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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


SAINT JOHN, Nouveau Brunswick, le jeudi 23 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui à 9 heures pour étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m’appelle Percy Mockler et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter successivement, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Cools : Sénatrice Anne Cools de Toronto, Ontario.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh de Toronto, Ontario.

La sénatrice Marshall : Sénatrice Elizabeth Marshall de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton de l’Ontario.

Le président : Le comité poursuit aujourd’hui, à Saint-John (Nouveau-Brunswick), son étude spéciale sur les changements proposés à la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le comité a reçu ce mandat via un ordre de renvoi du Sénat le 26 septembre 2017 et compte présenter son rapport au Sénat du Canada le 15 décembre.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a reçu du Sénat du Canada le mandat d’examiner les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, notamment la répartition du revenu, le placement de revenu passif dans une société privée et la conversion des revenus d’une société en gains en capital, et de faire rapport à ce sujet. Il a aussi été demandé au comité de se pencher de façon particulière sur les répercussions des changements proposés par le gouvernement sur les petites entreprises et les professionnels constitués en société, sur la croissance économique et les finances publiques, sur l’équité de l’imposition des différents types de revenus et sur d’autres questions connexes. En outre, le comité devra soumettre son rapport final au Sénat au plus tard le 15 décembre 2017 et conservera tous les pouvoirs nécessaires pour rendre publiques ses conclusions pendant les 180 jours qui suivront.

La séance de ce matin est la 20e que nous consacrons à cette étude. Nous terminons aujourd’hui à Saint-John notre tournée de séances publiques qui nous a menés d’un bout à l’autre du pays. Il y aura d’autres séances à compter de mardi prochain, le 28 novembre, à Ottawa.

Je constate que le sénateur Neufeld s’est joint à nous. Puis-je vous demander, sénateur, de vous présenter aux fins du compte rendu?

Le sénateur Neufeld : Je suis désolé, monsieur le président. Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

Le président : Nous accueillons ce matin trois témoins: la docteure Amy Schneider, docteure en médecine vétérinaire; M. James Crosby, président de Crosby Molasses; et Mme Jill Green, présidente-directrice générale, Green Imaging Technologies Inc.

Je vous présente également à ma gauche Mme Gaëtane Lemay, greffière du comité; et à ma droite, M. Sylvain Fleury, notre analyste principal.

Je tiens à remercier nos témoins d’avoir accepté notre invitation. Le greffier m’a informé que vos exposés vont être présentés dans l’ordre suivant: la Dre Schneider sera suivie de M. Crosby, puis de Mme Green. À vous la parole, docteure.

Dre Amy Schneider, docteure en médecine vétérinaire, à titre personnel : Bonjour à tous. Je tiens à vous dire d’entrée de jeu que je sors complètement de ma zone de confort en me présentant devant vous aujourd’hui. Je suis propriétaire d’une petite entreprise, mais je suis loin d’être une experte en fiscalité. J’ai proposé ma contribution parce que ma sœur, Jill Green, ici à mes côtés, m’a encouragée à le faire, et parce que j’estime que c’est un enjeu vraiment important pour notre pays.

Je m’appelle Amy Schneider. Je suis mariée et mère de deux enfants. Je vis à Fredericton au Nouveau-Brunswick, ma ville natale. Je suis vétérinaire et aussi fermière.

Je suis canadienne, mais également américaine. J’avais la double citoyenneté grâce à mon père, un citoyen américain. Il y a cinq ou six ans, j’ai renoncé à ma citoyenneté américaine parce que j’étais propriétaire d’une entreprise au Canada depuis déjà 10 ans et que je n’avais aucunement l’intention de tout recommencer en déménageant aux États-Unis. Si je vous parle aujourd’hui de cette décision que j’ai prise à l’époque, c’est parce que les changements proposés à la Loi de l’impôt sur le revenu au Canada m’amènent maintenant à m’interroger sur la pertinence de ce choix. Si l’on va effectivement de l’avant avec ces changements, je serais peut-être mieux avisée de lancer une nouvelle entreprise aux États-Unis.

J’ai peut-être été choisie pour comparaître devant le comité du fait que je possède depuis longtemps une entreprise dans ma ville de Fredericton. J’y ai fait l’acquisition d’un hôpital vétérinaire en 2001, soit deux ans après l’obtention de mon diplôme en médecine vétérinaire. C’est une décision que j’ai dû prendre par la force des choses à l’époque. Lorsque mon patron est décédé, j’ai dû choisir entre un déménagement et le rachat de sa clinique.

Il y a environ cinq ans, j’ai ouvert avec un partenaire un hôpital vétérinaire à Conception Bay South (Terre-Neuve), un projet que j’ai trouvé extrêmement stimulant. Nous nous apprêtons à ouvrir une autre clinique à Saint John (Terre-Neuve). C’est peut-être également mon point de vue de propriétaire d’entreprise dans deux provinces différentes qui suscite l’intérêt de votre comité.

Il y a une tendance qui se dessine actuellement en médecine vétérinaire. La plupart des diplômés ne semblent pas intéressés à posséder leur propre clinique. Les obstacles sont beaucoup trop nombreux pour compenser les quelques avantages qui en découlent. À titre d’exemple, je n’ai pas pu obtenir de congé de maternité pour mes deux enfants. J’ai dû financer ce congé moi-même et je n’ai pu m’absenter du travail que pendant très peu de temps. J’ai eu deux mois avec mon fils et six mois avec ma fille.

Il existe des programmes qui visent à inciter les jeunes vétérinaires à devenir propriétaires d’une clinique et, par le fait même, à encourager la petite entreprise au Canada, mais on constate partout au pays que ce sont plutôt les grandes entreprises qui ont tendance à racheter les petites cliniques privées. Comme bon nombre des entreprises en question sont américaines, si la tendance se maintient, la plupart des cliniques vétérinaires au Canada appartiendront à de grandes sociétés des États-Unis. Je crains fort que les changements proposés vont permettre à cette tendance de se poursuivre.

Sans égard à la teneur des modifications fiscales elles-mêmes, j’estime que la façon dont on a procédé laisse à désirer. Il n’y a eu aucun préavis; les changements ont été annoncés durant la haute saison; les propositions sont libellées de manière à créer des dissensions; on a manqué de temps pour l’examen des propositions et des réponses; et la période de consultation a été escamotée. Toutes ces lacunes sont d’autant plus déplorables que les changements proposés revêtent une importance capitale. En outre, on dresse les travailleurs contre les employeurs et on fait passer les propriétaires d’entreprise pour de vilains pleurnichards toujours à la recherche d’une échappatoire alors qu’en fait nos efforts incessants font de nous l’épine dorsale de l’économie de notre pays. Nous employons environ les trois quarts de la main-d’œuvre canadienne.

J’aimerais vous parler de deux mesures qui vont toucher plus particulièrement mon entreprise. Les changements proposés quant au fractionnement du revenu me préoccupent assurément. Tous les actionnaires qui reçoivent des dividendes d’une société privée ont des impôts à payer au titre de ce revenu. Il n’y a pas d’évitement fiscal. Je vous rappelle que le fractionnement du revenu est déjà autorisé entre les Canadiens touchant des revenus de pension, et ce, sans que le gouvernement n’y voie aucun inconvénient, et que ce sont les pensionnés les plus fortunés qui en bénéficient le plus.

Il serait extrêmement difficile d’imposer à un taux raisonnable un actionnaire qui a accepté de fournir conjointement des actifs familiaux à titre de garantie personnelle, comme mon mari l’a fait; qui me conseille au quotidien concernant les plans et les stratégies d’affaires, comme mon mari le fait; et qui offre un soutien absolument essentiel à la gestion de l’entreprise, comme c’est également le cas de mon mari. Je crois que toutes les entreprises devraient pouvoir continuer à déclarer des dividendes versés à leurs actionnaires de la façon qui leur convient.

L’autre aspect préoccupant que je souhaite aborder brièvement est celui du revenu tiré des placements passifs. Pourquoi voudrait-on pénaliser les propriétaires d’entreprise qui essaient de constituer un fonds de prévoyance en cas de ralentissement de l’économie ou d’accumuler un fonds de retraite sans l’aide des contributions d’un employeur?

Voilà donc deux de mes réserves principales quant à la réforme fiscale proposée. Je ne peux pas vous parler précisément des répercussions que je risque moi-même de ressentir quand ces mesures entreront en vigueur, car celles-ci ont été modifiées à plusieurs reprises et qu’il est trop difficile de savoir à quoi s’en tenir exactement. Je tenais toutefois à comparaître devant vous, car c’est un enjeu capital à mes yeux. Selon moi, tout le processus doit être ralenti. J’aimerais vraiment que notre pays demeure un endroit de prédilection pour tous ceux qui veulent lancer une nouvelle entreprise, en sachant que celle-ci pourra facilement y prendre de l’expansion. Si vous consultez Google pour savoir à quel endroit vous devriez lancer une entreprise dans le monde, le Canada apparaît parmi les premiers choix en raison de notre régime fiscal qui permet aux entreprises de s’épanouir. Je souhaiterais donc que nous ressortions de ce processus en pouvant nous dire que le Canada est l’endroit idéal pour créer une petite entreprise.

Le président : Merci d’avoir accepté notre invitation. C’est peut-être un peu par l’entremise de votre sœur, mais je crois que nous aurions été privés d’un point de vue fort intéressant si nous n’avions pas pu vous entendre ce matin.

Monsieur Crosby.

James Crosby, président, Crosby Molasses Company Inc : Bonjour à tous. Je m’appelle James Crosby. Je représente la cinquième génération de membres de ma famille qui se sont succédé à la présidence de Crosby Molasses Company. C’est mon arrière-arrière-grand-père qui a fondé l’entreprise à Yarmouth (Nouvelle-Écosse) en 1879. Moins de 1 p. 100 des entreprises survivent aussi longtemps que la nôtre. Je suis très fier de notre histoire et très heureux de pouvoir travailler au quotidien avec mon frère et mon père.

