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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 10 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d'autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et honorables sénatrices, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Je suis le sénateur Percy Mockler du Nouveau-Brunswick, président du comité.

J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous ceux présents ici dans la pièce et à tous les Canadiens qui nous regardent, à la télévision ou en ligne. Je rappelle à nos auditeurs que les audiences du comité sont publiques et accessibles en ligne sur sencanada.ca, le site web du Sénat du Canada.

Vous y trouverez de l’information concernant le comité, notamment ses rapports, les projets de loi étudiés et la liste des témoins pour aujourd’hui et les réunions à venir.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant vous demander de vous présenter, en commençant à ma droite par la vice-présidente.

La sénatrice Cools : Je suis la sénatrice Anne Cools de Toronto, en Ontario, où nous nous trouvons actuellement. Merci.

[Français]

Le sénateur Éric Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec et au pays de la bière, le bien et le malt.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario, où nous avons de nombreuses excellentes bières artisanales.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario, de Toronto, la meilleure ville au Canada.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le président : De plus, j’aimerais reconnaître la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, à ma gauche, et nos deux analystes, Sylvain Fleury et Olivier Leblanc-Laurendeau, qui, ensemble, appuient les travaux de ce comité.

[Traduction]

Aujourd’hui, nous continuons notre étude de la teneur du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures; c’est ce que nous appelons une loi d’exécution du budget.

Honorables sénateurs, nous avons devant nous ce soir des représentants de l’industrie de la production et de la distribution d’alcool. Les quatre organisations représentées ont demandé à comparaître devant nous pour discuter de leurs préoccupations concernant le projet de loi C-44; cela se trouve dans le cartable à la partie 3, sous l’onglet C, « Modification de la Loi de 2001 sur l’accise et de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014 ».

Le comité aimerait maintenant entendre les exposés des quatre organisations invitées, et la greffière m’a remis l’ordre que nous suivrons. Ce sera Jan H. Westcott, président et chef de la direction de Spirits Canada, qui ouvrira le bal.

Si vous me le permettez, j’aimerais présenter les autres témoins. Nous avons Luke Harford, président de Bière Canada.

[Français]

De l’Association des vignerons du Canada, nous accueillons Mme Asha Hingorani, directrice, Affaires gouvernementales.

[Traduction]

Nous avons Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive des affaires gouvernementales de Restaurants Canada.

Je vous invite maintenant à faire vos exposés et à nous présenter vos préoccupations. Veuillez ne pas prendre plus de sept minutes, puis les sénateurs vous poseront des questions.

La présidence donne maintenant la parole à M. Westcott, de Spirits Canada, puis nous entendrons, dans l’ordre, M. Harford, de Bière Canada, Mme Hingorani, de l’Association des vignerons du Canada, et Mme Reynolds, de Restaurants Canada.

[Français]

Sur ce, monsieur Westcott, la parole est à vous.

[Traduction]

Jan H. Westcott, président et chef de la direction, Spirits Canada: : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, les effets des mesures budgétaires sur les droits d’accise sur l’alcool se feront sentir bien au-delà des producteurs d’alcool. Cela aura des conséquences sur les travailleurs canadiens qui paient déjà trop de taxes pour consommer leur boisson préférée, les milliers de travailleurs des PME canadiennes qui fournissent des biens et des services essentiels à la production d’alcool, les agriculteurs qui cultivent du maïs, du seigle, de l’orge et du blé et les dizaines de milliers de Canadiens dans l’industrie du tourisme et de l’accueil.

Selon les témoignages entendus au comité jusqu’à présent, je ne pourrais pas vous en vouloir de croire que les mesures dans le budget de 2017 proposent une augmentation unique de 2 p. 100 des taux des droits d’accise fédéraux sur tous les produits alcoolisés et une indexation automatique en fonction de l’indice des prix à la consommation chaque année.

L’information fournie au comité est fausse et inexacte. L’augmentation réelle des taux des droits d’accise en vigueur sur les whiskys canadiens vieillis de qualité supérieure, soit les whiskys qui ont été distillés avant juillet 2006 et qui vieillissent dans des barils au pays, risque d’être de 7,8 p. 100. Cette augmentation punitive et rétroactive des droits d’accise qui frappe en plein cœur l’industrie canadienne des spiritueux visait, selon ce que nous en comprenons, à faciliter l’administration, mais les autorités se sont peu souciées des milliers de travailleurs canadiens qui dépendent de la production locale de spiritueux.

Cependant, aussi dommageable que puisse être une augmentation immédiate de 2 à 7,8 p. 100 des droits d’accise, nous nous inquiétons principalement de la proposition d’automatiquement indexer chaque année les droits d’accise sans tenir compte des contextes économique ou commercial qui prévalent et sans supervision de la Chambre des communes ou du Sénat.

Des représentants du ministère des Finances, qui ont témoigné plus tôt, ont rapporté qu’aucun modèle économique n’avait été établi et qu’aucune prévision économique n’avait été réalisée pour évaluer ces propositions, parce qu’ils estimaient que les augmentations étaient si minimes que de telles analyses n’étaient pas nécessaires. Cette révélation est très troublante. En fait, il est seulement possible de conclure que les effets de ces mesures sont faibles, modestes ou dévastateurs qu’après avoir réalisé un examen approfondi de tous les effets. À notre avis, cet oubli est un signe d’incompétence ou de négligence et est une raison suffisante en soi pour rejeter la mesure d’indexation automatique.

Lors de leur témoignage, les représentants du ministère des Finances ont fait allusion à l’expérience canadienne concernant l’indexation des droits d’accise sur l’alcool en vigueur de 1981 à 1986. Même une analyse superficielle de cette période aurait permis de constater que plus d’une dizaine d’installations de production de spiritueux ont fermé leurs portes. Nous avons perdu 12 distilleries durant cette décennie, et c’était pratiquement entièrement en raison de l’indexation en vigueur. Des milliers d’emplois ont été perdus, et les spiritueux canadiens, en particulier le whisky canadien, ont perdu du terrain sur la scène internationale.

Les témoins ont rapporté que l’indexation était liée à l’époque au prix de l’alcool et non à l’indice des prix à la consommation, comme le gouvernement le propose maintenant, et ont prétendu que les résultats seraient différents cette fois-ci. Cette affirmation ne s’appuie sur aucune analyse ou aucun modèle. C’est tout simplement une hypothèse ou un vœu pieux.

Les représentants du ministère vous ont également raconté qu’étant donné que les exportations sont exonérées des droits d’accise sur l’alcool les droits d’accise fédéraux n’ont aucun effet sur la compétitivité des produits canadiens sur les marchés étrangers. Cette allégation montre qu’ils ne savent pratiquement rien des facteurs nécessaires pour être concurrentiels sur les marchés internationaux. L’élément préalable le plus important pour connaître du succès à l’étranger, c’est un marché intérieur solide, sain et viable. Le marché intérieur des produits alcoolisés est le principal facteur pour prévoir ce que l’avenir nous réserve relativement aux exportations de boissons alcoolisées canadiennes. Point final.

Des sénateurs ont demandé aux précédents témoins de leur expliquer les conséquences commerciales de ces mesures, étant donné qu’elles accentuent les effets discriminatoires des changements apportés aux droits d’accise en 2006. La réponse des représentants du ministère des Finances n’était pas satisfaisante.

Par conséquent, nous pouvons présumer que les fonctionnaires du ministère des Finances ne se sont pas donné la peine de communiquer avec leurs collègues d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ou d’Affaires mondiales Canada pour connaître la réaction à laquelle nous pouvons nous attendre des principaux partenaires commerciaux du Canada, notamment l’Australie, l’Argentine, le Chili, la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne et les États-Unis.

Une délégation de hauts dirigeants de l’industrie des vins et des spiritueux de l’Union européenne qui accompagnaient la semaine dernière le commissaire européen à l’agriculture Phil Hogan lors de sa mission de haut niveau au Canada ont fait part de leurs principales préoccupations par rapport à ces mesures à des représentants d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. C’était tout à fait prévisible.

Toute mesure commerciale imposée par un important partenaire commercial concernant les boissons alcoolisées canadiennes ou d’autres produits agricoles ou, en fait, d’autres produits agroalimentaires transformés serait se tirer dans le pied; vous devriez éviter que cela survienne en adoptant un simple amendement pour modifier le budget et abroger ces mesures relatives aux droits d’accise et en particulier la disposition sur l’indexation automatique des droits d’accise. Merci de votre attention.

Luke Harford, président, Bière Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs.

Je représente Bière Canada. Nous sommes le porte-parole national de la bière au pays. Je vous remercie de nous donner l’occasion de témoigner ici aujourd’hui pour vous expliquer pourquoi il faut éliminer les augmentations sans fin des droits d’accise que le gouvernement propose d’imposer sur la bière dans le budget de 2017.

Pas moins de 45 brasseurs canadiens sont membres de notre organisation. Certains sont de grandes ou de moyennes entreprises, et nous avons de nombreuses petites entreprises. Nos membres produisent plus de 90 p. 100 de la bière brassée au Canada et sont présents dans 10 provinces et un territoire.

Depuis le dépôt du budget de 2017, j’ai rencontré des associations provinciales de petits brasseurs, des cultivateurs d’orge des Prairies, des cultivateurs de houblon, des fabricants de bouteilles et de canettes, des entreprises de maltage et de nombreux consommateurs de bière pour les informer du plan du gouvernement d’automatiquement indexer chaque année les droits d’accise sur la bière, et ce, sans devoir le demander au Parlement et sans se soucier de l’état de l’industrie brassicole canadienne et des taxes que les Canadiens devront payer pour savourer une chope de bière.

Je peux affirmer avec confiance que toutes les entreprises canadiennes liées au succès de la bière avec lesquelles j’ai parlé depuis un mois me remercieront de demander au comité sénatorial d’envisager d’abroger l’article 42 du projet de loi C-44, qui propose d’indexer chaque année les droits d’accise sur la bière en fonction de l’indice des prix à la consommation à compter du 1er avril, soit ce que nous appelons une « indexation automatique des droits d’accise ».

