Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule no 8 - Témoignages du 14 novembre 2016
OTTAWA, le lundi 14 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 34, pour poursuivre son étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonsoir, je m'appelle Claudette Tardif et je suis présidente du comité.
Avant de commencer la séance, j'aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Poirier : Bonsoir. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Maltais : Bienvenue. Ghislain Maltais, du Québec.
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
La présidente : Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des langues officielles reçoit la coordonnatrice-chercheuse du Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise, qui nous parlera des enjeux récents liés à la recherche sur les communautés anglophones du Québec.
[Traduction]
Nous avons donc le plaisir d'accueillir Mme Lorraine O'Donnell, qui est accompagnée de M. Patrick Donovan, coordonnateur adjoint du réseau.
Madame O'Donnell, monsieur Donovan, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à présenter. Afin que nous puissions consacrer le plus de temps possible aux discussions et que les sénateurs puissent poser le plus de questions possible, je vous demanderais de vous en tenir à 10 minutes. La parole est à vous.
Lorraine O'Donnell, coordonnatrice-chercheuse, Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise : Je vous remercie beaucoup de l'invitation. Sénatrice Tardif, mesdames et messieurs, bonsoir.
Le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise, dont l'acronyme est RRCQEA, a été fondé en 2008. Il s'agit d'une initiative commune de l'Université Concordia, de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, soit l'ICRML, situé à Moncton, et de Patrimoine canadien.
Le RRCQEA est un réseau d'établissements d'enseignement et d'autres établissements, de chercheurs et d'intervenants qui vise à améliorer la compréhension des communautés québécoises d'expression anglaise et à favoriser leur vitalité.
Au cours des prochaines minutes, je vous parlerai du RRCQEA, notamment de ses deux nouvelles initiatives : une conférence à venir sur la loi 101 et une structure novatrice qui s'appelle la Table d'éducation interordres. Ensuite, je vous parlerai des défis du RRCQEA et de ses plans de viabilité. Enfin, je répondrai à vos commentaires et à vos questions.
Établi à l'Université Concordia, le RRCQEA était et demeure la seule équipe universitaire vouée aux communautés québécoises d'expression anglaise. Il comprend un bureau, qui se compose de moi-même, coordonnatrice-chercheuse à temps plein; d'un coordonnateur adjoint à temps partiel, soit M. Patrick Donovan, qui m'accompagne aujourd'hui; et de personnel chargé de projet occasionnel. Il comprend aussi un Conseil consultatif composé de 12 membres et un réseau élargi, plus ou moins organisé, de centaines de chercheurs et d'utilisateurs de recherches. Toutes ces personnes viennent des communautés d'expression anglaise et française du Québec et d'ailleurs.
Pour ce qui est du soutien, l'ICRML et Patrimoine canadien soutiennent financièrement les projets du RRCQEA. L'Université Concordia soutient le réseau en lui fournissant des locaux et des services. De plus, en 2015, l'université m'a accordé le statut de professeure adjointe affiliée afin de reconnaître et de faciliter mon travail à titre de coordonnatrice-chercheuse du réseau.
Le RRCQEA mène quatre types d'activités. La première activité, c'est la mobilisation du savoir.
L'échange de connaissances, d'information et de pratiques exemplaires est la priorité du bureau du RRCQEA jusqu'à maintenant. Je vais vous parler de nos activités. Nous coorganisons de nombreux événements de recherche, près de 30 à ce jour. Ces événements sont bilingues, multidisciplinaires, novateurs et organisés en partenariat avec des universitaires, des bureaux gouvernementaux et des groupes communautaires. Il faut également mentionner nos conférences annuelles tenues lors du congrès de l'Association francophone pour le savoir, le plus grand congrès organisé au Québec, qui offre d'excellentes occasions d'échange entre les universitaires d'expression anglaise et française.
Les bulletins que nous envoyons régulièrement à plus de 685 abonnés comptent parmi les autres activités de mobilisation du savoir que nous menons. Nous produisons aussi une bibliographie en ligne qui comprend désormais plus de 10 700 titres. Enfin, nous rendons compte de nos activités sur notre site web bilingue
Le réseautage éducationnel est la deuxième activité que mène le RRCQEA et qui revêt une importance de plus en plus grande. Le Conseil consultatif du réseau a été créé en 2015. Il se compose de représentants des universités et des collèges d'expression anglaise du Québec, du Quebec Community Groups Network, d'une université d'expression française — l'UQAM —, de Patrimoine canadien et du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport de la province. Le conseil est une nouvelle tribune qui permet aux principaux établissements d'enseignement d'expression anglaise de collaborer en vue de favoriser la vitalité de la communauté.
Notre troisième activité consiste à produire de nouvelles connaissances. Outre les recherches effectuées par les membres de notre réseau informel, les employés du RRCQEA mènent leurs propres recherches sur les aînés, l'immigration, la pauvreté et l'économie créative. Ces études sont menées en collaboration avec des partenaires, notamment des ministères et des groupes communautaires.
Les recherches du RRCQEA nous aident à comprendre les enjeux influant sur la vitalité de la communauté de langue officielle en situation minoritaire du Québec, notamment le développement économique et la participation à la culture. Nous avons découvert les forces et les faiblesses de nos communautés, les possibilités qui s'offrent à elles, les défis qu'elles doivent surmonter, les possibilités actuelles et futures de rapprochement culturel avec la communauté francophone majoritaire du Québec.
La formation et l'aide aux étudiants constituent la quatrième activité que nous menons. Les initiatives du RRCQEA offrent régulièrement des possibilités d'aide et d'apprentissage à la prochaine génération d'universitaires, comme des occasions de participer à nos projets de recherche et à nos événements.
Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli jusqu'à maintenant. Je crois que le réseau respecte l'énoncé de son mandat, qui est le suivant : « le RRCQEA crée des occasions de favoriser la compréhension et la vitalité des communautés d'expression anglaise en situation minoritaire du Québec par la recherche, la mobilisation du savoir, la formation, le réseautage et la sensibilisation ». Nous avons atteint nos objectifs généraux : favoriser le rapprochement avec la communauté francophone majoritaire du Québec, y compris la communauté des chercheurs; et participer à la conversation nationale sur la recherche et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Je vais maintenant parler des nouvelles orientations du RRCQEA.
Patrimoine canadien, l'ICRML et l'Université Concordia se sont engagés à soutenir financièrement le RRCQEA jusqu'en mars 2018, ce qui nous permettra de poursuivre nos quatre activités, dont j'ai parlé, et de les mettre à profit.
