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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 57 - Témoignages du 7 décembre 2017 (séance du matin)


OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hu, à 10 h 16, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Sénateurs, je m’appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je souhaite également la bienvenue aux personnes qui se joignent à nous.

Je demanderais aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.

La sénatrice Eaton : Sénatrice Eaton, de Toronto.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Nous étudions le projet de loi C-63. Nous accueillons des représentants du ministère des Finances : M. Pierre Mercille et M. Gervais Coulombe.

Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation de venir nous fournir des renseignements supplémentaires sur le projet de loi C-63, ainsi que des précisions qui nous aideront à terminer le rapport que nous déposerons la semaine prochaine.

On m’a informé que les deux dernières parties à l’étude pour le projet de loi C-63 sont la partie 3, Loi sur l’accise, et la partie 4, Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

[Français]

Je demanderais aux fonctionnaires de se présenter individuellement. La greffière m’informe que M. Coulombe fera ses commentaires et sera suivi des questions des sénateurs.

Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je m’appelle Gervais Coulombe. Je suis directeur en politique de l’accise au ministère des Finances.

Pierre Mercille, directeur principal, (Législation), Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je m’appelle Pierre Mercille. Je suis directeur principal responsable de la législation à la Direction de la taxe de vente du ministère des Finances.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. La parole est à vous, monsieur Coulombe.

M. Coulombe : Merci, monsieur le président. Parlons d’abord de la taxation de la bière. La mesure en question, la seule contenue dans la partie 3 du projet de loi, aux articles 165 à 168, modifie la Loi sur l’accise afin que la taxation de la bière faite de concentrés sur les lieux où elle est consommée corresponde à celle des autres produits de la bière.

Le gouvernement du Canada applique de façon générale un droit d’accise sur les produits alcooliques comme la bière, le vin et les spiritueux qui entrent sur le marché canadien des marchandises acquittées. La taxe d’accise ordinaire sur la bière est l’équivalent de 2,61 $ par 24 bouteilles de bière.

On a signalé au gouvernement que, à cause des règles d’accise existantes, les nouvelles façons de vendre la bière en fût peuvent donner lieu à une double taxation : d’abord comme spiritueux, vu leur forte teneur en alcool, pendant la fabrication; puis comme bière, après transformation sous une forme prête à la consommation, au point de vente.

La mesure modifie la Loi sur l’accise pour permettre de taxer correctement le concentré de bière en fonction de la quantité maximale de bière qui peut être transformée aux points de vente à partir de ce concentré d’une manière autorisée par le ministre du Revenu national. Le concentré de bière ne sera pas taxé comme spiritueux pendant la fabrication.

[Français]

Je tiens à préciser que cette mesure a fait l’objet de consultations publiques ces derniers mois. Elle était incluse dans le communiqué que le ministère des Finances a publié le 8 septembre 2017.

Je peux vous donner une explication secondaire sur ce que sont ces concentrés de bière exactement. Nous devons mettre à jour le régime de la taxe d’accise à l’occasion pour tenir compte de nouveaux produits qui sont développés sur le marché. Il a été porté à notre attention que certains produits de bière en fût qu’on retrouve dans les bars pourraient utiliser un concentré dont l’eau a été retirée. Le procédé fait en sorte qu’une partie de l’eau est retirée en usine. Le concentré de bière ainsi obtenu est plus léger et plus facile à transporter et à entreposer que les tonneaux traditionnels. Ils peuvent ainsi être acheminés aux points de consommation où une machine réhydrate le concentré lorsqu’une pinte de bière est tirée.

Les lois fiscales actuelles faisaient en sorte que cette bière provenant de concentré aurait été frappée deux fois de droits d’accise, d’abord comme spiritueux, puis comme bière, ce qui ne correspondait pas à la politique fiscale. L’amendement proposé permet à ce type de produit d’être distribué au Canada sans qu’il y ait double imposition.

Voilà qui complète ma présentation pour la partie 3.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Vous avez dit : « On a signalé au gouvernement .» Qui l’a signalé au gouvernement?

M. Coulombe : Un acteur de l’industrie brassicole.

La sénatrice Marshall : C’est un domaine où nous voyons normalement des augmentations de taxes. Pouvez-vous me dire quelles seront les répercussions de ce qui paraît être une réduction de taxes sur les recettes publiques?

M. Coulombe : D’après nous, il n’y aura pas de répercussions, car à notre connaissance, les produits ciblés par la mesure ne se trouvent pas actuellement sur le marché. Il s’agit d’une modification préventive qui permettra aux produits de ce type d’être distribués et consommés au Canada.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les microbrasseries sont de plus en plus à la mode au Canada. Sur quoi se base votre taxe d’accise pour les microbrasseries? S’agit-il d’un compteur à la pompe? Comment fonctionnez-vous?

M. Coulombe : Cette question est légèrement à l’extérieur des amendements proposés. De façon générale, pour les microbrasseries, il y a des taux réduits d’accise qui peuvent s’appliquer. Pour les 2 000 premiers hectolitres de bière produits par un brasseur canadien, le taux est réduit de 90 p. 100. Par la suite, il y a une échelle qui fait en sorte que les 3 000 hectolitres de bière suivants sont imposés à un taux réduit de 80 p. 100. Les 10 000 hectolitres suivants le sont à un taux réduit de 60 p. 100. Les 35 000 hectolitres suivants ont un taux réduit de 30 p. 100. Enfin, les 25 000 hectolitres suivants ont un taux de 15 p. 100. Cette mesure permet aux très petites microbrasseries de bénéficier au maximum des taux réduits sur la bière.

Le sénateur Maltais : La mesure que vous mettez en œuvre consiste à ne pas taxer deux fois la bière.

Cette bière en poudre est-elle populaire?

M. Coulombe : Selon notre compréhension, ce produit n’est pas encore distribué au Canada. Puisque des modifications législatives sont maintenant proposées, l’industrie et le marché pourront le commercialiser dans un proche avenir.

