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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule no 95 - Témoignages du 14 mai 2019 (réunion du matin)


OTTAWA, le mardi 14 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour examiner la teneur complète du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, je vois que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte

[Traduction]

Je m’appelle Percy Mockler et je préside le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

J’aimerais souhaiter la bienvenue aux gens présents ici dans la salle et à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent, à la télévision ou en ligne.

[Français]

J’aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Martin Klyne, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Forest : Bienvenue et bonjour. Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l’Ontario.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Merci. Honorables sénateurs et membres du public, nous commençons aujourd’hui l’étude du projet de loi C-97, qui a été renvoyée au comité par le Sénat le 2 mai dernier.

[Français]

Le projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, est ce qu’on appelle une loi d’exécution du budget.

[Traduction]

À titre d’information, le parrain du projet de loi est le sénateur Boehm.

Ce type de loi s’inscrit directement dans le mandat du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Pour commencer, nous allons examiner tout le projet de loi devant nous en compagnie d’un certain nombre de fonctionnaires du ministère des Finances.

Ces fonctionnaires sont M. McGowan, Mme Lavoie et M. Leblanc.

[Français]

On me dit que vous serez les porte-paroles. Vous agirez aussi à titre de personnes-ressources pour aider à répondre aux questions des sénateurs.

[Traduction]

D’abord, bienvenue à vous tous. Je sais qu’un certain nombre de vos collègues sont présents et prêts à prendre le relais au besoin.

Merci d’être venus aujourd’hui, prêts à répondre à nos questions pour nous aider à effectuer un examen détaillé des crédits du projet de loi C-97.

[Français]

Cela dit, nous nous attendons à ce que vous et vos collègues passiez en revue les dispositions du projet de loi et que vous les expliquiez.

[Traduction]

Si vous le voulez bien, nous allons poser nos questions au fur et à mesure de l’examen des parties du projet de loi pour nous assurer de parfaitement en comprendre une avant de passer à la suivante.

On m’informe que M. McGowan prendra la parole en premier, suivi de Mme Lavoie, puis de M. Leblanc.

Monsieur McGowan, vous pouvez commencer.

Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances : Merci, monsieur le sénateur. Donc, juste pour confirmer avec vous : je vais passer en revue toutes les mesures de la partie 1 du projet de loi qui porte sur les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu. Après chaque mesure, vous aurez l’occasion de poser des questions avant que je passe à la suivante.

La première mesure de la partie 1 du projet de loi prévoit un taux de déduction pour amortissement accéléré temporaire pour les véhicules zéro émission admissibles.

Cette déduction est essentiellement un amortissement aux fins de l’impôt. Ainsi, en proposant que les véhicules zéro émission soient admissibles à un taux de déduction pour amortissement de la première année bonifié de 100 p. 100, on favorise l’acquisition de tels véhicules par les entreprises.

Il doit s’agir d’un véhicule entièrement électrique, d’un hybride rechargeable équipé d’une batterie d’une capacité d’au moins 15 kilowattheures ou d’un véhicule entièrement alimenté à l’hydrogène.

De plus, les règles prévoient une hausse du plafond actuel de 30 000 $ pour les coûts en capital déductibles pour les voitures de tourisme zéro émission standard. Le nouveau plafond serait de 55 000 $ pour les voitures de tourisme zéro émission admissibles. Il s’agit de coûts en capital qui seraient déductibles conformément au système de déduction pour amortissement.

Donc, d’après le taux bonifié, 100 p. 100 des coûts seraient déductibles la première année. Si vous avez des questions, nous serons heureux d’y répondre.

La sénatrice Eaton : Voilà un bel idéal, mais, premièrement, il n’y a que un ou deux modèles de voitures entièrement électriques sur le marché en ce moment — quoique je peux me tromper — et elles coûtent très cher. Il y a très peu de bornes de recharge. L’autonomie n’est pas bien grande. Je ne pourrais pas me rendre à mon chalet, par exemple, qui est à deux heures et demie de route dans un véhicule entièrement électrique. Quels sont, selon vous, les coûts prévus pour le gouvernement et combien de personnes sont visées par cette mesure?

Maude Lavoie, directrice générale, Division de l’impôt des entreprises, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances : Merci pour votre question. Il y a plusieurs éléments dans cette question. D’abord, le coût de cette mesure est évalué à 265 millions de dollars pour la période de 2019-2020 à 2023-2024.

Vous souhaitez ensuite savoir combien de personnes vont profiter de cette mesure. C’est une mesure qui cible les entreprises. Dans le budget, il y a un autre incitatif pour les consommateurs sous la forme d’un remboursement au point de vente. Dans ce cas, tout le monde est admissible. Mais, pour ce qui est de cette mesure, elle vise les entreprises plutôt que les particuliers.

La sénatrice Eaton : Soit. Mais qu’en est-il de l’infrastructure nécessaire? C’est bien beau d’avoir un parc de taxis et d’installer des bornes pour les recharger à leur retour. Mais que se passe-t-il quand le chauffeur est sur la route? Y a-t-il une subvention pour installer des bornes de recharge aux stations-service et ailleurs? Combien de temps faut-il pour recharger une batterie?

Mme Lavoie : Le projet de loi comprend aussi une mesure sur les bornes de recharge, à laquelle nous viendrons dans un instant. Nous pourrons alors répondre à vos questions à cet effet.

Vous avez aussi demandé quel était le nombre d’entreprises. Je n’ai pas le chiffre exact ici, malheureusement.

La sénatrice Eaton : Je ne voudrais pas vous manquer de respect, mais pour arriver à la somme de 265 millions de dollars, vous avez dû prévoir un certain nombre de personnes par année.

Mme Lavoie : Je suis d’accord. Ce sont des renseignements que nous pouvons fournir au comité. Malheureusement, je ne les ai pas à portée de main en ce moment.

La sénatrice Eaton : Pourriez-vous nous les envoyer? Car c’est intéressant.

Mme Lavoie : Oui.

Le président : Veuillez remettre ces renseignements à la greffière, s’il vous plaît.

[Français]

Le sénateur Pratte : J’aimerais savoir, au sujet du montant de 55 000 $, comment on en est arrivé à déterminer que ce montant était le prix correct, et si ce prix comprend les options. Le prix suggéré par le manufacturier peut être plus ou moins élevé selon le modèle et selon les options que l’on choisit. Est-ce que ce prix comprend les options?

Mme Lavoie : Dans la loi actuelle, quand les entreprises engagent des dépenses, celles-ci peuvent être déduites de leur revenu d’affaires, mais il y a des limites dans le cas des véhicules. Pour les véhicules à essence, c’est 30 000 $; c’est une limite établie pour que les véhicules de taille moyenne non luxueux puissent être admissibles, mais, pour les entreprises qui font le choix d’avoir des véhicules plus gros, plus luxueux, la tranche qui dépasse le montant de 30 000 $ est non déductible. Ce sont les règles actuelles. Si une entreprise choisit d’acheter un véhicule au prix de 40 000 $, 30 000 $ sont déductibles de ce montant, mais pas les 10 000 $ de différence. Il n’y a pratiquement pas de véhicules électriques à un prix inférieur à 30 000 $; les véhicules électriques sont beaucoup plus chers en ce moment. Donc, la limite a été relevée de 30 000 à 55 000 $ pour refléter le fait que, dans le cas des véhicules électriques, les mêmes modèles vont coûter plus cher. C’était pour s’assurer que l’on ne pénalise pas les entreprises qui choisissent des véhicules électriques. Avant les changements proposés dans le budget, une entreprise qui achetait un véhicule électrique pour 45 000 $ aurait été quand même été limitée à 30 000 $ de déduction autorisée. Il s’agit donc vraiment de représenter le véhicule électrique moyen par rapport au véhicule à essence moyen; c’est pour cela que la limite a été relevée, en consultation avec les gens du ministère des Transports.

Quant à votre seconde question, à savoir si les options sont incluses ou non, ce montant de 55 000 $ représente le montant déductible par l’entreprise du prix d’achat d’un véhicule, indépendamment du prix établi par le manufacturier.

C’est un élément qui fait partie du rabais qui a été proposé pour les individus, mais ce n’est pas une notion qui est présente dans le cas de la déduction accélérée. Il s’agit simplement de la part déductible du prix d’achat.

Le sénateur Pratte : Donc, les entreprises qui se prévalent de ce programme pourront déduire le montant à l’achat à 100 p. 100 dès la première année. Quelle est habituellement la période de déduction d’amortissement quand on fait l’acquisition d’un véhicule?

Mme Lavoie : Dans le cas des véhicules utilitaires sport, le taux normalement appliqué est de 30 p. 100. Pour d’autres types de véhicules, par exemple les camions pour transporter la marchandise et les taxis, c’est 40 p. 100. Cela dépend du type de véhicule acheté, mais c’est soit 30 soit 40 p. 100 actuellement.

Le sénateur Pratte : Vous voulez dire que c’est 30 à 40 p. 100 pour la déduction totale, ou 30 à 40 p. 100 pour la première année?

Mme Lavoie : C’est 30 ou 40 p. 100 pour la première année, puis, la deuxième année, c’est 30 ou 40 p. 100 du montant qui n’a pas été déduit la première année, et ça continue ainsi.

Le sénateur Pratte : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous répéter l’estimation des coûts totaux pour ce programme que vous avez fournie à la sénatrice Eaton?

Mme Lavoie : Absolument : 265 millions de dollars sur five ans.

La sénatrice Marshall : Le budget n’est pas tout à fait présenté comme d’habitude. Je sais que l’annexe n’est plus fournie à part, qu’elle est intégrée au budget. Est-ce que ces chiffres sont sous Transports Canada ainsi que sous Ressources naturelles Canada?

Mme Lavoie : Non. Ils sont fournis à la page 409 du budget.

La sénatrice Marshall : C’est dans l’annexe.

Mme Lavoie : Toutes les mesures fiscales qui seront abordées dans cette partie, le coût est...

La sénatrice Marshall : Les postes budgétaires sous Transports Canada et Ressources naturelles Canada visent les particuliers, n’est-ce pas? D’accord. Ce sont bien ceux-là.

Quelles sont les provinces qui bénéficient des bornes de recharge? Je ne sais pas si nous avons de telles bornes à Terre-Neuve.

Mme Lavoie : Le gouvernement souhaite que ces bornes de recharge soient plus courantes partout au pays. Il y a aussi un incitatif qui sera abordé plus tard concernant les bornes de recharge.

Les réseaux sont plus développés dans certaines provinces, c’est certain, mais l’objectif est de favoriser l’adoption plus rapide de cette technologie.

La sénatrice Marshall : La somme de 265 millions de dollars dont vous avez parlé est-elle ventilée par province? Pouvez-vous le faire?

Mme Lavoie : Je vais devoir vérifier si c’est possible. Ici encore, nous pouvons vous fournir plus de renseignements.

La sénatrice Marshall : De ce que je sais de ma province, je ne crois pas qu’il y ait la moindre borne de recharge. Ce n’est pas quelque chose qui pourrait être profitable pour Terre-Neuve. Pourriez-vous me faire un suivi à cet effet, s’il vous plaît?

Mme Lavoie : Le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont les provinces où l’adoption de cette technologie est la plus importante, mais je ne sais pas pour Terre-Neuve.

La sénatrice Marshall : Si vous pouviez vérifier, ce serait apprécié. Merci beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Je veux m’assurer d’avoir le temps de poser ma question ce matin. Elle porte sur les mesures de réduction de la pauvreté. Je veux m’assurer que nous allons passer en revue toutes les mesures dans ce document et pas seulement une en particulier.

Ma question a trait à la réduction de la pauvreté.

Le président : Madame la sénatrice, nous avons opté pour un exposé des fonctionnaires. Dans ce cas-ci, ils traitent du taux de déduction pour amortissement de la première année bonifié temporaire. La pauvreté sera abordée plus tard.

La sénatrice M. Deacon : C’est ce que je voulais savoir. Veuillez m’excuser.

Ma question sur cette mesure a déjà été posée. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup. Quand il sera question de pauvreté, vous serez la première à intervenir.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup.

Le président : Passons maintenant à la partie 1a).

