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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 4 - Témoignages du 16 mai 2016


OTTAWA, le lundi 16 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, pour procéder à l'élection d'un président suippléant et pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

[Français]

Maxwell Hollins, greffier du comité : Bonsoir. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Honorables sénateurs, en tant que greffier du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence forcée de la présidente et de la vice-présidente, et de présider à l'élection d'un président suppléant.

Je suis donc prêt à recevoir une motion à cet effet.

Le sénateur Mockler : Monsieur le greffier, puis-je faire une proposition même si je suis ici à titre de remplaçant?

M. Hollins : Oui, bien sûr. En tant que remplaçant, vous êtes membre du comité pour la durée de cette réunion.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Je propose le sénateur McIntyre.

[Français]

M. Hollins : Y a-t-il d'autres nominations?

Consentez-vous à adopter cette motion?

Des voix : Oui.

M. Hollins : Merci. Je déclare la motion adoptée, et j'invite donc l'honorable sénateur McIntyre à prendre place au fauteuil.

Le sénateur Paul E. McIntyre (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Honorables sénateurs, nous attendons la venue du ministre McCallum.

Bonsoir. Je suis Paul McIntyre, sénateur du Nouveau-Brunswick. J'ai le plaisir de présider la réunion ce soir.

Avant de passer la parole aux témoins, j'invite les sénateurs à se présenter.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario, mais mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador. Je remplace la sénatrice Poirier.

[Français]

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le président suppléant : Le comité continue son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Nous avons le grand plaisir d'accueillir l'honorable John McCallum, C.P., député, ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Il est accompagné de Stefanie Beck, sous-ministre adjointe des services ministériels au ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ainsi que de Corinne Prince St-Amand, directrice générale, Intégration-Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, du même ministère.

Au nom des membres du comité, je vous remercie sincèrement de votre participation à cette rencontre.

[Traduction]

Monsieur le ministre, je crois savoir que vous entendez nous faire une déclaration préliminaire. Je me permets de vous inviter à vous en tenir à 10 minutes pour conserver le plus de temps possible pour nos discussions.

[Français]

L'honorable John McCallum, C.P., député, ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Bonsoir et merci, monsieur le président. J'allais présenter mes collègues, mais vous l'avez déjà fait. Je m'excuse d'être un peu en retard. Mes remarques ne seront pas trop longues.

C'est avec plaisir que je comparais aujourd'hui devant le comité dans le cadre de son étude de l'application de la Loi sur les langues officielles. Je voudrais commencer par souligner le travail de ma collègue, Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien. Elle élabore, dans le cadre de son mandat, un plan pluriannuel sur les langues officielles qui sera essentiel à notre travail de soutien aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Peut-être qu'elle a déjà fait des remarques devant votre comité, je ne le sais pas. Elle s'occupe des langues officielles, comme vous le savez.

[Traduction]

Au cours des dernières années, mon ministère a pris de nombreuses mesures pour attirer un plus grand nombre de nouveaux arrivants francophones au Canada. Nous allons poursuivre sur la même voie. Nous prenons de nombreuses mesures pour stimuler l'immigration francophone et, en particulier, pour la favoriser dans les communautés francophones en situation minoritaire. Pour les immigrants francophones, nous nous efforçons d'atteindre deux cibles, soit 4 p. 100 du nombre d'immigrants économiques d'ici 2018 et 4,4 p. 100 du nombre total d'immigrants à l'extérieur du Québec d'ici 2023. Aujourd'hui, nous sommes encore malheureusement loin d'atteindre ces cibles.

Sachez, tout d'abord que le ministère entreprend régulièrement, auprès de francophones vivant à l'étranger, la promotion de nos communautés de langue française minoritaires.

[Français]

Nous avons accru nos activités de promotion et de recrutement à l'étranger de sorte à inclure des activités encore plus ciblées menées par nos missions, et ce, afin de promouvoir l'immigration dans les communautés francophones en situation minoritaire. Des séances de formation sont également offertes aux candidats à l'immigration partout dans le monde par l'entremise de cyberconférences, et de nombreux événements ont été organisés pour promouvoir le système Entrée express.

Deuxièmement, mon ministère encourage les nouveaux arrivants francophones potentiels à recourir au Programme des candidats des provinces pour avoir accès à la résidence permanente. Quelques provinces ont également leurs propres cibles en matière d'immigration francophone.

[Traduction]

Troisièmement, mon ministère travaille de concert avec des communautés francophones en situation minoritaire pour élaborer de nouvelles mesures qui permettraient d'accroître le nombre de nouveaux arrivants francophones.

Quatrièmement, nous collaborons avec les employeurs afin de promouvoir l'embauche d'étrangers francophones qualifiés dans des emplois permanents au Canada. Peut-être savez-vous déjà que j'ai récemment annoncé que mon ministère allait rétablir la dispense d'étude d'impact sur le marché du travail (EIMT) pour les travailleurs étrangers temporaires francophones qualifiés.

[Français]

À compter du 1er juin 2016, le volet Mobilité francophone du Programme de mobilité internationale dispensera les employeurs du processus d'EIMT s'ils embauchent des ressortissants étrangers francophones sur une base temporaire pour combler des postes en gestion ou des emplois professionnels et qualifiés dans des communautés francophones hors Québec. Il sera ainsi plus facile pour les employeurs de recruter efficacement des travailleurs étrangers francophones pour des emplois de travailleurs qualifiés sur une base temporaire.

Nous savons que de nombreux demandeurs de résidence permanente dont la demande est acceptée commencent en tant que travailleurs temporaires au Canada. Nous croyons qu'une fois qu'ils sont arrivés et qu'ils travaillent au Canada, ils sont nombreux à prendre l'engagement d'y rester à long terme et de devenir des Canadiens.

[Traduction]

Il incombe aux employeurs, aux collectivités et aux gouvernements de travailler en étroite collaboration pour veiller à ce que le nouveau volet Mobilité francophone soit utilisé de manière efficace.

Je me permets de vous rappeler les objectifs de ce programme : retenir les nouveaux travailleurs francophones dans les communautés francophones en situation minoritaire.

Il reste encore beaucoup à faire et certains enjeux demeurent. Par exemple, la proportion de résidents permanents économiques francophones admis au Canada hors du Québec est demeurée à 1,4 p. 100 du total national, ce qui est loin des 4 p. 100 visés dont j'ai parlé plus tôt.

[Français]

J'ai dit par le passé que les étudiants étrangers représentaient une composante importante du système d'immigration du Canada et que nous devions en faire davantage pour les encourager et, plus important encore, pour les aider à demeurer au Canada après leurs études.

[Traduction]

C'est une chose que j'ai répétée à l'envi. Nous allons prendre des mesures en ce sens. Je crois que nous devrions faciliter la tâche des étudiants étrangers qui désirent rester au Canada. Je trouve que le système Entrée express les a leurrés de diverses façons alors qu'il est difficile d'imaginer un groupe plus prometteur de futurs Canadiens que celui des étudiants étrangers. Ils parlent au moins l'une de nos deux langues officielles, ils ont une certaine connaissance de notre pays et, en règle générale, ils sont jeunes. C'est exactement le type de personnes que nous voulons attirer. Nous avons bien l'intention de prendre des mesures pour leur rendre l'accès à la résidence permanente plus facile. Avec le projet de loi C-6, nous avons déjà facilité la tâche de ceux qui veulent devenir citoyens canadiens en remettant en vigueur le crédit de 50 p. 100 pour le temps passé au Canada.

La communauté francophone n'est certes pas la seule bénéficiaire de cette mesure. Tous les Canadiens en profitent, y compris ceux des communautés francophones.

