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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


SAINT JOHN, Nouveau-Brunswick, le jeudi 23 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 13 heures, pour étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m’appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter, en partant de la gauche, s’il vous plaît.

La sénatrice Cools : Je m’appelle Anne Cools. Je suis de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l’Ontario.

Le président : Je profite de l’occasion pour vous présenter M. Maurice Harquail, ancien député de Restigouche, au Nouveau-Brunswick.

Merci d’être ici, monsieur Harquail.

M. Harquail : Merci, monsieur le président.

Le président : Aujourd’hui, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, notre comité continue son étude spéciale sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu. Le comité a reçu son mandat du Sénat du Canada le 26 septembre 2017, et compte présenter un rapport au Sénat du Canada le 15 décembre 2017.

Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à remercier notre premier groupe de témoins d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes impatients de connaître vos commentaires, vos opinions et vos recommandations. Cela nous sera très utile à la présentation d’un document représentatif des préoccupations des Canadiens d’un océan à l’autre.

Permettez-moi de présenter le premier groupe de témoins. Représentant BDO Canada LLP, nous avons Mme Jennifer J. Dunn, chef du secteur des services fiscaux. Nous accueillons aussi M. Barry Van Steeg, vice-président à la Planification fiscale et successorale à l’Owens MacFadyen Group et M. Dean Mullin, associé chez Steeves Porter Hétu and Associates Inc. Merci à tous d’être ici.

À ma gauche, nous avons la greffière du comité, Mme Gaëtane Lemay, et à ma droite, M. Sylvain Fleury, notre analyste en chef. La greffière m’a informé que tous les témoins feront un exposé. Nous commencerons par Mme Dunn, qui sera suivie de M. Van Steeg et de M. Mullin. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.

Madame Dunn, la parole est à vous.

Jennifer J. Dunn, chef du secteur des services fiscaux, Canada atlantique, BDO Canada LLP : BDO Canada est l’un des cabinets de services professionnels les plus importants du marché canadien. Nous offrons des services fiscaux aux entreprises privées du Canada ainsi qu’aux familles et aux particuliers qui en sont propriétaires.

J’exerce mes activités professionnelles dans l’ensemble des provinces de l’Atlantique, mais j’habite à l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai une connaissance approfondie de l’incidence qu’auront les mesures fiscales proposées sur les habitants de la province. J’ai récemment été nommée à la présidence de l’un des quatre conseils consultatifs régionaux sur l’économie par le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard. Notre mandat consiste à présenter des recommandations concernant les possibilités de croissance économique pour la région et pour l’Île-du-Prince-Édouard. L’agriculture et les pêcheries forment deux de nos trois plus importantes industries; ce sont surtout des entreprises familiales. Par conséquent, beaucoup de citoyens de la province sont gravement préoccupés depuis la publication, le 18 juillet, du document de consultation intitulé Planification fiscale au moyen de sociétés privées.

Étant donné les annonces qui ont été faites par le gouvernement fédéral au cours de la semaine du 15 octobre concernant d’importantes modifications aux propositions initiales du 18 juillet, je me concentrerai, dans le temps qui m’est imparti aujourd’hui, sur nos préoccupations qui n’ont pas encore été réglées.

Notre principale préoccupation est la nécessité d’un examen complet du régime fiscal. Le régime fiscal canadien n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi depuis 50 ans; il est grand temps de le faire. BDO Canada recommande le report de la proposition sur l’imposition des sociétés privées jusqu’à ce qu’un examen exhaustif du régime fiscal ait été entrepris. Plutôt que de proposer des solutions législatives de plus en plus complexes pour s’attaquer à des enjeux précis, une réforme fiscale plus large permettrait d’examiner les politiques et de formuler des recommandations intégrées. Un tel examen devrait être axé sur la recherche d’un équilibre entre l’atteinte de certains objectifs, comme l’équité, la simplicité et l’efficience pour tous les Canadiens, et la mise en place des conditions favorables à une croissance économique durable.

L’incidence de ces propositions sur la compétitivité du Canada est une autre préoccupation. Si on veut soutenir la croissance économique et la prospérité durable du pays, le régime fiscal du Canada devrait renforcer la position concurrentielle du Canada dans l’économie mondiale et offrir aux propriétaires d’entreprises des mesures adéquates pour les inciter à prendre des risques et investir dans notre économie. La proposition révisée comporte toujours des modifications importantes à la politique fiscale. Cela pourrait avoir pour effet de nuire à l’investissement privé et à la création d’emplois en augmentant davantage les coûts liés à l’exploitation d’une entreprise au Canada, menaçant ainsi la position concurrentielle du pays à long terme.

Une politique fiscale équitable a une forte incidence sur la compétitivité et la croissance. La conformité volontaire est plus probable si les mesures visant une augmentation des recettes sont généralement considérées comme équitables. On favorise l’investissement lorsque l’administration fiscale applique les lois fiscales de façon uniforme et assure la prévisibilité du régime fiscal. En outre, une administration fiscale efficace a pour effet de réduire les ressources de l’économie qui doivent être consacrées à la perception des recettes. La simplification du régime fiscal contribue à réduire les coûts et le fardeau des propriétaires de petites entreprises, qui disposent alors de plus de temps pour se concentrer sur la croissance de leur entreprise et la création d’emplois.

On présente cette réforme comme une mesure visant simplement à éliminer les échappatoires pour les mieux nantis. C’est inexact. On se retrouve plutôt avec une mesure législative trop complexe et lourde de conséquences. Par conséquent, le régime fiscal qui en résultera ne sera pas perçu comme étant équitable, ne sera pas prévisible, sera coûteux à administrer et alourdira considérablement le fardeau des contribuables.

J’aimerais maintenant m’attarder brièvement sur les propositions relatives à la répartition du revenu et aux règles sur l’investissement passif. En ce qui concerne les propositions sur la répartition du revenu, le libellé des dispositions sur l’impôt sur le revenu fractionné — les règles de l’IRF — qu’on retrouve dans la mesure législative proposée est complexe, large et, dans bien des cas, très difficile à interpréter. Le ministère des Finances préconise l’utilisation d’un critère de caractère raisonnable très subjectif pour l’examen de tout dividende versé à un membre de la famille. À notre connaissance, aucune autre administration ayant compétence sur les questions fiscales n’applique un critère de caractère raisonnable pour les dividendes. On craint que l’Agence du revenu du Canada n’ait pas eu assez de temps pour élaborer ses politiques et les directives connexes nécessaires à l’administration des nouvelles règles et à l’offre de conseils de conformité aux contribuables et à leurs conseillers. Cela entraînera de l’incertitude, des différends et des litiges fiscaux coûteux.

En ce qui concerne les propositions relatives aux règles sur l’investissement passif, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de mettre en œuvre des mesures visant à limiter les possibilités de report d’impôts liées aux investissements passifs, tout en permettant aux propriétaires d’entreprises de bénéficier de plus de souplesse pour faire des économies à des fins commerciales. Le gouvernement fédéral a l’intention d’accorder une exonération pour tous les investissements antérieurs et les revenus découlant de ces investissements, en plus de fixer la limite du seuil du revenu passif à 50 000 $ par année avant l’application de ces mesures. Bien que nous soyons favorables à une réduction de la portée d’application de ces propositions, nous considérons que les approches proposées sont extrêmement complexes et auront pour effet d’accroître considérablement les coûts de conformité des entreprises privées canadiennes.

On ne sait toujours pas, parmi les propositions initiales, lesquelles seront mises en œuvre comme prévu, lesquelles seront modifiées et lesquelles seront abandonnées. En outre, on ne sait pas avec précision à quel moment les diverses propositions entreront en vigueur. Les contribuables et les experts en fiscalité ont besoin de beaucoup de temps et de renseignements détaillés pour comprendre ces propositions fiscales complexes et en évaluer les répercussions. À bien des égards, ces propositions sont contraires aux principes de base d’une politique fiscale réfléchie: équité, simplicité, compétitivité, efficience, certitude, ciblage approprié et consultation.

BDO sert des milliers de clients — propriétaires de petites entreprises, familles et particuliers —; ce sont des gens qui travaillent fort, de véritables entrepreneurs qui sont le moteur de l’économie canadienne. Afin de favoriser l’adoption de pratiques exemplaires, BDO recommande au ministère des Finances de mettre en œuvre un processus officiel pour la conception d’une nouvelle loi fiscale respectueuse des principes de l’équité procédurale, de la transparence et de la consultation.

Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de présenter nos observations. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Barry Van Steeg, vice-président, Planification fiscale et successorale, Owens MacFadyen Group : Owens MacFadyen Group est une société de gestion de patrimoine comptant plus de 70 employés répartis dans ses bureaux de Halifax, de Moncton, de Saint John et, récemment, du centre-ville de Toronto. Nous travaillons avec plus de 500 entreprises privées et plus de 1 000 professionnels, dirigeants d’entreprises et retraités. Nous offrons notamment à l’ensemble de nos clients des services de planification financière et de modélisation approfondie de leur situation financière.

Notre principale préoccupation par rapport aux propositions du 18 juillet et aux modifications subséquentes est le manque total de compréhension dont a fait preuve le gouvernement à l’égard de leurs résultats et de leurs répercussions sur la vie des gens. Le gouvernement s’est essentiellement concentré sur un aspect précis, à un moment précis, tout en faisant totalement abstraction du portrait d’ensemble et du contexte global.

Après les annonces du 18 juillet, nous avons entrepris de comprendre les propositions et leurs répercussions grâce à une analyse détaillée. Nous avons décidé d’intervenir dans le débat au besoin. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.

Je vous ai fourni des informations détaillées, mais étant donné le temps dont nous disposons, je vais me concentrer sur deux ou trois aspects clés et vous présenter un résumé de l’analyse.

Selon ce gouvernement, les propositions visent à assurer l’équité du régime fiscal. Je vais vous présenter les résultats et les conséquences des modifications proposées et je vous laisserai le soin de déterminer si ces mesures sont équitables.

