortes de chiffres. La plupart des données que j’aurais seraient anecdotiques. Nos membres comprennent que, dans le cadre de leurs activités quotidiennes, ils doivent se faire concurrence, particulièrement lorsqu’il s’agit de rénovations, et c’est un tout nouveau secteur d’activités pour nos membres. Comme vous pouvez l’imaginer, avec une diminution de 50 p. 100 des mises en chantier, ils ont dû faire preuve d’une grande créativité dans la façon dont ils continuent d’exploiter leur entreprise, dont ils peuvent rémunérer leur personnel et dont ils peuvent maintenir leur entreprise en vie.

Ce que nous comprenons, c’est qu’il y a toujours de la concurrence avec les gens qui exercent des activités dans cette économie souterraine. Les clients vont dire à nos membres, alors qu’ils soumissionnent pour un projet de rénovation domiciliaire : « Quel est votre prix sans taxes? » Donc, ce que nos membres sont obligés de faire parce qu’ils n’exercent pas leurs activités dans l’économie souterraine, c’est de prendre moins d’argent de leur côté de la transaction. Ils doivent tout de même payer leurs employés. Ils doivent tout de même payer l’indemnisation des accidents du travail ainsi que toutes les assurances qui sont requises afin de pouvoir exploiter une entreprise. Donc, leur soumission concurrentielle par rapport à celle d’un gars qui ne paie pas l’indemnisation des accidents du travail, qui paie ses employés en dessous de la table, apporte essentiellement moins de profits. Parfois, ils travaillent à perte, juste pour rester en mode survie.

Non, bien que je n’aie pas de données rigoureuses, nous avons, partout au pays, beaucoup de données anecdotiques qui montrent que ces types de mesures fiscales qui font en sorte qu’il est plus difficile pour une entreprise d’exercer ses activités vont pousser certaines personnes dans l’économie souterraine et forcer des gens comme nos membres, des entreprises comme celles que nos membres détiennent, à vraiment se dépouiller et perdre de l’argent, dans certains cas, pour garder leur entreprise ouverte.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Murray, c’est juste une chose à laquelle, le 18 juillet, le gouvernement s’est attardé, mais vous avez mentionné quelques autres facteurs, dans l’ensemble du système fiscal et du système d’équité, qui fournissent suffisamment en matière d’avantages sociaux, soit ce que nous voulons. Une chose que vous n’avez pas ajoutée, c’était le vieillissement de la population, qui semble être la crise dont tout le monde parle. En tenez-vous compte parmi les avantages sociaux que nous devrions avoir?

Serait-il plus juste de prendre du recul, de ne pas viser les petites et moyennes entreprises, qui, comme nous l’avons entendu d’un bout à l’autre du Canada, sont l’épine dorsale de notre économie et les créatrices d’emplois de notre économie, et d’examiner où sont les réelles échappatoires, où sont les fraudeurs fiscaux et quelles sont les initiatives appropriées? Nous avons un système fiscal progressif, mais fonctionne-t-il de façon progressive et juste, si on compare deux groupes? Vos commentaires vous amenaient-ils vraiment à la conclusion que nous devrions examiner le système d’imposition intégral?

M. Murray : Je vais parler du vieillissement. Personne ne vieillit aussi rapidement que nous, ici. Nous comprenons certainement que c’est un défi économique et social énorme pour notre province et le pays.

Je ne suis pas comptable fiscaliste ni économiste spécialiste de la fiscalité. Le gouvernement possède à l’interne des connaissances et de l’expertise. Toutefois, nous reconnaissons l’importance d’avoir un système d’imposition progressif, et cela doit être fait d’une façon qui ne nuit pas à des gens qui n’ont pas profité des règles fiscales.

Je crois que nous savons où se trouvent les échappatoires. Je n’ai encore jamais profité de quelque échappatoire fiscale que ce soit dans ma vie, mais je pense que nous savons où elles se trouvent et je pense que, comme je l’ai dit plus tôt dans mes commentaires, ces administrations à l’étranger qui ont imaginé un système d’imposition progressif sont ou bien au sommet ou bien dans l’échelon supérieur des pays qui ont d’excellents programmes sociaux, une excellente santé économique et d’excellents services de santé et un filet social de services publics bien distribués.

C’est là où nous devons regarder, et non pas un instrument en particulier. C’est tout l’ensemble. Nous pouvons toujours nous améliorer. J’aimerais voir le Canada, mon pays, comme le chef de file mondial à ce chapitre. J’aimerais que d’autres pays nous regardent et disent : « Regardez ce qu’ils ont fait. » Je pense que nous devons déployer des efforts en ce sens.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Case, j’ai une autre question. Vous dites que vous êtes en affaires et êtes constitué en société depuis 10 ans. Si le gouvernement persiste à aller de l’avant avec ce critère du caractère raisonnable pour les contributions des époux ou des conjoints, comment serez-vous en mesure de justifier le caractère raisonnable de quelque critère qu’il aura imaginé en janvier 2018 au sein de votre entreprise? Avez-vous conservé des preuves de quelque sorte que ce soit, des entrées de journal de la contribution de votre épouse ou s’agissait-il, comme nous avons entendu de nombreuses personnes le dire, d’une discussion ou d’une consultation informelle, mais sans traces écrites, que vous auriez avec des factures et des reçus, par exemple? J’ai déjà fait du droit fiscal il y a longtemps. Comment allez-vous prouver ce qui est raisonnable aux yeux de l’ARC? Avez-vous une trace écrite? Avez-vous une certaine preuve externe que vous pouvez montrer pour dire : « Voici ce que j’ai fait pendant 10 ans, et c’est donc raisonnable pour mon entreprise? »

M. Case : Madame la sénatrice, je n’ai aucune idée de la façon dont je peux démontrer les sacrifices que mon épouse a consentis. Je ne sais pas du tout comment je pourrais le faire. Je vais devoir laisser tomber.

La sénatrice Andreychuk : Toutefois, est-ce que c’est le critère qui vous inquiète? Qu’une personne va venir vous dire que c’est juste ou injuste? Il vous appartient de le prouver.

M. Case : Oui, je suis sûr que je peux démontrer mes actifs dans des entreprises qui vont au-delà de l’entreprise de 20 ans que je possède actuellement, comment je me suis appuyé sur celle-ci et comment j’ai acheté l’entreprise et fini par acheter les parts de mon associé, qui a pris sa retraite, et ainsi de suite. Tout cela est pleinement documenté, mais comment puis-je dire que la moitié de cet argent appartenait à mon épouse? Je n’en ai aucune idée.

Le sénateur Oh : C’est une question qui suscite beaucoup d’émotions pour les travailleurs canadiens, particulièrement de ce côté-ci du pays.

Certains témoins ont dit au comité que le seuil proposé de 50 000 $ pour le revenu passif est un compromis acceptable, tandis que d’autres ont défendu qu’il est bien trop bas, particulièrement pour les grandes sociétés privées comme les filiales de multinationales. Donc, que pensez-vous du seuil de 50 000 $ pour le revenu passif? Devrait-il être augmenté ou plutôt rattaché à la taille et à la nature de l’entreprise, comme les recettes de l’entreprise ou l’investissement en capital?

M. Murray : Je ne suis pas vraiment en mesure de dire ce qu’il devrait être; je me préoccupe davantage de la progressivité de l’impôt. Je ne suis pas un homme d’affaires et ne suis donc pas entièrement certain de la façon dont cela influerait sur la façon dont M. Case a si éloquemment décrit cela au comité. Je vais passer mon tour.

M. Whelan : À mon avis, il semble que le chiffre de 50 000 $ est un chiffre arbitraire établi à partir d’une somme de 1 million de dollars dans un compte bancaire placée à un taux d’intérêt de 5 p. 100. Si vous tenez pour acquis que des gens d’affaires mettent de l’argent de côté, ce qui fait partie intégrante de la manière de faire fonctionner leur entreprise durant des périodes de vaches maigres, mais qui leur procure aussi la capacité d’avoir un fonds de retraite au bout du compte, tout conseiller financier vous dira que, pour avoir une retraite appropriée en touchant un revenu raisonnable, vous devez posséder dans votre régime d’épargne-retraite entre 2 et 4 millions de dollars. Pour un fonctionnaire qui a travaillé très fort en vue de son régime de retraite, c’est le type de chiffres que vous voyez. Pour une de mes proches parents, 3,5 millions de dollars sont sortis de son régime de retraite. Elle a travaillé auprès de la banque pendant 40 ans. À mes yeux, 1 million de dollars me semble un chiffre arbitraire si vous regardez le fait qu’une des raisons principales pour lesquelles vous avez ce revenu dans votre entreprise, c’est pour la retraite, et ce n’est pas assez pour prendre sa retraite.

M. Case : Monsieur le sénateur Oh, je pense que je pourrais me débrouiller avec le seuil de 50 000 $ s’il s’appliquait à mon épouse et à moi. S’il ne s’applique qu’à moi seulement, je ne sais pas ce que je ferai. Je devrai continuer à travailler ou prendre ma retraite et trouver quelque chose d’autre à faire; aller travailler chez Home Depot ou ailleurs, et c’est un fait.

Le sénateur Oh : Aujourd’hui, nous sommes nombreux au pays à payer des impôts sur les impôts. Constamment, nous payons l’impôt après l’argent de l’impôt; nous continuons de payer des impôts. Seriez-vous d’accord pour dire que nous devrions avoir un impôt global général, depuis le dernier qui a été imposé par la commission Carter, il y a 40 ans? Nous devrions peut-être effectuer un examen complet, prendre le temps qu’il faut et élaborer une proposition complète qui est juste pour tout le monde au Canada.

M. Case : Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur Oh. Cela ne fait aucun doute. Je veux dire, si nous allons de l’avant avec cette proposition, nous ajoutons toute une nouvelle couche de petits caractères, une autre d’essais et une autre encore de calculs. Je dois maintenant conserver ces couches supplémentaires dans mon régime de retraite. Ce n’est pas quelque chose que je peux gérer. Je dois maintenant payer mon comptable pour qu’il gère quelque chose que le présent gouvernement a complexifié, particulièrement dans mon cas particulier.

M. Whelan : J’aimerais beaucoup aborder cette question. Essentiellement, comme je l’ai dit dans mon exposé, cela fait 50 ans. Une des choses qui ont toujours été un peu dérangeantes pour les propriétaires d’entreprise, c’est de voir cette incertitude. Nous avons eu une annonce le 18 juillet. Nous avons une période de 75 jours. Tout le monde doit découvrir durant cette période de 75 jours comment cela va m’influencer, ce que cela va signifier pour moi au moment de la retraite, pour ce qui est de la façon dont je dirige mon entreprise. Comment vais-je devoir prendre une décision à cet égard? Je ne sais pas; le gouvernement a-t-il besoin d’argent? Est-ce la raison pour laquelle on se dépêche? Pourquoi ne fait-on pas une évaluation appropriée de toute la question? Vous pourriez appeler cela une commission royale. Vous pourriez appeler cela comme vous le voulez, mais, au bout du compte, il s’agit d’évaluer correctement ce à quoi ressemble un système d’imposition juste. Comment cela influe-t-il sur les Canadiens, à grande et à petite échelle? Et, au bout du compte, c’est ce que nos membres veulent voir, et je pense que cela serait une déclaration très juste à faire. Vous ne pouvez pas simplement apporter des changements et présumer que tout le monde va simplement faire des chèques et payer des comptes.

La sénatrice Cools : Messieurs, j’aimerais vous souhaiter à tous trois la bienvenue à notre comité aujourd’hui. J’ai trouvé le témoignage de M. Case extrêmement convaincant et, je dois dire, un petit peu effrayant et très dérangeant.

