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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui à 14 h 15 pour examiner ce projet de loi.

Le sénateur André Pratte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je m’appelle André Pratte et je suis un sénateur du Québec. Je remplace notre président, le sénateur Mockler, qui est retenu à la Chambre du Sénat pour quelques instants encore.

Nous sommes prêts à poursuivre notre étude du projet de loi C-63, Loi no 2 d’exécution du budget de 2017, avec des témoins du ministère des Finances.

[Français]

Nous commençons l’étude de la partie IV, section 1.

[Traduction]

Nous recevons donc, du ministère des Finances, M. Antoine Brunelle-Côté, directeur général; et M. Mathew Sajkunovic, directeur, Politique monétaire et financière internationale, Direction des finances et échanges internationaux. Je crois que vous allez nous expliquer brièvement en quoi consistent les changements apportés à la section 1 de la partie 5, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Est-ce bien cela?

Antoine Brunelle-Côté, directeur, Division des politiques de l’analyse internationales, Direction des finances et des échanges internationaux, ministère des Finances du Canada : C’est exact. Merci beaucoup.

[Français]

Nous sommes ici pour parler de modifications à la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes. C’est la loi qui gouverne les engagements du Canada auprès du Fonds monétaire international et du Groupe de la banque mondiale. Cette loi fournit au ministre des Finances les pouvoirs en lien avec les relations financières du Canada avec ces institutions. L’objectif des changements proposés est de veiller à ce que la Loi sur les accords de Bretton Woods continue de refléter les réalités modernes de la relation du Canada avec les institutions Bretton Woods et de réaffirmer la loi comme étant la législation principale gouvernant notre relation avec ces institutions.

[Traduction]

Si l’on fait exception de quelques légères modifications apportées au fil des ans, la Loi sur les accords de Bretton Woods est demeurée à peu près inchangée depuis son entrée en vigueur en 1985. Comme vous pouvez vous l’imaginer, nos relations financières avec les institutions de Bretton Woods ont cependant beaucoup évolué depuis.

À titre d’exemple, les membres du Fonds monétaire international (FMI) peuvent maintenant, en sus de leur contribution au capital commun permanent, mettre des marges de crédit temporaires à la disposition du FMI en période de crise. Autre exemple, nous pouvons désormais acheminer des subventions et des prêts à la Banque mondiale par l’entremise de fiducies. Il n’est plus nécessaire de transiger directement avec les institutions. Il est bien évident qu’aucune de ces nouvelles formes d’interaction avec les institutions de Bretton Woods n’était envisagée il y a 30 ans.

[Français]

Par conséquent, vous allez demander comment on faisait pour entrer en relation financière avec ces institutions sans autorité. Simplement, on utilisait des interprétations et des pouvoirs prévus dans le cadre d’autres lois, comme la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la monnaie. Tout ce qu’on tente de faire maintenant, c’est de consolider ces pouvoirs qui se trouvent dans d’autres lois au sein de la loi principale, la loi sur Bretton Woods.

[Traduction]

Les changements proposés ne confèrent aucun pouvoir additionnel au ministère ou au ministre des Finances. Ils n’entraînent aucune nouvelle dépense et n’ont pas d’impact financier. C’est essentiellement une question de saine gouvernance. Nous prenons des dispositions prévues dans d’autres lois pour les intégrer directement à la Loi sur les accords de Bretton Woods afin de l’adapter à la réalité actuelle.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le vice-président : Il aurait fallu que je demande aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Black : Doug Black de l’Alberta.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, du Québec, de la région du Golfe.

[Traduction]

Le vice-président : Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez conclu en disant que les modifications proposées n’avaient pas d’impact financier. Pourquoi se retrouvent-elles alors dans un projet de loi budgétaire? Pourquoi ne pas les présenter dans un projet de loi qui aurait permis aux gens qui travaillent dans les institutions financières d’analyser le tout à la lumière de leur compréhension des enjeux de gouvernance en cause, plutôt que dans un projet de loi budgétaire?

M. Brunelle-Côté : C’est une bonne question. Nous aurions pu effectivement emprunter cette voie législative. Il aurait fallu plus de temps et le processus aurait été beaucoup plus complexe. Nous aurions dû d’abord préparer un mémoire au Cabinet. Étant donné que les mesures proposées ne confèrent pas de pouvoir additionnel et ne changent pas vraiment les politiques en vigueur, nous avons jugé que le temps des législateurs serait utilisé à meilleur escient si nous procédions de cette manière.

La sénatrice Andreychuk : Cependant, il est plus difficile pour nous d’examiner ces modifications législatives que vous qualifiez de mineures pour déterminer si elles le sont vraiment et s’il s’agit effectivement du modèle de gouvernance qui convient.

Comme vous le savez, les accords de Bretton Woods sont en vigueur depuis un bon moment déjà et les politiques ont grandement évolué au sein des institutions visées, lesquelles font l’objet de nombreuses critiques. Avec un projet de loi distinct, les législateurs auraient été mieux à même d’évaluer la façon dont l’argent est dépensé dans ces institutions.

Je ne suis pas certaine que notre temps soit ainsi mieux utilisé, comme vous l’avez fait valoir. Comme il n’y a pas de répercussion financière, je ne comprends pas pourquoi ces mesures sont intégrées au projet de loi C-63. J’ose espérer que vous transmettrez le message aux autorités compétentes.

M. Brunelle-Côté : Je crois que votre observation est juste. Nous allons assurément transmettre le message. Nous en tiendrons compte pour les prochains changements apportés aux lois.

La sénatrice Andreychuk : On nous répète sans cesse qu’il s’agit de questions de régie interne et qu’il est plus efficient de procéder de cette manière, mais il suffit de creuser un peu pour comprendre que cela va souvent plus loin que la simple régie interne. Ce sont des questions fondamentales que nous devons régler.

Les institutions visées par les accords de Bretton Woods et les accords connexes étaient les seules d’importance avec lesquelles nous traitions à l’échelle internationale. Nous avons maintenant joint les rangs de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Est-ce que des décisions ont été prises quant à la manière dont nous allons répartir nos engagements financiers entre ces deux composantes? Comme nous le savons, la Chine a mis sur pied cette banque pour les infrastructures pour ainsi dire en réaction à l’influence exercée par les États-Unis au sein des institutions de Bretton Woods. Le débat concernant Bretton Woods s’articule d’ailleurs en grande partie autour d’observations semblables, à savoir que les institutions sont trop américaines ou trop européennes, et que d’autres voudraient y adhérer. Certains ajustements ont été apportés de telle sorte que les pays bénéficiaires puissent avoir leur mot à dire. Voilà maintenant que nous adhérons à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, une institution où notre influence est minime.

Comment s’y est-on pris pour décider où irait l’argent? Existe-t-il des documents dont nous pourrions prendre connaissance?

M. Brunelle-Côté : Pour les questions qui concernent la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, je vais laisser aux collègues qui me suivront le soin de vous répondre, car ce sont les véritables experts en la matière.

La sénatrice Andreychuk : Cela ne concerne pas uniquement la banque asiatique; il s’agit d’évaluer l’importance relative des deux éléments. Comment devons-nous repartir notre argent, notre temps et nos efforts de gouvernance, car ces deux composantes pourraient éventuellement entrer en concurrence tout en étant complémentaires. Selon moi, on n’a pas encore répondu à ces questions.

M. Brunelle-Côté : Chose certaine, nous considérons les deux principales institutions de Bretton Woods comme les pivots de notre engagement international. Le Fonds monétaire international demeure une organisation primordiale, comme en témoignent nos engagements financiers dépassant les 45 milliards de dollars. Nous estimons que cette institution joue un rôle essentiel pour le maintien de la stabilité du système financier à l’échelle internationale. La Banque mondiale est également un partenaire clé pour l’aide au développement.

La sénatrice Andreychuk : J’aimerais savoir comment nous assurons l’équilibre entre les deux, car c’est une considération qui va devenir de plus en plus cruciale. Les institutions de Bretton Woods sont peut-être plus importantes à nos yeux pour l’instant, mais nous ne savons pas ce que nous réserve le développement de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Nous devons mieux savoir à quoi nous en tenir, tant du point de vue des politiques que sur le plan de la gestion financière. Merci.

La sénatrice Eaton : Le ministre nous a confirmé hier que la participation du Canada à la banque pour les infrastructures serait inférieure à 1 p. 100, comparativement à 30 p. 100 pour la Chine, et qu’aucune garantie ne nous a été donnée quant au respect de nos valeurs en matière de travail ou d’environnement, des éléments sur lesquels nous avons énormément insisté dans la conclusion d’autres investissements ou accords commerciaux internationaux.

Dans la section 2, l’article 7 proposé autorise le ministre des Finances à payer à la banque des sommes pouvant atteindre 375 millions de dollars ou tout autre montant plus élevé en application d’une loi de crédits. Le ministre Morneau a toutefois indiqué très clairement hier que notre contribution initiale ne dépasserait pas 199 millions de dollars américains. Il l’a précisé plus d’une fois. S’il s’agit de la seule contribution possible, pourquoi le projet de loi autorise-t-il le paiement d’un montant beaucoup plus élevé?

Mme Brunelle-Côté : C’est également une question pour les collègues qui me suivront, car je suis ici seulement pour traiter de la section 1.

La sénatrice Eaton : Mais cela fait partie du projet de loi que vous êtes venus nous expliquer.

Le vice-président : Si vous permettez, nous allons accueillir tout de suite après les fonctionnaires responsables de la partie 5, section 2, qui porte sur la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

La sénatrice Eaton : Je vais donc attendre.

Le vice-président : Merci.

La sénatrice Marshall : Ma question porte expressément sur la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes, plus précisément sous la rubrique « Aide financière ».

S’agit-il d’un nouvel article? J’aurais cru que les mesures prévues correspondaient aux formes d’aide financière habituellement offertes. Qu’est-ce qui est nouveau exactement?

Mathew Sajkunovic, directeur, Politique monétaire et financière internationale, Direction des finances et échanges internationaux, ministère des Finances du Canada : Merci. Pour que les choses soient bien claires, vous parlez de l’article 172?

La sénatrice Marshall : Oui, l’article 172, où il est indiqué que « le paragraphe 8(1) de la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes est remplacé par ce qui suit: » Il y a ensuite le titre « Aide financière ».