Dans les prochaines minutes, je veux vous expliquer les droits d’accise et vous expliquer pourquoi les droits d’accise et l’indice des prix à la consommation ne devraient pas être liés. Je terminerai mon exposé en invitant le gouvernement à regarder la façon dont la bière peut l’aider à mettre en œuvre son plan économique grâce à la croissance au lieu d’imposer des augmentations sans fin des droits d’accise.

Par définition, l’accise est un droit qui est perçu au moment de la production. Chaque mois, un brasseur canadien doit verser les droits d’accise fédéraux dus pour la bière produite le mois précédent d’ici la fin du mois suivant, qu’il ait vendu ou non la bière. L’accise est une taxe indirecte. Le brasseur remet les droits d’accise qu’il doit au gouvernement, et il est censé essayer de récupérer cet argent en augmentant le prix payé par les consommateurs. Les droits d’accise sur la bière sont actuellement d’environ 32 cents le litre.

Étant donné que l’accise est une taxe indirecte, d’autres taxes viennent s’ajouter à l’accise. J’aimerais vous donner un bref exemple de ce que cela signifie. En plus de l’indexation automatique, le budget de 2017 propose l’imposition d’une augmentation immédiate de 2 cents des droits d’accise. Cela ferait passer les droits d’accise sur une caisse de 24 bouteilles de 2,56 à 2,61 $ ou 5 cents par caisse.

Je vous demande maintenant d’imaginer l’effet que cette augmentation aura au Nouveau-Brunswick, où la province impose une majoration de 90 p. 100 sur le prix de gros de la bière, sans oublier la TVH de 15 p. 100 qui vient couronner le tout. Cette augmentation de 5 cents finit par se traduire par une augmentation de 12 cents des taxes, et le brasseur n’a même pas encore tenu compte des frais liés à la main-d’œuvre, au matériel, à l’emballage, à l’expédition et des autres coûts qui augmentent qu’il doit essayer de refléter dans son prix.

L’indice des prix à la consommation mesure les variations des prix à la consommation. Il est le reflet de la fluctuation nette des prix en fonction du coût d’un panier fixe de produits, mais il n’indique rien aux décideurs quant à ce qui se passe dans un secteur précis.

J’aimerais vous donner un exemple frappant pour vous expliquer mon point. En 2015, le cours mondial du pétrole a chuté sous la barre des 35 $ US le baril. Si nous prenons la méthodologie pour calculer l’indexation automatique en vertu de l’article 42 du projet de loi C-44, le rajustement en fonction de l’inflation aurait été de 1,7 p. 100. Si nous poussons plus loin le raisonnement du gouvernement pour augmenter les droits d’accise sur la bière et que nous l’appliquons au pétrole, le gouvernement aurait automatiquement augmenté les taxes imposées à une industrie en crise parce que l’indice des prix à la consommation laissait entendre que tout allait pour le mieux.

Les brasseurs canadiens essaient actuellement de surmonter de véritables défis, et le gouvernement semble avoir fait abstraction de ces défis en proposant une politique d’indexation automatique. Selon les données publiées la semaine dernière par Statistique Canada, la bière représentait 48 p. 100 des ventes de boissons alcoolisées en 2006, et sa part de marché était de 42 p. 100 en 2016. La consommation de bière par habitant est passée de 84,3 à 76 litres au cours de la même période. La bière importée a augmenté sa part de marché de 12 à 17,5 p. 100 des ventes de bières sur le plan de la valeur, tandis que le nombre de brasseurs canadiens qui se font concurrence dans un petit marché est passé de 268 en 2006 à 650. À tout cela s’ajoute l’augmentation des taxes provinciales, de la main-d’œuvre, de l’orge, de l’emballage, du houblon, de l’entreposage et de l’expédition.

Il n’est pas justifié pour le gouvernement de se dégager de la responsabilité de tenir compte de ce qui se passe dans un secteur en particulier et de laisser les droits d’accise augmenter automatiquement dans l’ombre. Le gouvernement doit réfléchir aux effets qu’ont ces décisions politiques sur les entreprises, petites et grandes. Le gouvernement manque à ses devoirs avec l’indexation automatique des droits d’accise sur la bière.

Pour conclure, le budget de 2017 a causé un véritable malaise parmi les brasseurs. Les brasseurs canadiens emploient 13 000 Canadiens, et le salaire moyen annuel est de 71 000 $, ce qui représente un excellent salaire pour la classe moyenne. Le Conference Board du Canada rapporte dans une étude de 2013 que la vente de bières permet de soutenir 163 000 équivalents temps plein partout au pays, et près de la moitié était dans les industries de la restauration et de l’accueil, où se trouvent en grand nombre les jeunes adultes, soit un groupe démographique qui a besoin d’avoir plus d’occasions d’emploi et non d’en perdre.

Nous achetons chaque année 300 000 tonnes d’orge cultivé dans les Prairies. Nous avons des brasseries dans des centaines de collectivités partout au pays, et les Canadiens sont friands de nos produits. Malgré l’économie mondiale d’aujourd’hui, le marché de la bière demeure très local; 85 p. 100 de la bière vendue au Canada est brassé ici.

Au lieu d’une augmentation automatique des droits d’accise qui assombrit les perspectives d’avenir de la bière, nous pensons pouvoir aider le gouvernement à créer plus d’emplois, de richesse et de possibilités pour les Canadiens, mais il faut tout d’abord abroger l’indexation automatique des droits d’accise que propose le budget de 2017. Nous espérons que le Comité sénatorial permanent des finances nationales nous aidera à y arriver.

Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Harford. Nous invitons maintenant Mme Hingorani à faire son exposé.

Asha Hingorani, directrice, Affaires gouvernementales, Association des vignerons du Canada: : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est un grand plaisir d’être ici ce soir.

Je représente l’industrie vinicole en ce qui a trait aux relations gouvernementales à l’Association des vignerons du Canada, mais je suis également une sommelière certifiée qui travaille dans l’industrie et qui comprend bien notre culture vinicole. Je vous remercie de nous avoir invités à venir vous faire part des commentaires de l’industrie vinicole canadienne sur le projet de loi C-44.

L’Association des vignerons du Canada est le porte-parole national de l’industrie vinicole canadienne. Ses membres produisent plus de 90 p. 100 du vin produit chaque année au Canada. Nous touchons à toutes les sphères de la chaîne de valeur, y compris la viticulture, la gestion des exploitations agricoles, les vendanges, la viniculture, l’embouteillage, la vente au détail, la recherche et le tourisme. Notre industrie regroupe pratiquement 700 établissements vinicoles et 1 300 vignerons indépendants qui contribuent à hauteur de 9 milliards de dollars à l’économie nationale.

Nous avons deux types de produits : des vins 100 p. 100 canadiens de qualité supérieure, qui contribuent à hauteur de 4,5 milliards de dollars à l’économie, et des vins à prix modique de type International and Canadian Blended, ou ICB, soit un assemblage de vins importés et canadiens, qui contribuent aussi à hauteur de 4,5 milliards de dollars à l’économie. Les vins 100 p. 100 canadiens représentent 20 p. 100 des ventes de vin au Canada et sont exonérés des droits d’accise, tandis que les vins ICB représentent 80 p. 100 des ventes. La grande majorité des Canadiens boivent du vin à prix modique.

Une augmentation annuelle des droits d’accise est régressive parce que cela aura des conséquences sur les Canadiens à revenu faible et moyen. Les raisins et le vin sont un exemple qui illustre parfaitement la réussite de l’industrie agroalimentaire à valeur ajoutée au Canada. Du développement du vignoble et des vendanges à la vinification et à l’embouteillage, les effets combinés de nos activités s’étendent bien au-delà des ventes directement chez les producteurs et des emplois; nous avons des liens étroits avec le tourisme, la vente au détail et les bars et les restaurants au Canada. Par conséquent, l’industrie vinicole canadienne soutient plus de 37 000 emplois, dont 15 000 dans l’industrie des vins d’assemblage, ce qui représente 768 millions de dollars en salaires.

Le budget de 2017 envoie un message contradictoire aux Canadiens. D’un côté, il s’inspire du Conseil consultatif en matière de croissance économique du premier ministre qui a déterminé que l’industrie agroalimentaire à valeur ajoutée du Canada est un moteur de croissance. De l’autre, il propose une augmentation de 2 p. 100 des droits d’accise sur le vin, la bière et les spiritueux, qui sont les produits canadiens à plus forte valeur ajoutée.

Ce que les Canadiens ne savent pas, c’est que le gouvernement propose dans le projet de loi d’exécution du budget de modifier la Loi sur l’accise pour inscrire dans la loi l’indexation annuelle des droits d’accise sur le vin, la bière et les spiritueux en fonction de l’indice des prix à la consommation à compter du 1er avril 2018, ce qui signifie que les taux augmenteront chaque année.

Le budget de 2017 affirme que les taux des droits d’accise sur l’alcool n’ont effectivement pas changé depuis le milieu des années 1980. Ce n’est pas le cas. Les gouvernements ont augmenté les droits d’accise à au moins 10 reprises depuis 1980. Les droits d’accise sur le vin ont augmenté de 125 p. 100 depuis 1980 et ont augmenté cinq fois depuis 1985. La dernière augmentation remonte au budget de 2006; les droits d’accise avaient alors augmenté de 21 p. 100 ou de 62 cents le litre.

Notre industrie s’inquiète qu’au cours des cinq prochaines années les taux des droits d’accise augmentent au total de 11 p. 100, si nous présumons d’un modeste taux d’inflation de 2 p. 100. Étant donné que les droits d’accise sont imposés en amont de la chaîne, les effets sont cumulatifs si nous tenons compte de la majoration des sociétés des alcools calculée sur la valeur, la TPS et la TVP qui viennent s’ajouter à ce que paient les consommateurs.

La TPS s’applique déjà sur l’inflation sur les prix à la production et aussi la majoration des sociétés des alcools provinciales dont les taux varient de 70 à 160 p. 100. Si nous indexons les droits d’accise, l’inflation sera comptée en double, et cela se multipliera tout au long de la chaîne.

Des études ont montré qu’une augmentation de 1 p. 100 du prix du vin entraînera une diminution de 0,55 à 1,86 p. 100 des ventes de ce vin, et ce sont les vins à prix modique qui en feront les frais. Une diminution des ventes aura des effets à long terme sur les propriétaires d’entreprises locales et d’autres acteurs de la chaîne de valeur au Canada.