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question porte sur deux sujets. Premièrement, il semble que cela concerne particulièrement les entreprises, et, j’imagine, les municipalités et tout organisme autre qu’un individu. J’ai vu cette situation dans ma municipalité, où nous avons décidé d’acheter des petits véhicules électriques d’entretien pour les parcs, pour les fleurs, et cetera, dont le prix est en deçà du montant mentionné ici, plutôt que d’utiliser des camions plus gros qui produisent beaucoup d’émissions. Est-ce qu’on a réfléchi à la possibilité d’intégrer, dans la catégorie des véhicules admissibles, des véhicules comme ceux-ci, qui coûtaient, de mémoire, quelque chose comme 33 000 ou 34 000 $? C’est toute une flotte de véhicules normalement destinés à des gens qui font de l’entretien paysager ou aux municipalités qui font de l’entretien dans les parcs. On utilise souvent des véhicules qui produisent beaucoup d’émissions, et on peut avoir accès à des véhicules de remplacement qui sont de petits véhicules ou de petits camions électriques. Est-ce qu’on a envisagé cette possibilité?

Mme Lavoie : Je vais répondre à deux éléments de la question. Vous avez demandé si les municipalités pouvaient se prévaloir de l’incitatif; en fait, c’est un incitatif qui concerne les entreprises sujettes à l’impôt, donc ce n’est pas nécessairement le cas des municipalités. Pour ce qui est des véhicules éligibles, ce sont des véhicules qui, selon les définitions de la Loi de l’impôt sur le revenu, sont surtout utilisés dans la rue ou sur les autoroutes. Si les véhicules en question sont utilisés plutôt dans des parcs, en théorie, ils ne se qualifieraient probablement pas par rapport à l’incitatif. Ce sont des questions d’interprétation que l’Agence du revenu du Canada devra évaluer, mais, en théorie, on parle de véhicules utilisés sur la route, qui sont des véhicules admissibles à la mesure incitative.

Le sénateur Forest : On peut utiliser ces véhicules sur la route, mais ce sont des véhicules qui sont constamment arrêtés, et qui produisent donc beaucoup d’émissions.

Cela m’amène à ma deuxième question sur l’évaluation de l’impact du programme. Dans le document, on parle de 300 millions ou de 253 millions de dollars. Disons que vous utilisiez pleinement les crédits, que les entreprises privées adhèrent au programme et déposent des demandes, ce qui fait en sorte que vous utilisez complètement votre budget de 253 millions de dollars. Combien de tonnes allons-nous économiser? Avez-vous évalué le coût par tonne que représente l’efficacité de votre produit?

Mme Lavoie : Ce type d’analyse est effectué par le ministère des Finances, le ministère de l’Environnement et le ministère des Transports, dans ce cas-ci, pour essayer d’évaluer l’efficacité des mesures. Effectivement, les incitatifs aux entreprises de ce genre auront tendance à produire des coûts à la tonne qui sont moins élevés. Une des raisons à cela est le fait que les déductions accélérées font en sorte que les entreprises, la première année, ont moins d’impôt à payer. Toutefois, pour les deuxième et troisième années, les déductions utilisées la première année ne sont plus disponibles. Avec le temps, cet argent est récupéré par le gouvernement. C’est un peu comme un prêt sans intérêt, où la valeur pour les entreprises est l’économie immédiate d’impôt.

Pour le gouvernement, au fil du temps, les déductions seront récupérées. Cela fait en sorte que le coût à la tonne sera moins élevé que d’autres possibilités.

Le sénateur Forest : Voilà une excellente logique fiscale. Toutefois, l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre. À ce titre, je me suis demandé si on avait évalué l’ensemble des possibilités. Nous investissons 300 millions de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. On examinera donc la rentabilité à la tonne pour voir dans quel secteur on peut être le plus efficace pour réduire les gaz à effet de serre. Sur le plan fiscal, je comprends que vous avez raison. Cette approche a une certaine logique. Cependant, pour ce qui est de l’objectif final, je me demandais si on avait fait cette analyse.

Mme Lavoie : D’autres éléments ont été inclus dans le budget. Cette mesure s’applique aux entreprises. Il y a aussi une mesure pour les individus et des incitatifs pour les stations de recharge. Donc, c’est un ensemble de mesures. Le gouvernement a opté pour une stratégie globale qui touche différents secteurs.

Le sénateur Forest : Je comprends que vous n’êtes pas en mesure en ce moment de me dire s’ils ont vraiment effectué une analyse?

Mme Lavoie : Effectivement, ce type d’analyse a été faite.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Ma question fait suite à celles du sénateur Forest. Cette mesure me paraît cibler très précisément des régions populeuses clés. Le Canada rural et le Nord du pays ne sont absolument pas pris en compte dans cette mesure fiscale puisqu’elle vise les entreprises et les véhicules entièrement électriques. Je peux comprendre que le gouvernement du Yukon, par exemple, ait un véhicule hybride. Nous avons une borne de recharge, mais ce petit véhicule est utilisé pour se déplacer dans la ville principale.

Si nous voulons inciter les entreprises — que ce soit dans le milieu de la construction, des parcs ou des services de livraison de pièces aux chantiers — il s’agit de petites entreprises, et nous voulons les amener à troquer leurs camionnettes au diesel habituelles pour des véhicules hybrides ou encore entièrement électriques. Cette mesure n’en tient pas compte.

J’ai deux questions. Pourrions-nous avoir la ventilation par province et territoire? Pourrions-nous aussi connaître le raisonnement qui justifie que cette grande partie du Canada, au-delà des régions populeuses, soit mise de côté dans cette mesure?

Mme Lavoie : Les entreprises auront un incitatif pour acheter ces bornes de recharge et les types de véhicules admissibles. On souhaite ainsi déployer cette infrastructure ou à tout le moins en favoriser le déploiement partout au Canada. Il est vrai que, en ce moment, son développement varie à l’échelle du pays. Mais toute entreprise aura droit aux mêmes incitatifs où qu’elle soit au pays.

La sénatrice Duncan : Pourquoi s’applique-t-elle spécialement aux voitures de tourisme?

Mme Lavoie : Elle s’applique tant aux voitures de tourisme qu’aux véhicules comme les camions; le plafond de 55 000 $ ne s’applique toutefois qu’aux voitures de tourisme. Si vous achetez un camion de livraison ou autre, ce véhicule sera aussi admissible. Et dans ce cas, il n’y a pas de plafond.

Donc, le plafond ne s’applique qu’aux voitures et aux VUS, c’est-à-dire aux véhicules de tourisme de plus petite taille. Tous les autres types de véhicules achetés par les entreprises, comme les camions et les taxis, seraient aussi admissibles à cette mesure.

La sénatrice Duncan : Merci.

Le sénateur Klyne : Ce que j’ai à dire s’apparente vraiment en grande partie à certains des commentaires déjà formulés.

Quand je pense au développement des entreprises et à la création d’emplois, je pense aux petites entreprises. Cela peut sembler obtus puisqu’il y a une masse critique au centre de l’Ontario. Quand je pense à l’Alberta et à la Saskatchewan, la majorité des centres d’affaires sont dans la partie inférieure de la province, dans le Sud. Quand on regarde le Nord, on n’y trouve pas vraiment de masse critique. Il aura fallu beaucoup de temps pour que la Saskatchewan pousse son réseau d’alimentation en gaz naturel, entre autres, jusqu’au Nord.

C’est à ces bornes de recharge que je pense. À part SaskTel, il n’y a pas beaucoup de monde qui investit dans les tours. Ce sont principalement des sociétés d’État qui s’en occupent.

Si vous voulez parler des entreprises qui créent les emplois au Canada, ce sont les petites entreprises. Je vois que vous insistez sur les voitures de tourisme. En Saskatchewan et en Alberta, si vous allez dans les ateliers de mécanique, vous allez voir beaucoup de camionnettes d’une demi-tonne. Cependant, en Ontario, vous allez surtout voir des voitures de tourisme. Le couple de ces camionnettes est important parce qu’ils servent habituellement à tirer des remorques. Plus vous allez vers le Nord, plus c’est évident, surtout avec l’exploitation des ressources naturelles là-bas.

Je ne vois pas de quelle façon nous pourrons en profiter, mais c’est très important, car ce sont ces petites entreprises qui créent des emplois, et leur véhicule de travail est surtout la camionnette. Ce n’est pas un cliché. C’est la réalité.

Dites-moi, avez-vous consulté les constructeurs automobiles pour savoir quand d’autres véhicules admissibles à quelque chose du genre pourraient sortir des usines? Premièrement, quand une entreprise veut une camionnette qui offre un bon couple et une capacité de transport lourd, je ne crois pas qu’elle puisse trouver un tel véhicule zéro émission et entièrement électrique sur le marché. Deuxièmement, je ne peux pas concevoir l’aménagement d’un réseau de bornes de recharge ici de sitôt. Il ne faut pas oublier non plus que, très souvent, ces personnes utilisent leur camionnette pour le travail, mais aussi comme véhicule familial.

Finalement, les entreprises louent généralement leurs voitures de tourisme. Comment la mesure s’applique-t-elle dans ce cas? Est-ce qu’une réduction d’impôt comparable à l’incitatif fiscal de la taxe sur le carbone pourrait être envisagée à la place?

Mme Lavoie : Je ne sais pas exactement à quel élément de votre question répondre en premier. Dites-moi si j’oublie des points.

En ce qui a trait aux camionnettes, il est vrai qu’il n’y a pas de modèles électriques disponibles, du moins à ma connaissance. Je sais qu’il y a certains camions plus gros, toutefois, qui sont utilisés par l’industrie minière et qui sont assez imposants.

Bon, la technologie n’en est pas au même point partout, mais il ne fait aucun doute que tous les acteurs de l’industrie souhaitent élargir la gamme de véhicules électriques ou hybrides rechargeables, parce que cela semble répondre à la demande des consommateurs, qui veulent un plus grand choix de véhicules ou de VUS électriques.

Les types de véhicules utilisés à l’échelle du pays ne se limitent pas aux voitures de tourisme. Comme je l’ai dit, il y a les camions de livraison, les taxis, des types de véhicules qui sont eux aussi admissibles. Il suffit qu’ils soient offerts en version électrique. Parfois c’est le cas, mais pas toujours. D’après ce que les acteurs de l’industrie affirment, on doit s’attendre à une gamme élargie de véhicules électriques, hybrides ou hybrides rechargeables dans les années à venir.

Le sénateur Klyne : Donc, prenons les camions de livraison comme exemple de véhicules de tourisme. Il va y avoir une grande perte de productivité parce que vous ne pourrez pas aller bien loin sans avoir à vous arrêter pour une recharge. Et pour recharger, il faut du temps. C’est un autre aspect dont il faut tenir compte.

Le président : C’était un commentaire, pas une question. Merci.

Honorables sénateurs, l’étude de la partie 1a) est terminée. Passons maintenant à la partie 1b).

Monsieur McGowan, la parole est à vous.

M. McGowan : La mesure suivante concerne les dons de biens culturels. Les règles fiscales prévoient actuellement un certain nombre d’incitatifs fiscaux bonifiés pour les dons de biens culturels à un établissement admissible. Ces incitatifs comprennent notamment une exonération pour tout gain pouvant être réputé provenir de la disposition. À l’heure actuelle, deux conditions doivent être remplies pour obtenir ces incitatifs fiscaux bonifiés. La première est que le bien soit d’importance nationale et la seconde, que le bien soit d’intérêt exceptionnel.

En réponse à notre récente affaire judiciaire, qui a soulevé chez les donateurs potentiels des préoccupations relativement au premier critère, c’est-à-dire que le bien soit d’importance nationale. Cette mesure supprimerait ce critère de sorte qu’il suffirait que le bien culturel soit d’intérêt exceptionnel.

L’enjeu de l’importance nationale portait sur la détermination de l’admissibilité d’une œuvre d’art, par exemple, si l’artiste n’était pas canadien. Si vous aviez un Picasso dont le sujet était canadien, ou qui avait un lien quelconque avec le Canada, on devait déterminer si cela était suffisant pour en faire un don de bien culturel, même s’il revêtait un intérêt exceptionnel. Cette mesure supprimerait l’exigence que le bien soit d’importance nationale.

La mesure concerne également la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels. Aucune modification n’est apportée à ce projet de loi ou à cette mesure concernant l’exportation de biens culturels. Seuls les crédits d’impôt pour don sont concernés.

Le président : Merci

La sénatrice Marshall : Qui définit le terme « intérêt exceptionnel »? S’agit-il de l’Agence du revenu du Canada?

Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances du Canada : Non, il existe un organisme, la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, dont la mission est essentiellement de réaliser ces évaluations.

La sénatrice Marshall : Si vous souhaitiez faire un don, vous devriez vous adresser à eux et ils prendraient la décision?

M. Leblanc : C’est exact.

La sénatrice Marshall : Il s’agit d’un crédit d’impôt et non d’une déduction fiscale?

