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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 10 - Témoignages du 2 mars 2017


OTTAWA, le jeudi 2 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 8 h 32, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je suis Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du Comité.

Avant de laisser la parole à nos témoins, j'inviterais les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Forest : Sénateur Éric Forest, du Québec, région du golfe.

[Traduction]

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Le comité poursuit son étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

Nous sommes ravis, ce matin, d'accueillir des représentants du ministère des Pêches et des Océans et du ministère de la Justice Canada. Avant d'aller plus loin, je vais leur demander de se présenter.

Arran McPherson, directrice générale, Direction des sciences des écosystèmes, Pêches et Océans Canada : Arran McPherson, directrice générale de la Direction des sciences des écosystèmes de Pêches et Océans Canada.

Sylvie Lapointe, sous-ministre adjointe intérimaire, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada : Sylvie Lapointe, sous-ministre adjointe intérimaire, Gestion des écosystèmes et des pêches, Pêches et Océans Canada.

Adam Burns, directeur général intérimaire, Gestion des ressources halieutiques, Pêches et Océans Canada : Adam Burns, directeur général intérimaire, Gestion des ressources halieutiques, Pêches et Océans Canada.

Joanne Klineberg, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Joanne Klineberg, avocate-conseil, Section de la politique en matière du droit pénal, ministère de la Justice.

Le président : Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir comparaître ici ce matin. Je crois comprendre que Mme Lapointe a une déclaration liminaire à prononcer. Une fois la déclaration terminée, nous répondrons aux questions des sénateurs.

Mme Lapointe : Merci et bonjour. Je suis heureuse d'être ici au nom du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne. La supervision exercée par le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans au sujet des enjeux relatifs à la gestion des océans, des ressources aquatiques et des pêches, de la vie aquatique et des écosystèmes marins est d'une valeur inestimable pour notre ministère.

Tout d'abord, permettez-moi de vous brosser un portrait sommaire des rôles et responsabilités de notre ministère en ce qui concerne les cétacés. À l'échelon fédéral, Pêches et Océans Canada est le principal responsable de la gestion des pêches au pays, et son champ d'action comprend les baleines, les dauphins et les marsouins. Les trois océans du Canada offrent un milieu de vie à 60 espèces de baleines, y compris des épaulards — qui, en fait, font partie de la famille des dauphins. Aux termes de la Loi sur les espèces en péril, 18 espèces de cétacés sont présentement désignées comme espèce en péril, espèce menacée ou espèce préoccupante.

Grâce à l'autorité que lui confère la Loi sur les pêches et au pouvoir qu'il a de délivrer des permis, le ministère gère toutes les activités relatives à l'utilisation de la ressource que constituent les mammifères marins. Nous participons également à la réalisation d'évaluations environnementales et nous soumettons les projets de développement susceptibles d'avoir une incidence sur les cétacés à des examens réglementaires en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril. Par exemple, nous avons la responsabilité de gérer les projets de développement susceptibles de produire du bruit sous l'eau ou d'autres facteurs de stress qui pourraient nuire aux cétacés. Lorsqu'il y a risque d'incidence sur les baleines, les dauphins ou les marsouins, nous travaillons avec les promoteurs du projet pour trouver des moyens d'atténuer ou de compenser ces effets sur les cétacés, et pour veiller à ce que ces mesures soient mises en œuvre.

Pêches et Océans a aussi la responsabilité de secourir les mammifères marins en détresse. En collaboration avec des groupes de conservation et des organismes non gouvernementaux, le ministère soutient des réseaux d'intervention auprès des mammifères marins dans toutes les régions maritimes du Canada sous les auspices du Programme d'intervention auprès des mammifères marins. Avec nos partenaires, nous faisons le suivi des cas d'enchevêtrement, d'échouage, de collision avec des navires et de contamination — à la suite d'incidents comme des déversements pétroliers — de mammifères marins. Les agents des pêches du ministère jouent un rôle important pour aider nos partenaires des réseaux à mener à bien ces activités souvent dangereuses.

Aux termes du Plan de protection des océans annoncé récemment, le gouvernement s'est engagé à lancer sans tarder un examen fondé sur des données scientifiques portant sur l'efficacité des mesures de gestion et de rétablissement actuelles en ce qui concerne les épaulards résidents du sud, les baleines franches de l'Atlantique Nord et les bélugas du Saint-Laurent. L'examen, qui devrait être terminé d'ici l'été prochain, permettra de déterminer les aspects qui exigent des améliorations immédiates en ce qui a trait aux efforts de rétablissement ainsi que les priorités relatives aux nouvelles mesures à prendre ou aux efforts devant être intensifiés.