M. Sajkunovic : Comme mon collègue l’indiquait, les changements proposés ici visent seulement à mieux refléter la teneur réelle de nos engagements auprès de ces institutions. On précise notamment que les paiements directs incluent l’octroi de fonds et de prêts afin de clarifier une ambiguïté qui existait à ce sujet.

L’autre changement vise à préciser que le ministre peut désormais fournir une aide financière au groupe de la Banque mondiale, non seulement directement comme il l’a toujours fait, mais aussi via l’octroi de fonds, de prêts et d’autres contributions par l’entremise des fiducies que peut constituer ce groupe à l’égard d’enjeux particuliers comme les changements climatiques ou les catastrophes naturelles.

La sénatrice Marshall : Est-ce que l’émission de garanties est une nouvelle mesure ou est-ce que c’était déjà possible?

M. Sajkunovic : L’émission de garanties n’était pas prévue.

La sénatrice Marshall : C’est quelque chose de nouveau?

M. Sajkunovic : C’est nouveau, oui. Il n’y a rien de nouveau dans le fait que le gouvernement émette des garanties, mais cela se faisait en vertu d’une interprétation de la loi voulant que les paiements directs comprennent la possibilité d’offrir de telles garanties. Dans un souci de clarté et de saine gouvernance, nous voulons maintenant préciser les différentes transactions que le gouvernement peut effectuer.

La sénatrice Marshall : Qu’en est-il par ailleurs des communiqués qui doivent maintenant être déposés? Je présume que cela s’inscrit dans le contexte de la reddition de comptes et des informations que le ministre des Finances doit soumettre au Parlement à cette fin. En quoi consistent exactement ces communiqués?

M. Sajkunovic : Deux fois par année, les membres du FMI et du groupe de la Banque mondiale se réunissent pour leurs conférences annuelle et printanière. Chaque institution a son propre conseil consultatif, soit le Comité monétaire et financier international et le Comité de développement.

À l’issue de ces rencontres, des communiqués sont émis pour tracer l’orientation de ces institutions. Ils sont rendus publics par le FMI et la Banque mondiale, et nous les déposons dans le cadre de notre rapport annuel aux deux chambres du Parlement. Nous publions en outre un rapport annuel sur les activités du gouvernement en vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes au cours de l’année écoulée en plus d’offrir un aperçu de nos priorités pour l’avenir.

La sénatrice Marshall : Je reviens à la question de l’aide financière, est-ce que ces octrois de fonds et de prêts, ces garanties et ces acquisitions d’actions apparaissent dans les comptes publics du gouvernement?

M. Sajkunovic : Oui.

La sénatrice Marshall : Les garanties également?

M. Sajkunovic : Les garanties y figurent aussi.

La sénatrice Marshall : Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Forest : J’aimerais savoir quelle situation a motivé le fait qu'on ait presque doublé l'autorisation du ministre d’accorder à un organisme constitué par le FMI... car la somme est passée de 550 millions de dollars à 1 milliard du Droit de tirage spécial (DTS). Y a-t-il eu plusieurs situations où l’investissement était limité? Qu’est-ce qui a motivé ce changement, qui est quand même important, puisque c’est plus de 42 p. 100 d’augmentation en termes de marge de manœuvre au niveau du prêt?

M. Brunelle-Côté : Oui, le ministre a autorisé cette augmentation avec le gouverneur en conseil. Le chiffre de 1 milliard de dollars reflète le montant que le ministre a autorisé.

Le sénateur Forest : Je comprends que le ministre aurait pu autoriser 4 milliards de dollars, mais qu’est-ce qui a motivé cette décision-là? Le ministre avait-il des restrictions dans ses investissements? Au cours de l’histoire, y a-t-il eu plusieurs investissements dans une fiducie ou un organisme constitué par le FMI où on ne pouvait avoir une participation canadienne satisfaisante?

[Traduction]

M. Sajkunovic : il s’agit du montant du prêt consenti par le gouvernement au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI. Ce fonds fiduciaire facilite l’octroi de prêts à des pays peu nantis éprouvant des difficultés avec leur balance des paiements.

Comme mon collègue l’indiquait, c’est le niveau initial prévu par la loi. Les montants versés au fil des 30 dernières années ont été cumulés. Chaque fois qu’un nouveau prêt est consenti, on ajoute donc au total.

Si vous consultez le rapport, vous verrez que ce total atteint maintenant 1,5 milliard de dollars. Nous avons remplacé ce montant par celui, moins élevé, des sommes effectivement versées. Nous avons actuellement deux engagements de 500 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) à l’endroit du FMI. L’accord pour le premier de ces engagements a été conclu en 2012. Je rappelle qu’ils visent le financement de prêts aux pays moins bien nantis.

Un nouvel engagement a été convenu en 2016. Cela est devenu nécessaire en raison de la manière dont le FMI structure les prêts semblables. Lorsque des prêts sont consentis à des conditions avantageuses, il faut que les pays en cause établissent le capital du prêt, après quoi le taux d’intérêt est diminué via l’octroi de fonds. Il s’agit ici de présenter la contribution véritable des Canadiens. Un exercice multilatéral de collecte de fonds a été enclenché pour s’assurer de disposer des sommes suffisantes pour appuyer les membres les plus pauvres et vulnérables.

[Français]

Le sénateur Forest : J’en déduis que la situation de crédit de certains pays se fragilise de plus en plus, compte tenu des interventions antérieures.

M. Brunelle-Côté : Il est sûr que le Fonds monétaire international, en augmentant son aide pour les pays dans le cadre de la Fiducie pour la réduction de la pauvreté et la croissance, a plus de besoins, effectivement. La réponse est oui. Il y a plus de pays en situation de fragilité.

Le sénateur Forest : Quelle est la valeur de 1 milliard de DTS en dollars canadiens?

M. Brunelle-Côté : Environ 1,8 milliard de dollars canadiens.

Le sénateur Forest : 1,8 milliard. C’est basé sur...

M. Brunelle-Côté : Un panier de monnaie. Donc, c’est la valeur d’un panier de monnaie qui comprend le renminbi chinois, le dollar américain, le yen, la livre sterling et l’euro.

Le sénateur Forest : 1,8 milliard. Merci.

Le vice-président (le sénateur Pratte) : Si je comprends bien, en dollars canadiens... Désormais, le calcul se fera en DTS. En dollars canadiens, l’autorisation passe de 550 millions à 1,8 milliard de dollars canadiens.

M. Brunelle-Côté : En dollars canadiens, oui.

Le vice-président (le sénateur Pratte) : Si je lis correctement le projet de loi — je ne sais pas si c’est nouveau, parce que je n’ai pas l’ancienne loi sous les yeux —, on dit : « sans toutefois accéder à un milliard le Droit de tirage spécial ou tout autre montant que peut fixer le gouverneur en conseil ».

[Traduction]

On dit bien : « ou tout autre montant que pourrait fixer le gouverneur en conseil ».

[Français]

Donc, cela veut dire que le Cabinet pourrait décider que le montant de 1 milliard de dollars, c’est 2 milliards de dollars?

M. Brunelle-Côté : Exactement.

[Traduction]

Le vice-président : Est-ce que c’est nouveau? Cela n’existait pas auparavant? Si le gouvernement voulait augmenter ce montant, il devait simplement emprunter la voie législative?

M. Sajkunovic : Non, le processus demeure inchangé. On veut seulement préciser les choses en cessant d’indiquer le montant cumulatif pour présenter plutôt les prêts effectivement consentis. On indique que le maximum est de 550 millions de dollars, mais le cumul des prêts au fil des ans atteint en fait 1,5 milliard de DTS. C’est ce que le gouverneur en conseil a autorisé au cours des dernières décennies.

Le changement vise donc à présenter la situation actuelle en dissipant l’ambiguïté que créait le total cumulatif. On fixe ainsi la somme maximale des prêts. Si le gouvernement devait décider de prêter des sommes plus importantes, il faudrait un nouveau décret pour approuver, d’une part, les conditions du nouveau prêt consenti et, d’autre part, l’augmentation du montant octroyé.

Le vice-président : Je veux m’assurer de bien comprendre. La possibilité pour le gouverneur en conseil d’accroître le montant de ces prêts, est-ce quelque chose de nouveau?

M. Sajkunovic : Non, cela existe déjà.

Le vice-président : C’est déjà chose possible.

Y a-t-il d’autres questions?

La sénatrice Andreychuk : Nous n’avons pas la loi sous les yeux.

Est-ce que la précision « toute autre façon que le ministre juge indiquée » est déjà apportée dans la loi en vigueur? On souligne dans nos notes d’information que les modifications permettraient au ministre d’accorder une aide par l’émission de garanties ou de toute autre façon qu’il jugerait indiquée. Est-ce que cela existait déjà?

M. Sajkunovic : Non, c’est un nouveau paragraphe. Nous parlions de l’article 173. Ce sont effectivement de nouvelles dispositions, madame la sénatrice.

La sénatrice Andreychuk : La disposition à laquelle je fais référence est nouvelle?

M. Sajkunovic : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Pourquoi alors avoir précisé « toute autre façon que le ministre juge indiquée »? On semble ainsi donner carte blanche au ministre.

M. Sajkunovic : Cela s’explique du fait que l’on n’envisageait pas qu’il y aurait des octrois de fonds et prêts ou des garanties lorsque la loi a été adoptée il y a 30 ans. Nous n’en savons d’ailleurs pas plus sur les nouveaux instruments financiers qui pourraient voir le jour à l’avenir. Nous avons donc ajouté cette précision, madame la sénatrice, pour nous assurer une certaine capacité d’adaptation.

La sénatrice Andreychuk : L’article 173 traite des maximums et des augmentations?

M. Sajkunovic : Tout à fait.

[Français]

Le sénateur Forest : Je me rends compte que le fait de passer de 550 millions de dollars à 1,8 milliard de DTS, c'est une augmentation de 327 p. 100. C’est quand même une jolie augmentation de marge de manœuvre. C’est un commentaire. Quand j’en faisais la lecture, je ne me rendais pas compte de l’écart entre les deux chiffres.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je veux poursuivre dans le sens de la question que vient de poser la sénatrice Andreychuk concernant la précision « toute autre façon que le ministre juge indiquée ». Vous avez répondu en parlant de l’octroi de fonds et de prêts, mais cela figure déjà dans le même article. Pouvez-vous me donner un exemple d’une autre façon que le ministre pourrait juger indiquée?