On trouve dans les provinces de l’Atlantique un nombre disproportionné d’entreprises familiales transmises ainsi de génération en génération. Ces entreprises florissantes sont au cœur de notre économie et représentent une véritable planche de salut pour notre région. Les changements proposés incitent notre famille à explorer différentes solutions qui auraient des effets dévastateurs au sein de notre collectivité. Serait-il préférable que nous vendions l’entreprise à une multinationale ou à une entité étrangère? Oui. Le mode de traitement du revenu passif nous pénalise déjà par rapport aux sociétés publiques auxquelles nous livrons concurrence, et ces changements ne vont qu’empirer les choses. Qui peut croire qu’un taux d’imposition de 73 p. 100 puisse être équitable? J’ose à peine m’imaginer ce qu’il adviendra du Canada atlantique si des entreprises familiales comme la nôtre en viennent à disparaître, faute de pouvoir soutenir la concurrence.

Les modifications fiscales proposées sont catastrophiques. Elles mineront notre capacité de prendre de l’expansion, de créer de l’emploi et d’investir dans nos collectivités, comme nous le faisons si fièrement depuis 138 ans.

Lorsque mon père était un jeune homme, il a été témoin d’une longue et virulente querelle entre son père et son oncle qui a failli causer la perte de l’entreprise. Mon grand-père a dû réhypothéquer sa maison et emprunter de l’argent là où il a pu en trouver pour éviter que les parts de son frère tombent entre les mains d’une entreprise américaine. Peu après s’être assuré le contrôle de l’entreprise, mon grand-père a perdu son combat contre le cancer. Mon père est ainsi devenu président à 28 ans. Pendant 40 ans, il a su mener notre entreprise à bon port malgré des passages très difficiles. Grâce à sa gestion efficace pendant toutes ces années, des centaines de personnes ont pu subvenir aux besoins de leur famille. L’entreprise est pour lui le fruit du travail de toute une vie et il voudrait maintenant, à 68 ans, commencer à en transférer la propriété à mon frère et à moi. Compte tenu de ce qui a été annoncé en juillet, notre plan de relève est devenu nettement plus compliqué et beaucoup plus coûteux à mettre en œuvre.

Croyez-vous que notre famille sera mieux à même de créer de l’emploi si on lui demande sans cesse de payer plus d’argent en impôt? La vaste majorité des actifs de ma famille sont investis dans de nouveaux équipements, la mise à niveau de l’usine et les inventaires. Notre famille a toujours carburé au rêve de réalisations plus grandes que nature, une vision qui nous a permis d’adopter une approche à long terme. Au fil des générations qui se sont succédé, nous avons toujours cherché à protéger les acquis en nous efforçant de laisser l’entreprise dans un meilleur état que celui dans lequel nous l’avions trouvée.

Nous adorons notre collectivité et les gens avec qui nous travaillons et nous aimons par-dessous tout investir notre temps et notre énergie dans notre entreprise pour la voir croître. Mon arrière-arrière-grand-père serait très fier de voir que nous sommes devenus aujourd’hui une entreprise diversifiée du secteur alimentaire qui emploie 85 personnes à Saint-John avec des ventes dépassant les 29 millions de dollars.

Il y a quatre ans, une occasion s’est présentée et mon père a pris un grand risque. Nous avons alors décidé d’investir 8 millions de dollars pour agrandir notre usine afin de pouvoir fabriquer des produits en collaboration avec l’une des grandes entreprises alimentaires de la planète. Deux semaines avant le début des activités, j’ai reçu un appel un dimanche matin. Le bris d’une conduite d’alimentation en eau avait complètement inondé notre usine. Le moment ne pouvait pas être plus mal choisi, car mon père venait de risquer le travail de quatre générations pour faire croître notre entreprise. Il nous a fallu presque une année complète et des milliers d’heures d’effort collectif pour remettre nos équipements en état de marche et rebâtir nos bureaux. Heureusement que nous pouvons compter sur d’excellents employés et que les gens du Canada atlantique n’abandonnent jamais. Nous sommes maintenant un cofabriquant digne de confiance, et nous sommes fiers de pouvoir dire que cet agrandissement a permis de créer 35 emplois à temps plein additionnels.

Si une telle opportunité de croissance s’offrait à nous demain, que ferions-nous? Mettrions-nous en péril des capitaux accumulés au fil de quatre générations? Le jeu n’en vaut vraiment plus la chandelle. Nous devrions y renoncer.

À titre d’entrepreneurs, nous avons toujours le fardeau de notre entreprise à porter. C’est notre goût du risque qui alimente la croissance et la création d’emplois. Les emplois manufacturiers comme ceux que nous offrons sont absolument essentiels dans une région comme la nôtre en raison des retombées qui en découlent. Au cours des 12 derniers mois, nous avons versé un total de 5,4 millions de dollars en salaires et en avantages sociaux. Nous avons dépensé 13,5 millions de dollars auprès d’autres entités canadiennes, dont 6,5 millions de dollars ici même dans les Maritimes. Ces dépenses ont un effet multiplicateur dont les bénéfices pour les Canadiens dépassent largement les cadres de notre collectivité. Ces bénéfices vont disparaître à jamais s’il nous est impossible de survivre.

La politique la mieux avisée est celle qui laisse plus d’argent entre les mains des entrepreneurs pour nous permettre de continuer à investir notre capital comme bon nous semble.

Les changements proposés entraîneront toutes sortes de conséquences non souhaitées qui vont modifier le cours de l’histoire, si bien que les gouvernements en viendront à se disputer des parts d’une assiette fiscale de plus en plus réduite.

Nous n’avons rien contre l’idée d’une réforme fiscale si l’on procède de la bonne manière. Il faut recommencer le tout du début en permettant à tous les intéressés d’avoir leur mot à dire dans le but de simplifier notre régime fiscal de telle sorte que les règles soient égales pour tous et que l’entreprise privée puisse prospérer à long terme dans notre région comme dans l’ensemble du pays.

Merci de m’avoir donné l’occasion de vous parler de notre entreprise.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Crosby.

Nous donnons maintenant la parole à Mme Green.

Jill Green, présidente-directrice générale, Green Imaging Technologies Inc. : Merci, sénateur Mockler, et merci à tous les membres du comité de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.

Je ne suis pas moi non plus une experte en questions fiscales. Je suis une simple citoyenne et une propriétaire d’entreprise qui souhaite vous faire part de ses préoccupations non seulement à l’égard des propositions dans leur forme actuelle et de la manière dont elles ont été présentées, mais aussi en raison de l’empressement du gouvernement à les mettre en œuvre.

Je suis une fière Canadienne qui a grandi à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. J’ai fréquenté l’Université du Nouveau-Brunswick et j’ai épousé mon amour de jeunesse. Ses études l’ont toutefois mené à un tel niveau de spécialisation que le marché du travail canadien n’avait rien à lui offrir, si bien que nous avons dû déménager aux États-Unis. Nous nous y sommes bâti une vie très agréable avec nos enfants. Nous avions d’excellents emplois et nous croyions que les choses étaient réglées. Nous allions finir nos jours aux États-Unis et revenir au Canada seulement en visite.

C’est à ce moment-là que des gens de l’Université du Nouveau-Brunswick ont communiqué avec nous. On y réalisait des projets très intéressants en créant des nouveautés technologiques prêtes à être mises en marché. Ils nous ont demandé si nous voulions revenir au pays. Ce fut une décision difficile à prendre. Les choses se passaient très bien pour nous aux États-Unis, mais nous avons choisi de prendre le risque et de revenir au Canada pour y lancer notre entreprise, Green Imaging Technologies.

C’était il y a 10 ans. Notre entreprise exporte maintenant ses produits et services un peu partout dans le monde. Comme nous exportons dans une proportion de 99 p. 100, toutes les sommes recueillies par notre entreprise constituent de l’argent frais pour l’économie canadienne. Nous avons 10 employés bardés de diplômes qui, n’eût été notre entreprise, ne seraient peut-être pas restés au Canada, ou tout au moins pas au Nouveau-Brunswick et dans le Canada atlantique. Notre entreprise est très prospère.

Je dois vous dire que lorsque ces mesures fiscales ont été présentées au départ, je n’y ai même pas porté attention. C’était en plein cœur de l’été, et il se passait toutes sortes de choses. Il faut généralement beaucoup de temps au gouvernement pour passer de la parole à l’acte, ce qui fait que je ne m’inquiétais pas trop. J’ai cependant commencé à entendre des rumeurs selon lesquelles les petites entreprises pourraient être touchées, et j’ai donc pris le temps de m’asseoir avec mon comptable pour discuter des changements proposés et essayer de bien en comprendre les impacts. Je suis sortie de cette rencontre avec beaucoup d’appréhensions, car il y avait effectivement des répercussions sur ma famille ainsi que sur ma famille étendue. J’ai alors appris que la période de consultation était presque terminée. Comme le projet de loi n’était pas encore entièrement rédigé, il pouvait y avoir des révisions, mais les mesures devaient entrer en vigueur au 1er janvier.

En m’attardant de plus en plus aux réponses du gouvernement à la suite des préoccupations soulevées par les petites entreprises, j’ai entendu tous ces propos incendiaires à notre endroit alors qu’on nous traitait de tricheurs souhaitant profiter de toutes les échappatoires possibles pour tirer avantage du régime fiscal. On nous accusait de mal agir, et je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je vous remercie donc de me donner l’occasion de me faire entendre, ne serait-ce qu’à titre personnel. J’ai pris connaissance des comptes rendus de certaines de vos séances. Je ne peux pas m’exprimer comme des experts fiscaux ont pu le faire devant vous et j’ose espérer que vous ne me poserez pas de questions dans ce sens-là.