Je vais me servir d’un exemple semblable à celui qui a été utilisé lors de la présentation des propositions, le 18 juillet, où l’on comparait un propriétaire d’entreprise à un salarié. On parle de deux personnes de 35 ans ayant un revenu de 150 000 $ qui prendront leur retraite à 65 ans et qui ont un revenu disponible identique de 87 000 $ par année indexé à 2 p. 100 jusqu’à leur décès, à l’âge de 90 ans. Notre analyse est fondée sur les règles actuelles. Le propriétaire d’entreprise a une société privée sous contrôle canadien qui lui versera des dividendes, il aura recours au fractionnement du revenu avec sa conjointe et toute son épargne sera placée dans une SPCC, tandis que l’employé a un salaire, participe à un régime de retraite à cotisation déterminée, a droit à des avantages sociaux et aux prestations du Régime de pensions du Canada.

Voici les résultats de notre analyse approfondie:

Au cours de leur vie active, ils auront chacun épargné 1,3 million de dollars environ. Il y a toutefois une différence: la contribution de l’employeur au montant accumulé par l’employé sera de plus de 400 000 $, ou 30 p. 100, tandis que le propriétaire d’entreprise aura lui-même accumulé le plein montant de 1,3 million de dollars.

Au moment de prendre leur retraite, à 65 ans, cette épargne aura permis à l’employé d’avoir des actifs de 3,5 millions de dollars, contre 2,9 millions de dollars pour le propriétaire d’entreprise. L’écart est de 600 000 $.

Qu’est-ce qui explique cet écart important? Toutes les économies de l’employé sont placées dans des véhicules fiscaux avantageux comme les REER, les régimes de retraite à cotisation déterminée, le RPC et les comptes d’épargne libre d’impôt pour lesquels les gains ne sont pas imposés. Toutes les épargnes du propriétaire d’entreprise sont placées dans un compte imposable, par exemple un compte pour lequel le taux d’imposition au Nouveau-Brunswick est de 52,67 p. 100.

En outre, contrairement au propriétaire d’entreprise, l’employé reçoit des prestations indexées du RPC pendant sa retraite. De nombreux propriétaires d’entreprise choisissent de recevoir un dividende plutôt qu’un salaire pour éviter d’avoir à contribuer au RPC, puisqu’ils doivent verser une contribution deux fois plus élevée pour avoir droit aux mêmes avantages qu’un employé. Le RPC n’est pas un bon investissement pour le propriétaire d’entreprise.

Comme vous pouvez le constater, même si le montant épargné était identique, les résultats sont considérablement différents.

En ce qui concerne les impôts, le montant d’impôt payé par ces deux personnes au cours de leur vie est semblable, à la différence que le propriétaire d’entreprise a payé moins d’impôts au cours des premières années parce qu’il avait la possibilité de recourir au fractionnement du revenu. La différence diminue au fil du temps, puisque le propriétaire d’entreprise paiera plus d’impôt au taux de 52,67 p. 100 à mesure que ses investissements dans sa société augmentent. Il s’agit de l’une des principales raisons pour lesquelles le gouvernement se concentre sur ces propositions. On fait valoir que le propriétaire d’entreprise a un avantage injuste parce qu’à un certain moment — et c’est un point primordial —, il payait moins d’impôt qu’un salarié, ce qui lui permettait d’accumuler plus d’épargne dans sa société.

Il convient de préciser qu’un propriétaire d’entreprise se doit d’investir dans son entreprise, et ce, pour les raisons suivantes: accumuler des liquidités pour assurer la croissance future de l’entreprise; faire l’acquisition d’autres entreprises; diversifier son portefeuille; améliorer son bilan financier pour satisfaire aux exigences de financement, étant donné que les REER ne peuvent servir de garantie; assurer la stabilité de l’entreprise en prévision de périodes de ralentissement économique, de congé maternité ou d’invalidité; épargner en prévision de l’impôt lié aux transferts intergénérationnels. Les fonds restants, le cas échéant, serviraient de revenu imposable pendant la retraite.

Cette analyse approfondie démontre clairement que le propriétaire d’entreprise ne retire aucun avantage injuste dans le cadre des règles actuelles. Lorsqu’on tient compte de tous les avantages que reçoit le salarié et que le propriétaire d’entreprise ne reçoit pas, par exemple la contribution de l’employeur au régime de retraite, le RPC, les avantages sociaux de l’employé, l’assurance-emploi, la formation continue, les jours de vacances, les congés maladie, les jours fériés, et cetera, on ne peut que conclure que c’est le salarié et non le propriétaire d’entreprise qui a l’avantage.

Faisons maintenant la même analyse pour les propositions révisées. Dans ce cas, le propriétaire d’entreprise n’a pas recours au fractionnement du revenu avec sa conjointe et peut accumuler un maximum d’un million de dollars en investissements passifs dans sa société. Cela équivaut approximativement au capital requis pour obtenir un revenu passif de 50 000 $ exonéré d’impôt, en tenant compte d’un taux d’intérêt de 5 p. 100. Le reste est versé au propriétaire d’entreprise à titre de revenu imposable.

Voici les résultats de notre analyse approfondie:

Aux termes des règles proposées, le propriétaire aura épargné 500 000 $ de moins, de sorte qu’il aura épargné un million de dollars de moins lorsqu’il aura atteint l’âge de 65 ans. Par conséquent, aux termes des règles proposées, en supposant un revenu de retraite identique, le propriétaire n’aura plus d’argent lorsqu’il aura atteint l’âge de 81 ans.

Comparons maintenant la situation du propriétaire d’entreprise à celle de l’employé au terme des règles proposées, toujours avec le même revenu de retraite. À l’âge de 65 ans, l’employé aura épargné 1,5 million de dollars de plus, et il lui restera 2,8 millions de dollars à l’âge de 90 ans, tandis que le propriétaire aura manqué d’argent à 81 ans. À notre avis, c’est scandaleux.

Nous avons fait cette analyse comparative pour divers niveaux de revenu. Nous avons constaté que l’écart augmente en fonction du niveau de revenu. Par exemple, au niveau de revenu de 300 000 $ — trouve de nombreux médecins —, on observerait une baisse de plus de 57 p. 100 de l’épargne à l’âge de 65 ans par rapport aux règles actuelles, et ces personnes n’auraient plus d’argent lorsqu’ils atteindraient l’âge 74 ans. Autrement dit, s’ils ne veulent pas manquer d’argent, ces gens devraient réduire le revenu de retraite à 60 000 $, en dollars d’aujourd’hui, ce qui représenterait seulement 20 p. 100 de leur revenu antérieur à la retraite. Vous êtes-vous demandé pourquoi les professionnels de la santé qui sont propriétaires d’une entreprise accueillent ces propositions si défavorablement? Maintenant, vous le savez.

Cela aurait aussi une incidence sur les propriétaires d’entreprise des niveaux de revenu inférieur, même si le premier ministre Trudeau et le ministre des Finances Morneau ont indiqué à maintes reprises que les propriétaires d’entreprise qui ont un revenu de 150 000 $ ou moins pourront avoir recours aux REER et aux CELI pour financer adéquatement leur retraite. Vous pouvez trouver leurs citations au tableau B de l’annexe du document que je vous ai fourni. À titre d’exemple, au niveau de revenu de 100 000 $, on observe une baisse de plus de 25 p. 100 de l’épargne d’un propriétaire d’entreprise à l’âge de 65 ans par rapport à l’épargne qui serait possible aux termes des règles actuelles. De plus, ces personnes manqueront de liquidités à l’âge de 82 ans.

Nous ne nous expliquons pas comment nos dirigeants peuvent en arriver à faire de multiples déclarations aussi fausses. Soit ils n’ont pas fait leur devoir, de sorte qu’ils ne sont pas conscients des répercussions de ces propositions, soit ils trompent délibérément les Canadiens. Nous croyons ou du moins nous espérons que la réponse est la première hypothèse.

J’aimerais maintenant traiter brièvement de deux ou trois enjeux importants. Premièrement, le gouvernement fédéral s’inquiète de la possibilité que des sociétés privées canadiennes, des SPCC, détiennent trop de placements passifs. C’est pour cette raison qu’il propose un seuil de revenu de placement passif de 50 000 $.

Ce qu’on ne dit pas, c’est que les règles actuelles nuisent déjà aux SPCC. Le taux d’imposition actuel sur le revenu passif gagné dans une SPCC est de 49 à 55 p. 100, selon la province. La plupart des gens sont surpris d’apprendre que les taux actuels sont si élevés. Tout le monde est choqué d’entendre que le taux d’imposition des revenus passifs de plus de 50 000 $ frôlera les 73 p. 100.

Les sociétés étrangères privées et les sociétés ouvertes dont le siège social est en Ontario sont assujetties à un taux d’imposition de 26,5 p. 100 pour ce même revenu passif, sans égard au montant gagné. Nos principaux concurrents, la RBC, la TD et d’autres banques ne paient que 26,5 p. 100 d’impôt. Comme nous sommes une SPCC, nous payons le double.

Le président : Le document que vous nous avez fourni est intégré aux travaux du comité. Je vous demanderais maintenant de conclure. Vous avez dépassé le temps qui vous était accordé.

M. Van Steeg : En conclusion, j’ai dit au début de mon exposé que je vous laisserais décider si les propositions sont justes. Ces propositions visent uniquement les propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien. Selon notre analyse détaillée, des milliers et des milliers de Canadiens seront touchés de manière appréciable et négative par ces propositions, que nous jugeons injustes.

Nous croyons que les particuliers et les entreprises prospères ont le choix. Si le taux d’imposition grimpe à 73 p. 100 et si le coût de l’épargne pour la retraite et l’éducation des enfants double, alors les gens, les entreprises et les capitaux fuiront le pays. C’est une certitude. Certains s’y préparent déjà.

Si l’objectif du gouvernement du Canada est de rendre notre régime fiscal équitable, cet ensemble de propositions nous dirige dans la mauvaise direction. Il ne s’agit pas d’une opinion. Cette affirmation est appuyée par des faits.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Le tableau A de l’annexe de votre document est très détaillé.

Dean Mullin, associé, Steeves Porter Hetu et Associés Inc. : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant le comité pour parler de l’incidence des modifications proposées sur les propriétaires de petites entreprises, leurs employés et l’économie en général.