Les baleines sont aussi importantes sur le plan culturel pour un certain nombre de groupes autochtones et elles constituent une ressource alimentaire pour beaucoup de collectivités inuites du Nord. Les droits qui permettent aux Inuits d'exploiter les ressources fauniques et qui sont enchâssés dans divers accords sur les revendications territoriales comprennent le droit de chasser la baleine. Les droits des Inuits d'exploiter les ressources fauniques aux termes de ces accords sont protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle.

L'exploitation de la baleine au Canada est confinée aux besoins de subsistance des Autochtones, mais les dispositions en la matière permettent aux membres de certains groupes autochtones de vendre des produits résultant de cette exploitation, comme des défenses de narval, pour peu que cette exploitation soit conforme à la loi. Dans l'Arctique canadien, on pêche en moyenne 500 narvals, 800 bélugas et 3 baleines boréales par année. Nos scientifiques travaillent en étroite collaboration avec les groupes amérindiens afin d'intégrer les connaissances traditionnelles aux évaluations concernant ces espèces de baleine.

Voilà un portrait sommaire des rôles et responsabilités de mon ministère en ce qui concerne les cétacés. Maintenant, j'aimerais parler plus précisément du projet de loi S-203. Permettez-moi d'en faire d'abord une description très succincte.

[Français]

L'objectif du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), présenté par le sénateur Moore, est de mettre fin graduellement à la captivité des cétacés au Canada en intégrant des exceptions relatives au sauvetage et à la réadaptation de ces animaux.

Comme vous le savez, s'il est adopté, le projet de loi S-203 nécessitera des modifications au Code criminel par l'ajout d'un nouvel article après l'article 445.1. Il modifiera aussi l'article 28 de la Loi sur les pêches et l'article 7 de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (LPEAVSRCII).

[Traduction]

Les lois que le projet de loi est censé modifier ont déjà des mécanismes pour porter l'intention du projet de loi, du moins, en partie. Par exemple, aux termes de la Loi sur les pêches, il est possible de limiter la pêche sauvage des cétacés. En vertu du Code criminel, il existe des lois pour protéger les cétacés et empêcher qu'on leur fasse mal, ou qu'on leur inflige des souffrances ou des blessures indues. De plus, la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, la WAPPRIITA, contient certaines dispositions pour restreindre le commerce des cétacés à des fins de conservation.

[Français]

Pêches et Océans Canada et la Garde côtière canadienne ont pour mandat d'assurer la conservation et la protection des cétacés du Canada. Je commencerai par présenter des considérations qui sont liées à l'incidence du projet de loi sur le contrôle d'application de la Loi sur les pêches et aux autres répercussions sur les activités du ministère.

L'exécution et le contrôle d'application du Code criminel relèvent de l'honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, et l'exécution et le contrôle d'application de la LPEAVSRCII relèvent de l'honorable Catherine McKenna, ministre de l'Environnement et du Changement climatique.

[Traduction]

Le ministère dispose de mécanismes fédéraux qui lui permettent de limiter la capture des cétacés. Par exemple, la Loi sur les pêches prévoit qu'un permis peut être délivré pour permettre la capture de cétacés à des fins expérimentales, scientifiques ou éducationnelles, ou aux fins de contrôle des espèces aquatiques envahissantes suivantes ou d'exposition publique, pourvu que cette activité soit conforme à la gestion et au contrôle appropriés des pêches. Je dois cependant souligner que Pêches et Océans Canada n'a délivré aucun permis de capture de cétacé aux fins d'exposition publique depuis le début des années 1990. Qui plus est, en 1992, le ministère a annoncé l'interdiction de capturer des bélugas vivants dans le but de les envoyer dans des aquariums situés à l'extérieur du pays.

[Français]

Le ministère ne délivre des permis que pour la capture de cétacés vivants à des fins de recherches scientifiques ou de réadaptation. Au cours des 10 dernières années, un seul permis a été délivré pour la réadaptation d'un cétacé, à la suite de l'échouage d'un faux-orque nouveau-né vivant. Le ministère a travaillé avec l'aquarium de Vancouver afin de secourir l'animal.