Avant de parler plus en détail de certaines des modifications fiscales proposées, je veux qu’il soit bien clair que je suis favorable à une réforme du régime fiscal. Il est toujours possible d’améliorer les choses et les problèmes manifestes doivent être réglés, mais j’ai tout de même la ferme conviction que tout changement au régime fiscal d’un grand pays comme le nôtre doit être fait de façon ouverte et consultative, que chaque voix doit pouvoir s’exprimer, que toutes les préoccupations doivent être minutieusement prises en compte et que les modifications nécessaires doivent ensuite être apportées dans un délai raisonnable.

Lorsque le ministère des Finances a présenté les changements proposés, il n’a pas fourni tous les détails pertinents, si bien qu’ils n’ont pas tous été inclus dans un projet de loi. Il y a eu une très courte période de consultation à l’issue de laquelle on s’est engagé à apporter certains changements. Il s’agit de changements souhaitables, mais comme nous n’avons pas encore vu de projet de loi à cette fin, il nous est impossible de vraiment savoir comment on compte les mettre en œuvre.

Pendant la période de consultation et les jours qui ont suivi, le gouvernement a reçu 21 000 réponses écrites. Je me demande s’il est possible de prendre connaissance de toutes ces réponses et d’en examiner minutieusement la teneur alors que l’on ne dispose que de quelques mois pour mettre ces mesures en place. Certaines d’entre elles ont été reportées au prochain budget, mais cela demeure très peu de temps pour examiner un minimum de 21 000 pages de documents, car je suis persuadée que certaines réponses étaient bien plus longues.

Vous voulez sans doute savoir en quoi je vais être touchée par certaines des mesures fiscales proposées. Je ne suis pas experte en fiscalité, mais je suis une propriétaire de petite entreprise qui a de grandes inquiétudes. Le gouvernement a fait marche arrière relativement à certaines des mesures les plus controversées comme celles touchant les exemptions des biens en capital et le transfert d’une entreprise d’une génération à la suivante. Je peux toutefois vous parler de la répartition du revenu. Les membres de ma famille ont investi dans mon entreprise lorsque je suis rentrée au Canada. Ils ont investi dans mes propres capacités. Ils ont pris un risque en devenant actionnaires de mon entreprise. Il devenait ainsi possible pour notre entreprise d’attirer d’autres investisseurs de telle sorte que la croissance soit envisageable. Sans cet appui, nous ne serions pas aujourd’hui à la tête d’une entreprise florissante et je ne serais pas en train de vous adresser la parole. En vertu des modifications fiscales proposées, ma famille serait imposée, lors du versement de dividendes à nos actionnaires, suivant le taux applicable à la fourchette d’imposition la plus élevée, car elle ne contribue pas activement à mon entreprise. Ce sont pourtant mes parents, mes frères et mes sœurs. Cela m’apparaît tout simplement injuste.

Deuxièmement, mon mari et moi travaillons tous deux pour notre propre entreprise. Je suis inquiète: qu’arrivera-t-il si l’un de nous connaît un problème de santé et doit prendre congé pour une période prolongée? Nous ne serons plus considérés comme travaillant activement au sein de l’entreprise? Si nous avons besoin de revenus pour notre famille, nous dépendrons des dividendes, puis nous paierons de l’impôt dans la tranche d’imposition la plus élevée au moment même où nous aurons le moins les moyens de le faire. Cela ne semble pas juste.

Je m’inquiète aussi beaucoup de la question du revenu passif dans une entreprise. Mon entreprise se situe dans le secteur pétrolier et gazier. Nous savons tous que c’est une industrie très cyclique, et nous traversons une période de ralentissement depuis longtemps. À tire de PDG, je fais preuve de prudence et garde de l’argent au sein de l’entreprise: j’investis de manière conservatrice et je réalise des gains sur cet investissement. Est-il juste que le revenu passif soit imposé différemment? Je sais que le gouvernement a proposé un seuil de revenu de 50 000 $ et qu’il a dit que tous les investissements passifs que je possède déjà ne seraient pas touchés, mais premièrement, d’où vient ce seuil de 50 000 $? Pourquoi n’est-il pas indexé en fonction de la taille de l’entreprise ou du marché dans lequel elle évolue? Puis qu’arrivera-t-il à mes investissements actuels? Si je vends des actions, puis que j’en réinvestis les profits, est-ce que ce sera considéré comme un nouvel investissement, et le revenu qui en découlera sera-t-il assujetti aux nouveaux calculs fiscaux ou aux anciens calculs fiscaux? Je dois donc vérifier tout cela aussi, tout ce que je possède maintenant et ce que j’achète. Ce sont des choses qui me préoccupent énormément.

Je tiens à vous faire prendre conscience de la vitesse à laquelle tous ces changements arrivent; cela me porte à me demander vraiment si notre ministère des Finances a réfléchi attentivement à ce qui risque d’arriver aux petites entreprises et aux personnes. Les petites entreprises sont l’épine dorsale de notre économie, et sans elles, je crois que notre pays s’effondrerait. Je recommanderais au ministère des Finances de ralentir un peu et de prendre le temps de bien consulter les acteurs, afin d’apporter des changements justes et objectifs à notre régime fiscal. Il y a beaucoup de choses à prendre en considération, et il nous faudra bien plus que quelques mois pour bien faire les choses. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Green.

Nous entendrons maintenant les questions des sénateurs.

La sénatrice Marshall : Je remercie les témoins d’être parmi nous ce matin.

Je constate qu’il y a un trait commun qui ressort de tous les témoignages, mais que chaque groupe, je dois le dire, amène sa petite nuance. Ce matin, vous nous avez parlé de la possibilité que votre entreprise se fasse acheter par une plus grande entreprise. Je pense que c’est la Dre Schneider qui l’a mentionné, en particulier, mais M. Crosby l’a aussi mentionné dans son exposé et même Mme Green, quand vous avez dit que vous étiez aux États-Unis, puis que vous êtes revenue ici. Cet enjeu a été soulevé. Nous tenons des audiences partout au pays, et cet enjeu a été mentionné en Alberta. Le témoin, à l’époque, ne semblait pas croire qu’il s’agissait d’un enjeu très grand, mais je pense que c’en est un, et il est évident que c’en est un, parce que vous en avez parlé vous aussi ce matin.

Je tiens à ce que ce soit consigné au compte rendu. Pouvez-vous nous parler davantage du risque que vos entreprises se fassent acheter par de grandes entreprises, canadiennes, américaines ou autres? J’aimerais que vous nous parliez tous de ce risque, parce que ce sera un problème si nous commençons à perdre nos petites entreprises.

Dre Schneider : C’est un véritable risque en médecine vétérinaire, absolument. Les grandes entreprises, américaines comme canadiennes, achètent les cliniques à un rythme effarant. En fait, si je prends l’exemple de Moncton, toutes les cliniques de Moncton appartiennent à une grande entreprise canadienne, à l’exception de deux. Ce n’est pas encore le cas à Fredericton, mais le phénomène se répand dans le pays, et les plus grandes entreprises qui achètent nos cliniques viennent des États-Unis. Pet Smart en est un exemple, Banfield un autre, et il y a une autre entreprise du nom de VCA: ce sont les trois principales entreprises qui achètent des cliniques. Elles ont les moyens de le faire, parce qu’elles ont beaucoup d’argent, et peuvent les racheter à un prix beaucoup plus élevé que le petit entrepreneur individuel. Il est donc très tentant pour le propriétaire de petite entreprise de vendre sa clinique, ce qui fait, par ricochet, augmenter le prix des hôpitaux vétérinaires.

Toute loi fiscale qui rendra la vie plus difficile aux particuliers qui souhaitent avoir leur propre clinique fera augmenter le risque que cela se produise. Il deviendra moins probable que les vétérinaires canadiens prennent le risque d’acheter individuellement une entreprise. Cela fera diminuer le prix pour ceux qui souhaitent le faire tout en le faisant augmenter pour les grandes entreprises qui souhaitent acheter des cliniques. Cela changera clairement la donne. On l’observe déjà, mais je crois que le phénomène ne fera que prendre de l’ampleur.

La sénatrice Marshall : D’accord, mais vous dites qu’il y a déjà une tendance qui se dessine?

Dre Schneider : Effectivement. Il faut encourager les entrepreneurs.

La sénatrice Marshall : Donc quand vous analysez ces modifications fiscales, vous croyez qu’elles augmentent la probabilité que cette tendance se poursuive et s’accélère?

Dre Schneider : Exactement. Il faut encourager les jeunes vétérinaires à acheter leur propre clinique. Tout ce qui va dans le sens opposé nuira aux petites entreprises du Canada et fera fuir les revenus hors du Canada.

La sénatrice Marshall : Merci. Monsieur Crosby?

M. Crosby : Nous avons une entreprise familiale, donc nos actionnaires sont des membres de notre famille. Ils ne sont toutefois pas tous actifs dans l’entreprise. Or, avec le fractionnement du revenu, notamment, il se trouve soudainement que ma sœur, qui est enseignante, ainsi que mon autre sœur, qui travaille à l’université, qui se situent dans des tranches d’imposition inférieures, se feront imposer au niveau le plus élevé pour leurs dividendes.

Il y a aussi le fait que le transfert d’entreprise au sein de la famille prend beaucoup de temps, au point où cela pourrait causer la perte de l’entreprise. Selon la structure de notre entreprise, mon père pourrait la vendre demain matin, et nos six actionnaires auraient accès à des exemptions pour gains en capital, de sorte que nous recevrions 4,8 millions de dollars non imposables. C’est l’avantage de vendre notre entreprise. C’est instantané, il n’y a pas de risque, ni délai, alors que selon les propositions actuelles, nous devrions autrement continuer d’exploiter notre entreprise et malgré tout, chaque sou que nous essaierions de transférer aux autres membres de la famille serait imposé à un taux bien plus élevé.