Je suis l’associé d’un cabinet de CPA de Quispamsis dont les activités se centrent sur les entreprises gérées par leur propriétaire et les particuliers. Je suis CA depuis 1997 et je travaille dans le domaine de l’impôt depuis 1999, tant à titre d’expert-comptable qu’à titre de fiscaliste. Ces modifications ont donné lieu aux plus vives protestations que j’ai entendues dans ma carrière, parce qu’elles toucheront toutes les SPCC.

De quelle façon ces modifications toucheront-elles les SPCC? Il y a tout d’abord le fractionnement du revenu. Je parle de fractionnement plutôt que de répartition parce que je crois la répartition est un drôle de terme qui ne reflète pas la réalité.

En réduisant la capacité des propriétaires d’entreprises à verser des dividendes aux membres de leur famille, on alourdira grandement leur fardeau fiscal. On alourdira aussi le fardeau de leurs employés, de leurs clients et de leurs fournisseurs.

Par exemple, si un propriétaire d’entreprise doit payer 20 000 $ de plus en impôt sur le revenu dont il a besoin pour maintenir son style de vie ou financer l’éducation de ses enfants, il devra retirer 50 000 $ supplémentaires de son entreprise. Pour cela, il devra apporter des changements. Il devra peut-être accroître ses revenus ou négocier de meilleurs prix avec ses fournisseurs; or, ces fournisseurs seront peut-être dans la même situation que lui. Ainsi, il est fort probable que l’entreprise réduise son personnel pour arriver à ses fins, ce qui signifie que les employés congédiés ne pourront plus dépenser et faire rouler l’économie, puisque leur salaire ne servira plus à payer de l’impôt. On comprend que ces modifications auront un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie.

Alors que l'on confirmait les restrictions relatives au fractionnement du revenu, le ministre Morneau annonçait une réduction du taux d’imposition des petites entreprises, qui allait passer à 9 p. 100 d’ici 2019. Bien que toute forme d’aide soit la bienvenue, une économie maximale de 7 500 $ sur un revenu de 50 000 $ n’aura pas d’incidence sur les décisions d’une entreprise.

De l’autre côté de cette réduction se trouve une augmentation d’impôt pour les actionnaires lorsque des dividendes sont versés. Dans la plupart des provinces, cette augmentation de l’impôt personnel correspond à peu près à la réduction de l’impôt des petites entreprises.

Le ministère des Finances a fait valoir que des dividendes raisonnables pouvaient être versés et que les règles allaient être claires à ce sujet. Sans égard à la façon dont le ministère modifiera le libellé du critère du caractère raisonnable, la subjectivité en fera toujours partie.

Oui, le caractère raisonnable fait partie de la Loi de l’impôt sur le revenu lorsqu’on parle du salaire, des dépenses, et cetera, mais tous ces chiffres sont associés à des montants comparables, ce qui n’est pas le cas pour les dividendes. Ainsi, la comparaison n’est pas pertinente.

De plus, les propriétaires d’entreprise à la retraite, qui utilisent leur société dans le cadre de leur plan de retraite partagent leur revenu avec leur conjoint. Le 1er janvier, leur taux d’imposition augmentera, mais les personnes qui ont un régime de revenu enregistré pourront toujours partager leur revenu avec leur conjoint, ce qui est la même chose, mais qui entraîne un résultat différent.

En vertu des règles actuelles, les SPCC voient leurs revenus passifs imposés à environ 53 p. 100. Il est difficile de croire que le seuil arbitraire de 50 000 $ de revenu passif qui, selon ce qu’on présume, comprend les dividendes, les intérêts et le loyer et se fonde sur un taux de rendement arbitraire, est approprié lorsqu’on pense à l’épargne-retraite, à la croissance de l’entreprise, à la protection des affaires ou au congé de maternité.

Par exemple, un employé du gouvernement qui a un régime de retraite à prestations déterminées pourrait avoir une valeur cumulée d’environ 2 millions de dollars au moment de sa retraite et ne courrait aucun risque puisque ce capital est garanti par nous. Je donne l’exemple d’un employé du gouvernement, puisque ces renseignements sont publics.

Si l’on exige un taux d’imposition supérieur aux propriétaires d’entreprises lorsqu’ils franchissent le cap du 1 million de dollars de capitaux, ils auront beaucoup plus de difficulté à épargner, puisque les REER ne permettent pas la souplesse requise aux fins des cycles économiques.

De plus, le concept des droits acquis suscite de l’inquiétude, puisqu’il sera difficile à définir et qu’il sera extrêmement difficile à appliquer. Il faudra débourser des coûts supplémentaires à cette fin et aussi pour respecter ces règles très complexes. Il faudra notamment produire des documents supplémentaires pour veiller à répondre aux normes relatives au caractère raisonnable et aussi consacrer du temps et de l’argent à défendre l’utilisation des dividendes, notamment en embauchant des professionnels à cette fin, puisque bon nombre des propriétaires risquent de se retrouver en cour pour débattre du caractère raisonnable.

L’ARC est déjà dépassée par sa charge de travail et le délai de traitement dépasse les 40 semaines prévues pour faire les rajustements habituels. Ces modifications n’aideront pas l’Agence à mieux réussir. De plus, peu importe la façon de faire, le contrôle des investissements passifs ne sera pas une chose simple.

Enfin, l’argent est mobile et ira là où il y a une certitude. Si un propriétaire d’entreprise voit qu’il peut faire plus d’argent dans un autre pays, il ira ailleurs. Je ne crois pas que les professionnels établis, qui arrivent à la fin de leur carrière quitteront le pays, mais ils pourront réduire leurs heures de travail. Les professionnels plus jeunes et mobiles profiteront probablement des occasions offertes dans d’autres pays. Je sais qu’on encourage les nouveaux diplômés à regarder ce qui est offert au-delà de nos frontières, là où ils pourront faire un bon salaire sans devoir verser 50 à 75 p. 100 de leur revenu en impôt.

Pour terminer, je vais vous parler des mesures positives qui, à notre avis, pourraient être prises pour faire avancer le Canada. Premièrement, il faut s’éloigner de toutes les modifications proposées depuis le 18 juillet et suspendre tout changement effectué au cours des deux dernières années en vue de procéder à un examen complet du système d’impôt sur le revenu, y compris l’impôt des entreprises, l’impôt personnel, l’impôt international, et cetera. Cet examen permettra à toutes les parties de travailler ensemble à bâtir un système qui fonctionne pour tout le monde. Personne ne dit que le système actuel est parfait, mais ces modifications et les autres modifications récentes sont très dommageables.

Deuxièmement, si la première option s’avère impossible, alors il faudra que les conjoints soient exemptés des règles sur le fractionnement du revenu. Le couple a une incidence sur le succès d’une entreprise, même si l’on ne peut pas mettre un chiffre sur les tâches réalisées par chacun.

Troisièmement, si les deux premières options ne sont pas possibles, il faudra permettre que les dividendes d’une société soient considérés à titre de dividendes de retraite et soient admissibles au fractionnement du revenu de retraite.

Enfin, il faut que l’impôt payé pour le revenu passif soit comparable à celui payé par une société publique, afin que les règles du jeu soient équitables. À l’heure actuelle, les sociétés publiques ont un avantage sur les SPCC en ce qui a trait au revenu passif. Il faut éliminer ce taux d’imposition, pas l’augmenter comme les nouvelles règles prévoient de le faire.

Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci, monsieur Mullin.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup. Ma première question s’adresse à Mme Dunn; elle a soulevé un point qui m’intéresse particulièrement.

Dans votre discours préliminaire, vous avez dit que vous étiez présidente d’un comité du gouvernement. J’aurais aimé connaître le mandat de ce comité, et que vous nous parliez de ses travaux.

Toutefois, avant cela, j’aimerais savoir si le gouvernement provincial a pris position au sujet des modifications fiscales proposées ou s’il est resté neutre jusqu’à présent.

Mme Dunn : Le gouvernement est resté assez neutre. Toutefois, j’ai fait du lobbying et j’essaie de sensibiliser notre premier ministre et nos députés au sujet de l’importance de la croissance économique et d’un régime fiscal équitable.

Notre mandat avec les quatre conseils consultatifs sur l’économie vise la croissance économique. Il vise aussi à maintenir les jeunes dans la région, à créer de l’emploi, à surveiller les marchés de l’emploi et à accroître la population.

Nous nous appelons « la Grande île ». Je crois que nous sommes le chef de file de la région en ce qui a trait à la croissance économique, mais il faut en faire plus. Je suis très heureuse de pouvoir représenter l’Île-du-Prince-Édouard aujourd’hui.

La sénatrice Marshall : Depuis combien de temps le comité est-il en place? Est-il relativement nouveau?

Mme Dunn : Le comité est tout nouveau. Je crois que nous avons été nommés en mai ou en juin dernier. Nous avons tenu notre première réunion en septembre.

La sénatrice Marshall : Vous allez étudier les conséquences des changements proposés?

Mme Dunn : Tout à fait.

La sénatrice Marshall : Ma prochaine question s’adresse à M. Van Steeg. Je vais tout de suite parler de votre exposé parce qu’il y a plusieurs points qui m’intéressent. Tout d’abord, vous avez dit que le gouvernement n’avait soit pas fait ses devoirs et ne réalisait pas l’incidence des modifications proposées, ou alors il induisait la population canadienne en erreur.

Je peux vous dire que le directeur parlementaire du budget a publié ce matin un rapport sur le revenu passif. Il estime que 47 000 entreprises seront visées par la proposition relative au revenu passif et que le gouvernement touchera environ 1 milliard de dollars à court terme — soit au cours des deux prochaines années —, de 3 à 4 milliards de dollars à moyen terme — soit au cours des 5 à 10 prochaines années si les entreprises survivent — et 6 milliards de dollars à long terme. Je suis d’accord avec vous.

On a demandé au ministre s’il avait procédé à une analyse des répercussions économiques. Il n’a pas répondu à la question; j’en conclus donc que la réponse est non. Le point que vous soulevez est tout à fait valide. Bien sûr, votre commentaire au sujet des milliers de Canadiens qui seront touchés de manière appréciable est également valide.