Monsieur le président, on me rappelle ici que nous sommes en terrain nouveau. J’ai toujours compris qu’il y a un principe très important en droit qu’on appelle le principe de la légalité. Ce principe confirme le fait qu’il ne peut y avoir de rétroactivité en droit. Autrement dit, le principe de la légalité dit, essentiellement, que personne ne peut être accusé d’un tort ou d’une infraction à moins que ce tort ou cette infraction au moment de la perpétration de l’infraction ait été une infraction en droit. En d’autres termes, vous ne pouvez déterminer qu’il y a eu un crime de façon rétroactive. Autrement, vous pourriez le faire pour chacun de vos ennemis. M. Trudeau père a inscrit ce principe dans notre Charte des droits en 1982.

Je pense, monsieur le président, que nous devrions demander à notre légiste, à tout le moins au Sénat, d’examiner cette question particulière et de nous fournir une opinion juridique à ce sujet. Mon personnel ici vient de me fournir une copie de la Charte des droits de 1982. Aux fins du compte rendu, pour que vous sachiez ce que j’examine, il s’agit du paragraphe 11g) qui dit ceci :

Tout inculpé a le droit :

g) de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du Canada ou le droit international et n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations […]

Bon, il n’est pas fait mention de la Loi de l’impôt sur le revenu et il n’est pas nécessaire qu’il en soit fait mention, parce que le paragraphe examine le principe qu’on appelle le « principe de la légalité ». Je vous le dis simplement à vous et parce que vous l’avez évoqué. Votre témoignage était si convaincant qu’il a rappelé ce passage à mon souvenir. Monsieur le président, je pense que nous devrions demander à notre légiste d’examiner comment ce principe pourrait s’appliquer en droit fiscal, et je ne vois pas comment il ne pourrait pas s’appliquer.

Plutôt que de vous poser une question, j’ai pensé que je pourrais peut-être simplement essayer de présenter une solution possible. Nous n’en connaissons pas, mais essayons de le faire et voyons ce qui en ressort.

M. Case : Merci, madame la sénatrice.

La sénatrice Andreychuk : Je veux juste m’assurer que nos témoins comprennent que c’est un principe de rétroactivité, pas de droit pénal. Je ne pense pas que quiconque dise que ce que les gens ont fait en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu actuelle est illégal. Il y a des fraudeurs fiscaux, mais l’établissement d’un plan d’affaires axé sur de bons renseignements figurant dans la loi n’est pas une infraction. Ce n’est pas irrégulier ni inapproprié. En quelque sorte, ce terme « échappatoire » a donné lieu à une contamination. Je ne pense pas que nous ayons entendu qui que ce soit dire que c’est le mot approprié à utiliser. Peut-être que vous voulez remplacer le système par un meilleur système qui profite à tous, mais on ne devrait jamais faire en sorte que les citoyens qui ont utilisé la loi telle qu’elle existe devraient être classés dans une catégorie d’évasion fiscale ou de fraude fiscale. Je pense que nous l’avons affirmé de façon assez consensuelle et non partisane.

La sénatrice Cools : Mais nous prenons cela au sérieux.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de vos opinions, de vos recommandations et de vos idées.

Honorables sénateurs, notre prochain groupe de témoins est composé de M. Jason Sullivan, président, Stone Island Enterprise Inc.; du Dr Paul Johnston, médecin qui pratique dans un hôpital d’enseignement; de M. Michael F. Power, propriétaire de Power and Associates; et, enfin, de Laurie Skinner, dirigeante principale des finances, KMK Capital Inc.

La greffière m’a informé que le premier intervenant sera M. Sullivan, suivi du Dr Johnston, de M. Power et de Mme Skinner. Vous avez chacun cinq minutes pour présenter votre exposé, lequel sera suivi par des questions des sénateurs. Et, puisque nous sommes à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, la première intervenante sera la sénatrice Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Monsieur Sullivan, veuillez présenter votre exposé.

Jason Sullivan, président, Stone Island Enterprises Inc., à titre personnel : Bonjour. Je m’appelle Jason Sullivan. Je trouve cela un peu drôle d’entendre mon nom, président de Stone Island Enterprises, mais ce que je possède, c’est une entreprise de pêche. Je ne suis donc pas aussi bien mis que beaucoup de personnes que vous entendrez probablement partout au pays. Je ne connais pas non plus tous les détails complexes de ce que le gouvernement propose, mais je sais que cela a une incidence négative sur moi, mon entreprise et ma retraite, donc j’imagine que je veux juste vous raconter mon histoire et préciser la façon dont cela va toucher, non seulement moi, mais des milliers d’autres petites entreprises dans le domaine des pêches de partout dans la province.

C’était vraiment difficile d’entrer dans le secteur des pêches. Nous avons dû nous procurer un permis d’exploitation. Il y a des années, avant le moratoire, vous pouviez obtenir un permis pour 30 $. Après que le moratoire est entré en vigueur, nous avions des quotas individuels et d’autres choses du genre. Donc, vous aviez des biens et vous deviez les acheter. Quand je suis arrivé dans le secteur des pêches, cela m’avait déjà coûté plus de 1 million de dollars.

Cette année seulement, en raison des réductions des quotas et de choses du genre, je vois que la valeur nette de mon entreprise est réduite d’environ 500 000 $. C’est correct. C’est un des risques que j’ai pris lorsque je me suis lancé dans cette activité, et je sais que c’est un cycle et que cela va revenir. Je suis jeune. Ce qu’il arrive, c’est que personne ne va se lancer en affaires s’il n’y a pas une certaine forme de récompense au bout du compte. Je me fends en quatre chaque jour, et c’est difficile pour la famille. Ça l’est vraiment. Il y a toujours des problèmes. C’est une petite entreprise; vous devez vous en occuper vous-même. Je n’ai pas le luxe d’avoir un travail de 9 heures à 17 heures et de laisser mon téléphone au travail lorsque je vais à la maison.

L’année dernière, j’ai acheté un nouveau bateau, et nous avons assumé plus de dettes, mais grâce à ce nouveau bateau, j’ai eu l’occasion d’attraper plus d’espèces et d’en tirer plus de revenus. Nous avons connu une bonne année, et, pour être honnête avec vous, j’ai gagné suffisamment d’argent pour couvrir mes paiements pour l’année prochaine. Mais je peux vous dire tout de suite que, l’année prochaine, on dirait que nos quotas seront réduits d’environ 30 p. 100, donc mes revenus vont baisser de 30 p. 100.

Ce n’est pas parce que j’ai de l’argent à la banque que j’ai de l’argent. Je n’ai pas de régime de retraite. Je n’ai rien. Au bout du compte, j’espère pouvoir léguer mon entreprise à mes enfants ou la vendre et prendre ma retraite. Si je vendais aujourd’hui mon entreprise pour peu importe sa valeur, 1 million de dollars, et que je perdais le quart de cela, ce serait difficile.

Comme je le disais, la chambre de commerce a communiqué avec moi à la fin de la semaine dernière, et il y a des gens qui sont mieux placés pour parler de tous les détails infinis. Le problème que j’ai avec cela, c’est que vous lisez beaucoup de choses dans le journal et ailleurs : des chroniqueurs appellent des gens qui ont des petites entreprises des fraudeurs fiscaux et des choses comme cela; vous savez, c’est vraiment difficile de survivre lorsque vous lancez une entreprise, et c’est comme une claque en plein visage lorsque vous lisez quelque chose du genre.

J’ai lu un article récemment. Lana Payne a écrit que la fête était finie. Je ne sais pas de quel genre de fête elle parle. Elle gagne 250 000 $, a deux assistants personnels et voyage partout dans le Canada atlantique; et elle me représente supposément parce qu’elle est responsable du syndicat dont nous faisons partie. Mais elle insinue ensuite que je contourne les règles ou que je me plains ou Dieu sait quoi d’autre tandis qu’elle a cette grosse pension et que nous éprouvons des difficultés.

J’ai écouté le gars de la Federation of Labour dont je fais aussi partie. Chaque fois qu’il a ouvert la bouche, j’ai eu l’impression de recevoir un coup de pied au ventre. La fédération existe supposément pour nous aider, et tout ce qui l’intéresse, ce sont les employés. Les gens là-bas ne se rendent pas compte des sacrifices que doivent faire les gens qui lancent une entreprise. J’ai entendu M. Case parler de son épouse et d’autres choses, et c’est vrai. Les entreprises sont difficiles pour les familles, et il faut un mariage solide pour passer à travers, selon mon expérience. Par chance, le mien est assez solide jusqu’à présent.

J’ai pris quelques notes, juste pour ne rien oublier. J’ai entendu des gens parler du fait que certaines entreprises pourraient fermer, entre autres, et c’est vrai. Ce qui est unique dans le cas des entreprises de pêche, c’est qu’elles réinjectent essentiellement la majeure partie de leur argent dans les régions rurales de Terre-Neuve et, en des temps pareils, il n’y a pas beaucoup d’argent qui s’en va dans les régions rurales de Terre-Neuve; donc, tout travail plus difficile à faire ou moins rémunérateur au bout du compte n’intéresse pas les gens.

Dans le secteur des pêches en ce moment, l’âge moyen est d’environ 55 ans, et nous avons besoin de nouvelles personnes. Mais le fait d’adopter des règles comme celle-là quand, au bout du compte, il y a très peu d’incitatifs lorsque vous êtes sur le point de vendre ou de prendre votre retraite ou peu importe ce que vous voulez faire, va rendre plus difficile pour nous le fait d’attirer de nouvelles personnes. Nous créons une culture où, si vous imposez si fortement les gens, ceux-ci ne voudront pas être médecins. Ils ne voudront pas étudier pendant 10 ans lorsque vous pouvez aller à l’école pendant un an, faire un peu moins d’argent et payer essentiellement moins d’impôt. Vous ne pouvez vous sortir du trou en payant des impôts. S’ils ont un problème de dépenses, ils devraient cesser d’imposer des gens.

Je pense qu’il est absurde que des gens disent que je ne paie pas ma juste part. Bon sang, c’est ce que cela a fait. Cela a créé une division dans la société où des gens en affaires sont maintenant traités comme des criminels ou de prétendus criminels, et tous les autres n’obtiennent pas suffisamment des rares personnes qui ont des entreprises.

J’espère seulement que, avant de précipiter les choses, et il semble qu’il y ait une grande précipitation pour une raison ou une autre, on prendra un peu de recul pour se rendre compte de ce qu’on fait. Le gouvernement dit qu’il essaie de renforcer la classe moyenne, mais je pense que je représente la classe moyenne. Je ne sais pas. Je ne peux pas cesser de travailler aujourd’hui et ne jamais ramasser une autre paire de bottes de caoutchouc ni quoi que ce soit d’autre par la suite. Si vous dites que vous visez la classe moyenne, la première chose que vous devriez faire, c’est de déterminer ce qu’est la classe moyenne. Je veux dire, j’ai lu des articles où on parle de n’importe quoi, de montants allant de 30 000 à 100 000 $. Mais 30 000 $ pourrait aller beaucoup plus loin dans les régions rurales de Terre-Neuve que dans le centre-ville de Vancouver... Je ne sais pas. L’essentiel, c’est que, si vous continuez d’imposer les gens, les gens vont seulement abandonner. Nous avons besoin de plus d’entreprises. Nous avons besoin que les entreprises croissent pour créer plus de croissance et plus d’emplois et renforcer l’économie, mais chaque fois que vous augmentez la TVH comme ce que nous venons de connaître ici dans la province, toutes ces petites choses s’additionnent. C’est juste comme si vous grugiez petit à petit la branche où nous sommes assis et attendiez seulement que nous tombions.