Mon père souhaite prendre sa retraite. Il a besoin d’argent pour cela. Nous ne pouvons pas libérer de valeur de notre entreprise en soustrayant des sommes de notre bilan pour lui remettre l’argent ou le remettre à d’autres membres de la famille sans devoir payer toujours plus d’argent au gouvernement. Nos avoirs sont limités, et si le gouvernement s’en accapare une part toujours plus grande, il en restera moins pour partager avec nos employés et réinvestir dans l’entreprise, c’est pourquoi il deviendra plus intéressant de vendre l’entreprise à la lumière de ces nouvelles propositions.

La sénatrice Marshall : Je serais portée à croire que les modifications proposées concernant le revenu passif auront aussi une incidence sur votre décision de poursuivre vos activités ou de vendre l’entreprise. Est-ce aussi une considération?

M. Crosby : Oui. Premièrement, 1 million de dollars pour une entreprise comme la nôtre ne représente pas tellement: nous n’en aurions même pas assez de 50 000 $ pour payer pour les travaux que nous avons fait faire sur le toit l’an dernier. Ce n’est simplement pas suffisant, cela ne fera qu’encourager les entreprises comme la nôtre à rester petites. Il faut au contraire encourager les entreprises comme la nôtre à prendre des risques et à croître.

La sénatrice Marshall : Merci.

Madame Green, je sais que votre situation est un peu différente, parce que vous êtes allée aux États-Unis, avant de revenir au Canada, donc vous pouvez peut-être en tenir compte dans votre réponse. J’aimerais connaître votre point de vue, parce que beaucoup de témoins ont affirmé envisager déménager ailleurs.

Mme Green : Effectivement, nous travaillions aux États-Unis, j’étais propriétaire d’une entreprise aux États-Unis, donc je connais bien le régime fiscal là-bas. Mais j’ai aussi mentionné que nous sommes un exportateur, que nous exportons presque 99 p. 100 de toute notre production. Nos consommateurs sont surtout concentrés à Houston, si bien qu’il serait beaucoup plus logique pour mon entreprise de s’établir à Houston qu’ici, mais j’ai choisi de venir ici, d’abord pour la qualité de vie que j’y trouve et parce que ma famille y vit, mais aussi parce que je suis fière d’être canadienne et parce que j’ai une relation avec l’Université du Nouveau-Brunswick, qui mène des recherches très importantes pour notre entreprise, de sorte qu’il est pratique pour nous d’être prêts d’elle. Or, si je tiens compte des modifications proposées et des risques auxquels je m’expose pour mon entreprise, il me semble plus risqué d’être au Canada, parce que je suis loin de mes consommateurs, et si les risques sont à ce point plus élevés, il serait tellement facile d’exporter mon entreprise ailleurs. J’ai d’excellents employés ici. J’espère qu’ils me suivraient tous, mais vous savez, cela peut arriver. Je pourrais le décider, même si je ne veux pas le faire.

La sénatrice Marshall : Vous êtes mobile, c’est ce que vous dites?

Mme Green : Nous sommes une entreprise mobile, en effet. Nous sommes ici parce que nous avons choisi d’être ici. De plus, nous sommes dans le secteur pétrolier et gazier. Vous parlez de la vente aux grandes entreprises. C’est ce qui arrive. Les grandes entreprises achètent les petites, c’est leur façon de croître et d’innover. Donc, c’est toujours une possibilité pour nous aussi. Nous avons toutefois de fabuleux actionnaires et nous sommes heureux d’être établis au Canada atlantique, sauf que ces modifications nous font peur.

La sénatrice Marshall : Êtes-vous mobile?

Mme Green : Je suis mobile.

La sénatrice Marshall : Je souhaitais poser une question sur le revenu passif parce que nous avons eu une assez longue discussion à ce sujet hier, avec l’un de nos groupes de témoins. Ma question est très simple et directe. Je sais que nous ne connaissons pas encore tous les détails et que nous ne les recevrons pas avant l’annonce du budget de 2018, mais si la proposition sur le revenu passif était mise en place telle quelle et que ce changement avait eu lieu il y a 10 ans, vos entreprises connaîtraient-elles autant de succès aujourd’hui? Quelle serait la différence? Je sais que c’est une situation hypothétique.

Mme Green : Je peux vous le dire, parce que nous avons fondé cette entreprise il y a 10 ans. Nous sommes dans le secteur pétrolier et gazier. Nous connaissons actuellement des temps difficiles. Je mets de l’argent de côté en prévision des temps difficiles pour avoir toutes les liquidités nécessaires afin de payer mes employés, de faire mon travail et de continuer pendant les périodes difficiles. Si je n’avais pas pu économiser tout l’argent que j’ai économisé pour mon entreprise, elle n’existerait peut-être plus aujourd’hui. Je peux vous dire que la somme d’un million de dollars n’est pas énorme quand on essaie de faire des affaires. Avec des revenus de 5 p. 100, cela équivaut à 50 000 $. Mon entreprise n’existerait peut-être plus aujourd’hui si cette règle avait été en place il y a 10 ans.

La sénatrice Marshall : Merci.

Dre Schneider : Cela ne s’applique pas tellement dans mon cas, puisque mon entreprise est beaucoup plus petite et qu’elle est née grâce à un capital beaucoup plus modeste. Elle m’affectera cependant plus tard quand je voudrai prendre ma retraite.

La sénatrice Marshall : Bref, vous pensez que dans 10 ans, vous ne serez plus dans une bonne position?

Dre Schneider : Voilà. Tout à fait. Encore une fois, cela risque de m’obliger à chercher l’acheteur le plus généreux possible, n’est-ce pas? Devrai-je me tourner vers le grand acheteur américain? Parce que j’aurai besoin d’optimiser mon revenu de retraite, particulièrement si cette réforme du revenu passif est adoptée.

M. Crosby : Le revenu passif est très important. Il faut pouvoir sortir de l’argent d’une entreprise active et le placer au sein d’une société de portefeuille pour assurer nos créances. Si l’on ne peut pas accumuler d’argent hors de son entreprise, toute expansion future deviendra problématique, tout comme l’acquisition d’autres entreprises. Cette limite elle-même est très arbitraire. Pourquoi encouragerions-nous les entreprises à rester petites et pourquoi restreindrions-nous la façon dont elles peuvent déployer leur capital? Les sociétés cotées en bourse peuvent avoir des investissements passifs et se faire imposer à un taux de 26,5 p. 100. La taxe qui nous est actuellement imposée est de 52 p. 100 sur le revenu passif, et ces modifications relèveraient la barre jusqu’à 73 p. 100. Comment pourrons-nous rester concurrentiels dans ce contexte?

La sénatrice Eaton : Bonjour. M. Trudeau et le ministre Morneau ont affirmé que ce nouveau règlement fiscal était là pour aider la classe moyenne. Vous considérez-vous membre du 1 p. 100, dans la tranche des personnes très riches, ou vous considérez-vous plutôt dans la classe moyenne des travailleurs?

Dre Schneider : Je fais partie de la classe moyenne de travailleurs.

M. Crosby : Oui. Je vis dans une maison de plain-pied. Je conduis une voiture qui a déjà 10 ans, et je n’ai jamais déclaré de revenus de plus de 150 000 $. Je fais tout ça dans l’espoir de devenir riche, un jour, mais je ne le suis certainement pas encore aujourd’hui. La meilleure chose qu’on puisse faire pour la classe moyenne, c’est de créer de l’emploi, et ces modifications nuiront à notre aptitude à créer de l’emploi.

Mme Green : Je fais clairement partie de la classe moyenne de travailleurs après mes 16 heures de travail d’hier.

La sénatrice Eaton : Seulement 16 heures?

Mme Green : Seulement 16 hier.

La sénatrice Eaton : J’aimerais poursuivre dans la foulée des questions de la sénatrice Marshall. Quel genre de pension souhaiteriez-vous toucher avec un revenu passif de 50 000 $? Quel genre de pension pensez-vous pouvoir toucher à votre retraite si la limite est d’un million de dollars, une somme qui doit permettre de faire croître votre entreprise, de parer aux ralentissements, comme M. Crosby l’a dit, et de payer pour le congé de maternité pour vous, mesdames, si vous souhaitez avoir d’autres enfants. Je me pose la question parce que je ne peux m’empêcher de penser à nos fonctionnaires et à nos syndiqués, dont la pension est très sûre, solide, et n’est pas imposée. Quel est le genre de pension à laquelle vous vous attendez pour votre retraite?

Dre Schneider : Si je cours le risque de démarrer de nouvelles entreprises, c’est dans l’espoir qu’un jour, j’aurai un revenu suffisant pour au moins maintenir ma qualité de vie actuelle, et cette somme ne le permet pas, compte tenu du fait que je compte vivre jusqu’à au moins 95 ans.

M. Crosby : Le véritable problème, c’est qu’un investissement passif d’un million de dollars ne suffit pas pour assurer la retraite d’une personne.

La sénatrice Eaton : Surtout si cette somme doit financer aussi la croissance de l’entreprise, la survie en période de ralentissement, les réparations du toit, les congés de maternité, et cetera.

M. Crosby : Exactement. Je pense que la grande question, c’est plutôt pourquoi on veut imposer une limite de toute façon? Je pense qu’il y aurait de meilleures façons d’encourager les entrepreneurs à déployer leur capital et à investir que de leur imposer une limite arbitraire.

La sénatrice Eaton : Votre père est vraiment pris dans ce cycle, n’est-ce pas?

M. Crosby : Tout à fait.

Mme Green : Je suis dans la position enviable ou non d’être en affaires avec mon mari, si bien que nous n’avons absolument aucune pension.

La sénatrice Eaton : Je n’ai pas compris si la somme de 50 000 $ vous inclut tous les deux, votre mari et vous, ou si vous avez chacun 50 000 $?