On m’a posé la question dans les médias, mais nous n’en avons pas vraiment parlé en comité; j’aimerais connaître votre opinion aux fins du compte rendu. Ces modifications affecteront les entreprises et leurs propriétaires, mais n’affecteront pas vraiment monsieur et madame tout le monde. Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Van Steeg : Je ne suis pas du tout d’accord avec cette affirmation. Je crois que je vous ai dit combien de clients nous avons. Nous avons parlé à plusieurs d’entre eux et la première chose à laquelle ils pensent, c’est d’arrêter de faire des dons de charité.

La sénatrice Marshall : C’est exact.

M. Van Steeg : C’est la première chose à laquelle ils pensent. Ensuite, ils pensent à leurs employés; on parle donc de pertes d’emplois.

En troisième lieu, ils vont réduire leurs investissements dans l’entreprise, parce qu’ils vont d’abord penser à eux-mêmes. Ils vont se demander comment combler ce manque à gagner.

Ce sont les trois choses que feront les entreprises. Les propriétaires d’entreprises parlent à leurs employés de ces propositions. Ils les avisent des conséquences possibles de ces changements; ils pourraient perdre leur emploi.

Je ne suis pas d’accord avec cet énoncé. Ces modifications auront une grande incidence sur tous les Canadiens.

La sénatrice Marshall : Monsieur Mullin, si vous pouviez vous aussi nous faire part de vos commentaires aux fins du compte rendu, je vous en serais grandement reconnaissante.

M. Mullin : Comme je l’ai dit dans mon exposé, il est faux de dire que les modifications ne toucheront que quelques sociétés ou toucheront seulement les sociétés les plus riches. Toutes les SPCC seront touchées parce qu’elles verront leurs coûts augmenter. Si leurs coûts augmentent ou si leur taux d’imposition personnel augmente parce qu’elles ne peuvent plus fractionner leur revenu de manière appropriée et légale, alors elles auront besoin de plus d’argent et devront réduire leurs dons de bienfaisance ou leur nombre d’employés.

Même si elles ne réduisent pas leur effectif, il leur coûtera très cher de faire le suivi des multiples bassins associés à l’investissement passif. Les documents qui seront nécessaires en vue de calculer le prix de transfert pour appuyer le caractère raisonnable des dividendes coûteront cher.

On parle du double, du triple ou même du quadruple des frais professionnels actuels, peut-être même plus. Cela sera une difficulté en soi. Les entreprises voudront recouvrer ces coûts en augmentant leurs prix ou en réduisant leurs services ou leur nombre d’employés. Les conséquences se feront sentir partout. Elles ne se limitent pas au 1 p. 100. Je pense plutôt à 100 p. 100.

La sénatrice Marshall : Est-ce que j’ai le temps de poser une autre question aux témoins? M. Mullin a parlé du revenu passif et j’aimerais connaître l’opinion de tout le monde à ce sujet.

Le président : Oui, madame la sénatrice.

La sénatrice Marshall : Hier, nous avons eu une longue discussion sur le revenu passif. J’ai consulté le site web du ministère des Finances pour essayer de trouver une définition du revenu passif. Je ne crois pas qu’il soit défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu. C’est peut-être plutôt une définition généralement acceptée. Il se peut que le gouvernement présente une nouvelle définition du revenu passif lorsqu’il présentera le budget de 2018.

Est-ce que chacun d’entre vous pourrait me parler un peu du revenu passif? À votre avis, qu’est-ce qui est considéré à titre de revenu passif à l’heure actuelle?

Mme Dunn : C’est une très bonne question. Je considère le revenu passif comme un revenu de placement. Il y a le revenu de dividende, les intérêts et les gains en capital.

Ce qui est intéressant au sujet des gains en capital que nous ignorons encore, c’est la réponse à la question suivante: est-ce 100 p. 100 d’un gain en capital qui forme le revenu de placements passif ou est-ce seulement 50 p. 100?

Il y a encore une grande part d’incertitude. Tant que nous ne verrons pas l’avant-projet de loi, il sera difficile de savoir exactement de quoi il s’agit.

M. Van Steeg : Je suis d’accord avec vous. Par ailleurs, la Loi de l’impôt sur le revenu contient quelque chose à propos des entreprises exploitées activement. Je dirais donc qu’il s’agit de tout ce qui ne correspond pas à un revenu d’une entreprise exploitée activement.

La sénatrice Marshall : Cela dépend aussi de l’interprétation qu’en fait l’Agence du revenu du Canada, non?

M. Van Steeg : Oh, oui, sans aucun doute.

La sénatrice Marshall : C’est ce que je croyais.

M. Mullin : M. Van Steeg a indiqué que tout ce qui n’est pas actif est passif. Cela inclut probablement, selon moi, les revenus en loyers, simplement parce qu’à l’heure actuelle, il est en quelque sorte courant de les considérer comme un revenu passif ou un revenu de la propriété.

Ce que j’ai trouvé plutôt intéressant entre autres, c’est qu’hier, on a annoncé une stratégie nationale sur le logement, un plan sur 10 ans, visant à accroître le nombre de logements, à encourager la construction de logements abordables et à stimuler les investissements dans ces nouveaux logements.

Si c’est le cas et si des règles sur le revenu passif sont adoptées, peu de gens voudront investir dans de nouveaux logements qui ajouteront au revenu passif pouvant être visé par de nouvelles règles.

La sénatrice Marshall : C’est exact, et on peut se demander si les sociétés qui le font présentement réussiront à survivre à cela et à contribuer à la mise en œuvre de la stratégie sur le logement.

M. Mullin : Exactement, sans les capitaux et l’appui financier. Il est beaucoup plus facile d’obtenir de l’argent quand on en a.

Le sénateur Neufeld : Merci. Monsieur Mullin, vous avez dit ce qui suit:

[…] il faut s’éloigner de toutes les modifications proposées depuis le 18 juillet et suspendre tout changement effectué au cours des deux dernières années en vue de procéder à un examen complet […]

Je suis d’accord avec vous au sujet de l’examen complet. Le gouvernement devrait laisser de côté ce qu’il est en train de faire, mais pourquoi parlez-vous des changements qui ont été effectués au cours des deux dernières années?

M. Mullin : Ces deux dernières années, le gouvernement fédéral a apporté des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui ont chamboulé, je dirais, bien des aspects traditionnels du fonctionnement des entreprises en imposant des restrictions concernant les dividendes de sociétés ainsi que la structure et le fonctionnement des entreprises. Cela a causé beaucoup de difficultés, d’angoisses et d’inquiétudes chez les petites entreprises qui, pendant des années, ont fonctionné d’une certaine façon. D’un simple coup de crayon, on a remis en question leur capacité de continuer à faire ce qu’elles font.

L’ARC n’a pas encore vraiment examiné la question. Il y a de l’incertitude et de l’angoisse à cause des changements qui ont été apportés dans le milieu des affaires. Les gens se demandent ce qu’ils font là. Nous ne le savons pas encore parce que cela ne s’est pas rendu en cour. Il y a beaucoup d’inquiétudes, et dans une telle situation, rien ne bouge.

Une pause pourrait nous permettre de déterminer si cela mène à une décision stratégique et faire en sorte que les gens dépensent de la bonne façon par opposition à essayer de trouver une chose dont le vérificateur de l’ARC devrait déterminer le caractère approprié.

Le sénateur Neufeld : Lorsque j’entends ce type de choses, ce que vous dites dans votre témoignage, cela m’indique que c’est un pas dans la bonne direction en quelque sorte. Selon vous, des changements qui ont été apportés ces deux dernières années ont nui aux petites entreprises et on est maintenant sur le point de prendre d’autres mesures.

Si le gouvernement va de l’avant, vous attendez-vous à ce qu’il y ait d’autres effets néfastes pour les entreprises?

M. Mullin : Oui. Si vous parlez de ce qui peut se passer au ministère des Finances, je ne suis pas qualifié pour m’aventurer sur ce terrain et je n’oserais pas le faire. Dans le cadre du dernier budget, l’une des observations concernait les gains en capital. Peut-on dire que le ministère socialise l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital? Peut-être, mais il ne s’agirait pas seulement des SPCC. Cela toucherait tout investisseur ou toute personne ayant des investissements de société ou des investissements personnels, et cetera. Si on fait passer le taux de 50 à 75 p. 100, cela représente une énorme portion des investissements d’une personne. Oui, je m’attends à plus.

Le sénateur Neufeld : Je peux vous dire que c’est plus inquiétant que tout ce que nous avons entendu jusqu’à maintenant. Bien que beaucoup d’hypothèses circulent, ce n’est qu’une mesure parmi d’autres qui nous fera payer plus d’impôts.

Chacun d’entre vous peut répondre à ma prochaine question. À mon avis, si l’on continue à augmenter les impôts des gens, au bout du compte, il en résultera une diminution de tout type d’investissements au Canada. Notre gouvernement croit-il pouvoir mieux dépenser notre argent que les individus peuvent le faire?

M. Mullin : Il y a quelque temps, j’ai dit à quelqu’un que l’alourdissement du fardeau fiscal est douloureux, mais que si l’on est convaincu que c’est une bonne chose et que l’on constate que c’est bien géré, il se peut que ce ne soit pas aussi douloureux qu’on le pense. Ce qui fait mal, c’est de constater que des choses ne sont pas utilisées de façon optimale et que selon le principe qui prévaut, le gouvernement peut mieux gérer l’argent que vous et moi, disons.

Oui, les changements proposés le 18 juillet sont la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, comme on le dit. On en rajoutait, et c’était assez. Quelle proportion suffit? Est-ce que 50 ou 53 p. 100, c’est suffisant? Au Nouveau-Brunswick, nous en étions à 58 p. 100 à un moment donné, mais cela a été ramené un peu en quelque sorte.

Mme Dunn : Les recettes fiscales doivent être perçues d’une façon qui est reconnue généralement comme étant juste. La conformité volontaire sera plus courante. L’équité est un objectif souhaitable, mais nous devons établir un équilibre entre l’équité et la complexité. Nous craignons vraiment que l’Agence du revenu du Canada ait de la difficulté à interpréter les règles proposées.

Il y a beaucoup d’incertitude, et le fardeau de la conformité qui sera imposé aux petits entrepreneurs sera démesuré par rapport aux recettes générées.