La grande nouveauté sera le réseau éducationnel. Nous sommes en train de créer une nouvelle Table d'éducation interordres qui rassemblera un vaste groupe d'intervenants des secteurs de l'éducation, communautaire et gouvernemental. La table se réunira deux fois par année en vue de solidifier les liens, d'échanger des connaissances sur les communautés d'expression anglaise du Québec et de collaborer au soutien de la vitalité communautaire. Pour la table, nous suivons les modèles de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et de la Table nationale sur l'éducation. Le RRCQEA aura pour tâches de coordonner la table et de l'aider à mettre en œuvre ses activités prioritaires.
Nous poursuivrons aussi nos activités de mobilisation du savoir par l'intermédiaire de conférences. La prochaine conférence se déroulera d'ailleurs en mai 2017 et s'intitulera Les 40 ans de la loi 101 : La Charte de la langue française et les communautés québécoises d'expression anglaise, 1977-2017. Vous êtes tous invités à y participer ou à y assister. J'ai apporté des copies de notre invitation à présenter des mémoires à titre d'information, et je serai ravie de vous les distribuer.
Nous pensons aussi à l'avenir. Je vais vous parler des principales activités figurant dans notre plan quinquennal. Premièrement, il s'agit de permettre à la nouvelle Table d'éducation interordres — c'est-à-dire les universités, les collèges et les autres établissements d'enseignement d'expression anglaise du Québec — d'être mieux informée et active à l'égard de la communauté de langue officielle en situation minoritaire anglophone. J'aimerais que des projets de recherche soient menés en collaboration dans le but de répondre aux besoins de la communauté. Deuxièmement, nous voulons élargir notre réseau et la portée de nos événements par l'intermédiaire de nouveaux événements pertinents et d'une présence accrue sur les médias sociaux. Troisièmement, nous souhaitons mettre au point un programme d'études et possiblement un programme d'études sur la communauté d'expression anglaise. Quatrièmement, il nous faut embaucher trois employés à temps plein.
En ce qui concerne les défis, le RRCQEA a une responsabilité importante. Il est le seul réseau de recherche et d'enseignement se consacrant aux communautés d'expression anglaise du Québec. Nos activités, notamment la nouvelle Table d'éducation interordres et nos outils de soutien à la recherche, notamment le bulletin et la bibliographie, sont uniques. À titre de comparaison, on compte plus de 20 réseaux et organismes d'éducation et de recherche servant les communautés de langue officielle en situation minoritaire francophones un peu partout au Canada. Au moins un d'entre eux compte plus d'une dizaine d'employés.
RRCQEA a toujours reçu son financement par le truchement de contrats de projets. Il a donc toujours disposé de budgets variables d'un à trois ans. Par exemple, même si nous sommes très reconnaissants du soutien que l'on nous accorde, il convient de noter que nous n'avons reçu qu'un quart de ce que nous avons demandé dans notre plus récente demande à Patrimoine canadien. En outre, la somme reçue nous a permis de couvrir nos dépenses pendant une plus courte période de temps que nous l'avions demandé. Nous avions demandé 750 000 $ sur trois ans et avons reçu 190 000 $ pour deux ans jusqu'en mars 2018. À court terme, cela signifie que nous devons limiter le nombre d'employés à la coordonnatrice à temps plein et à son adjoint à temps partiel. Nous devons régulièrement refuser des demandes et limiter notre participation à des projets et à des activités.
Il est difficile de planifier, d'assurer la continuité et de croître. Le RRCQEA a besoin de plus de fonds, ainsi que d'un financement prévisible et continu. C'est à cette fin que nous sommes en train de mettre au point et en œuvre une stratégie en matière de viabilité financière. Nous travaillons avec l'Université Concordia en vue d'explorer des options de collecte de fonds et nous présentons régulièrement des demandes de subventions de recherche et de projet.
Un autre élément de notre stratégie consiste à solliciter du financement gouvernemental stable. Ce qu'avait affirmé l'Université Concordia lors de son témoignage devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes en 2012 demeure vrai aujourd'hui. Même si nous sommes fiers de nos réalisations, « [...] des résultats encore meilleurs pourraient être possibles grâce à une relation plus durable et plus structurée entre Concordia et le gouvernement [...] ».
En partenariat, nous pouvons aider à créer un environnement qui permettra aux universités et aux instituts de recherche de mener des recherches avec une orientation cohérente à long terme.
Je serais reconnaissante au comité d'aider le RRCQEA à cet égard.
J'aimerais conclure ma déclaration préliminaire par quelques invitations. Je vous invite à vous abonner à notre bulletin, qui vous permet de connaître nos recherches et nos activités de recherche sur nos communautés d'expression anglaise; à visiter notre site web en vue d'y consulter nos publications; à participer à notre prochaine conférence; et à communiquer avec moi si vous désirez obtenir de plus amples renseignements ou discuter d'une possible collaboration.
Merci de m'avoir invitée.
La présidente : Madame O'Donnell, je vous remercie beaucoup de votre exposé. C'était très intéressant.
C'est la vice-présidente du comité, la sénatrice Poirier, qui posera les premières questions.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie de votre présence et de votre exposé.
J'ai deux ou trois questions. Le gouvernement vient de terminer ses consultations sur le prochain plan en matière de langues officielles. Y avez-vous participé?
Mme O'Donnell : J'ai été invitée à plusieurs volets des consultations. Alors, oui, j'y ai participé.
La sénatrice Poirier : Pourriez-vous nous dire ce que vous avez recommandé à la ministre et quelles sont vos attentes concernant le prochain plan?
Mme O'Donnell : J'aimerais parler des différentes consultations. J'ai participé à une consultation sur la santé, avec Santé Canada. J'ai aussi pris part à une consultation sur l'Acfas et le milieu de la recherche. J'ai également fait des recommandations en ligne.
Mes recommandations vont toujours dans le même sens. Il s'agit pour nous de continuer à soutenir la recherche pour les communautés anglophones. Pour plusieurs raisons, il faut que des recherches soient effectuées sur ces communautés. Tout d'abord, il faut que les décisions stratégiques qui sont prises soient fondées sur le savoir et, par conséquent, la recherche sur les communautés est essentielle.
Ensuite, la recherche est importante pour les communautés. Elle nous permet de nous connaître et de mieux comprendre les différentes communautés qui, ensemble, forment ce que nous appelons notre communauté d'expression anglaise.