M. Sajkunovic : L’octroi de fonds et de prêts a été ajouté dans ce projet de loi. Auparavant, on parlait uniquement de paiements directs.

La sénatrice Marshall : Pourquoi alors avons-nous besoin de préciser « toute autre façon que le ministre juge indiquée »?

M. Sajkunovic : C’est pour nous donner une capacité d’adaptation en prévision de l’avenir. Il se peut que de nouveaux instruments financiers voient le jour. Il pourrait y avoir des formes d’acquisition ou d’autres mesures qui ne sont pas envisagées actuellement.

La sénatrice Marshall : Y a-t-il un exemple que vous pourriez nous donner ou s’agit-il simplement de parer à toutes les éventualités en prévision des nouvelles mesures qui pourraient être mises au point?

M. Sajkunovic : Il pourrait effectivement s’agir de quelque chose qui sera mis au point.

La sénatrice Marshall : C’est donc très souple.

M. Sajkunovic : Si vous permettez, je viens d’en parler à mes collègues qui s’y connaissent mieux que moi en la matière. Il pourrait s’agir d’instruments financiers dérivés ou de mesures semblables via les mécanismes de prêt privés de ces institutions. C’est quelque chose qui pourrait arriver éventuellement.

La sénatrice Marshall : Cette disposition aurait donc pour effet d’étendre les pouvoirs du ministre?

M. Sajkunovic : En fait, le ministre dispose déjà de ce pouvoir en vertu de l’interprétation de la loi. On précise seulement…

La sénatrice Marshall : On s’assure qu’il l’a effectivement.

M. Sajkunovic : Oui.

Le vice-président : Y a-t-il d’autres questions?

[Français]

Je remercie les témoins de leur présence.

[Traduction]

Nous passons maintenant à la partie 5, section 2, qui traite de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

Le président : Honorables sénateurs, merci beaucoup.

J’avais certaines responsabilités à assumer à la Chambre du Sénat. Je remercie le sénateur Pratte qui m’a remplacé dans son rôle de vice-président.

Nous traitons donc de la section 2 qui est à l’onglet 2 de votre cartable. Je vais maintenant présenter les fonctionnaires du ministère des Finances qui sont là pour nous aider. Nous accueillons M. Neil Saravanamuttoo, directeur, Institutions multilatérales, Division des finances internationales et du développement, Direction des finances et des échanges internationaux; Mme Nicole Giles, directrice générale, Division des finances internationales et du développement, Direction des finances et des échanges internationaux; et Mme Anchela Nadarajah, économiste, Institutions multilatérales, Division des finances internationales et du développement, Direction des finances et des échanges internationaux.

Notre greffière m’a indiqué que vous allez d’abord nous dire quelques mots au sujet de la section 2, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

Nicole Giles, directrice générale, Division des finances internationales et du développement, Direction des finances et des échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Je vais vous présenter la BAII. Mes collègues et moi sommes ravis d’être ici pour discuter avec vous aujourd’hui.

Je vais faire une très brève introduction. Comme nombre d’entre vous le savent, les institutions financières internationales, y compris les banques multilatérales de développement, constituent un élément essentiel de l’ordre international et elles représentent des mécanismes très importants pour le développement international.

Mise en train en 2016, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures — que nous appellerons la BAII pour le reste de la séance, si vous le voulez bien — est la plus récente institution financière. Elle vise à contribuer au développement économique en comblant les lacunes considérables sur les plans des infrastructures et du financement des infrastructures en Asie.

La BAII compte 57 membres fondateurs, qui comprennent l’Australie, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Corée du Sud et le Royaume-Uni. À l’heure actuelle, 80 membres potentiels, comme le Canada, désirent obtenir l’autorisation de s’associer à la banque.

J’ai pensé qu’il serait utile de donner un aperçu des étapes qui ont mené à notre présence ici aujourd’hui. En décembre 2015, le Cabinet a approuvé la stratégie pour faire admettre le Canada à la BAII et il a désigné le ministre des Finances comme gouverneur pour le Canada. En août 2016, le gouvernement du Canada a annoncé publiquement sa décision de présenter sa candidature pour devenir membre de la BAII, et notre demande a été approuvée en principe par le conseil des gouverneurs en mars 2017. Dans le budget de 2017, des fonds ont été affectés pour l’achat des parts initiales du Canada, et la stratégie pour faire admettre le Canada à la banque a été annoncée.

Les statuts de la BAII et une note explicative ont été déposés au Parlement pendant 21 jours de séance, du 3 mai au 8 juin dernier. Comme il s’agit d’une mesure découlant du budget de 2017, les dispositions législatives connexes sont proposées dans le cadre de la Loi no 2 d’exécution du budget.

Concernant les opérations, il est important de mentionner qu’à notre avis, la BAII travaille de très près avec d’autres institutions financières internationales afin de maximiser les retombées des investissements. Par exemple, en avril 2017, la BAII et la Banque mondiale ont signé un protocole d’entente visant la coopération dans des domaines d’intérêt commun, qui comprennent le financement du développement, les échanges de personnel, ainsi que le travail sectoriel et analytique. La BAII collabore donc étroitement avec les autres banques multilatérales de développement.

Un autre exemple, c’est que la BAII a adopté les pratiques exemplaires d’autres institutions financières internationales et d’autres BMD, notamment les politiques opérationnelles sur la corruption, les sanctions, ainsi que les mesures de protection de l’environnement et des travailleurs. Nous serons ravis de vous donner plus de détails à ce sujet.

J’aimerais souligner quelques avantages que l’adhésion du Canada à la BAII pourrait apporter aux Canadiens. Premièrement, en comblant les lacunes considérables dans les infrastructures de l’Asie, la BAII pourrait contribuer au resserrement de liens commerciaux cruciaux qui favorisent la création d’emplois au Canada et la commercialisation de biens et services. En outre, le soutien de la croissance économique durable et du développement économique en Asie pourrait ouvrir des perspectives pour les sociétés privées canadiennes. Aussi, en étant membre, le Canada pourrait siéger au conseil, ce qui lui permettrait d’influencer la gouvernance et de contribuer à la prise de décisions éclairées conformes aux priorités du Canada. Il aurait également accès à la gamme de projets de la BAII, ce qui pourrait servir à soutenir nos intérêts commerciaux, en plus de nos intérêts en matière de développement international.

Deuxièmement, comme le ministre vous l’a dit hier, il s’agit d’une occasion pour le Canada de réaffirmer son engagement renouvelé envers le multilatéralisme. Le Canada s’emploie à contribuer au développement économique à l’échelle mondiale. Nous investissons du temps et des ressources dans le développement économique en étant animés par la conviction que les Canadiens sont plus prospères lorsque le monde est stable et en croissance.

Enfin, c’est aussi une occasion de renforcer l’engagement du gouvernement actuel d’améliorer les relations avec la région Asie-Pacifique.

Nous serons ravis de répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les fonds ont augmenté? Au départ, la somme était de 256 millions de dollars canadiens. Maintenant, elle s’élève à 375 millions de dollars américains, ce qui est presque un demi-milliard de dollars. Il y a aussi une disposition qui prévoit que « ce montant peut toutefois être augmenté par toute loi de crédits. » Pouvez-vous nous dire pourquoi le montant ne cesse d’augmenter?

Mme Giles : C’est une excellente question. Puisque le Canada n’est pas un membre fondateur de la BAII, il y a un peu d’incertitude entourant notre participation. Lorsque le gouvernement a décidé de devenir membre de la BAII, il a envisagé la possibilité que le Canada dépense jusqu’à 375 millions de dollars américains pour acheter des actions, selon la disponibilité. Ce montant est fondé sur le nombre maximal d’actions que le Canada peut détenir selon la formule de la BAII, qui repose sur le poids économique du Canada à l’échelle mondiale relativement à celui des autres actionnaires.

Or, puisque le Canada n’est pas un des premiers membres, toutes ces actions ne sont pas à vendre. Aujourd’hui, la valeur sur le marché s’élève seulement à 199 millions de dollars américains, ce qui équivaut à environ 256 millions de dollars canadiens, comme vous l’avez dit. C’est tout ce qui peut être acheté actuellement. Il y a une différence de quelque 176 millions de dollars américains entre notre participation maximale possible et les actions offertes en ce moment.

Le fait d’inclure notre participation maximale possible dans la loi permettra au Canada d’acquérir des actions supplémentaires jusqu’à concurrence de ce maximum si elles sont mises sur le marché, ce qui nous permettra d’accroître notre participation.

Or, dans ce cas-là, même si la loi prévoit le montant de notre participation maximale possible, avant qu’un crédit soit accordé, il faudra que l’affectation soit approuvée par le Parlement au moyen du processus budgétaire habituel.

La sénatrice Marshall : Si j’ai bien compris votre explication, le montant maximal est de 375 millions de dollars américains, mais il pourrait être encore plus élevé. Êtes-vous en train de dire que l’investissement et le nombre d’actions seront plus grands que prévu?

Mme Giles : L’affectation maximale possible serait de 375 millions de dollars américains. Tout ce qui est offert en ce moment, c’est 199 millions de dollars américains. L’investissement supplémentaire pourrait aller jusqu’à un maximum de 375 millions de dollars américains.

La sénatrice Marshall : Je comprends ce que vous dites concernant les 375 millions de dollars américains — c’est écrit dans la loi —, mais pourquoi ajoute-t-on tout de suite après: « ce montant peut toutefois être augmenté par toute loi de crédits »? C’est possible que le pays investisse davantage que le montant prévu en ce moment, non?

Mme Giles : Je vais demander à Neil de vous donner les détails.

Neil Saravanamuttoo, directeur, Institutions multilatérales, Division des finances internationales et du développement, Direction des finances et des échanges commerciaux, ministère des Finances Canada : Certainement. La mesure législative a été rédigée de façon à prévoir toute éventualité.

La sénatrice Marshall : C’est pour donner de la souplesse?

M. Saravanamuttoo : De la souplesse en fonction de ce qui arrivera par rapport au processus de participation à la banque.

Comme ma collègue l’a expliqué, selon la formule, si nous avions été un des premiers membres de la banque, nous aurions eu droit à une participation pouvant s’élever jusqu’à 375 millions de dollars américains.