Le sénateur Maltais : Avez-vous goûté à cette bière? Que goûte-t-elle?

M. Coulombe : Nous n’avons pas eu l’occasion de goûter à des échantillons dans le cadre du processus d’élaboration de la politique.

Le sénateur Maltais : Il y a beaucoup de petits producteurs de vin en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse. Comment calculez-vous la taxe d’accise sur ces produits? Est-ce basé sur une déclaration officielle du producteur ou avez-vous une autre méthode?

M. Coulombe : Les producteurs de spiritueux, en général, sont inscrits auprès de l’Agence du revenu et doivent remettre les droits d’accise sur une base mensuelle.

En ce qui a trait au vin fabriqué au Canada à partir de produits agricoles à 100 p. 100 canadiens, le droit d’accise est complètement exempté. Il n’y a pas de droits d’accise sur le vin qui est fait au Canada à partir de produits agricoles comme le raisin qui sont à 100 p. 100 canadiens. On parle d’un petit producteur, par exemple, comme vous venez de le mentionner, qui utilise des raisins provenant de sa région dans la fabrication de son vin. Je tiens à préciser qu’il s’agit exclusivement de raisins provenant du Canada, et ceux-ci ne seraient pas frappés d’un droit d’accise. Toutefois, il devra tout de même déclarer sa production à l’Agence du revenu.

Le sénateur Maltais : En est-il de même pour les producteurs qui font du cidre à partir de pommes canadiennes?

M. Coulombe : On pourra vous revenir sur cette question technique. De mémoire, le cidre est assujetti aux mêmes droits d’accise que le vin, mais je préférerais vous transmettre cette information par écrit, si vous le permettez.

Le sénateur Maltais : Certainement.

Le président : J’ai quelques questions sur la partie 4.

[Traduction]

Monsieur Mercille, comment le gouvernement fédéral protégerait-il les renseignements personnels recueillis et communiqués dans le cadre de l’administration et de l’application de la taxe sur le cannabis? Je sais qu’il y a un processus. À quoi ces renseignements serviraient-ils dans le contexte des régions du Canada?

M. Mercille : Nous venons de passer à la partie 4. Je ne sais pas si le comité préfère que M. Coulombe présente d’abord son exposé, car la question porte sur le cannabis. Je ne sais pas si vous voulez que nous vous présentions la mesure avant que je réponde à la question.

[Français]

Le président : Nous pouvons passer au quatrième point tout de suite.

[Traduction]

Nous nous pencherons ensuite sur la partie 4.

[Français]

M. Coulombe : La mesure prévue à la partie 4 couvre les articles 169 à 171 et modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces afin de conférer au ministre des Finances la capacité de conclure, pour le compte du gouvernement du Canada et avec l’approbation du gouverneur en conseil, des accords de coordination de la taxation du cannabis avec les provinces et les territoires. De tels accords existent en ce moment, par exemple, en ce qui a trait à la taxe de vente harmonisée.

[Traduction]

Entre autres choses, ces accords permettraient la taxation des produits du cannabis, en vertu d’une même loi, qui serait perçue, administrée et appliquée par le Canada et dont les taux seraient fixés pour chaque province individuellement. Les accords permettraient aussi au gouvernement du Canada d’effectuer des paiements au gouvernement d’une province sur le produit de la taxe sur le cannabis.

Cette approche contribuerait à réduire l’offre de cannabis de contrebande sur le marché et appuierait d’autres objectifs clés, comme celui de tenir le cannabis hors de la portée des jeunes et celui de réduire les coûts de conformité au régime pour les entreprises.

[Français]

Le pouvoir de mettre en application le taux fédéral de la taxe sur le cannabis lui-même ainsi que le taux additionnel à l’égard des provinces et des territoires qui se joignent à une telle approche coordonnée suivra le processus législatif réglementaire habituel en temps et lieu. À cette fin, le gouvernement a lancé des consultations, le 10 novembre dernier, sur une proposition concernant le cadre du droit d’accise sur les produits du cannabis. Les Canadiens peuvent soumettre leurs commentaires sur la proposition jusqu’à minuit ce soir, heure de la Colombie-Britannique. Le document de consultation qui a été rendu public contient des propositions législatives et des notes explicatives à ces propositions législatives, de même qu’un document d’information générale.

Ensuite, le gouvernement devra déposer le régime proposé au Parlement, pour obtenir son approbation. Donc, les modifications que nous proposons, qui figurent aujourd’hui dans le projet de loi C-63, ont uniquement pour but de permettre la conclusion d’ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les structures législatives et les modifications visant à permettre la taxation du cannabis lui-même suivront dans un projet de loi futur qui sera préparé par le ministère des Finances.

Voilà qui conclut notre présentation. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

M. Mercille : Concernant la communication de renseignements, grosso modo, les modifications exposent en détail le genre de dispositions pouvant être incluses dans l’accord de coordination que le gouvernement du Canada conclut avec chaque gouvernement provincial. La disposition en question se trouve à la page 233. C’est l’alinéa 8.8(1)b), qui porte sur la communication de renseignements.

Il s’agit de la façon habituelle de procéder avec les accords de ce genre. Le précédent sur lequel je vais fonder ma réponse est l’accord sur la TVH, qui contient des dispositions semblables sur la communication de renseignements. Un exemple très simple, c’est que lorsqu’une province conclut un accord avec le gouvernement fédéral, le produit des taxes imposées en vertu de la loi fédérale revient à la province. La province veut savoir à combien s’élève le produit pour voir si les recettes reçues correspondent à la somme perçue. C’est le genre de renseignement qui peut être communiqué.