[Traduction]

Si, aux termes d'un traitement, un animal est jugé inapte à une remise en milieu sauvage, les chercheurs en profitent pour l'étudier afin d'approfondir nos connaissances au sujet de l'espèce. Or, il n'y a pas de centre de réadaptation pour cétacés dans l'Est ou le Nord du Canada. Lorsque de tels cas se présentent, on consulte un professionnel dûment qualifié pour déterminer ce qu'il convient de faire. Il n'est pas rare que la solution retenue soit de procéder à l'euthanasie sans cruauté de l'animal.

[Français]

Lorsqu'il est possible de relâcher un animal captif, le ministère est chargé de délivrer un permis de remise en liberté. Un tel permis n'est délivré que si l'on juge, après examen par un professionnel qualifié, que l'animal pourra survivre dans la nature et qu'il ne transmet aucun agent pathogène qui pourrait nuire aux populations sauvages.

[Traduction]

Vous auriez peut-être intérêt à considérer les répercussions que les modifications proposées par le projet de loi S-203 pourraient avoir sur les dispositions actuelles du paragraphe 15c) du Règlement sur les mammifères marins, lequel paragraphe permet au ministre de délivrer un permis de transport de mammifères marins pour tout mammifère marin ou toute partie de mammifère marin devant servir à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public, attendu que cela signifierait qu'il faille garder le cétacé en captivité. Les modifications proposées pourraient nuire à la recherche sur les cétacés et aux activités de réadaptation.

Le Canada est signataire de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la CITES. Pour s'acquitter de ses obligations aux termes de cette convention, le Canada a adopté la WAPPRIITA, laquelle vise entre autres à protéger certaines espèces animales et végétales en en limitant le commerce qui pourrait mettre leur survie en péril. Le ministre d'Environnement et de Changement climatique Canada est chargé d'administrer la CITES et la WAPPRIITA. Or, la CITES et la WAPPRIITA fournissent déjà certaines restrictions concernant le commerce de cétacés aux fins de conservation.

[Français]

Les espèces inscrites à la liste de l'annexe I et de l'annexe II de la CITES font l'objet d'un contrôle par l'intermédiaire d'un système de permis d'exportation et d'importation qui ne peuvent être délivrés que si certaines conditions préalables sont remplies, notamment si le commerce n'est pas néfaste à la survie de l'animal. Environnement et Changement climatique Canada travaille en étroite collaboration avec le ministère pour veiller à ce que le commerce international de cétacés ne nuise pas à leur survie dans la nature.

[Traduction]

J'aimerais également formuler certaines observations du point de vue de notre ministère en ce qui concerne les modifications que l'on se propose d'apporter à la WAPPRIITA. Vous auriez peut-être intérêt à évaluer si ces propositions de modifications empêcheront les chercheurs du Canada d'importer ou d'exporter des « échantillons » de cétacés, comme des tissus ou de l'ADN, ce qui pourrait nuire considérablement à leur capacité de faire de la recherche en santé génésique et en génétique, de réaliser des évaluations de productivité et de faire le suivi des maladies. Ultimement, ces modifications pourraient avoir une incidence sur la capacité du gouvernement de prendre des décisions éclairées sur la gestion des cétacés en s'appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles.

[Français]

Par ailleurs, il y aurait des répercussions sur certaines collectivités autochtones du Nord pour qui l'exportation internationale des produits des cétacés, comme les défenses de narval, constitue une source de revenu qui contribue à leur subsistance. L'incapacité d'exporter des défenses de narval entraînerait des pertes économiques d'environ 400 000 $ par année.

[Traduction]

D'après ce que nous savons, il y a présentement deux aquariums au Canada qui gardent des cétacés en captivité : l'aquarium de Vancouver, en Colombie-Britannique, et Marineland, en Ontario. Les deux établissements sont membres de l'organisme Aquariums et zoos accrédités du Canada. Cet organisme a un programme d'accréditation complet et un code d'éthique professionnel qui fixe des normes rigoureuses quant aux soins des animaux.

Présentement, Marineland garde un épaulard aux fins d'exposition publique, et l'on compte environ 50 individus en captivité — des bélugas et des dauphins —, répartis entre Marineland et l'aquarium de Vancouver. Tous les animaux présentement gardés dans ces établissements seraient exemptés de l'interdiction prévue dans le projet de loi S-203.

À l'heure actuelle, ces aquariums peuvent se procurer des cétacés par l'intermédiaire d'achats privés ou d'emprunts faits dans un autre pays. Comme je l'ai dit, les importations et les exportations de cétacés sont régies par la CITES et la WAPPRIITA. Cependant, bien que tous les cétacés soient visés par la réglementation, toutes les espèces de cétacés ne figurent pas nécessairement sur la liste de l'annexe de la CITES qui en limite les importations et les exportations. Le béluga et l'épaulard sont deux des espèces qui ne sont pas sur cette liste.