[Français]

En janvier, je suis allé au Nouveau-Brunswick pour rencontrer la ministre Francine Landry, responsable du dossier des réfugiés dans cette province. Nous avons parlé du fait que le Nouveau-Brunswick a la possibilité d'accueillir des réfugiés dans des communautés qui parlent les deux langues officielles. Elle m'a invité à participer au prochain forum fédéral-provincial-territorial sur l'immigration francophone. Cet événement réunira non seulement des ministres de l'Immigration, mais également des ministres responsables des Affaires francophones.

[Traduction]

J'ai hâte d'assister à cette conférence qui va se tenir au Nouveau-Brunswick, en septembre, je crois. À ma connaissance, sa date exacte n'est pas encore connue.

[Français]

De plus, en mars, j'ai rencontré la Fédération des communautés francophones et acadienne lors de sa 10e Journée de réflexion sur l'immigration francophone. Je serai heureux de maintenir une relation et une collaboration chaleureuses avec la fédération. Aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de cette fédération.

[Traduction]

Je tiens également à vous parler des Réseaux en immigration francophone. Depuis leur création en 2003, les RIF ont favorisé le dialogue sur la nécessité de faire venir des nouveaux arrivants francophones dans toutes les provinces, à l'exception du Québec.

[Français]

Les Réseaux en immigration francophone, en collaboration avec des partenaires locaux et régionaux, ont mobilisé des acteurs communautaires et des représentants gouvernementaux, ce qui a permis d'accroître la qualité des services offerts aux nouveaux arrivants francophones.

Ce type de collaboration est de plus en plus important pour atteindre nos objectifs, lesquels consistent non seulement à attirer de nouveaux arrivants francophones, mais aussi à les accueillir, à les intégrer et à faire en sorte qu'ils demeurent dans les communautés francophones en situation minoritaire.

[Traduction]

Il y a peut-être une raison si le dernier point dont je tiens à vous entretenir ne figure pas dans ma déclaration préliminaire, mais sachez que nous envisageons sérieusement de modifier la définition de « francophones ». Je me suis entretenu plus tôt aujourd'hui avec des représentants de la communauté francophone et ils adhèrent tout à fait à ce projet. La définition que nous utilisons actuellement est fonction de la langue maternelle de la personne, alors que la nouvelle reposera sur...

[Français]

... si on est à l'aise en français.

[Traduction]

S'en remettre ainsi à la langue maternelle pose à l'occasion des problèmes. Prenons le cas d'une personne venant du Sénégal dont la langue maternelle peut fort bien n'être ni le français ni l'anglais, mais une autre langue locale sans lien avec le français ni avec l'anglais. Et pourtant, les gens originaires de ce pays sont des francophones. C'est pourquoi les institutions conviennent qu'il s'agit là d'une définition plus réaliste et plus sensée de « francophones ».

Une des conséquences inattendues de la définition actuelle est qu'elle fait grimper les pourcentages. Je vous ai indiqué que notre objectif est de 4 p. 100. Nous en sommes aujourd'hui à 1,4 p. 100, et je crois que cette nouvelle définition plus réaliste ferait grimper ce pourcentage, au moins, à 3 p. 100. Il ne s'agit pas ici de modifier la définition pour atteindre l'objectif, mais plutôt d'utiliser une meilleure définition de ce qu'est un francophone, définition qui fera incidemment augmenter ce pourcentage. C'est une réalité que nous n'aurons d'autre choix que d'accepter.

[Français]

Monsieur le président, c'est la fin de mon exposé. Je vous remercie, et je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président suppléant : Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette déclaration préliminaire.

[Français]

Nous passons à la période des questions en commençant par la sénatrice Seidman.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Avec votre permission, j'aurais quelques questions à vous poser sur les communautés minoritaires de langue anglaise du Québec.

Notre comité a déjà entendu par le passé des dirigeants d'IRCC nous expliquer qu'il n'était pas question de remettre en cause l'accord de 1991 et que c'est la raison pour laquelle le ministère ne dispose que de peu de solutions pour venir en aide aux anglophones du Québec. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer comment un accord bilatéral peut brider les responsabilités confiées à votre ministère par la législation fédérale quand il s'agit de consulter et de soutenir les anglophones du Québec?

M. McCallum : Il est évident que nous consultons les anglophones du Québec, et que nous leur apportons notre appui, comme nous le faisons pour toutes les communautés. Par contre, si vous parlez de notre rôle en matière d'immigration, l'accord en la matière signé entre le Canada et le Québec confère à cette province l'essentiel des responsabilités dans ce domaine. Cela revient à dire que les nôtres sont moindres. Lorsque nous prenons des mesures pour favoriser l'immigration francophone dans des provinces autres que le Québec, les questions d'immigration y relèvent de nos pouvoirs. Nous ne disposons pas des mêmes moyens d'intervention au Québec puisque cet accord confie l'essentiel des responsabilités en la matière à la province.

Cela dit, nous employons d'autres moyens pour venir en aide aux communautés anglophones du Québec. C'est ainsi que nos chercheurs ont financé 12 projets de recherche sur l'immigration anglophone au Québec. J'ai récemment correspondu avec la Quebec Community Groups Network afin d'engager un dialogue sur la façon de conjuguer nos efforts pour mieux assurer le développement, et la durabilité et l'amélioration des communautés anglophones du Québec.

Je suis moi-même un Québécois anglophone. C'est encore le cas. J'ai passé la moitié de ma vie au Québec, ce qui fait que je connais bien cette communauté, et que, en étant membre, je lui apporte mon appui. Nous avons recours à divers moyens indirects pour lui venir en aide, mais le partage des pouvoirs en matière d'immigration fait que, dans ce cas-ci, nous n'avons pas la même marge de manœuvre que dans les autres provinces.

La sénatrice Seidman : Alors, avez-vous déjà eu des discussions avec des représentants du Quebec Community Groups Network?

M. McCallum : Non, pas encore.

La sénatrice Seidman : Votre ministère consulte-t-il les groupes communautaires anglophones du Québec et, si oui, comment s'y prend-il et à quelle fréquence?

M. McCallum : Je ne suis ministre que depuis six mois et je ne connais pas encore parfaitement tous les dossiers. Peut-être vaut-il mieux que Mme Beck réponde à cette question.

Stefanie Beck, sous-ministre adjointe, Services ministériels, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Oui, effectivement, nous organisons de telles consultations. Nous allons d'ailleurs rencontrer, avec Patrimoine canadien, des groupes de la communauté anglophone du Québec la semaine prochaine. Des représentants de l'ensemble de l'appareil gouvernemental participent à ces consultations qui visent à couvrir diverses questions, mais nous organisons également des rencontres bilatérales, si vous me permettez l'expression. Les plus récentes ont eu lieu en novembre dernier alors que nous avons organisé un symposium de recherche pour analyser les besoins des différentes communautés et pour chercher des moyens d'y répondre.

La sénatrice Seidman : Si vous percevez dans mon attitude un certain niveau de frustration, vous avez tout à fait raison. En effet, c'est un problème permanent. Je me demande s'il ne serait pas possible que ce ministère entreprenne une forme quelconque d'études, en partenariat avec la communauté anglophone, pour chercher des façons d'accroître sa vitalité tout en respectant la législation fédérale et vos obligations en vertu de l'accord de 1991.

M. McCallum : Je vais me permettre un bref commentaire et Mme Beck pourra peut-être vous donner d'autres éléments de réponse par la suite.

Comme je vous l'ai déjà dit, nous avons financé 12 projets de recherche sur l'immigration anglophone au Québec. J'ignore quels ont été les sujets exacts de ces projets, mais peut-être que certains répondent à votre interrogation. Madame Beck, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Beck : Je crois que vous vous attendez à ce que nous vous parlions de mesures plus proactives, n'est-ce pas?

La sénatrice Seidman : Tout à fait.