Les accords n’ont pas encore été rédigés. La mesure vise simplement à permettre au ministre de conclure un accord avec la province. Je vais reprendre l’exemple de la TVH parce que je pense que la question portait plutôt sur les renseignements personnels. Comme mon collègue vient de l’expliquer, les modifications proposées qui viennent d’être publiées, pour consultation, touchent la Loi de 2001 sur l’accise. Cette loi, comme les lois sur la TPS et de l’impôt sur le revenu, contient des dispositions qui visent à protéger les renseignements confidentiels sur les contribuables. Normalement, le ministre du Revenu national a seulement le droit de communiquer des renseignements si la loi le permet explicitement. Il y a une liste de situations. C’est important pour les provinces, notamment, que le ministre du Revenu national puisse leur communiquer des renseignements nécessaires aux fins de l’élaboration de politiques budgétaires.

La raison pour laquelle nous en parlons, c’est pour dire que si le Parlement adopte la loi sur la taxation du cannabis, elle sera intégrée à la Loi de 2001 sur l’accise, qui comprend des dispositions sur la protection des renseignements confidentiels.

Pour revenir à la question des accords, de façon générale, les accords avec les provinces permettent au gouvernement fédéral de communiquer des renseignements aux provinces et vice versa, mais c’est toujours sous réserve des lois applicables. Dans le cas qui nous occupe, le gouvernement fédéral ne pourra pas, en vertu d’un accord, communiquer de renseignements recueillis par l’ARC si la Loi de 2001 sur l’accise ne l’autorise pas à le faire.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Mercille.

La sénatrice Eaton : Nous venons de nous entretenir, à l’étage inférieur, avec une association de municipalités francophones. Elles sont loin d’être prêtes. Nous savons que la réglementation sur la légalisation de la marijuana n’a pas fait l’objet d’une publication préalable. Elle ne sera pas publiée avant juillet, soit après la sanction royale.

Nous savons aussi que le gouvernement fédéral a annoncé qu’il était prêt à donner 50 p. 100 aux provinces. Certaines provinces ont refusé cette offre, en déclarant que ce sont surtout elles qui payeront la note. Les municipalités sont d’avis que leur part de la note sera encore plus grande que celle des provinces.

Qu’arrivera-t-il, selon vous, messieurs? Car nous avons une échéance. Le gouvernement a fixé une date limite pour l’adoption du projet de loi. Nous légalisons la marijuana, nous nous occupons des infractions liées à la conduite, mais les provinces persistent et déclarent : « Nous devons négocier. Nous n’acceptons pas l’offre de 50 p. 100. » La réglementation n’a pas été mise en place.

Qu’arrivera-t-il le 1er juillet, selon vous, si la question de la répartition des taxes n’a pas été réglée? Je comprends la volonté de faire en sorte que la loi permette au ministre… Or, ils peuvent sûrement tenir une réunion informelle et en venir à une entente quelconque avant le 1er juillet, de façon à ce qu’il y ait quelque chose en place lorsque le projet de loi sera adopté. Toutefois, il me semble que rien n’a été fait encore; il n’y aura donc pas d’accord le 1er juillet. Le ministre aura l’autorisation, mais il n’y aura pas d’accord sur le partage des taxes. Est-ce que tout est fait à l’envers?

M. Coulombe : Je peux vous dire que le gouvernement du Canada travaille actuellement avec des partenaires et qu’il consulte les Canadiens, y compris les municipalités, à l’égard du cadre du droit d’accise.

La sénatrice Eaton : Je le sais. C’est une belle réponse toute faite, sauf votre respect. Nous avons entendu ces points de discussion. Nous savons que la réglementation n’a pas fait l’objet d’une publication préalable. Nous savons ce que le gouvernement a offert aux provinces. Il n’a pas discuté avec l’ensemble des provinces pour mettre en place un accord. Alors je vous remercie, mais je ne veux pas entendre vos phrases toutes faites. Si vous n’avez pas d’autre réponse à me donner, merci.

À votre avis, à combien s’élève le produit des taxes que le gouvernement touchera? Vous devez avoir une idée, lorsque tout entrera en vigueur, et disons que vous recevez 50 p. 100 — ou peu importe puisque vous allez recueillir tout l’argent, puis le redonner aux provinces, n’est-ce pas? Et ce sera aux provinces de le donner aux municipalités?

M. Coulombe : Les détails du produit total dépendront des dispositions législatives finales sur la taxation qui seront proposées au Parlement. Comme je l’ai dit durant ma déclaration préliminaire, des consultations et des processus de prise de décisions stratégiques sont en cours; c’est donc seulement lorsque le gouvernement présentera au Parlement le cadre législatif final concernant la taxation que…

La sénatrice Eaton : Pouvez-vous revenir en arrière?

[Français]

Je ne comprends pas. C’est donc dire que cela n’a pas été décidé…

[Traduction]

… pour un paquet de cigarettes de marijuana, disons, ou peu importe la forme dans laquelle ce sera vendu, si la taxe sera de 10 p. 100 ou de 20 p. 100? Est-ce ce que vous négociez ou ce à quoi vous réfléchissez en ce moment?

[Français]

M. Coulombe : Le gouvernement discute présentement de ces paramètres avec ses homologues des provinces et des territoires. Dans les propositions législatives qui ont été rendues publiques à des fins de consultation, il y avait cette référence à un taux fédéral de 50 cents par gramme de matière florifère contenue dans un produit, ou 5 p. 100.

La sénatrice Eaton : Qu’est-ce que cela rapporterait au gouvernement fédéral si c’était 50 cents?

M. Coulombe : Ce sont des questions sur lesquelles le gouvernement se penche en ce moment. L’estimation des revenus dépend beaucoup de la façon dont les provinces décident de distribuer les produits du cannabis. Il y a également des considérations liées au ministère de la Santé qui doivent être prises en compte, justement, sur la façon dont le projet de loi C-45 légalisant la marijuana est administré. Les questions de revenus comme telles seront abordées dans un proche avenir.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Coulombe, comme président, je dois vous inviter à nous faire part d’autres commentaires, si vous en avez, afin que nous puissions les consigner au compte rendu et en apprendre davantage sur ces questions.