[Français]

En 1996, l'aquarium de Vancouver a annoncé qu'il ne capturerait plus de cétacés sauvages à des fins d'exposition et qu'il ne prendrait soin que des cétacés qui avaient été capturés avant 1996, qui sont nés à l'aquarium ou qui ont été sauvés dans la nature et réadaptés, mais dont la remise en liberté avait été jugée impossible. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'aquarium de Vancouver travaille avec le ministère pour soigner les animaux blessés et offre une possibilité de réadaptation si un vétérinaire qualifié juge que cela est possible.

[Traduction]

En ce qui concerne la protection des animaux, la responsabilité globale est une question complexe où se mêlent les compétences fédérales, provinciales et territoriales. En outre, cette responsabilité est assujettie à de nombreuses lois et à de nombreux règlements. Par exemple, c'est aux provinces et aux territoires qu'incombe la responsabilité première d'assurer le bien-être des animaux en captivité. Dans ce domaine, les régimes législatifs provinciaux et territoriaux continuent de se transformer. En 2015, l'Ontario a banni l'achat, la vente ou l'élevage des épaulards. La province a également apporté des modifications à sa Loi sur la Société de protection des animaux afin d'améliorer la protection d'autres animaux marins gardés en captivité.

En terminant, je tiens à mentionner que le gouvernement n'a pas encore fini d'évaluer sa position en ce qui concerne ce projet de loi, car il veut s'assurer que son adoption n'aura pas de conséquences imprévues.

Merci de nous avoir invités. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci, madame Lapointe. Vous nous avez donné beaucoup d'information. Je suis convaincu que les sénateurs ont des questions très intéressantes à poser. Comme toujours, nous allons commencer par notre vice- présidente, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Merci encore de votre exposé.

Vous avez dit que vous délivrez des permis pour le sauvetage de cétacés en difficulté. Vous délivrez également des permis pour leur remise en liberté. Connaît-on le pourcentage de cétacés secourus qui ont été remis en liberté?

M. Burns : En ce qui concerne les cétacés, au cours des 10 dernières années, nous avons délivré un permis pour la capture d'un « faux » épaulard. L'animal a été amené à l'aquarium de Vancouver aux fins de réadaptation et il y est toujours. Au cours des 10 dernières années, nous avons délivré un permis pour la capture d'un cétacé aux fins de réadaptation à l'extérieur du site où il avait échoué. Nous n'avons pas encore délivré de permis pour sa remise en liberté et il est toujours là-bas.

La sénatrice Hubley : Cela n'est vraiment pas beaucoup. Ai-je tort de penser qu'un permis pour une baleine, en 10 ans, ce n'est pas beaucoup? Se peut-il que des baleines aient été amenées par d'autres moyens sans que vous le sachiez?

M. Burns : Non, pas à ce que je sache. Bien entendu, il y a d'autres activités de sauvetage de mammifères marins ayant un lien avec des cétacés. Par exemple, on voudra sans doute secourir une baleine échouée, ou une baleine prise dans les glaces ou quelque chose du genre, des situations où le ministère interviendra avec ses partenaires pour déplacer les animaux concernés du site de l'incident et les acheminer au centre de réadaptation.

La sénatrice Hubley : Si les capacités de sauvetage étaient augmentées, par exemple, si des ressources additionnelles étaient investies dans le Marine Mammal Rescue Centre de l'aquarium de Vancouver, est-ce que cela permettrait d'augmenter le nombre de sauvetages réussis à l'échelle du pays?

M. Burns : Je ne sais pas si je peux répondre à cela directement. À ce que je sache, il n'y a pas eu un seul incident où le ministère n'a pas délivré de permis pour que le cétacé concerné soit capturé vivant et amené ailleurs qu'à l'aquarium de Vancouver pour des raisons de capacité.

La sénatrice Hubley : Nous avons entendu parler du besoin de poursuivre les expériences scientifiques. S'il y avait plus de sauvetages, est-ce que l'on verrait aussi une augmentation de nombre de baleines que l'on ne pourrait pas remettre en liberté et qui seraient dès lors disponibles aux fins de recherche dans des établissements comme l'aquarium de Vancouver?