Je recommande aussi régulièrement que nous appuyions ce que j'appelle la « mobilisation du savoir ». La mobilisation du savoir désigne des activités, comme celles que j'ai décrites aujourd'hui : conférences, sites web, bibliographies et bulletins. Produire un rapport ou une étude pour ensuite la mettre sur une tablette n'est qu'un élément de l'activité. Ce que nous devons faire, et ce que nous faisons dans notre unité de recherche, c'est rendre la recherche accessible aux communautés dans le cadre de différentes activités destinées à différents groupes de personnes à différents niveaux, de sorte que nous pouvons réunir des gens dans un cadre informel ou des tribunes savantes pour qu'ils reçoivent l'information.
La sénatrice Poirier : À la page 4, vous parlez du financement que vous avez reçu pour deux ans. Si je comprends bien, il provient de Patrimoine canadien.
Mme O'Donnell : C'est exact.
La sénatrice Poirier : Les anglophones du Québec forment un groupe minoritaire, et dans d'autres provinces, nous avons des groupes minoritaires francophones.
Savez-vous si le financement destiné aux groupes minoritaires francophones dans les autres provinces est différent ou très similaire à celui qui est destiné à la minorité anglophone du Québec?
Mme O'Donnell : Je ne suis pas en mesure de répondre de façon précise. Je n'ai pas posé de question sur la façon dont les différentes provinces financent la recherche sur leurs minorités linguistiques.
Ce que je peux dire, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, c'est que les centres et les instituts de recherche, de même que les organismes-cadres comme l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne ont simplement plus de ressources.
Je crois comprendre que dans les faits, les communautés francophones en situation minoritaire reçoivent en général plus d'argent. Nous formons tous des communautés de langues officielles nationales, mais à l'échelle provinciale, je ne saurais dire.
La sénatrice Poirier : Communiquez-vous constamment avec les différents ministres quand vient le temps de diffuser la recherche et de recevoir des fonds?
Mme O'Donnell : Les ministères fédéraux?
La sénatrice Poirier : Oui.
Mme O'Donnell : J'ai de bons contacts avec certains ministères fédéraux. J'ai collaboré avec Industrie Canada dans le cadre de projets de recherche. Nous avons préparé un rapport sur l'économie créative, que j'ai apporté au cas où quelqu'un en voudrait une copie.
Avec Industrie Canada, nous avons collaboré à des travaux sur l'économie créative. J'ai travaillé à plusieurs projets sur l'immigration avec ce qui s'appelait auparavant Citoyenneté et Immigration Canada. Bien entendu, j'ai collaboré avec Patrimoine canadien au fil des ans. J'ai quelques contacts dans le cadre de deux projets auxquels je travaille avec le Quebec Community Groups Network, Justice Canada et EDSC.
Pour répondre à votre question, je dirais que j'ai divers contacts avec les différents ministères, mais je communique également avec les champions des langues officielles, qui se trouvent dans chaque ministère et institution gouvernementale, pour mettre mon bulletin à leur disposition et les inviter à assister à nos activités.
Pour répondre à votre question, je dirais que je communique avec les gens. Je fais de l'action d'information, et j'ai des liens plus étroits avec certains ministères qu'avec d'autres jusqu'ici.
La sénatrice Poirier : Parmi les défis auxquels vous êtes confrontée, il y a le financement. Vous en avez mentionné deux ou trois autres, mais les différents groupes minoritaires au pays tiennent-ils régulièrement des rencontres pour discuter de ces défis et déterminer comment les relever, et voir si chaque province peut apprendre quelque chose de l'expérience des autres?
Mme O'Donnell : Nous avons commencé à prendre des mesures en ce sens. Comme je l'ai mentionné, nous tenons une conférence annuelle dans le cadre du congrès l'Acfas, l'Association francophone pour le savoir.
J'utilise un peu un jargon ici. L'ACUFC, l'un de nos organismes homologues francophones, tient également une conférence annuelle dans le cadre du congrès de l'Acfas. Nous avons eu des discussions préliminaires avec son bureau au sujet de la possibilité de tenir des conférences conjointes. Nous n'avons pas réussi à le faire encore, mais nous avons pris contact et communiqué de l'information.
Au cours de notre dernière ronde de financement, j'ai demandé à Roger Paul, qui est à la tête de la Table nationale sur l'éducation, des conseils au sujet de la nouvelle table que je suis en train d'établir. Il n'y a pas de cadre structuré pour ce type de discussions, mais nous avons communiqué à cet égard.
Le sénateur McIntyre : Madame O'Donnell, je vous remercie de votre très bon exposé. Tant dans votre exposé que dans sa version écrite, vous avez parlé du rôle de la Table d'éducation interordres. Je crois comprendre que le travail de la table est similaire à celui de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Prévoyez-vous établir des mécanismes similaires dans d'autres domaines que l'éducation? Si c'est le cas, lesquels?
Mme O'Donnell : Je vous remercie de la question.
Je tiens à dire qu'à ce moment-ci, nous en sommes à l'étape de planification. En fait, pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai rencontré des représentants de l'Université McGill pour parler de la table et pour les inviter à participer.
Comme nous l'avons souligné — et je vais le mentionner ici aujourd'hui —, nous aimerions encourager ces établissements à se réunir pour discuter et à établir des secteurs prioritaires, mais mon rôle est celui de coordonnatrice. Le rôle moteur que je peux avoir, c'est de rendre la recherche accessible de de sorte qu'elle définit ce que les communautés ont désigné comme priorités de recherche et préoccupations générales.
En ce qui concerne les initiatives, l'ACUFC, par exemple, se penche sur des questions liées à la justice, à l'immigration et à la santé. En ce moment, je ne connais pas les domaines prioritaires, car ils seront déterminés par les participants à la table de discussion.
J'aimerais insister sur le fait que l'élément particulièrement innovateur — et surprenant, à mon avis — au sujet de cette table de discussion, c'est qu'à ma connaissance, il n'existe aucun forum où les trois universités anglophones du Québec — McGill, Concordia et Bishop's — peuvent se réunir pour discuter d'intérêts communs. Je sais qu'il n'existe certainement aucun forum où les intervenants discutent des besoins des collectivités qui forment leur clientèle. Ces universités accueillent des étudiants de partout, mais évidemment, les collectivités anglophones représentent une partie importante de leurs étudiants.
Je m'éloigne un peu du sujet, mais je tenais à avoir l'occasion de préciser que nous espérons que les contributions de cette table de discussion comporteront deux volets. Tout d'abord, il s'agit simplement de rassembler des gens et d'avoir une discussion, et deuxièmement, il faut les encourager à déterminer les priorités. En ce moment, je ne peux pas prévoir leurs choix à cet égard. Nous avons hâte d'entendre leurs réponses.