M. Coulombe : On peut toujours faire un suivi à l’interne, mais, pour le moment, la difficulté dans ce dossier est liée au fait que les modifications proposées, qui sont à l’étude au sein du comité, portent strictement sur la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et non pas sur les modifications législatives à venir sur la taxation du cannabis. Il serait probablement inapproprié pour nous de commenter des propositions législatives à venir.

Le président : Je vous remercie, monsieur Coulombe, pour l’information et les précisions que vous avez apportées.

Le sénateur Pratte : Est-ce que ce cadre législatif pour les négociations entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux est similaire à celui qui avait été mis en place, s’il y en a eu un, au moment où on a discuté du partage de la taxe sur l’essence, par exemple, ou de la taxe sur le tabac? Est-ce qu’il y avait eu un cadre similaire à ce moment-là?

M. Mercille : Le modèle qui a été suivi pour ces modifications, c’est le modèle qui existe pour la TVH. Les modifications ont été adoptées il y a plusieurs années, et le ministre a maintenant le droit de conclure une entente avec une autre province qui voudrait s’harmoniser. La dernière à l’avoir fait est l’Île-du-Prince-Édouard. C’est en vertu de la partie III.1 de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ici, on vise à créer une partie III.2 qui s’applique au cannabis. Si vous comparez les deux parties, vous allez voir qu’il y a beaucoup de similitudes. La TVH, c’est un peu plus compliqué, car il s’agit d’une plus grande assiette, mais le modèle dont on s’est inspiré est très proche du modèle pour la TVH.

Le sénateur Pratte : D’accord.

Nous entendions ce matin des représentants des municipalités du Nouveau-Brunswick, qui souhaiteraient par exemple qu’une partie des revenus de la taxe d’accise sur le cannabis leur soit versée directement et qu’il n’y ait pas de condition, sur le modèle de la taxe sur l’essence. Est-ce que, dans ce cadre législatif et au sein des négociations entre le gouvernement du Canada et les provinces, c’est quelque chose qui serait possible? Je constate que, dans le texte, il est toujours question des discussions entre le gouvernement du Canada et les provinces; il ne semble pas y avoir de place pour les municipalités, mais est-ce que ce serait possible, légalement parlant?

M. Mercille : Je ne connais pas très bien le mécanisme légal de redistribution de la taxe sur l’essence. Je pense que c’est une question à laquelle le ministre a répondu il y a deux jours. Ces modifications sont prévues pour laisser le ministre libre de pouvoir négocier avec les provinces. Les municipalités sont une créature des provinces, dans le fond. Je suis sûr que les provinces ont à cœur l’intérêt des municipalités. Les modifications actuelles sont conçues pour permettre au ministre de solliciter, de la part du gouverneur en conseil, l’autorisation de conclure une entente et de créer des obligations et des droits pour le Canada et pour les provinces en vertu de l’entente. Quant aux questions qui seront négociées à l’avenir, ce n’est pas aux fonctionnaires de se prononcer.

Le sénateur Pratte : À l’alinéa 8.8(1)e), il est question des versements effectués par le gouvernement du Canada au gouvernement provincial relativement aux recettes provenant du régime de taxation; j’imagine que la même chose est prévue en vertu de la TVH?

M. Mercille : Oui.

Le sénateur Pratte : Quand on parle des conditions d’admissibilité, qu’a-t-on en tête? Y a-t-il déjà des choses auxquelles on pense?

M. Mercille : Ce genre de mesure est prévu parce que les ententes ou les modalités des ententes ne sont pas encore négociées. Généralement, on se donne de la latitude dans ce genre de dispositions, au cas où il y aurait une condition ici ou là. Il est question aussi du calendrier; pour ce qui est de la TVH, l’entente indique spécifiquement à quel moment les paiements sont faits et à quelle fréquence. C’est le genre de choses qui sont abordées ici.

Je veux aussi préciser que, en anglais, on utilise le terme « including ». Il s’agit d’éléments qui existent, mais cela n’empêche pas qu’il y ait, par exemple, d’autres éléments possibles, comme vous pouvez le voir à l’alinéa h) :

h) d’autres questions concernant le régime de taxation du cannabis visé par l’accord et dont l’inclusion est indiquée aux fins de la mise en œuvre ou de l’application de ce régime.

Les éléments de base sont énumérés, mais le dernier paragraphe donne de la latitude au cas où il y aurait autre chose. On peut essayer d’anticiper l’avenir, mais personne n’a de boule de cristal, donc on tente de donner au ministre la possibilité de signer des ententes qui pourraient être avantageuses pour les deux parties.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Le projet de loi mentionne le versement d’avances aux provinces, et il y est aussi question de remboursements, de remises, et cetera.

Sur quel chiffre vous fondez-vous? Vous devez avoir estimé combien d’argent serait généré par la taxation de la marijuana. Il s’agit d’un cadre, mais si vous discutez avec les provinces, elles doivent avoir une idée de la somme dont elles auront besoin. J’aimerais donc savoir quel est le montant que vous employez.

M. Coulombe : Le niveau de taxation proposé dans le document de consultation, le niveau que le marché peut soutenir, selon le gouvernement, pour que nous réussissions à introduire le cannabis légal et à mettre fin au marché illicite, est de 1 $ le gramme de marijuana contenu dans un produit du cannabis. On élabore divers scénarios avec les provinces, avec Santé Canada et avec d’autres intervenants concernant le partage des taxes.

Le document d’information du 10 novembre 2017 proposait un partage en parts égales. Il n’y a pas encore eu d’annonce publique concernant les recettes qui pourraient être associées au niveau de taxation proposé…

La sénatrice Marshall : Je pensais avoir vu quelque part que le député Blair, qui supervise le tout, estimait que le montant total pourrait s’élever à environ un milliard de dollars. J’ai vu d’autres estimations. Je pense que Marchés mondiaux CIBC a évalué que le montant pourrait être aussi grand que 5 milliards de dollars.

Où en sont les négociations avec les provinces? Le délai est rendu serré; vous devez être en train de discuter avec les provinces. Ce cadre est très, très général. J’aimerais donc savoir où en sont les négociations, exactement.