M. Burns : Encore une fois, je n'ai entendu parler que d'un seul incident où un permis a dû être délivré pour permettre la réadaptation du cétacé concerné. Dans toutes les autres situations, l'animal a dû être euthanasié sur place et de façon appropriée, ou on a réussi à le libérer de l'endroit où il avait échoué ou de son piège de glace.

La sénatrice Hubley : Un permis, et aucun permis n'a encore été délivré pour sa remise en liberté. Aucun permis n'a été délivré non plus.

M. Burns : Il n'y a eu aucune remise en liberté de cétacés en réadaptation.

Le sénateur McInnis : J'ai peut-être manqué quelque chose, mais j'aimerais bien comprendre de quoi il retourne. Je ne projette pas d'ouvrir un aquarium à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Toutefois, si c'était le cas, comment faudrait-il que je procède? À quel moment la province entre-t-elle en scène? À quel moment le ministère des Pêches et des Océans intervient-il en ce qui a trait aux permis? Si je réussis à ouvrir un établissement de ce type, qui est responsable des inspections de routine?

Sachez que les gens qui vous inondent de messages communiquent aussi avec nous, comme en témoignent les nombreux courriels qu'ils nous envoient. On entend constamment des accusations relatives à la mort de ces baleines en captivité ou aux mauvais traitements infligés aux cétacés.

Comment pourrais-je lancer mon entreprise? Qui veillerait à ce que ces mammifères soient bien protégés?

Mme Lapointe : À ma connaissance, les aquariums relèvent de la compétence provinciale. De plus, du point de vue de l'application de la loi dans le contexte de la cruauté envers les animaux — et ma collègue du ministère de la Justice pourra le confirmer —, cette responsabilité a également été déléguée aux provinces. Le ministère n'aurait aucun rôle en matière d'inspection ou de surveillance à cet égard.

Mme Klineberg : Permettez-moi d'apporter quelques précisions. De façon générale, je suis, moi aussi, d'avis que la réglementation des aquariums relèverait des provinciales. Toute inspection éventuelle et tout code relatif aux pratiques exemplaires, et cetera, seraient du ressort provincial.

Il existe des infractions criminelles au niveau fédéral. Elles sont d'application générale. Ces lois s'appliquent même aux secteurs qui sont régis par la législation provinciale. Commet une infraction quiconque cause sans nécessité à un animal une douleur, souffrance ou blessure. Il s'agit d'une infraction générale qui s'applique à tous les Canadiens. C'est l'une des nombreuses infractions criminelles qui peuvent englober n'importe quel contexte, notamment celui du traitement des animaux dans les aquariums.

Le droit pénal n'est pas un droit de nature réglementaire, en ce sens qu'il ne prévoit pas d'inspections de routine pour assurer le respect des dispositions pénales, comme ce serait le cas pour les inspections de routine destinées à assurer la conformité à une loi régissant les aquariums.

Pour qu'une question relève du criminel, on doit porter une affaire à l'attention des services de police locaux. Ces derniers auraient ensuite à mener une enquête. Selon les résultats de leur enquête, ils pourraient confier le dossier aux procureurs provinciaux, qui pourraient ensuite décider s'il faut ou non intenter une poursuite.

Il s'agit donc d'un processus différent de celui de nature réglementaire qui s'applique aux activités propres à une industrie, ce qui relève davantage du domaine provincial.

Le sénateur McInnis : C'est ce que je me disais parce que, lorsque ces animaux sont en captivité, ils appartiennent aux propriétaires de l'aquarium, n'est-ce pas? En gros, c'est de cela qu'il s'agit, et cela relèverait de la compétence des provinces.

Mme Klineberg : C'est exact. Toute loi qui porte précisément sur la propriété serait du ressort provincial, mais certaines infractions criminelles s'appliquent aux gestes que posent les gens à l'égard de la propriété. En général, cela n'exclut pas l'application du droit pénal.

Le sénateur McInnis : Oui, je comprends. Personne au ministère des Pêches et des Océans n'effectue des inspections de routine, dans ce cas-là. Est-ce exact?

Mme Lapointe : C'est exact.

Le sénateur McInnis : Le cas échéant, savez-vous qui s'en occupe?

Mme Lapointe : D'après ce que nous croyons comprendre, cela se fait à l'échelle provinciale.

Le sénateur McInnis : Oui, j'en suis conscient, mais avez-vous une idée de l'organisation qui serait chargée de le faire? Faut-il croire que ces exploitations existent, sans qu'il n'y ait d'inspections de routine?

Mme Lapointe : Je ne m'en souviens pas trop. Je pense qu'il y a une organisation chargée de réaliser des inspections. Je me rappelle avoir vu un rapport récent d'une telle organisation, mais son nom m'échappe. C'est à l'échelle provinciale.