Mme Green : Je n’en suis pas tout à fait sûre, mais nous avons deux enfants et bien des projets. Si la limite est de 50 000 $ chacun, puis que nous sommes imposés à partir d’un certain pourcentage, il ne nous restera pas beaucoup d’argent pour nous assurer d’un bon niveau de vie sans aucune forme de pension. Je suppose que nous pourrions recevoir des prestations du RPC, mais nous n’avons pas d’assurance-emploi, pas de pension, pas de prestations de maternité, pas de régime d’assurance-médicaments.

La sénatrice Eaton : Et après une journée de 16 heures de travail, il devrait vous rester beaucoup de temps pour vous trouver un autre emploi.

Mme Green : Absolument. Je devrais dépenser beaucoup d’argent.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le sénateur Neufeld : Merci à vous trois, pour vos exposés, qui étaient excellents.

Comme la sénatrice Marshall l’a dit, nous apprenons toujours un petit quelque chose de différent de chaque exposé, mais je peux vous dire que le message de fond est toujours le même. Peu importe à qui l’on parle, de manière générale, il ressort que cette mesure aura des conséquences négatives énormes sur les petites entreprises, où qu’elles se trouvent au Canada: dans l’Ouest, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba; ou encore dans l’Est ou même au Québec ou en Ontario. Nous avons recueilli les témoignages de beaucoup de personnes.

Je veux vous lire, comme je l’ai lu à la plupart des gens, un petit extrait de ce que le ministre des Finances a dit au comité lorsque nous l’avons interrogé à ce sujet. Le ministre des Finances a dit au comité que le gouvernement reconnaît que les sociétés ont besoin de réinvestir des fonds dans leur exploitation. Ce serait bien que cela reflète vraiment sa pensée, mais c’est ce qu’il a dit. Il veut néanmoins décourager le recours aux sociétés privées afin d’économiser en vue de la retraite.

Pourtant, à ma connaissance, d’après ce que j’entends depuis toujours et ce que j’essaie d’enseigner à mes enfants, il faut planifier sa retraite. Un moment donné, chacun prend sa retraite, donc il faut y voir. On entend le message du gouvernement de temps en temps aussi. Les Canadiens n’économisent pas suffisamment en vue de la retraite. Puis un ministre des Finances, un homme en moyens qui ne semble pas avoir à s’inquiéter trop trop de sa retraite, vient dire que les entreprises ne devraient pas pouvoir conserver des fonds pour accumuler un fonds de retraite. Je trouve cela tellement inacceptable. Je me demande ce que vous en pensez et comment vous planifiez votre retraite. Vous êtes encore jeunes, mais ce moment viendra que cela vous plaise ou non, je vous le garantis. Je m’en rends bien compte. Ne me dites que quelques mots, chacun votre tour, sur votre réaction quand vous entendez le ministre des Finances du Canada affirmer que vous ne devriez pas économiser en vue de la retraite.

Dre Schneider : À mes yeux, c’est justement l’avantage de posséder une entreprise. Il y a de nombreux désavantages, comme se lever au milieu de la nuit, renoncer au travail de sa vie, et ainsi de suite, mais ce que vous dites est l’avantage. C’est la raison pour laquelle les gens le font. Par conséquent, retirer cette possibilité revient essentiellement à retirer la raison de tout ce stress et de toute cette responsabilité. Je trouve moi aussi que c’est inacceptable.

M. Crosby : Le ministre des Finances n’est aucunement crédible sur le sujet de la retraite. On ne peut même pas compter sur lui pour bien comprendre les exigences en matière de divulgation de renseignements financiers, et encore moins pour gérer notre économie. Il faut aussi s’attarder à ses antécédents. Son entreprise familiale est dans le milieu des pensions; il n’est donc pas étonnant qu’il ne veuille pas que des entreprises comme les nôtres accumulent de l’argent. Il souhaite nous inciter à acheter des produits comme ceux de Morneau Shepell. Il a trahi la confiance que nous, les propriétaires de petites entreprises, avons à l’égard de notre gouvernement.

Le sénateur Neufeld : Vous nous avez également dit que votre père prend sa retraite.

M. Crosby : Mon père aimerait prendre sa retraite, mais les changements risquent grandement de compromettre ses plans.

Le sénateur Neufeld : Bien. Merci.

Mme Green : Je pense que tout le monde souhaite un jour prendre sa retraite, toucher des revenus de pension intéressants, et peut-être aller en Floride six mois par année comme bien des gens. Mais les modifications mettent en péril ce désir pour nous tous, puisque nous ne pouvons économiser qu’un montant donné et n’avoir qu’une quantité limitée de revenus passifs. Le gouvernement souhaite limiter la somme d’argent que nous pouvons avoir à la retraite, ce qui repousse de plus en plus le moment où nous pourrons partir. J’aimerais un jour me retirer de mon entreprise. Dans un monde parfait, l’entreprise vaudrait beaucoup d’argent au moment de ma retraite, une somme que je pourrais obtenir aussi. Mais je ne peux pas tenir cela pour acquis. Notre milieu comporte beaucoup de risques. Il pourrait disparaître prochainement, et tout ce qu’il me resterait, ce serait peut-être des revenus passifs dans une société de portefeuille pour m’aider à traverser une période fort difficile. Je trouve donc très inquiétant qu’une personne me dise que je ne peux économiser qu’un montant donné.

Le sénateur Neufeld : Madame Green, vous dites que vous êtes dans l’industrie pétrolière et gazière, et que vous exportez la plus grande partie de votre production dans le monde, je suppose, ou fournissez-vous le Canada aussi? Je viens moi aussi de cette industrie, et j’aimerais brièvement savoir où se trouve le marché.

Mme Green : Environ 1 p. 100 de mon chiffre d’affaires provient du Canada, et le reste va ailleurs dans le monde. J’ai une concentration de clients à Houston, mais je vends aussi en Russie, au Japon, en Australie, en Europe et en Amérique du Sud. Je vends aux quatre coins du monde.

Le sénateur Neufeld : Vous pourriez donc transférer votre entreprise dans n’importe lequel de ces pays?

Mme Green : Oh, oui, tout à fait.

Le sénateur Oh : J’ai une question à l’intention des deux sœurs. Êtes-vous d’accord pour dire que le changement fiscal proposé sera particulièrement préjudiciable aux femmes qui sont propriétaires de petites entreprises, comme vous deux? Pourriez-vous nous en parler?

Mme Green : D’accord. Il est vrai que nous sommes des femmes. Bon nombre d’entre nous ont des enfants. Nous voulons prendre du temps pour nous après l’accouchement et profiter d’un congé de maternité. Par conséquent, nous mettons de l’argent de côté au sein de nos entreprises de façon à pouvoir financer notre propre congé maternité. Si on commence à limiter la somme que nous pouvons mettre de côté, cela pourrait nous empêcher de passer du temps avec nos enfants et notre famille. Nous n’avons aucun filet de sécurité. Nous ne bénéficions pas de l’assurance-emploi pour subvenir aux besoins de notre famille si nous prenons un congé maternité, de sorte que c’est très préoccupant.

Dre Schneider : De façon très similaire, il y a beaucoup de jeunes femmes en médecine vétérinaire. Parmi les nouveaux vétérinaires, 80 p. 100 ou plus sont de jeunes femmes, qui hésitent à acheter leur propre entreprise et à en être propriétaires. Il est vrai que le changement empire la situation. Dans le cas par exemple du congé de maternité, les jeunes femmes ne souhaitent pas nécessairement acheter une entreprise avant d’avoir eu leurs enfants, parce qu’elles doivent ensuite assumer la totalité du fardeau financier de tout cela. Je suis donc d’accord.

M. Crosby : Je ne détiens aujourd’hui aucune action de mon entreprise, mais ces changements ne tiennent aucunement compte non plus de l’apport de ma conjointe. Je suis souvent sur la route. Je lui parle probablement quelques heures par jour des problèmes que je rencontre dans le cadre de mon travail. Hier soir, elle m’a aidé à préparer mon exposé. J’aimerais pouvoir reconnaître son apport. Nous avons deux jeunes enfants à la maison, qui sont âgés de quatre et de deux ans. J’aimerais pouvoir reconnaître son apport en lui versant des dividendes à l’avenir.

Le sénateur Oh : Je vois. Êtes-vous tous les trois d’accord pour dire que les revenus et les investissements passifs sont essentiels pour les PME comme les vôtres? C’est important, car vos investissements ou vos revenus passifs serviront lors des moments difficiles. Vous les utilisez pour payer vos employés et poursuivre vos activités jusqu’à ce que vous puissiez faire volte-face au moment de la reprise économique, par exemple? Êtes-vous d’accord?

Mme Green : Oui. Dans mon exposé, j’ai dit que nous sommes dans le secteur pétrolier et gazier. J’ai placé de l’argent au sein ma société active, mais j’ai obtenu des revenus passifs qui nous ont permis de traverser la récession. L’argent nous a aidés au moment où un client n’a pas payé sa facture, ou lorsque personne n’a franchi la porte pendant un mois. Cet argent a contribué à payer mes employés. De même, le revenu passif d’une société de portefeuille que nous aurions tiré de nos dividendes nous permettra de nous en sortir, puisque nous n’avons ni de régime de retraite ni d’assurance-emploi; c’est donc notre filet de sécurité. Il s’agit d’un filet de sécurité pour notre entreprise en activité, mais aussi pour notre famille à l’avenir.

M. Crosby : Lorsqu’on n’a pas la possibilité d’accumuler de grandes quantités de revenus passifs, il faut se tourner vers l’endettement. Or, je doute que nous voulions encourager les Canadiens à contracter encore plus de dettes puisque c’est beaucoup plus risqué. Nous avons intérêt à garder notre argent entre nos mains, et à l’utiliser comme bon nous semble. Nous n’avons besoin d’aucune limite sur ce genre de chose.