Par ailleurs, l’inflation à elle seule ne reflète pas tous les facteurs qui ont des répercussions sur l’industrie au cours d’une année donnée, et cet aspect ne sera plus traité sans un examen objectif par les parlementaires. Cette augmentation annuelle des droits d’accise prévue dans la loi est trop stricte. Cela viendra réduire le rôle des parlementaires, et les futurs gouvernements auront les mains liées. Cette mesure ne tient pas compte des facteurs non inflationnistes avec lesquels l’industrie est aux prises. Elle ne permet pas au Parlement de faire son travail pour s’assurer d’examiner toutes les mesures concernant les futures hausses de droits d’accise.

Le vin est l’un des produits agricoles à plus forte valeur ajoutée au Canada; or, de nombreux vignerons connaîtront des difficultés financières en raison de ces droits d’accise. Plus de 20 p. 100 des raisins canadiens sont utilisés dans la production de vins d’assemblage à prix modique, soit des vins à moins de 10 $ la bouteille de 750 millilitres. En raison de l’augmentation des droits d’accise et de ses effets cumulatifs dans la chaîne, il est probable que des consommateurs se tournent vers des vins étrangers moins chers, dont les gouvernements étrangers subventionnent souvent grandement la production.

Étant donné que 70 p. 100 de la hausse des ventes de vin au Canada est attribuable aux vins importés, que les droits d’importation seront bientôt de l’histoire ancienne en raison de l’AECG et que les barrières interprovinciales au commerce interdisent la livraison de vin directement aux consommateurs, l’indexation automatique des droits d’accise chaque année que propose le budget minera considérablement notre capacité de créer des emplois et de stimuler la croissance économique.

Compte tenu de la récente contestation présentée contre le Canada devant l’Organisation mondiale du commerce concernant les vins vendus en épicerie en Colombie-Britannique et de la renégociation de l’ALENA, il ne fait aucun doute que les producteurs de vins importés veulent accroître leur part de marché au Canada et qu’ils sont prêts à nous donner du fil à retordre sur tous les fronts.

L’industrie vinicole canadienne est déterminée à adopter des pratiques viticoles et vinicoles durables et à respecter les normes de plus en plus élevées en matière de qualité de l’air et de l’eau. L’augmentation des droits d’accise rendra plus difficiles les investissements dans ces domaines et d’autres pratiques novatrices et désavantagera les vignerons canadiens par rapport à leurs concurrents étrangers.

Notre industrie est au Canada; nous ne pouvons pas tout simplement déménager nos activités ailleurs. Le vin est l’une des industries phares du Canada, et le gouvernement fédéral devrait la soutenir et en faire la promotion plutôt que de la prendre pour cible de manière sélective.

Dans le onzième rapport du Comité des finances de la Chambre des communes, intitulé Créer les conditions favorables à la croissance économique: des outils pour les gens, les entreprises et les collectivités, qui a été présenté le 7 décembre 2016, la recommandation 54 propose que le gouvernement du Canada appuie l’innovation dans le secteur vinicole canadien en augmentant ses investissements opérationnels et ses investissements dans les infrastructures.

L’industrie vinicole peut grandement contribuer à la force économique qu’est l’industrie agroalimentaire canadienne, et cela nous permettrait de renforcer notre compétitivité au pays et à l’étranger. Cependant, cette indexation automatique des droits d’accise mettra un frein à la croissance économique. Par conséquent, nous vous demandons d’envisager d’abroger l’indexation des droits d’accise du budget de 2017.

Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive, Affaires gouvernementales, Restaurants Canada: : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie également de nous donner l’occasion de témoigner devant vous ce soir.

Je témoigne au nom de l’industrie de la restauration et des services d’alimentation qui génère 80 milliards de dollars et qui emploie 1,2 million de Canadiens. Les restaurants emploient indirectement 250 000 personnes de plus qui fournissent une vaste gamme de produits et de services nécessaires à l’industrie. Plus des deux tiers des 95 000 restaurants et entreprises de services d’alimentation sont locaux et appartiennent à des entrepreneurs indépendants.

L’industrie de la restauration et des services d’alimentation contribue grandement aux collectivités canadiennes; elle crée des emplois, génère des investissements, stimule le tourisme et offre un lieu de rassemblement pour les gens. La revitalisation des quartiers est souvent pilotée par des entrepreneurs du milieu de la restauration. L’arrivée de nouvelles activités dans un quartier est fondamentale à l’épanouissement de chaque communauté.

Les restaurateurs sont fiers des occasions qu’ils créent pour les jeunes et les néo-Canadiens, qu’ils y restent un an ou y passent toute leur carrière. Les marges de profit dans notre industrie sont très minces; elles sont en moyenne de 4,3 p. 100, et c’est encore plus mince pour les pubs et les bars. Comme vous le savez, la vente et la distribution de bière, de vin et de spiritueux sont contrôlées par des monopoles provinciaux. L’alcool est déjà assujetti à une foule de droits d’accise, de majorations, de droits et de taxes. Après avoir inclus le pourcentage pour le restaurant, les taxes de vente provinciales et fédérale sont ajoutées.

Ce que la majorité des Canadiens ne savent pas, c’est que les titulaires de permis paient souvent plus cher la caisse de bières ou la bouteille de vin ou de spiritueux que ce que cela coûte aux consommateurs pour l’acheter dans un magasin de détail provincial. Les titulaires de permis doivent souvent payer des frais supplémentaires qui ne sont pas imposés aux consommateurs, et il n’y a pas vraiment de rabais de gros.

Les restaurants incluent les coûts du service, notamment la verrerie, les frais généraux, le loyer et le personnel, ce qui inclut la formation de tous les serveurs chargés du service d’alcool, et j’en passe. Il devient très dispendieux pour le Canadien moyen de prendre un verre de vin, une chope de bière ou un cocktail avec son repas. Par conséquent, les ventes d’alcool aux titulaires de permis stagnent.

Vous imaginez sans doute à quel point nos membres ont été surpris d’apprendre que le gouvernement a choisi d’augmenter plutôt que de réduire les taxes sur l’alcool, l’un des produits les plus taxés au pays, et ce, chaque année, à perpétuité.

Nous avons entendu les observations des exploitants de restaurants et de bars des petites localités qui ont de la difficulté à assurer la survie de leur entreprise en raison des coûts sans cesse croissants de la main-d’œuvre, des services publics et des loyers. Les nouveaux droits d’accise auront comme effet cumulatif de réduire considérablement leurs profits. Cela représente des dollars réels qui ne pourront être utilisés pour embaucher du personnel, investir, rénover les entreprises et, dans certains cas, pour assurer la viabilité des entreprises.

J’ai écouté avec grande attention le témoignage qu’a fait le représentant du ministère des Finances, M. Coulombe, devant ce comité, mardi, ainsi que le témoignage qu’il a fait au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Je sais que les propriétaires de restaurants et de bars seront déçus d’entendre que le ministère considère que les droits d’accise sont si négligeables qu’il n’a pas jugé utile d’en analyser les répercussions économiques.

Une augmentation de taxes de 300 millions à 470 millions de dollars en cinq ans est une hausse importante, d’autant plus que cette taxe fera partie intégrante du prix de base auquel s’ajouteront divers droits, redevances, marges bénéficiaires et taxes de vente provinciale et fédérale. Le gouvernement fédéral profite déjà des hausses inflationnistes grâce aux recettes générées par la TPS. Au bout du compte, l’augmentation de la taxe d’accise sur les boissons alcoolisées rendra ces produits moins abordables pour les Canadiens à revenu moyen.

Même si nous n’étions pas heureux de la hausse de 2 p. 100 pour cette année, nous sommes prêts à l’accepter comme un fait accompli. En ce qui concerne la Loi d’exécution du budget, nous préconisons l’annulation de l’indexation automatique de la taxe d’accise, pour que les parlementaires aient l’occasion d’examiner les répercussions de toute hausse éventuelle en fonction du contexte économique.

Comme indiqué précédemment, les prix de l’alcool sont tels au Canada qu’on a atteint un point de rendement décroissant en raison des ventes stagnantes aux titulaires de licences. Une augmentation cumulative des droits d’accise ne fera qu’empirer les choses.

Le président : Nous allons passer aux questions, mais avant, chers collègues, on m’informe que M. Westcott devra partir avant 20 heures. Donc, si vous avez des questions à lui poser, n’hésitez pas à m’en aviser.

La sénatrice Eaton : Ma question s’adresse à M. Westcott et à M. Harford.

Hier, j’ai lu dans le journal un article sur les effets de la légalisation de la marijuana sur les ventes de bière et de spiritueux; le portrait est plutôt pessimiste.

J’aimerais que vous vous concentriez sur l’aspect suivant : quelle sera l’incidence de cette clause d’indexation sur vos entreprises, sur le plan de la compétitivité, tant par rapport aux produits importés qu’à vos activités d’exportation sur les marchés mondiaux? Comment envisagez-vous votre avenir?

M. Westcott : Notre entreprise est essentiellement tournée vers l’exportation; environ 70 p. 100 de notre production canadienne est exportée. Les États-Unis sont notre principal marché et notre principal concurrent, avec ses industries du bourbon, du whiskey nature et du whiskey mélangé américain. Actuellement, les taxes d’accise canadiennes sur nos produits sont 67 p. 100 plus élevées que les taxes d’accise sur les spiritueux aux États-Unis, et elles augmenteront chaque année, à perpétuité. On court au désastre. Cela va tuer notre industrie.

Nous l’avons vécu entre 1981 et 1986 : 12 distilleries ont fermé leurs portes. Nous avons perdu du terrain sur les marchés internationaux. En 1980, nous étions au deuxième rang, derrière le whisky écossais. À la fin de la décennie...

La sénatrice Eaton : Ensuite, les États-Unis sont grimpés au deuxième rang.

M. Westcott : Le Canada était au deuxième rang du marché mondial du whiskey, derrière le scotch. À la fin des années 1980, la même chose s’est produite: il y a eu une indexation, et nous avons glissé au quatrième rang.