Mme Beck : C'est bien ce qu'il me semblait. Bien évidemment, oui, nous avons fait des recherches sur les profils socio-économiques, sur les taux de rétention des membres de ces groupes et sur ce genre de choses. Nous ne voyons pas très bien ce que nous pourrions faire de plus avec les restrictions que nous impose cet accord de 1991.

Ces consultations annuelles que nous organisons avec Patrimoine canadien nous servent à déterminer ce que nous pourrions faire de plus pour le 150e anniversaire de la Confédération et à déterminer si nous pouvons ou non envisager d'autres possibilités avec les communautés minoritaires anglophones du Québec. Je sais que nous avons reçu certaines propositions. Je ne connais pas encore le résultat final de l'analyse qu'en font nos collègues de Patrimoine canadien.

Ils disposent également dorénavant du Programme sur le multiculturalisme dont la responsabilité a été transférée de notre ministère au leur, et qui pourrait aussi offrir quelques possibilités. Concrètement, sous les effets d'un lobbying efficace, je viens juste d'accepter de me rendre à Montréal pour y rencontrer moi-même des représentants de la communauté anglophone.

[Français]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord vous remercier d'être présent parmi nous aujourd'hui. J'aimerais également profiter de l'occasion pour vous remercier et vous féliciter de votre travail auprès des réfugiés syriens. Comme vous le savez, j'ai visité des camps de réfugiés syriens, et la situation y est vraiment pénible; votre travail est donc d'une grande importance. Merci encore pour votre dévouement.

[Traduction]

Monsieur le ministre, j'avais toutes sortes de questions à vous poser avant que vous nous annonciez, contre toute attente, que vous envisagez d'élargir la définition de « francophone ». Les personnes originaires d'Afrique francophone qui vivent dans ma province sont souvent très frustrées par ce qu'on ne leur reconnaît pas le statut de francophones au sens de l'article 23 de la Charte. J'espère que la nouvelle définition leur donnera dorénavant accès aux écoles francophones, même si elles ne sont pas nées ici. C'est un problème très important dans ma province.

Il se peut que vous n'ayez pas terminé votre réflexion sur le sujet et ne soyez pas en mesure de me répondre, ce que je comprendrais. Je rencontre fréquemment des gens dans cette situation qui me demandent de vous soumettre ce problème parce qu'ils tiennent à ce que leurs enfants suivent leur scolarité dans leur langue maternelle, comme ils le disent. Ce n'est peut-être pas leur langue maternelle stricto sensu, mais je suis convaincue que vous comprenez fort bien ce que je veux dire. Eux-mêmes estiment être des francophones. J'aimerais connaître votre point de vue sur cette question.

M. McCallum : Je tiens tout d'abord à vous remercier de vos aimables commentaires sur notre accueil des réfugiés syriens. Dans l'ensemble, cela s'est très bien passé au point que nous avons du mal à en faire venir assez rapidement pour répondre aux mains tendues des Canadiens qui font preuve d'une générosité extraordinaire en nous disant vouloir en accueillir. C'est là un problème comme nous les aimons parce qu'il montre la générosité du peuple canadien, mais c'est néanmoins un problème que nous nous efforçons encore de régler.

Quant à vos questions, si je vous comprends bien, vous me dites être d'accord avec la modification de la définition que j'ai proposée.

La sénatrice Jaffer : Oui, j'en suis très heureuse.

M. McCallum : Je ne sais pas pourquoi cette question ne figure pas dans ma déclaration préliminaire. Était-ce un secret? À mes yeux, c'est une bonne idée, pour les raisons que vous évoquez et pour celles que je vous ai données. Cela me semble, sans l'ombre d'un doute, un pas dans la bonne direction. Elle offrirait également l'avantage aux personnes concernées, lorsqu'elles seront officiellement reconnues comme francophones, de pouvoir bénéficier de certains avantages financiers auxquels elles n'avaient pas droit jusqu'à maintenant. Cela me paraît une bonne chose pour les gens auxquels vous faites allusion. Je ne sais pas quand nous serons en mesure de l'officialiser.

Mme Beck : Nous allons commencer à les compter à l'interne de cette façon dès septembre, mais nous ne pourrons pas modifier les critères que nous utilisons dans nos recherches, le fonctionnement de notre portail et nos systèmes avant le début de la nouvelle année, en 2017.

Le ministre a tout à fait raison, c'est à partir de ce critère que nous ventilons les fonds dont nous disposons. Si nous apprenons qu'il y a, en Colombie-Britannique, des postes francophones plus importants que nous le croyions, nous saurons alors que nous devrons y offrir davantage de formations en français qu'actuellement. Cela nous aide vraiment beaucoup.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, personne ne s'attend à ce que le français et la francophonie suscitent un tel intérêt en Colombie-Britannique. Permettez-moi de vous dresser un portrait de la situation. Il n'est pas indispensable d'appartenir à la francophonie pour vouloir apprendre le français.

Je vais vous donner un exemple personnel. Dans ma province d'origine, lorsqu'il a été temps d'inscrire mon petit-fils à l'école, ma belle-fille a déposé des demandes d'admission dans 14 écoles d'immersion, et il n'a été admis dans aucune. Par la suite, grâce à l'insistance de mes enfants, il a pu fréquenter l'une de ces écoles. Ce n'est pas ainsi que les choses devraient se passer.

Ce que je conclus de cet exemple est que les francophones peuvent faire leur scolarité en français, fréquenter des écoles françaises, mais si nous voulons que notre pays devienne réellement bilingue, il est impératif que nous trouvions — et cela ne concerne pas que vous, mais puisque vous siégez au Cabinet, c'est à vous que je le dis — que nous trouvions des façons de permettre aux deux langues de se développer. Si nous décidons que les francophones parlent le français, mais que les immigrants qui viennent d'autres pays, ou les personnes d'autres horizons ethniques qui sont nées au Canada ou qui y ont de la famille depuis des centaines d'années n'ont pas le droit d'apprendre le français parce que cette langue ne fait pas partie de leur patrimoine, comment allons-nous assurer l'avenir de cette langue? Le problème se posera de la même façon pour mon arrière, arrière, arrière-petit-fils et je tiens, moi, à ce que cela s'arrête maintenant. Je veux que tout un chacun ait le droit d'apprendre les deux langues, comme c'est le cas en Europe. J'aimerais connaître votre point de vue sur cet aspect des choses. Comment allons-nous rendre ce pays réellement bilingue?

M. McCallum : C'est une question fort judicieuse. Je suis moi-même Anglo-québécois et j'ai passé la plus grande partie de ma vie dans la Belle province. J'ai toutefois vécu quatre ans à Vancouver, en Colombie-Britannique, et je connais donc un peu la situation dans cette province.

Certains sont d'avis que l'importance du français est devenue pratiquement nulle en Colombie-Britannique, que les langues à maîtriser sont l'anglais ou le mandarin. Il ne fait aucun doute que le mandarin prend de plus en plus d'importance et que beaucoup de gens l'apprennent. Vous n'êtes pas la première à me dire qu'il y a de longues listes d'attente pour pouvoir s'inscrire dans des écoles d'immersion en français, ce qui montre bien que la théorie de la primauté du mandarin, selon laquelle les gens ne s'intéresseraient plus au français, est erronée. Il est néanmoins vrai que les gens veulent aussi apprendre le mandarin. Il n'y a rien de mal à vouloir maîtriser trois langues.

Ce n'est pas mon domaine, mais j'ai deux collègues, Mme Mélanie Joly et M. Stéphane Dion, qui s'intéressent beaucoup à toute la question du bilinguisme. M. Dion y a travaillé pendant de nombreuses années. Je vais en parler avec eux pour voir si, comme gouvernement, nous sommes en mesure de faire quelque chose pour favoriser cette vision. Pour moi, j'y adhère sans limites.