À mes débuts en affaires — et je vais vous laisser ce message avant de partir — je n’arrivais pas à croire à la quantité d’impôt que je devais payer à la fin de l’année lorsque j’ai rencontré mon comptable, et ce n’est pas Mike non plus; je ne peux me permettre ses services. Quoi qu’il en soit, j’ai dit : « Bon sang, Derek, il doit y avoir quelque chose que nous pouvons faire. Mon Dieu, c’est vraiment beaucoup d’argent. Il ne va rien me rester au bout du compte. » Il a dit : « Jason, si tu dois lancer une entreprise, ne laisse pas la queue de l’impôt commander à la tête. » Donc, si tu dois faire comprendre quoi que ce soit aux gens d’Ottawa, peut-être que tu devrais leur faire part de cette citation. Merci.

Le président : Nous allons maintenant écouter le Dr Johnston, s’il vous plaît.

Dr Paul Johnston, médecin exerçant dans un hôpital d’enseignement, à titre personnel : Je suis profondément reconnaissant de l’occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous tous aujourd’hui.

Comme je l’ai mentionné, je m’appelle Paul Johnston. Je suis chirurgien oncologue à l’Université Memorial. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de choses positives à dire à propos des modifications fiscales. Vous avez déjà entendu les commentaires de médecins de partout au pays, je présume, et je suis sûr qu’ils ont déjà expliqué les réalités financières à vie que suppose le fait d’être médecin et qu’ils vous ont montré comment ces modifications fiscales rendront beaucoup moins confortable la retraite des médecins que celle d’un fonctionnaire qui a une retraite à prestations définies. Je n’ai aucun doute que les employés fédéraux contribuent grandement à la société. Plutôt, j’estime que les médecins devraient aussi profiter de retraites confortables, et ces modifications fiscales leur rendront la tâche très difficile.

Les effets seront plus prononcés à Terre-Neuve-et-Labrador que n’importe où ailleurs au pays. La première chose que je devrais vous dire, c’est que, de façon générale, les médecins partent et ne se font pas recruter à Terre-Neuve-et-Labrador, et le problème est donc la rétention et non pas le recrutement de médecins.

De façon générale, les jeunes médecins originaires de Terre-Neuve accomplissent une partie de leur résidence ou de leur formation universitaire sur la partie continentale du Canada ou des États-Unis, où ils découvrent un temps chaud et ensoleillé de mai à septembre et quelque chose qu’on appelle le « printemps », et, fait plus important encore, ils sont payés beaucoup plus grassement qu’à la maison, où Terre-Neuve-et-Labrador offre à ses médecins la rémunération la plus basse dans la plupart des spécialités, y compris la pratique familiale, de l’ensemble du Canada. Dans ce contexte, les jeunes médecins décident souvent dans la première année de leur vie à l’extérieur de rester à l’extérieur pour le reste de leur vie professionnelle et, si les réalités financières de la rémunération des médecins de Terre-Neuve sont empirées même légèrement, et les modifications proposées feront bien pire que cela, l’attrition de nouveaux diplômés va accélérer la survenue d’une crise.

Permettez-moi de vous donner un exemple personnel. En 2012, durant ma bourse d’études de deux ans là-bas, on m’a offert un emploi pour rester à l’Université de l’Indiana, et je peux vous dire sans hésiter que je ne serais jamais rentré à la maison si les modifications fiscales proposées avaient déjà été en place. Juste le mois dernier, je discutais avec un de mes collègues de l’époque de ma formation en Indiana, qui travaille maintenant au Michigan. Après que nous avons partagé quelques bières à une conférence et que je lui ai parlé de la folie pure de ces modifications fiscales, il m’a dit que l’administration du St. Joseph’s Health Network à Ann Arbor et lui-même étaient impatients de me faire venir pour une visite de site et pour que je regarde leurs installations, qui comprennent quatre robots chirurgicaux et des parquets en bois dans les salles réservées aux patients. Si les modifications fiscales actuelles vont de l’avant, le salaire net à vie au Michigan est environ le double de ce que je peux gagner ici. Néanmoins, je vais rester. Les écoles sont bonnes. Ma famille et moi sommes heureux, et cela compte plus que l’argent; et Terre-Neuve est, à mon avis, le meilleur endroit au monde pour élever une famille.

Cependant, rester sur place ne sera pas ce que vont faire les nouveaux diplômés, et c’est là, à mon avis, le danger réel et grave. Contrairement à moi, les nouveaux diplômés n’ont pas encore d’enfants, sont moins attachés à la maison, sont facilement transportables et ont de grosses dettes d’étudiant dans les six chiffres au moment où ils terminent 10 ou 15 ans de formation.

Je donne neuf heures de conférence chaque automne à la faculté de médecine, et les étudiants m’approchent déjà pour savoir comment procéder pour passer les examens des ordres des médecins aux États-Unis. Ils ne sont pas stupides. Ils sont sur le point de passer de 80 à 100 heures par semaine à travailler pour les 10 meilleures années de leur vie en recevant moins que le salaire minimum, et le gouvernement fédéral est sur le point d’éliminer leur capacité d’utiliser une société future comme moyen d’épargner en vue d’un congé parental, de la retraite, d’une allocation d’invalidité et d’une myriade d’autres avantages actuellement non offerts aux médecins par la province ni vraiment aucune province du pays. En bref, les nouveaux diplômés vont partir si ces modifications vont de l’avant.

Enfin, le moral, des médecins de Terre-Neuve-et-Labrador est atrocement bas. Le désespoir est un meilleur mot que le moral. Nous travaillons sans contrat provincial signé depuis 2013. Notre propre premier ministre s’est levé à la Chambre des communes et a dit qu’il n’appuie pas les médecins et que son gouvernement fédéral fait adopter des modifications fiscales qui éliminent notre capacité d’épargner de façon appropriée en vue de la retraite.

Comme d’habitude, et je voudrais exprimer mon respect pour les habitants de la terre ferme dans la salle, l’un d’eux a proposé des modifications radicales qui, à son avis, seront bonnes pour la partie continentale du pays, en ne tenant absolument aucun compte de la dévastation que cela va provoquer pour notre belle province. Les gens ayant des noms de famille comme Trudeau ou Morneau qui ont en place des fiducies familiales à faible taux d’imposition parfaitement légales, lesquelles protègent des générations entières de membres de la famille du besoin de travailler, disent à une foule de médecins surmenés qui tentent simplement de financer leur propre régime de pension et de payer leurs propres factures de la faculté de médecine qu’ils doivent remettre une partie de leurs richesses excessives au fisc. L’hypocrisie de ces propositions est donc, au mieux, saisissante, et, au pire, elle affaiblit l’autorité morale du présent gouvernement pour ce qui est d’adopter un projet de loi.

Pour terminer, j’invite respectueusement, et de façon quelque peu émotive, le comité sénatorial à recommander que les modifications fiscales proposées soient abandonnées en entier jusqu’à ce qu’on ait plus soigneusement examiné leurs conséquences sur les régions rurales du pays, comme Terre-Neuve-et-Labrador. Merci.

Le président : Docteur Johnston, il vous reste une minute.

Dr Johnston : C’était beaucoup plus long lorsque je l’ai lu à mon épouse hier soir.

J’aimerais rapidement dire que l’effet des modifications fiscales pour le médecin dépasse ce qui se passe au chevet du patient. Étant donné que Terre-Neuve-et-Labrador n’a pas un Toronto ou un Montréal, où de grandes sociétés nationales ou multinationales préfèrent établir des bureaux, un plus grand pourcentage des personnes à revenu élevé ici dans la province sont des médecins, pas juste à St. John’s, mais particulièrement dans les petites collectivités. Si les médecins partent, ce qui part avec eux, ce ne sont pas seulement les soins aux patients. Des revenus disponibles qui auraient autrement été dépensés pour un souper dans un restaurant local ou pour acheter des vêtements à la boutique locale ou se procurer une nouvelle voiture chez le concessionnaire s’en vont avec eux. Ces personnes ne sont pas des employés de banques ni de grandes multinationales. C’est aussi une foule de mamans et de papas qui achètent des choses et s’occupent l’un de l’autre.

J’imagine que je pourrais aussi mentionner que les taux de suicide des médecins sont trois fois supérieurs à la moyenne nationale. Le stress est vraiment élevé. Depuis le 18 juillet, je ne sais pas si j’ai ou non une pension. On est en novembre. J’ai un enfant de deux ans, un de quatre ans et un de six ans. J’ai mon hypothèque. J’ai mon épouse. Je veux juste savoir où je me situe.

Le président : Docteur Johnston, merci beaucoup de vos commentaires. Le comité peut vous dire qu’il y a beaucoup de Canadiens qui sont préoccupés. Nous avons l’intention de déposer notre rapport d’ici le 15 décembre, et celui-ci reflètera ce que nous avons entendu.

Cela dit, le président va maintenant donner la parole à M. Power, s’il vous plaît.

Michael Power, propriétaire, Power & Associates, à titre personnel : Merci beaucoup de me fournir l’occasion de présenter au présent comité mon point de vue sur la planification fiscale touchant les sociétés privées.

Ma société fournit des services professionnels, y compris des conseils fiscaux, à des entreprises privées canadiennes, à des familles et à des particuliers qui exercent des activités à Terre-Neuve-et-Labrador. Mes commentaires aujourd’hui découlent de mes consultations avec mes clients et mes associés, ainsi que de mes réflexions tirées de ma propre expérience au cours d’une carrière de 40 ans.

Je suis ravi que vous m’ayez permis de présenter mes réflexions ici aujourd’hui et j’espère que celles-ci pourront être présentées et intégrées dans le cadre sur les revenus nationaux.

En me préparant à venir ici aujourd’hui, j’ai fait un peu de recherche sur les finances du gouvernement du Canada au cours de notre histoire. Notre pays a 150 ans cette année. De 1867 à 1917, il n’y avait pas de Loi de l’impôt sur le revenu. Notre pays tirait ses revenus de droits de douane, de taxes d’accise et de tarifs postaux. En 1917, le ministre des Finances a présenté un projet de loi temporaire concernant l’impôt de guerre sur le revenu qui prévoyait une taxe de 4 p. 100 sur le revenu de plus de 2 000 $ des hommes célibataires, ce qui était très bas. Pour d’autres, l’exemption était de 3 000 $. Pour les Canadiens qui avaient un revenu annuel de plus de 6 000 $, la taxe fiscale oscillait entre 2 et 25 p. 100.

Cette Loi de l’impôt sur le revenu originale comptait 10 pages. Maintenant, 100 ans plus tard, la Loi de l’impôt sur le revenu fait plus de 2 000 pages, et le taux d’imposition le plus élevé est supérieur à 53 p. 100.

J’aimerais lire une chose que sir Thomas White a dite en tant que ministre des Finances qui a proposé la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour le paraphraser, il a dit : « Nous sommes un pays qui invite à l’immigration, et j’ai donc jugé désirable que nous ne soyons pas connus aux yeux du monde extérieur comme un pays imposant de lourdes taxes individuelles. » Je pense que cela continue de s’appliquer aujourd’hui.

Sir Thomas a aussi dit ceci :

Nous ne pouvons pas voir très loin dans l’avenir ces temps-ci. Nous ne savons pas combien de temps cette guerre va durer. Nous ne savons pas quelle sera l’attitude des gens de notre pays par rapport à de nombreuses questions, sociales, industrielles, financières et budgétaires.

Cette citation est pertinente pour notre environnement actuel en ce qui concerne l’immigration et l’imposition. Nous imposons des particuliers à un taux si élevé que le fait de gagner un revenu supplémentaire, tout comme le fait d’attirer des immigrants éduqués qui gagnent un revenu élevé, est devenu un facteur de dissuasion.