L’effet sur notre secteur sera catastrophique. Cela vaut pour tout le reste. Nos concurrents américains ne subissent pas cette contrainte. En fait, les États-Unis tendent à faire l’inverse; on y discute actuellement de la possibilité de réduire les taxes, ce qui serait extrêmement dommageable pour notre industrie. Nous l’avons vécu dans les années 1980. Nous ne pouvons en aucun cas répéter l’expérience, car cela mènerait à la disparition de l’industrie du whisky au Canada. Voilà l’enjeu.

La sénatrice Eaton : Cela vaut aussi pour la vodka et le gin.

M. Westcott : Exactement.

La sénatrice Eaton : Actuellement, selon le document que vous nous avez fourni, les taux de la taxe d’accise fédérale du Canada sur la bière sont 56 p. 100 plus élevés qu’aux États-Unis.

M. Harford : C’est exact.

La sénatrice Eaton : Comment les brasseurs canadiens pourront-ils soutenir la concurrence des brasseurs américains?

M. Harford : La meilleure explication, c’est que le taux de change est ajusté. Les taux de la taxe d’accise fédérale du Canada sont 56 p. 100 plus élevés que les taux de la taxe d’accise fédérale aux États-Unis.

Je considère cette mesure comme une taxe sur la production, une taxe sur la production de bière. Le gouvernement fédéral enlève aux entreprises des fonds qu’elles pourraient utiliser pour intensifier leurs activités et assurer leur croissance sur le marché intérieur et le marché d’exportation.

La sénatrice Eaton : Selon vous, l’indexation automatique de la taxe d’accise aura-t-elle un effet immédiat sur votre capacité d’être en concurrence contre les produits d’importation dans le marché canadien?

M. Harford : Sans aucun doute, car les grandes entreprises, qui planifient leurs activités sur un horizon de cinq ans, doivent maintenant composer avec des coûts de production accrus au Canada. Elles doivent déterminer leurs priorités d’investissement et la façon d’amortir ces coûts.

De leur côté, les petits exploitants examineront aussi la situation et en viendront à se demander s’il vaut la peine de continuer, étant donné que leurs efforts considérables ne leur permettent pas de faire un profit, parce que les taxes augmentent chaque année.

La sénatrice Eaton : Cela témoigne peut-être d’une méconnaissance du sujet, mais la Budweiser est-elle expédiée au Canada pour faire concurrence aux bières canadiennes, ou est-elle produite ici, au pays?

M. Harford : La Budweiser est brassée au Canada.

La sénatrice Eaton : Peut-on en dire autant pour beaucoup de bières américaines? Sont-elles brassées au Canada?

M. Harford : Comme je l’ai indiqué, 85 p. 100 de la bière vendue au Canada est toujours produite ici même au pays.

La sénatrice Eaton : Le fabricant de la Budweiser pourrait un jour décider de cesser la production ici et de l’exporter au Canada.

M. Harford : C’est une des possibilités. L’avantage de la production locale est lié aux coûts élevés du transport. L’entreprise recherche donc la proximité aux marchés intérieurs. Cela dit, sur les plans de l’exportation et des investissements, les brasseurs auront, chaque année, moins d’argent à investir dans leur entreprise ou leurs marques.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question s’adresse à M. Westcott.

Je suis particulièrement préoccupé par l’écart qui existe entre les grandes distilleries et les distilleries beaucoup plus artisanales qu’on voit émerger de plus en plus, et par le fait que les productions de moins de 30 000 hectolitres ne soient pas soumises à la taxe d’accise. J’aimerais premièrement savoir si c’est vrai. D’un autre côté, on nous dit également, si ma mémoire est bonne, que les exportations ne sont pas touchées par l’augmentation de la taxe d’accise. Est-ce que ces deux renseignements sont exacts?

Quel est l’élément le plus pénalisant pour vous? S’agit-il de l’indexation de l’IPC, puisqu’on vient de déterminer, dans le cadre d’un budget, qu’il y aura automatiquement une augmentation au fil des ans en raison de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation?

[Traduction]

M. Westcott : Pour répondre à votre première question, 30 hectolitres équivalent à 3 000 litres. Si vous divisez ce chiffre par neuf, cela vous donne le nombre de caisses.

[Français]

Le sénateur Forest : On parlait de 30 000 hectolitres.

[Traduction]

M. Westcott : Si vous divisez cela par neuf, cela donne 2 000 caisses. Ce n’est pas un volume important. La plupart des petites distilleries produisent entre cinq et 50 caisses, et certaines en produisent entre 50 et 100. On pourrait dire que c’est une quantité minimale. Cela n’a aucune incidence sur les acteurs de l’industrie. Une production de seulement 30 hectolitres, ce n’est pas une entreprise, mais plutôt d’un passe-temps.

Le Canada est un très petit exportateur. La promotion des exportations, le développement des marchés et toutes les activités nécessaires pour maintenir l’intérêt des consommateurs de ces marchés d’exportation à l’égard de votre produit sont financés à même les profits générés au Canada. Donc, de telles activités seront impossibles si nous ne pouvons faire de profit au pays.

Il est absolument insensé de faire valoir que cela n’aura aucune incidence sur les exportations. On ne peut le dire autrement. Si vous n’investissez pas dans vos activités d’exportation, si vous n’investissez pas dans ces marchés et que vous ne faites aucune promotion de votre produit, aucune publicité, entre autres activités, vous courrez à l’échec. Vous n’arriverez pas à percer ces marchés d’exportation.

Nos exportations de whisky s’élèvent à 700 millions de dollars par année. Nous connaissons beaucoup de succès, grâce aux profits que nous faisons au Canada. Notre pays est le pays du monde où les taxes sur les boissons alcoolisées sont les plus élevées. On fait valoir que l’augmentation est minime, mais lorsqu’il est déjà difficile d’être rentable, toute augmentation, si petite soit-elle, a pour effet de réduire les marges encore plus. Cela aura un effet dévastateur sur nos activités d’exportation, et ce, au moment où le gouvernement lui-même reconnaît le potentiel considérable du secteur canadien des aliments et des boissons sur les plans de l’activité économique, la création de richesse et la création d’emplois au Canada.

Au cours des quatre ou cinq dernières années, au Canada, on a discuté abondamment des raisons pour lesquelles les Canadiens ne font pas davantage d’activités de transformation des matières premières et des ressources naturelles avant de les exporter. Les gens qui témoignent devant vous aujourd’hui sont des exemples à suivre. Nous utilisons des ressources canadiennes. À titre d’exemple, 100 p. 100 des grains que nous utilisons sont cultivés au Canada et transformés par des travailleurs canadiens, ici même, au pays. Nous exportons ensuite notre produit partout dans le monde. Voilà vers quoi il faut tendre. L’indexation automatique aura pour effet de miner ces activités.

Les effets se font déjà sentir. Les investisseurs nous demandent pourquoi ils devraient investir dans un marché où les taxes seront augmentées sans tenir compte du contexte ni des observations de l’industrie. L’effet est immédiat.

La sénatrice Marshall : Je vais commencer par une question d’ordre général. Avez-vous été consultés avant la présentation de la Loi d’exécution du budget? N’y a-t-il pas eu de consultations, à votre connaissance?

Mme Hingorani : Aucun d’entre nous n’a été consulté. Après la présentation du budget, le 22 mars, nous avons reçu des appels de nos membres; ils étaient stupéfaits de cette décision.

La sénatrice Marshall : Lorsqu’on regarde la situation, on parle d’environ 5 cents la caisse, comme M. Harford l’a indiqué dans son exposé. Cela ne semble pas très élevé, mais lorsque l’on compare les recettes générées par les taxes d’accise il y a deux ou trois ans aux chiffres qu’on avance actuellement — près de 500 millions de dollars sur cinq ans —, cela donne une meilleure idée de l’ampleur de cette mesure.

Vous avez indiqué que l’augmentation sera de 5 cents la caisse, mais j’aimerais aussi savoir à combien s’élèvent les taxes d’accise existantes. L’augmentation annuelle est de 5 cents, ce qui est peu, mais les taxes existantes sont élevées. Je ne suis pas consommatrice de bière, mais je sais qu’il existe de nombreuses marques. L’augmentation sera de 5 cents par bouteille de bière, en moyenne, mais quel est le montant moyen, avant l’augmentation?

M. Harford : Je suis très heureux que vous posiez la question, car je préside une association commerciale et, à ce titre, je consulte les membres de mon association afin d’avoir une meilleure compréhension des enjeux dont je dois discuter.

Hier, j’ai écouté le témoignage des représentants du ministère des Finances. Pour la communauté des brasseurs, il est insultant d’entendre qu’on banalise cette petite augmentation de 5 cents en disant que nous n’avons qu’à la refiler aux consommateurs. C’est insultant parce qu’il s’agit d’une augmentation sur une mesure punitive en soi. Une petite augmentation sur une taxe punitive ne la rend pas moins punitive. Les comptes publics indiquent que la taxe d’accise sur la bière a généré 584 millions de dollars en 2016.

La sénatrice Marshall : C’est ce que j’ai vu.

M. Harford : Nous considérons toutefois que ce chiffre est plutôt bas. À cela s’ajoutent les droits de douane perçus lorsque la bière est importée au Canada. Lorsqu’on additionne les deux montants, avec une calculatrice, on constate que le montant de la taxe d’accise perçue par le gouvernement fédéral s’élève plutôt à près de 718 millions de dollars, montant qu’il souhaite augmenter chaque année.

Je n’arrive pas à comprendre comment ils en arrivent à croire qu’ils peuvent prélever 16 millions de dollars par année dans une industrie, augmenter ce montant chaque année, mais faire abstraction des conséquences sur les prix à la consommation, les décisions d’investissements des brasseurs et leur capacité de planifier pour assurer la pérennité de leur entreprise au pays.

La sénatrice Marshall : Selon moi, l’aspect manquant, c’est qu’on parle du montant de 5 cents, mais qu’on n’a pas une idée précise des sommes qui sont déjà exigées. L’augmentation est de 5 cents par bouteille de bière; à combien s’élevaient les taxes d’accise avant cette augmentation? C’est ce que j’essaie de savoir.