Dre Schneider : En effet, un des avantages de mettre de l’argent de côté est d’avoir un coussin pour les périodes difficiles. En outre, cet argent peut servir à agrandir son entreprise et à assurer sa croissance. Je l’ai d’ailleurs fait dans une certaine mesure au cours des cinq dernières années en ouvrant deux nouveaux hôpitaux vétérinaires. Je suis donc d’accord.

Le sénateur Oh : Seriez-vous d’accord pour dire que l’argent mis de côté pour des revenus ou des investissements passifs n’est pas ce que le gouvernement appelle de l’argent mort? C’est vital à l’avenir de l’entreprise ou de la famille.

Mme Green : Tout à fait. C’est vrai dans les deux cas. Il s’agit de notre filet de sécurité. Nous avons besoin d’un tel filet, et cet argent en est un.

M. Crosby : L’argent mort n’existe pas. J’ignore même d’où vient ce concept.

Mme Green : Je suis d’accord.

La sénatrice Cools : J’aimerais remercier nos trois témoins de leurs excellents témoignages. J’ai écouté très attentivement les deux sœurs. Je vais vous appeler le groupe des deux sœurs. Par ailleurs, vous ne le savez pas, monsieur Crosby, mais vous m’avez rappelé une bonne partie de mon enfance. Pendant des siècles, le Canada et les Caraïbes ont eu une relation commerciale profonde et exceptionnelle en ce qui a trait à la mélasse, au sucre et à la morue salée. Les gens parlent simplement de morue ou de poisson salé. Votre témoignage m’a donc rappelé mon enfance, monsieur.

Ma mère possédait une plantation de canne à sucre. Elle connaissait bien les variétés de canne et savait laquelle était la meilleure. J’ignore si vous le savez, mais la Barbade a mis au point un concept de plantation de canne à sucre tout à fait autosuffisante, et la région excellait également dans le développement des meilleures variétés de canne à sucre. J’ai souvent entendu ces histoires lorsque j’étais très petite. Je me souviens être allée dans des raffineries de sucre, qui étaient très bruyantes et avaient de gros équipements. On pouvait voir d’énormes machines soulever et transporter les cannes à sucre. Je garde de vifs souvenirs des entreprises de mélasse et de canne à sucre.

Pendant que vous nous parliez, monsieur Crosby, je ne pouvais m’empêcher de penser que ce serait vraiment dommage si vous ne pouviez pas poursuivre vos activités professionnelles, et que ce serait une grande perte pour les gens qui comptent sur vous.

Dans le cadre des audiences, j’ai eu l’impression de devoir en faire plus pour vous, étant donné que ces propositions ont été mal conçues et exécutées. Je souhaite seulement que nous puissions faire mieux. Notre rapport permettra peut-être de faire valoir ces arguments auprès du gouvernement et de la population. Il s’agit davantage d’une affirmation que d’une question. Monsieur Crosby, j’aimerais vous demander si vous voyez une solution à ce dilemme, avec laquelle vous pourriez nous aider?

M. Crosby : Je pense que la solution commence par un retour à la table à dessin. Il serait bien de recevoir des excuses aussi. À Ottawa, il n’y a actuellement aucun véritable débat sur le sujet. Vous regardez la période des questions, et vous vous demandez pourquoi la population est aussi contrariée par les politiciens. Des questions sont posées, mais tout ce que vous obtenez, ce sont des messages préfabriqués.

J’ai envoyé 40 courriels aux députés libéraux du Canada atlantique pour leur faire part de mes préoccupations relatives à ces changements, et j’ai reçu quatre réponses qui présentaient les mêmes messages préfabriqués. C’est un sujet fort complexe, mais je suis vraiment inquiet que les gens prennent des décisions et respectent la ligne du parti plutôt que de vraiment comprendre ce sur quoi ils votent. Je n’ai pas l’impression qu’ils représentent les intérêts de leurs électeurs. Je pense qu’il s’agit d’une pensée purement politique dans le cadre du cycle électoral. Ils se disent que puisqu’il y a moins de personnes riches et de gens aisés, il n’y a aucun problème à créer un fossé et à vraiment s’en prendre à eux. Eh bien, cette attitude entraînera des conséquences, n’est-ce pas? Les gens vont s’en aller; ils vont changer leur comportement.

Par conséquent, je pense vraiment que le gouvernement doit s’arrêter et s’excuser. Les politiciens ne rétabliront pas la confiance à l’aide de leurs paroles, mais plutôt de leurs gestes. Nous devons réunir les bons interlocuteurs et prendre le temps de bien faire les choses. Le code des impôts compte quelque 35 000 pages. Il regorge de déductions et d’exemptions, et il est bien trop compliqué. Nous pouvons faire mieux que cela.

La sénatrice Cools : Je me pose une question. Un très grand nombre de personnes nous ont proposé de recommander au gouvernement de former ce que nous appelons une enquête, une commission d’enquête, ou plutôt une commission royale, ce qui est autorisé aux termes de la Loi sur les enquêtes. Qu’en pensez-vous?

M. Crosby : Je serais tout à fait en faveur d’une commission royale. Les conséquences non voulues d’une erreur pourraient nous faire reculer pendant des générations.

La sénatrice Cools : Pendant des générations.

M. Crosby : N’est-ce pas? Nous devons penser au-delà du cycle électoral. Nous devons nous demander où nous voudrions que notre pays se trouve d’ici 40 ans, et nous devons nous doter d’un code des impôts qui nous rendrait concurrentiels à l’échelle mondiale, ce qui n’est pas le cas.

La sénatrice Cools : Bien. Il est merveilleux d’être dans les Maritimes. Lorsque je viens par ici, je me sens toujours près des Caraïbes orientales.

La sénatrice Marshall : J’aimerais parler de la remarque de M. Crosby à propos des messages préfabriqués, et aussi de certains renseignements que vous nous transmettez.

Ces modifications fiscales n’ont fait l’objet d’aucune évaluation des répercussions. Elles ont simplement été mises en œuvre. Le ministre Morneau a bel et bien comparu devant le comité des finances. Je lui ai demandé si une évaluation des conséquences économiques a été réalisée. J’ai moi aussi eu droit à de beaux discours. Je n’ai obtenu aucune réponse. J’en ai conclu que s’il y en avait eu une, le ministre l’aurait dit, mais puisqu’il ne l’a pas fait, j’en comprends qu’il n’y a eu aucune évaluation semblable des répercussions ni sur l’économie, ni sur les petites entreprises, ni sur les contribuables.

J’ai en quelque sorte procédé à l’envers aujourd’hui, mais je commence habituellement par demander aux témoins de nous donner un aperçu de l’environnement dans lequel ils évoluent actuellement. Nous parlons des modifications fiscales, mais ce n’est qu’un des facteurs, surtout pour les entreprises du Canada atlantique. Il y a beaucoup de défis à relever. Je pense simplement à des enjeux comme l’ALENA, qui aura une incidence sur certaines entreprises. La situation doit être difficile dans le Canada atlantique. Les taux d’intérêt sont à la hausse. J’ai rencontré cet été un homme qui avait mené une étude sur les titres de créance des sociétés. La dette à la consommation est à la hausse, mais celle des sociétés l’est aussi, de sorte que les taux d’intérêt sont une source de préoccupation.

L’économie s’est plutôt bien portée jusqu’à maintenant, mais nous remarquons maintenant des signes de ralentissement. Il n’y a donc pas que les modifications fiscales proposées qui entrent en ligne de compte, mais d’autres facteurs aussi. Vos entreprises sont soumises à beaucoup d’autres pressions. Pourriez-vous nous donner une idée de l’environnement dans lequel chacune de vos entreprises évolue, et nous parler des autres choses qui exercent vraiment une pression sur vous? Veuillez nous préparer le terrain. Il ne s’agit pas que des modifications fiscales proposées. Elles porteront un coup très dur à vos entreprises, mais d’autres éléments entrent aussi en ligne de compte. Je vous invite donc à nous donner une idée des autres répercussions.

Mme Green : Eh bien, je possède une entreprise d’exportation. J’exerce mes activités en dollars américains, de sorte que j’ai des problèmes relatifs à la devise. Mes plus proches partenaires commerciaux sont au Royaume-Uni. Ils sont en train de se retirer de l’Union européenne.

La sénatrice Marshall : Le Brexit.

Mme Green : Il y a aussi l’ALENA. Bon nombre de mes clients sont aux États-Unis. Je dois entretenir des relations commerciales avec l’Amérique du Sud. Le Partenariat transpacifique est également un problème, étant donné que je fais des affaires dans cette région. La devise est toujours d’une importance capitale pour moi puisque je fais tout en dollars américains.

Je fais du commerce avec tous ces pays dans le monde. En tant que propriétaire d’une entreprise du Canada atlantique, je dois comprendre l’ensemble des règles et des règlements de tous les pays avec lesquels je traite. Je fais des affaires avec des nations qui font l’objet de sanctions, de sorte que je dois comprendre ce qu’il est acceptable de faire ou non avec elles. Je dois comprendre comment envoyer des colis partout dans le monde. Il y a tellement de choses qu’un propriétaire d’entreprise doit savoir lorsqu’il fait des affaires et exporte à partir du Canada, mais nous faisons exactement ce qui est attendu de nous. Nous introduisons de nouveaux capitaux étrangers au Canada, de sorte que nous ne réutilisons même pas l’argent. Nous repartons à neuf avec notre argent, que nous distribuons au sein de l’économie. Nous trouvons des réponses au fur et à mesure, mais la seule chose dont nous étions certains, c’est le régime fiscal auquel nous sommes en quelque sorte assujettis, et que nous comprenons. Tout le reste change constamment, mais cette certitude nous est maintenant retirée aussi.