D’autres pays membres ont aussi droit à une participation s’élevant jusqu’à un certain montant, mais certains choisiront de ne pas investir autant. Les actions que ces pays n’acquerront pas seront remises dans un fonds commun, et d’autres membres auront la possibilité d’acheter les actions non souscrites. La disposition est donc là pour prévoir l’affectation de ce montant.

La sénatrice Marshall : Cet article du projet de loi d’exécution du budget entrera-t-il en vigueur en même temps que le reste du projet de loi? Dans le passé, des projets de loi ont été divisés de façon à ce que les articles n’entrent pas tous en vigueur en même temps; dans certains cas, quelques articles ne sont jamais entrés en vigueur. Prévoit-on que cette disposition entre en vigueur en même temps que le reste du projet de loi, ou pas nécessairement?

Mme Giles : Elle entrera en vigueur au moment où le projet de loi C-63, Loi no 2 d’exécution du budget, recevra la sanction royale.

La sénatrice Marshall : L’article 6 proposé, intitulé « Dépositaire », se lit comme suit: « La Banque du Canada agit à titre de dépositaire, au Canada, des biens de la Banque. » Qu’est-ce que cela signifie?

M. Saravanamuttoo : Lorsque la Banque du Canada effectue des paiements internationaux à l’intention d’autres organisations internationales, ces paiements sont faits par l’intermédiaire de la Banque du Canada. C’est ce que la disposition signifie.

La sénatrice Marshall : Dans les comptes publics, est-ce que ce sera enregistré comme un investissement ou comme une dépense? Est-ce que c’est budgétaire ou non budgétaire?

M. Saravanamuttoo : C’est enregistré comme un bien, alors c’est non budgétaire.

La sénatrice Marshall : C’est non budgétaire?

M. Saravanamuttoo : C’est enregistré comme un investissement.

Le traitement comptable de la façon dont c’est géré par l’intermédiaire du processus budgétaire reconnaît, en réalité, qu’il y a une charge fiscale, qui représente la totalité du coût de la souscription.

La sénatrice Marshall : J’avais cru comprendre de quelqu’un d’autre que ce serait budgétaire, mais vous dites que c’est non budgétaire.

M. Saravanamuttoo : Non, de fait, nous disons que dans les comptes publics, c’est enregistré comme un investissement. Toutefois, nous prévoyons le montant total de cet investissement dans le processus budgétaire; nous sommes conscients du coût budgétaire total de l’investissement. Dans ce sens-là, c’est budgétaire.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice Eaton : Comme je l’ai dit au ministre Morneau hier, c’est beau de voir que vous croyez tous tellement en cette banque. Comme il l’a dit en réponse à ma question hier, nous avons droit à moins de 1 p. 100 des parts. Nous ne tiendrons pas un poste d’administrateur. Nous aurons un gouverneur, mais pas d’administrateur. La Chine détiendra 30 p. 100 des parts. M. Xi Jinping a indiqué très clairement que c’est lui qui dirige la Chine et que tout lui est permis. C’est son fief. Le Japon et les États-Unis ont choisi de ne pas participer à la banque.

Madame Giles, vous avez parlé de renforcer nos relations multilatérales en Asie. Nous ne semblons pas travailler très fort au PTP, une relation probablement très évidente pour nous. Le PTP semble susciter moins d’enthousiasme qu’auparavant.

Quels seront les avantages réels pour le secteur privé canadien? J’espère que nous pourrons soumissionner à des projets qui seront financés par la Banque de l’infrastructure. Est-ce vrai? Voyez-vous des avantages réels pour le Canada, mis à part le fait que nous aurons payé pour appartenir à un club où nous n’aurons guère notre mot à dire?

Mme Giles : C’est important d’insister sur la nature multilatérale…

La sénatrice Eaton : C’est une belle idée abstraite, mais quels avantages réels obtiendrons-nous en échange contre un demi-milliard de dollars?

Mme Giles : Un des avantages concrets possibles, c’est que le secteur privé canadien pourra soumissionner à des projets de la banque, très certainement. En étant membre de la banque, le Canada sera l’un des premiers à découvrir sa gamme de projets, et nous pourrons, bien sûr, influer sur ces projets pour faire en sorte qu’ils reflètent les mesures de protection et les normes auxquelles les Canadiens tiennent.

Nous croyons aussi qu’en développant les réseaux commerciaux et qu’en construisant de l’infrastructure en Asie, nous aiderons les entreprises canadiennes à commercialiser leurs produits, car, comme vous l’avez dit, il s’agit d’une région commerciale importante pour le Canada.

Il importe aussi de souligner que nombre des membres du PTP, le Japon étant une exception évidente et importante, sont aussi membres de la BAII. Il s’agit donc également d’un investissement dans ces relations régionales.

Vous avez raison lorsque vous dites que le Canada détiendra 1 p. 100 des parts, mais c’est possible, et de fait c’est fort probable que le Canada sera le membre le plus important du groupe dont il fera partie. Nous tiendrons probablement le poste d’administrateur.

La sénatrice Eaton : S’agit-il du groupe inférieur? Il y a A, B, C, D et E, et nous ferons partie du groupe E, c’est cela?

Mme Giles : Le conseil d’administration compte 12 membres, dont 9 sont régionaux. C’est vrai que le groupe auquel le Canada appartient est un peu hétéroclite comparativement aux autres — et nous serions ravis de vous les présenter. Nous faisons partie du groupe non régional de pays non européens; le groupe comprend des pays d’Amérique latine, ainsi que l’Égypte.

Le Canada possédera beaucoup plus d’actions que les autres membres de ce groupe. Nous n’appartenons pas encore à la banque et nous n’avons pas encore négocié les ententes avec les autres membres du groupe, mais traditionnellement, le plus grand actionnaire occupe le poste d’administrateur, au moins en alternance. Nous nous attendons à ce que le Canada tienne de façon régulière ou permanente le poste d’administrateur; nous serons donc une des 12 voix à la table du conseil d’administration.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup pour vos réponses. J’espère que vous reviendrez dans un an pour que nous voyions comment les choses se passent.

Le sénateur Black : Merci de votre présence.

Je ne suis pas exactement du même avis que la sénatrice Eaton. J’ai été déçu que nous ne soyons pas un des premiers membres de la BAII, mais bon, je suis heureux que nous soyons là maintenant. Je suis aussi ravi par ce que vous venez de dire concernant la gouvernance.

Je veux aller un peu plus loin parce que je veux comprendre la gouvernance de la banque et son incidence sur le pays. Les renseignements que vous nous avez donnés au sujet de la possibilité de tenir un poste d’administrateur étaient très clairs. Maintenant, pouvez-vous nous parler des droits que nous aurions en tant qu’actionnaire, surtout en ce qui a trait à l’information?

Mme Giles : Nous aurions certainement accès à plus d’information en vertu de nos droits en tant qu’actionnaires que si nous n’étions pas actionnaires, et il y a un grand échange d’information. De l’information générale est communiquée à l’ensemble des membres, et de l’information sur les projets à venir est transmise aux membres du conseil.

Nous avons constaté, dans nos premiers rapports avec la banque, qu’elle a la propension ou la volonté d’échanger plus d’information et non moins; nous ne devrions donc pas avoir de difficultés sur ce plan. Si nous siégeons au conseil au moins en alternance régulière, comme nous le prévoyons, nous aurons accès à toute l’information voulue.

La BAII, comme toutes les banques multilatérales avec lesquelles nous faisons affaire, est très ouverte aux questions du gouvernement du Canada. Nous n’avons pas rencontré de difficultés à cet égard.

Il vaut aussi la peine de souligner qu’une des mesures de protection prises par la banque, à notre sens, c’est qu’elle s’est dotée d’une unité très énergique dédiée au respect des règles, à l’intégrité et à l’efficacité. Cette unité contrôle l’efficacité des projets et elle répond directement au conseil des gouverneurs de la BAII, et non au président, sans passer par la structure de gouvernance. L’unité indépendante est dirigée conjointement par le Royaume-Uni et le Pakistan. Nous sommes donc sûrs que l’unité dédiée à l’intégrité fera tout ce qu’il faut pour que les actionnaires et le gouvernement du Canada obtiennent toute l’information dont ils ont besoin.

Le sénateur Pratte : La Chine possède 30 p. 100 des actions. Nombreux sont ceux qui se demandent quelle influence cela lui confère, et s’il existe des mécanismes qui pourraient l’empêcher de dominer totalement la banque et d’avoir une influence sur ses décisions et d’autres facettes de ses activités.

Mme Giles : C’est une excellente question, que l’on peut approcher de diverses manières.

D’abord, en vertu d’un processus qui s’applique dans la plupart des banques multilatérales, les décisions sont soumises au conseil d’administration pour qu’il en débatte et les mette aux voix. À diverses étapes du processus au cours duquel les décisions sont portées à l’attention du conseil d’administration, les actionnaires et les administrateurs peuvent exercer leur influence et avoir une incidence sur les projets en élaboration et les politiques proposées.

Dans d’autres banques multilatérales de développement, nous constatons que les administrateurs canadiens sont très portés à collaborer étroitement avec les autres administrateurs et les actionnaires pour pouvoir influencer les politiques. Dans la plupart des banques multilatérales de développement, en raison de la part du Canada dans l’économie mondiale, nos pourcentages et notre participation sont relativement modestes. Par exemple, nous avons une participation d’à peine 2,7 p. 100 dans la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, une des institutions clés du Groupe Banque mondiale.

C’est une situation avec laquelle le gouvernement du Canada est habitué de composer. Nous ne dominons aucune banque multilatérale de développement, compte tenu de la nature des rouages de ces institutions.

Cela étant dit, sachez que le conseil d’administration pourrait être saisi de certaines questions au sujet desquelles la Chine, grâce à son pouvoir de vote, pourrait opposer son veto au sujet de décisions importantes, en ce qui concerne notamment les statuts ou l’augmentation du capital de la banque. C’est un peu comme au sein de la Banque mondiale, où les États-Unis sont des actionnaires importants et peuvent avoir une influence sur la modification des statuts.

Tous les actionnaires sont toutefois capables de collaborer pour avoir une influence sur la grande majorité des questions d’exploitation et des projets de la banque. Il est peu probable qu’un actionnaire présente une proposition qui serait rejetée par le reste des actionnaires.