La sénatrice Jaffer : Il me semble, monsieur le ministre, si vous me permettez bien humblement de vous le faire remarquer, que la question est dorénavant rendue dans votre antichambre, parce que le monde dans lequel nous vivons a évolué. Il ne fait aucun doute que vous pouvez dire du mandarin que c'est une langue seconde en Colombie- Britannique, qu'il en est très bien ainsi et qu'il y a lieu d'en être fier. Par contre, si vous vous rendez aujourd'hui dans les locaux de l'Alliance française, vous y verrez plein d'enfants qui parlent le mandarin. Les gens ne veulent pas être soumis à des entraves. Vous pouvez apprendre autant de langues que possible. C'est une chance pour leurs enfants et cela ne peut que solidifier notre pays.

Je me permets, monsieur le ministre, de vous inviter à rappeler aux gens que notre pays est bilingue et qu'il offre la possibilité de s'exprimer dans les deux langues. Je suis d'avis que votre ministère devrait en faire davantage pour rappeler à tous que nous sommes un pays bilingue.

M. McCallum : C'est une remarque intéressante. Je pensais davantage à l'offre d'écoles d'immersion en français alors que vous parlez davantage de dire aux gens du reste du monde qui nous sommes avant qu'ils ne viennent chez nous. L'occasion y est propice parce que nous révisons actuellement le guide Découvrir le Canada : Les droits et responsabilités liés à la citoyenneté. Nous n'entendons pas procéder à une refonte complète de ce guide, et nous voulons à tout prix éviter de politiser le débat, mais nous tenons à décrire le Canada tel qu'il est à nos yeux.

J'ai pris bonne note de ce que vous venez de nous dire sur la nécessité d'insister sur cet aspect des choses auprès des nouveaux citoyens qui liront ce guide et qui devront apprendre son contenu. C'est important puisque son contenu sert de base à l'examen pour l'obtention de la citoyenneté. Les nouveaux arrivants ont donc de bonnes raisons de l'étudier. C'est effectivement là une bonne occasion pour insister sur la dualité linguistique au moment où ces personnes arrivent au Canada, peut-être encore plus que ce n'était le cas par le passé.

Corinne Prince St-Amand, directrice générale, Intégration-Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Permettez-moi d'ajouter un élément à ce que monsieur le ministre vient de vous dire, et qui concerne les services d'intégration que nous offrons à l'étranger, donc avant que les gens n'arrivent au pays. Les futurs nouveaux arrivants apprennent à cette occasion que le Canada est un pays bilingue et qu'ils auront accès à des services précis une fois arrivés chez nous. Ils peuvent également consulter en ligne quantité de renseignements avant de quitter leur pays d'origine.

Mme Beck : : Actuellement, nous procédons aussi à la révision de ces documents pour veiller à y indiquer très clairement qu'il est possible de vivre et de travailler dans les deux langues officielles dans pratiquement toutes les régions du pays, et certainement dans chaque province et dans chaque territoire. Vous conviendrez sans doute avec moi que cela contribue à la conservation de la langue, parce que c'est l'un des problèmes auxquels nous faisons face. Si nos nouveaux arrivants savent que leurs enfants pourront aller à la maternelle en français, c'est dès le départ l'une des raisons qui va les inciter à conserver cette langue.

En nous fiant à ce que nous ont dit nos collègues de Statistique Canada, qui ont probablement eu l'occasion de témoigner devant vous, le nombre d'enfants dans les programmes d'immersion, dans toutes les régions du pays, a augmenté de façon exponentielle. Nous savons donc que cette scolarité en français suscite un intérêt très réel et ce qui importe est de savoir comment faire entrer les enfants tôt dans ce système et comment les y garder après l'école secondaire pour qu'ils n'abandonnent pas cette langue.

Vous le savez très certainement, mais l'un des avantages qu'il y a à travailler dans la fonction publique est la prime au bilinguisme. Les employés de la fonction publique savent fort bien que s'ils parlent les deux langues officielles, ils vont obtenir un meilleur emploi. Nous savons qu'il en est ainsi partout au Canada, mais ce serait bien que les employeurs de toutes les régions du pays le comprennent également.

M. McCallum : Dans le cas des politiciens, le fait de parler les deux langues constitue aussi un atout.

[Français]

La sénatrice Gagné : Monsieur le ministre, merci de votre présence ici ce soir. Dans le cadre du mandat que vous a confié le premier ministre du Canada, vous avez dirigé les efforts pour accueillir les réfugiés syriens. Votre objectif était d'accueillir 25 000 réfugiés syriens. Selon votre site web, je crois que vous êtes à 27 005 réfugiés syriens. C'est un beau projet humanitaire, et j'aimerais vous en féliciter. Vous avez raison d'être fier de cet accomplissement.

M. McCallum : Merci beaucoup.

La sénatrice Gagné : L'enjeu qui est lié aux communautés francophones en situation minoritaire, dans le contexte de l'immigration, consiste à promouvoir ces communautés comme lieu d'accueil et à recruter des immigrants francophones.

Dans ce contexte, le Manitoba, par exemple, a accueilli environ 150 réfugiés syriens. La grande majorité d'entre eux ne parlaient ni le français ni l'anglais. Comment votre ministère compte-t-il ajuster le tir afin d'intervenir de façon positive pour engager les communautés, dès le début du processus d'accueil, dans tout ce qui touche l'immigration? Il y a la promotion de la langue, mais aussi l'intégration, le logement, l'emploi et l'éducation. Il faut finalement toute une communauté pour appuyer ces immigrants. Évidemment, cela nécessite beaucoup de ressources. Quelle serait votre vision pour la création de centres d'accueil par excellence dans nos communautés francophones?

M. McCallum : Merci beaucoup pour ces questions, et aussi pour votre commentaire sur l'aspect humanitaire de notre projet d'accueil des réfugiés. Je suis d'accord avec vous. Cependant, j'ajouterais une chose. Au départ, il s'agit bien sûr d'un acte humanitaire. Toutefois, à moyen terme, à mon avis, c'est aussi un investissement.

Vous venez de quelle province?

La sénatrice Gagné : Du Manitoba.

M. McCallum : Le Manitoba n'est pas tout à fait dans cette situation, mais au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse, le vieillissement de la population est un facteur plus prononcé, et il y a une demande énorme pour les immigrants. Notre expérience avec les réfugiés du Vietnam, de la Hongrie, de l'Ukraine et d'autres pays a démontré que, après un certain temps, ces personnes se débrouillent plutôt bien au Canada. Il s'agit alors d'un investissement économique à bon rendement. On parle bien sûr d'un geste humanitaire, mais également d'une démarche payante à long terme pour le pays.

J'aimerais maintenant répondre à votre question sur l'engagement des communautés. Une des choses que j'ai apprises des groupes francophones hors Québec avec lesquels je me suis entretenu aujourd'hui, c'est que, pour accueillir les immigrants francophones, il ne suffit pas que les personnes dans les centres d'accueil parlent le français. Il est également important que ces personnes qui accueillent les immigrants en premier lieu soient des représentants des institutions francophones.

Il semble que ces groupes francophones soient très accueillants envers les immigrants. C'est peut-être parce qu'ils ont besoin de ces immigrants francophones davantage que les anglophones, qui accueillent déjà beaucoup d'immigrants. Ils veulent que les gens qui accueillent les immigrants soient membres des institutions francophones hors Québec; non seulement que l'on parle le français aux immigrants, mais qu'on les accueille dans des communautés francophones hors Québec.

Une des choses que je tenterai de faire est de promouvoir l'idée, en ce qui concerne les centres d'accueil que mon ministère finance, que ceux qui accueillent les immigrants francophones non seulement parlent le français, mais qu'ils soient aussi des gens impliqués dans les communautés francophones hors Québec. Je crois que cela permettra d'offrir un accueil plus chaleureux et aidera à préserver et à accroître la vitalité de ces communautés.