M. Van Steeg : Je comprends que tous les gouvernements ont des objectifs et qu’ils veulent financer et accomplir certaines choses. Les impôts sont un moyen important de le faire, mais le problème, selon nous, c’est que le gouvernement n’a pas réfléchi à ces propositions fiscales. À qui a-t-il demandé conseil? Qui lui a dit qu’il devrait s’en prendre à ces gens parce qu’ils profitent d’un avantage injuste? Il n’a vraiment aucune idée des répercussions.

C’est ce qui nous préoccupe, et je pense que la situation restera la même avec ce gouvernement, car pour être honnête, je ne crois pas qu’il se soucie vraiment des répercussions que les règles auront sur les gens.

Le sénateur Neufeld : J’ai toujours été d’avis que pour augmenter les recettes, il fallait augmenter la dimension de la tarte, et non en retirer une plus grande partie. Cela fonctionne en fait beaucoup mieux que ce processus.

La sénatrice Marshall a dit que selon le directeur parlementaire du budget, environ 47 000 entreprises seront touchées. Lorsqu’il s’agit de générer de 1 à 2 milliards de dollars ou de 5 à 10 milliards de dollars, ou 6 milliards de dollars, j’imagine que c’est correct, s’il ne reste plus rien à la source. Ce seul fait m’indique que le gouvernement ciblait le milieu de la santé, nos médecins et d’autres professionnels, par exemple. Ils ont beaucoup parlé de cela.

Je suppose que vous venez tous du Nouveau-Brunswick. Les médecins nous ont dit que si le gouvernement va de l’avant, ils vont prendre leur retraite tôt, partir ou encore rester et mettre fin à leur pratique. Voilà quelles sont les répercussions.

J’ai fait partie du gouvernement de la Colombie-Britannique et je sais ce qui se passe. Ce sont les provinces qui paient le prix, et non le gouvernement fédéral. Il en paie une partie. Cela ne fait aucun doute. C’est une partie relativement petite. Ce sont les provinces qui paient. Je ne puis que supposer que les provinces s’adresseront aux mêmes personnes et diront qu’elles ont besoin de plus d’argent pour fournir les soins de santé.

Cela vous dérange-t-il beaucoup? Cela vous donne-t-il envie de demander à M. Morneau de réfléchir à d’autres aspects qu’à celui des finances?

M. Van Steeg : Certainement. Ces 47 000 entreprises sont nos meilleures entreprises. Ce sont elles qui font l’argent. Ce sont elles qui stimulent l’économie. Pour l’essentiel, on s’en prend à elles. Pourquoi? Ne voudrions-nous pas davantage d’entreprises exemplaires comme celles-là? Ne voudrions-nous pas qu’elles soient plus nombreuses au Canada?

On les fait fuir. Elles partiront. Il y en aura de moins en moins. On obtient l’effet contraire, et c’est ce qui nous inquiète vraiment. Oui, j’aimerais bien lui en faire part, mais il ne répond pas à nos appels, vraiment.

Le sénateur Neufeld : Y a-t-il d’autres observations?

M. Mullin : Environ 85 p. 100 des SPCC n’ont pas de revenu passif. La structure organisationnelle d’une société pourrait comporter 10 entreprises. Il se peut que neuf d’entre elles soient actives et qu’il y ait une société d’actifs monétaires centrale, par exemple. Il pourrait y avoir 10 sociétés, mais seulement 10 p. 100 d’entre elles ont du revenu passif lié à un seul actionnaire. Il est probablement juste de dire que les sociétés ou les SPCC n’ont pas de revenu passif, mais c’est probablement loin de se limiter à cela si l’on examine les structures établies par les propriétaires d’entreprises qui ont un revenu passif au sein d’une société.

Si nous avions l’occasion de parler au ministre Morneau, j’aimerais lui passer quelques messages sous la forme de questions. Qu’avez-vous contre la réussite? Pourquoi imposez-vous des obstacles physiques et psychologiques aux personnes qui essaient d’en accomplir davantage? Pourquoi compliquez-vous la vie des gens qui veulent faire mieux que d’autres? Pourquoi n’encouragez-vous pas cette personne à faire mieux que d’autres? Pourquoi est-ce eux contre nous? Pourquoi s’agit-il toujours de soustraire? Pourquoi faut-il priver quelqu’un de quelque chose parce que telle autre personne n’en bénéficie pas? Pourquoi cela ne peut-il pas être une addition? Pourquoi ne pouvons-nous pas tous en profiter?

Le président : Avez-vous quelque chose à dire, madame Dunn?

Mme Dunn : Si je devais rencontrer le ministre Morneau, je lui demanderais pourquoi il ne prend pas en compte toutes les répercussions qu’ont ces changements. J’aurais cru que des leçons avaient été apprises concernant les règles sur le revenu des sociétés.

J’aimerais vous donner un exemple à cet égard parce qu’il y a eu d’importantes répercussions sur les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard et de partout au pays. Les règles visaient à limiter l’accès au taux d’imposition des petites entreprises et la multiplication du plafond des affaires.

Nos producteurs laitiers vendent leurs produits à des coopératives. Ils y détiennent des parts, mais en très faible proportion. Selon le libellé des règles au départ, le plafond des affaires s’appliquait à la coopérative et à tous les agriculteurs qui vendaient à cette coopérative. Par conséquent, le taux d’imposition des sociétés s’appliquant aux producteurs laitiers de l’Île-du-Prince-Édouard serait passé de 15 à 31 p. 100.

Les pressions que nous avons exercées sur le gouvernement à cet égard ont porté fruit et il a modifié les mesures. S’il avait d’abord consulté les fiscalistes, le problème aurait pu être évité.

Le sénateur Neufeld : Mon temps est écoulé. De toute évidence, le ministère des Finances ou son ministre ne connaissent pas très bien le régime fiscal. Je ne sais pas pourquoi le ministre ne s’en est pas pris aux sociétés ouvertes, où se trouvent des gens très bien nantis. Ils ne sont pas inquiétés. Nous savons tous qui ils sont. Merci.

Le président : Je croyais que vous aviez une autre question.

Le sénateur Neufeld : Je voulais seulement que cela figure au compte rendu, monsieur.

La sénatrice Eaton : Deux d’entre vous ont parlé de conformité. La semaine dernière, on a annoncé que le gouvernement de l’Ontario avait un manque à gagner de 2 milliards de dollars en impôts sur le revenu. Je crois que l’année précédente ou l’année passée, c’était 1,5 milliard de dollars du côté du gouvernement fédéral.

Si ces nouvelles propositions deviennent réalité le 1er janvier, vous attendez-vous à une augmentation de la planification fiscale? Voilà l’excuse que le gouvernement ontarien a lancée. Il était certain qu’une plus grande partie de ses citoyens faisait de la planification fiscale. Voyez-vous une hausse à ce chapitre? Est-ce que plus de gens vous demandent ce qu’ils peuvent faire à ce sujet et vous disent qu’ils ne veulent pas que le taux passe de 52 ou 53 p. 100 à 72 ou 73 p. 100?

Mme Dunn : On a laissé entendre que les cabinets comptables tireraient parti de certaines de ces propositions. Oui, nous nous pencherons sur la question de la planification fiscale pour nos clients.

La sénatrice Eaton : Ce sont des comptes à numéro en Alberta.

Mme Dunn : C’est exact, mais un certain nombre de mes clients sont des propriétaires de petites entreprises qui ne sont pas riches. La hausse des honoraires qui me permettrait de les aider à faire de la planification fiscale ou à interpréter ces règles complexes constituera un fardeau pour eux.

Je crois que c’est M. Mullin qui a laissé entendre qu’il pourrait en résulter des mises à pied parce que les ressources ne sont pas les mêmes — et peut-être que M. Van Steeg l’a mentionné également.

De plus, je crains qu’ils ne me consultent pas parce qu’ils ne peuvent pas se le permettre et qu’ils essaient plutôt d’obtenir des conseils auprès de l’Agence du revenu du Canada. Le rapport du vérificateur général a été publié hier, et il est alarmant d’apprendre que lorsque les contribuables appellent l’ARC, dans 30 p. 100 des cas, les conseils donnés sont erronés. Nous trouvons cela préoccupant.

La sénatrice Eaton : C’est plus que préoccupant. C’est effrayant.

Qu’en pensez-vous, monsieur Van Steeg? Si les gouvernements n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs en matière de recettes à cause d’un manque de conformité, qu’arrivera-t-il selon vous si les règles entrent en vigueur?

M. Van Steeg : Oh, je crois que ce sera une bénédiction pour les planificateurs fiscaux. Les clients en parlent déjà et nous demandent ce qu’ils peuvent faire pour contourner ces règles et réduire leurs impôts?

Nous ne pouvons pas vraiment répondre présentement parce que nous ne savons même pas quelles seront les règles, mais tout le monde y pense.

La sénatrice Eaton : Pensez-vous qu’il y aura une fuite de capitaux? Est-ce que des clients vous en ont parlé?

M. Van Steeg : Nous savons que des clients sont déjà en train de déménager aux États-Unis. Un collègue de l’Ouest du pays m’a dit que plus de 20 clients et 3 milliards de dollars sont déjà en train de quitter le pays, et les règles ne sont même pas encore en vigueur. Ils ne font pas confiance au gouvernement et estiment qu’ils sont aussi bien de partir. C’est ce qu’il croit.

Oui, les capitaux fuient le Canada.

M. Mullin : Je suis tout à fait d’accord avec lui. L’argent ira là où il est le plus judicieux d’aller. Il y aura de la planification fiscale. Des organismes sortiront de nouveaux produits qui permettront aux gens, une fois qu’ils auront bien saisi les règles, d’investir de façon à ne pas être touchés par ces règles.

Il va quitter le pays. Il va servir à autre chose. Il ne sera pas réinvesti. Il va sortir.

Ce que Mme Dunn a dit est juste. Pour les cabinets comptables comme le mien et celui de M. Van Steeg, il y aura une augmentation à court terme, mais pas à long terme, car les gens n’auront pas l’argent nécessaire. Une fois qu’ils seront organisés, ils vont soit partir ou ne plus avoir besoin de beaucoup d’aide. C’est une augmentation à court terme pour les cabinets. À long terme, je pense qu’il y aura en fait une baisse.