Le sénateur Pratte : Il s’agit d’une banque régionale. Comme vous l’avez souligné, neuf circonscriptions représentent la région, où la Chine jouit d’une influence considérable. Ce pays ne risque-t-il pas d’avoir d’une trop grande influence lors du choix des projets?

Mme Giles : Il pourrait être pertinent de décrire ici le processus de sélection de projets de la banque et la manière dont les décisions sont prises à cet égard. Il importe de comprendre comment la banque fonctionne.

Comme c’est le cas pour la plupart des banques multilatérales, les projets et leur sélection sont fondés sur la demande. La banque fournira donc du financement en fonction de la demande et de l’évaluation de la qualité des projets proposés.

La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures applique un processus de sélection rigoureux inspiré des pratiques exemplaires d’autres banques multilatérales de développement. Depuis la création de la banque, environ 75 p. 100 des projets qu’elle a avalisés ont été réalisés conjointement avec d’autres banques multilatérales de développement, comme la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Au cours des années initiales, elle a adopté une approche très intégrée et axée sur la collaboration pour combler les grands besoins en infrastructure. Cette façon de faire témoigne aussi de la nature de ces besoins, qui sont très importants et exigent souvent un financement substantiel.

Quand un pays souverain ou une entreprise présente une proposition, le personnel de la banque travaillera avec les demandeurs pour rendre le projet compatible avec un concours bancaire, procédant notamment à des évaluations sociales et environnementales. Dans le cadre de ce processus et au sein d’autres banques multilatérales de développement, nous avons constaté que les pays souverains ont parfois besoin d’aide technique au cours du processus d’élaboration de projet pour que ce dernier soit compatible avec un concours bancaire et devienne faisable.

Une fois que le projet est prêt, il est présenté au conseil d’administration pour qu’il le mette aux voix. Voilà où les 12 sièges prennent toute leur importance. Ensuite, une fois que le Canada sera membre de la banque, le ministère des Finances, en collaboration avec des collègues d’Affaires mondiales ou d’autres organismes du gouvernement fédéral, effectuerait une évaluation du projet, après quoi il recommanderait de le soutenir ou non.

Cependant, alors que les projets sont en cours d’élaboration en vue d’être présentés à une banque multilatérale de développement, nous les avons habituellement tôt à l’œil pour pouvoir exercer une influence substantielle au cours du processus. Cette influence est également très importante quand vient le temps de promouvoir les mesures de protection, les normes et les valeurs canadiennes auxquelles nous nous attendons que ces institutions adhèrent.

J’espère que ces explications répondent à votre question, mais je serais heureux de les étoffer si ce n’est pas le cas.

Le sénateur Pratte : Merci.

J’ai une dernière remarque à formuler sur l’incidence favorable que le fait de disposer de renseignements à l’avance sur les projets retenus par la banque pourrait avoir sur les entreprises canadiennes. Prenons l’exemple d’une entreprise de génie canadienne et d’une entreprise de génie américaine. Je suppose que même si les États-Unis ne sont pas membres de la banque, leurs entreprises de génie peuvent quand même participer aux appels d’offres, n’est-ce pas? Elles sont tout de même autorisées à prendre part aux projets.

Mme Giles : Il s’agit d’un processus d’appel d’offres ouvert, conformément aux normes d’autres banques multilatérales de développement.

Le sénateur Pratte : Bien.

Si le Canada devient membre de la banque, quel avantage les entreprises canadiennes pourraient-elles en tirer? Quel avantage cette participation leur offrirait-elle?

Mme Giles : Le gouvernement du Canada est informé précocement des projets en cours d’élaboration. Nous pouvons travailler avec nos autres partenaires fédéraux, comme Affaires mondiales, pour être informés d’occasions potentielles pour les entreprises canadiennes qui, autrement, n’auraient peut-être pas vent des projets qui pourraient être en développement. Même si le processus d’approvisionnement est ouvert, certains liens peuvent être établis parce que le Canada fait partie de la banque.

Bien entendu, le Canada prend bien soin d’adhérer à l’approvisionnement ouvert et de continuer d’en faire la promotion. C’est la solution la plus rentable. Il s’agit d’un principe extrêmement important à nos yeux.

Mais quand le Canada a un siège au conseil, nous pouvons déceler des occasions et veiller à ce que nos entreprises en soient informées lorsque les projets en sont rendus à l’étape de l’approvisionnement.

[Français]

Le sénateur Forest : Dans un premier temps, je vous remercie de votre présence et de l’information que vous nous transmettez. Quand je regarde les objectifs de la banque, donc sa mission première, je vois ceci : favoriser le développement économique durable et créer de la richesse. Ça me va. Cependant, je ne comprends pas la phrase qui parle d’améliorer la connectivité des infrastructures en Asie en investissant dans des infrastructures et dans d’autres secteurs productifs. Pour améliorer la connectivité, allez-vous dérouler de la fibre optique entre les infrastructures? Qu’est-ce que ça veut dire?

[Traduction]

Mme Giles : C’est une excellente question. La connectivité peut avoir plusieurs significations. Il peut s’agir, en effet, de la fibre optique, mais aussi de la connectivité plus virtuelle.

Il serait probablement utile de vous donner un exemple concret. Par exemple, certains projets concernent les réseaux ferroviaires, le développement portuaire, l’énergie solaire, pour assurer la connectivité dans le secteur de l’électricité, ainsi que l’hydroélectricité et la prévention des inondations.

Nous considérons que la connectivité avec la fibre optique constitue une partie importante des infrastructures et de la construction.

Neil, voudriez-vous fournir des détails supplémentaires?

M. Saravanamuttoo : La connectivité a un autre objectif important: il faut admettre, en effet, que les besoins en infrastructure sont multinationaux par définition. Ils font fi des frontières, qu’il s’agisse d’un pont, d’une ligne de chemin de fer ou de câbles à fibre optique qui touchent plusieurs pays. La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures a constaté que parfois, la connectivité n’est pas aussi fluide et aisée qu’elle le devrait. Elle espère donc qu’en adoptant une approche multinationale pouvant fonctionner dans plusieurs pays dans le cadre de projets régionaux, elle pourra faire des gains à cet égard.

[Français]

Le sénateur Forest : En fait, lorsqu’un néophyte comme moi lit l’objet de la banque, disons que c’est peut-être bon en ce qui a trait à la connectivité, mais ce n’est pas bon quant à la clarté. Il est assez ambigu d’interpréter ce qu'on entend par « connectivité ».

Pour faire suite à la question du sénateur Pratte, effectivement, on pourrait dire qu'il est bon d’être membre de la banque. On dit souvent que l’information est le pouvoir. Être membre de la banque apporte des opportunités intéressantes, notamment pour les intervenants et les entreprises canadiennes, que ce soit en matière de consultations, de construction ou autres. Est-ce qu'on a mis en place un plan pour optimiser cette capacité d’obtenir l'information et d’en faire profiter au maximum? En fin de compte, on participera à des appels d’offres internationaux. Le fait de connaître, en amont, les projets qui pourraient être retenus ou financés pourrait constituer un avantage. Au ministère qui a pour mandat les affaires internationales ou le développement économique international, pensera-t-on à mettre en place une stratégie concrète pour que les gens d’affaires canadiens puissent profiter de cet avantage lié à l’information et saisir l’occasion un peu avant la concurrence internationale?

[Traduction]

Mme Giles : Voilà une excellente question. C’est un point auquel nous nous sommes intéressés. Nous collaborons étroitement avec le Service des délégués commerciaux, qui relève d’Affaires mondiales Canada, pour nous permettre d’exploiter ce réseau et le réseau d’entreprises canadiennes clientes afin de diffuser l’information.

[Français]

Le sénateur Forest : Est-ce que votre travail a conduit vers un plan d’action concret ou simplement à un vœu de saisir des opportunités? Y a-t-il un plan d'action concret qui a résulté de votre travail avec les délégations, les consuls canadiens ou les ambassades?

[Traduction]

Mme Giles : Il n’existe pas encore de telle stratégie, puisque nous ne sommes pas membres de la banque, et nous voulons veiller à ne pas faire de présomptions quant à la décision du Parlement à ce sujet. En collaboration avec le Service des délégués commerciaux, nous avons toutefois travaillé à toutes les étapes, et en vue de l’adhésion du Canada à la banque, pour nous assurer de pouvoir agir promptement pour que l’information soit communiquée aux entreprises canadiennes.

[Français]

Le sénateur Forest : Sans mettre la charrue devant les bœufs, je crois qu'il est pertinent d’avoir un bon plan d'action. Je souhaite que, lorsque nous nous reverrons dans un an, il y ait quelque chose de concret à ce sujet. Ce sont des investissements majeurs, il y a des occasions à saisir, mais il faut avoir la structure et l’organisation pertinentes.

Rapidement, il y a le volet des opportunités, mais aussi celui du rendement. À quel rendement vous attendez-vous des investissements effectués par la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures? Quel sera le rendement financier?

[Traduction]

Mme Giles : Faites-vous référence au rendement concret des investissements?

Le sénateur Forest : Oui.

Mme Giles : La banque est autonome et fonctionne comme une banque normale, en ceci que le rendement tiré des investissements est versé au capital, puis recyclé en vue d’investissements futurs. Nous nous ferons un plaisir de vous expliquer ce processus en détail si cela peut vous être utile. De façon générale, cependant, tous les gains obtenus des investissements et tous les fonds reçus sont intégrés aux capitaux généraux et serviront à appuyer d’autres projets.

[Français]

Le sénateur Forest : Il est d’autant plus important de se donner un plan d'action afin de saisir les opportunités d’affaires pour les entreprises canadiennes.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je voulais donner suite à une question que le sénateur Black a posée au sujet de l’information qui serait fournie aux actionnaires.

Je veux parler de l’article 34 des statuts, qui traite des rapports et de l’information. Il indique que la banque remettra à ses membres un rapport annuel contenant un état financier audité de ses comptes, rapport qu’elle publiera. Elle préparera en outre un état financier trimestriel. Tout est indiqué là.