Cette Loi de l’impôt temporaire est devenue permanente en 1948. En 1962, la Commission royale d’enquête sur la fiscalité, connue sous le nom de « commission Carter », a été lancée. Il a fallu 10 ans pour que cette commission présente son rapport de sept volumes, puis le mette en œuvre. Celui-ci a introduit l’impôt sur le revenu ainsi que l’impôt sur les gains en capital. Plus tard, en 1991, le gouvernement de l’époque, pour remplacer les revenus de taxe de vente des fabricants, a introduit une TPS, mesure qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de « réforme de la TPS et de la TVH ».

Je fournis ce contexte pour prouver qu’il faut du temps et une prise en considération attentive du système d’imposition pour le rendre efficace et, en outre, pour réitérer la notion selon laquelle le gouvernement peut imposer la source qu’il choisit, quelle qu’elle soit. Ce ne sont que les détails du système qui changent au fil du temps.

Chaque gouvernement successif a apporté des changements pour faire son autopromotion sur le plan politique en se fondant sur la prérogative du premier ministre actuel. Les modifications proposées touchant les sociétés privées sous contrôle canadien ont fait le contraire pour le premier ministre Trudeau. Les promesses de la campagne d’imposer les Canadiens riches et de redistribuer à la classe moyenne ont échoué. Les commentaires que j’ai entendus de la part des contribuables depuis juillet 2017 ont été, de façon écrasante, négatifs.

Les propriétaires de SPCC sont préoccupés par rapport à leur gagne-pain et à la façon de se retrouver dans les modifications compliquées et vastes à mesure qu’elles sont proposées. Le point, c’est que la plupart des Canadiens qui possèdent une société privée sous contrôle canadien ne se considèrent pas comme riches. Ils se considèrent comme faisant partie de la classe moyenne, comme des Canadiens qui travaillent dur. J’ai examiné certains des mémoires qui ont déjà été présentés, et ils font état de bon nombre des coûts et des efforts associés au fait de gagner leur revenu et de posséder une petite entreprise. J’attire votre attention en particulier sur le mémoire de CPA Canada du mois dernier qui présente des recommandations très précises et complètes concernant des modifications des propositions.

Les propriétaires de petites entreprises que je représente ne se définissent pas comme riches. Voici certains des commentaires particuliers qui sont formulés par rapport à quelques-unes des modifications.

Le fractionnement du revenu : dans ma pratique, il s’agit surtout de médecins, mais il y a un fractionnement d’autres revenus, certains avocats, quelques comptables. Pour l’essentiel, ce fractionnement se produit lorsqu’un enfant a 18 ans et qu’il fréquente l’université. Ça dure pendant quatre ou cinq ans, jusqu’à ce que l’enfant ait terminé l’université, puis qu’il commence à gagner son propre revenu. C’est une aide pour la famille. Pourquoi les gens travaillent-ils et gagnent-ils un revenu? Ils le font pour subvenir aux besoins de leur famille. Il s’agit juste d’une autre façon de subvenir aux besoins de votre famille.

La plus grande question de la plupart des médecins à qui je parle, particulièrement de jeunes médecins, est la suivante : comment puis-je rembourser ma dette étudiante? Je connais certains étudiants qui ont une dette de 100 000 à 200 000 $ et d’autres, une dette qui peut aller jusqu’à 500 000 $ pour se rendre jusqu’où ils sont, particulièrement les personnes qui sont formées pour devenir spécialistes. C’est leur plus grande préoccupation. Tous ont les mêmes choses que Paul Johnston : un conjoint et des enfants, une hypothèque et un prêt automobile, et ils doivent rembourser cette dette également. Pourquoi ne pouvons-nous pas changer la Loi de l’impôt sur le revenu pour soutenir ces personnes et les laisser déduire leurs paiements au taux élevé? Nous devrions les aider. Nous avons besoin de ces médecins. Nous ne devrions pas en faire un élément négatif. Nous devrions en faire quelque chose de positif pour eux.

D’autres choses vont aussi être modifiées, par exemple en ce qui a trait aux professionnels qui ont des travaux en cours. L’administration a dit que ces déductions ne s’appliquent pas à tous. Les employés n’ont pas de travaux en cours. Les travaux en cours, c’est quelque chose sur quoi vous travaillez présentement, quelque chose qui n’est pas terminé. Vous ne pouvez pas facturer un travail qui ne sera achevé qu’au prochain exercice, mais pourquoi?

D’autres problèmes concernent des choses comme les dividendes versés à des sociétés. Les modifications empêchent les gens de verser des dividendes et, dans les faits, de payer de l’impôt. La planification fiscale est devenue quelque chose de complètement imprévisible.

Le gouvernement fédéral possède deux sources de revenus : l’impôt sur le revenu et la TVH. Une énorme partie de la population est vieillissante — les baby-boomers, comme on les appelle —, et ces personnes passent de plus en plus de temps à l’extérieur du pays. Je vous ai fourni une copie des données recueillies par Statistique Canada à propos du nombre de jours et de nuits que les Canadiens passent à l’extérieur du pays et de leurs dépenses. Au total, les Canadiens passent 321 millions de nuits à l’extérieur du pays. Quand un Canadien est à l’extérieur du Canada, cela veut dire qu’il n’achète pas sa nourriture au Canada. Il achète son café ailleurs, ainsi que toutes sortes de choses pour lesquelles il faudrait payer la TPS. Pourquoi ne pas créer une taxe pour cela? Cela ne serait-il pas plus simple? Avec 321 millions de nuits, si chaque personne doit payer un dollar pour chaque jour passé à l’extérieur du Canada, cela nous donne 321 millions de dollars.

M. Morneau dit que les modifications fiscales proposées pour les petites entreprises rapporteraient 250 millions de dollars. Pourquoi ne pas créer une taxe pour les gens qui sortent du pays? Ce serait très simple à faire, pas plus qu’une ligne dans votre déclaration de revenus. Le nombre de nuits que vous avez passées à l’extérieur du pays multiplié par un dollar. C’est tout simple, et il n’y a aucun coût administratif. Tout cela serait très facile à gérer. Ce serait possible de le vérifier en consultant l’information sur les passeports des gens, ce qui devrait être très facile pour le gouvernement fédéral. Je doute que je m’opposerais à payer un dollar pour passer la nuit à l’extérieur du pays. Mais ce serait une source de revenu potentielle comme le souhaite le ministre. Ce n’est qu’une proposition, mais c’est une modification tout ce qu’il y a de plus simple.

Le message que je veux faire passer est que les modifications proposées sont terriblement compliquées. Cela fait 40 ans que je suis dans la fiscalité, et je trouve moi-même très difficile de démêler tout ce qui se passe. Je ne peux plus donner des conseils à mes clients. Cela est injuste autant envers moi qu’envers mes clients. C’est injuste envers les petites entreprises et envers le pays.

Je préférerais que les réformes fiscales proposées soient éliminées de bout en bout et qu’une autre commission royale soit mise sur pied afin d’étudier ce que le gouvernement du Canada devrait faire par rapport aux recettes publiques, que ce soit en ce qui concerne l’impôt sur le revenu ou la TPS.

Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Power, notre analyste m’a informé du fait que la Loi de l’impôt sur le revenu compte approximativement 3 500 pages aujourd’hui en 2017.

M. Power : J’avais dit plus de 2 000.

Le président : Mme Laurie Skinner va maintenant nous présenter son exposé.

Laurie Skinner, directrice financière, KMK Capital Inc., à titre personnel. : Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui à propos des modifications proposées relativement à l’imposition des sociétés privées. Comme un tiers des personnes au Canada travaillent dans une petite entreprise ou sont des petits entrepreneurs, les réformes proposées ont un impact considérable sur l’ensemble des sociétés privées d’un bout à l’autre du Canada, même avec les révisions apportées en octobre.

KMK Capital est un groupe de sociétés intégrées verticalement dont les activités sont principalement axées sur le secteur des biens immobiliers. Son effectif compte plus de 500 employés. L’exploitation de ces entreprises contribue énormément à l’économie, de façon tant directe qu’indirecte.

Aujourd’hui, je souhaiterais discuter du processus de consultation et de communication entourant ces propositions ainsi que des principes de l’équité et de la simplicité fiscale et vous présenter mes commentaires sur ce qui a trait précisément aux réformes proposées pour les investissements passifs et l’imposition du revenu fractionné.

Les propositions déposées en juillet et modifiées en octobre sont aussi envahissantes qu’elles sont complexes. La période de consultation de 75 jours pendant l’été était nettement insuffisante pour permettre aux parties touchées d’analyser les propositions et d’y réagir convenablement. Néanmoins, les Canadiens ont été en mesure de présenter 21 000 propositions au ministère des Finances, ce qui témoigne éloquemment de la mesure dans laquelle ces propositions portent atteinte au fondement du régime fiscal canadien.

En outre, le ton des communications émanant du ministère des Finances ne semblait pas reconnaître le fait que les entreprises aujourd’hui exercent leurs activités dans un cadre fiscal fondé sur les lois adoptées par chaque gouvernement successif, en fonction des conseils de chaque ministre des Finances.

Il est clair, pour la plupart des observateurs, que la portée des modifications proposées aurait pour effet d’altérer de façon non négligeable les règles auxquelles se sont conformées les entreprises canadiennes depuis plus de 40 ans. Il est également évident qu’il est nécessaire que des modifications d’une telle ampleur soient seulement mises en œuvre à la lumière d’un examen exhaustif du régime fiscal canadien.

La dernière véritable réforme fiscale globale au Canada remonte à 1972. Depuis cette date, on peut dire que l’équité dans le régime fiscal pour les petites entreprises repose sur deux piliers : l’impôt en main remboursable au titre de dividendes et le compte de dividendes en capital.

Les propositions relatives au revenu passif visent à éliminer le report de l’impôt lorsque le revenu n’est pas réparti en totalité et que des placements passifs doivent être faits dans une société ayant des revenus d’entreprise après impôt. Les propositions, sous leur forme actuelle, vont éliminer la portion remboursable de l’impôt à l’investissement et du compte de dividendes en capital. Le résultat souhaité est que les déclarations d’une société soient égales à celles de l’employé très bien rémunéré.

Si ces propositions sont mises en œuvre, les bénéfices répartis seront imposés à hauteur de 70 à 73 p. 100 pour le revenu du placement et de 55 à 59 p. 100 pour les gains en capital. Cette augmentation de l’imposition des entreprises aura pour effet de creuser l’écart entre le rendement du capital investi des entreprises et des employés en favorisant nettement les employés. Si l’équité était un principe fondateur, il est clair qu’il n’a pas été respecté.

Dans sa proposition, le ministère des Finances n’a pas pris en considération les circonstances divergentes dans lesquelles l’employé et l’entrepreneur touchent des revenus de placement. Les entrepreneurs mettent en jeu leurs propres capitaux et assument l’entière responsabilité du financement de leur retraite. Ils prennent quotidiennement des risques financiers pour exploiter leur entreprise. Les entrepreneurs conservent les bénéfices dans l’entreprise afin de survivre aux cycles économiques, pour soutenir sa structure financière ou à des fins de croissance et d’investissements futurs. Ces propositions pourraient malencontreusement freiner la croissance des entreprises et rendre difficile le réinvestissement pour les entrepreneurs.