La sénatrice Eaton : Un fiscaliste nous a dit hier à quel point au Canada, nous sommes déjà terriblement désavantagés sur le plan fiscal. Êtes-vous d’accord avec cela?

M. Van Steeg : Oui.

Le président : Je remercie les témoins. Vos propos ont été enrichissants et vous nous avez fait profiter de votre expérience. Si vous avez quelque chose à ajouter au travail que nous réalisons au comité, d’ici le dépôt de notre rapport, le 15 décembre, n’hésitez pas à nous transmettre votre information ou vos documents par l’intermédiaire de la greffière.

Notre dernier groupe de témoin est d’Unifor. Il s’agit d’Ian Hutchison, président du Conseil régional de l’Atlantique, et de Michelle Doucet, présidente, district 508, section locale 2002.

La greffière m’a indiqué que chacun de vous va présenter un exposé. Monsieur Hutchison, la parole est à vous.

Ian Hutchison, président du Conseil régional de l’Atlantique, Unifor : Unifor n’est pas une entreprise. C’est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons 315 000 travailleurs, d’un océan à l’autre. Nos membres sont présents dans tous les secteurs de l’économie et se situent dans tous les déciles de revenu.

Nos membres paient leurs impôts et contribuent de multiples façons à bâtir la société dont nous faisons tous partie. Au nom de nos membres, de leurs familles et de leurs collectivités, je suis ravi de vous faire part de nos opinions sur la juste imposition des revenus des propriétaires de SPCC — de sociétés privées sous contrôle canadien — au Canada.

Unifor préconise et appuie la structure fiscale progressive qui garantit à tous nos paliers de gouvernement le revenu nécessaire pour offrir des services publics efficaces et de grande qualité. Cette structure fiscale doit également reconnaître les revenus, la richesse et l’égalité qu’on trouve dans notre société aujourd’hui, et demander à ceux qui gagnent plus de payer leur juste part.

Les impôts servent à payer les services de base sur lesquels nous comptons au quotidien, des soins de santé à l’infrastructure nécessaire pour répondre aux besoins les plus pressants d’aujourd’hui, comme l’élimination de la pauvreté, la réconciliation et le leadership en matière d’environnement.

Le thème de la discussion d’aujourd’hui est l’injustice dans notre régime fiscal qui permet à des gens de ne pas payer leur juste part des revenus dont les gouvernements ont besoin pour payer ces services.

Le gouvernement du Canada propose d’éliminer des échappatoires fiscales qui permettent aux propriétaires de petites entreprises constituées en société d’éviter de payer le même impôt sur le revenu que les personnes qui ont un revenu d’emploi correspondant.

Quelque 60 p. 100 de la tranche supérieure de 0,1 p. 100 des contribuables au Canada détiennent des parts d’une SPCC. C’est le cas de seulement 5 p. 100 des familles à revenu moyen. Cela signifie que 60 p. 100 de ceux qui ont les revenus les plus élevés au Canada sont en mesure de se soustraire à notre système d’impôt progressif grâce à ces échappatoires, tandis que le reste d’entre nous paie sa juste part depuis toujours.

La plupart des propriétaires de petites entreprises ne profitent pas non plus de ces échappatoires. Un propriétaire d’entreprise doit avoir un revenu très élevé et une structure familiale particulière pour pouvoir tirer des avantages importants des échappatoires dont il est question. Les deux tiers des petits entrepreneurs font moins de 75 000 $ par année, ce qui fait que la plupart des petits entrepreneurs ne gagnent pas assez d’argent pour pouvoir exploiter les échappatoires.

Unifor appuie l’initiative du gouvernement visant à rendre le système de l’impôt sur le revenu plus équitable en éliminant les échappatoires fiscales injustes dont peuvent se prévaloir en ce moment les personnes à revenu élevé qui ont constitué en société une petite entreprise, échappatoires auxquelles n’ont pas accès les personnes qui travaillent pour un salaire ou un traitement, que leur revenu soit faible ou élevé. En exploitant ces échappatoires, certaines personnes jouissent d’un revenu disponible plus important ou d’un portefeuille d’investissement plus vaste que les autres simplement en raison de la structure de leur entreprise.

À cause des échappatoires qui sont à l’examen aujourd’hui, deux personnes ayant des revenus semblables et une structure familiale semblable — une possédant une SPCC et l’autre, pas — vont être soumises à deux taux d’imposition effectifs nettement différents. Ces taux d’imposition effectifs différents se traduisent par des revenus disponibles très différents aujourd’hui, et par des économies très différentes à l’avenir.

Ces échappatoires correspondent à des avantages fiscaux pour les propriétaires de SPCC ayant les revenus les plus élevés. De plus, selon les recherches de pratiquement tous les économistes et experts en politique qui se sont prononcés sur ce sujet, les avantages des échappatoires fiscales ne se réalisent qu’une fois que le revenu du propriétaire de la SPCC a dépassé un certain niveau. Par exemple, le fractionnement du revenu ne comporte pas d’avantages importants pour quiconque fait moins de 90 000 $ par année.

Des associations professionnelles et d’autres groupes de défenses ont essayé de dépeindre les changements proposés comme étant une taxe déguisée imposée à la classe moyenne. Ce n’est pas le cas. Avec les modifications fiscales, plus de personnes à revenu élevé vont payer le même impôt sur le revenu que leurs pairs qui sont salariés. Je paie un impôt de 27 p. 100 sur mon salaire. Tous les gens qui se trouvent dans la même tranche de revenu devraient être soumis au même taux d’imposition.

Là où cela touche la classe moyenne, c’est qu’il faut veiller à ce que les gens se situant dans un décile donné avant l’impôt se trouvent dans le même décile après l’impôt. Les associations professionnelles et autres groupes de défense ont essayé de dépeindre les modifications proposées comme étant un frein à l’investissement, à l’innovation et à l’entrepreneuriat. En réalité, ces échappatoires ont très peu à voir avec l’innovation ou l’investissement des entreprises. Les gouvernements peuvent et doivent concevoir des systèmes qui soutiennent l’innovation et l’investissement des entreprises, mais le système actuel n’encourage ni l’un ni l’autre.

La proposition cherche à protéger l’intégrité du régime d’impôt progressif du Canada. Les Canadiens croient qu’ils doivent payer leur juste part d’impôt. Il y a encore du travail à faire, mais c’est certainement un pas dans la bonne direction. Je vous remercie de m’avoir écouté.

Michelle Doucet, présidente, district 508, section locale 2002, Unifor : Bonjour. Je suis la représentante élue de 314 employés d’un centre d’appel, ici à Saint John. Nous sommes syndiqués par la section locale 2002 d’Unifor. Cette section locale représente 13 000 membres qui travaillent dans diverses industries d’un océan à l’autre. Les travailleurs faisant partie de cette communauté appuient fermement l’intention du gouvernement d’éliminer les échappatoires fiscales. Les personnes à revenu élevé au pays doivent cesser d’utiliser les sociétés privées sous contrôle canadien pour éviter de payer leur juste part d’impôt. Les changements proposés représentent une première étape importante du processus visant à rendre notre régime fiscal plus juste pour tous les Canadiens.

Les règles fiscales actuelles permettent aux travailleurs autonomes canadiens qui sont riches de payer moins d’impôt sur le revenu des particuliers en créant des sociétés privées sous contrôle canadien. Le revenu personnel est filtré dans ces sociétés et est fractionné entre les membres de la famille ayant un revenu inférieur. Cette option n’est pas possible pour les travailleurs canadiens.

Les personnes à revenu élevé qui possèdent une SPCC peuvent se payer en gains en capital, dont une part de 50 p. 100 seulement est soumise au taux d’imposition du revenu des particuliers. Les règles fiscales actuelles permettent à une personne qui gagne 300 000 $ par année d’économiser en impôt un montant plus élevé que le salaire du travailleur canadien moyen au cours de la même année. C’est injuste pour tous les Canadiens.

J’estime que mes impôts sont un investissement dans mon pays. Je vous demande de veiller à ce que tous les Canadiens investissent équitablement dans notre pays. Merci.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd’hui. Monsieur Hutchison, dans votre déclaration, vous avez parlé des contribuables qui doivent payer leur juste part.

Est-ce qu’Unifor a mené quelque analyse ou évaluation que ce soit des modifications fiscales proposées? Le gouvernement fédéral n’a réalisé aucune évaluation, alors nous parlons avec des particuliers et des propriétaires d’entreprises afin de comprendre leurs situations particulières. Est-ce qu’Unifor a fait quelque chose?

M. Hutchison : Vous vous fiez à un entrepreneur d’entreprise qui profite d’une échappatoire fiscale pour vous dire vraiment ce qu’il économise aussi, oui? Notre économiste a fait des choses qui donnent à croire qu’il y a là probablement 500 millions de dollars en impôt que le gouvernement pourrait percevoir. Ce sont à peu près 250 millions pour le gouvernement fédéral, et 250 millions pour les provinces.

C’est simple. Faisons le calcul. Comme je l’ai dit, mon taux d’imposition est de 27 p. 100, selon mes revenus. Si je pouvais me permettre une SPCC, mon taux diminuerait de 16 p. 100 pour se situer à 11 p. 100, ce qui est vraiment considérable. Cela mettrait 15 000 $ de plus dans mes poches que je pourrais consacrer à autre chose que les impôts. C’est un montant très important pour moi.

La sénatrice Marshall : Il faudrait que vous ayez une entreprise. Dans ma propre situation, si je pouvais me constituer en société, j’épargnerais aussi de l’argent, mais je n’ai pas d’entreprise. Je ne suis qu’une personne salariée. Je ne suis pas une femme d’affaires. Ma situation serait semblable à la vôtre.

Le ministère des Finances a fourni des exemples qui correspondent à ce que vous dites en ce moment. Des particuliers et des fiscalistes viennent témoigner et remettent les exemples en question. Quand vous faites les calculs jusqu’au bout, vous pouvez voir où le ministère des Finances se trompe.

C’est la raison pour laquelle je me demande si Unifor a mené une analyse, quelle qu’elle soit. C’est un gros syndicat qui aurait, par conséquent, les ressources de faire quelque chose comme cela.