M. Coulombe : Les négociations sont en cours. Par exemple, les ministres des Finances se réuniront lundi prochain, à Ottawa. Le dossier est actuellement entre les mains des politiciens.

La sénatrice Marshall : A-t-on élaboré un cadre pour les accords?

M. Coulombe : Nos dirigeants politiques seraient probablement mieux placés que nous pour répondre à ces questions, mais il y a divers… Je présume qu’il y a des discussions en cours et qu’on examine des documents fondés sur ce qui a été annoncé dans le document technique du 10 novembre et sur les modifications proposées ici.

Comme M. Mercille l’a dit, l’objectif est de conclure les accords de coordination de la taxation avec les provinces. Il s’agira de textes de nature très juridique. Prenons l’exemple de la taxe de vente harmonisée : des documents de haut niveau ont été approuvés à l’échelle politique, puis je crois qu’il y a eu un protocole d’entente ou un document semblable.

Les négociations sont en cours; c’est donc difficile pour nous qui sommes fonctionnaires de rendre compte de négociations que le gouvernement mène en ce moment.

La sénatrice Marshall : Le projet de loi précise que les paiements versés aux provinces seront législatifs.

M. Mercille : Oui.

La sénatrice Marshall : Le projet de loi prévoit aussi le versement d’avances; ainsi, selon vous, quand les provinces devraient-elles recevoir leur premier paiement?

M. Mercille : Pour revenir à la question du sénateur Pratte, la disposition permet au ministre des Finances de négocier un calendrier de paiements au nom du gouvernement du Canada. Ce sera négocié avec la province.

Je peux vous donner le calendrier pour la TVH. Il y a 48 versements par année parce que le montant est beaucoup plus élevé que celui dont il est question ici.

Si les parties s’entendent sur des paiements mensuels, ce seront des paiements mensuels. Tout dépend de l’accord qui sera conclu.

La sénatrice Marshall : Compte tenu de l’importance de la mesure législative — je m’attends à ce que les montants liés à la taxation soient assez élevés —, quels renseignements seront transmis au Parlement? Monsieur Mercille, je croyais que vous aviez dit qu’il y aurait des restrictions quant à la communication de renseignements.

Or, ce qui m’intéressait davantage… Comme les paiements seront législatifs, quels renseignements seront transmis au Parlement dans le cadre de la structure de gouvernance ou du cadre de reddition de comptes?

M. Mercille : Je ne suis pas expert en la matière, mais je crois que les recettes de la TPS figurent dans les Comptes publics.

La sénatrice Marshall : C’est tout ce qui est envisagé en ce moment?

M. Mercille : Vous savez, je suis un avocat qui rédige des mesures législatives, alors je ne connais pas très bien la façon dont on fait rapport des revenus et des dépenses au Parlement.

La sénatrice Marshall : Il n’y a rien ici au sujet du régime de responsabilisation, alors si c’est possible, je vous serais très reconnaissante si vous pouviez — probablement M. Coulombe — nous faire parvenir l’information que vous avez au sujet de la reddition des comptes associée à ce programme. Merci.

Le président : Pour faire suite à la demande de la sénatrice Marshall, pourriez-vous nous fournir cette information le plus rapidement possible afin que nous sachions ce qu’il en est, étant donné que nous allons travailler là-dessus la semaine prochaine?

[Français]

Le sénateur Forest : Nous comprenons que ce ne sont pas les fonctionnaires qui définissent les politiques et qu’ils sont là pour fournir des éclaircissements quant à la décision du législateur.

Hier ou avant-hier, le ministre a été sensibilisé à l’importance, dans toute l’application du projet de loi sur la légalisation du cannabis, de tenir compte d’un acteur incontournable : la municipalité. C’est ce que nous ont dit ce matin les représentants de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick.

C’est vraiment à ce niveau de gouvernance que se fera la gestion quotidienne des impacts de ce projet de loi. Mon collègue, le sénateur Pratte, en a d’ailleurs fait mention avant moi, avec grande pertinence.

L’une des mesures les plus structurées que le gouvernement ait adoptées, c’est le retour de la taxe d’accise sur l’essence à l’ensemble des municipalités, dans une perspective de consolidation des infrastructures et à l’aide de plans d’intervention bien précis. Il y a deux modèles à suggérer aux législateurs. Il y a celui où il s’agit de s’entendre avec les provinces, dans la mesure où le ministre s’est dit prêt à augmenter le retour de la taxe aux provinces et dans la mesure où les provinces pourraient transférer une partie de cette taxe aux municipalités. L’autre modèle, c’est la taxe d’accise sur l’essence. C’est un modèle équitable, prévisible et qui permet à chaque ordre de gouvernement, en fonction de ses responsabilités, d’avoir les ressources nécessaires pour assumer pleinement ses responsabilités.

J’aimerais connaître votre point de vue. À titre de gestionnaire de l’État, est-ce qu’à vos yeux ces deux modèles méritent votre attention et méritent qu’on les suggère au ministre?

M. Coulombe : Sénateur Forest, je vous remercie de vos remarques qui sont très appréciées. Mardi dernier, le ministre Morneau a mentionné qu’il était en discussion constante avec les maires des grandes villes canadiennes et avec les différentes associations de municipalités. Ce sont des préoccupations que le gouvernement actuel prend très au sérieux.

En ce qui a trait à la taxe d’accise fédérale et au mécanisme de redistribution aux municipalités, je crois, de mémoire, qu’il s’agit d’un programme fédéral. Il n’y a pas de lien direct, sur le plan légal, entre ce qui est perçu en vertu de la Loi sur la taxe d’accise et les paiements, les paiements étant légiférés dans le cadre d’un programme différent.

Ce sont bien sûr des avenues possibles. Bien qu’il y en ait d’autres qui feraient en sorte que le gouvernement fédéral et les provinces s’entendent sur un partage optimal, je peux vous assurer que, dans le cadre des négociations, toutes les avenues sont étudiées. Bien entendu, elles ne sont pas actuellement proposées sous forme de modifications législatives, mais, en temps et lieu, le gouvernement en fera l’annonce.