M. Leblanc : Cela dépend. Si un bien culturel est admissible, pour des particuliers comme nous, il s’agirait alors d’un crédit d’impôt pour don de bienfaisance. Pour une société, il s’agirait d’une déduction. Comme l’a mentionné M. McGowan, tout gain en capital réalisé lors de cette disposition serait exonéré d’impôt, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une société.

La sénatrice Marshall : Il s’agit donc d’une déduction dans votre déclaration de revenus?

M. Leblanc : Oui.

[Français]

Le sénateur Pratte : Je me souviens vaguement de cette cause et du jugement qui avait mené à un questionnement sur l’interprétation de l’importance nationale. Pouvez-vous tout de même nous rappeler ce que ce jugement avait déterminé, et pourquoi tout cela a mené à la décision de retirer ce critère?

[Traduction]

M. McGowan : La préoccupation soulevée par le jugement était que, pour satisfaire au critère de l’importance nationale, les œuvres d’art devraient avoir — j’essaie de me souvenir les mots exacts de la cause — un lien intrinsèque avec le Canada. L’une des principales inquiétudes était que les œuvres créées par des artistes non canadiens qui ont néanmoins un intérêt exceptionnel puissent être admissibles. J’ai donné l’exemple d’une peinture produite par un artiste étranger, dont le sujet est canadien et qui est une œuvre d’art extrêmement importante, qui pourrait ne pas être admissible si les liens de l’artiste avec le Canada n’étaient pas suffisants. Il s’agit de la principale préoccupation soulevée par la cause qui a abouti à cette mesure.

Encore une fois, pour être admissible, la pièce devrait toujours être certifiée comme ayant un intérêt exceptionnel.

Le sénateur Pratte : Cela s’applique-t-il aux propriétaires d’œuvres d’art qui veulent donner une ou plusieurs de leurs œuvres à un musée, par exemple ? Est-ce de cela qu’il s’agit?

M. McGowan : Il faut que vous soyez un bénéficiaire admissible, mais je pense que les musées seraient un exemple parfait.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Eaton : Pour faire suite à ce qu’a dit le sénateur Pratte, si j’ai un merveilleux tableau de Tom Thomson que je veux vendre à New York parce que là-bas, je peux en obtenir 40 millions de dollars, cela signifie que je ne pourrais pas l’exporter pour le vendre aux enchères. C’est exact?

M. Leblanc : Encore une fois, cela devrait faire l’objet d’une décision. C’est ce qui, comme l’a dit M. McGowan, ne serait pas modifié par cette proposition législative. Ces décisions font essentiellement partie des tâches générales de la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, non seulement pour ce qui est de déterminer l’admissibilité à l’incitatif fiscal, mais aussi l’admissibilité en vue de l’exportation.

La sénatrice Eaton : Ce que je ne comprends pas, c’est que cette mesure élimine l’exigence que le bien soit, selon vos termes, « d’importance nationale », mais conserve l’exigence qu’il soit « d’intérêt exceptionnel ». Quelle est la différence? Intérêt exceptionnel, importance nationale, c’est très large. En gros, si vous réfléchissez, vous ne changez rien. Et nous parlons du Chagall, de toute cette crise. Ce tableau était-il d’importance nationale ou s’agissait-il d’un bien d’intérêt exceptionnel? Chagall n’avait aucun lien avec le Canada.

J’ai un ami à New York qui a une très vaste collection d’art américain des années 1960. Il ne la rapportera pas au Canada, parce qu’il se dit que s’il décide un jour de la vendre, il ne pourra jamais la sortir. Mais c’est intéressant. Pouvez-vous m’expliquer la différence entre les termes « importance nationale » et « intérêt exceptionnel »?

M. Leblanc : Je pense qu’il s’agit essentiellement de ce dont M. McGowan a parlé plus tôt. Il ne doit pas nécessairement y avoir un lien intrinsèque entre le Canada et le bien culturel, l’œuvre d’art.

La sénatrice Eaton : Mais s’il s’agissait d’un Barak exceptionnel ou d’un formidable Picasso à ses débuts, pendant sa période bleue? Ces tableaux ne seraient pas d’importance nationale?

M. Leblanc : Ils auraient un intérêt exceptionnel, et il reviendrait à la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels de le déterminer. Les cas que vous avez mentionnés semblent clairs. La commission pourrait raisonnablement juger que ces tableaux ne revêtent pas d’importance nationale particulière, car il n’existe aucun lien intrinsèque avec le Canada. La proposition vise à s’assurer que seul l’intérêt exceptionnel est pris en compte pour l’offre des incitatifs fiscaux.

La sénatrice Eaton : Et pas l’importance nationale?

M. Leblanc : Pas pour l’offre des incitatifs fiscaux. La proposition vise à supprimer cette obligation.

La sénatrice Eaton : Je trouve toujours que cela prête à confusion; désolée.

Le président : J’ai une question à ce sujet, et peut-être qu’elle ne concerne pas cette mesure particulière.

En ce qui concerne la Beaverbrook Foundation et les peintures de Lord Beaverbrook au Nouveau-Brunswick, je n’ai pas besoin de vous dire que leur valeur dépasse 1 million de dollars. Cette mesure aurait-elle une incidence sur les discussions en cours avec la Beaverbrook Foundation?

M. Leblanc : J’ai une idée générale de ce que contient la collection, mais je ne la connais pas assez pour donner mon opinion.

M. McGowan : L’un des facteurs qui pourraient être utiles est que cette mesure s’appliquerait aux dons faits le jour même de la présentation du budget 2019 ou peu après. Je ne sais pas quand les dons pertinents ont été faits ou s’ils l’ont été, mais cette mesure s’applique aux dons faits à partir de la date de dépôt du budget 2019.

Le président : Pourriez-vous nous fournir, par l’entremise de la greffière, une opinion sur l’incidence que pourrait avoir cette question sur la situation au Nouveau-Brunswick?

M. Leblanc : Je ne sais pas. En gros, vous avez devant vous une proposition législative, mais en fin de compte, la décision revient à d’autres institutions. Il appartient à la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels de prendre une décision. Je ne veux pas parler en son nom.

Le président : Merci beaucoup. La question a été posée.

Le sénateur Klyne : J’aimerais obtenir quelques éclaircissements. Concernant les dons de biens culturels, lorsque l’on parle de certaines institutions et de certains organismes publics désignés, s’agit-il d’une formulation générale, ou y existe-t-il réellement une liste de ceux auxquels vous aimeriez que les dons soient faits?

M. Leblanc : Il existe une liste. Si vous le souhaitez, nous pourrions vous la transmettre.

Le sénateur Klyne : Oui, s’il vous plaît.

M. Leblanc : Les archives et les bibliothèques pourraient faire partie des institutions.

Le sénateur Klyne : Nos musées nationaux?

M. Leblanc : Nos musées nationaux, mais aussi des musées locaux de plus petite taille.

Le président : Merci. Voilà qui conclut la partie 1b).

La sénatrice Andreychuk : Cette proposition vise à offrir un allégement fiscal. La politique est la suivante : les contribuables devraient-ils obtenir un avantage en disposant d’œuvres d’art ayant un certain intérêt ou une importance nationale? Le débat se poursuit. Cela concerne-t-il tout échange réalisé au Canada, ou pouvez-vous aller à l’extérieur du pays, vendre votre bien, et ne simplement pas bénéficier de l’avantage fiscal? Il existe un vif débat sur la conservation de nos biens de valeur au Canada, et sur certains biens qui pourraient avoir été détournés ou que l’on pourrait s’être appropriés.

L’impôt est-il la seule cause de ces problèmes? Parce que vous allez me parler de l’intérêt exceptionnel. Qui va le déterminer? Quelles sont les œuvres que je juge exceptionnelles? Nous avons délégué cette tâche à une commission, ce qui est une façon de se débarrasser du problème, mais cela n’aide pas le citoyen moyen à comprendre cette question. Qu’est-ce qui a motivé ce changement?

M. McGowan : Ce changement a été apporté à la suite d’une affaire judiciaire qui a suscité des questions sur ce qui pouvait être considéré comme un bien culturel d’importance nationale, et des commentaires sur la portée des deux termes, leur apparente similitude, et leur manque de longueur et d’exhaustivité. Il appartenait aux tribunaux de définir ce que l’on entendait par « importance nationale ».

Dans le cadre d’une affaire judiciaire, ce terme a été interprété d’une manière jugée plus restrictive que dans la politique fiscale relative à cette mesure. C’est ce qui a abouti à cette mesure, qui éliminerait le critère de l’importance nationale et conserverait celui de l’intérêt exceptionnel. Cette mesure découle de cette affaire et de son interprétation du terme « importance nationale ».

La sénatrice Andreychuk : Le but est-il d’encourager ou de restreindre les dons en supprimant le critère lié à « l’importance nationale »?

M. McGowan : Cela encouragerait les dons en élargissant la catégorie de biens pouvant faire l’objet de l’incitatif fiscal.

Le président : Chers collègues, nous allons maintenant passer aux mesures de la partie 1c).

M. McGowan : La mesure suivante concerne, comme la première, le système de déduction pour amortissement. Il s’agit d’une mesure importante initialement annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne 2018. Elle prévoit un taux de déduction pour amortissement bonifié temporaire pour presque toutes les catégories de biens amortissables.

Comme nous en avons discuté, la déduction pour amortissement est essentiellement un amortissement aux fins d’impôt, et la règle générale du régime fiscal canadien est que les taux de déduction pour amortissement sont généralement alignés sur la vie utile d’un bien. Une autre règle pertinente est que, au cours de la première année suivant l’acquisition d’une immobilisation, seulement la moitié du taux normal s’applique. Par exemple, si je dépense 100 $ pour un bien dont le taux de la déduction pour amortissement de base est de 30 p. 100 la première année — c’est ce qu’on appelle la règle de la demi-année —, seulement la moitié serait déductible, ce qui me donnerait droit à une déduction de 15 $. Pour l’année suivante, le taux serait de 30 p. 100 du solde restant.

D’après cette description générale de notre régime de déduction pour amortissement, cette mesure réalise trois choses importantes. Premièrement, il s’agit d’une déduction pour amortissement de 100 p. 100 applicable à certains équipements de fabrication et de transformation. Deuxièmement, elle prévoit une déduction pour amortissement de 100 p. 100 applicable au matériel d’énergie propre admissible. Il s’agit de matériel prévu dans les catégories 43.1 et 43.2 et qui comprend, par exemple, les bornes de recharge de véhicules électriques dont nous parlerons plus tard.

En outre, elle offre un taux de déduction pour amortissement bonifié pour presque tous les autres biens. Je dis « presque », car une catégorie de biens est déjà visée par un taux de 100 p. 100. En règle générale, toutes les catégories d’immobilisations amortissables bénéficieraient d’un taux de déduction de 50 p. 100 bonifié en sus du taux normal.

Troisièmement, pour les biens amortissables, il élimine la règle de la demi-année, ce qui limite la déduction possible au cours de la première année suivant l’acquisition d’une immobilisation par rapport à ces biens amortissables.

Dans mon exemple précédent, si vous payez 100 $ pour un bien pour lequel le taux de la déduction pour amortissement est de 30 p. 100, vous auriez droit à une déduction supplémentaire de 50 p. 100, ce qui vous donnerait une déduction de 45 $ au lieu des 15 $ que vous obtiendriez si la règle normale d’une demi-année s’appliquait.

Elle vous donne l’incitatif de base pour une vaste gamme de biens.

Enfin, comme je l’ai mentionné, il s’agit d’une mesure de déduction pour amortissement de la première année bonifié temporaire; donc, en fonction du type de bien, les taux seraient éliminés graduellement.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

La sénatrice Marshall : Quel est le coût total de cette initiative? Je n’arrive pas à le trouver dans le document budgétaire. Il doit être inscrit dans l’énoncé économique de l’automne. À quel montant s’élève-t-il?

Mme Lavoie : Il s’élève à 14 milliards de dollars.

La sénatrice Marshall : Sur cinq ans?

Mme Lavoie : Oui.

La sénatrice Marshall : Les catégories de machinerie et d’équipement visées seraient précisées dans la mesure législative?

M. McGowan : C’est exact.

La sénatrice Marshall : J’en déduis que cette mesure sera conforme à ce qui se passe aux États-Unis? C’est probablement la raison pour laquelle nous la prenons.

M. McGowan : Oui, sénatrice Marshall, vous avez tout à fait raison. Cette mesure constitue une grande partie de la réponse du gouvernement à la réforme fiscale récente des États-Unis.