Mme Prince St-Amand : J'aimerais ajouter aux propos du ministre au sujet des services pour et par les francophones. Notre ministère, dans l'appel d'offres de l'été dernier, a accordé une priorité aux arrimages francophones. Dans le cadre de cet appel, nous avons reçu beaucoup plus de propositions pour les services en français. Grâce à ces ententes, au cours des trois prochaines années, nous serons mieux en mesure d'offrir les services en français.

M. McCallum : Je sais que ce point est très important pour les institutions qui luttent pour les francophones hors Québec. Elles m'ont expliqué la situation à au moins deux ou trois reprises. J'espère l'avoir bien comprise, du moins après la troisième fois.

[Traduction]

Le sénateur Munson : J'ai une question à vous poser qui s'inscrit dans le prolongement de celle de la sénatrice Gagné. Elle portait sur les réfugiés syriens. Afin de vous éviter d'être pris par surprise, je me permets de vous rappeler que, mercredi prochain, vous allez comparaître devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et nous allons alors avoir quantité de questions à vous poser. Nous allons commencer par vous endormir avec des amabilités avant de vous bombarder de questions.

M. McCallum : J'y suis habitué. Cela ne me dérange pas.

Le sénateur Munson : Cela fait pas mal de temps que nous usons ces bancs.

M. McCallum : Dans mon cas, pas depuis aussi longtemps que vous. C'est vous qui m'avez souhaité la bienvenue lorsque j'ai été élu pour la première fois.

Le sénateur Munson : C'était il y a bien longtemps.

M. McCallum : C'est exact.

Le sénateur Munson : Eh oui!

J'en viens donc à la question des réfugiés syriens. Nous avons à la fois des réfugiés parrainés par le gouvernement et d'autres parrainés par le secteur privé. Ils ont séjourné dans des camps situés au Liban. À une époque, et c'est encore le cas dans une certaine mesure, l'utilisation du français constituait une marque distinctive des gens cultivés et revêtait une grande importance. Je participe moi-même au parrainage d'une famille, et si cela constitue un conflit d'intérêts, c'en est un dont je n'ai pas honte.

Lorsqu'il débarque de l'avion, à Montréal ou à Ottawa, qu'il soit parrainé par le gouvernement ou par le secteur privé, un réfugié est parfois pris de court : « Mon Dieu, me voici à Ottawa. Je croyais aller à Toronto. » Et nous vivons ici dans un contexte bilingue.

Quels sont les critères qui sont utilisés lorsqu'un réfugié, qu'il soit parrainé par le gouvernement ou par le secteur privé, vous dit : « J'aimerais que mes enfants fassent leurs études en français. » L'éducation est importante pour ces gens-là. Leurs enfants vont-ils se retrouver dans d'une école à Vanier? Seront-ils inscrits dans une école catholique francophone? Se retrouveront-ils dans une commission scolaire protestante? Vont-ils aller dans une école qui n'affiche pas de confession religieuse particulière?

Est-ce votre ministère qui choisit pour ces familles? Comment pouvez-vous essayer d'atteindre les pourcentages visés sans inciter les gens de ces communautés dans lesquelles le français domine en leur disant : « Voilà, nous pensons que vos enfants auraient avantage à s'inscrire dans une école de langue française. »

M. McCallum : Je me dois d'abord de vous rappeler qu'il y a une distinction entre les réfugiés bénéficiant de l'aide gouvernementale et ceux qui sont parrainés par le secteur privé. Ces derniers vont à l'endroit où vivent leurs parrains. Ils vont donc vivre dans les communautés de leurs parrains, quels qu'ils soient, et fréquenter les mêmes écoles qu'eux. J'en déduis que votre question porte essentiellement sur ceux qui bénéficient de l'aide du gouvernement.

C'est une explication que j'ai plus souvent donnée à des francophones qu'à des anglophones. La plupart des réfugiés ne connaissent pas un traître mot d'anglais ni de français. En quelque sorte, le choix du lieu où ils vont vivre et de l'enseignement dont vont bénéficier leurs enfants n'est en rien prédéterminé. Ces gens pourraient se retrouver en milieu francophone, et alors apprendre le français, ou en milieu anglophone, et alors apprendre l'anglais, parce qu'au départ ils ne connaissent aucune de ces deux langues.

Sur quelles bases décidons-nous de l'endroit où ils vont aller? Mon ministère, et d'autres, en décident dans un grand centre opérationnel. Nous ne voulons pas, et c'est certainement mon cas, qu'ils se retrouvent tous dans de grandes villes comme Toronto et Vancouver, et je pourrais ajouter Ottawa. Nous voulons qu'ils soient répartis de façon relativement uniforme dans tout le pays.

Nombre de villes plus petites sont fort désireuses d'accueillir des réfugiés, et nous avons essayé de répondre à leurs demandes. L'inconvénient de cette solution est que vous voulez éviter d'envoyer une seule famille de réfugiés syriens dans une communauté composée exclusivement de protestants de race blanche et d'origine anglo-saxonne, comme vous et moi, si c'est bien ce que nous sommes, dans laquelle ils ne retrouveront aucun de leurs compatriotes. Nous avons préféré envoyer dans ces villes un petit groupe de familles. Il s'agissait d'en envoyer à quantité d'endroits, sous réserve qu'ils puissent y établir des cercles de relations avec des gens de leur propre communauté.

Une fois ces « affectations » choisies, la langue qui leur sera enseignée dépendra dans une large mesure de l'endroit où ces familles se trouvent. À titre d'exemple, nous collaborons avec le Nouveau-Brunswick pour tenter d'envoyer certaines familles dans des communautés francophones. Il y a cependant un problème. C'est la ministre Landry du Nouveau-Brunswick avec qui je travaillais qui m'a expliqué que, même si ces familles se retrouvent dans la région de Moncton, dans laquelle on parle au moins autant le français que l'anglais, si ce n'est plus, ces gens vont finir par se retrouver, pour une raison ou pour une autre, dans les écoles de langue anglaise. Pour parvenir à vraiment les intégrer à une communauté de langue française, il faudrait les envoyer à un endroit comme Bathurst ou dans l'une de ces communautés vraiment francophones.

Il me semble donc que, d'un côté, nous avons carte blanche en ce sens qu'on peut aussi bien leur enseigner l'anglais que le français. Le résultat va dépendre de l'endroit où ils vont se retrouver. Par contre, ce n'est pas partout qu'on va vraiment pouvoir leur enseigner le français. Nous nous efforçons de trouver suffisamment d'endroits où envoyer ces réfugiés dans lesquels ils pourraient vraiment s'intégrer dans un milieu francophone et apprendre plutôt le français que l'anglais. Cette approche est-elle assez équitable à votre goût?

Le sénateur Munson : Je suis un sénateur ontarien, mais je suis originaire du Nouveau-Brunswick. Lorsque vous parlez de Bathurst, vous touchez chez moi une corde sensible. Ma femme, qui est acadienne, vient de Bathurst et moi de Campbellton. Même dans cette région du nord du Nouveau-Brunswick, en l'absence d'une aide importante du gouvernement fédéral pour soutenir la seule province officiellement bilingue du pays, ce sera très difficile parce que là aussi, même dans une communauté comme Bathurst, avec l'aide d'une bande de copains, vous n'êtes pas au bout de vos peines.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque je suis revenu de Chine où j'étais correspondant à l'étranger, nous avons déménagé à Halifax. Il a fallu beaucoup d'énergie de nombre de familles francophones pour obtenir à Halifax une école financée par le gouvernement fédéral alors qu'il y avait des gens parlant le français dans toute la région qui ne parvenaient pas à trouver une école pour leurs enfants. Il a fallu se batailler et cela ne remonte qu'aux années 1990. C'est ainsi que nous avons obtenu l'école Carrefour du Grand-Havre qui est située à Dartmouth. Elle est toujours là.