J’ai posé une question similaire au ministre hier, parce que si le gouvernement investit près d’un demi-milliard de dollars dans une organisation, je m’attendrais à une décision quelconque quant au type de rapport ou d’information que l’investisseur recevra. Tout ce que je peux conclure, c’est que dans la partie finale de l’article, il est indiqué que la banque établira une politique sur la divulgation d’informations. Il me semble que si le gouvernement du Canada s’apprête à investir un demi-milliard de dollars dans une organisation, il aurait une copie de cette politique avant de verser les fonds.

Ma question est donc la suivante : le gouvernement a-t-il reçu une copie de cette politique? J’aimerais savoir exactement quels renseignements le gouvernement recevra une fois l’investissement effectué.

Mme Giles : C’est une autre excellente question, sénatrice. Comme vous le faites remarquer avec justesse, l’article 34 exige la présentation de rapports et d’informations. Il s’agit d’une exigence minimale en matière de reddition de comptes qui cadre avec les pratiques des banques et des institutions privées et des autres banques multilatérales de développement, comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. C’est le seuil minimal de reddition de comptes qui est appliqué.

Nous croyons comprendre que la politique proprement dite est encore en élaboration. Dans ce cas, si nous avions été membres de la banque, nous aurions pu faire partie du groupe qui élabore et influence cette politique; il nous semble toutefois qu’elle est encore en développement pour l’instant.

La sénatrice Marshall : Eh bien, c’est le minimum, mais aussi le maximum. C’est la seule obligation que la banque doit honorer au sujet de l’investissement d’un demi-milliard de dollars du gouvernement du Canada. Je ne peux que remettre en question la sagesse qu’il y a à investir une telle somme dans une banque qui n’a pas précisé le genre de renseignements qu’elle fournira, à part un état financier audité. Ce n’est vraiment pas beaucoup.

Ces fonds sont fournis par l’entremise du Parlement du Canada. Quelle sorte de renseignements le ministre pourra-t-il fournir à ce dernier pour prouver le caractère judicieux de cet investissement? C’est simplement une observation que je voudrais formuler.

Je voudrais que vous confirmiez, même si vous le faites à une date ultérieure, que le gouvernement connaît exactement la teneur de la politique ou s’il investit l’argent en sachant seulement qu’il recevra des états financiers audités.

Mme Giles : Je demanderai à Neil de vous expliquer en détail où nous en sommes actuellement avec cette politique qui est encore en élaboration. Mais je le répète: outre le rapport et l’état financier annuels, nous recevrons au moins des sommaires et des états financiers trimestriels sur la situation financière. Je pense qu’il importe également de réfléchir au respect des pratiques exemplaires des autres banques multilatérales de développement dont le Canada fait aussi partie, notamment la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque mondiale.

Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la politique, monsieur Saravanamuttoo.

M. Saravanamuttoo : Il importe de se rappeler que les statuts ont été acceptés par les membres quand la banque a commencé à prendre son envol; ils définissent donc les attentes des actionnaires, mais également ces exigences minimales. Dans le cas présent, la banque fournira au moins un rapport annuel avec des états financiers audités et des rapports trimestriels sur les finances, comme le ferait n’importe quelle société privée cotée en bourse.

Ce seraient là les attentes minimales des actionnaires, mais comme ces statuts pourraient ne pas être modifiés avant un certain nombre d’années, voire des décennies, il est peu probable que les actionnaires veuillent préciser exactement quels rapports seraient exigés en plus de ces documents afin d’accorder une certaine souplesse et de permettre une évolution avec le temps.

Nous pouvons étudier les pratiques des autres banques multilatérales de développement pour voir ce qu’elles font, car leurs statuts comprendraient des exigences semblables prévoyant la présentation de rapports annuels et d’états financiers. Nous avons constaté qu’au fil du temps, ces institutions ont fourni aux actionnaires des fiches de rendement et des résultats sur les répercussions du développement. Nous avons donc reçu d’elles un éventail de rapports nous permettant d’y voir plus clair.

La sénatrice Marshall : Je formulerai une dernière observation en réaction à cette intervention. Je me dois d’être en désaccord avec vous, car voici ce qu’indique cet article:

La Banque adopte une politique de divulgation d’informations afin de promouvoir la transparence de ses opérations.

Quand je lis ce passage, je n’ai pas l’impression que cette banque se soucie de ce que font les autres institutions financières. Elle établira sa propre politique. J’aimerais donc voir cette politique. C’est tout ce que je demande.

Mme Giles : Bien sûr.

La sénatrice Andreychuk : Je voudrais revenir au sujet de la gouvernance de la banque. Lorsque le Canada s’est joint à la Banque mondiale, les membres étaient optimistes, espérant qu’ils partageraient des valeurs, des aspirations et des objectifs. Comparativement aux autres pays, nous n’étions pas un acteur important dans cette banque non plus, mais nous espérions influencer les gros joueurs.

Ainsi, je pense que nous adhérons stratégiquement à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures pour des motifs politiques. Nous voulons être à la table et voir si nous pouvons avoir une certaine influence et être un acteur en Asie. Mais qu’est-ce qui nous permet d’espérer que nous pouvons influencer les autres membres alors que la Chine détient 30 p. 100 des actions?

Quand nous envisageons un accord bilatéral avec la Chine, nous nous préoccupons des technologies et de leur transfert. Nous savons qu’à l’époque, il nous a été très difficile de jouer sur un pied d’égalité au sein de la Banque mondiale. Nous nous sommes battus bec et ongles pour y imposer des règles supplémentaires sur la corruption, le processus d’appel d’offres et la reddition de comptes.

Je comprends que vous nous dites que nous sommes maintenant à la table. Nous prenons une sorte de pari, pensant pouvoir avoir une influence. Nous espérons que les autres membres partageront nos vues afin d’influencer le processus pour qu’il s’apparente à celui de la Banque mondiale, lequel nous a donné du fil à retordre. Jusqu’à tout récemment, nous n’avions pas été tellement utiles aux entreprises au sein de cette banque. Même maintenant, je dirais que nous sommes limités en ce qui a trait aux appels d’offres. Nous n’avons pas tellement de succès, mais nous avons au moins une certaine participation.

Je reviendrai à la remarque du sénateur Forest. Quel plan stratégique avons-nous du point de vue politique et financier pour influencer les membres? Nous ne sommes pas encore membres à part entière et notre participation est minime. Nous devons donc savoir maintenant quel est notre résultat limité. Sinon, nous penserons pouvoir être dynamiques et changer la donne pour les entreprises et le gouvernement du Canada, ce qui serait trop optimiste, selon moi. Nous y parviendrons peut-être à long terme, mais pour le moment, sur les plans politique et financier, nous sommes un petit acteur. Nous devrions viser des objectifs que nous pensons pouvoir atteindre en faisant jouer notre influence politique pour améliorer les règles ou déterminer si nous pensons pouvoir examiner les appels d’offres afin d’exercer une influence pour les entreprises canadiennes. La plupart des projets donnent lieu à des fusions, comme vous l’avez souligné; nous devrions donc au moins aider les entreprises à déterminer avec quelles entreprises elles veulent s’associer pour remporter l’appel d’offres.

Ce n’est pas comme dans le cas de la Banque africaine de développement. Nous savions que nous voulions en faire partie, tout en souhaitant que l’Afrique en soit propriétaire. Sachant qu’il y avait de l’argent et de la richesse en Afrique, nous voulions pouvoir encourager les acteurs africains à commencer à prendre soin de leurs propres pays. Notre objectif stratégique était différent alors. Je pense que j’aimerais connaître nos objectifs à court et à long terme à l’égard de la Banque asiatique de développement. Nous ignorions si nous devions en faire partie, alors nous n’avions pas d’objectif clair. Nous nous sommes joints à la banque par la suite.

Quel est notre plan stratégique? Je pense que c’est ce que nous voulons savoir ici. Nous devons justifier auprès des contribuables l’utilisation que nous faisons de leur argent, et nous devons connaître ce plan. Quand une banque se développe, quels sont les jalons mesurables?

Mme Giles : Je dirais qu’en se joignant à la banque, le Canada a pour objectif stratégique à long terme de contribuer à combler le déficit de financement en matière d’infrastructure en Asie, lequel est évalué à 1,7 billion de dollars par année. Cette démarche aura pour les Canadiens un éventail d’avantages qui peuvent être évalués de diverses manières, dont certaines ont été évoquées ici aujourd’hui. Nous sommes d’avis que la croissance économique durable en Asie aura des avantages substantiels pour la petite économie commerciale ouverte du Canada.

Il importe également de se rappeler que l’approche que nous adoptons afin de nous joindre à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures fait aussi partie de notre aide officielle au développement. Les entreprises canadiennes pourraient en tirer des avantages commerciaux potentiels directement sous la forme d’occasions d’approvisionnement et indirectement en raison de la force des infrastructures qui facilitera le commerce et le transport des biens jusqu’au marché. Cette démarche s’inscrit fondamentalement dans notre politique et nos dépenses d’aide internationale.

Par exemple, le Comité d’aide au développement de l’OCDE a établi des lignes directrices et des règles sur ce qui peut ou non être considéré comme de l’aide au développement officielle. Il a indiqué que 85 p. 100 des comptes de financement de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures constituent de l’aide officielle au développement.

Cette démarche vise en grande partie à offrir de l’aide au développement, et si le Canada se joint à la banque, c’est notamment parce que nous croyons que lorsque le monde sera plus prospère et plus stable, les Canadiens en bénéficieront et le Canada pourra devenir plus prospère et plus stable.

Ce qui est difficile lorsqu’on évalue les résultats de l’aide internationale, c’est qu’il s’agit de mesures et d’indicateurs à long terme qui sont souvent indirects. Nous pensons toutefois que si nous favorisons et soutenons une croissance durable et inclusive en Asie, cette dernière aidera les plus pauvres et les plus vulnérables, et aura également des avantages pour les Canadiens plus directement.

Il pourrait être utile de traiter des mesures de protection et des diverses politiques que la banque a mises en place en ce qui concerne les questions sociales et environnementales et la main-d’œuvre, si cela peut aider le comité, dont certaines questions effleuraient le sujet.

Le président : Il ne fait aucun doute que ces explications apporteront des éclaircissements concernant certaines questions.