Puisque j’ai été convoquée à la séance d’aujourd’hui, toutes sortes de propriétaires d’entreprise que je connais me parlent désormais de leurs préoccupations. Mon physiothérapeute voulait élargir son entreprise. Il avait signé toutes les ententes nécessaires pour faire l’acquisition d’un plus grand local de son immeuble, mais il s’est arrêté parce qu’il a vraiment peur de l’incidence des modifications sur sa situation. Un de mes amis est entrepreneur. Il possède une entreprise familiale, et tout est en place pour sa retraite. Comme il prend de l’âge, il voit maintenant ce qui se passe, et il est mort de peur parce qu’il croit être en train de perdre toutes ses épargnes de retraite, et il craint de devoir travailler pendant de nombreuses années encore. Les répercussions sont très profondes; c’est tout simplement effrayant.

La sénatrice Marshall : C’est parce que vous avez des liens avec toutes ces autres entreprises.

Mme Green : Oui.

La sénatrice Marshall : Merci. Cette réponse m’est utile.

Dre Schneider : Mon problème vient en partie du fait que j’ai une clinique à Fredericton, où le marché est très concurrentiel; il est donc très difficile d’y faire croître mon entreprise. Je suis aussi à la merci des taux d’intérêt et des augmentations salariales. Ces dernières exercent des pressions sur mon entreprise. La concurrence offre des bas prix et les augmentations salariales poussent mes coûts à la hausse; il est donc très difficile de faire des affaires à Fredericton.

Si j’ai décidé d’ouvrir une clinique à Terre-Neuve, c’est notamment dans une perspective d’avenir, en pensant prendre un jour ma retraite avec mon conjoint. Mais les problèmes sont différents là-bas. La région est notamment touchée par une pénurie de main-d’œuvre. Or, j’ai besoin de personnel hautement qualifié dans mes cliniques, et les vétérinaires et les techniciens vétérinaires doivent quitter l’île pour suivre leur formation. Nombreux sont ceux qui ne reviennent pas ou qui s’installent au Canada ou aux États-Unis. Il est donc difficile de les trouver et de les faire revenir. Le ralentissement économique qui sévit à Terre-Neuve rend la situation encore plus difficile.

La sénatrice Marshall : Oui, en effet.

Dre Schneider : Les salaires sont supérieurs sur l’île, et le coût des services, des fournitures et de tout ce dont mon entreprise a besoin y est plus élevé parce qu’il s’agit d’un marché fermé. Tout coûte plus cher à Terre-Neuve.

La sénatrice Marshall : Avez-vous étudié à l’Île-du-Prince-Édouard?

Dre Schneider : Oui.

La sénatrice Marshall : À quel endroit les techniciens vétérinaires suivent-ils une formation?

Dre Schneider : Les deux endroits les plus proches sont en Nouvelle-Écosse et à Moncton, et c’est en fait plus court. C’est de trouver un technicien vétérinaire qui est le plus difficile pour une clinique vétérinaire.

La sénatrice Marshall : Dans une clinique vétérinaire, c’est un de vos plus gros défis?

Dre Schneider : Oui. C’est plus difficile que de trouver des vétérinaires. Il est difficile de dénicher des vétérinaires aussi, mais les techniciens vétérinaires sont extrêmement difficiles à trouver.

La sénatrice Marshall : Bien. Et qu’advient-il du salaire minimum au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse? Il vient d’augmenter en Ontario. Avez-vous dit que cela vous pose problème également?

Dre Schneider : Oui. Eh bien, il a augmenté, et on chuchote qu’il va encore augmenter. Même quand on ne paie pas ses employés au salaire minimum, cela fait augmenter tous les salaires. On a donc moins d’argent à sa disposition, ce qui a des répercussions sur l’entreprise et fait en sorte qu’il est plus difficile d’être en affaires. Bien des facteurs ont une incidence sur l’entreprise.

M. Crosby : Nous nous préoccupons de l’ALENA, des coûts de transport, de la distance jusqu’aux marchés, des prix du carburant, de la fluctuation des devises, des regroupements dans le secteur de l’épicerie, des étiquettes de mises en garde que Santé Canada propose d’apposer sur les aliments, des changements démographiques, de l’engouement pour les repas prêts à manger et les aliments préparés, de l’évolution du taux d’intérêt et des cotisations au Programme d’indemnisation des travailleurs. Nous payons plus que le salaire minimum, mais cela fait augmenter nos coûts de main-d’œuvre. Il faut également tenir compte des avantages sociaux, de l’urbanisation de la population, de l’automatisation, de l’intelligence artificielle, de la robotique et de tout cela. Nous en avons plein les bras, et par-dessus le marché, le gouvernement ne comprend pas les entrepreneurs, ne reconnaît pas leur valeur et ne défend pas leurs intérêts. Alors, au lieu de m’inquiéter de tout cela, je suis obnubilé par les impôts.

La sénatrice Marshall : Oui. Vous avez parlé d’urbanisation. Quelle incidence ce phénomène a-t-il sur votre entreprise?

M. Crosby : Eh bien, notre principal produit est la mélasse, un produit traditionnellement utilisé pour cuisiner à la maison. De façon générale, plus les gens convergent vers les centres urbains, plus ils perdent leurs traditions.

La sénatrice Marshall : Délaissant ainsi votre produit.

M. Crosby : Absolument. Notre consommateur moyen n’a pas 35 ans.

La sénatrice Marshall : Il se trouve plutôt dans mon groupe d’âge.

M. Crosby : Nous sommes donc confrontés à bien des défis.

Le sénateur Neufeld : Je voudrais avoir votre son de cloche. Je vais vous faire part des propos que nous avons recueillis hier, mais que nous avons entendus de la bouche de médecins et de professionnels des quatre coins du pays. Si ces modifications sont mises en œuvre, cela aura une incidence dramatique sur les professions de la santé et pourrait inciter certains professionnels à déménager, à prendre leur retraite ou à simplement abandonner le métier. J’aimerais savoir comment ces mesures toucheraient vos entreprises, si ces dernières survivent.

J’ai passé une bonne partie de ma vie au Parlement de Colombie-Britannique et au sein de gouvernements alors que Gordon Campbell était premier ministre. Il répétait toujours aux ministres du Cabinet que, selon sa théorie, il fallait remettre plus d’argent dans les poches des gens, des entreprises et des particuliers, et les laisser décider de ce qu’il convenait d’en faire au lieu de l’accaparer et de le dépenser. Il semble que la philosophie soit différente à Ottawa actuellement, car le gouvernement pense qu’il peut dépenser notre argent mieux que nous, ce qui se traduit par des hausses d’impôt. De fait, si vous ne réinvestissez pas votre argent dans votre entreprise, vous serez imposés à 73 p. 100 parce que nous nous croyons futés et pensons que nous savons comment dépenser.

Expliquez-moi brièvement comment ces deux scénarios vous toucheraient. Convenez-vous avec moi qu’il vaut mieux que l’argent soit dans vos poches que dans celles du gouvernement?

M. Crosby : Je ne veux pas vilipender les organismes de développement économique, car ils sont utiles et emploient un grand nombre de personnes honorables. Cependant, je préférerais, et de loin, avoir cet argent dans mes poches pour l’utiliser comme bon me semble. À mon avis, c’est une question de bon sens. J’ignore quand j’ai entendu quelqu’un dire: « Nous avons un gros problème; appelons le gouvernement pour qu’il le règle. »

Le sénateur Neufeld : Oui. C’est une bonne citation. Je suis d’Ottawa et je suis là pour vous aider.

La sénatrice Marshall : C’est du gouvernement, de l’Agence du revenu du Canada.

Mme Green : J’ai deux histoires à raconter. Quand nous cherchions à prendre de l’expansion à l’échelle internationale — et je vous ai indiqué que nous avions noué un partenariat avec une entreprise du Royaume-Uni —, nous devions élargir nos relations dans un grand nombre de pays producteurs de pétrole. Nous avions besoin d’aide pour y parvenir, car les gens ne parlent pas toujours notre langue et nous ne comprenons pas leurs coutumes. Au Royaume-Uni, le groupe responsable du commerce et de l’investissement offre un excellent programme qui aide les entrepreneurs à élargir leurs activités à l’étranger. Les agents se rendent dans le pays concerné pour y effectuer une étude afin de voir quels clients vous pourriez y avoir, puis ils vous jumellent avec des clients potentiels avec lesquels ils organisent des rencontres. Ils proposent ce service, qui est toutefois payant. Nous avons décidé quels pays nous intéressaient et, après que nous eûmes payé, les agents nous y ont déniché des clients, organisant avec eux des rencontres au cours desquelles ils nous ont aidés au chapitre de la langue, de la culture et d’autres aspects. C'est nous qui avons choisi les pays et les services pour lesquels nous voulions payer. Ce programme a fait des merveilles pour faire croître notre entreprise. Si nous demandons au gouvernement de faire de même, il ne saurait pas qui sont nos clients ou ce qu’il faut faire. Nous avons donc travaillé en partenariat avec le gouvernement, mais les démarches étaient financées avec notre argent. Je considère que ce genre de programme est très important et peut s’avérer utile, mais il faut encore que les décisions et les fonds viennent des propriétaires d’entreprise. En affaires, il faut être prêt à investir son argent pour concrétiser ses rêves.