La sénatrice Marshall : J’ai vu une publication hier, je pense que c’était de la Chambre de commerce du Canada, dans laquelle on demandait une réforme fiscale exhaustive, mais nous n’avons pas encore suivi cette voie. Nous optons simplement pour ce type de mesures.

Compte tenu du coût élevé de ce programme — le gouvernement s’intéresse actuellement aux indicateurs de rendement — a-t-on établi un indicateur de rendement qui nous permette de mesurer l’efficacité potentielle de ce changement?

Mesurons-nous l’incidence économique de ce changement fiscal? Où est-ce un champ trop étroit?

Mme Lavoie : Tous les éléments de la mesure s’appliqueront à tous les types d’investissements en immobilisations au Canada. Il est clair que ce champ n’est pas étroit. Il s’appliquera à tous les types d’investissements en immobilisations des entreprises. L’objectif est d’inciter les investissements au Canada.

Au fil du temps, je suppose qu’on pourrait se pencher sur les niveaux d’investissements en immobilisations et voir le rendement canadien.

La sénatrice Marshall : Ferons-nous le suivi de son incidence économique? Lorsque le grand programme d’infrastructure a été mis en œuvre, on avait envisagé qu’il aurait une certaine incidence sur notre produit intérieur brut, sur l’économie.

Mme Lavoie : Il est toujours très difficile de faire le suivi de l’incidence d’une mesure précise comme celle-là parce que l’investissement repose sur une gamme de facteurs différents. Ils sont multiples — la disponibilité de la main-d’œuvre et des minéraux. De nombreux facteurs entrent en jeu. C’est très difficile de déterminer l’incidence d’une mesure en particulier.

La sénatrice Marshall : Nous espérons que cette mesure aura une incidence. Merci.

Le sénateur Pratte : Pardonnez mon ignorance. La machinerie et l’équipement de fabrication et de transformation ainsi que le matériel d’énergie propre sont admissibles à la pleine déduction la première année? Quel type d’investissement reste-t-il une fois que vous avez traité l’équipement de fabrication et de transformation et le matériel d’énergie propre? De quels autres investissements est-il question? Les terres, je suppose, ou des choses du genre?

M. McGowan : Les terres ne sont pas en elles-mêmes des biens amortissables. Les immeubles le seraient, et nous en avons déjà parlé. Les véhicules seraient un exemple.

Vous avez le paragraphe 14(1). Vos immobilisations incorporelles entrent aussi dans notre système de déduction pour amortissement. Les bâtiments sont un autre exemple. Les navires qui ne font pas partie de l’équipement de fabrication et de transformation. Il y a aussi vos ordinateurs — si je regarde autour de la pièce, il y a les bureaux, les chaises et des choses du genre.

Le sénateur Pratte : Comment justifie-t-on la déduction maximale accordée la première année aux deux types d’équipements dont il est question? Je peux comprendre pour le matériel d’énergie propre, évidemment, mais pourquoi l’équipement de fabrication?

[Français]

Mme Lavoie : Dans les consultations que le gouvernement a tenues avant d’annoncer la mesure, un certain risque a été identifié pour le secteur manufacturier, à savoir qu’il était peut-être plus mobile que d’autres secteurs. Dans la réforme fiscale américaine, qui offrait également des incitatifs à 100 p. 100, on avait estimé que le risque était plus élevé de perdre des investissements dans ce domaine que dans les autres secteurs de l’économie. C’est ce à quoi le gouvernement voulait répondre.

Le sénateur Pratte : Comment va fonctionner le « phase-out »?

Mme Lavoie : Juste un instant, nous allons trouver l’endroit où l’on traite de ce sujet.

[Traduction]

M. McGowan : Le fonctionnement de l’élimination graduelle dépend en partie du type de propriété. L’incitatif à l’investissement accéléré est applicable.

Il ne s’appliquera plus aux investissements réalisés après 2027, ce qui donne une date d’échéance au programme. Différents types de biens sont traités, en quelque sorte, différemment pour ce qui est de leur élimination graduelle entre ces deux points.

Une déduction initiale de 100 p. 100 ou une déduction supplémentaire de 50 p. 100 ou trois fois le taux normal applicable à la règle de la demi-année. Quelle que soit la façon dont vous voulez le définir, il y a l’avantage initial, qui ne s’appliquerait pas ensuite aux biens utilisés après 2027, et ensuite, à mi-chemin, sa valeur diminuerait. Encore une fois, les éléments précis dépendent de la catégorie de biens dont il est question.

[Français]

Mme Lavoie : Le taux de 100 p. 100 va s’appliquer jusqu’à la fin de l’année 2023 pour le secteur manufacturier et le secteur de l’énergie propre. Pour ce qui est des autres investissements, le taux équivalent à trois fois le taux habituel va continuer de s’appliquer jusqu’à la fin de 2023. En 2024 et 2025, le taux de 100 p. 100 va tomber à 75 p. 100. En 2026-2027, il tombera à 55 p. 100. À partir de 2028, c’est le taux normal qui commencera à s’appliquer.

Le sénateur Pratte : D’accord, merci.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Je reprends deux points que vous avez soulevés : vous avez parlé de l’indicateur de rendement de l’incitatif à investir au Canada et le fait d’égaler les incitatifs fiscaux des États-Unis.

Pourquoi n’aurions-nous pas simplement baissé l’impôt des sociétés comme Jason Kenney le fait en Alberta? Cela n’aurait-il pas été plus simple en général de simplement baisser les impôts sur le revenu des sociétés?

Mme Lavoie : Avant de procéder à leur réforme fiscale, les États-Unis avaient un taux d’impôt sur le revenu des sociétés bien plus élevé que celui du Canada et que la plupart des autres pays du G7. Depuis leur réforme, leur taux d’imposition est maintenant environ égal à celui du Canada. En moyenne, il se situe à 25,8 p. 100.

La sénatrice Eaton : Oui, mais les investissements au Canada — les investissements étrangers — se sont taris. C’est merveilleux d’écouter toutes ces explications si vous êtes une ancienne vérificatrice générale comme la sénatrice Marshall ou si vous êtes comptable agréé, mais si vous êtes un simple citoyen ou quelqu’un qui démarre une entreprise, n’aurait-il pas été préférable d’accrocher une enseigne dans la vitrine disant que nous baissons l’impôt sur le revenu des sociétés en-deçà de ce qu’il est aux États-Unis pour nous rendre plus concurrentiels de cette façon?

Mme Lavoie : Étant donné que les taux sont à peu près pareils, le gouvernement a choisi d’offrir un incitatif ciblé pour favoriser les investissements et agir de façon plus systématique. Les discussions à ce sujet sont nombreuses. C’est ce qu’a choisi le gouvernement.

La sénatrice Eaton : Nos taux sont maintenant plus élevés que ceux des États-Unis, alors il s’agit d’une décision politique?

Mme Lavoie : Nos taux ne sont pas nécessairement plus élevés. Tout dépend des provinces et des États. En moyenne...

La sénatrice Eaton : Nos taux sont plus élevés. Si vous écoutez les entrepreneurs, ils vous diront que nos taux sont plus élevés. Nous avons fait le tour du pays pour écouter ce que les spécialistes de l’impôt avaient à dire. Nos taux sont plus élevés qu’aux États-Unis.

Quoi qu’il en soit, c’est une décision. Je ne la remets pas en question. J’espérais simplement que vous soyez en mesure d’expliquer pourquoi nous n’avons tout simplement pas baissé les taux d’impôt sur le revenu des sociétés au Canada.

M. McGowan : Je pourrais ajouter aux commentaires de ma collègue.

Évidemment, nous avons rencontré un certain nombre d’intervenants en réponse à la réforme fiscale aux États-Unis, comme l’a fait le ministre, et une des choses que nous avons entendues portait sur la cible de nos prochains investissements. Une des façons de la mesurer est d’utiliser le taux effectif marginal d’imposition, qui est différent du taux d’imposition nominal dont nous avons parlé, le taux d’impôt fédéral de 15 p. 100 ou quelque chose du genre.

La sénatrice Eaton : À cela s’ajoutent les dispositions provinciales, bien entendu.

M. McGowan : En effet. Aux États-Unis, les règles fiscales sont différentes également.

Nous nous sommes interrogés à propos des entreprises, qui se demandent où elles devraient effectuer leur prochain investissement. Comme je l’ai indiqué, il importe de s’appuyer sur le taux effectif marginal d’imposition pour le déterminer. Si on fait un nouvel investissement, quel rendement en tirera-t-on? C’est un des domaines où la majoration des déductions pour amortissement accéléré peut changer la donne.

Ici encore, les États-Unis ont pris une mesure semblable. Si on examine la question afin de trouver des réponses simples, les taux d’imposition font partie de l’équation, mais la question ne s’arrête pas là. Le taux d’imposition s’applique en fonction du revenu imposable de l’entreprise.

Juste pour vous donner un exemple simple, il pourrait y avoir deux entreprises équivalentes, l’une dont le taux d’imposition de 50 p. 100 et l’autre, de 25 p. 100. Pour simplifier les chiffres pour que je fasse le calcul mental, elles affichent toutes deux un bénéfice comptable de 100 $. Cependant, si diverses déductions fiscales font en sorte que le bénéfice comptable de l’entreprise ayant un taux de 50 p. 100 est de 40 $, alors c’est sur ce montant que ce taux s’applique. Elle doit donc payer 20 $, alors que l’autre entreprise, qui est imposée à un taux de 25 p. 100 sur 100 $, paie 25 $ d’impôt.

Il s’agit évidemment de chiffres fictifs pour simplifier le calcul, mais cela montre que le taux d’imposition principal que l’entreprise doit payer fait partie de l’équation, mais que d’autres facteurs, comme les taux de la déduction pour amortissement, peuvent avoir une incidence notable sur les décisions d’investissement.

La sénatrice Eaton : C’est ce que je constate, et je ne peux pas vous contredire. Je peux voir que c’est le cas pour les fabricants canadiens, mais je ne partage pas votre avis quand il s’agit d’attirer les investissements étrangers. Quoi qu’il en soit, il faudra attendre à l’an prochain pour voir si nous attirons beaucoup d’investissements étrangers. Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Si j’ai bien compris, le coût de la mesure est de 14 milliards de dollars. C’est quand même une somme très, très importante. En ce qui a trait à la cohérence vis-à-vis les objectifs, je me faisais la réflexion suivante. A-t-on envisagé la possibilité d’avoir une bonification incitative, particulièrement pour les équipements à énergie propre? On pourrait, par exemple, obtenir 10 p. 100 de réduction de plus, compte tenu de l’objectif ultime, qui est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Mme Lavoie : Effectivement, pour les équipements à énergie propre, le taux est passé de 50 p. 100 à 100 p. 100 en vertu de la mesure. Comme pour les équipements manufacturiers, ceux-ci vont bénéficier du taux le plus élevé possible.

Le sénateur Forest : Cependant, il n’y a pas d’incitatif. Si j’achète un équipement qui fonctionne au diesel, j’aurai la même déduction que si j’achète un équipement électrique?

Mme Lavoie : Tout dépendra du type d’équipement. Si on prend l’exemple des voitures électriques et des voitures diesel, ce ne sera pas le même traitement. L’une aura 100 p. 100 de déduction et l’autre aura 30 p. 100. Les équipements qui répondent aux critères selon la classe 43.1 ou 43.2 seront plutôt destinés à générer de l’énergie, comme les éoliennes, les panneaux solaires et les dispositifs de géothermie. Ce type d’équipement se qualifiera pour la déduction de 100 p. 100. On procède vraiment au cas par cas. Je ne peux donc pas répondre par l’affirmative de manière générale. Si les équipements se qualifient selon certaines classes, ils bénéficieront de la déduction de 100 p. 100.

Le sénateur Forest : Cependant, il n’y a pas d’incitatif particulier si je choisis un équipement ou un autre. Par exemple, si je me trouve dans le Grand Nord et que j’achète une génératrice au diesel, j’obtiendrai une déduction de 100 p. 100. Si j’avais opté pour une éolienne, j’aurais obtenu quand même une déduction de 100 p. 100?

Mme Lavoie : Je ne suis pas tout à fait certaine du coût pour ce qui est de la génératrice au diesel. L’éolienne, par contre, se qualifierait pour la déduction de 100 p. 100.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Alors que vous répondiez à d’autres questions, je me demandais si vous évaluiez l’impact de cette mesure sur les diverses provinces? En lisant le document, je me demandais quelles entreprises de Terre-Neuve profiteraient de cette mesure, et seulement quelques-unes me venaient à l’esprit, peut-être dans le secteur de la transformation de poissons.