Mme Giles : La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures s’inspire des structures d’exploitation et de gouvernance des institutions financières internationales existantes. Comme je l’ai souligné brièvement, elle a adopté les pratiques exemplaires d’autres banques multilatérales de développement. Plus concrètement, en mars 2017, elle a fait sienne la liste des entreprises et des particuliers sanctionnés qui ont été radiés par d’autres banques multilatérales. C’est ce qui s’appelle la radiation mutuelle. Elle a donc adopté cette liste.

La banque a également instauré une politique sur les pratiques prohibées prévoyant de punir les fautes professionnelles, une mesure qui est, de toute évidence, importante pour le Canada. Cette politique interdit la coercition, la collusion, la corruption, les pratiques frauduleuses, le mauvais usage des ressources, l’obstruction et le vol. Il s’agit d’une politique fort solide qui, ici encore, fait fond sur les travaux d’autres institutions financières internationales et banques multilatérales de développement; la banque ne réinvente donc pas la roue ni n’élabore de pratiques de manière indépendante. Elle s’inspire plutôt du travail des autres banques multilatérales de développement et leçons qu’elles ont bien souvent durement tirées de l’expérience acquise depuis une trentaine d’années.

La banque a également mis en place des mesures de protection sociales et environnementales semblables à celles des autres banques multilatérales de développement, qu’elle a officialisées au printemps 2016. Fait intéressant, elle l’a fait à la suite d’une solide série de consultations publiques menée à l’automne 2015. Parmi ces mesures de protection figurent notamment des restrictions sur le travail des enfants et une obligation de conformité à la Convention sur l’âge minimum de l’Organisation internationale du Travail. À cela s’ajoutent des exigences quant aux dommages à l’environnement, en ce qui concerne notamment les pratiques d’atténuation de la pollution, la prise en compte de la biodiversité et l’utilisation durable des terres et de l’eau.

Il y a également des conditions pour les mesures de protection reliées à la réinstallation forcée ou aux déplacements physiques ou économiques. Tout comme la Banque mondiale, la BAII exige que les activités de réinstallation soient conçues et menées comme des programmes de développement durable, afin de fournir suffisamment de ressources aux personnes concernées, pour que celles-ci puissent bénéficier des retombées du programme.

La BAII consacre également un volet entier à la gestion des relations avec les peuples autochtones. Cet enjeu est aussi important pour le gouvernement canadien. Ainsi, un client doit élaborer et mettre en œuvre des projets dans le respect total de l’identité, de la dignité, des droits de la personne, de l’économie et de la culture des peuples autochtones, tels que définis par ces derniers. L’objectif est qu’ils tirent des avantages économiques et sociaux culturellement appropriés, qu’ils puissent participer activement aux projets et qu’ils ne subissent pas de répercussions négatives.

La BAII a également des procédures pour vérifier les états financiers de projets et travaille avec les bénéficiaires afin de s’assurer que l’argent serve bien au but premier. Ces vérifications sont l’œuvre d’une unité indépendante dirigée par un citoyen du Royaume-Uni ayant une double nationalité. Cette unité s’assure de la conformité, de l’efficacité et de l’intégrité. Nous avons confiance en cette unité.

Étant relativement récente, la BAII a certains avantages. Par exemple, elle peut s’inspirer de leçons tirées par d’autres banques multilatérales de développement. Mme Nadarajah a déjà fait une comparaison exhaustive entre les politiques de la BAII et celles de la Banque mondiale et des BMD. Elles sont identiques, à quelques exceptions près.

Cela s’explique, entre autres, par le fait que 75 p. 100 des projets réalisés par la BAII lors de ses premières années d’activité ont été des projets menés conjointement avec d’autres banques multilatérales de développement. Certaines pratiques étaient donc identiques, car la BAII devait évidemment se conformer aux normes des autres banques, que ce soit la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

De bien des façons, la BAII est en fort meilleure posture que d’autres BMD l’étaient dans les années 1950, 1960 ou même dans les années 1970 lorsqu’elles se sont lancées en affaires. À l’époque, les mentalités n’étaient pas aussi progressistes qu’aujourd’hui et les unités d’intégrité n’étaient pas aussi indépendantes.

Je m’excuse, ma réponse était longue. J’espère tout de même qu’elle vous sera utile.

La sénatrice Andreychuk : Il faudra entre autres surveiller les projets de la banque et déterminer si les normes sont réellement les mêmes que celles de projets d’autres banques. De plus, il faudrait faire une comparaison avec les projets d’infrastructures bilatéraux de la Chine, qui utilise toutes les méthodes de financement, à l’interne ou autres, et pas seulement en Asie, mais ailleurs également. Il faudra déterminer si ces normes de mise en œuvre sont identiques. Je n’en dirai pas davantage, car je crois que vous comprenez où je veux en venir.

Voilà pourquoi il est important de déterminer l’influence qu’un partenaire a par rapport aux autres. Si le Canada se retrouve à la table des décisions et désire être pertinent, il a intérêt à trouver un autre pays aux mêmes idéologies à des fins de stratégie et de protection face aux contributeurs plus importants.

Mme Giles : Tout à fait.

[Français]

Le sénateur Forest : Il est clair que cet investissement s’inscrit dans une perspective de solidarité internationale que je salue. Cet investissement s’inscrit aussi dans une perspective économique. À titre de Comité des finances, notre responsabilité serait, selon moi, de vérifier la mise place d’un environnement favorable, afin que l’ensemble des opportunités pour les entreprises et les gens d’affaires canadiens puissent être saisi de façon optimale et efficace. Il s’agirait tout simplement de le consigner à notre procès-verbal afin que nous puissions vérifier si cela a été fait, lorsque le Canada sera devenu membre et qu’il y aura de nouveau une rencontre.

[Traduction]

Le président : Avant de changer de sujet, j’aimerais vous poser quelques questions. Si vous ne pouvez pas y répondre immédiatement, je vous prierais d’envoyer l’information à la greffière.

Le Canada peut-il s’assurer d’un certain pourcentage de contenu canadien dans les contrats?

Mme Giles : Non, puisqu’il s’agit d’une politique d’approvisionnement ouverte.

Le président : La BAII pourrait-elle investir dans des projets d’infrastructure de défense dans cette région du monde en question?

Mme Giles : Nous n’avons pas encore examiné la question, monsieur le sénateur. Ce n’est pas quelque chose qui se fait traditionnellement dans les autres banques multilatérales de développement, car les pays ont tendance à protéger jalousement et avec grande précaution ces projets de défense. Par contre, nous allons faire des recherches à ce sujet et vous confirmer le tout, car je veux vous donner une réponse complète.

Le président : Merci.

La banque pourrait-elle investir ailleurs qu’en Asie, et pourrait-elle être localisée ailleurs dans le monde?

Mme Giles : Oui et non.

Le président : Dites-moi où elle pourrait investir et pourquoi elle ne pourrait pas être localisée ailleurs.

Mme Giles : Je vais laisser M. Saravanamuttoo vous donner les détails.

M. Saravanamuttoo : Oui, la banque pourrait investir ailleurs qu’en Asie. Cela a été reconnu par un certain nombre de pays d’Afrique et d’Amérique latine qui ont décidé de devenir membres de la banque. Ces pays reconnaissent qu’il existe une source de financement potentielle pour l’avenir. La décision appartiendrait au conseil d’administration, mais c’est tout à fait possible.

Pour ce qui est de votre seconde question par rapport à l’emplacement de la banque, il est écrit dans les statuts qu’elle sera localisée à Pékin, en Chine. Donc, à moins de modifier les statuts, c’est là que se trouvera le siège social.

Le président : Merci.

Passons maintenant à la section 3, à l’onglet 3 de vos classeurs. Nous allons céder la parole à Nicole Giles et Neil Saravanamuttoo.

Pouvez-vous vous identifier et dire au comité qui dirigera l’exposé et les commentaires?

Mme Giles : Je m’appelle Nicole Giles, je suis la directrice générale de la Division des finances internationales et du développement du ministère des Finances du Canada. Je ferai l’exposé et je dirigerai les réponses aux questions.

À mes côtés se trouve Neil Saravanamuttoo, qui est le directeur des institutions multilatérales au sein de la Division des finances internationales et du développement du ministère des Finances du Canada.

Le président : Vous pouvez commencer votre exposé sur la section 3.

Mme Giles : Cette section traite du transfert du Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, le GAFSP, du guichet du secteur privé ainsi que des mécanismes financiers pour lutter contre les changements climatiques. Ce transfert est surtout administratif, mais j’aimerais en parler plus en détail afin de m’assurer que les sénateurs le comprennent bien.

J’aimerais vous exposer un peu le contexte. Pendant plusieurs années, le gouvernement du Canada a tenté de trouver des façons d’attirer des investissements du secteur privé pour financer le développement international. Cela fait partie du programme de milliards ou même de billions de dollars dont bon nombre d’entre vous ont probablement entendu parler.

En 2010-2011, le gouvernement du Canada a eu des discussions avec la Société financière internationale à propos du guichet du secteur privé de la Banque mondiale. Ces discussions ont mené à trois accords axés sur les changements climatiques et la sécurité alimentaire.

Le premier accord portait sur les mécanismes financiers pour lutter contre les changements climatiques, précisément sur le financement concessionnel. Le second accord portait aussi sur les mécanismes financiers pour lutter contre les changements climatiques, mais précisément sur l’aide technique, y compris le fonds catalyseur. Enfin, le troisième accord portait sur le guichet du secteur privé du Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire.

En vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes, le ministre des Finances peut utiliser des placements en actions. À l’époque, le ministère des Finances avait l’expertise nécessaire pour travailler au sein de guichets de financement du secteur privé. Il a donc été décidé que ces trois accords seraient gérés par le ministère des Finances, même s’il était question d’aide internationale et d’aide au développement.

Alors, pourquoi réexaminons-nous maintenant la gestion administrative de ces accords? Avec le lancement de la nouvelle Politique féministe d’aide internationale du Canada au printemps, l’accent est davantage mis sur la nécessité d’élaborer et d’intégrer des approches et des mécanismes de financement innovateurs, notamment des prêts et des placements en actions, c’est-à-dire la question de savoir comment attirer des fonds supplémentaires du secteur privé afin de favoriser le développement. Pour ce faire, il faut acquérir des capacités et des compétences supplémentaires.