Prenons par exemple une entreprise possédant un bien immobilier. Actuellement, le revenu de placement est imposé au taux supérieur de 53,67 p. 100. Une fois les propositions complètement mises en œuvre, le taux d’imposition pourrait atteindre un sommet de 73 p. 100. Les propositions ne prennent pas en considération le rôle de l’aménagement immobilier ni de l’industrie de la location dans l’économie canadienne. Si on tient pour acquis que les entrepreneurs cherchent à conserver dans l’entreprise les gains visés par la fourchette inférieure d’impôt sur le revenu des sociétés afin d’éviter d’avoir à payer un impôt des particuliers plus élevé, il serait contre-intuitif pour eux de conserver le revenu de placement après impôt dans une société qui est déjà imposée au taux le plus élevé. Je vous recommande de prendre cela en considération dans la révision éventuelle des propositions.

Lorsque les propositions entourant le revenu passif ont été présentées, elles n’étaient assorties d’aucun projet de loi connexe, et bon nombre de questions demeurent, par conséquent, sans réponse. Qu’est-ce qu’un investissement passif? Qu’en est-il d’un investissement comprenant une dette? Comment les dispositions relatives aux droits acquis vont-elles s’appliquer?

Dans sa révision d’octobre, le ministère des Finances a ajouté une disposition d’allégement prévoyant qu’un revenu de placement de 50 000 $ ne serait pas assujetti aux nouvelles règles. L’annonce n’a pas été expliquée en détail, et de nombreuses questions demeurent.

Les nouvelles propositions entourant l’impôt sur le revenu fractionné visent à élargir la définition des personnes touchées afin que cela comprenne le conjoint ou la conjointe ainsi que d’autres personnes apparentées et à ajouter aux types de revenu assujetti au plus haut taux d’imposition. Au bout du compte, l’entrepreneur, son conseiller fiscal ou les deux devront déployer d’importants efforts pour être en conformité avec la loi et dépenser beaucoup d’argent.

Avec ces règles, les entrepreneurs devront faire le suivi de la contribution de toutes les personnes apparentées relativement au travail, aux apports en capital et à l’historique de rémunération et des déclarations afin de déterminer si le paiement est raisonnable et correspond à la définition d’un montant exclu. Ce genre d’évaluation permanente nécessitera un jugement infaillible si les propositions sont mises en œuvre sous leur forme actuelle, sans compter les dépenses colossales que le ministère des Finances devra engager pour l’application de la loi.

En ce qui concerne le principe d’équité, je dirais qu’il est injuste que le conjoint ou la conjointe fasse partie de la même catégorie, et soit soumis aux mêmes critères, que les autres adultes apparentés. Le régime fiscal en vigueur reconnaît et prévoit que chaque conjoint peut avoir un rôle différent au sein du ménage. Conséquemment, la répartition des tâches entre les partenaires est essentielle afin de soutenir l’entreprise privée. À ce chapitre, les nouvelles propositions semblent plutôt régressives.

Dans certains cas précis, ces propositions pourraient aussi avoir pour effet de restreindre les stratégies de planification fiscale à long terme, par exemple en ce qui a trait au gel successoral et à d’autres types de planification successorale.

Dans les révisions d’octobre, le ministre s’est engagé à réagir à certaines des questions soulevées par les intervenants au sujet des propositions concernant l’imposition du revenu fractionné. Étant donné l’orientation des propositions actuelles et les impacts certains qu’ils vont avoir sur les entreprises, toute révision future des propositions liées au revenu passif et à l’imposition du revenu fractionné devrait faire l’objet d’un nouveau processus de consultation avant d’être présentée dans le processus budgétaire.

Nous évoluons dans un contexte commercial mondial. Les capitaux sont mobiles, et le régime fiscal du Canada doit pouvoir concurrencer celui des autres pays. Vous devez prendre garde de ne pas affaiblir gravement la position du Canada sur la scène mondiale avec ces réformes fiscales.

Il est peu probable qu’une réforme fiscale puisse être efficace ou efficiente si on choisit une approche fractionnée, sans mobiliser tous ceux qui sont touchés. Il me semble que cela est confirmé par le rejet quasi unanime des propositions. La seule façon de régler adéquatement ces problèmes serait d’entreprendre un examen exhaustif de notre régime fiscal. Il ne faut écarter aucune option. Aucun régime fiscal n’est parfait, et on doit s’attendre à ce qu’il y ait des négociations et des compromis.

Dans l’avenir, toute révision des propositions devrait être le résultat d’un processus de consultation sur les modifications concrètes qui sont envisagées, et le ministère des Finances devrait éviter les modifications ayant un effet rétroactif, ce qui reviendrait à changer les règles du jeu. Les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un contexte qui a évolué sur plus de 40 ans, et il ne faudrait pas que les règles de ce système soient modifiées de façon rétroactive. Il faut laisser du temps pour que les entreprises puissent s’adapter au nouveau régime.

Les petites et moyennes entreprises contribuent de façon importante à la croissance de nos collectivités et de notre pays. Pendant la Semaine de la PME, le premier ministre a mentionné que les petites entreprises comptent pour 98 p. 100 des opérations commerciales au Canada. Elles emploient 70 p. 100 de la main-d’œuvre dans le secteur privé et contribuent à hauteur de 30 p. 100 au produit intérieur brut. L’importance des PME au Canada n’est plus à prouver, et nous devons veiller à ce que notre régime fiscal soutienne ces entreprises. Merci.

Le président : Honorables sénateurs, nous allons commencer la période de questions avec la sénatrice Marshall, suivie de la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Marshall : Je vais m’adresser au Dr Johnston, pour commencer, parce que quelqu’un a dit qu’il va peut-être devoir partir tôt. J’ai déjà fait partie du ministère de la Santé, alors vous comprendrez mon grand intérêt pour la question.

Nous avons entendu les témoignages d’un certain nombre de médecins dans tout le pays, et la semaine dernière, nous étions en Saskatchewan et au Manitoba. Chaque province a une école de médecine, comme nous. J’ai demandé aux témoins combien de médecins restaient dans la province. On m’a répondu que 50 p. 100 restaient, et que 50 p. 100 des médecins avaient été formés à l’étranger. Nous avons des écoles de médecine et nous formons des médecins, mais nous sommes toujours en pénurie. Comment pouvons-nous faire en sorte qu’ils restent?

Dr Johnston : Je n’ai pas de statistiques pour vous, mais je pourrais vérifier auprès de la NLMA et vous les faire parvenir.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous donner une idée approximative?

Dr Johnston : De façon approximative, je dirais que cela correspond à peu près à notre réalité. Trop souvent, l’attrait des grandes villes est trop fort; je dirais que cela correspond à la réalité. Il m’est arrivé souvent de prendre le téléphone, parce que nous nous occupons de régions rurales et que nous devons aller chercher les patients par ambulance aérienne, par exemple à Goose Bay ou à un endroit du genre. Il nous arrive souvent de travailler avec de très bons médecins, qui font un excellent travail, et très souvent, il s’avère qu’ils ont été formés à l’étranger.

Sur la presqu’île Avalon, je dirais que la très grande majorité des médecins, un pourcentage considérable, ont été formés à l’étranger, et je n’y vois pas de problème parce qu’il y a beaucoup de médecins brillants qui ont été formés à l’étranger. Mais les normes au Canada pour la formation de médecins sont extrêmement élevées. À dire vrai, les 16 écoles de médecine du pays figurent parmi les 200 meilleures écoles de médecine au monde. Nous faisons un excellent travail, et je suis plus confiant quand je sais que je parle au téléphone avec un médecin qui a été formé au Canada. Dans le cas contraire, il faut que j’apprenne à connaître le médecin formé à l’étranger pour savoir s’il est bon ou pas.

La sénatrice Marshall : Je crois qu’on pourrait aussi dire, dans votre cas, que le fait qu’un médecin ait été formé à l’étranger laisse croire qu’il est plus susceptible de se déplacer. Ce serait très facile pour lui de prendre ses affaires et de déménager si on lui offre un poste ailleurs.

Dr Johnston : Oui.

La sénatrice Marshall : Dites-moi donc comment était la situation au cours des dernières années? La compétence des médecins a toujours été une question délicate, en particulier dans les régions rurales. Au cours des cinq ou six dernières années, disons, la situation s’est-elle améliorée, a-t-elle empiré ou s’est-elle stabilisée?

Dr Johnston : Je dirais que les choses se sont stabilisées. Elles ne s’améliorent pas, c’est-à-dire qu’il y a toujours place à l’amélioration. Le fait que la majorité des personnes avec qui je communique par téléphone à la presqu’île Avalon aient été formées à l’étranger veut clairement dire que nous n’avons pas assez de médecins canadiens à ces endroits. Comme je le disais, les choses ne feront qu’empirer si les propositions sont mises en œuvre.

La sénatrice Marshall : Il s’agit d’un impôt fédéral. Je tiens pour acquis que la province en sortira gagnante, du moins un peu, probablement, mais s’il y a vraiment un exode, ce sera un exode non pas vers une autre province, mais vers nos voisins du Sud.

Dr Johnston : Oui, c’est de ressort fédéral, et les effets se feront ressentir à l’échelle du pays. Il faut voir la réalité en face : dans les pays industrialisés, partout dans le monde, les baby-boomers ont de plus en plus besoin de soins de santé. Le marché est donc compétitif pour attirer les gens ayant ces compétences très valorisées. Il y a trois ou quatre personnes avec qui j’ai suivi ma formation et avec qui je suis resté bon ami. Je pourrais leur envoyer un message texte n’importe quand. Quand je participe à un congrès, nous sortons prendre une bière. Les choses sont très simples à cet égard dans l’ensemble du monde industrialisé. Ce serait très facile d’aller n’importe où.

La sénatrice Marshall : Chaque province possède sa propre association médicale. Ont-elles communiqué de l’information? Les comptables ont l’Ordre des comptables professionnels agréés, et leur président national nous a envoyé un mémoire. Qu’en est-il, à l’échelle provinciale?

Dr Johnston : L’AMC a assumé le fardeau de défendre nos intérêts en ce qui concerne les réformes proposées au régime fiscal fédéral. Les associations médicales provinciales se sont pour la plupart tenues coites, parce qu’il est plus logique d’avoir un porte-parole unique. Si les propositions sont mises en œuvre… Cela me rappelle ce qui est arrivé lorsque Paul Martin a équilibré le budget vers la fin des années 1990 — à moins que je ne me trompe de date — en transférant, essentiellement, le coût des soins de santé aux provinces. Elles sont encore en train de s’en remettre, et nous avons ici un autre exemple de quelque chose qui va être pelleté dans la cour des provinces.

En ce qui concerne Terre-Neuve-et-Labrador, la province est au seuil du gouffre financier, avec son taux de 33,5 p. 100. Il va être difficile de trouver des façons de justifier les augmentations de salaire des fonctionnaires, et les médecins vont être furieux. Si je perds mon fonds de retraite, alors je vais avoir besoin d’un plus grand revenu aujourd’hui afin d’économiser pour l’avenir. Ce sera le chaos à Terre-Neuve. Les coffres sont vides, tout comme nos fonds de retraite, alors vers qui pouvons-nous nous tourner? Il ne reste que le contribuable. Que ce soit le gouvernement fédéral ou provincial qui cherche à me détrousser, je suis laissé à moi-même, et il faut que je protège ma famille, mon avenir et l’investissement que j’ai choisi de faire en acceptant que je vais seulement commencer à travailler à partir de l’âge de 35 ans.

La sénatrice Marshall : Donc, les médecins à Terre-Neuve sont les moins rémunérés du pays?