M. Hutchison : Nous en avons fait un peu. C’est pourquoi j’ai dit que les deux tiers des entreprises ont des revenus inférieurs à 75 000 $. Cela ne les toucherait vraisemblablement pas.

La sénatrice Marshall : Oui, mais elles seront touchées.

M. Hutchison : Seulement si elles prennent de l’expansion.

La sénatrice Marshall : Non. Des experts sont venus nous dire que ces entreprises seront aussi touchées. Nous avons entendu de nombreux témoins. Je n’avais pas l’intention de débattre de cela avec vous. Je me demandais simplement s’il y avait eu une quelconque analyse.

Vous avez aussi parlé du système d’impôt progressif. Vous dites que votre taux est de 27 p. 100. Naturellement, si vous faites plus, vous allez passer à un taux de 33 p. 100. C’est un système progressif.

Vous avez aussi parlé du principe voulant que chacun paie sa juste part. L’une des questions que nous discutons est celle de savoir ce qui constitue une juste part. Dans un système d’impôt progressif, nous savons que c’est 27 p. 100, 29 p. 100 et 33 p. 100. Avez-vous des avis sur ce qu’on entend exactement par « juste part »?

M. Hutchison : Je fais entre 100 000 $ et 120 000 $ par année, et mon taux d’imposition s’explique par mes cotisations à mon REER. Je devrais sans doute être à 33 p. 100, mais ce n’est pas le cas.

La sénatrice Marshall : Vous trouvez le moyen de faire baisser le taux.

M. Hutchison : En raison des cotisations que je fais à mon REER en déboursant de ma poche. Quand je parle de juste part, c’est que je suis porté à croire qu’une personne qui tire un revenu semblable d’une entreprise devrait payer le même impôt. C’est ce que je considère comme une juste part.

La sénatrice Marshall : Madame Doucet, vous avez dit que vous travaillez pour un centre d’appel.

Mme Doucet : C’est bien cela.

La sénatrice Marshall : Les gens sont syndiqués. Savez-vous si votre employeur sera touché par les modifications proposées?

Mme Doucet : Mon employeur est Air Canada, alors je dirais que non.

La sénatrice Marshall : Vous ne pensez pas qu’il sera touché, mais des gens seraient touchés. Nous avons reçu beaucoup de témoins qui ont indiqué que leur entreprise serait touchée à un point tel qu’ils risquent de quitter le pays ou de réduire leur taille. Est-ce que cela aurait une incidence sur vous?

Il y a une autre chose qui toucherait tout le monde, et c’est que de nombreux médecins nous ont dit être mobiles et pouvoir déménager à l’étranger ou envisager de réduire leurs heures de travail. En ce moment, dans le réseau de la santé, la plupart des provinces connaissent une pénurie de médecins. L’incidence sur les petites entreprises aurait-elle un effet sur vos membres?

Mme Doucet : Mes membres sont très préoccupés par la santé et le bien-être du Canada. Ils croient que les médecins, les avocats et les comptables sont aussi des Canadiens et qu’ils doivent aussi investir convenablement dans le pays.

La sénatrice Marshall : Ne craint-on pas que des médecins quittent le pays ou réduisent leurs heures? Est-ce que cela a fait l’objet de discussions?

Mme Doucet : Cela n’a pas fait l’objet de discussions encore. Ils attendent peut-être de voir si les médecins qui donnent cela à entendre vont joindre le geste à la parole.

La sénatrice Eaton : Nous avons entendu de nombreuses personnes, ces trois dernières semaines. Elles ont parlé du désavantage fiscal du Canada et de notre incapacité d’attirer l’investissement. Le montant des investissements que nous réussissons à attirer chaque année pour le démarrage d’entreprises est en baisse. Il en va de même de l’effet d’entraînement dont nous avons entendu parler, des grandes entreprises aux petites qui, comme vous le dites, peuvent se situer en dessous de 75 000 $ par année, mais qui dépendent des grandes entreprises. Nous avons aussi entendu parler de pertes d’emplois, ce qui est sûrement un objet de préoccupation des membres d’Unifor.

En ce qui concerne ce que la sénatrice Marshall disait, nous avons entendu de nombreux médecins et agriculteurs et avons entendu des avis sur cet effet d’entraînement et sur le fractionnement des revenus. Si vous êtes allés sur une ferme, vous savez que la famille participe. Que font-ils? Remplissent-ils une feuille de temps s’ils vont traire les vaches ou nourrir les poulets?

Il y a une chose dont je me souviens très bien, et c’est de ce qu’a dit une jeune femme médecin à Brampton: « Je suis sortie de la faculté de médecine après 12 années d’études avec mon diplôme et une dette d’études de 250 000 $, et j’ai ouvert mon propre cabinet. » Comme vous le savez, Santé Canada ne paie pas les appareils des cabinets de médecins ou des hôpitaux. Les médecins doivent payer pour cela. C’était une jeune femme. Elle avait à peu près votre âge. Elle a dit: « Si je décide d’avoir des enfants, personne ne va me payer un congé de maternité. Je vais devoir utiliser l’argent que je mets de côté dans mon entreprise. Une fois que ma dette, mon équipement et mon congé de maternité auront été payés, je devrai commencer à penser à ma pension. »

Contrairement à un membre d’Unifor ou à une personne qui, comme moi, travaille comme sénateur, personne ne cotise à sa pension. Personne ne la soutient. Elle doit tout payer. Personne ne l’aide en lui offrant des avantages sociaux. Elle doit payer les avantages sociaux de son personnel.

Que diriez-vous à quelqu’un comme cela, dont nous allons restreindre le revenu passif devant servir à sa retraite ou au remboursement d’une dette? Que lui diriez-vous? Comment feriez-vous valoir votre point à une personne comme elle? Elle ne travaille probablement pas huit heures par jour. C’est probablement plus près de 12 heures par jour, et elle est probablement sur appel. Que diriez-vous à une personne comme elle?

M. Hutchison : Je ne sais d’où vous sortez le plafonnement de leur revenu passif. L’objectif est d’éliminer une échappatoire qui se veut une forme d’évitement fiscal.

La sénatrice Eaton : M. Morneau plafonne le revenu passif à 50 000 $ par année et à 1 million de dollars au total. Votre pension dépassera largement 1 million de dollars.

M. Hutchison : Ma pension?

La sénatrice Eaton : Votre bas de laine duquel vous tirerez votre pension.

M. Hutchison : Je crois que vous ne connaissez pas très bien les REER. Je n’aurai jamais 1 million de dollars dans mon REER.

La sénatrice Eaton : Non, mais vous avez une pension.

M. Hutchison : Non. Je n’en ai pas. J’ai un REER. C’est différent.

La sénatrice Eaton : Votre employeur ne verse-t-il pas de cotisations dans un régime de retraite pour vous?

M. Hutchison : Non. J’ai un REER; les cotisations sont déterminées. Au gouvernement, vous avez un régime à prestations déterminées. Dans mon cas, c’est un régime à cotisations déterminées, ce qui est totalement différent.

La sénatrice Eaton : Les REER ne fonctionnent pas pour les entreprises privées, parce que cet outil ne leur permet pas de faire des retraits et des dépôts dans le cas d’un ralentissement économique ou d’un congé de maternité. Les entreprises privées ne peuvent pas le faire. Ce n’est pas la même chose.

Ne compatissez-vous pas avec les médecins?

M. Hutchison : Est-ce que j’éprouve de la sympathie à l’égard d’un médecin? Je connais un médecin et je connais aussi des dentistes. Je suis en fait ami avec des dentistes qui sont propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien. Leur conjointe travaille pour eux et gagne le salaire minimum. Je crois que leurs enfants y travaillent également durant l’été. Je crois que le gouvernement leur verse en fait une subvention pour engager des jeunes, parce que ce sont des étudiants.

Est-ce que je les plains? Non. Est-ce que je crois qu’ils vont quitter le pays? Non plus.

Nous avons parlé des retombées économiques. Est-ce que je crois que l’économie du ruissellement fonctionne? Je peux vous garantir que cela ne fonctionne pas. Avez-vous vu des investissements au Canada au cours de la dernière décennie? Non. Nous avons la politique du ruissellement depuis 12 ans. Je ne suis pas d’accord pour dire que les médecins quitteront le pays. Je ne suis pas non plus d’accord pour dire que les grandes entreprises fermeront leurs portes et que toutes les petites entreprises seront vouées à la ruine. Cette situation ne s’est pas encore produite.

L’économie du ruissellement dont vous parlez sous-entend que les grandes entreprises donneront du travail aux petites entreprises, que les petites entreprises engageront des gens et que nous profiterons tous de cette croissance, mais cette théorie est un mensonge qui a été raconté il y a environ 14 ou 15 ans à l’échelle fédérale et qui ne s’est pas concrétisé. Tout ce qui s’est passé avec cet argent, c’est que les impôts que les entreprises n’ont pas payés ont été investis dans des sociétés privées sous contrôle canadien, les Panama Papers et les Paradise Papers. Il y aura d’autres fuites d’information, et les noms d’autres personnes qui profitent d’échappatoires fiscales en cachant leurs avoirs dans des comptes à l’étranger seront rendus publics. L’économie du ruissellement ne fonctionne pas. Je suis certain que personne ne quittera le pays en raison des petites modifications annoncées.

Est-ce que j’éprouve de la sympathie à l’égard des véritables petites entreprises? Oui. Voilà pourquoi j’ai dit que les modifications annoncées ne toucheront pas ces propriétaires de petites entreprises. Ces entreprises auront l’occasion de croître, et j’espère qu’elles paieront leur juste part d’impôt au Canada comme tout le monde devrait le faire.

La sénatrice Eaton : Je crois que vous êtes très chanceux. Vous avez certainement deux champions en la matière: le ministre Morneau et le premier ministre Trudeau.

La sénatrice Cools : J’ai écouté avec attention ce que vous avez dit. Madame Doucet, vous avez souvent fait allusion à des échappatoires. Pouvez-vous me parler des échappatoires auxquelles vous faisiez allusion?