Le sénateur McIntyre : Êtes-vous satisfaite de la coopération ou de la collaboration que vous obtenez d'autres organisations, par exemple les collectivités anglophones du Québec, l'Université Bishop's, l'Université Concordia, l'Université McGill, les cégeps anglophones du Québec, les établissements d'enseignement postsecondaire dans les collectivités francophones en milieu minoritaire du Canada et les institutions fédérales?
Mme O'Donnell : Oui, les gens sont très réceptifs. Les institutions fédérales ont certainement le mandat, comme vous le savez, d'être ouvertes aux collectivités anglophones et de les appuyer. Nous entretenons de très bonnes relations avec les différents organismes que j'ai mentionnés plus tôt.
Les universités sont de grands établissements complexes et elles ont de nombreuses priorités concurrentes. Le défi qui se pose, dans ce cas, c'est de trouver les bonnes personnes à qui parler de nos priorités et de nos préoccupations. Les intervenants dans ces établissements sont prêts à nous écouter, mais il faut beaucoup de temps et d'effort pour trouver les bonnes personnes et pour leur parler dans un langage lié à leurs priorités.
Les collèges s'organisent déjà en groupes d'établissements d'enseignement anglophones. Leurs représentants ont créé ce qu'on appelle le Quebec English Colleges Steering Committee, mais ils l'appellent officieusement Anglo Deans. Il est formé de directeurs des études de différents cégeps anglophones publics et privés qui se réunissent régulièrement. Ce groupe est particulièrement ouvert, car ses membres ont déjà établi qu'ils représentaient des établissements d'enseignement anglophones.
Le secteur communautaire offre un très bon soutien, et des groupes communautaires participent toujours à nos conférences — surtout le Quebec Community Groups Network, avec lequel je travaille depuis le début.
En résumé, nous avons toujours obtenu une réponse coopérative. Notre défi consiste à obtenir les ressources nécessaires pour créer des réseaux, car il faut du temps pour les mettre sur pied, pour identifier les personnes à qui parler, pour participer à des réunions et pour se préparer à assister à ces réunions. Les défis auxquels nous faisons face sont donc liés à des questions de logistique plutôt qu'à un certain type de résistance.
La sénatrice Fraser : Je remercie les deux témoins d'être ici aujourd'hui. J'aimerais leur poser plusieurs questions.
Ma première question est un peu pointilleuse, mais elle concerne l'utilisation du mot « table » en anglais. Est-ce un exemple de ce que j'appelle maintenant « l'anglais québécois », c'est-à-dire lorsqu'on prend un mot français et qu'on l'utilise pour exprimer ce qu'il signifie en français, même si habituellement, ce n'est pas le cas en anglais?
Mme O'Donnell : Eh bien, je dois admettre que vous êtes la deuxième personne qui me pose cette question aujourd'hui. La réponse est oui.
Toutefois, j'aimerais mettre l'accent sur ce que j'ai dit à ma collègue aujourd'hui. Nous parlons vraiment de gens assis autour d'une table. J'aime beaucoup ce mot, car à ma connaissance, les universités n'ont pas une telle structure pour faire cela. Je tentais donc d'utiliser un mot chaleureux et amical.
La sénatrice Fraser : Revenons au sujet désagréable de l'argent. J'aimerais revenir sur la question de la sénatrice Poirier, car je ne suis pas certaine d'avoir tout compris.
Dans le cadre du dernier financement que vous avez reçu de Patrimoine canadien, vous avez reçu le quart de la somme demandée, à savoir 190 000 $. Entretemps, il y a plus de 20 réseaux d'éducation et d'organismes de recherche qui servent des collectivités francophones en situation minoritaire, et au moins l'un de ces organismes a plus d'une douzaine d'employés. En ne tenant pas compte du financement offert par les gouvernements provinciaux, connaissez-vous le montant du financement que ces centres reçoivent de Patrimoine canadien?
Mme O'Donnell : Je suis désolée, mais je ne connais pas la réponse à cette question.
La sénatrice Fraser : Ces renseignements ne devraient-ils pas se trouver dans un document public quelconque?
Mme O'Donnell : Oui, c'est possible.
La sénatrice Fraser : Après tout, les collectivités anglophones du Québec et les collectivités francophones en situation minoritaire ont environ le même nombre de personnes.
Mme O'Donnell : Plusieurs des instituts et des centres sont en fait des centres de recherche pour lesquels les professeurs d'université ont fait l'effort de demander du financement fédéral, par exemple, auprès du Conseil de recherches en sciences humaines.
Je ne voulais pas laisser entendre que ces établissements sont tous financés à l'échelon provincial ou fédéral. Je n'ai pas mené les recherches nécessaires pour répondre à cette question.
La sénatrice Fraser : Avez-vous présenté une demande au Conseil de recherches en sciences humaines?
Mme O'Donnell : Oui.
La sénatrice Fraser : Avez-vous reçu du financement?
Mme O'Donnell : J'ai présenté une demande, et nous n'avons pas reçu de financement. Nous venons de faire une nouvelle demande de financement, et nous attendons la réponse. C'est un processus extrêmement concurrentiel.
La sénatrice Fraser : J'en suis certaine.
Comment la somme de 190 000 $ se compare-t-elle au financement que vous avez reçu auparavant?
Mme O'Donnell : C'est une somme plus élevée que certaines années et moins élevée que d'autres.
La sénatrice Fraser : Est-elle beaucoup plus élevée ou beaucoup moins élevée?
Mme O'Donnell : Elle est comparable. Encore une fois, l'un des défis auxquels nous faisons face, comme je l'ai mentionné, c'est que le financement varie beaucoup. Je dirais que cette somme est dans la moyenne.
La sénatrice Fraser : Quelles recherches avez-vous menées et quelles sont vos conclusions?
Mme O'Donnell : Nous avons mené des travaux liés à l'économie créative. C'était un projet très intéressant dans lequel on a examiné les activités de l'industrie et de l'économie relativement à la culture et aux arts. Notre étude nous a permis de conclure qu'il existait une diversité historique dans nos collectivités anglophones, c'est-à-dire que dès leur arrivée au Canada, les habitants de ces collectivités présentaient une grande diversité sur les plans ethnique et culturel. Il y a donc toujours eu des différences régionales.