À l’heure actuelle, la ministre des Affaires étrangères n’a pas les pouvoirs nécessaires pour détenir des placements en actions et, par ricochet, pour administrer les trois programmes en question. Cette mesure étant prévue dans le budget de 2017, il faut apporter des modifications législatives aux pouvoirs de la ministre des Affaires étrangères pour permettre le transfert administratif des programmes proposés dans le cadre du projet de loi C-63.

La portée des modifications législatives proposées aux pouvoirs de la ministre des Affaires étrangères se limite exclusivement au transfert de ces trois programmes. Le ministère des Finances et Affaires mondiales Canada examinent donc des options pour déterminer comment étendre les pouvoirs au-delà de ces programmes afin de mieux faciliter le financement innovateur dans le domaine du développement, mais les mesures prévues dans le projet de loi portent uniquement sur ces trois programmes, en guise de démarche préliminaire ou de première étape.

Par conséquent, ces mesures législatives ne changeront absolument rien à la relation du gouvernement du Canada avec la Banque mondiale et la Société financière internationale.

Nous serons ravis de répondre aux questions des sénateurs.

La sénatrice Eaton : Merci, madame Giles.

Le ministère des Finances possède évidemment un savoir-faire considérable et axé sur l'excellence. Pourquoi n’auriez-vous pas l’expertise d’Affaires mondiales Canada, par exemple, pour gérer le programme de lutte contre les changements climatiques? N’est-ce pas plutôt le ministère de l’Environnement qui devrait s’en occuper? Quant au Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, pourquoi n’irait-il pas au ministère de l’Agriculture? Ces ministères emploient des gens qui se spécialisent dans ces domaines. Ayant moi-même siégé au comité de l’agriculture pendant cinq ans, je sais à quel point le ministère de l’Agriculture fait de l’excellent travail.

Je trouve renversant que vous preniez ces trois importants domaines d’aide internationale et que vous les donniez tout simplement à la pauvre Mme Freeland, qui s’occupe déjà de l’ALENA et du Partenariat transpacifique, en plus de gérer le dossier de la Corée du Nord. Bien entendu, ces programmes finiront par être délégués aux fonctionnaires de son ministère, alors pourquoi sont-ils plus qualifiés que vous ou les autres fonctionnaires des ministères des Finances, de l’Environnement ou de l’Agriculture?

Mme Giles : C’est un élément très important. Je pense qu’une partie de la réponse revient à la question de savoir comment le Canada fournit son aide internationale et comment il utilise le gros de son enveloppe réservée à cette fin.

La raison pour laquelle les pouvoirs sont transférés à la ministre des Affaires internationales, c’est qu’en vertu de la Loi sur le MAECD, soit la loi qui régit Affaires mondiales Canada — à noter que même si le ministère a changé de nom, la loi reste la même —, ces pouvoirs sont délégués à la ministre du Développement international. Voilà pourquoi c’est la ministre des Affaires étrangères qui s’en occupe, et nous nous attendons à ce que les pouvoirs soient délégués, comme c’est le cas pour les autres programmes.

Cela tient, en partie, au fait que le ministère des Affaires mondiales s’est vu confier une série d’attributions par le Conseil du Trésor pour administrer des programmes à l’échelle internationale.

Voilà ce qui distingue l’expertise d’Affaires mondiales Canada pour ce qui est d’administrer les programmes de développement international et d’aide internationale, et c’est pourquoi le Conseil du Trésor lui a donné des attributions précises en ce qui concerne la façon de procéder, notamment la façon de rédiger les accords de contribution et de prendre les décisions d’octroi de subventions.

Par conséquent, même si certains ministères au sein du gouvernement du Canada possèdent une expertise incroyable, comme vous l’avez souligné, que ce soit le ministère de l’Agriculture ou ECCC, la prestation de l’aide internationale se fait, en grande partie, par l’entremise d’Affaires mondiales parce que le Conseil du Trésor lui a décerné les attributions nécessaires.

La sénatrice Eaton : Je peux comprendre que Mme Freeland puisse décider de faire en sorte que le Canada accorde de l’aide à un pays précis en Afrique ou en Asie dans le domaine de l’agriculture ou de l’environnement, mais elle finirait sûrement par s'adresser aux fonctionnaires de ces deux autres ministères pour mettre à profit leur expertise. Nous avons souvent constaté, en siégeant au comité des finances, que nous sommes portés à distribuer de l’argent, mais il n’y a aucune reddition de comptes parce que nous ne faisons que donner allégrement les fonds. Quand nous cherchons à savoir comment fonctionne le programme, personne ne peut nous répondre.

C’est pourquoi je suis surprise que ces trois programmes bien intéressants soient transférés à Affaires mondiales, un ministère qui n’a aucune expertise en agriculture ou en environnement. Ses fonctionnaires savent peut-être comment accorder les fonds et attribuer les contrats, mais ils ne possèdent pas l’expertise nécessaire pour dire: « Non, ce n’est pas ce dont le Soudan a besoin. Il y a une nouvelle technologie de filtration d’eau. Nous devrions opter pour cette solution. » Ils sont maintenant appelés à prendre le relais. C’est plutôt un gros changement.

Mme Giles : Affaires mondiales Canada compte un groupe très compétent qui se penche sur l’environnement et les changements climatiques et qui s’occupe de plusieurs programmes. Je ne veux pas parler au nom de mes collègues d’un autre ministère, mais je sais qu’il y a beaucoup de coordination avec ECCC ainsi qu’avec le ministère de l’Agriculture — bref, il existe des liens étroits.

À mon avis, il est important de se rappeler que ces trois programmes sont mis en œuvre dans le cadre du guichet du secteur privé au sein de la Société financière internationale de la Banque mondiale. Même si notre pays a certainement son mot à dire dans la sélection des projets, c’est aussi en quelque sorte une possibilité d’apprentissage pour le gouvernement du Canada en ce qui concerne la façon de collaborer avec le secteur privé, d’obtenir des investissements privés et de tirer profit du financement du secteur privé à des fins de développement pour être en mesure d’attirer des capitaux privés et d’accroître ainsi les subventions et les contributions.

La sénatrice Eaton : Des capitaux privés au Canada ou dans les pays que vous voulez aider?

Mme Giles : À l’échelle internationale. La Société financière internationale, par exemple, mettrait en œuvre des projets en Éthiopie ou en Colombie. Selon le projet, il y a parfois de grands investisseurs institutionnels situés dans d’autres pays. Parfois, il s’agit du secteur privé dans le pays hôte du projet et, d’autres fois, il s’agit de grandes sociétés multilatérales privées.

La sénatrice Marshall : Je regarde le paragraphe proposé 178(2), qui porte, comme son titre l’indique, sur l’acquisition d’actions. S’agit-il d’une nouvelle disposition?

M. Saravanamuttoo : Les articles 177 à 179 sont tous nouveaux.

La sénatrice Marshall : Des fonds ont-ils été prévus pour l’acquisition d’actions dans une société? Y a-t-il de l’argent prévu dans le budget de juin ou dans le projet de loi C-63? Y a-t-il quelque chose de définitif? Cette disposition est-elle là uniquement dans l’espoir d’une mesure éventuelle, ou y a-t-il quelque chose de concret?

Mme Giles : Le financement associé à ces trois programmes a été versé il y a bien des années. Je crois que c’était, pour la plupart, en 2010-2011. Il y a eu quelques paiements plus récents. À ce stade-ci, aucun autre financement n’est prévu pour ces programmes. Il est question du transfert administratif des programmes permanents.

La sénatrice Marshall : Vous avez dit qu’il y a eu un versement en 2010-2011. C’était pour quel programme au juste?

M. Saravanamuttoo : Le programme pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, d’un montant de 50 millions de dollars américains. Quant au programme de lutte contre les changements climatiques, c’était d’environ 400 millions de dollars.

La sénatrice Marshall : Ces montants apparaissent-ils toujours comme des investissements du gouvernement du Canada, ou est-ce qu’ils ont été déduits ou radiés?

M. Saravanamuttoo : Il s’agit de mécanismes de financement concessionnel, comme on les appelle, et ces fonds ont été réservés à un certain taux. Pour revenir à notre discussion précédente sur les investissements dans la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, les normes comptables actuelles du secteur public exigeraient leur déduction complète. Par contre, les investissements dont il est question ici ne sont pas déduits à 100 p. 100. Il y a un rendement du capital, jusqu’à un certain taux, dans le cadre des deux programmes.

La sénatrice Marshall : Donc, si j’examine les comptes publics sous la rubrique des investissements, je trouverai certains de ces montants?

M. Saravanamuttoo : Oui.

Le président : La dernière question appartient au sénateur Maltais pour clore le débat sur la section 3. Nous devons libérer la salle dans trois minutes.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’aimerais savoir dans quel programme axé sur la taxe sur le carbone vous avez investi dans le domaine de l'agriculture.

M. Saravanamuttoo : Pardon. Pouvez-vous répéter la question?

Le sénateur Maltais : J’aimerais savoir dans quel programme vous avez investi pour contrer la taxe sur le carbone dans le domaine de l'agriculture.

[Traduction]

M. Saravanamuttoo : Aucun de ces programmes n’est directement lié à une taxe sur le carbone. Le programme de lutte contre les changements climatiques se rapporte à différentes mesures qui peuvent être prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, alors que le programme agricole est surtout lié, en général, aux investissements en agriculture qui favorisent la sécurité alimentaire.

Mme Giles : Ces programmes ont été créés avant l’engagement que le gouvernement actuel a pris dans le cadre de la 21e Conférence des parties, soit un investissement de 2,65 milliards de dollars pour ce genre d’activités. Ces programmes sont donc antérieurs à cet engagement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. J’ai été président du Comité de l’agriculture pendant des années, et le Canada n’a pas investi un sou dans la lutte aux émissions de gaz à effet de serre ou dans la taxe sur le carbone dans le secteur de l'agriculture. Il y a une contradiction quelque part. Cela provient des fonctionnaires du ministère des Finances, et non de moi.

Le président : Pouvez-vous prendre cette question en note et nous revenir avec une réponse, s’il vous plaît?

Mme Giles : Bien sûr.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, voilà qui met fin aux discussions sur la section 3.

À notre prochaine réunion, nous poursuivrons l’étude du projet de loi C-63 avec les représentants du ministère des Finances. Les fonctionnaires reprendront là où nous venons de laisser, et ils commenceront par faire un exposé sur la section 4 de la partie 5.

(La séance est levée.)

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