Le sénateur Forest : Je comprends bien votre réponse très prudente, et je la respecte, mais il n’en demeure pas moins que si — d’une façon honnête et respectueuse — vous faites une consultation d’un bout à l’autre du pays, l’ensemble du monde municipal va vous indiquer clairement et majoritairement que le modèle de taxe d’accise sur l’essence est le plus équitable et le plus pertinent pour relever ce défi d’assumer pleinement les responsabilités qu’une municipalité doit assumer au quotidien.

M. Coulombe : Merci. J’aimerais ajouter simplement que les consultations ont été lancées le 10 novembre dernier et qu’elles se terminent aujourd’hui. Nous avons reçu plusieurs milliers de soumissions, y compris, bien entendu,certains mémoires de la part du monde municipal. Une grande partie de notre travail consiste à poursuivre la révision de l’ensemble des soumissions et de veiller à ce que les meilleurs conseils soient prodigués à nos décideurs politiques.

Le sénateur Maltais : Je ne reviendrai pas sur la taxe d’accise sur l’essence, parce qu’on en a discuté longuement ce matin avec l’Association des municipalités francophones du Nouveau-Brunswick, mais il y a un petit ennui. Les municipalités doivent présenter leur budget d’ici le 31 décembre. Elles ont des dépenses à inclure dans leur budget pour l’achat d’équipement, mais elles n’ont pas de revenus, alors il sera assez difficile pour les municipalités d’équilibrer leur budget. Elles savent qu’elles devront assumer certaines dépenses, mais elles n’ont pas les revenus qui y seraient associés. C’est mon premier point.

Mon deuxième point, c’est que je suis impressionné de voir combien le gouvernement fédéral et le ministre des Finances n’anticipent pas le montant de la taxe qu’ils percevront avec le cannabis. Pourtant, ils anticipent des dépenses, mais pas des revenus. Je ne suis pas comptable agréé comme ma collègue, mais je suis capable de suivre une colonne de chiffre et, lorsqu’on fait une dépense, c’est qu’on anticipe des revenus quelque part. Dans un budget familial, il y a des dépenses de tel et tel montant reliées à l’hypothèque, à l’automobile, au déneigement, aux enfants, à la nourriture, et on reçoit un salaire de tel montant. Dans notre cas, nous avons toute la série des dépenses, mais pas la série des revenus. C’est un point d’interrogation.

Mon dernier point, c’est que vous avez dit que la taxe d’accise pourrait être de 50 cents du gramme de marijuana, donc, il y a quelqu’un quelque part qui sait comment coûte un gramme de marijuana. J’aimerais bien savoir qui vous l’a dit, si ce n’est pas le vendeur du coin. C’est le seul qui connaît le prix de la marijuana en ce moment. En avez-vous parlé avec eux, avez-vous fumé un joint avec eux? Comment cela fonctionne-t-il? Comment avez-vous pu établir ce pourcentage, ne connaissant pas le prix?

M. Coulombe : Merci, sénateur Maltais, pour ces questions. Je puis vous assurer que, comme pour les concentrés de bière, nous n’avons pas reçu d’échantillons lors de la mise en œuvre de la politique proposée.

J’aimerais commencer par aborder votre deuxième point sur l’aspect des revenus. Quitte à me répéter, le cadre fiscal proposé et les modifications qui font l’objet de consultations publiques ont d’abord et avant tout comme but primordial de faire en sorte que les prix soient suffisamment bas au début de la légalisation pour forcer les criminels à fermer boutique. Nous contribuerons, bien sûr, à compenser certains aspects au chapitre de l’éducation et de l’administration de l’application des lois. Le but primordial, c’est d’avoir un prix relativement bas. L’approche du gouvernement jusqu’à ce jour n’a pas été de voir la taxation du cannabis comme étant une façon de maximiser les revenus. Le premier but de la légalisation est vraiment de fermer le marché illicite et de veiller à ce que les systèmes de distribution mis en place par les provinces soient utilisés dorénavant par les Canadiens pour acquérir de la marijuana.

Je ferai une transition — si vous me le permettez — sur le deuxième point par rapport au prix. Nous devons nous rappeler qu’il y a en ce moment certains produits de marijuana qui sont légaux au pays, c’est-à-dire l’ensemble de ce qu’on appelle la marijuana consommée à des fins médicales. Ces producteurs, bien entendu, sont en constante interaction avec le ministère de la Santé. De plus, par nos collègues du ministère de la Santé, nous avons pu déterminer certains coûts de production. Également, nous avons les exemples des produits qui sont sur le marché américain, où la marijuana est également légale dans certains États. Il y a divers prix.

Si on regarde un peu les derniers chiffres d’août 2017, notre compréhension était que le prix de vente pour la marijuana sous forme florifère était d’environ 9,50 $ le gramme. Vous pourriez avoir des prix dans la fourchette de 8 $, 9 $, 7 $, d’où cette idée dans les propositions législatives, qui ont été rendues publiques en novembre, d’avoir une structure basée sur 10 $. Un produit vendu par le producteur supérieur à 10 $ serait frappé d’un droit fédéral de 5 p. 100, et le prix de base serait de 50 ¢ pour faire en sorte qu’il n’y ait pas un taux inférieur à 50 ¢.

Encore une fois, il s’agit de taux relativement bas, soit 5 p. 100 ou 50 ¢. Dans ses propositions, le gouvernement fédéral suggérait que les provinces aillent chercher un montant similaire, d’où le taux de 1 $ ou de 10 p. 100 que vous avez pu entendre récemment. Dans tous les cas, ce sont des taux relativement faibles. Pour vous donner une idée, avec le tabac, nous allons chercher en pourcentage des taux infiniment supérieurs.