Dans le cas de l'économie créative, l'une des conclusions que je trouve intéressantes, c'est que différents groupes ethnoculturels et régionaux ont vécu des expériences différentes à cet égard. Par exemple, on a mené des entrevues auprès des participants de l'étude. Ils ont dit qu'il y avait différents niveaux d'accès aux ressources disponibles. Par exemple, les minorités visibles sont très représentées dans nos collectivités — notamment la communauté noire et différents groupes, tels les artistes de cirque chinois. C'est une communauté diversifiée. Les gens ont affirmé qu'il existait différents niveaux d'accès et différents degrés de facilité lorsqu'il s'agit de mener leurs activités relatives à l'économie créative à Montréal. Ils parlaient de l'accès aux ressources, mais ils ont également mentionné la collaboration avec les collectivités anglophones. Ils ont affirmé qu'il y avait des différences et qu'il fallait améliorer les relations et la coopération.
La sénatrice Fraser : Avez-vous apporté un exemplaire de cette étude?
Mme O'Donnell : Oui.
La sénatrice Fraser : Vos études sont-elles publiées sur votre site web?
Mme O'Donnell : Oui.
La sénatrice Fraser : Je n'ai donc pas besoin de prendre le temps du comité en vous demandant de me fournir des détails de chaque étude. Pourriez-vous donner aux membres du comité une idée des différents domaines que vous avez étudiés?
Mme O'Donnell : Nous avons examiné la question de la pauvreté. Je suis certaine que plusieurs des personnes assises à cette table connaissent le mythe selon lequel les anglophones sont privilégiés, selon les mots que nous entendons au Québec. En fait, la pauvreté est une préoccupation réelle dans nos collectivités. Nous avons été en mesure de collaborer avec des partenaires du RCSSS — le Réseau communautaire de services de santé et de services sociaux — pour avoir accès aux statistiques sur la pauvreté. Ces statistiques démontrent que si nous acceptons la définition de première langue officielle parlée dans nos collectivités anglophones, ce qui est également l'approche utilisée par le gouvernement fédéral, il y a de graves problèmes de pauvreté dans la plupart des régions de notre province, y compris sur l'île de Montréal.
Nous avons effectué des recherches sur l'immigration. Nous avons découvert que le pourcentage d'immigrants est bien plus élevé dans les communautés anglophones que dans la population francophone majoritaire, particulièrement parmi les aînés, sur qui j'ai également réalisé des recherches. Voilà qui pose des défis et des difficultés sur les plans de l'intégration et de l'accès aux services dans nos communautés.
Mais cela offre également des occasions. Je suis historienne et j'ai collaboré avec Patrick dans certains projets. J'ai constaté qu'historiquement, nous sommes à l'aise avec la diversité et nous possédons l'expertise à cet égard dans le cadre de notre travail. Si tous les conseils comprennent un groupe d'anglophones, les noms témoigneront de la diversité ethnoculturelle. C'est un fait positif et important à souligner.
Nous avons découvert que nos communautés servent de porte d'entrée permettant aux immigrants anglophones de s'intégrer à la société québécoise, en facilitant notamment l'accès aux services en français. Par exemple, Voice of English-speaking Québec, à Québec, offre aux nouveaux arrivants un excellent programme dans le cadre duquel l'organisme travaille avec les immigrants et les migrants et les encourage à obtenir des services en français.
Autre bonne chose, nous considérons que nous pouvons offrir à la population francophone majoritaire un soutien, un accès et une expertise particuliers au chapitre de la diversité.
En ce qui concerne les aînés, j'ai travaillé avec le QCGN afin de préparer un rapport détaillé sur la plupart des régions du Québec. Il contient de nombreuses conclusions à propos des priorités. Une fois encore, je ferais remarquer que la diversité et la difficulté d'accès aux services — comme les soins de santé — en anglais deviennent une source de préoccupation croissante à mesure que les gens vieillissent. Nous notons également des différences générationnelles.
Sachez que les taux de bilinguisme sont très élevés chez les jeunes de nos communautés; l'accès aux services en anglais leur est donc plus facile que pour les membres plus âgés de la communauté, qui ne maîtrisent peut-être pas autant le français.
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame O'Donnell, vous êtes professeure adjointe affiliée à l'École des affaires publiques et communautaires de l'Université Concordia.
Mme O'Donnell : Oui.
Le sénateur Maltais : Vous êtes également coordonnatrice-chercheuse du Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise.
Mme O'Donnell : Oui.
Le sénateur Maltais : Au départ, êtes-vous rémunérée par l'université?
Mme O'Donnell : Non.
Le sénateur Maltais : Pas un sou?
[Traduction]
Mme O'Donnell : L'Université Concordia offre un soutien non financier au réseau de recherche. Elle me paie donc, mais l'argent est fourni dans le cadre d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques de Moncton.
Je suis ce qu'on appelle en français une « professeure affiliée », un titre qui indique que mes activités sont équivalentes à celles d'un professeur.
[Français]
Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, l'argent que vous réclamez des gouvernements — du gouvernement fédéral, dans le cas présent — vous sert pour vos travaux, à vous et à vos adjoints, ou à d'autres chercheurs qui travaillent avec vous, c'est bien ça?
Mme O'Donnell : Oui.
Le sénateur Maltais : D'accord, j'avais de la difficulté à vous situer.
Vous avez dit une chose qui m'a intrigué. Il n'y a pas de groupe de recherche conjoint entre les universités McGill, Concordia et Bishop's. Pourtant ce sont trois universités anglophones du Québec très reconnues. Elles ne se parlent pas? Elles n'ont pas d'entretiens par téléphone? Ça ne marche pas, leurs affaires?
[Traduction]
Mme O'Donnell : À ce que je sache — et j'ai interrogé bien de gens —, il n'existe pas de groupe officiel au sein duquel ces universités se rencontrent. Naturellement, les doyens, les recteurs et les professeurs qui travaillent en collaboration discutent beaucoup au quotidien. Les universités n'ont toutefois pas de groupe équivalent à ceux dont les cégeps, les collèges ou les universités francophones disposent pour se réunir officiellement.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je comprends, madame, mais je vous invite à communiquer avec ces trois universités, à rencontrer leurs agents de relations publiques pour coordonner quelque chose, parce que ça n'a pas de sens.
D'autre part, entretenez-vous des liens avec les cégeps anglophones du Québec?
[Traduction]
Mme O'Donnell : Oui. J'ai d'excellents liens avec eux.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ainsi, les cégeps communiquent entre eux.