Prévoyez-vous de collaborer avec d'autres ministères en mesure d'offrir une aide financière du gouvernement fédéral pour obtenir ces écoles et vous assurer que ces enfants poursuivent leurs scolarités en français et sont impliqués dans la communauté francophone? Même à Ottawa, dans une école secondaire comme De La Salle, où vous trouvez des enfants dont la mère parle l'anglais et le père le français, vous allez constater que la langue utilisée dans la cour de récréation est encore l'anglais. J'ai le sentiment que le gouvernement fédéral a encore énormément à faire pour s'assurer que nous disposions des établissements francophones dont nous avons besoin.

M. McCallum : En prenant les exemples du Nouveau-Brunswick et de Bathurst, je ne pensais nullement à vous. Si je savais que vous êtes originaire du Nouveau-Brunswick, j'ignorais que vous veniez précisément de Bathurst. Ce que je voulais vous dire est que même la ministre du Nouveau-Brunswick responsable de l'immigration reconnaît que c'est une bataille difficile, pour les raisons que vous avez mentionnées, et s'interroge sur la meilleure façon de procéder.

Mme Beck s'occupe de ce dossier depuis plus longtemps que moi. Peut-être que l'un de mes deux collègues peut tenter de répondre plus précisément à cette question.

Mme Beck : La réponse courte est qu'il n'y a pas de solution facile. Monsieur le ministre a tout à fait raison.

Au gouvernement fédéral, nous avons été un peu surpris de constater que, dans le cadre du volet des réfugiés parrainés par le secteur privé, le nombre de parrains recommandant à leurs nouvelles familles d'adhérer au système francophone était relativement faible. Nous nous attendions à beaucoup plus.

Je vous signale, parce que ce n'est pas sans intérêt, que la province du Québec est celle qui a probablement le plus important nombre de communautés parrainées par le secteur privé. C'est elle qui a obtenu les nombres les plus élevés de groupes de réfugiés syriens parrainés par le secteur privé.

Il est évident que le système francophone suscite l'intérêt et dispose de moyens, et il n'y a donc pas de raison que les écoles francophones ou les écoles d'immersion en français ne soient pas la destination de réfugiés syriens. C'est une chose à laquelle nous pouvons veiller dans le cadre du Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement ou Programme des RPG. Si les réfugiés sont installés dans la zone de recrutement, à Ottawa par exemple, où se trouve une école en langue française, il est évident que les enfants peuvent s'inscrire à cette école. Nous l'expliquons à toutes les familles, mais en les laissant libres de leur choix. C'est là que les choses peuvent devenir un petit peu difficiles, et la tâche est moins ardue pour nous dans le cadre du Programme des RPG.

Le sénateur Munson : On a tant parlé d'infrastructures dans ce pays, et toujours dans un sens économique, alors qu'il est impératif que nous nous dotions d'infrastructures d'enseignement. Les provinces n'ont pas les ressources nécessaires pour faire ce dont nous venons tout juste de parler. Je sais qu'il n'est pas possible de les y contraindre, mais je suis convaincu que le gouvernement fédéral a là un rôle à jouer.

Mme Prince St-Amand : Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Permettez-moi d'ajouter un élément à ce qui a déjà été dit sur le Programme des RPG. Au tout début de l'initiative syrienne, monsieur le ministre et l'ensemble des porte-parole du ministère ont convenu que nous n'avions pas assez de centres de réception du Programme d'aide à la réinstallation pour gérer le flux et les volumes des candidatures attendues au cours de la période. Le ministère a alors mis sur pied, dans diverses régions du pays, huit centres additionnels de réception en mesure de traiter les dossiers du Programme des RPG. Dans les six semaines suivant leur arrivée au Canada, tous ces réfugiés ont su quel centre de réception gérait leur dossier. C'est ce centre qui leur a fourni un toit, qui leur a offert sur place une aide médicale et qui les a inscrits, en fonction de leurs besoins, à des programmes d'apprentissage de la langue et de counselling d'emploi, qui a inscrit leurs enfants à l'école, et cetera. Ces centres additionnels du Programme d'aide à la réinstallation ont joué un rôle important en permettant, en particulier, au service de réception du Programme des RPG d'étendre et de diversifier ses activités.

M. McCallum : Nous avons procédé de cette façon par ce que, en partie, comme je vous l'ai dit précédemment, nous ne voulions pas que tous se retrouvent dans les grandes villes. En théorie, nous voulions mettre en place un modèle en forme d'étoile. Les réfugiés devaient arriver dans une grande ville, soit au centre de l'étoile, pour être ensuite dirigés vers des localités plus petites, à l'extrémité des branches de l'étoile. Cela n'a pas toujours donné les résultats escomptés et c'est pourquoi nous avons ajouté des centres comme à Victoria, à Peterborough et à d'autres endroits afin de disposer d'une plus grande diversité de solutions.

Dans le cas des francophones, notre sujet de discussion, je crois qu'il nous reste beaucoup de travail à faire. Je suis d'avis que nous avons enregistré certains progrès, mais, en me fiant à mon expérience, et en particulier en m'entretenant avec des représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick, il devrait être possible d'en faire beaucoup plus, et il le faut, pour faire de notre vision des choses une réalité.

Mme Prince St-Amand : Nous avons un centre de réception en français au Manitoba et à Winnipeg.

[Français]

Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, je tiens également à vous féliciter pour le travail que vous faites auprès des réfugiés. Je pense que le Canada dans son ensemble a accueilli ce geste humanitaire avec beaucoup d'optimisme, ainsi qu'avec un désir d'améliorer la qualité de vie de ces gens.

J'aimerais aborder des sujets qui touchent le Nouveau-Brunswick et l'Atlantique. Pour qu'un immigrant puisse obtenir sa citoyenneté canadienne, il doit être âgé de 18 ans à 65 ans et connaître l'une des deux langues officielles du pays. Votre gouvernement a annoncé que le critère de l'âge serait dorénavant fixé de 18 à 55 ans.

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a publié un rapport en décembre 2014, dont je cite un passage, à la page 31 :

Plusieurs études récentes ont conclu que la maîtrise des langues officielles, en particulier l'anglais, est un facteur déterminant de réussite dans l'intégration des immigrants.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi cette modification sera avantageuse pour les nouveaux arrivants, alors que la recherche dit le contraire?

M. McCallum : Je pense que l'on parle de nuances, ici. Je suis tout à fait d'accord qu'un des facteurs les plus importants à l'intégration des immigrants dans la société canadienne est la maîtrise des deux langues officielles, soit l'une des deux langues ou, si possible, les deux langues, ou encore, les deux langues plus le mandarin. Plus on parle de langues, mieux c'est. Nous sommes d'accord sur ce principe.

Cependant, nous parlons ici d'un petit changement. L'un des critères établis par le gouvernement antérieur voulait qu'un immigrant âgé de 14 ans à 64 ans puisse réussir un test de langues ou démontrer une connaissance de l'une des deux langues officielles afin de devenir citoyen. Nous avons modifié ce critère pour fixer l'âge de 18 ans à 54 ans, comme c'était le cas auparavant. La raison qui justifie ce changement est que, tout comme certains de mes collègues, j'avais l'opinion qu'arrivé à un certain âge, disons à 54 ans ou plus, la maîtrise qu'aura une personne de l'anglais ou du français ne sera pas parfaite, mais que les générations à venir s'exprimeront plus aisément dans les deux langues. Lorsqu'ils arrivent au Canada, les immigrants plus âgés, qu'ils soient Chinois ou Italiens, ne maîtrisent pas nécessairement très bien la langue, mais, dans presque tous les cas, les générations à venir arriveront à la maîtriser.