Le sénateur Maltais : Il y a des analyses dans certains journaux du Québec qui disent que, oui, c’est bien beau, ça nous permettra d’arrêter la vente de marijuana aux jeunes. Il y a beaucoup de gens qui n’en cultivent pas, mais avec la permission d’avoir quatre plants par foyer, il y a des jeunes qui vont avoir l’idée d’en cultiver, si ça peut être rentable. On a taxé le tabac à outrance dans toutes les provinces, et le gouvernement fédéral en a grandement profité. Pourtant, la contrebande existe toujours et est en progression. Quelle garantie pouvez-vous donner que la contrebande de la marijuana va diminuer? Cela va prendre la moitié des effectifs de la Gendarmerie royale du Canada pour contrôler tout cela. C’est incroyable, vous mettez ça dans le champ, sans moyen de contrôle.

Le pire de l’histoire, c’est que le fardeau va se retrouver sur le dos des municipalités. La semaine dernière, j’étais à l’Union des municipalités du Québec. J’ai rencontré des maires et des échevins, pas nécessairement de Montréal, mais de villes assez importantes comme Laval, Québec, Sherbrooke et Saint-Hyacinthe. Ces villes sont prises avec un problème majeur, parce que ce sont les villes qui font en ce moment du compost. Me suivez-vous? Les détritus de la marijuana, les tiges, iront dans le compost. Le compost sert à engraisser les jardins de la ville. Y a-t-il des incidences? Personne à ce jour n’a pu me répondre. Les légumes cultivés à partir de ce compost contiendront-ils de la marijuana? Je ne sais pas. Je ne suis pas un spécialiste. Personne à ce jour n’a pu me répondre.

M. Coulombe : Quelle est votre question?

Le sénateur Maltais : Est-ce que quelqu’un pourrait me donner une réponse par écrit?

Le président : Monsieur Coulombe, pouvez-vous prendre cette question en note?

M. Coulombe : Plusieurs des considérations du sénateur Maltais touchent plutôt le projet de loi sur la légalisation de la marijuana à des fins non médicales, c’est-à-dire le projet de loi C-45. Je crois que le Sénat entame son étude de ce projet de loi. Mes collègues du ministère de la Sécurité publique, de Santé Canada et du ministère de la Justice seront probablement plus aptes à vous répondre sur ces points lors de l’étude par le Sénat du projet de loi C-45.

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : J’aimerais simplement revenir à l’aspect financier. Je comprends ce qui se trouve dans le projet de loi concernant les accords, parce qu’il s’agit d’un cadre très large, mais on semble avoir des bribes d’information ici et là relativement aux sommes d’argent. D’après ce que j’ai entendu, le gouvernement fédéral conserverait 50 p. 100 des recettes fiscales, et l’autre 50 p. 100 irait peut-être aux provinces. Il y a ensuite les municipalités, dont les représentants ont comparu ce matin, qui sont les troisièmes en ligne. Personne ne parle ici des revenus qui leur reviennent, et pourtant, ce sont elles qui doivent assumer tous les coûts.

Je considère que pour un aussi gros changement de politique et pour cette mesure législative, c’est très important. Compte tenu de toutes les ressources humaines et financières du gouvernement fédéral, je trouve tout simplement inconcevable que personne n’ait établi un plan quelconque avec des montants d’argent. Il faut lire les journaux pour trouver l’information. Le député Blair nous dit que c’est peut-être un milliard de dollars. Marchés mondiaux CIBC estime que cela se chiffre à 5 milliards de dollars.

Le cadre que nous voyons jusqu’à maintenant est si large qu’il ne semble pas y avoir de détails disponibles. Cela me laisse perplexe. Ce n’est pas une question, mais plutôt une affirmation. Toutefois, si les témoins ont quelque chose à dire là-dessus, ce serait bien.

Le président : Les témoins ont-ils des commentaires au sujet de cet énoncé?

M. Coulombe : Il y a de nombreux facteurs à vérifier dans tout ce projet de légalisation. Les provinces et les territoires jouent également un rôle clé dans les décisions entourant la distribution et la vente au détail des produits. Presque chaque semaine, on en apprend sur le système qui a été choisi par une province ou un territoire concernant la distribution de ces produits sur leur territoire de compétence. Par conséquent, chaque semaine, nous devons revoir nos prévisions afin de mieux estimer la taille du marché légal une fois que la légalisation sera en vigueur et la mesure dans laquelle ce marché va croître au fil du temps, pendant les premières années de la légalisation.

C’est pourquoi nous continuons de proposer des taux — à des fins de consultations — qui sont très bas — et nous essayons de collaborer avec nos partenaires territoriaux et provinciaux afin de garder un œil sur l’évolution des projets.

Encore une fois, les taux et la structure définitive des éléments de taxation des produits du cannabis seront présentés au Parlement plus tard, une fois que nous aurons terminé ces consultations. Nous espérons qu’à ce moment-là, nous aurons une meilleure idée des paramètres qui nous permettront de vous revenir avec un chiffre.

La sénatrice Marshall : Vous faites une bonne analogie lorsque vous dites qu’il y a de nombreux aspects à vérifier. À quel moment saurons-nous exactement de quoi on parle ici?

M. Mercille : Je peux répondre en partie à cette question. C’est la raison pour laquelle ces amendements sont proposés maintenant, c’est-à-dire avant le régime de taxation, qui sera présenté ultérieurement. On veut confier au ministre le pouvoir — s’il conclut un accord avec une province — de légaliser l’accord pour s’assurer qu’il est en place avant la date de la légalisation.

La sénatrice Marshall : Mais l’échéancier devient de plus en plus serré.

M. Mercille : Nous en sommes tous conscients.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : J’aimerais poursuivre dans cet ordre d’idées. Je comprends votre grande prudence. Cependant, bien que je ne veuille pas simplifier le problème, il me semble que la chose est assez simple. Nous connaissons l’envergure du marché actuel; nous avons des statistiques sur la proportion de Canadiens qui consomment du cannabis. Les données ne sont peut-être pas parfaites, mais nous en avons. Nous connaissons le marché actuel illégal du cannabis. Nous savons combien de gens consomment. Nous connaissons la consommation moyenne en grammes et le prix du gramme. Nous sommes capables d’estimer à combien cela correspond et, si la taxe est de X, nous pouvons calculer la pointe de tarte maximale si le marché légal attirait tous ces consommateurs.