M. Harford : Pour une caisse de 24 bouteilles de 341 millilitres, le montant est de 2,56 $.

La sénatrice Marshall : Environ 10 cents la bouteille, n’est-ce pas?

M. Harford : C’est exact.

La sénatrice Marshall : Donc, 10 cents actuellement, avec une augmentation de 5 cents, selon ce que vous avez indiqué.

M. Harford : On parle de 5 cents la caisse. Le montant peut sembler minime lorsqu’on le calcule à la bouteille, mais je rappelle que nous vendons sept milliards de bouteilles de bière par année. C’est une somme importante qui s’ajoute aux autres taxes que paient les brasseurs.

La sénatrice Marshall : C’était ma prochaine question. Dans votre exposé, vous avez indiqué que cela s’ajoutait à la TVH.

M. Harford : Il y a les taxes provinciales, qui sont des taxes à la consommation. Prenez par exemple la TVH sur 8 $, le prix de vente d’une pinte de bière dans un restaurant; c’est une somme considérable. Le brasseur doit aussi payer les taxes municipales, les cotisations sociales et les taxes sur le carbone. Ils paient une multitude de taxes avant même de charger leurs produits dans des camions pour les livrer aux détaillants.

La sénatrice Marshall : Ma question n’était pas liée à l’impôt foncier ou aux taxes municipales, mais plutôt aux droits d’accise et à la TVH.

Mme Reynolds a parlé du produit le plus taxé. Je ne sais pas si elle parlait de la bière, des spiritueux ou du vin.

Mme Reynolds : L’alcool en général.

La sénatrice Marshall : Donc, tous les produits; ce sont les plus taxés.

J’aimerais avoir la répartition de ces montants, pour qu’on n’ait pas tendance à dire que ce n’est que 5 cents la caisse, que ce n’est pas très élevé. Toutefois, lorsqu’on compare les montants qui ont été perçus et les montants prévus, on constate qu’en réalité, c’est une augmentation importante.

M. Harford : Énorme.

La sénatrice Marshall : Se limiter à dire que ce n’est que 5 cents la caisse ne donne pas une idée juste de l’ampleur de la hausse.

M. Harford : Exactement. Nous semblons avoir une réaction démesurée, par rapport à cette petite augmentation de 5 cents, mais c’est sans compter les taxes provinciales et la TVH. Il convient d’examiner les répercussions dans le contexte global.

La sénatrice Marshall : Tout à fait, puisque ce sont des frais supplémentaires.

M. Harford : Exactement.

La sénatrice Marshall : Concernant la question de l’indice des prix à la consommation, on pourrait dire que le montant n’est pas vraiment élevé, mais il convient d’ajouter la TVH et toutes les taxes supplémentaires, n’est-ce pas?

M. Harford : Permettez-moi de revenir à mon exposé. L’indice des prix à la consommation n’est pas un outil adéquat pour l’établissement de politiques fiscales, car il sert à mesurer la variation du coût d’un panier fixe de biens au fil du temps et ne permet pas la prise en compte du contexte de l’industrie brassicole. Par exemple, un problème de récoltes dans l’Ouest canadien peut faire tripler les prix du malt, ou l’incendie d’un entrepôt de houblon peut entraîner des problèmes d’approvisionnement pendant trois ans. Cela s’est produit en 2005. Les brasseurs doivent assumer tous ces coûts supplémentaires, d’une façon ou d’une autre. Pendant ce temps-là, l’IPC peut être de 1 p. 100 ou de 2 p. 100, mais il ne donne aucune information sur la situation de notre industrie.

La sénatrice Marshall : Nous avons recueilli des témoignages hier. Cet IPC est un élément nouveau. Il crée un précédent. J’imagine que vous êtes le premier groupe à y être assujetti.

M. Harford : Nous avons fait des recherches et n’avons trouvé que deux autres pays membres de l’OCDE où les boissons alcoolisées sont assujetties à un index.

Le président : Vous pourrez poursuivre lors de la deuxième série de questions, sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall : D’accord. Je demanderai les informations précises que je cherche.

Le sénateur Woo : J’aimerais avoir plus de détails sur ces mesures commerciales potentielles dont a parlé M. Westcott. Mais, auparavant, j’aurais une question à poser à tous les témoins.

Je m’interroge au sujet du pourcentage des produits de l’industrie qui sont exempts du droit d’accise. Mme Hingorani nous a dit, par exemple, que pour les VQA, c’est environ 20 p. 100. Vos collègues ont parlé de 30 p. 100. Donc, on parle de 20 à 30 p. 100 des produits qui sont exempts du droit d’accise.

Qu’en est-il des bières et spiritueux? Auriez-vous des chiffres à nous fournir à cet égard?

M. Westcott : Vous avez entendu parler des 30 hectolitres. Toute production qui dépasse les 30 hectolitres est exempte du droit d’accise.

Le sénateur Woo : Est-ce seulement pour les entreprises qui produisent plus de 30 hectolitres?

M. Westcott : Je crois que oui. Ce n’est pas proportionnel.

Le sénateur Woo : Pourriez-vous confirmer cette information pour nous?

M. Westcott : Certainement.

Le sénateur Woo : C’est très important. Nous savons que dans l’industrie vinicole, 20 à 30 p. 100 des produits sont exempts du droit d’accise.

Mme Hingorani : C’est exact. La totalité des raisins canadiens est exempte du droit d’accise.

Le sénateur Woo : Il serait très utile d’avoir des statistiques comparables pour l’industrie des spiritueux.

Monsieur Harford, qu’en est-il de l’industrie de la bière?

M. Harford : Les brasseurs paient un droit d’accise dès qu’ils produisent une goutte de bière. Depuis 2006, les producteurs canadiens sont assujettis à un droit d’accise progressif. Comme je l’ai dit plus tôt, conscient que le taux de rendement minimum pour la production de bière est très élevé, en 2006, le gouvernement a introduit un droit d’accise progressif. Depuis, le nombre de brasseries est passé de 268 à 650, et d’autres s’ajouteront probablement. Nos données à cet égard seront disponibles dans quelques semaines.

Il s’agit d’un exemple flagrant de l’impact positif de la réduction des taxes. Cette réduction a eu pour effet d’encourager l’investissement dans le secteur et d’accroître l’intérêt pour la production de bières.

Le sénateur Woo : Mon cerveau n’est pas suffisamment rapide pour comprendre votre réponse. Quelle part de la production de bière au Canada est exempte du droit d’accise? Vous dites que c’est un droit progressif.

M. Harford : Oui. Toutes les bières produites au Canada, sans exception, sont frappées d’un droit d’accise.

Le sénateur Woo : C’est un droit progressif?

M. Harford : Effectivement.

Le sénateur Woo : Pourriez-vous nous faire parvenir d’autres renseignements pour nous aider à mieux comprendre?

M. Harford : Absolument.

Le sénateur Woo : Ce n’est pas un taux unique pour tous les producteurs de bière. Cela varie en fonction de la taille de la brasserie.

M. Harford : C’est exact. Les 75 000 premiers hectolitres sont assujettis à un taux progressif. Je serai heureux de vous fournir ces taux de droit d’accise.

Des 720 millions de dollars payés en droit d’accise sur la bière au Canada, entre 9 millions et 11 millions découlent d’un droit d’accise progressif.

Le sénateur Woo : C’est très utile comme information.

Le président : Veuillez faire parvenir vos données à la greffière.

Le sénateur Woo : J’aimerais maintenant parler de l’aspect commercial de la question afin de comprendre quel est le problème.

Les bières, spiritueux et vins importés sont également assujettis à un droit d’accise, ce qui uniformise les règles du jeu. Je sais que cela a un impact sur la concurrence. Il faut déterminer si les producteurs étrangers absorbent ce droit ou s’il le refile au consommateur. C’est une question qui mérite d’être posée.

Je suis conscient que le problème potentiel des mesures commerciales est que l’écart entre le nombre de producteurs de vins exemptés, par exemple, augmente par rapport au nombre de vins importés au Canada assujettis à un droit d’accise. J’imagine, monsieur Westcott, que c’est une chose qui vous préoccupe vous aussi, même si, selon ce que vous me dites, peu de spiritueux sont exempts du droit d’accise. C’est l'écart dont vous parlez, n’est-ce pas?

M. Westcott : C’est exact. Le Canada a connu deux importants différends commerciaux. Le premier était avec les Européens, vers la fin des années 1980, une dispute que nous avons perdue sans équivoque. Le deuxième est survenu au début des années 1990 et concernait la bière. Il se trouve que je travaillais dans le secteur du vin lors du premier différend et dans le secteur de la bière lors du deuxième. J’étais donc à la table dans les deux cas.

Le sénateur : Quelle veine.

M. Westcott : Nos politiques n’étaient pas à la hauteur de nos obligations selon l’Organisation mondiale du commerce. Nous n’avions pas fait ce que nous avions dit que nous allions faire.

Dans les deux cas, c’est l’industrie du whisky qui était directement menacée par les Américains. Pourquoi? Parce que nous exportons une grande quantité de whisky. Peu importe qui est à l’origine de la dispute, lorsqu’ils veulent envoyer un message, c’est à nous qu’ils l’envoient. Nous sommes très vulnérables en cas de différend, notamment en ce qui a trait à l’alcool.

Lorsqu’il y a un différend commercial, d’autres pays étudient quelles mesures punitives imposer. Nos produits se retrouvent alors en tête de liste, simplement en raison de qui nous sommes et de ce que nous sommes. Nous sommes très sensibles à ce genre de mesures.

Je n’ai connu qu’un seul embargo sur nos produits et c’était sur la bière. Le Canada et les États-Unis avaient un différend en ce qui concerne la bière. Chacun a imposé un droit de 100 p. 100, une mesure qui a duré trois semaines. Dans le monde d’aujourd’hui, si votre produit est retiré des étagères pendant une, deux ou trois semaines, il ne retrouvera jamais sa place. Les démarches seraient trop dispendieuses.

Ce sont des enjeux très importants pour l’industrie canadienne des spiritueux, ainsi que pour les brasseries et les négociants en vin. Nous comptons pour les deux tiers des exportations. C’est donc un enjeu majeur.