Avez-vous une analyse à ce sujet? Vous avez indiqué que c’est un programme de 14 milliards de dollars; est-ce bien cela? Connaissez-vous la ventilation par province? Quel avantage en tirera Terre-Neuve-et-Labrador?

Mme Lavoie : Toutes les entreprises de Terre-Neuve et des autres provinces canadiennes qui effectuent un investissement en capital bénéficieront de ces mesures, qui s’adressent notamment aux secteurs de la fabrication et de la transformation. L’industrie du poisson pourrait potentiellement se qualifier, mais tous les types d’investissements en capital effectués par des entreprises sont visés, qu’il s’agisse de l’achat d’une voiture, de matériel de bureau ou d’un bateau. La plupart des entreprises profiteront de ces mesures.

La sénatrice Marshall : Si la facture pour les contribuables s’élève de 14 milliards de dollars, c’est un montant substantiel. Avez-vous la ventilation du montant?

Mme Lavoie : Nous pouvons vérifier si nous pouvons vous la fournir. Je ne l’ai pas ici.

La sénatrice Marshall : Je voudrais voir le montant par province.

La sénatrice Duncan : Je pense avoir entendu une réponse à cette question après que la sénatrice Marshall a parlé de la ventilation par province. Les secteurs de la fabrication et de la transformation ne sont pas nécessairement présents dans le Nord du pays, bien entendu, mais j’ai pensé à Yukon Brewing, par exemple, et à son scotch primé. Si l’entreprise installe des panneaux solaires, elle investirait dans du matériel de production d’énergie propre. C’est ce que je vous ai entendu dire. Est-ce exact?

Mme Lavoie : Oui, sénatrice.

Le président : Nous sommes encore à la partie 1d).

M. McGowan : La mesure suivante porte sur les conséquences fiscales des programmes de soins par la famille élargie. Il s’agit de programmes provinciaux dans le cadre desquels un enfant est pris en charge par une personne qui peut recevoir des prestations de la province.

Cette mesure fait deux choses importantes. D’abord, elle fait en sorte que les sommes reçues dans le cadre d’un tel programme ne soient pas comprises dans le revenu afin de déterminer le droit aux prestations fondées sur le revenu en vertu de la loi sur l’impôt. En outre, elle fait en sorte que la réception de sommes dans le cadre de programmes de soins par la famille élargie n’empêche pas l’enfant pour lequel les sommes sont reçues d’être considéré comme l’enfant d’un parent au titre de l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Les gens peuvent donc se prévaloir de cette allocation, qu’ils soient parents ou non. Cette mesure fait en sorte que les sommes reçues dans le cadre d’un programme de soins par la famille élargie n’empêcheront pas une personne d’être considérée comme le parent d’un enfant dont elle a la garde.

Si cette mesure semble familière, c’est qu’elle fait suite à une mesure prévue dans le budget de 2018 qui faisait substantiellement la même chose concernant la réception de prestations au titre de l’Allocation canadienne pour enfants.

Le sénateur Pratte : Pourriez-vous nous expliquer ce que cette mesure ajoute à celle qui figurait dans la Loi d’exécution du budget de 2018, si je m’en souviens bien?

M. McGowan : Merci, sénateur. Je vous l’expliquerai volontiers. La mesure prévue dans le budget de 2018 découlait d’une préoccupation précise soulevée concernant l’Allocation canadienne pour enfants, certains craignant que la réception de sommes dans le cadre de programmes de soins par la famille élargie empêche les gens d’être considérés comme un parent au titre de l’Allocation canadienne pour enfants, une très importante politique phare du gouvernement actuel. Une modification a promptement été apportée pour éliminer le problème.

Il s’agissait d’un problème technique attribuable à la définition large de « parent » dans la loi sur l’impôt, selon laquelle l’enfant devrait être entièrement dépendant de l’adulte. Il y avait lieu de se demander si l’enfant pouvait être considéré comme entièrement dépendant si la personne en prenant soin recevait des sommes au titre d’un programme de soins par la famille élargie. La mesure précédente s’appliquait exclusivement dans le contexte de l’Allocation canadienne pour enfants. Par la suite, ayant discuté de la question avec les parties prenantes, nous avons déterminé que l’Allocation canadienne pour les travailleurs pouvait soulever des questions semblables. La présente mesure élargirait le traitement à l’Allocation canadienne pour les travailleurs et indiquerait clairement si ces montants sont compris dans le revenu aux fins de certaines prestations imposables.

Essentiellement, la mesure de l’an dernier portait sur l’Allocation canadienne pour enfants, alors que celle de cette année concerne l’Allocation canadienne pour les travailleurs et d’autres prestations fondées sur le revenu.

La sénatrice Andreychuk : Je sais qu’il existe des arrangements de soins par la famille élargie sur les réserves. Sont-elles touchées par cette mesure? Autrement dit, si une grand-mère ou une sœur prend soin d’un enfant, il existe sur les réserves des services sociaux et d’autres concepts autochtones. Ces arrangements sont-ils négociés différemment, de manière privée? En a-t-on tenu compte pour assurer l’égalité des avantages? Il ne s’agit peut-être pas d’un avantage fiscal comme tel, mais il faut assurer l’égalité pour les habitants des réserves qui assument la responsabilité d’un enfant, ce qui a toujours constitué une difficulté, pour qu’ils reçoivent suffisamment de ressources des programmes sociaux sur les réserves.

M. Leblanc : Je vous remercie de la question. Nous pouvons vous dire, à propos de ces mesures, que nous veillons à ce que les arrangements pris sur les réserves soient traités de la même manière que les autres arrangements. Essentiellement, les célibataires reçoivent le montant pour parent seul, qui est plus généreux au titre de l’Allocation canadienne pour travailleurs. En outre, les sommes reçues du gouvernement dans le cadre de programmes de soins par la famille élargie ne sont pas comprises dans le revenu. Ce seraient donc des mesures d’application générale.

Le président : J’ai une question sur les services à la famille et à la communauté.

Vous dites que la mesure stipule que l’aide financière reçue par ceux qui prodiguent des soins dans le cadre d’un programme n’est ni imposable ni comprise dans le revenu aux fins de détermination du droit aux prestations et aux crédits fondés sur le revenu. Combien de crédits budgétaires concerneraient cette mesure?

M. Leblanc : Comme il s’agit de mesures fiscales, elles ne figureraient pas dans les crédits budgétaires proprement dits.

Le président : Distingués sénateurs, nous passerons à la partie 1e).

M. McGowan : La prochaine mesure concerne le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Les sociétés privées sous contrôle canadien faisant de la recherche scientifique et du développement expérimental peuvent se prévaloir d’un crédit d’impôt remboursable majoré dont le taux est de 35 p. 100 au lieu du taux général de 15 p. 100.

À l’heure actuelle, ce crédit majoré est graduellement réduit en fonction de deux facteurs, le premier étant le revenu imposable d’une société privée sous contrôle canadien, qui fait en sorte que l’accès au crédit est réduit à l’intérieur d’une fourchette donnée, et le second étant le capital imposable d’une telle société. L’accès au crédit majoré est réduit dans une fourchette allant de 10 à 50 millions de dollars en capital. Cette mesure ferait en sorte que le revenu imposable ne constituerait plus un facteur à prendre en compte au chapitre de l’accès d’une société privée sous contrôle canadien au Programme d’encouragements fiscaux à la recherche scientifique et au développement expérimental. Seul le capital imposable de ces sociétés serait considéré pour déterminer comment l’accès au crédit majoré serait graduellement réduit. En bref, cette mesure permettrait aux sociétés privées sous contrôle canadien les plus rentables de bénéficier d’un accès accru à ce crédit. Elle aiderait également les sociétés dont le revenu fluctue au fil des ans, tout en maintenant le facteur relatif au capital pour que la mesure soit adéquatement ciblée.

La sénatrice Marshall : Juste pour que tout soit clair, quand je regarde le coût du programme pour le gouvernement, il est indiqué qu’il sera de 395 millions de dollars sur cinq ans. Selon ce que vous dites, j’ai l’impression que toutes les sociétés privées sous contrôle canadien touchées par cette mesure en ressentiront un effet positif. Ce programme n’aura d’incidence néfaste sur aucune société privée sous contrôle canadien, n’est-ce pas?

Mme Lavoie : C’est exact. La mesure éliminera un des critères d’accès. Pour ce qui est de dire si toutes les sociétés en profiteront, la question dépendra de leur niveau de revenu.

La sénatrice Marshall : Aucune société privée sous contrôle canadien ne subira d’effet préjudiciable. D’accord. Merci.

Le sénateur Pratte : Je voudrais mieux comprendre ce qui justifie cette modification. Quel effet aura l’élimination du facteur relatif au revenu imposable? Quelle incidence cette mesure aura-t-elle et quelle est la logique derrière ce changement?

[Français]

Mme Lavoie : Les représentants de l’industrie ont approché le gouvernement à plusieurs occasions pour expliquer un problème qu’ils avaient constaté par rapport à la limite sur les revenus. Nous en avons inclus un exemple à la page 381 du budget. Cela montre qu’il y a des cas, avec les règles actuelles où, si le revenu passe de 600 000 $ à 700 000 $, l’augmentation du revenu imposable peut être moindre que la réduction des crédits d’impôt gagnés. En fait, il y a des situations à l’heure actuelle où il est désavantageux pour les compagnies de gagner plus d’argent, parce que l’augmentation des revenus n’est pas suffisante pour combler le manque à gagner quant aux crédits gagnés par l’intermédiaire du programme. Tout cela est perçu comme un élément démotivant pour la croissance.

Il y a des situations où une compagnie ne peut pas nécessairement facilement contrôler l’augmentation des revenus d’une année à l’autre. Elles peuvent avoir une bonne année, mais les règles, à l’heure actuelle, font en sorte qu’elles subiraient des impacts négatifs quant aux revenus, parce qu’elles auraient perdu plus de crédits d’impôt par rapport à l’argent qu’elles auraient gagné en augmentation de revenu. C’est vraiment un problème pour les compagnies qui sont en retrait par rapport à la mesure qu’on a voulu corriger.

Le sénateur Pratte : Comment définit-on « taxable capital »?

Mme Lavoie : Ce sont les actifs des compagnies. Si vous pensez à un bilan financier, ce sont les actifs des compagnies.

Le sénateur Pratte : C’est basé sur l’année précédente, sur le « taxable capital  » de l’année fiscale précédente?

Mme Lavoie : Effectivement.

Le sénateur Forest : J’ai une question de compréhension sur ce crédit de recherche scientifique et de développement expérimental. Si mon entreprise n’est pas assez grosse, par exemple, pour avoir un département de recherche, mais que je décide d’établir un partenariat avec un centre de recherche appliquée qui a un statut d’organisme sans but lucratif, est-ce que les fonds que j’investis pour la recherche par l’intermédiaire de ce partenaire sont admissibles?

Mme Lavoie : Les contrats de recherche sont admissibles, effectivement.

Le sénateur Forest : On varie le crédit d’impôt selon les caractéristiques de l’entreprise, notamment son statut juridique. Est-ce que l’on définit ce statut selon que l’entreprise est incorporée au Québec, par exemple, ou selon un statut canadien ou étranger? Comment définissez-vous le statut juridique?

Mme Lavoie : Il y a deux composantes au programme de recherche. Il y a une composante qui permet aux entreprises d’avoir accès à un crédit d’impôt de 35 p. 100 remboursable. C’est un programme qui cible les petites entreprises qui sont sous contrôle canadien, les sociétés privées sous contrôle canadien. Toutes les autres entreprises sont éligibles à un crédit d’impôt de 15 p. 100. Ce deuxième crédit est universel, c’est-à-dire qu’il est destiné à toutes les entreprises qui font de la recherche au Canada.

Le sénateur Forest : Merci.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Cette mesure me laisse légèrement perplexe. Les réponses que vous nous avez données jusqu’à présent nous sont fort utiles. Je vous remercie de témoigner. J’essaie de saisir le « pourquoi », la justification et les effets tant positifs que négatifs que cette mesure pourrait avoir au fil du temps selon la taille de l’entreprise. Je m’intéresse passionnément à la recherche scientifique et au développement.

Les trois dernières réponses m’ont considérablement aidée, mais avez-vous un exemple? Je ne me soucie pas du genre de société dont il s’agit, mais comment cela fonctionnerait-il pour une entreprise depuis un ou deux ans, maintenant et dans les trois à cinq prochaines années? Cela m’aiderait à comprendre les tenants et les aboutissants.