Dr Johnston : Dans de nombreux domaines de spécialités, et c’est certainement mon cas. Je crois qu’un médecin de famille à Terre-Neuve-et-Labrador gagne, en dollars réels, probablement 200 000 ou 300 000 $ de moins par année qu’un médecin de famille en Ontario qui fait partie d’un réseau ou d’une organisation de santé familiale. Les médecins sont mal à l’aise quand on parle d’argent; je sais que j’ai choisi ce domaine en particulier parce que je ne suis pas très bon avec les finances, vous savez. Les autres témoins semblent très éloquents en ce qui concerne ce genre de choses. De mon côté, je sais prendre soin d’une personne, voyez-vous, mais si vous acculez une personne qui ne sait pratiquement rien des finances à un point tel qu’elle se préoccupe de sa situation financière, alors c’est tout ce dont elle va parler. Tout ce que je veux faire, c’est prendre soin de mes patients sans avoir à m’inquiéter de ma situation financière. Tout cela a rendu les choses difficiles, et j’en perds même le sommeil.

La sénatrice Marshall : Je suis comptable de profession, et après 40 ans d’expérience, je peux vous dire que tout est toujours une question d’argent.

Monsieur Sullivan, je tiens à vous remercier de votre exposé. Nous n’avons pas eu d’autres pêcheurs comme témoins. Nous avons reçu beaucoup d’agriculteurs dans l’Ouest, et nous avons aussi abordé l’aspect des changements comportementaux. Le gouvernement a augmenté les impôts perçus auprès des mieux nantis, ceux qui sont dans le premier percentile du revenu. Le taux d’imposition a été augmenté à 33 p. 100, et le gouvernement s’attendait à percevoir beaucoup de recettes, mais la réalité a été tout autre. Les recettes n’ont pas augmenté parce que les gens ont changé leur comportement. Vous, en tant que pêcheur, qu’allez-vous faire? Vous avez une entreprise plutôt importante. Qu’allez-vous faire en réaction à ces changements? Vous avez un bateau, vous avez une entreprise. Vous ne pouvez pas partir ailleurs. Ce n’est pas aussi facile pour vous que pour les médecins.

M. Sullivan : J’imagine que je pourrais toujours vendre mon entreprise avant que les modifications entrent en vigueur. Actuellement, si je vends, cela va me coûter en impôts 300 000 $ ou 400 000 $ de plus, j’imagine, si les modifications sont adoptées. Donc, mes possibilités sont restreintes, parce que je ne peux pas fuir. Je vais rester, coûte que coûte. Ce qui me préoccupe, c’est le sort de ceux qui vont venir après moi.

J’ai eu de la chance, parce que mon père était pêcheur. Il avait une entreprise encore plus grande que la mienne. Il l’a vendue, et parce qu’il a pu tirer parti des gains en capitaux et ce genre de choses, il a pu nous aider à nous tailler une place dans ce marché, mon frère et moi.

La sénatrice Marshall : A-t-il vendu son entreprise à un étranger? Il ne l’a pas vendue à un membre de sa famille.

M. Sullivan : Oui, il l’a vendue, il avait un permis de pêche en haute mer, puis il a acquis un permis de pêche côtière, et maintenant, nous en avons tous. Malgré tout, mon frère et moi avons dû dépenser, à nous deux, environ 2 millions de dollars pour nous faire une place. Ce n’est pas facile. J’ai eu de la chance parce que j’avais mon père, et c’est en partie parce qu’il avait pu tirer parti des exemptions pour gains en capital et de ce genre de choses qu’il a pu nous aider.

Contrairement aux deux autres témoins, je ne peux pas vous dire exactement ce que je peux faire maintenant, mais la situation va être difficile pour les régions rurales de Terre-Neuve et en particulier pour l’industrie de la pêche, parce que ce n’est pas facile d’accéder à l’industrie. Prenez simplement toutes les dettes que nous avons. C’est une lutte de tous les instants. Comme je l’ai dit, je sais, au moment où je vous parle, que mon revenu de l’année prochaine sera inférieur de 30 p. 100, mais je vais devoir continuer à payer chaque mois. Je vais devoir continuer de payer 100 000 $ par année.

Voilà pourquoi, comme je l’ai dit, c’est frustrant d’entendre la fédération des travailleurs et d’autres personnes prendre la parole, parce que je comprends ce que le gouvernement veut. Il a besoin de plus d’argent, mais c’est d’emblée ce qu’il aurait dû dire. La façon dont le gouvernement s’est exprimé, c’était plutôt : « Nous n’avons pas besoin de plus d’argent, mais il y a des tricheurs dans le système, et nous voulons leur reprendre l’argent mal acquis. » Le gouvernement aurait dû ouvrir les yeux et admettre qu’il est en difficulté. Il y a une hémorragie de dépenses, et nous avons besoin de 300 ou 400 millions de dollars maintenant, et quelqu’un va devoir en faire les frais. À la place, ce que le gouvernement a dit est, c’est qu’il y a des gens qui ne paient pas d’impôt alors qu’ils devraient le faire, mais je ne crois pas que quiconque ici présent fasse quoi que ce soit de mal.

La sénatrice Marshall : Vous avez raison. La chose a été présentée comme une question d’équité, mais d’autres personnes affirment que le gouvernement veut simplement faire de l’argent et que c’est là qu’il va aller le chercher.

M. Sullivan : Eh bien, s’il n’a pas besoin de l’argent, pourquoi réformer le régime fiscal? Il semble évident qu’il y a un problème, que ce soit ou non par rapport aux dépenses. J’aimerais savoir ce qu’il en coûtera réellement aux personnes au sommet de la pyramide. Je sais ce que cela va me coûter, la façon dont ma retraite va écoper, si jamais j’ai la possibilité de vendre. J’aimerais savoir combien il en coûtera aux milliardaires avec leurs entreprises qui font des milliards de dollars, comme McCain ou ce genre de monde. Je ne sais pas si cela leur ferait un pli de perdre 200 000 $. Probablement pas, quand vous avez une centaine de milliards de dollars. Si on va tout bonnement imposer ce genre de changement, j’aimerais savoir combien Morneau ou une entreprise de ce genre va devoir payer.

La sénatrice Marshall : Monsieur Power, j’aimerais que nous parlions du fractionnement du revenu. Vous avez mentionné qu’il est possible de partager son revenu avec ses enfants majeurs. Certains témoins que nous avons reçus ont évoqué, comme contre-proposition, la possibilité d’éliminer le fractionnement du revenu avec les enfants majeurs tout en conservant la possibilité pour le conjoint ou la conjointe. Il semble que c’est surtout le fait de perdre le fractionnement du revenu avec le conjoint ou la conjointe qui suscite la controverse. En tout cas, l’opposition est moins forte en ce qui concerne les enfants majeurs. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Power : À dire vrai, je ne vois aucun problème avec cela. Bien sûr, je suis en faveur du fractionnement du revenu entre conjoints. Dans la plupart des ménages, les conjoints contribuent de façon égale. Je sais hors de tout doute que je n’y arriverais pas sans ma conjointe, et je ne vois aucune raison pour laquelle cette possibilité me serait interdite. Mais il ne faut pas oublier mes enfants. Quand mes enfants allaient à l’université, j’ai fractionné mon revenu entre eux, et cela a été d’une grande aide. Cela a aidé tout le ménage. Aujourd’hui, mes enfants sont plus vieux, ils ont la trentaine, et ils peuvent gagner leur propre vie. Donc, cela leur a donné un coup de main, et aujourd’hui, ils sont eux-mêmes dans la fourchette supérieure d’imposition. Ce n’était qu’une mesure temporaire. Je n’ai pas à leur verser de dividendes aujourd’hui. Ils gagnent bien leur vie. Pourquoi serait-ce mal que le gouvernement du Canada soutienne les gens et les aide à réussir? C’est ce qu’il devrait faire.

La sénatrice Marshall : Vous voulez donc que ce soit conservé?

M. Power : Pendant des années, il n’y a eu aucun accroc. Cela aide énormément un grand nombre de ménages.

La sénatrice Marshall : Il y a un autre sujet que vous avez évoqué que j’aimerais aborder, même s’il ne fait pas partie du projet de loi. J’ai remarqué, l’année dernière, que la question des travaux en cours avait été soulevée pendant le processus. Cela n’avait suscité aucune réaction à l’époque, et je crois que cela fait même partie de la loi aujourd’hui. Avez-vous des commentaires à faire sur ce sujet?

M. Power : Certainement. À mes débuts, comme comptable, il a fallu que j’établisse ma pratique. Vers la fin de l’exercice, j’avais entrepris beaucoup de travail que je ne pouvais pas facturer parce que je n’avais pas terminé. Donc, s’il avait fallu que je paie de l’impôt pour cela, je n’y serais pas arrivé parce que ma pratique était encore en train d’être établie et qu’il fallait que j’y investisse. Comment cela m’aurait-il été possible de payer de l’impôt sur de l’argent que je n’avais pas encore gagné? Maintenant, on veut éliminer cela, parce qu’on dit que ce n’est pas équitable pour les autres qui n’ont pas cette possibilité. Mais de qui parle-t-on? Les employés n’ont pas de travaux en cours.

La sénatrice Marshall : Jusqu’à quel point ces répercussions financières sont-elles importantes? Je n’en avais pas entendu parler, et je n’ai vu personne réagir à ce sujet. C’est important, n’est-ce pas?

M. Power : C’est important, en effet, pour les gens qui commencent. L’évolution est lente et prend du temps. Les propositions vont entrer en vigueur d’ici cinq ans. J’approche de la fin de ma carrière, et je vais probablement laisser tomber. Mais, pour les gens qui commencent et qui doivent faire face à un taux d’imposition de 20 p. 100, 40 p. 100 et 60 p. 100, en cinq ans, ce sera préjudiciable. À qui est-ce que cela pourrait bénéficier, de toute façon? Nous devrions aider les gens. Laissons-leur leur droit à la déduction. Pourquoi doivent-ils payer de l’impôt sur des sommes qu’ils ne peuvent pas encore facturer?

La sénatrice Cools : C’est vrai.

La sénatrice Marshall : Est-ce que la mesure n’est pas déjà en vigueur?

M. Power : Je crois que oui.

La sénatrice Marshall : Madame Skinner, je suis peut-être injuste, mais je dois vous poser la question. Votre entreprise s’appelle KMK Capital. Elle est relativement nouvelle, n’est-ce pas?

Mme Skinner : Début des années 1990

La sénatrice Marshall : Début des années 1990, elle est donc assez récente. Elle est aussi assez prospère?

Mme Skinner : Oui.

La sénatrice Marshall : Donc, si les règles que l’on cherche à défendre ici, si les mesures fiscales proposées avaient été en vigueur dans les années 1990, pensez-vous que votre entreprise aurait été aussi prospère qu’elle l’est dans les faits?

Mme Skinner : Non, je ne crois pas. Il y a l’intégration, quand vous achetez des biens immobiliers et que vous touchez un revenu de placement, ou quand vous vous débarrassez des biens immobiliers et que vous disposez d’un compte de dividendes en capital ou que vous profitez d’une importante égalisation des impôts, si je puis m’exprimer ainsi, dans le système fiscal canadien. Si quelqu’un comme, disons, Kevin investit dans ces entreprises, il vise certainement le long terme. Et, quand il est question du long terme, je crois que l’on ne réfléchit pas tout à fait de la même façon.

Si vous le permettez, j’ajouterais quelque chose. Ces propositions ont été présentées en juillet, et quelques jours plus tard seulement nous étions tous assis autour de la table de conférence et nous discutions des répercussions de ces propositions sur ce que nous étions en train de faire, ce que nous avions déjà fait et ce que nous allions faire plus tard.