Le sénateur Woo : Je suis très sensible à cela. Toutefois, il me semble que le problème fondamental est le régime de différentiation du prix déjà en vigueur, peu importe la taxe ascenseur. Il existe déjà une politique eu égard à l’exemption du droit d’accise pour les vins locaux. La taxe ascenseur pourrait aggraver le problème et il pourrait même s’agir d’un prétexte pour imposer des mesures commerciales, mais il y a un problème sous-jacent qui pourrait, lui aussi, justifier l’adoption de mesures commerciales. Est-ce exact?

Mme Hingorani : Oui.

M. Westcott : Lorsque cette situation est survenue, le Canada et l’Europe ont conclu un accord. Cela n’a pas eu pour effet de légaliser les mesures adoptées par le Canada, mais la situation a été résolue.

Le sénateur Woo : Je comprends.

M. Westcott : S’il y a un autre différend commercial, tout cela sera ramené à la table.

Le sénateur Woo : En terminant, vous avez dit tous les deux qu’une taxe ascenseur était intégrée à la TPS. Que voulez-vous dire? Je sais que la TPS n’est pas indexée. Dites-vous qu’elle est indexée parce que les revenus des consommateurs augmentent? Comment la TPS est-elle indexée, selon vous?

M. Harford : Ce n’est pas que la TPS est indexée, mais elle correspond à un pourcentage du prix du détail final. Si le prix augmente, la TPS génère plus de revenus.

Le sénateur Woo : Ah, dans ce sens-là.

M. Harford : Oui, dans ce sens-là.

Le président : Merci.

La sénatrice Moncion : Combien payez-vous en droit d’accise à la province et au fédéral? Quelle est la différence?

Vous dites que les taxes ont augmenté au fil des ans. Hier, on nous a dit que la partie du fédéral n’a pas augmenté depuis un certain moment, mais que les taxes provinciales, elles, ont augmenté. J’aimerais savoir quelle est la différence entre les deux, les montants.

M. Harford : Le droit d’accise fédéral est une taxe fédérale. Il y a longtemps, le gouvernement fédéral a donné aux provinces le contrôle sur les boissons alcoolisées. Elles appliquent ce que l’on appelle des marges commerciales pour compenser les coûts de leurs systèmes de distribution et de vente au détail, qu’elles contrôlent, et pour générer plus de revenus.

Ce qui me dérange, c’est que le gouvernement fédéral regarde de près les provinces qui s’approprient une plus grande part des taxes sur nos produits. Premièrement, le gouvernement fédéral a donné cette capacité aux provinces. Deuxièmement, ce n’est pas une raison de principe que le gouvernement fédéral devrait utiliser. Augmenter les taxes dans un secteur sous prétexte de ne pas tirer sa juste part n’est pas une raison économique valable.

Oui, les taxes profitent plus aux provinces qu’au gouvernement fédéral, mais cela a été convenu il y a longtemps. Il est inapproprié pour le gouvernement d’augmenter les taxes simplement parce qu’il a l’impression de ne pas tirer sa juste part. Il doit examiner les conditions économiques du secteur avant de décider d’instaurer une augmentation annuelle automatique des taxes.

La sénatrice Moncion : Vous n’avez pas répondu à ma question. Quels sont les montants?

Mme Raynolds : Je voulais simplement ajouter une chose. Si le gouvernement fédéral souhaite tirer une plus grande part des taxes sur les boissons alcoolisées, il augmente tout simplement son droit d’accise. Il me paraît naïf de penser que les provinces vont baisser le leur. Les taxes provinciales sur les boissons alcoolisées n’ont jamais baissé. En fait, il s’agit d’un avantage inattendu pour les provinces, car elles ajoutent une taxe au prix de base, qui inclut déjà un droit d’accise.

Il est vrai que les taxes profitent plus aux provinces qu’au gouvernement fédéral, mais je ne peux pas vous fournir de chiffres, car il y a trop de taxes et droits différents. De plus, ils varient d’une province à l’autre et d’un produit à l’autre. Il est difficile de vous donner un pourcentage, mais je peux vous dire que c’est beaucoup plus.

Le gouvernement et les provinces tirent aussi énormément de recettes de la taxe de vente sur les boissons alcoolisées. La même journée où le budget fédéral proposait une réduction, le 22 mars, la Saskatchewan présentait son budget dans lequel la province proposait de faire passer sa taxe de vente sur les boissons alcoolisées de 5 à 10 p. 100. L’industrie a été durement touchée, par deux fois, en une seule journée.

Nous ne sommes pas heureux des taxes que nous imposent les provinces. S’il y avait une façon de les réduire, croyez-moi, nous le ferions. Mais, c’est la réalité avec laquelle nous devons composer.

M. Harford : Je suis désolé de ne pas avoir répondu à votre question. Le gouvernement fédéral touche le tiers de la taxe à la consommation imposée sur une caisse de bière ordinaire et la province les deux tiers.

Le sénateur Pratte : Contrairement à ce que des fonctionnaires nous ont dit hier et à ce que dit le budget de 2017 selon lequel le droit d’accise n’a pas réellement augmenté depuis le milieu des années 1980, vous dites, monsieur Harford et madame Hingorani, que le droit d’accise à réellement augmenté à quelques reprises, au moins, la dernière fois étant en 2006.

Il semble y avoir des divergences d’opinions à cet égard. Qui dit vrai? Si le droit d’accise a vraiment augmenté à quelques reprises depuis les années 1980, cela signifie que les fonctionnaires ont induit le comité en erreur et que le budget a induit les Canadiens en erreur. C’est grave.

M. Westcott : Le droit d’accise a augmenté depuis 2006. C’est documenté. C’est précisé dans le budget. Vous pouvez vérifier par vous-même. L’information est facile à trouver.

Je parlerai uniquement des spiritueux. Nous avons tous eu des expériences légèrement différentes. Si vous examinez les comptes publics, vous verrez qu’en 2006, le droit d’accise était X. En 2016, 10 ans plus tard, le gouvernement percevait 50 p. 100 de plus en droit d’accise.

Le sénateur Pratte : C’est très différent.

M. Westcott : Un instant. Ce ne l’est pas vraiment. Au cours de cette période, nos ventes ont augmenté de 14 p. 100 et l’inflation de 17,8 p. 100. Vous avez raison. On ne vous a pas dit la vérité. Je peux vous fournir les références et documents nécessaires. Vous pourrez voir les chiffres vous-même. Ce sont des faits.

Le président : Monsieur Westcott, pourriez-vous nous faire parvenir ces informations?

M. Westcott : Certainement, monsieur.

La sénatrice Cools : Bientôt, s’il vous plaît.

M. Harford : La réponse à votre question repose sur le mot « réellement ». En 1991, le droit d’accise du gouvernement fédéral sur la bière a augmenté de 44 p. 100. En 2006, il a augmenté de 11,6 p. 100.

Le ministère des Finances vous dira pour expliquer ces augmentations qu’en 1991, le gouvernement passait d’une taxe de vente à la fabrication à la TPS, une taxe plus large. Il a augmenté de 44 p. 100 le droit d’accise sur la bière pour pouvoir toucher les mêmes recettes après avoir retiré la taxe de vente à la fabrication et mise en vigueur de la TPS. Il a fait la même chose en 2006. Il n’a pas réellement augmenté le droit d’accise, mais il l’a augmenté. Je ne crois pas que ce soit leur vision des choses.

Nous voulons savoir ce qu’il entend par réellement. Est-ce que cela signifie que nous devons réduire le nombre d’emplois dans le secteur de la bière? Est-ce que cela signifie que nous devons investir moins dans nos usines, notre équipement et la formation? Est-ce le message qu’il veut envoyer? Pourquoi le droit d’accise augmente-t-il chaque année?

Il doit analyser le secteur et dire ensuite au public ou au Parlement: « Voici ce que nous croyons être une augmentation appropriée pour cette année. »

Le sénateur Pratte : J’aimerais revenir à l’idée de l’ascenseur. Je me demande ce qui serait préférable. Dans la pratique, le droit d’accise n’augmente pas d’une année à l’autre. La dernière augmentation remonte à 2006, soit il y a 11 ans. Qu’est-ce qui serait le mieux? En réalité, en termes de recettes, le droit d’accise a baissé en dollars réels, n’est-ce pas?

Qu’est-ce qui serait le mieux? Un système d’ascenseur lié à l’IPC ou une augmentation de 10 p. 100 dans 10 ans, ce qui serait un choc probablement pire pour l’industrie qu’une augmentation graduelle dans le cadre d’un système d’ascenseur?

M. Westcott : Nous réfutons l’argument selon lequel le droit d’accise accuse du retard. Au cours de la période de 10 ans dont j’ai parlé plus tôt, le taux d’inflation a augmenté de 17,8 p. 100. Les recettes tirées du droit d’accise ont augmenté de 17,7 p. 100. Comment peut-on dire que le droit d’accise n’a pas suivi? Il n’a peut-être pas augmenté, mais c’est un argument différent. J’ignore comment on peut prétendre qu’il n’a pas suivi. Les recettes sont équivalentes à l’augmentation du taux d’inflation. D’accord, il n’a pas augmenté, mais comment le gouvernement peut-il dire qu’il accuse une perte en raison de l’augmentation du taux d’inflation? Ce n’est pas le cas. Les recettes ont augmenté au même rythme.

Il s’agit d’un droit axé sur le volume. Les volumes de production dans notre industrie n’ont pas augmenté. Donc, le gouvernement prélève beaucoup plus d’argent. Lorsqu’ils ont augmenté le droit en 2006, les fonctionnaires du ministère nous ont dit, main sur le cœur: « Ne vous inquiétez pas, cela n’aura aucune incidence sur les recettes. » Depuis 2006, c’est tout le contraire. Comme je l’ai dit, nos droits d’accise ont augmenté de près de 50 p. 100. Nos ventes et le taux d’inflation sont loin d’avoir augmenté au même rythme.

J’ai dû mal à comprendre comment les gens peuvent oser vous dire que nous tirons de l’arrière. Je vais vous fournir ces chiffres. Vous les aurez sous les yeux.

M. Harford : En ce qui concerne le secteur de la bière, nous ne nous berçons pas d’illusions en pensant que nous n’allons pas payer de taxes ou qu’il n’y aura pas de hausses de taxes. Ce n’est pas la question.