Mme Doucet : Mon mari et moi travaillons pour des sociétés. Nous ne pouvons pas profiter du fractionnement du revenu, même si son revenu est imposé à un taux supérieur. Ce serait utile de pouvoir transférer une partie de son revenu entre nous. Nous ne pouvons pas le faire, alors qu’une société privée sous contrôle canadien le peut.

Un dentiste pourrait embaucher sa femme. Qu’elle travaille ou non réellement au sein de l’entreprise, il peut transférer une partie du revenu qu’il gagne vraiment à sa femme, et l’inverse est aussi vrai. La femme pourrait être dentiste.

La sénatrice Cools : C’est l’une des caractéristiques des sociétés privées sous contrôle canadien. Tous ces professionnels se sont fait mettre de la pression il y a des années pour créer des sociétés privées sous contrôle canadien. Ce sont les caractéristiques des sociétés privées sous contrôle canadien. Vous ne pouvez pas tout bonnement regarder un processus parfaitement légitime qui a été mis sur pied par le gouvernement et qui a été adopté par de nombreux Canadiens et dire après coup que nous avons changé d’idée et que ce sont maintenant des échappatoires. Vous ne pouvez pas le faire. Il y a un principe de droit qui interdit d’adopter des dispositions à effet rétroactif.

Mme Doucet : Personne ne propose de modifier de manière rétroactive le régime fiscal d’il y a 10 ans.

La sénatrice Cools : C’est ce que le gouvernement fait. C’est ce qu’il fait actuellement.

Mme Doucet : Nous parlons de l’avenir. Les sociétés privées sous contrôle canadien ne devraient plus pouvoir à l’avenir transférer une partie du revenu d’un membre d’une famille à un autre, parce que cette possibilité n’est pas offerte à tous les Canadiens. C’est seulement offert aux travailleurs autonomes canadiens.

La sénatrice Cools : J’ai une autre question pour vous. J’ai toujours pensé que l’argent était comme un lâche qui s’enfuit dès qu’il sent une lueur de stress ou d’inconfort. Selon vous, pourquoi le gouvernement et le ministre des Finances proposent-ils de réformer l’impôt sur le revenu un an avant les élections?

M. Hutchison : C’est la même raison pour laquelle d’autres gouvernements offrent des allégements fiscaux l’année avant des élections. Je crois comprendre que les élections auront lieu dans deux ans, n’est-ce pas?

La sénatrice Cools : N’importe quand. Des élections pourraient être déclenchées n’importe quand.

M. Hutchison : Elles pourraient être déclenchées n’importe quand, mais ce sera probablement dans deux ans. Je doute que le gouvernement les déclenche prématurément. Comme je l’ai mentionné, c’est la même raison pour laquelle des gouvernements offrent des allégements fiscaux. Ils veulent être réélus.

La sénatrice Cools : Cette réforme n’inclut aucun allégement fiscal.

M. Hutchison : Non. Cela vise à corriger des mesures qui laissent à désirer depuis 14 ans. C’est un pas dans la bonne direction. Est-ce suffisant? Non. Vous avez parlé de corriger de manière rétroactive quelque chose. Cela ne corrige rien de manière rétroactive.

La sénatrice Cools : Je n’ai pas parlé de corriger de manière rétroactive quelque chose. Le gouvernement dit maintenant aux gens qui croient que ce sont des pratiques légitimes que ce sont des échappatoires. Ces pratiques n’ont jamais été adoptées comme des échappatoires. Elles ont été adoptées de manière tout à fait délibérée.

M. Hutchison : À quelle fin? Donner d’énormes allégements fiscaux à des gens qui gagnent...

La sénatrice Cools : Non. Je crois que vous utilisez un langage très injuste pour parler de beaucoup de gens. Le gouvernement soutient maintenant que bon nombre de processus qui étaient parfaitement légaux et acceptables sont maintenant des échappatoires. Voilà ce que le gouvernement affirme maintenant, mais c’est une description. Le gouvernement peut se permettre de le dire et de le faire, mais je ne crois pas que les autres le peuvent.

Le président : Monsieur Hutchison, la sénatrice vous a posé une question. Pouvez-vous lui répondre? Je ne veux pas de dispute.

M. Hutchison : D’accord. Pouvez-vous répéter la question?

La sénatrice Cools : Ce n’est pas important. Toutefois, nous n’arrêtons pas de parler d’équité. Il y a un principe de droit selon lequel nous ne pouvons pas juger ou punir rétroactivement des gens pour des gestes qui ont été faits par le passé, à moins qu’il s’agisse d’infractions au moment où les gestes ont été commis.

Le gouvernement choisit maintenant de dire que certaines mesures étaient des échappatoires, alors que ces pratiques n’étaient pas considérées comme telles lorsque le gouvernement les a permises. Je vous dis que cela contrevient aux droits fondamentaux de la personne. Vous ne pouvez pas modifier de manière rétroactive la loi. Vous ne pouvez pas le faire. C’est un grand principe.

Le président : Sur ce commentaire, aimeriez-vous, monsieur Hutchison, madame Doucet, faire un commentaire?

Mme Doucet : Au cours de notre histoire, les lois ont été changées à de nombreuses reprises. Des pratiques qui étaient justes et équitables ou considérées comme telles à une époque ne le sont maintenant plus. De nouvelles occasions se présentent, et nous modifions les lois.

À une certaine époque, la peine de mort était en vigueur. Cette pratique n’est plus considérée comme juste et équitable. Je ne suis pas en train de dire que ces échappatoires sont d’une quelconque manière liées à cela. Cependant, la modification des lois fiscales pour les faire correspondre à notre nouvelle et véritable équité moderne est la bonne chose à faire.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous expliquer un peu vos positions? Monsieur Hutchison, vous êtes président du Conseil régional de l’Atlantique d’Unifor, et vous êtes présidente du district 508, madame Doucet. Je pense que votre groupe a trait au centre d’appels. Pouvez-vous tous les deux nous parler brièvement de votre organisme et nous expliquer comment cela s’y rapporte?

M. Hutchison : À titre de président du Conseil régional de l’Atlantique, je représente nos 40 000 membres du Canada Atlantique à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis aussi président de la section locale à Saint John...

La sénatrice Marshall : À Saint John, ici.

M. Hutchison : Au Nouveau-Brunswick, oui. Il y a des élections tous les trois ans. C’est mon premier mandat. Je parle en gros au nom du syndicat national pour les membres au Canada Atlantique.

La sénatrice Marshall : Vous témoignez aujourd’hui au comité en tant que représentant d’Unifor pour la région de l’Atlantique.

M. Hutchison : Oui.

Mme Doucet : J’ai été élue pour représenter les travailleurs du centre d’appels où je travaille. Je côtoie quotidiennement des contribuables, des membres et des travailleurs.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous répéter le nombre de personnes qui travaillent au centre d’appels?

Mme Doucet : Nous sommes 314. Ma section locale représente 13 000 membres qui sont répartis dans une multitude d’industries, y compris Air Canada, Jazz Aviation, Porter et beaucoup d’autres.

La sénatrice Marshall : Unifor a-t-il présenté une position nationale concernant les modifications fiscales? Je ne me souviens pas de l’avoir vue.

M. Hutchison : Unifor a publié une position nationale.

La sénatrice Marshall : Il l’a envoyée au ministre des Finances.

M. Hutchison : Le syndicat l’a présentée aux ministres.

La sénatrice Marshall : C’était en réponse aux propositions de juillet et non aux propositions modifiées.

M. Hutchison : En fait, le syndicat l’a fait à la fin de septembre; cela concernait donc probablement les propositions modifiées.

La sénatrice Marshall : Non. Je crois que les modifications ont été présentées en octobre.

M. Hutchison : Était-ce en octobre?

La sénatrice Marshall : Oui. C’était en octobre. Le syndicat a donc présenté sa position en septembre.

M. Hutchison : À la fin de septembre.

La sénatrice Marshall : Le syndicat était favorable aux modifications.

M. Hutchison : Oui.

La sénatrice Marshall : Parfait.

M. Hutchison : En fait, nous y étions favorables, mais nous voulions également que cela aille plus loin.

La sénatrice Marshall : Je crois peut-être avoir lu l’exposé de position.

Le président : Je remercie énormément les témoins d’être venus au comité pour nous faire part de leurs opinions. Vous nous avez dit que vous étiez là pour respecter ce qu’Unifor a présenté à l’échelle nationale; nous le comprenons. Nous avons accès à ce qui a été présenté dans l’autre chambre.

Honorables sénateurs, étant donné que nous arrivons à la fin de nos réunions dans le cadre de cette étude spéciale, j’aimerais vous remercier de votre intérêt et de votre dévouement.

J’aimerais remercier énormément tous nos témoins. Nous retournerons la semaine prochaine à Ottawa riches des témoignages que nous avons entendus et des gens que nous avons rencontrés. Les Canadiens attendaient avec impatience les réunions que nous avons tenues et nos déplacements dans les régions. Nous sommes ravis de la participation des gens et de la vaste gamme de points de vue que nous avons entendus dans toutes les régions au Canada.

En vue de réaliser sans heurts une étude d’une telle envergure, nous avons eu besoin de personnel de soutien durant nos déplacements et à Ottawa pour nous épauler dans nos activités quotidiennes.

À nos deux greffières, mesdames Gaëtane Lemay et Joëlle Nadeau, et à leur équipe qui ont rendu le tout possible, au nom de tous les sénateurs du comité, je vous dis merci. Comme vous n’êtes pas sans le savoir, il est impossible de tenir des consultations publiques sans le soutien d’une multitude de personnes dont les rôles sont absolument essentiels en vue de nous aider avec les témoins.

En terminant, j’aimerais donner des statistiques à nos témoins concernant nos réunions. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu 58 témoins et tenu 13 réunions publiques à Ottawa; nous avons entendu 33 témoins et tenu 8 réunions dans l’Ouest canadien; nous avons entendu 43 témoins et tenu 8 réunions dans l’Est canadien. C’est du bon travail.

Aux témoins et au public, si vous sentez que vous voulez ajouter quelque chose avant que nous déposions notre rapport au Sénat du Canada le 15 décembre, n’hésitez pas à communiquer avec Mme Lemay, la greffière du comité.

Sur ce, honorables sénateurs, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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