Nous considérons que le Canada a assez bien réussi dans le passé avec un système où les gens âgés de plus de 54 ans, par exemple, même s'ils ne parlaient pas un français ou un anglais parfait, avaient néanmoins apporté une contribution importante au pays en tant que citoyens.

Le sénateur Mockler : Je vous remercie d'avoir apporté cette nuance.

Je n'ai aucun doute que, lorsque vous irez au Nouveau-Brunswick, la ministre Landry saura bien vous accueillir, comme elle le fait toujours. Elle est très dévouée au dossier de l'immigration.

Je crois que c'est un fait connu que nous avons un grand défi à relever, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse. Notre défi est que le Nouveau-Brunswick, à égalité avec la Nouvelle-Écosse, compte, par habitant, plus de personnes âgées que n'importe quelle autre province, même en Amérique du Nord.

Monsieur le ministre, lorsque vous viendrez au Nouveau-Brunswick rencontrer la ministre Landry ainsi que les ministres responsables de l'Immigration et de la Francophonie, nous devrons élaborer une stratégie précise pour les pays de l'OIF si nous voulons attirer plus d'immigrants francophones, au Québec comme à l'extérieur du Québec. Je suis convaincu que la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick ainsi que la Société Saint-Thomas-d'Aquin, à l'Île-du-Prince-Édouard, vous aideront à atteindre les 4 p. 100 visés.

Le Nouveau-Brunswick doit relever un autre défi que j'aimerais porter à votre attention, et c'est celui du respect de la composition linguistique de 30 p. 100, qu'il s'agisse d'Edmundston ou de Campbellton, qui est l'une des régions les plus bilingues du Nouveau-Brunswick. Il y a eu le cas d'Edmundston, qui a accueilli des réfugiés qui ne parlaient presque pas le français ni l'anglais, alors que, au contraire de Fredericton, de Moncton et de Saint-Jean, Edmundston n'avait pas les infrastructures nécessaires en place pour les accueillir.

Comment pourriez-vous nous aider à faire en sorte que la composition linguistique de 30 p. 100 de l'immigration francophone au Nouveau-Brunswick soit respectée?

M. McCallum : Votre question comporte deux aspects : le fait que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont besoin d'immigrants en raison du vieillissement de leur population, et puis la question linguistique.

Je suis fort conscient de l'importance de votre premier point. J'ai parlé aux ministres de l'Immigration ainsi qu'aux premiers ministres de ces deux provinces, parce que pour eux, l'immigration est extrêmement importante. Les premiers ministres actuels, tout comme l'ancien premier ministre Frank McKenna, accordent une très grande importance à l'immigration. Je travaille avec ces gens et avec mes collègues à cet égard, tout particulièrement avec Dominic LeBlanc, mais aussi avec mes homologues des autres provinces atlantiques. Il y a un fort enthousiasme à l'égard de l'immigration, et nous essayons de satisfaire à la demande.

Un autre aspect concerne la rétention. Nous désirons accueillir beaucoup d'immigrants, mais si ces gens ne restent pas dans la région, qu'ils arrivent au Nouveau-Brunswick et le quittent ensuite pour Montréal ou Toronto, ce n'est pas idéal. Il faut donc travailler non seulement afin d'accueillir davantage d'immigrants, mais aussi afin de les retenir.

Enfin, il y a l'aspect linguistique. À ce chapitre, je dirais, comme je l'ai déjà dit, que nous avons fait certaines choses. Nous avons rétabli l'Avantage significatif francophone, nous allons changer les définitions, nous allons essayer de faire en sorte que les centres d'accueil soient impliqués au sein des communautés locales, et ainsi de suite. Néanmoins, même après avoir fait tout ce travail, cela reste difficile. Mme Landry elle-même m'a dit qu'il était difficile d'intégrer les immigrants au monde francophone à Moncton, et qu'il fallait aller à Bathurst ou à Edmundston. Cela représente beaucoup de travail. Je travaille avec elle, et je sais que le gouvernement provincial est enthousiaste à ce sujet. Nous désirons accueillir 30 p. 100 des immigrants francophones et nous travaillons avec acharnement pour y arriver, mais je ne veux toutefois pas cacher le fait qu'il n'est pas facile d'atteindre ces objectifs.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question.

Monsieur le ministre, vous avez mentionné d'anciens premiers ministres, comme M. McKenna, mais vous avez oublié Camille Thériault et Bernard Lord qui, eux aussi, ont joué des rôles importants.

M. McCallum : C'est vrai; je ne voulais pas faire de discrimination à l'égard des partis politiques.

Le sénateur Mockler : Comme l'a déjà dit l'ancien premier ministre McKenna, croyez-vous que nous devrions imposer une condition afin de retenir les immigrants au Nouveau-Brunswick ou dans la région atlantique? Cette condition pourrait interdire aux immigrants de quitter la région atlantique avant une période de cinq ans. Qu'en pensez-vous?

M. McCallum : Quoique je sois un grand admirateur de M. McKenna, je pense qu'il nous faut respecter la Constitution. Si les immigrants sont des résidents permanents, nous ne pouvons pas les obliger à demeurer dans n'importe quelle région du pays.

Le sénateur Mockler : Merci, monsieur le ministre.

Mme Prince St-Amand : J'aimerais ajouter une précision. Pour retenir des gens dans une province ou un territoire, le facteur clé est l'emploi. Le ministère travaille étroitement avec le Réseau en immigration francophone du Nouveau- Brunswick pour veiller à ce que des employeurs puissent offrir des emplois. Grâce à la démographie de la province, nous comptons avoir du succès.

Le président suppléant : Monsieur le ministre, vous avez mentionné le projet de loi C-6; c'est un projet de loi qui est à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes en ce moment. Selon vous, y a-t-il des chances que ce projet de loi soit adopté ou risque-t-il de mourir au Feuilleton?

M. McCallum : Ce projet de loi sera certainement adopté par la Chambre des communes. La question est de savoir à quel moment. J'espère bien que le projet de loi sera adopté à la Chambre des communes avant la fin de la session, au mois de juin. Ensuite, comme vous le savez, il sera présenté au Sénat. Comme plusieurs autres projets de loi sont importants pour le gouvernement, il n'est pas certain que celui-ci soit adopté à la Chambre des communes en juin, mais j'espère que ce sera le cas. Une chose est sûre, les travaux du comité sont terminés et tout ce que nous attendons, c'est le débat et la tenue du vote à l'étape de la troisième lecture.

[Traduction]

Le président suppléant : Monsieur le ministre, vous avez été fort aimable de bien vouloir répondre à nos questions pendant plus d'une heure. Acceptez-vous encore de répondre à quelques autres?

M. McCallum : Je répondrai bien volontiers à quelques autres.

Le sénateur Munson : Je serai très bref. Vous nous avez parlé du système Entrée express. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez et quelles sont ses répercussions sur l'établissement des immigrants dans des communautés de langue officielle minoritaire? Nous en avons déjà parlé un peu.

Ma seconde question porte sur les services d'évaluation de la maîtrise de la langue. Pour passer les examens, en français comme en anglais, les frais facturés sont tels qu'ils ont amené certaines personnes à se demander s'ils sont vraiment abordables. Je tiens à m'assurer que vous avez reçu les plaintes déposées auprès du Commissariat aux langues officielles sur le coût de ces examens. Votre ministère a-t-il pris des mesures pour rendre l'accès aux examens en français plus équitable?

[Français]

M. McCallum : Je ne voudrais pas donner l'impression d'être trop pessimiste. Stefanie vient de me donner des chiffres qui indiquent le nombre d'admissions de résidents permanents au Nouveau-Brunswick qui sont francophones; cela augmente depuis quelques années. Je ne veux donc pas donner une impression trop pessimiste.