Vous avez mentionné les médecins, et une de mes très bonnes amies est spécialiste. Elle est probablement la plus grande spécialiste du monde, et il se trouve qu’elle demeure à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Elle n’est pas originaire de la région, mais elle a décidé de s’y installer en raison de la qualité de vie et du fait qu’elle y a un merveilleux groupe d’amis. Elle reçoit des offres de toutes les régions du Canada, particulièrement de l’Alberta, qui lui propose des offres incroyables pour tenter de l’attirer dans ses centres de pratique. Elle s’est donc adressée à notre autorité sanitaire pour lui expliquer ce qu’il se passait et lui montrer l’offre qu’elle avait reçue. L’autorité sanitaire l’a alors encouragée à créer une société privée et à être payée ainsi. Fait intéressant, elle a décidé de le faire. Elle voulait rester. Elle adore sa spécialité et aime ce qu’elle fait. Elle a donc créé la société privée. Comme j’ai agi à titre de signataire, j’étais avec elle et son conjoint quand, en sortant du bureau de l’avocat, nous avons consulté Twitter et vu que le gouvernement annonçait ces changements, le jour même où elle a créé sa société privée. Depuis, elle s’inquiète vivement, car elle a refusé une occasion fantastique dans l’Ouest pour rester, et l’horizon est maintenant incertain. Je peux vous dire qu’elle ne pense pas à grand-chose d’autre, et nous préférerions qu’elle pratique sa spécialité. Cette annonce a suscité de l’incertitude, car d’un côté, on nous encourage à faire quelque chose, alors que de l’autre, on nous l’interdit. Cela ne va pas.

Dre Schneider : En ce qui concerne les médecins, je ferais remarquer que nous avons besoin de soins de santé. J’ai regardé mon médecin travailler ces 30 dernières années. Il est parti à la retraire juste avant que ces mesures ne soient annoncées. Les médecins ne choisissent pas leur profession pour exploiter les mesures fiscales. Leur métier n’est pas facile. Ils travaillent extrêmement fort, et il est insensé de leur interdire certaines pratiques. Nous devons leur permettre de prospérer et de prendre soin de notre santé.

Pour répondre à votre autre question, je reviendrai à ce que j’ai indiqué à la fin de mon exposé. Notre pays doit permettre aux entrepreneurs de croître et de prospérer, et c’est en gardant l’argent dans leurs poches qu’ils y parviendront.

M. Crosby : Certains n’éprouvent pas beaucoup de sympathie envers les médecins parce qu’ils gagnent des revenus élevés, mais si on tient compte de l’incidence que ces mesures auront tout au long de leur carrière, ils auront beaucoup moins d’argent à la retraite. Je ne vois pas comment le fait de réduire de 40 ou de 50 p. 100 la capacité des médecins d’économiser en vue de la retraite peut représenter une saine politique publique, alors que juste à côté, une pénurie de médecins sévit et ils peuvent bénéficier de salaires bien plus élevés. Cette épouvantable politique fait complètement fi des forces du marché.

La sénatrice Marshall : J’ai également été émue par l’histoire que Mme Green a racontée, mais je me suis reprise. Merci.

Le sénateur Oh : C’est aujourd’hui que nous terminons notre tournée nationale, au cours de laquelle nous sommes allés à la recherche des faits et avons écouté les Canadiens, qu’il s’agisse de deux sœurs, de familles ou de PME. Je pense qu’il importe de réaliser que le gouvernement n’a pas bien écouté la voix des citoyens. Ces derniers se sont exprimés, et ils veulent que le gouvernement sache qu’ils ont besoin d’aide. Il ne doit pas leur enlever le pécule qu’ils ont mis de côté en prévision des années de vaches maigres, car ils en ont besoin.

La question que j’ai à vous poser est simple. Si le ministre était ici, que lui diriez-vous? Le gouvernement peut encore imposer ses mesures s’il le souhaite. Que diriez-vous au ministre s’il était ici aujourd’hui, dans cette pièce?

Dre Schneider : J’aime que M. Crosby ait proposé de revenir à la case de départ et d’examiner la réforme fiscale, mais dans l’optique d’aider les entrepreneurs à croître et à prospérer en modifiant et en simplifiant le régime fiscal pour favoriser leur croissance et leur prospérité au lieu de leur enlever quelque chose et de faire en sorte qu’il soit plus compliqué de posséder et d’exploiter une entreprise.

M. Crosby : Selon moi, le fait qu’un dirigeant admette parfois qu’il a tort est un signe d’efficacité. Le ministre doit certainement admettre qu’il est dans l’erreur et repartir à zéro. Il doit mobiliser toutes les parties prenantes, et nous devons prendre le temps d’étudier et de comprendre en profondeur la question et les implications qu’elle pourrait avoir. Il pourrait être imprudent d’aller de l’avant avec une telle initiative sans bien en comprendre les conséquences.

Mme Green : Je pense qu’une partie du problème vient du fait que cette affaire a entamé la confiance à l’égard du gouvernement en raison de la manière dont il a présenté la réforme et persiste à l’imposer en dépit du tollé qu’elle suscite.

C’est un peu embêtant de devoir témoigner devant vous aujourd’hui au lieu de m’occuper de mon entreprise. On a besoin de moi au bureau. Il y a des tâches qui restent en suspens parce que je suis ici, mais la question m’intéresse vivement et je pense que si nous utilisons notre voix, peut-être que quelqu’un l’entendra.

Je suis entièrement d’accord avec James : nous devons repartir à zéro. Il faut que tous les entrepreneurs puissent s’exprimer pour expliquer les difficultés auxquelles ils se heurtent et dire ce que nous pourrions faire. Nous sommes tous vraiment intelligents. Nous pouvons trouver des solutions novatrices que nous pourrions appliquer à notre régime fiscal pour faire du Canada le meilleur pays du monde pour faire des affaires. C’est vraiment ce que je souhaiterais. Je voudrais que le Canada soit le meilleur pays du monde pour posséder une entreprise et que les immigrants de tout horizon puissent lancer leur entreprise et contribuer à la croissance de notre pays. Nous avons l’espace nécessaire: utilisons-le pour faire prospérer les entreprises au sein d’une économie florissante.

Le sénateur Oh : J’ai une dernière question: est-ce que l’un ou l’une d’entre vous possède une fiducie familiale ou une fiducie quelconque? Oui ou non?

Mme Green : Non. Mes enfants étant américains, je ne peux pas en posséder.

M. Crosby : Notre entreprise est structurée de telle manière que nous avons une fiducie.

Dre Schneider : Après avoir décidé de renoncer à la citoyenneté américaine, ce que je regrette maintenant, j’ai ouvert une fiducie familiale.

Le président : Avant que nous ne levions la séance, je demanderais à Mme Green de bien vouloir nous décrire son produit.

Mme Green : Comme c’est un peu complexe, je vous l’expliquerai succinctement.

Nous utilisons la technologie d’imagerie par résonnance magnétique, la même qu’on utiliserait dans le domaine des soins de santé, mais à bien plus petite échelle pour obtenir des images de roches extraites du sol au cours du processus d’exploration. Nous élaborons le logiciel pour que l’instrument de résonance magnétique nucléaire effectue les mesures et transforme les données en renseignements pétrophysiques utiles aux sociétés pétrolières et gazières. En utilisant notre logiciel et nos produits en laboratoire, nous pouvons aider ces sociétés à connaître la quantité de pétrole et de gaz qui se trouve dans le sol et à déterminer la meilleure manière de l’extraire. Nous vendons le logiciel et l’équipement aux sociétés pétrolières et gazières et aux fournisseurs de services. Nous effectuons aussi des tests sur des carottes de forage dans notre laboratoire de Fredericton, où des entreprises envoient des roches de toutes les régions du monde afin de comprendre comment les fluides se déplacent à l’intérieur de la roche, dans le sol, et à quelles forces ils sont soumis.

Le président : Merci.

Monsieur Crosby, vous avez évoqué le seuil relatif au revenu passif. Que diriez-vous si, plutôt que d’imposer un seuil de 50 000 $, on appliquait un pourcentage des actifs accumulés?

M. Crosby : Tout ce que je demanderais, c’est que nous recevions un traitement équitable par rapport à nos concurrents cotés en bourse. Ces derniers ne sont soumis à aucun seuil et à aucun pourcentage: pourquoi les entreprises privées le seraient-elles?

Le président : Voilà un excellent argument.

Est-ce que quelqu’un d’autre voudrait intervenir? Madame Green, docteure Schneider? Non?

Je vous poserai alors la question suivante : avez-vous des observations à formuler au sujet des Panama Papers, des Paradise Papers et de la manière dont l’ARC devrait examiner la question?

M. Crosby : Personne n’enfreint la loi dans l’affaire des Panama Papers. Voilà qui montre que le code fiscal est trop complexe. Les gens transfèrent leur agent à l’étranger parce qu’il est désavantageux de le garder au pays. Ces changements ne feront qu’encourager davantage ce genre de comportement.

Le président : Avez-vous un dernier commentaire à formuler aux fins du compte rendu?

Dre Schneider : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. J’espère qu’en n’étant pas auprès de mon entreprise et de ma famille aujourd’hui, j’ai pu avoir une influence quelconque et que vous avez écouté ce que nous avions tous à dire aujourd’hui. Merci.

M. Crosby : Je vous suis également très reconnaissant de m’avoir donné l’occasion de témoigner, et j’espère que le gouvernement libéral pourra comprendre qu’il doit repartir à zéro et prendre le temps d’étudier la question de manière efficace, car ces mesures ont encore une panoplie de conséquences non voulues.

Mme Green : Je suis heureuse d’avoir eu l’occasion de me faire entendre. J’ai l’impression de parler au nom de tous les propriétaires de petite entreprise. Nous n’avons pas la tâche facile, mais nous adorons ce que nous faisons. Nous aimons vraiment ce que nous faisons et nous voulons que notre travail soit plus facile et non plus difficile. J’espère donc que le gouvernement va nous écouter et ralentir.

Le président : Merci. Si, alors que nous nous apprêtons à présenter notre rapport au Sénat, vous souhaitez ajouter quelque chose, n’hésitez pas à communiquer avec notre greffière. Vous avez jusqu’au 15 décembre, date du dépôt du rapport. Nous voulons remercier chacun d’entre vous d’avoir comparu aujourd’hui. Vos témoignages ont été des plus instructifs.

(La séance est levée.)

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