[Traduction]
Mme O'Donnell : D'après ce que je sais, ils ont deux groupes, dont le Comité pilote des cégeps anglophones du Québec, au sein duquel se réunissent les directeurs généraux de tous les collèges publics et privés et de tous les cégeps. Un comité des doyens des collèges anglophones se réunit aussi.
Ces établissements ont donc des structures et se parlent, mais les liens entre les collèges et les universités ne sont pas officialisés.
[Français]
Le sénateur Maltais : J'habite en face d'un collège anglophone, le collège St. Lawrence, à Québec. On s'entend, les commissions scolaires anglophones communiquent beaucoup entre elles, de même que les cégeps. Or, ce n'est pas le cas des universités. Est-ce que cela dépend des professeurs? Il semblerait que, plus l'organisation est grande, plus elle a tendance à tracer sa voie seule. C'est ce que je ne comprends pas.
En ce qui concerne les minorités linguistiques des autres provinces, elles tentent de se faire entendre. Elles essaient de parler aux universités, et elles obtiennent un certain succès. Au Québec, la minorité anglophone compte environ 600 000 personnes, et les trois grandes universités anglophones ne se parlent pas. Ça me dépasse.
À l'époque où Mme Fraser était éditorialiste au Montreal Gazette, elle nous rappelait régulièrement que les gens devaient se parler. Je ne comprends pas, ils ne vous ont pas écoutée. Vous devriez leur écrire de nouveau. Ils devraient se parler, parce que, si vous n'êtes pas capables de communiquer les résultats de vos recherches, à quoi serviront-elles?
Vous m'avez parlé d'une économie créative. C'est très bien, mais encore faut-il que ces principes soient appliqués. Si votre document reste sur la table, vous aurez travaillé pour rien, et les gouvernements auront dépensé de l'argent pour rien. Il faut que ce document soit diffusé d'abord dans les universités, que celles-ci s'entendent, et qu'elles prennent des mesures, si on veut que ce soit efficace. Dans le reste du Canada, c'est le contraire qui se produit, ce sont les minorités qui s'adressent aux hauts placés. Vous, vous êtes au haut de l'échelle, mais il n'y a pas de barre transversale pour faire le lien.
[Traduction]
Mme O'Donnell : Pour répondre à votre question, pour autant que je sache, il n'existe aucun groupe officiel au sein duquel se réunissent les universités. Je sais qu'elles ne se réunissent pas pour discuter des préoccupations de la communauté anglophone. Cependant, comme je l'ai indiqué, notre bulletin est envoyé à quelque 700 personnes.
Patrick vient de me rappeler quelque chose. Je voulais vous montrer le programme de notre dernière conférence à l'Acfac, que je vous remettrai avec plaisir.
Nous communiquons régulièrement avec les trois universités, et le conseil consultatif de mon groupe de recherche comprend des représentants des universités Bishop's, McGill et Concordia. Personnellement, je suis régulièrement en rapport avec des chercheurs de ces établissements, et c'est ainsi que nous échangeons des nouvelles sur ce que nous faisons, par l'entremise de mes bulletins. La communication sur la recherche est déjà établie dans le cadre de mes activités.
Il n'y a toutefois pas de rencontre entre les établissements pour tenir des discussions plus globales sur les préoccupations de la communauté. C'est donc l'innovation.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vous arrête là, et ce sera ma dernière question. Il existe un conseil des universités anglophones au Québec. J'imagine que ces gens-là ne se réunissent pas uniquement pour préparer un cursus scolaire ou pour engager d'excellents professeurs. Ces gens jouent un rôle beaucoup plus étendu au sein d'une communauté. L'université, c'est un rayonnement au sein de la communauté.
C'est pourquoi je ne comprends pas du tout. Comment se fait-il que ces trois universités n'adoptent pas vos plans et n'en fassent pas la diffusion dans les cégeps et les commissions scolaires? Votre travail est sans doute très bien fait, mais s'il reste sur la tablette, il ne sert à rien. Donc, si on veut s'en servir, il faut que les mesures partent d'en haut et qu'elles se rendent jusqu'à l'enseignement primaire pour être profitables à la communauté anglophone du Québec. Sinon, vous aurez travaillé dans le vide.
Il faut absolument que le conseil des universités joue avec vous un rôle d'impulsion et que vous diffusiez vos recherches dans la communauté des cégeps et des commissions scolaires, pour y donner une force. Comme la sénatrice Fraser l'a dit, il y a de nombreux groupes qui s'occupent de beaucoup de choses, autant chez les francophones hors Québec que chez les anglophones du Québec, mais le travail que vous avez fait doit être diffusé, d'abord dans le milieu scolaire.
À votre place, je ne m'occuperais pas de la francisation des immigrants, je laisserais cette tâche à d'autres groupes qui sont spécialisés dans ce domaine. Par ailleurs, l'économie créative, c'est intéressant; c'est l'avenir, c'est l'informatique, c'est l'ouverture sur le monde, et c'est un concept qui doit être diffusé dans les universités.
Le sénateur Mockler : Je veux tout d'abord vous féliciter, madame O'Donnell, pour votre organisme. Je sais que, par le passé, au Nouveau-Brunswick, vous avez échangé de l'information pour faire avancer les droits linguistiques. J'ai participé, à un moment donné, à certaines des discussions, et je tiens à vous féliciter, parce que vous avez apporté beaucoup à la table. En consultant votre site web, on y trouve le projet Connect and Disconnect : Anglophones, the English language and Montreal's creative economy, et je constate que L'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill et l'Université Concordia y ont participé.
Ma question porte sur cette collaboration. Je n'y ai pas vu l'Université Bishop's. Celle-ci y a-t-elle participé?
[Traduction]
Mme O'Donnell : Dre Cheryl Gosselin fait partie de notre conseil consultatif et y a participé. Il se peut que dans ce cas, l'université n'ait pas parrainé l'activité, mais elle était présente.
Le sénateur Mockler : Quand nous établissons une priorité, votre groupe entreprendra de déterminer ses priorités au chapitre de la recherche. Communiquez-vous avec des établissements de l'extérieur du Québec, et inversement? Je prendrai l'exemple du Nouveau-Brunswick. Je veux que vous nous en disiez plus sur votre association avec l'Université de Moncton. Quel rôle jouez-vous? Comment déterminez-vous vos priorités, et quel rôle jouez-vous exactement avec l'Université de Moncton?
Mme O'Donnell : En ce qui concerne les priorités sur le plan de la recherche, je dirais qu'il y a deux réponses. Nous avons entrepris certaines recherches à la demande du gouvernement fédéral, qui nous avait chargés d'examiner des questions qu'il jugeait prioritaires. C'est vrai pour l'économie créative et pour les recherches que nous avons réalisées sur l'immigration.