[Traduction]

Je sais fort bien, sénateur Monson, que les examens servant à vérifier la maîtrise de la langue sont plus coûteux à passer en français qu'en anglais et que nous étudions la question pour déterminer s'il serait possible d'attribuer un nouveau contrat ou encore de subventionner le montant à payer par les candidats. Je ne sais pas où nous en sommes de l'étude de cette question. Mme Beck peut peut-être vous apporter davantage de précisions.

Mme Beck : Pour la passation éventuelle d'un marché, c'est un processus ouvert. N'importe quelle autre entreprise peut, en tout temps, nous soumettre une offre pour offrir ce service. Tous les prestataires de services dans ce domaine sont des organismes privés.

Nous avons pour l'instant conclu des marchés avec trois d'entre eux qui respectent nos normes. Nous discutons également avec un quatrième qui serait en mesure de faire passer l'examen en français. Ces entreprises offrent leurs services partout dans le monde. Elles ne les adaptent pas précisément à nos besoins spécifiques. Elles se comportent comme des entreprises, et nous facturent tout ce qu'elles peuvent. Elles sont implantées dans les communautés où elles ont le plus d'affaires à traiter.

C'est pour ces raisons que c'est plus difficile avec le français. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas les encourager en leur soulignant, dans nos discussions, qu'il y a peut-être des occasions d'affaires dont elles n'ont pas conscience dans la mesure où nous savons qu'elles n'ont pas pris en compte certain groupent vivant dans une province ou dans un territoire qui pourrait être des clients éventuels pour elles. Nous pouvons fort bien leur dire « Oui, mais si vous ouvrez un bureau à tel endroit, nous savons que vous obtiendrez tant de clients par jour, par mois ou par semaine. » Cela aussi pourrait faciliter les choses.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, ma première question devait porter sur le fait que votre lettre de mandat ne précise pas que vous devez attirer un plus grand nombre d'immigrants de langue française au Canada. Je craignais que vous n'accordiez pas toute l'attention voulue à cette question, mais mes inquiétudes se sont évanouies après tout ce que vous nous avez dit.

Je tiens cependant à vous demander encore de faire venir un plus grand nombre de personnes de langue française dans toutes les régions du pays, parce que c'est ainsi que nous allons continuer à dynamiser la langue. Je sais que vous l'avez déjà dit dans votre déclaration préliminaire, mais c'est réellement important. Pour assurer le dynamisme de notre pays, il faut que nous parlions français dans toutes ces régions, et pas juste au Québec. J'aimerais beaucoup obtenir votre assurance, même si cela ne figure pas dans votre lettre de mandat, que vous allez vous efforcer de faire venir un plus grand nombre d'immigrants de langue française.

M. McCallum : Vous conviendrez avec moi que je ne suis pas responsable du contenu de ma lettre de mandat.

La sénatrice Jaffer : J'en conviens bien volontiers.

M. McCallum : Je crois qu'il nous reste beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre notre objectif de 4 p. 100, surtout si nous continuons à utiliser l'ancienne définition. Je ne crois pas que ma lettre de mandat m'oblige à relever cette cible, parce que nous en sommes encore fort loin aujourd'hui.

N'ayez crainte, je prends cela très au sérieux. Je suis ici aujourd'hui. Je vais me rendre au Nouveau-Brunswick. Je me suis entretenu un certain nombre de fois avec les représentants de l'association francophone. Oui, je prends tout cela très au sérieux.

Bien que ma lettre de mandat ne traite pas de cette question, je suis convaincu que le premier ministre la prendrait également très au sérieux parce que c'est un ferme défenseur du principe des deux langues officielles, tout comme le sont également, bien évidemment, mes deux collègues, Mme Mélanie Joly et M. Stéphane Dion.

La sénatrice Jaffer : Tout comme ce comité.

M. McCallum : Tout comme votre comité. C'est donc une opinion partagée par tous les partis.

[Français]

Je crois que tous les partis sont d'accord sur ce principe.

La sénatrice Gagné : Monsieur le ministre, j'aimerais ajouter un point au commentaire que vous avez fait par rapport à l'importance de l'accueil d'étudiants internationaux dans les collèges et universités francophones du Canada.

Ayant œuvré à l'Université de Saint-Boniface, au Manitoba, où j'ai été rectrice pendant 11 ans, j'ai pu constater que les changements apportés au programme Entrée express ont tout de même freiné des élans.

J'aimerais donc faire une suggestion. Ce serait de consulter les représentants de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qui sont tout de même assez bien placés pour appuyer les initiatives que vous mettrez de l'avant pour accueillir des étudiants internationaux.

M. McCallum : C'est une très bonne idée. Comme je l'ai dit plus tôt, je prendrai des mesures pour favoriser l'accueil de ces étudiants internationaux. Au moment de le faire, ce sera une bonne idée de consulter ces groupes francophones pour voir s'il y a certaines choses que nous pouvons faire pour les aider en particulier.

Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, ayant été ministre de l'Immigration au Nouveau-Brunswick, je peux vous dire que vous êtes sur la bonne voie avec ce que vous voulez mettre en place.

Il y a un point important que j'aimerais porter à votre attention. Il y a la réalité urbaine par rapport à la réalité rurale. Cela se manifeste dans les petites provinces dont l'économie est basée sur les secteurs agricole et forestier. Je crois que nous devrions miser sur le secteur rural. Quelle est votre opinion face à cette réalité dans les régions francophones hors Québec?

M. McCallum : Vous voudriez qu'on mette davantage l'accent sur le secteur rural ou sur le secteur urbain?

Le sénateur Mockler : Il faudrait mettre en place un programme afin d'informer les francophones et les immigrants qu'il y a un besoin de main-d'œuvre dans le secteur agricole.

Je vous donne un exemple. Au Nouveau-Brunswick, lorsqu'on a voulu prendre de l'expansion avec la production de pommes de terre, on est allé chercher des Hollandais, des gens qui avaient une base culturelle agricole. La même chose s'est produite dans le secteur forestier. Il y a des gens qui sont venus d'Europe et d'Asie. Il y a des immigrants qui se sont installés au Nouveau-Brunswick, qui se sont investis et qui se sont impliqués dans les communautés à caractère forestier.

Il me semble que nous devrions utiliser davantage ce type de mécanisme. Même si notre province affiche un taux de chômage élevé, il y a tout de même des gens qui peuvent contribuer à notre économie, parce qu'au Nouveau- Brunswick, l'immigration est devenue un facteur économique important pour le maintien de notre production actuelle.

M. McCallum : Je pense que Mme Beck aura un commentaire à faire à ce sujet. À mon avis, il faut trouver un équilibre entre les secteurs rural et urbain. Nous travaillons en collaboration avec les provinces, parce que le Canada a ses immigrants fédéraux et les provinces ont leurs immigrants provinciaux. Je crois que cette combinaison peut nous aider à trouver cet équilibre.

Mme Beck : Un projet pilote a été lancé il y a quelques mois. C'est une initiative qui tente de jumeler de futurs immigrants francophones avec les employeurs au Canada. Tout cela se fait directement de l'ambassade du Canada à Dakar. Si cette solution fonctionne bien, nous allons la prolonger et faire en sorte que, dès le début, dès qu'une personne présente une demande de candidature, nous lui trouverons un employeur au Canada dans son secteur d'activité. Effectivement, c'est beaucoup plus facile pour cette personne si elle a déjà quelque chose en vue et, bien sûr, cela lui donne plus de points pour l'arrivée au Canada.

Le président suppléant : Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez parlé de la générosité des Canadiens. Vous êtes Canadien, député, ministre, et vous aussi avez été très généreux en répondant à nos questions, et nous vous en remercions. Je tiens également à féliciter Mmes Beck et St-Amand.

M. McCallum : Monsieur le président, j'aimerais aussi remercier mes deux collègues, de même que les membres du comité pour leurs bonnes questions.

(La séance est levée.)

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