Mme Lavoie : Nous pourrions utiliser l’exemple figurant à la page 441 du budget. Si vous n’en avez pas d’exemplaire, je peux vous expliquer cet exemple. À l’heure actuelle, une entreprise ayant un capital imposable de 10 millions de dollars pourrait voir son revenu imposable passer de 500 000 à 600 00 $. Elle n’aurait ainsi plus accès au crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, puisque ce dernier est réduit graduellement à l’intérieur de cette fourchette. Une augmentation de 100 000 $ du revenu imposable s’accompagnerait d’une réduction de 200 000 $ du crédit. Grâce à la nouvelle mesure, le revenu imposable ne serait pas pris en compte. Tant que le capital imposable reste dans la fourchette prévue, les entreprises peuvent se prévaloir du crédit. Dans mon exemple, le montant du crédit ne changerait pas si le revenu imposable augmente, tant que le capital imposable reste inférieur aux seuils.

La sénatrice M. Deacon : Merci. J’ai vu l’exemple que vous venez de donner. Quand j’ai étudié le budget, je tentais de déterminer comment cette mesure pouvait s’appliquer à une entreprise; voilà pourquoi je voulais étayer cet exemple avec une situation réelle. Je vous serais donc reconnaissante de m’expliquer comment l’entreprise décrite dans le budget ferait partie de la tranche de sociétés qui profiteraient de cette mesure.

Mme Lavoie : Il s’agit d’entreprises dont le capital imposable s’élèverait de 10 à 50 millions de dollars; dans les faits, ce sont donc des entreprises de taille moyenne.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le président : Ayant conclu l’examen de la partie 1e), nous nous pencherons maintenant à la mesure f), qui fournit du soutien dans le domaine du journalisme. Monsieur McGowan, si vous voulez bien nous expliquer ce qu’il en est.

M. McGowan : Cette mesure fournit du soutien au journalisme canadien de trois manières. Juste pour régler la question de la terminologie dès le départ, il faut être une organisation journalistique canadienne qualifiée pour pouvoir se prévaloir de ces trois mesures. Cette nouvelle définition est établie dans le projet de loi; les organisations doivent donc satisfaire un certain nombre de conditions, notamment celle voulant qu’elles soient des organisations journalistiques. Des restrictions s’appliquent quant au caractère canadien, au contrôle par des sociétés étrangères et à d’autres facteurs; l’admissibilité dépend donc beaucoup du genre d’entité dont il s’agit. Les sociétés, les fiducies et les autres entités ont des rôles différents, mais les organisations doivent être canadiennes et à vocation journalistique. Des règles précisent ce qui constitue du journalisme à cet égard.

Enfin, les organisations devraient être désignées par un nouvel organe qui serait établi. Cette désignation serait le résultat des recommandations d’un comité consultatif qui serait également constitué pour prodiguer des conseils au sujet de cette mesure. Le concept d’organisation journalistique canadienne s’applique aux trois mesures, bien que chacune d’entre elles s’accompagne de ses propres restrictions supplémentaires.

La première mesure concerne l’ajout du statut de donataire reconnu pour les organisations journalistiques enregistrées, c’est-à-dire une organisation journalistique canadienne qualifiée qui a présenté une demande d’enregistrement à l’Agence du revenu du Canada par l’entremise de ce qui est essentiellement le même processus que celui qu’empruntent les organismes de charité ou les associations de sport amateur enregistrées. Le statut de donataire qualifié permettrait principalement d’effectuer des dons de charité ou de délivrer des reçus fiscaux pour les dons reçus, permettant ainsi aux particuliers de bénéficier d’un crédit d’impôt ou d’une déduction pour don de charité. En outre, l’organisation journalistique devrait être une entité sans but lucratif pour s’enregistrer. Pour les donataires reconnus, l’exemption d’impôt supplémentaire ne serait pas aussi importante que la capacité de délivrer des reçus pour don aux particuliers et de recevoir des dons d’organismes de charité.

La mesure suivante accorde un crédit d’impôt remboursable de 25 p. 100 sur les salaires et traitements versés aux employés de salle de presse admissibles de certaines organisations journalistiques canadiennes qualifiées. Ce crédit serait plafonné à 55 000 $ pour les employés de salle de presse admissibles. Ainsi, pour un crédit de 25 p. 100, le montant maximal serait de 13 750 $ par employé de salle de presse admissible. L’effectif des salles de presse ne se limite pas aux journalistes, et peut comprendre des rédacteurs, des responsables de la mise en page et des personnes qui travaillent dans les salles de presse pour préparer du contenu journalistique original.

La troisième mesure prend la forme d’un crédit d’impôt non remboursable temporaire de 15 p. 100 sur les montants payés par les particuliers pour certains abonnements aux services d’information numériques admissibles. Ce crédit d’impôt temporaire permettra aux particuliers de réclamer jusqu’à 15. p. 100 d’un montant pouvant aller jusqu’à 500 $ par année en frais d’abonnements numériques admissibles.

Voilà qui résume chacune des trois composantes du soutien offert dans le domaine du journalisme. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

La sénatrice Marshall : Vous dites que l’Agence du revenu du Canada doit enregistrer les donataires reconnus. Qui détermine s’il s’agit d’une organisation journalistique canadienne qualifiée? Est-ce la même chose?

M. McGowan : Non. Le paragraphe 248(1), où se trouvent en général les définitions énoncées dans la loi, propose celle d’« organisation journalistique canadienne qualifiée ». Elle repose sur un certain nombre de critères à respecter pour qualifier l’organisation. Certains sont factuels. Dans l’application des règles fiscales, l’Agence du revenu du Canada pourrait les confirmer. De plus, l’une des conditions à remplir est que l’organisation journalistique soit désignée comme organisation journalistique canadienne qualifiée par une entité visée par règlement pour l’application de la définition en question. Essentiellement, deux critères s’appliquent. L’un figure, je pense, dans l’alinéa A du projet de définition. Le critère de désignation figure dans l’alinéa B. Il précise que la désignation est faite par une entité visée par règlement. Les détails sur son identité dépendraient du travail abattu par le conseil indépendant qu’on créera pour les besoins de ces mesures. On l’a annoncé, je pense, dans l’énoncé économique de l’automne de 2018 et on l’a répété dans le budget du présent exercice.

La sénatrice Marshall : C’est l’une des nouvelles organisations, mais ça semble lourd.

Parlons d’argent, parce que, dans le budget, on lit que ça coûtera un demi-milliard en cinq ans. Comment êtes-vous arrivés à ce moment?

M. McGowan : Désolé. C’est dans le total de chacune des trois?

La sénatrice Marshall : Oui. Le statut de donataire reconnu coûte 96 millions de dollars; le crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre, 360 millions; le crédit d’impôt pour les abonnements numériques admissibles, 138 millions. Ça fait donc un demi-milliard sur cinq ans. Comment arrivez-vous à ce montant?

M. Leblanc : Essentiellement, pour chacune des trois mesures, c’est notre meilleure estimation de ce qu’elle coûtera à l’État. C’est d’après le nombre de particuliers qui profiteront de la mesure visant les abonnements numériques ou du statut de membre donataire reconnu pour les organisations journalistiques sans but lucratif, des montants qui iront à ces... essentiellement combien de ces organisations pourraient être créées et quels pourraient être les dons. Comme M. McGowan l’a dit, combien sera versé sous forme de crédits à des particuliers ou de déductions.

La sénatrice Marshall : Avez-vous donc déterminé quelles organisations ou quels particuliers pourraient s’en prévaloir?

M. Leblanc : Pas d’organisations précises. Nous avons seulement tenté d’en évaluer le nombre au plus juste.

La sénatrice Marshall : Pourrions-nous avoir cette information? Pourriez-vous nous la communiquer?

M. Leblanc : Permettez-moi de faire des recherches de mon côté pour voir ce que nous pouvons faire.

La sénatrice Marshall : Oui. Ça m’intéresserait beaucoup, parce que ça s’élève à un demi-milliard. Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : Je déclare tout de suite un certain conflit d’intérêts à titre d’ancien journaliste et ancien gestionnaire d’un journal.

J’ai plusieurs questions. J’essaie de comprendre la relation entre le nouvel organisme-conseil et les critères prévus dans la loi. Habituellement, l’interprétation des critères dans la loi ne reviendrait-elle pas à l’Agence du revenu du Canada plutôt qu’à un organisme-conseil?

Mme Lavoie : Il y aura deux organismes-conseils. Le premier donnera des avis au gouvernement quant aux critères d’admissibilité au crédit. Par la suite, il est envisagé que les organisations qui veulent se prévaloir des crédits devront être désignées par l’entité — et on ne sait pas encore quelle entité ce sera. Certains éléments de la définition peuvent être établis par l’Agence du revenu du Canada; par exemple, le fait de déterminer si l’entité est canadienne.

Il est envisagé que l’entité, qui sera formée d’experts, sera mieux placée pour déterminer s’il s’agit vraiment de contenu journalistique original et que les employés qui se qualifieront, et qui vont soumettre des dépenses, seront vraiment ceux qui produisent les nouvelles. Ce sont ces éléments qui demandent un peu plus d’expertise et d’analyse du domaine journalistique et où l’avis de l’entité sera vraiment important. Certains éléments du crédit d’impôt, en effet, pourront être vérifiés par l’Agence du revenu du Canada.

Le sénateur Pratte : Excusez-moi, mais je n’ai pas le projet de loi sous les yeux et je n’ai pas lu cette partie. Est-ce que cela signifie que, après que le premier organisme-conseil aura fourni des avis, les critères contenus dans la loi pourraient être modifiés?

Mme Lavoie : Ils vont donner des avis au gouvernement et ce sera ensuite à lui de décider s’il est approprié de changer certains critères. Quant à savoir, s’ils le feront ou non, je ne peux pas vous répondre.

Le sénateur Pratte : Ma prochaine question concerne le statut des organismes de bienfaisance. Certains organismes de bienfaisance craignent que l’on ouvre la porte à une diminution des dons qu’ils reçoivent au profit de dons accordés aux organisations journalistiques. Est-ce quelque chose que vous avez évalué?

M. Leblanc : Je vous remercie de la question. Le coût de la mesure est assez modeste. La sénatrice a parlé d’environ 600 millions de dollars. Cette mesure représente moins d’un sixième de ce montant. C’est vraiment une question de réallocation des dons.

Selon nos prévisions, il y aura des dons qui permettront d’arriver à un coût à long terme annuel qui sera à peu près, selon nos estimations, de 11 à 15 millions de dollars. On ne parle pas de beaucoup de dons, car, si on pense aux dépenses fiscales pour les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance ou aux déductions pour les sociétés, on parle d’environ 3 milliards de dollars par an. Dans ce contexte, il y en aura peut-être un peu, mais pas beaucoup, à notre avis.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup. Ma dernière question porte sur le crédit d’impôt personnel pour les abonnements numériques. Je suis toujours assez sceptique par rapport à ce genre de mesures. Cela me fait penser au crédit d’impôt qui avait été accordé à un moment donné aux gens qui prenaient les transports en commun, par exemple, ou qui achetaient des équipements de sport, et finalement on a plus ou moins abandonné ces mesures, parce qu’on a réalisé que les gens qui en profitaient étaient des gens qui faisaient déjà du sport ou qui prenaient déjà les transports en commun. Cela n’avait pas donc d’effet d’entraînement. Êtes-vous convaincu que cette mesure aura un effet d’entraînement, autrement dit qu’elle permettra d’augmenter le nombre d’abonnements aux éditions numériques des organismes d’information?

M. Leblanc : Merci de cette question. Je pense que vous soulevez de bons points et qu’il faut être raisonnable en ce qui concerne l’effet d’une telle mesure sur le nombre d’abonnements. Je crois toutefois que cette mesure n’est pas comme les autres, parce que c’est une mesure temporaire, et que cela concerne les abonnements souscrits entre 2020 et 2024. Vous avez parlé récemment de mesurer le rendement et d’évaluer l’efficacité de cette mesure; je crois que nous aurons l’occasion de le faire. Je pense que le but de cette mesure, pour un secteur qui est en transition vers le numérique, qui se dirige vers des abonnements numériques, est seulement de donner un coup de pouce à ce genre d’abonnements.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Ces 600 millions visent-ils donc à encourager la création de nouvelles pousses dans le monde numérique ou dans celui du journalisme?

Mme Lavoie : Ils encourageront toutes les organisations qui se qualifient. Elles pourraient être établies comme organisations journalistiques.