Le problème avec l’indexation, c’est que c’est automatique. Il n’y a personne pour dire, « Comment ce secteur se porte-t-il avant la hausse de taxes? ». À l’heure actuelle, la consommation par habitant est moins élevée. Nous perdons des parts de marché. Les importations augmentent. Le marché est très compétitif. Est-il temps d’envisager d’augmenter les taxes sur la bière chaque année? À notre avis, non.

Le sénateur Oh : Depuis les 10 dernières années, vos industries ont-elles enregistré une hausse de leurs ventes? Qu’en est-il des emplois? Ont-ils augmenté également?

M. Harford : Oui, nous avons enregistré une croissance de l’emploi dans le secteur de la bière. Comme je l’ai mentionné, il y avait 268 brasseries en 2006, par rapport à plus de 650 à l’heure actuelle. Depuis 2006, cinq programmes d’éducation postsecondaire ont été créés dans différentes universités qui sont axés sur l’industrie brassicole, que ce soit pour la fabrication, la gestion ou la brasserie en tant que tel. Nous avons des écoles à Niagara, en Colombie-Britannique, à Sherbrooke et à Durham. Elles ont en quelque sorte des retombées sur ce qui se passe dans ce secteur à l’heure actuelle.

M. Westcott : Dans l’industrie des spiritueux, nous sommes légèrement en retard car nous commençons à voir la création de petites distilleries un peu partout au pays. Environ une trentaine, encore très petites, ont été créées. Il est fort possible que leur nombre sera aussi élevé que le nombre de brasseries.

J’ai commencé dans l’industrie vinicole, tout comme Don Ziraldo et Karl Kaiser, qui ont lancé Inniskillin, et Paul Bosc, qui a lancé le Château des charmes. Nous assistons à un foisonnement semblable. J’imagine que nous verrons la même chose à peu près, mais au cours des 10 dernières années, nos activités commerciales sont demeurées relativement stables. Bien qu’il y ait une croissance dans l’industrie, la technologie fait disparaître des emplois alors que nous essayons tous d’améliorer notre efficacité et notre compétitivité. L’industrie n’a plus besoin autant de main-d’œuvre qu’autrefois. Elle emploie plus de gens qui œuvrent dans le secteur des technologies, si bien que les entreprises sont beaucoup plus perfectionnées. Elle emploie plus de gens instruits et moins de travailleurs non qualifiés que dans le passé. Nous sommes probablement au même niveau.

N’oublions pas que le fait d’imposer les taxes les plus élevées dans le monde signifie que nous avons les marges les plus basses. Ces faibles marges nous ont fait perdre plusieurs usines. Il y a un mois, l’usine de Bacardi à Brampton, en Ontario, qui exerçait ses activités dans cette ville depuis 70 ans, a décidé de fermer ses portes car elle ne générait pas suffisamment de revenus dans ce climat.

Le sénateur Oh : J’ai passé par là à maintes reprises.

M. Westcott : Je pense que l’usine cessera ses activités de production à la fin de juin.

Le sénateur Oh : Au Canada, quelle province a la bière la plus cher et quelle province a la bière la moins cher?

M. Harford : Je pense que c’est une question pour la forme.

Mme Hingorani : Si vous me le permettez, j’aimerais faire une observation sur les emplois. Avec certains de nos partenaires dans les provinces, nous avons rendu publique une étude économique en mars sur le raisin et l’industrie vinicole. À partir des données de 2015, nous avons recensé, comme je l’ai dit dans mes remarques liminaires, que l’industrie vinicole canadienne emploie plus de 37 000 Canadiens.

Je serais ravie de faire parvenir au comité une copie de notre étude économique. Elle fait une ventilation par province et montre où sont les emplois. Je me ferai un plaisir de vous fournir ce document, si vous voulez.

Le sénateur Oh : Une dernière question, monsieur le président.

Le président : À la seconde série de questions, s’il vous plaît, sénateur Oh.

Avant de passer au deuxième tour, la présidence cédera la parole à la sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Andreychuk : On a déjà répondu à quelques-unes de mes questions, mais ce qui me préoccupe surtout, c’est que nous avons besoin de croissance au Canada. Nous avons besoin de croissance dans toutes les industries et dans toutes les initiatives.

La chose la plus intéressante que nous avons faite au Canada est de faire prendre de l’expansion à l’industrie vinicole, et pas seulement en consommant du vin. Tout à coup, c’est une expérience. Vous dégustez un repas en buvant du vin. C’est inclus dans le tourisme. Si des délégations viennent, vous leur faites visiter une région vinicole ou une brasserie qui produit des bières artisanales. On disait autrefois de consommer l’alcool avec modération, notamment. Maintenant, c’est un moteur qui stimule la culture, le tourisme et l’économie.

Je veux un peu plus de détails. Cela est-il menacé? Il n’y a pas que les ventes; il y a aussi tous les emplois et les intérêts indirects pour les femmes. Nous cultivons la vigne en Saskatchewan à l’heure actuelle. Il y a les changements climatiques. Nous avons différentes occasions et différents marchés. C’est ce dont nous parlons: la croissance économique et la prospérité. J’aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet. Est-ce que ce sera menacé? Ce n’est pas seulement votre industrie, mais toutes les autres industries. C’est l’une de mes préoccupations.

Vous avez parlé des écoles, et c’est une bonne chose. Ce qui me préoccupe grandement, c’est l’obligation de rendre des comptes des gouvernements. Nous voulons qu’ils soient plus transparents. Nous voulons qu’ils fassent davantage rapport au Parlement. Vous dites qu’on ne vous a pas consultés. Y a-t-il un lien? Avez-vous déjà eu des conversations avec des fonctionnaires du ministère des Finances ou avec le ministre? Depuis que cette étude a été rendue publique, avez-vous communiqué avec le ministre ou le premier ministre, et quelle réponse avez-vous reçue?

Mme Hingorani : Je vais commenter vos premières remarques. L’Association des vignerons du Canada a tenu sa journée de lobbying la semaine dernière. Les membres de notre conseil d’administration des quatre coins du pays étaient présents. Ce n’était pas exactement la question que vous voulions aborder car elle préoccupe vivement le conseil d’administration et les vignerons au pays, mais nos discussions ont porté principalement sur cette question.

Nous estimons que le gouvernement ne reconnaît pas vraiment l’industrie vinicole canadienne comme faisant partie de notre patrimoine. Il considère le vin comme étant un produit qui génère des revenus. Nous voulons faire comprendre aux gens ce que nous faisons. Nous sommes des agriculteurs. C’est ce que nous sommes. Nous employons des gens à tous les niveaux de la chaîne de valeur. En réponse à votre remarque quant à savoir si cela aura un effet d’entraînement, oui. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, nous traitons avec les fabricants, les détaillants, les fournisseurs et d’autres intervenants.

Mme Reynolds : Le budget fédéral prévoit une hausse des fonds pour faire la promotion du tourisme, et nous nous en réjouissons. Nous pensons qu’il y a de véritables occasions à saisir dans le tourisme culinaire. Nous pourrions rivaliser avec n’importe quel autre pays dans le monde pour ce qui est des restaurants et des expériences que nous avons à offrir.

Nous voulons attirer plus de visiteurs étrangers. Nous voulons que plus de gens visitent le Canada pour qu’ils puissent déguster nos merveilleuses créations culinaires. La grande diversité au sein de notre industrie enrichit notre culture culinaire. Nous sommes très fiers d’avoir autant de types de cuisines différentes au Canada.

Il est préoccupant que le prix des boissons alcoolisées soit si élevé. Les visiteurs étrangers sont surpris à la caisse lorsqu’ils viennent ici car le prix de l’alcool est beaucoup plus élevé que ce qu’ils doivent payer dans leurs pays. Nous constatons que c’est un problème réel pour attirer les touristes et les encourager à revenir.

Pour ce qui est du Canadien moyen, nous avons une situation où il est très cher de commander une boisson lorsqu’on mange au restaurant, si bien que les gens prendront un verre à la maison avant d’aller au restaurant. Ils n’ont pas de plaisir à boire de l’alcool avec leur repas autant qu’avant et autant qu’ils le voudraient.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Harford : Pour répondre à la question concernant d’autres industries, il y a quelques points à soulever. L’industrie de la bière, la communauté agricole et les gouvernements fédéral et provinciaux ont investi beaucoup d’argent dans les variétés qui permettront au Canada de demeurer compétitif dans le secteur de l’orge de brasserie. C’est une culture importante pour les agriculteurs, et le Canada excelle vraiment pour produire une culture de qualité élevée. Cela n’aura pas d’incidence directe, mais cela n’aidera pas lorsque nous devons imposer des taxes d’accise plus élevées, exiger des coûts plus élevés pour l’orge et le houblon, et cetera.

En ce qui concerne les producteurs de houblon, juste avant le dépôt du budget, j’ai rencontré le propriétaire des fermes Chilliwack en Colombie-Britannique. Il est le premier agriculteur commercial de houblon que la Colombie-Britannique a eu en l’espace de 20 ans. Il m’a présenté aux membres des associations de houblon de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Il y en a une en Ontario, une au Québec et une en Nouvelle-Écosse. Ils ont tous dit: « Comment pouvons-nous aider? ». Ils ne considèrent pas la bière comme étant seulement une boisson alcoolisée. Ils considèrent le produit comme étant beaucoup plus qu’une simple boisson alcoolisée, comme étant un produit associé à l’orge, au houblon et à notre culture.

En ce qui concerne la transparence, dès que le budget a été déposé, nous avons demandé la tenue d’une rencontre avec le ministre Morneau. Nous avons eu cette rencontre lundi de cette semaine avec son personnel. Nous avons fait valoir nos arguments, mais ils tiennent beaucoup aux mesures prévues dans le budget, comme vous pourriez vous y attendre. Nous essayons de trouver toutes les occasions possibles pour faire valoir notre cause en raison de la préoccupation de l’industrie.

La sénatrice Andreychuk : On m’a dit qu’il y a eu des tables rondes, des tables rondes prébudgétaires. Je me demande toujours qui assiste à ces tables rondes. Est-ce que l’un de vos membres ou vous avez été invités aux consultations prébudgétaires?