Je vais vous donner un exemple. Une entreprise du secteur immobilier paie de l’impôt à un taux de 53,67 p. 100. Elle est déjà dans le niveau d’imposition supérieur. Le concept de l’intégration lui donne droit à un remboursement des impôts payés au titre des dividendes. Une fois la distribution faite, les sommes en question disparaissent, et c’est l’égalité. Avec les nouvelles règles, et c’est peut-être parce qu’elles sont aujourd’hui on ne peut plus alambiquées, on pourrait croire qu’on essaie de tuer une mouche avec un canon, si vous me passez l’expression. Selon ces nouvelles règles, si vous avez accumulé pour un million de dollars de bénéfices non répartis et que vous les reportez à l’année suivante pour investir dans un tout nouvel immeuble à bureaux, ce qui représente un bon investissement — cela crée des emplois, c’est bon pour l’économie —, le gouvernement va supposer que vous avez utilisé tous les bénéfices non répartis, cette somme de un million de dollars, pour les investir dans un actif qui vaut bien des millions de dollars de plus, et les revenus de placement associés à cet actif en subiront les contrecoups. Donc, votre taux d’imposition sera toujours de 53,67 p. 100. Cela n’aura pas changé. Vous n’aurez pas droit au remboursement au titre des dividendes, alors que vous avez quand même effectué la distribution.

Je ne crois pas qu’une entreprise agit mal lorsqu’elle utilise ses bénéfices non répartis pour croître et réinvestir. Je ne crois pas que les propositions tiennent compte d’une façon ou d’une autre des répercussions qu’elles auront sur le secteur immobilier, celles dont je viens de parler.

La sénatrice Cools : Ce secteur ou un autre.

Mme Skinner : Bien d’autres secteurs, oui, absolument. Nous représentons toute une gamme d’entreprises, qui font surtout partie du secteur immobilier, mais il y en a aussi quelques-unes dans le secteur des services. Je vois les choses sous bien des angles, mais les propositions dont il est question ici vont certainement affecter durement le secteur de l’immobilier et de la location.

Le président : La sénatrice Andreychuk, ensuite le sénateur Oh, puis la sénatrice Cools.

La sénatrice Andreychuk : Quand nous avons commencé cet exercice, le gouvernement disait qu’il visait à combler des lacunes. Plus tard, il a dit qu’il visait à assurer une équité entre les employés et les entreprises constituées en société. Plus récemment, nous avons entendu le ministère des Finances ou le ministre, je m’emmêle dans tous ces témoins, mais quelqu’un a dit que les bénéfices non répartis, le revenu passif, ne devraient pas servir à la retraite. Ils devraient servir à la croissance de l’entreprise, aux interventions en temps de crise, pour faire face aux mauvais jours dans le secteur de la pêche, et cetera, mais qu’ils ne devaient pas être un véhicule de retraite, étant donné que les entreprises qui ne sont pas constituées en société seraient désavantagées et qu’il y a une foule d’autres personnes qui n’ont pas de pensions garanties.

Dans les exposés d’aujourd’hui, les témoins ont dit plus souvent : « J’ai besoin d’argent pour ma retraite » que « J’ai besoin d’argent pour acheter de l’équipement. » Nous avons entendu des témoins en Saskatchewan et au Manitoba dire qu’il était impossible d’acheter de la machinerie pour moins de 300 000 $, et cetera, et les prix montent. Vous venez de me surprendre; je pensais qu’ils achetaient un petit bateau, un petit bateau de un million de dollars. Toute ma perception a changé. C’est donc une bonne chose que de parcourir le pays.

Est-ce que certaines personnes et certains agents ont raison de rétorquer que ce mécanisme n’a pas été créé aux fins de la retraite et que nous devrions chercher une autre mesure fiscale d’incitation à la retraite pour les gens qui ne sont pas déjà couverts par un régime de retraite? C’est un débat en cours aux États-Unis…

Dr Johnston : Je ne suis pas d’accord, pour deux ou trois raisons. Premièrement, si vous avez un compte à partir duquel vous pouvez faire toutes sortes de choses, vous disposez d’une souplesse qui reflète les réalités de la vie. Dans mon cas, si je me coupe un doigt, la situation financière de ma famille va changer d’un seul coup. J’ai commencé ma carrière il y a cinq ans, et j’ai 39 ans. J’ai assumé beaucoup de risques. Pour moi, actuellement, le handicap est quelque chose d’important, et je dois moi-même mettre des fonds de côté. C’est différent de la retraite et, si vous classez les choses à des endroits différents; il me semble que j’aurais plus de difficulté à me préparer à ce que la vie va sans aucun doute mettre sur mon chemin.

J’ajouterais aussi, pour ceux qui font valoir que d’autres personnes n’ont pas accès à cette mesure d’épargne pour la retraite, qu’il y a bien des employés qui ont accès par exemple à des programmes de cotisations équivalentes au REER. Ils ont accès à des régimes de retraite à prestations déterminées assez confortables. Je ne crois pas que les témoins ici présents ont accès à ce genre de régime.

L’autre chose concerne les cotisations au REER. Il y a des gens qui ne gagnent pas suffisamment pour avoir le droit de cotiser à un REER, comme c’est le cas de bon nombre de propriétaires de petites entreprises. C’est évidemment mon cas, puisque je gagnais moins que le salaire minimum jusqu’à l’âge de 35 ans. Je n’avais pas le droit de cotiser à un REER. Alors, comment suis-je censé mettre de l’argent de côté et le faire fructifier en vue de ma retraite si je ne peux même pas cotiser à un REER avant l’âge de 35 ans, sachant que la plupart des médecins sont épuisés lorsqu’ils atteignent l’âge de 55 ans? Il me reste donc 20 ans. De quoi parle-t-on, 26 000 $ par année? Cela fait donc 500 000 $ sur 20 ans, ce qui n’est pas suffisant si je veux prendre ma retraite à l’âge de 55 ans. À moins que j’aie la crise cardiaque que je me prédis, je vais vivre jusqu’à 85 ans. Je devrai donc vivre 30 ans avec 500 000 $. Cette somme va rapidement disparaître.

M. Sullivan : Quant à moi, c’est comme il vient de dire : je ne sais pas si je peux me permettre de créer un fonds spécial en vue de la retraite. La semaine dernière, j’ai reçu une facture de 10 000 $ pour faire réparer le moteur de mon bateau. Je ne sais pas ce qui m’attend. Comme je le disais, je suis pour le moment à l’aise. Je sais que je pourrai faire mes paiements pour l’année prochaine si aucune catastrophe ne se produit et s’il n’y a pas de moratoire d’un an sur la pêche. Je ne sais pas. Personne ne le sait. Je suis prêt à prendre le risque. Je m’y suis engagé. Mais aujourd’hui les règles ont changé, et le trésor au bout de l’arc-en-ciel disparaît. Il y a toujours quelqu’un qui puise à pleines mains dans ce trésor, et il ne restera plus rien, sauf peut-être un peu d’eau.

Tout ce que je veux, c’est pouvoir vendre mon entreprise quand j’aurai terminé ou la céder à mes enfants sans me faire démolir par le fisc; j’aimerais pouvoir commencer dès maintenant à construire quelque chose pour avoir droit à une certaine forme de retraite.

Comme je le disais, je ne crois pas que cela touche les gens dont l’entreprise vaut un milliard de dollars; toutefois, pour ceux dont l’entreprise vaut un million de dollars, cela représente des impôts de 200 000 ou de 300 000 $. Ça fait beaucoup, au bout du compte.

M. Power : Tout dépend de la personne dont vous faites votre point de comparaison. Si vous comparez la situation de cette personne à celle d’un fonctionnaire qui a accumulé 25 ou 30 ans d’ancienneté et qui touchera une pension pendant 30 ans, combien d’argent est-ce que je devrai avoir accumulé pour avoir la même pension pendant 30 ans? Je vois plein de gens au Tim Hortons qui ont travaillé pour le gouvernement pendant 25 ou 30 ans. Je discutais avec un enseignant qui a pris sa retraite à 53 ans, il y a 23 ans de cela, et qui touche une pension. Combien d’argent est-ce que je devrais avoir? Il est certain que je ne vais pas accumuler cet argent en cotisant à un REER. Je dois l’amasser grâce à mon entreprise. Je dois être en mesure de le tirer d’une autre source. Voilà mon point de comparaison. Combien touchent les fonctionnaires et combien doivent-ils avoir placé dans un régime de pensions pour être au même point que moi, à un point comparable? Car il n’y a pas de comparaison si l’on parle des REER.

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais seulement dire que vous prenez un risque, puisque vous dites que vous pourriez vendre votre entreprise.

M. Power : Je pourrais, mais ce n’est pas certain. Je pourrais comme monsieur être victime d’une crise cardiaque.

La sénatrice Andreychuk : Vous ne savez pas à combien vous allez la vendre. Et, même si vous comparez cela à un régime à prestations déterminées ou à toute autre forme de pensions de retraite, vous supposez qu’au bout du compte, vous pourrez vendre quelque chose à un certain prix.

M. Power : C’est tout à fait vrai.

La sénatrice Andreychuk : Et peut-être que vous ne le pourrez pas.

M. Power : C’est aussi très possible.

La sénatrice Andreychuk : Donc, le risque est accru, n’est-ce pas?

M. Power : C’est très possible. Il se peut que je n’aie rien du tout à vendre, au bout du compte.

Mme Skinner : Je voulais tout simplement revenir au thème dont vous avez parlé; une petite entreprise ne fonctionne pas en général de manière linéaire. Quand vous dites que vous allez acheter un actif, gagner un revenu, accumuler de l’argent, en tirer des bénéfices non répartis puis tout reprendre au bout du compte, vous pensez en réalité de manière linéaire. Pour en revenir à ce que vous disiez, vous prenez chaque fois un risque, chaque année au cours de laquelle vous réinvestissez. Ainsi, les investissements ne sont pas statiques. Vous prenez une partie de votre revenu pour le réinvestir. Vous devrez attendre jusqu’à la toute fin, jusqu’au moment où vous serez prêt à prendre votre retraite, pour savoir si vous disposerez de quelque chose pour financer votre retraite. Donc, même s’il pourrait s’agir d’une source, vous risquez ces fonds tous les jours, mais en même temps, vous générez des retombées économiques. Vous employez, vous-même, plusieurs centaines de personnes. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ça.

La sénatrice Andreychuk : La vente de l’achalandage m’a toujours ennuyée quand je pratiquais. Qu’est-ce que l’achalandage? Madame Skinner, nous avons toutes les deux voyagé, et il est certain qu’on nous parle toujours des mêmes enjeux. Je crois que le fait que nous ayons pu entendre des représentants de toutes les régions du Canada a beaucoup d’importance, car leurs messages différaient quelque peu, les régions différaient quelque peu, et je crois que cela enrichit notre compréhension des choses et que nous pourrons formuler de meilleures recommandations.

Vous avez dit quelque chose et j’aimerais que vous le répétiez; je ne suis pas une comptable, je suis une mordue des politiques. J’aimerais savoir pourquoi vous faites certaines choses et quels avantages vous en tirerez.

On nous a dit que l’égalité, cela voulait dire qu’un employé qui gagne 50 000 $ et qui paie de l’impôt sur cette somme et une entreprise qui a des bénéfices non répartis de 50 000 $ devrait être imposée à peu près de la même manière. Mais vous avez dit quelque chose que je n’ai pas très bien compris. Parlez-vous d’un employé de cette entreprise?

Mme Skinner : Non, je parle des employés qui sont des hauts salariés.

La sénatrice Andreychuk : Des employés qui sont haut salariés?