Nous avons choisi d'autres sujets dans le cadre de discussions avec des groupes communautaires qui nous ont fait part des préoccupations qu'ils avaient décelées au sein des communautés. Je vous donnerais l'exemple de nos recherches sur les aînés, effectuées en collaboration avec le Quebec Community Groups Network, qui nous avait communiqué ses principales préoccupations.
Pour ce qui est de la relation avec l'ICRML, l'institut de Moncton, et mes activités de coordinatrice-chercheuse, le RRCQEA est en fait un projet de cet institut. C'est un peu compliqué. L'institut demande du financement au gouvernement fédéral. Il a un partenariat structuré officiel avec l'Université Concordia; il reçoit donc les fonds et nous les fait parvenir à Concordia avec sa propre contribution.
En fait, je travaille dans le cadre d'un projet de l'institut de Moncton financé par ce dernier et par le gouvernement fédéral; les fonds me sont toutefois envoyés à Concordia.
Le sénateur Mockler : Quel rôle jouez-vous précisément dans le domaine de l'immigration?
Mme O'Donnell : Je ne travaille pas avec les immigrants et je ne leur offre pas de services. J'ai mené des recherches à portée générale pour connaître l'état de la recherche en immigration. J'ai été engagée avec l'institut de Moncton pour travailler à ce qui s'appelle une recension de la documentation. L'objectif consistait à savoir quelles recherches avaient été effectuées sur l'immigration et quels étaient les manques à cet égard. Tout cela semble très érudit, mais en fait, je réalise des recherches sur la recherche pour voir ce qui a été fait.
J'ai aussi réuni, à la demande d'Immigration Canada, un groupe de personnes pour discuter des questions de recherche générale en matière d'immigration. En fait, je n'offre pas de services aux immigrants et je ne travaille pas directement avec eux. Je travaille avec des publications.
La sénatrice Poirier : Pour donner suite à une des questions du sénateur Mockler, vous avez indiqué que d'autres groupes ou personnes vous demandent de réaliser des études sur un sujet donné, comme les aînés ou l'immigration. Quand on vous demande d'effectuer ces travaux supplémentaires, les coûts des recherches sont-ils couverts par les fonds de 190 000 $ que vous avez dit recevoir ou obtenez-vous du financement additionnel du groupe qui a fait appel à vous?
Mme O'Donnell : Quand j'ai effectué des travaux de recherche appliquée pour le gouvernement, j'ai reçu des fonds supplémentaires et j'ai pu engager des gens. Je supervise le projet et j'engage du personnel pour mener des entrevues, par exemple.
Dans d'autres cas, comme dans celui de la recherche du Quebec Community Groups Network sur les aînés, j'ai offert mes services gratuitement, si l'on peut dire, ou à titre de contribution non financière à un projet de recherche.
La plupart du temps, les travaux sont financés, mais j'offre parfois mon soutien sous la forme de contribution non financière.
La sénatrice Poirier : Si vous recevez du financement du gouvernement fédéral, vient-il de divers ministères?
Mme O'Donnell : Il vient effectivement de différents ministères, notamment d'Immigration Canada, d'Industrie Canada et de Patrimoine canadien. Ce sont les trois qui me viennent à l'esprit.
Je viens de commencer à travailler à un nouveau projet de Justice Canada avec le Quebec Community Groups Network.
La sénatrice Poirier : Quel genre de financement obtenez-vous et à quelle fréquence le recevez-vous? S'agit-il d'un financement ponctuel?
Mme O'Donnell : Oui, il est ponctuel. Le projet sur les aînés, qui était provincial, bénéficiait d'un financement d'un quart de million de dollars, mais de façon générale, les projets de recherche que j'entreprends reçoivent un financement de 25 000 ou 30 000 $ ou moins. Ce sont des montants modestes.
Le sénateur McIntyre : Lorsque vous avez répondu à une question de la sénatrice Fraser, vous avez brièvement parlé des statistiques. Vous savez qu'il y a une dizaine d'années, en 2006, si je ne m'abuse, Statistique Canada a publié une enquête postcensitaire sur l'épanouissement des minorités de langues officielles. Cette enquête portait sur divers sujets, notamment l'utilisation des langues dans les activités quotidiennes.
Considérez-vous que ce soit une bonne idée que Statistique Canada refasse une telle enquête?
Mme O'Donnell : Oui. Je travaille avec l'ICRML et nos partenaires communautaires, le QCGN, afin de voir avec Statistique Canada comment le ministère peut combler nos besoins en statistiques. C'est sur la table. Cela semble une bonne idée.
Nous avons également demandé que Statistique Canada dispose d'une enveloppe distincte pour que nous puissions travailler avec lui plus régulièrement. Nous avons aussi demandé que le ministère intègre des éléments relatifs à la langue dans un plus grand nombre de ses études pour que nous ayons davantage de données.
La réponse est donc oui, et nous en demandons davantage.
Le sénateur McIntyre : Vous souhaitez donc utiliser les données?
Mme O'Donnell : Oui.
Le sénateur McIntyre : Merci.
La sénatrice Fraser : L'abonnement à votre bulletin est-il payant?
Mme O'Donnell : Non.
La sénatrice Fraser : Pourriez-vous ajouter le greffier ou l'agent de recherche du comité à votre liste?
Mme O'Donnell : Oui.
La sénatrice Fraser : Ce serait probablement la manière la plus rapide d'avoir accès à l'information, si vous voulez bien nous inscrire.
Mme O'Donnell : Certainement.
La présidente : Notre analyste nous indique que le groupe figure déjà sur notre liste.
La sénatrice Fraser : Il y est déjà. Dans ce cas, peut-être pourrait-elle faire circuler l'information.
Mme O'Donnell : Nous vous transmettrons avec grand plaisir notre bulletin et des nouvelles sur nos recherches.
La sénatrice Fraser : En ce qui concerne la pauvreté en particulier, l'étude proprement dite est-elle publiée sur votre site web? Vous ne vous contentez pas d'en énoncer le sujet et les points principaux, n'est-ce pas.
Mme O'Donnell : En ce qui concerne cette étude, j'ai indiqué sur mon site web qu'il suffit de m'écrire pour que je transmette le document.
La sénatrice Fraser : Considérez que c'est chose faite.
Mme O'Donnell : Nous vous l'enverrons donc.
La sénatrice Fraser : J'aimerais particulièrement prendre connaissance de cette étude.