M. Harford : Nous participons aux consultations prébudgétaires chaque année. Nous reconnaissons que les gouvernements veulent obtenir des renseignements sur les différentes industries et les différentes catégories. Ils cherchent des moyens d’aider les industries à croître et à créer des possibilités économiques. Nous participons régulièrement à ces consultations, tant à l’échelle fédérale que provinciale.

En ce qui concerne la taxe avec indexation et la hausse de 2 p. 100, on ne nous a pas consultés. Nous ne nous attendions pas à ce qu’on nous consulte, mais nous aurions espéré que le ministère des Finances considère que la taxe avec indexation, plus particulièrement, soit une mesure qui pourrait avec le temps avoir une incidence considérable sur les bières et les vins, les produits spiritueux nationaux et les restaurants.

La sénatrice Andreychuk : Vous dites que vous n’avez pas plaidé votre cause.

M. Harford : C’est exact.

La sénatrice Cools : Je vous remercie beaucoup des exposés extraordinaires que vous avez faits. Vous nous avez éclairés sur de nombreuses questions auxquelles je n’avais pas songé depuis bien des années. Nous sommes ici et je n’arrête pas de me dire: « Que pouvons-nous faire? Il y a quelque chose qui cloche. »

Je veux vous poser les questions suivantes : que pouvons-nous faire? Que devrions-nous faire et que feriez-vous si vous étiez à notre place?

Le président : Monsieur Harford, vous avez 60 secondes.

M. Harford : Veuillez supprimer l’article 42 du projet de loi C-44. C’est tout ce que nous vous demandons de faire.

La sénatrice Cools : Veuillez vous assurer que les gens qui transcrivent ces délibérations ont entendu ce que vous avez dit car vous avez parlé si rapidement.

M. Harford : Je suis désolé. Ces renseignements se trouvent dans mes remarques liminaires, que je pourrais vous remettre.

La sénatrice Cools : Je sais. Ils peuvent seulement taper à un certain rythme.

M. Harford : Je comprends. Je vais parler lentement.

Nous allons comparaître devant le Comité des finances de la Chambre des communes également. Nous espérons obtenir l’appui de ce comité pour proposer un amendement au projet de loi d’exécution du budget, le projet de loi C-44, qui abrogerait l’article 42 portant sur la taxe d’indexation sur la bière. Il y a d’autres articles qui s’appliquent aux vins et aux spiritueux que l’on veut abroger également.

La sénatrice Cools : Merci beaucoup.

Mme Hingorani : Je veux faire écho aux observations de Luke. De plus, vous nous avez demandé ce que nous ferions si nous étions à votre place.

Je pense qu’il serait extrêmement important de tenir des consultations avec l’industrie lorsque nous devons prendre des décisions qui auront une incidence sur les emplois. De plus, dans des budgets futurs, ce serait bien de voir les résultats que nous pourrions obtenir grâce à des investissements dans l’industrie par rapport aux résultats de retirer des fonds de notre industrie.

Par exemple, l’industrie vinicole a demandé la création d’un programme d’innovation vinicole qui créera plus de revenus pour vous qu’une taxe avec indexation. Je serais heureuse de vous faire parvenir notre proposition à cet égard.

Mme Reynolds : Mon point de vue reflète ce qu’ils disent. Nous espérons que le comité présentera un amendement qui visera les clauses d’indexation pour tous les produits alcoolisés.

Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez discuter avec vos collègues sénateurs et députés pour leur faire part de ce que nous vous avons dit et de ce que les restaurateurs, les producteurs de vin, les distillateurs et les brasseurs dans vos provinces vous ont dit à propos des répercussions. Je pense que le message de tous ces intervenants sera très semblable.

Le président : Pour la gouverne des témoins, un rapport sera déposé au Sénat sur le projet de loi C-44.

[Français]

Le sénateur Forest : L'un des enjeux importants dont on a discuté tantôt lorsqu’on calculait les taxes, c’est qu’avec la taxe d’accise, on taxe la taxe. La taxe d’accise fait partie du prix et, en fin de compte, au Québec, le consommateur paie la TPS et TVQ sur des taxes à l’origine du produit. J’aimerais comprendre cette question, parce que c’est complexe. Monsieur le président, on étudie ce sujet depuis deux jours.La taxe d’accise figure dans votre coût de production. Vous la refilez au distributeur. Celui-ci y prend-il une marge? Quel est le parcours de la taxe d’accise, à partir du coût de production du produit jusqu’au consommateur qui paie la TPS et la TVQ sur ces taxes d’origine? J’aimerais connaître le parcours de cette taxe.

[Traduction]

Mme Reynolds : Je pense toujours de me rendre à la station-service et de voir un petit tableau qui indique le prix de la taxe d’accise. Ils sont en mesure de fournir le tableau pour que vous puissiez connaître le pourcentage élevé en taxes que vous payez pour le produit.

Nous avons dit, « Pourquoi ne pouvons-nous pas produire quelque chose de la sorte? ». Nous avons essayé de le faire, mais l’un des défis auxquels nous sommes confrontés, c’est que même parmi les différentes distilleries, les taxes varient énormément selon les produits.

Nous avons essayé de comparer les taxes provinciales car chaque province a un système différent. Certaines ont des taxes environnementales. Elles ont toutes des marges bénéficiaires, mais il y a aussi une taxe sur les gallons d’alcool. Il y a tellement de taxes, alors comment peut-on les regrouper et fournir une explication simple aux consommateurs pour la portion du prix du produit qui est des taxes? Nous n’avons pas réussi à trouver un moyen de le faire. Vous pourriez peut-être faire un meilleur travail que nous. Le problème est lié en partie au fait que nous devons le faire pour la bière, le vin et les spiritueux; nous ne pouvons pas nous concentrer sur un produit.

M. Harford : Je peux vous fournir la ventilation par province, mais au niveau national, en moyenne, les taxes représentent environ 50 p. 100 du prix de détail pour une marque de bière populaire. C’est une taxe à la consommation. C’est la taxe d’accise, qui s’ajoute à l’indexation provinciale, aux taxes environnementales, ainsi qu’à la TVP et à la TPS. Lorsque vous regroupez toutes ces taxes, en moyenne au pays, elles représentent environ 50 p. 100 du prix de la bière.

La sénatrice Eaton : Incluez-vous les profits? Par exemple, s’ils vendent leurs produits aux magasins The Beer Store ou à la LCBO, est-ce le profit qu’ils font, et y a-t-il aussi une marge bénéficiaire?

M. Harford : Pour chaque province, nous prenons l’endroit où le produit est vendu le plus souvent, alors nous prenons le volume le plus élevé et examinons toutes les marges de profit des provinces dans ce taux de 50 p. 100. Nous ne tenons pas compte de leurs coûts. C’est une formule directe pour calculer la taxe.

Le président : Pouvez-vous fournir un tableau?

M. Harford : Nous pouvons certainement le faire.

Le président : Veuillez le faire le plus tôt possible, avant votre comparution devant l’autre enceinte.

[Français]

Le sénateur Forest : Ce que je voulais souligner, c’est que la taxe d’accise imposée au début de la chaîne est taxée au passage par la taxe provinciale et la taxe de consommation fédérale. On paie des taxes tout au long du parcours; des taxes sur des taxes.

[Traduction]

M. Harford : La taxe d’accise est une taxe indirecte. Les producteurs paient cette taxe. Ils essaient de l’inclure dans le prix d’expédition de leurs produits, puis il y a une taxe sur la taxe sur la taxe. C’est une taxe cachée dont le consommateur n’est pas au courant.

La sénatrice Marshall : La question du sénateur Forest se rapporte à ce que j’ai dit plus tôt. Vous allez prévoir cette mesure pour la bière, mais j’aimerais que ce soit le cas aussi pour le vin et les spiritueux. Je sais que les prix varient et que c’est différent dans chaque province, mais vous pourriez peut-être nous fournir une moyenne, par exemple.

J’ai rencontré hier un représentant de l’une des grandes entreprises de production de bière. Il m’a fourni la ventilation pour quelques provinces. C’est ce que le sénateur Forest voulait avoir. C’est possible, et cette ventilation montre la portée des taxes. J’aimerais avoir ces données.

J’ai quelques questions. Je veux m’assurer que je comprends bien les questions que vous avez posées. Pour ce qui est de la hausse prévue dans le budget, y compris l’indexation, vous avez été informés de cette mesure seulement le jour de la présentation du budget. Ai-je raison?

M. Harford : Oui.

Mme Hingorani : Oui.

Mme Reynolds : Oui.

La sénatrice Marshall : Vous dites que la consommation de bière est en baisse, mais la consommation de vin est-elle en hausse?

Mme Hingorani : Je peux vous fournir des données là-dessus, mais ce que nous savons, c’est que la consommation d’alcool en général est en baisse. Nous nous préoccupons aussi de la marijuana.

La sénatrice Marshall : J’aimerais également savoir si la consommation de vin est en hausse ou en baisse, ainsi que la consommation de spiritueux. J’aimerais avoir ces renseignements également.

Madame Hingorani, vous avez dit que vous aimeriez que le gouvernement examine ce qui se passe dans l’industrie et favorise la croissance. Le gouvernement s’est engagé, dans le budget de l’an dernier et dans celui de cette année, à prendre des décisions fondées sur des données probantes. Nous espérons qu’il examinera ce qui se passe dans les industries de la bière, du vin et des spiritueux lorsqu’ils prennent leurs décisions.

Mme Hingorani : Oui, et nous examinerons tous les trois s’il y a un moteur économique agricole, n’est-ce pas?

La sénatrice Marshall : Oui.

Le président : Le Comité sénatorial permanent des finances nationales mise sur la prévisibilité, la reddition de comptes et la transparence. Vous pouvez être certains que nous ne perdrons pas de vue ces objectifs.

Cela dit, nous voulons remercier les témoins d’avoir comparu aujourd’hui.

Honorables sénateurs, je crois que nous avons fait du bon travail. Nous avions parmi nous le sénateur Woo, qui est le parrain du projet de loi. Les déclarations de ce soir nous ont tous éclairés.

Sur ce, honorables sénateurs, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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