La sénatrice Eaton : Éclairez-moi. On pourrait prétendre que les universités sont sans but lucratif. Une faculté de journalisme pourrait-elle demander une subvention?

Mme Lavoie : Il faudra que l’organisation produise du contenu de nouvelles originales. Si elle enseigne le journalisme, il est peu probable qu’elle se qualifie. Elle aurait besoin de satisfaire à tous les critères énoncés dans la loi.

La sénatrice Eaton : Si le Globe and Mail et La Presse créaient une fondation, laquelle produisait un peu d’activité journalistique ou un magazine comme à-côté, se qualifieraient-ils?

M. Leblanc : Tout dépend de la mesure. Pour le donataire reconnu, comme Trevor l’a expliqué, il ne faudra pas seulement une organisation journalistique canadienne admissible, mais, en plus, que l’organisation journalistique proprement dite soit sans but lucratif. Cette exigence supplémentaire sera évaluée pour déterminer l’admissibilité à cette mesure.

La sénatrice Eaton : Actuellement, le journalisme numérique vit en grande partie de publicité. Ses organes ne demanderaient pas de subvention et n’y seraient pas admissibles, n’est-ce pas? Une situation déficitaire signifierait-elle sans but lucratif?

M. Leblanc : Il faudrait qu’elle soit sans but lucratif.

La sénatrice Eaton : Ça peut se modifier très rapidement.

Savez-vous qui sont vos clients pour cette subvention de 600 millions de dollars sur cinq ans? Avez-vous une liste de personnes que vous essayez d’encourager? Possédez-vous cette liste?

M. McGowan : Pour le crédit d’impôt pour les abonnements numériques...

La sénatrice Eaton : Pour trouver cette idée, il fallait avoir entendu dire que le sénateur Pratte ou la sénatrice Eaton avait besoin d’argent. Vous deviez connaître des exemples d’organisations journalistiques en débâcle, qui avaient besoin d’argent.

Mme Lavoie : L’industrie de l’information a multiplié les signaux d’alarme destinés au gouvernement...

La sénatrice Eaton : Avez-vous une liste des organisations en question?

Mme Lavoie : Actuellement, nous avons une définition de ce que sera une organisation admissible. Il subsiste des inconnues sur l’identité de l’entité qui les désignera. La plupart des organisations journalistiques sont susceptibles de vouloir profiter au moins du crédit d’impôt pour la main-d’œuvre, qui les aidera beaucoup.

La sénatrice Eaton : Mais elles doivent être sans...

Mme Lavoie : Non. Pour le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre...

La sénatrice Eaton : Ce pourrait être n’importe qui... le Globe and Mail?

Mme Lavoie : Bien sûr. La première mesure concerne l’admissibilité au crédit d’impôt pour don de bienfaisance. Dans ce cas, il faut être une organisation sans but lucratif. Les deux autres mesures s’adressent à n’importe quelle organisation journalistique.

La sénatrice Eaton : Combien d’organisations seront admissibles à ce crédit d’impôt?

Mme Lavoie : Je crois que la plupart chercheront au moins à y être admissibles. Je n’en possède pas le nombre.

La sénatrice Eaton : Pour les organisations sans but lucratif, vous devez en avoir une idée.

M. Leblanc : Comme je l’ai dit à la sénatrice Marshall, nous pourrons nous informer et voir ce que nous pouvons communiquer, relativement à nos hypothèses. Nous l’ignorons. Prenons seulement la mesure visant les donataires reconnus, par exemple. Elle exige l’absence de but lucratif. Nous avons supposé qu’un assez petit nombre de journaux actuellement à but lucratif pourraient, pour la plupart, vouloir conserver ce statut, mais il pourrait y en avoir un petit nombre qui voudraient devenir sans but lucratif pour bénéficier de cette mesure.

Nous ne sommes pas en mesure de les nommer.

La sénatrice Eaton : Non, bien sûr que non, mais vous ne pouvez même pas me donner un chiffre. Ce qui m’effraie, en l’occurrence, c’est le nombre élevé d’hypothèses et votre mauvaise grâce à nous communiquer des faits concrets comme : « oui, nous voulons aider une cinquantaine d’organisations ».

M. Leblanc : Je répète ce que j’ai dit à la sénatrice Marshall : nous serons heureux de faire nos recherches et de communiquer ce que nous pourrons sur les hypothèses. Je ne les ai pas sous les yeux.

[Français]

Le sénateur Forest : J’imagine que, quand on va décider quels organismes à but non lucratif sont admissibles, il y aura des critères comme le contenu général ou la périodicité, selon qu’on publie une fois par année, une fois par mois ou de façon hebdomadaire. Il y a des régions dans lesquelles certains médias ont de la difficulté actuellement; ils sont parfois même portés à bout de bras par un journaliste. Si on parle d’un critère de deux journalistes dans une salle de nouvelles, on parle d’un média qui mène quand même une activité plus importante que ce qui est la réalité de plusieurs petits journaux locaux. Je suis convaincu que, pour ce qui est des critères, si je fais un journal pour faire la promotion du boulingrin, ce journal ne serait pas admissible; par contre, si je considère un journal local dans une communauté, qui paraît chaque semaine et qui ne compte qu’un journaliste, le seuil de deux journalistes me paraît un handicap pour les petits médias locaux. Avez-vous évalué cela?

M. Leblanc : Merci de la question. Je pense que c’est un bon point. Je pense que, en proposant cette définition, ce que le gouvernement tente de faire, c’est de trouver un équilibre. Je pense que le fait d’apporter du soutien aux journaux et organisations locaux est important pour le gouvernement, et il s’agit de trouver un seuil raisonnable, relativement au nombre de journalistes, qui tient compte des situations des petits journaux.

Le gouvernement constate aussi qu’on parle d’une somme importante. Je pense qu’il est important d’avoir un seuil quand même, parce que sans cela, ce sont peut-être les blogueurs ou seulement les gens qui publient sur un site web qui pourraient bénéficier de ces mesures de soutien.

Mes collègues aimeraient peut-être compléter ma réponse. Le principe sous-jacent est de trouver cet équilibre.

Mme Lavoie : J’aimerais ajouter qu’il existe d’autres programmes qui ont été mis sur pied avec le ministère du Patrimoine canadien, qui dispose de fonds consacrés à l’aide aux médias, comme le Fonds du Canada pour les périodiques, qui vise les plus petits joueurs. Le choix d’aider ces organismes est peut-être différent pour les plus gros joueurs par rapport aux plus petits joueurs.

Le sénateur Forest : Il est clair que les critères sont les quantitatifs du plancher, comme dans les cas où il y a deux journalistes dans l’organisation, mais il y a des critères importants. Quelle est la clientèle? Est-ce la communauté? Est-ce un groupe d’intérêt particulier? De quel type de nouvelles parle-t-on? Est-ce ce sont des éditorialistes ou des événements locaux? Il y a un ensemble de nouvelles qui sont du domaine journalistique et qui ont une vocation pointue et extrêmement précise. Ils sont les instruments d’information d’une petite communauté. Il y a une approche quantitative, mais, à mon avis, il y a une approche qui doit être qualificative relativement aux besoins de cette communauté, peu importe la taille, afin qu’elle puisse recevoir une information adéquate.

M. Leblanc : Merci. J’ajouterai que le critère, c’est d’employer régulièrement deux journalistes. L’idée, ici, est de tenir compte des situations; il n’est pas nécessaire d’avoir deux journalistes tous les jours de l’année. Ce sont surtout dans les petites organisations qu’il y a des fluctuations et des changements au sein de l’organisation au cours de l’année. Il faut tenir compte de ces situations.

Le sénateur Forest : J’imagine que le nouveau comité qui sera mis sur pied pourra raffiner ces critères d’admissibilité.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Nous revenons à la série de questions de la sénatrice Eaton.

J’ai pensé que, peut-être, une information sérieuse et impartiale renforcerait la démocratie, mais je commence à y perdre mon latin. La discussion sur des organisations sans but lucratif qui mènent leurs activités à des fins d’intérêt public semble presque conduire vers l’information sérieuse, mais je m’inquiète un peu que des œuvres de bienfaisance donnent de l’argent à ce donataire reconnu, vu que certaines recevant de l’argent de certaines sources pourraient vouloir infléchir le programme d’une industrie.

Comment l’éviter?

M. Leblanc : Je vous remercie pour la question. Elle est importante.

Comme Trevor l’a expliqué pour chacune des trois mesures, il y aura une exigence de base, celle d’être une organisation journalistique canadienne admissible. Ensuite, pour chacune des trois, il faudra essentiellement satisfaire à une série d’exigences supplémentaires. L’une d’elles, qui répond à cette question, est que, annuellement, pour le donataire reconnu, les organisations journalistiques sans but lucratif admissibles à recevoir des dons de charité d’organisations et admissibles à remettre des reçus de dons de bienfaisance ne peuvent pas recevoir plus de 20 p. 100 de leurs dons d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’idée est de diversifier les sources de financement. Je m’arrête ici.

Le sénateur Klyne : La réponse amène une question, non une observation.

Donnez-moi un exemple — et pas besoin de nommer la publication — d’une organisation sans but lucratif, menant ses activités à des fins d’intérêt public et relevant de l’organisation journalistique canadienne qualifiée en question, qui diffuse l’information sérieuse qui l’y rendrait admissible.

M. Leblanc : Nous ne sommes pas en position de parler d’organisations journalistiques précises.

Le sénateur Klyne : En général seulement, Zebras Are Us, une organisation sans but lucratif qui s’adresse à un large public.

M. Leblanc : D’après ce que nous avons vu, cette mesure s’est inspirée en partie de ce qui est arrivé aux États-Unis, où des organisations journalistiques, ProPublica, par exemple, ont le statut d’organisations sans but lucratif qui, essentiellement, peuvent bénéficier du statut prévu par l’article 501c)(3), du statut d’organisme de bienfaisance aux États-Unis, qui diffuse une large gamme de couvertures de presse sur essentiellement des histoires d’intérêt public.

Le sénateur Klyne : C’est une situation sans but lucratif?

M. Leblanc : Oui. L’organisation reçoit...

Le sénateur Klyne : ... elle serait admissible.

M. Leblanc : Oui. L’organisation est sans but lucratif.

Le sénateur Klyne : Je peux voir le futur.

Le président : Quand vous dites que c’est inspiré des États-Unis, j’espère que les fausses nouvelles ne sont pas inspirées par ce pays.

La sénatrice Andreychuk : Au sujet de l’observation sur les zèbres, je ne sais pas, mais je suis très préoccupée par le fait que le Canada a été l’un des pays à parler résolument de la liberté de la presse. Nous savons combien de journalistes ont perdu la vie. Nous surveillons donc la situation et nous ne nous laissons pas faire, en affirmant que la démocratie repose sur une presse libre, un système judiciaire indépendant. Ici, l’État fixera les critères d’obtention des fonds de l’État.

Dans les pays où j’ai travaillé, la survie de bon nombre de personnes, pour obtenir l’information, leur imposait de s’adresser à l’État. J’ai vu dans quelle mesure les règles originelles pouvaient avoir de bonnes intentions. Mais nous ignorons ce qui arrivera en fin de compte. Il suffit d’un moment d’inattention pour se réveiller devant le fait accompli de la manipulation de cette presse.

Je m’inquiète ici de la nécessité de sauter par-dessus vos critères, les comités de sélection nommés par le gouvernement. Nous bafouons la liberté de la presse. Peut-être pas intentionnellement. C’est une question de survie pour le journal, mais nous créerons des occasions qui attireront d’autres joueurs, et il se peut que nous n’aidions pas vraiment ceux que nous avions, à l’origine, l’intention d’aider.

À mon avis, c’est un terrain très dangereux. Ça ne devrait pas être un crédit d’impôt. Ce devrait être un débat entièrement transparent pour les Canadiens, pour déterminer si c’est bien la manière d’appuyer une presse plus libre, une presse aux prises avec les blogueurs et les nouveaux systèmes Internet, les gazouillis et tout le reste. Je pense que c’est le sujet d’un grand débat national, plus vaste qu’une question coïncidant avec une situation fiscale, parce que nous voulons tous encourager la survie de la presse, même si c’est le journal d’une petite ville. Mais si nous nous engageons sur cette route avec ces critères, que le gouvernement fixe et interprète, je pense que nous faisons fausse route.

Quelle est la réaction, le cas échéant? S’il n’y en a pas, je laisse la décision aux politiciens. Je comprends absolument votre position.