Ensuite, nous pouvons faire des hypothèses : si le marché légal est capable d’attirer 50 p. 100, 75 p. 100 ou 25 p. 100 du marché illégal, cela donne tant. Vous avez sûrement formulé ces hypothèses. Vous ne voulez pas nous le dire, mais vous les avez formulées. Si le gouvernement du Québec décide qu’il y a 15 magasins, cela veut dire qu’ils vont accaparer une petite partie du marché illégal; si l’Ontario décide d’en avoir 140, cela représente un autre montant. Je m’excuse, mais il est certain que vous avez ces données. Je ne peux pas croire que vous ne les avez pas. Ce n’est pas si difficile que cela.

Le président : C’est un très bon commentaire. Pouvez-vous répondre?

M. Coulombe : Écoutez, on peut mettre sur papier une quantité d’hypothèses. Il y a cependant encore beaucoup de « si » et il y a des données qui nous proviennent de nos partenaires, comme Santé Canada, le ministère de la Sécurité publique et les provinces et les territoires. Lorsque nous proposerons le cadre final de taxation et lorsque le gouvernement aura le sentiment qu’il est dans une position pour annoncer le taux et les revenus associés, il le fera.

Pour le moment, nous en apprenons chaque jour, chaque semaine. Il y a beaucoup de calculs qui peuvent se faire, mais il y a une réalité; ce ne sont que des estimations. Le directeur parlementaire du budget avait fait un rapport sur la légalisation du cannabis il y a un peu plus d’un an, et les sénateurs peuvent le consulter. Ce rapport étayait une série d’estimations de la consommation actuelle du cannabis au pays et de l’impact qu’auraient les prix, et cetera. Ce sont des choses qui sont du domaine public.

Pour ce qui nous concerne, aujourd’hui, nous vous présentons des modifications qui nous permettront de poursuivre ces négociations avec les provinces. Nous ne sommes pas en train d’étudier la taxation fédérale du cannabis telle que proposée. Pour nous, le taux fédéral n’est pas à l’étude en ce moment, d’où notre réticence à répondre.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Coulombe. Vous n’avez pas répondu à la question. Peut-être pourriez-vous la prendre en note et nous répondre par écrit si vous avez la réponse.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Je me demande simplement pourquoi vous avez procédé à l’envers. Pourquoi ne vous êtes-vous pas organisés d’abord avec les provinces, puis les provinces avec les municipalités, pour déterminer le montant des taxes, la réglementation qui sera élaborée, et ainsi de suite, avant de déposer le projet de loi sur la légalisation de la marijuana?

Le projet de loi sur la légalisation du cannabis se trouve actuellement devant le Sénat et pourrait être adopté d’ici mars ou mai, si personne ne se traîne les pieds, et il y a tellement d’aspects incertains qu’on va présenter aux policiers, à la population, aux municipalités, ainsi qu’aux infirmières et infirmiers praticiens que nous avons entendus ce matin. Il me semble qu’on met la charrue devant les bœufs. N’aurait-il pas été plus facile de faire tout ce travail de préparation avant, de collaborer avec les provinces et ensuite de légaliser? Vous n’êtes pas obligés de répondre si vous n’aimez pas mon commentaire.

[Français]

Le président : Il s’agissait donc d’un commentaire. Nous allons terminer bientôt, mais est-ce que vous désirez, messieurs, nous faire part de commentaires supplémentaires avant que l’on clôture notre réunion?

M. Coulombe : Je puis vous assurer que nous travaillons activement avec les provinces depuis près de deux ans sur ce projet. Par « nous », je comprends de nombreux ministères du gouvernement fédéral.

M. Mercille : La seule chose que je voulais ajouter, c’est que, de notre côté, nous travaillons en fiscalité ici. Nous proposons aux ministres et au gouvernement des méthodologies pour faire de la fiscalité sur des transactions existantes. Dans ce cas-ci, c’est complètement nouveau, nous travaillons un peu à l’envers, puisque le marché n’est pas légal encore. Du point de vue fiscal, non pas du point de vue de Santé Canada en ce qui a trait à la loi sur le cannabis, nous sommes un peu en avance, parce que nous avons déjà proposé un cadre avant que les transactions soient établies.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Vous n’avez donc pas conclu d’accord avec les municipalités.

M. Mercille : Je suis d’accord, mais sachez que ce qui a été proposé consiste essentiellement en un régime de taxation fédéral avec une option permettant aux provinces de s’y joindre si elles le souhaitent. Par conséquent, si une province ne souhaite pas y adhérer, le gouvernement fédéral aura quand même présenté son régime de taxation. Si aucune province ne s’y joint, il y aura toujours une proposition à ce stade-ci pour la légalisation dans l’avenir.

[Français]

Le président : Merci beaucoup. La dernière personne à intervenir, c’est le sénateur Forest, et nous allons lever la séance par la suite.

Le sénateur Forest : Cela veut donc dire que lundi prochain, quand les ministres des Finances de chacune des provinces vont s’asseoir avec le ministre des Finances du Canada pour examiner les perspectives en matière de taxation, il n’y aura pas d’estimation sur la table. Ils auront une discussion un peu comme celle que nous avons eue ce matin. Cela va s’envoler en fumée.

Le président : Donc, c’est un commentaire, il n’y a pas de question. Sur ce, messieurs, je vous remercie de votre présence parmi nous. C’est un dossier à suivre. Soyez assurés que si nous avons encore besoin de vous, nous allons vous réinviter. Vous pouvez également compter sur notre collaboration, pourvu qu’on puisse avoir des réponses.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, la prochaine séance aura lieu à 14 h 15, dans la pièce 257 de l’édifice de l’Est.

(La séance est levée.)

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