Mme Skinner : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Pourriez-vous vous expliquer? C’est différent. Dans l’esprit du public, puisqu’il y a des gens qui souhaitent que ces changements se réalisent, il y a des gens qui disent : « Eh bien, comment se fait-il que je gagne 50 000 $, mais qu’eux, ils peuvent reporter leur impôt? » Vous m’avez laissé entrevoir une raison légèrement différente, ou la manière, peut-être, dont le ministère des Finances aurait présenté ses recommandations et convaincu le ministre d’aller de l’avant, parce qu’il considérait les employés comme appartenant à une autre catégorie que le travailleur ordinaire qui gagne 50 000 $ ailleurs. Il parlait d’employés dans l’entreprise.

Mme Skinner : L’entreprise gagne un certain montant d’argent, le particulier gagne un certain montant d’argent, et ils paient leurs impôts s’ils se retrouvent au taux d’imposition supérieur. On prend toujours l’exemple d’un revenu de 100 000 $. Le taux de 51,3 p. 100 s’applique donc. Votre société, ensuite, gagne elle aussi un revenu de 100 000 $ et, dans le cas d’une société de placement, vous devrez payer des impôts à un taux de 53,67 p. 100. Après avoir distribué l’argent à l’actionnaire, vous avez droit à un remboursement d’impôt, qui défalque l’impôt payé par le particulier de l’impôt payé par la société. Les changements qui ont été apportés suppriment cette partie remboursable de l’impôt, et en réalité, le taux d’imposition de la société, après la distribution au particulier, est beaucoup plus élevé que le taux qui s’applique à l’employé.

La sénatrice Andreychuk : Je crois que c’était ça, le problème du ministère des Finances; en effet, je crois savoir que la proposition a déjà été présentée et rejetée, et je me demandais pourquoi elle avait été jugée acceptable cette fois-ci. Je parlais d’un employé, mais d’un employé selon votre description plutôt que d’un simple employé d’une entreprise quelconque ou du gouvernement, comme le public le pense, je crois. Je crois avoir compris la justification en vous écoutant, à savoir si cela est acceptable ou pas, mais c’est probablement votre point de comparaison. Comment en êtes-vous arrivé à souligner cet aspect, dans l’exposé que vous nous avez présenté?

Mme Skinner : Nous avons examiné les exemples qui nous ont été donnés avant d’affirmer que c’était un facteur d’égalisation. Ce n’était certainement pas un facteur d’égalisation dans l’ancien système, qui prévoyait un mécanisme d’intégration selon lequel il était possible d’égaliser les choses entre un employé à salaire élevé et le revenu d’investissement accumulé par une société. Les nouvelles règles suppriment ce facteur d’égalisation en introduisant la possibilité de reporter le paiement de l’impôt et, lorsque le revenu est distribué, le taux d’imposition réel est globalement bien plus élevé. Je ne suis pas certaine de savoir en quoi cela aurait convaincu le ministère des Finances d’aller de l’avant.

La sénatrice Marshall : Je l’ignore moi aussi. J’ai tout simplement vu cet exemple. Celui où il était question de 70 à 73 p. 100, comme vous l’avez dit.

Mme Skinner : Oui, c’est tout à fait exact.

La sénatrice Marshall : C’est que l’impôt remboursable n’est plus remboursable.

Mme Skinner : En effet.

La sénatrice Andreychuk : Vous parlez d’un employé à salaire élevé, mais le public pense plutôt à quelqu’un comme un pompier, qui gagne 50 000 $, et cetera. Les points de comparaison sont donc différents. C’est davantage un exercice théorique.

Monsieur Power, pourriez-vous dire pourquoi les responsables ont choisi de chercher à égaliser ces types d’employés et pourquoi ils ont abouti à ce qui nous a été proposé?

M. Power : La comparaison n’est pas juste, on ne peut pas comparer avec un employé qui gagne 50 000 $. Cet employé ne prend aucun risque, mais il retire des avantages. Il a droit à l’assurance-chômage. Le propriétaire d’une petite entreprise…

La sénatrice Cools : Des congés payés, des congés de maladie.

M. Power : Des congés payés, et tous les avantages auxquels il a droit, en plus de la pension de retraite. Nous n’y avons pas droit. Comment pouvez-vous comparer l’un et l’autre? C’est tout simplement impossible.

Le président : Nous avons le sénateur Oh qui veut poser une question, après quoi nous terminerons avec la sénatrice Cools.

Le sénateur Oh : J’aimerais poser une question qui concerne le pays au sud de notre frontière. Avec l’ALENA, nous allons bientôt avoir un problème. La nouvelle administration semble vouloir baisser les impôts. Elle envisage une réforme fiscale. La tendance est à la baisse chez eux et à la hausse, chez nous. Quelle en est la cause, à votre avis, l’exode des cerveaux? Que nous réserve l’avenir?

M. Power : Nous devons continuer à soutenir la concurrence avec les États-Unis, notre plus important partenaire commercial. En 1917, déjà, quand on a introduit l’impôt sur le revenu, le ministre en place à l’époque avait déclaré que nous devions rester compétitifs et qu’il ne fallait pas que le taux d’imposition sur le revenu des particuliers soit trop élevé. Notre taux est de 53 p. 100. Bon nombre de mes clients m’ont déjà dit : « Je n’en peux plus; je pense déménager aux États-Unis ou installer mon entreprise là-bas. » Ça n’est pas facile à faire. Je ne sais pas s’ils vont vraiment le faire, mais le fait est qu’ils en parlent, étant donné la façon dont le gouvernement du Canada les traite; les gens sont fâchés, ils sont en colère. Pourquoi est-ce que le gouvernement du Canada s’en prend ainsi à tous les propriétaires de petites entreprises qui travaillent si dur? Le fait que des gens puissent dire cela est à mon avis un reflet de la situation. C’est mon opinion.

La sénatrice Oh : Docteur?

La sénatrice Cools : Ce n’est pas facile. Cela crée beaucoup d’inconfort, de malaise et d’incertitude partout au pays.

Dr Johnston : On m’a présenté une offre pour travailler à Ann Arbor, au Michigan. La génération qui me suit ne restera pas ici si cette proposition est adoptée. C’est aussi simple que cela.

Le président : Monsieur Sullivan, avez-vous des commentaires à ajouter?

La sénatrice Cools : Il ne peut pas abandonner son bateau.

M. Sullivan : J’irai peut-être y faire un tour.

La sénatrice Oh : Vous allez pêcher en eaux américaines.

M. Sullivan : Oui. Il y a actuellement un moratoire sur la morue, à Boston, et nous pourrions peut-être en obtenir un meilleur prix là-bas.

En fait, je viens juste de revenir des États-Unis. J’aime toujours parler avec les Américains des soins de santé et de différentes choses, et nous parlons toujours des taxes et impôts, de toutes sortes de choses, et c’est incroyable à quel point ils ont moins à payer. Je sais que nous avons accès à des soins de santé gratuits. Mais, au bout du compte, nous devons quand même être concurrentiels. La plupart des Américains ont de bons emplois et de bons avantages, et ils s’en tirent bien, et ils paient quand même moins d’impôt. Je ne sais pas. Je suis d’accord avec Mike et Paul pour dire que, au bout du compte, si nous ne sommes pas concurrentiels, vous allez partir, peu importe ce que vous faites, vous le savez. J’imagine donc que tout le monde y pense.

Le président : Madame Skinner, voulez-vous répondre vous aussi à cette question?

Mme Skinner : KMK Capital est déjà en activité aux États-Unis. Notre siège social est ici, et la plupart de nos activités se déroulent ici et nous n’avons pas fini de croître, ici. Mais nous sommes déjà présents aux États-Unis. Donc, si le fardeau fiscal devient trop lourd, il nous sera bien plus facile de décider, vous comprenez, d’investir du capital là où le rendement sera plus élevé. J’estime que ça ne touche tout simplement pas KMK Capital. Je crois que le gouvernement canadien doit voir les choses de cette manière lui aussi. Vous ne voulez pas inciter les sociétés canadiennes en croissance à s’installer au sud de la frontière à cause d’une mesure fiscale qui fait que les règles du jeu ne sont plus équitables. Je crois que la possibilité est réelle. Dans l’économie mondiale, de plus en plus de gens estiment que Terre-Neuve, ou même le Canada, ne sont plus des régions sans frontières. C’est très mobile, comme je l’ai dit. Le capital est très mobile.

Le président : Nous terminerons par la sénatrice Cools.

La sénatrice Cools : J’aimerais vous remercier tous les quatre d’être venus ici aujourd’hui.

Je tiens à vous dire, docteur Johnston, que vous êtes un être humain très important dans votre collectivité, et je veux que vous sachiez que la décision que vous avez prise, de rester ici, est une décision importante. Vous avez consacré votre vie aux études jusqu’à l’âge de 35 ans au moins.

J’ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux, lorsque j’étais étudiante. Je connaissais tous les internes et tous les résidents, et j’étais au courant de leurs problèmes et de leur difficulté à joindre les deux bouts. Sachez que nous sommes très nombreux ici à espérer que vous allez bien vous en tirer et que vous allez rester au Canada. Voilà la première chose.

La seconde chose, c’est que toute cette question s’est révélée très troublante pour de nombreux membres du comité. Peu importe dans quelle région nous sommes et à qui nous parlons, nous percevons toujours ce malaise et cette incertitude quant aux propositions qui nous ont été présentées. Il me semble que le gouvernement a perdu le nord et qu’il ne sait pas vraiment dans quelle direction se diriger, ce qui devrait nous causer une profonde inquiétude. J’implore toujours les gens de ne pas retirer toute leur confiance au gouvernement, parce que la méfiance n’est pas un climat très sain dans lequel prendre des décisions. Peu importe la façon dont vous présentez les choses, les propositions de M. Morneau et du premier ministre créent à l’échelle du pays un malaise et une incertitude, et ils s’incrustent dans l’esprit des gens; c’est très inquiétant pour nous.

Quoi qu’il en soit, nous allons préparer un bon rapport et nous y aborderons toutes ces questions. Nous le soumettrons au Sénat, qui devra en discuter.

Pour terminer, monsieur Power, cela fait longtemps que vous travaillez et je vous encourage à continuer. Ne baissez pas les bras. Si nous ne baissons pas les bras, vous ne devriez pas le faire.

M. Power : J’aimerais faire un bref commentaire. Nous aimerions remercier M. Morneau pour une petite chose qu’il a faite. Lorsqu’il a fait cette annonce, j’avais une cliente, une jeune femme qui, comme tout le monde le savait, tardait à payer ses factures. Elle s’est présentée, elle a payé sa facture et elle m’a dit : « Je vais avoir besoin de vous. » J’imagine que je vais donc devoir rester.

La sénatrice Cools : Merci à vous aussi, madame Skinner. Au bout du compte, nous devons reconnaître que le pouvoir fiscal est très puissant, que c’est un outil très puissant dans les mains des gouvernements. Toutefois, il y a un autre côté à cela, et c’est que le pouvoir fiscal suppose un lien de confiance sacré entre les citoyens et les ministères, et ce lien de confiance ne doit jamais être rompu. Nous allons nous conformer à ce principe et nous le dirons au ministre, la prochaine fois qu’il comparaîtra devant nous. Les Canadiens se sentent trahis. Ça suffit.

Le président : Un grand merci aux témoins. Depuis qu’il a reçu le mandat du Sénat du Canada, le 26 septembre 2017, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a entendu le témoignage de nombreux organismes qui représentent des centaines de milliers de Canadiens d’un océan à l’autre et de dizaines de milliers d’entreprises. Vous pouvez être certain que cela se reflétera dans notre rapport, que nous déposerons le 15 décembre. Si vous désirez fournir de l’information supplémentaire, veuillez vous adresser à la greffière.

J’aimerais aussi remercier la sénatrice Marshall de Terre-Neuve-et-Labrador pour l’excellent accueil que nous avons reçu à St. John’s.

(La séance est levée.)

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