M. Leblanc : Merci. Ce sont des motifs de préoccupations très importants et compréhensibles.

Nous pouvons attirer l’attention sur ce que le gouvernement dit dans le budget, qui répète ce qui a été dit dans les énoncés économiques de l’automne 2018 sur la nécessité que ce soit indépendant.

C’est essentiellement les deux étapes que, je pense, Trevor et Maude ont abordées. Il faut d’abord un conseil indépendant, dont les membres se recrutent dans le secteur du journalisme, pour conseiller et essentiellement étoffer la définition de certaines notions comme « contenu de nouvelles originales » ou « intérêt général », pour ne donner que ces deux exemples. Ensuite, il faut essentiellement une entité indépendante qui fait l’évaluation — essentiellement la détermination de l’admissibilité des organisations journalistiques canadiennes, à confier à un tiers.

Pour ce qui concerne la mesure visant le donataire reconnu, l’Agence du revenu du Canada, en sa qualité d’institution, coche les autres cases, ce qui est une opération plus routinière, en s’assurant que telle organisation est sans but lucratif, qu’elle ne reçoit pas trop de dons de la même source, qu’elle tient convenablement ses livres et registres, ainsi de suite.

Vos motifs de préoccupation ne sont sûrement pas tombés dans l’oreille de sourds.

La sénatrice Andreychuk : Les membres de la presse ne peuvent pas être les seuls à juger de la liberté de presse. Sinon, vous désignez et limitez déjà par définition ce que vous croyez acceptable plutôt que d’autoriser la libre expression dans un pays.

La sénatrice Moodie : Je vais aller un peu plus loin que ma collègue Andreychuk et essayer de comprendre dans son entier la nécessité de la vérification. Ça deviendra très lourd, je pense, parce que qui décidera? Est-ce que ça se fera immédiatement? Aurez-vous des listes? C’est susceptible de servir au crédit d’impôt pour les abonnements numériques, et beaucoup de personnes demandent d’en profiter.

Quelle est la charge évaluée de ce travail? J’essaie de comprendre comment, concrètement, ça se fera, au temps de la déclaration des revenus.

M. Leblanc : Merci pour la question. Elle est à deux volets. Voyons seulement la mesure visant les abonnements numériques.

Il y a deux éléments. Il y aura l’entité à déterminer. Il faudra un abonnement à une publication qui est une organisation journalistique canadienne admissible. La liste sera donc déterminée. Quand des organisations deviendront admissibles, elles informent leurs abonnés du fait qu’ils s’inscrivent à un abonnement numérique admissible.

M. McGowan : Petite précision supplémentaire, les règles elles-mêmes autorisent une publication de la liste des organisations journalistiques admissibles pour les besoins du crédit d’impôt pour les abonnements numériques. Ça permettrait, disons, la possession, par l’Agence du revenu du Canada, d’une liste des organisations admissibles au crédit d’impôt pour les abonnements numériques. Il suffira de consulter cette liste pour voir les organisations admissibles.

De plus, je suis certain que les abonnements numériques admissibles feront de la publicité, mais il y aurait également une liste secondaire, et les règles le prévoient.

La sénatrice Moodie : Pour passer au niveau suivant : comment nous assurer que les personnes dont les noms aboutissent sur cette liste sont d’authentiques organismes journalistiques canadiens, qui produisent de véritables nouvelles — pour ne pas parler d’autres sortes de nouvelles? Selon toutes les attentes, ce sera un problème qui ira en s’aggravant.

M. McGowan : Quelques éléments de vérification répondent à la question.

D’après beaucoup d’excellentes questions qui nous ont été posées, cette mesure a été élaborée pour peu de sources différentes. L’une d’elles, bien sûr, sera ce qui ressortira du comité consultatif indépendant qui décrira les critères d’admissibilité pour la désignation et qui fournira, peut-être, des renseignements supplémentaires concernant les critères énumérés dans le projet de loi. Et ça doit se faire de manière indépendante. Ça servira directement au processus de désignation. La désignation est, bien sûr, une condition à deux valeurs seulement, mais exclusives, que l’Agence du revenu du Canada pourrait simplement confirmer.

Il y a aussi l’application et la vérification normales que la même agence fera dans son administration du système fiscal. J’ai mentionné les différentes sources de cette mesure — celle d’où la mesure est tirée. Certaines de ces sources sont nouvelles et d’autres toucheront le conseil consultatif, mais d’autres encore sont fondées sur les règles en vigueur qui régissent les journaux canadiens, sous le régime, actuellement, de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’élaboration de cette mesure en a partiellement tenu compte.

Actuellement, l’Agence du revenu du Canada applique des critères. Ils sont énumérés dans l’article 19 de la Loi de l’impôt sur le revenu touchant les journaux canadiens, définis, je crois, dans le paragraphe 19(5). Cette vérification vise à déterminer l’admissibilité à cette mesure, comme ça se fait pour toutes les mesures prévues dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

Les règles se rapportant à, par exemple, la résidence d’une société peuvent être vérifiées par l’Agence du revenu du Canada. Dans le cas d’une société, les actions sont pertinentes pour un certain nombre de raisons. C’est le genre de choses que l’Agence du revenu du Canada fait souvent dans ses mesures normales d’application.

C’est dans ce vaste contexte que cette mesure a été élaborée, dans l’optique de contribuer à ce que l’ARC puisse vérifier les éléments qu’elle serait, bien entendu, chargée d’examiner.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Les deux organismes que vous avez mentionnés plus tôt, qui seront responsables de ces trois nouvelles mesures fiscales — je pense qu’il y a un groupe d’experts indépendant et un organisme administratif indépendant —, ont-ils déjà été mis sur pied?

M. McGowan : Non, pas encore.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous dire comment les membres seront sélectionnés?

M. McGowan : Cela n’a pas encore été annoncé par le gouvernement. Malheureusement, nous n’avons rien à ajouter.

La sénatrice Marshall : Ma dernière question porte sur les mandats. A-t-on déjà établi les mandats officiels du groupe d’experts et de l’organisme administratif?

M. McGowan : Comme je l’ai dit, le gouvernement n’a jusqu’à maintenant rien annoncé concernant les particularités du comité consultatif.

Je souligne qu’à l’alinéa b) de la définition proposée d’« organisation journalistique canadienne qualifiée », il est énoncé que pour être considéré comme une « organisation journalistique canadienne qualifiée », il faut être désigné ainsi par l’organisme prévu à cette fin.

La sénatrice Marshall : Voulez-vous dire par le groupe d’experts indépendant?

M. McGowan : Le comité consultatif interviendrait en premier pour fournir des conseils sur la façon dont les mesures devraient être mises en œuvre, et un organisme aurait ensuite le mandat de désigner des organismes pour répondre aux besoins de cette mesure. Je pense que c’est à l’alinéa b) de la définition proposée d’« organisation journalistique canadienne qualifiée », au paragraphe 248(1).

La sénatrice Marshall : Merci.

Le sénateur Klyne : J’ai trois brèves questions.

Est-ce qu’une seule des deux mesures, soit le crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre et l’autre, le statut de donataire, peut s’appliquer?

M. McGowan : Oui, tout à fait. Une organisation pourrait avoir droit à la mesure relative au statut de donataire, mais pas à l’autre. C’est la même chose pour le crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre, car ces mesures sont assujetties à différentes conditions. Il serait également possible pour un donataire reconnu d’avoir droit au crédit d’impôt remboursable pour la main d’œuvre.

Le sénateur Klyne : C’était la première question.

Dans le cas du crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre, lorsqu’une organisation relève de la Loi sur la radiodiffusion, elle n’y aurait pas droit. Disons que des journalistes travaillent pour un journal, mais que le contenu de ce journal est également publié en ligne. Comme leur travail est « télécommuniqué » — ce n’est pas une onde radio, mais le contenu en ligne passe malgré tout par un lien de communication —, est-ce que cela les empêche d’avoir droit au crédit?

M. McGowan : Si je comprends bien, votre question porte sur la publication numérique de contenu écrit, n’est-ce pas?

Le sénateur Klyne : Oui.

M. McGowan : L’objectif de la mesure législative est de faire en sorte qu’on a encore droit au crédit d’impôt pour la main-d’œuvre même si le travail journalistique par écrit est diffusé par voie électronique, qu’il n’est pas strictement destiné à la presse écrite. Cela pourrait aussi s’appliquer au journalisme écrit en ligne.

Le sénateur Klyne : Je vois, bien.

Dans le cas d’un réseau de publications regroupées, comme il est question d’entités distinctes, disons 10 salles de nouvelles employant chacune quatre journalistes, est-ce que cela s’appliquerait aux 10?

M. McGowan : Cette question renvoie à quelques conditions, et chacune d’elles devrait être remplie pour pouvoir bénéficier de la mesure.

Tout d’abord, et c’est peut-être la plus importante, il faudra que la personne soit employée par l’organisation journalistique reconnue. Cela ne s’appliquerait pas aux pigistes, comme une personne qui travaille pour 10 différentes organisations en tant que travailleur autonome. Il faudra que l’employé travaille, en moyenne, un minimum de 26 heures par semaine tout au long de la période admissible de l’année d’imposition. Il faudra aussi qu’il travaille pendant au moins 40 semaines consécutives pendant la période admissible.

C’est le genre de conditions qui devront être remplies pour avoir droit au crédit. Bien entendu, si vous travaillez dans deux organisations distinctes et 30 heures par semaine dans chacune d’elle, c’est théoriquement possible, mais vous atteignez les limites.

Le sénateur Klyne : Je vois, merci.

Le sénateur Pratte : En ce qui a trait au crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre, il est écrit ici dans les explications du ministère qu’une dépense admissible est diminuée du montant de tout montant d’aide, gouvernementale ou autre, reçu par rapport à l’employé au cours de l’année d’imposition.

Y a-t-il le moindre lien entre ce crédit et le statut de donataire reconnu, à savoir le coût fiscal des dons reçus par une organisation journalistique? Est-ce que cela serait déduit du montant reçu en vertu de l’autre programme?

Mme Lavoie : Ce serait considéré comme une aide gouvernementale. Si la dépense est déjà subventionnée par le gouvernement, cette partie ne serait pas admissible pour le crédit.

Le sénateur Pratte : Il n’y a donc pas de lien entre le statut de donataire reconnu et le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre, n’est-ce pas?

Mme Lavoie : Pas pour cet aspect.

Le sénateur Pratte : Merci.

Le président : J’ai une question avant de conclure, et elle mettra fin à la partie 1(f), chers collègues.

[Français]

D’abord, il s’agit là d’une très bonne initiative, et je songe en particulier à l’Association de la presse francophone, qui est présente d’un bout à l’autre du pays. Je vous en félicite.

[Traduction]

Dans la même veine, et c’est ainsi pour un certain nombre de personnes ou d’organisations, dans le cas de Médias d’info Canada, l’association représente plus de 800 titres au Canada. Certaines de ces associations sont donc admissibles.

[Français]

L’Association de la presse francophone comprend aussi le Québec, et plusieurs centaines d’associations peuvent devenir membres de cette organisation.

Lors de sa comparution devant le comité, on a posé à M. Leblanc une question qui portait sur vos prévisions budgétaires, à savoir que des investissements de 500 millions de dollars seraient effectués.

À ce sujet, nous aimerions obtenir des précisions, donc vous pourriez nous faire parvenir, par l’intermédiaire de la greffière, des informations supplémentaires à ce sujet. Selon certaines statistiques, plusieurs centaines d’associations francophones existent au pays, y compris l’association Médias d’Info Canada qui représente aussi plus de 800 titres dans les provinces et territoires canadiens. J’aimerais donc obtenir des précisions à ce sujet.

Je poserai maintenant ma seule et unique question et elle sera spécifique.

En ce qui a trait à la création des comités consultatifs qui vont administrer le programme, pouvez-vous nous confirmer que les régions du Canada seront représentées dans chacun des bureaux de direction, à savoir les provinces de l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, l’Ouest canadien, ainsi que les territoires du Nord du Canada?

Mme Lavoie : Étant donné que le gouvernement n’a pas encore annoncé les détails relatifs à la formation des comités, nous ne pouvons malheureusement pas répondre à cette question.

Le président : Pouvez-vous alors transmettre cette question au gouvernement?

M. McGowan : Oui, bien sûr.

Le président : Très bien. Merci beaucoup.

[Traduction]

Voilà qui met fin à l’examen de la partie 1(f). Chers collègues, nous serons de retour dans la même pièce à 13 h 30.

(La séance est levée.)

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