Mme O'Donnell : Nous ne l'avons pas publiée sur le site web parce qu'il s'agit en fait d'un document de travail du comité. Il n'était pas destiné à une large diffusion, mais nous le transmettons sur demande. Je vous l'enverrai avec plaisir.
La sénatrice Fraser : Vous avez effectivement raison d'affirmer que la mythologie est pernicieusement ancrée.
Comme la prochaine question exigerait une très longue réponse, je la garderai pour une autre fois.
Le sénateur Mockler : Je pense que vous mettez le doigt sur un problème quand vous parlez du vieillissement de la population.
Je sais que tous les sénateurs ont reçu un exemplaire de l'ouvrage intitulé Deux pays : Le Canada à l'ère du Grand Déséquilibre démographique, de MM. Richard Saillant et Donald Savoie, de l'Université de Moncton. Dans l'avant-propos, M. Savoie indique que le grand déséquilibre démographique dans notre société constituera un des défis les plus exigeants que notre pays devra relever au cours deux prochaines décennies.
Je suis intrigué par le fait que la loi 101 aura 40 ans l'an prochain.
[Français]
Au Nouveau-Brunswick, souvent, nos communautés de langue officielle en situation minoritaire doivent se servir du système judiciaire pour mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles, pour y sensibiliser davantage la population ou pour faire respecter la loi. J'ai toujours dit que la Loi sur les langues officielles ne concerne pas uniquement les francophones, mais aussi les anglophones.
Quel est l'objectif du colloque que vous préparez pour 2017 sur les 40 ans de la Loi 101 au Québec?
[Traduction]
Mme O'Donnell : Eh bien, nous avons divers objectifs. Cette loi est considérée comme une mesure révolutionnaire qui a changé bien des perceptions au sein des communautés anglophones du Québec. Elle a eu des répercussions dans le secteur de l'éducation. Vous n'ignorez pas qu'elle a été contestée en justice. On a établi un lien entre elle et une augmentation de l'émigration des anglophones.
Nous avions deux objectifs. L'un consistait à faire la lumière sur ce sujet très important, et donc de mettre la main sur les dernières recherches universitaires, mais nous voulions aussi tenir un dialogue civilisé.
Sachez que nous prononçons nos conférences annuelles à l'Association francophone pour le savoir en français. Notre objectif, lors de ces conférences, a toujours consisté et continue de consister à avoir un dialogue civilisé sur des sujets difficiles afin de permettre aux francophones et aux anglophones de discuter de questions cruciales pour les communautés, et à créer un espace où nous pouvons échanger cordialement.
Le sénateur Mockler : Vous êtes devant le gouvernement du Canada et vous voulez lui présenter des recommandations. D'après votre expérience, quels domaines de recherche méritent plus d'investissements? Vous avez abordé une question de premier plan : la pauvreté au sein de nos communautés, un sujet factuel.
Cela me rappelle certains rapports de recherche que nous avons vus dans des communautés de l'extérieur du Québec comportant des groupes minoritaires...
[Français]
— surtout du côté francophone, mais aussi chez les anglophones.
[Traduction]
Que nous recommanderiez-vous à propos des domaines où il faut investir maintenant afin d'assurer une meilleure qualité de vie?
Mme O'Donnell : J'ai deux réponses. La première concerne l'intégration. L'intégration économique est absolument essentielle, car cela touche l'accès à l'emploi et aux services d'emploi, ainsi que le développement économique, y compris l'économie créative. Il faut donc effectuer des recherches et faire preuve d'innovation dans ce domaine.
L'intégration comprend toutefois un autre élément : c'est aussi une question d'identité. Nous nous préoccupons non seulement de la pauvreté, mais aussi de l'exclusion sociale. C'est un phénomène social. Par exemple, on se préoccupe actuellement de savoir comment on pourrait faire comprendre et reconnaître à leur juste valeur les contributions des communautés anglophones, et les intégrer à notre compréhension de ce que nos communautés sont aujourd'hui. Je parlerais aussi des questions relatives à l'identité et du fait qu'il faut favoriser la transmission de l'histoire.
Au chapitre des investissements, je pense qu'il faut appuyer les projets qui permettraient l'intégration sociale, notamment les projets de recherche historique et le maintien d'un dossier historique juste et équilibré. C'est vraiment au point de vue structurel et identitaire qu'il faut agir, je dirais.
Le sénateur Mockler : J'étais à Montréal aujourd'hui, et j'ai lu le National Post, qui parlait de la parution prochaine d'un livre sur 15 personnalités anglophones et francophones — des politiciens, des gens d'affaires, des hommes et des femmes —, qui ont influencé la société québécoise.
[Français]
La sénatrice Fraser : Uniquement francophone.
Le sénateur Mockler : Uniquement francophone? C'est un élément qui doit être porté à notre attention et qui est très important.
[Traduction]
Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
Mme O'Donnell : À titre d'historienne, j'ai bien des choses à dire. J'espère que nous aurons de plus en plus d'occasions d'étudier l'histoire; mais il faut aussi que les gens puissent utiliser et lire l'histoire, y croire, et l'intégrer dans nos salles de classe et dans notre compréhension.
Pour ce qui est de l'investissement du gouvernement, je considère qu'il est de ma responsabilité de répondre correctement à cette question, bien entendu. Nous nous préoccupons des jeunes, de leur intégration, des aînés et de l'intégration des immigrants. Ce sont toutes des questions importantes.
Ce qui me préoccupe personnellement, c'est la pauvreté, parce que c'est un facteur fondamental, et l'histoire, car c'est mon champ d'études.
[Français]
La présidente : Madame O'Donnell, je tiens à souligner le fait que le Comité sénatorial permanent des langues officielles a formulé des recommandations à deux reprises pour encourager le gouvernement fédéral à appuyer les initiatives de recherche en faveur des communautés anglophones du Québec : une fois dans notre rapport de 2011 sur les communautés anglophones du Québec et, en 2014, notre rapport sur l'immigration incluait aussi des recommandations de recherche spécifique pour les communautés anglophones du Québec.
Notre comité soutient certainement le travail que vous faites, et il reconnaît l'importance pour vous d'avoir accès à de l'information et à des données pour que vous puissiez relever les défis et répondre aux besoins des communautés anglophones du Québec.
[Traduction]
Madame O'Donnell, au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, merci beaucoup de votre exposé intéressant et très exhaustif. Vous m'avez certainement aidée à comprendre certains des importants défis que la communauté anglophone du Québec doit affronter.
(La séance est levée.)