Le sénateur McInnis : S'agit-il d'une organisation privée?

Mme Lapointe : Je crois comprendre qu'il s'agit d'une organisation provinciale.

Le sénateur McInnis : Relève-t-elle du gouvernement provincial, d'un ministère des Pêches ou des Ressources naturelles?

Mme Klineberg : Une des organisations qui ont été mentionnées est, je crois, l'Association des zoos et aquariums du Canada. Je ne suis pas une experte en la matière, mais je ne pense pas que ce soit une organisation provinciale. Je crois que c'est une association industrielle, en ce sens que chaque province déterminera séparément si la conformité aux normes établies par cette organisation est obligatoire.

Les provinces ont des lois pour la prévention de la cruauté envers les animaux, certaines desquelles sont de nature générale, au même titre que le Code criminel. Les provinces peuvent aussi disposer de lois précises. Je crois que l'Ontario a une loi concernant l'utilisation des animaux à des fins de recherche et d'expérimentation. Ces lois pourraient exiger une conformité à la norme de soins établie par le Conseil canadien de la protection des animaux ou l'Association des zoos et aquariums du Canada. L'exigence de conformité à ces types de normes varie d'une province à l'autre.

Le sénateur McInnis : Si je vous pose cette question, c'est parce que, selon un certain nombre d'accusations, des dizaines de ces mammifères seraient blessés, tués ou morts en captivité. J'aimerais savoir si c'est vrai. Ces accusations sont répétées à maintes reprises. Si elles ne sont pas vraies, notre comité est en droit de le savoir.

Je connais assez bien la législation provinciale, mais je ne me souviens d'aucune loi qui porte sur les responsabilités d'un ministère à l'égard des mammifères — en tout cas, ce n'est certainement pas dans le cas des ministères provinciaux des Pêches.

Ces accusations sont lancées jour après jour, depuis que ce dossier existe. Comme vous assumez la responsabilité des eaux marines, des voies navigables ainsi que des poissons et mammifères qui s'y trouvent, je pensais que le ministère des Pêches et des Océans pourrait s'y intéresser ou qu'une division pourrait se pencher là-dessus et nous dire si ces allégations sont vraies ou fausses.

Le ministère des Pêches et de l'Aquaculture de la Nouvelle-Écosse s'occupe de questions relatives aux pêches qui touchent ses cours d'eau. Ces affirmations sont-elles vraies? Quelqu'un au sein de votre ministère a-t-il exprimé des préoccupations au fil des ans?

Mme Lapointe : Je comprends votre inquiétude, mais la réglementation de ce qui se passe dans les aquariums dépasse complètement le mandat de notre ministère.

Arran pourra également confirmer, sur le plan scientifique, que nous mettons l'accent sur la recherche sur les animaux qui ne sont pas en captivité. Ils sont dans la nature. Même du point de vue scientifique, toute préoccupation liée à la santé de ces animaux serait en dehors du mandat de notre ministère.

Le sénateur McInnis : Je n'insisterai pas là-dessus. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : La préoccupation du sénateur McInnis est fort importante. On reçoit énormément de courriels, et des allégations de maltraitance ou de soins inadéquats prodigués aux animaux en captivité circulent. Si j'ai bien compris, au Canada, Marineland et l'aquarium de Vancouver sont les deux endroits où l'on tient des cétacés en captivité.

Mme Lapointe : C'est exact.

Le sénateur Forest : Votre ministère procède à des inspections en ce qui concerne les activités de pêche — le type de capture par rapport à différents quotas, notamment —, mais il ne fait pas d'inspections comme telles pour veiller à l'application de cette loi. Il existe un nombre impressionnant de règles qui régissent cette activité, mais aucun contrôle n'est effectué pour vérifier le respect de ces règles.

Mme Lapointe : Les règles que j'ai décrites ne s'appliquent pas aux aquariums. Le ministère n'a aucun rôle à jouer dans ces organisations-là.

Le sénateur Forest : Ne serait-il pas pertinent que le ministère, s'il n'a aucun rôle à jouer à ce chapitre, puisse indiquer clairement qui a la responsabilité de s'assurer que ces lois soient respectées? C'est donc l'industrie qui s'autorégularise elle-même.

Mme Lapointe : Il existe une organisation canadienne qui accrédite les aquariums pour s'assurer que leurs opérations respectent certaines normes. Le ministère des Pêches et des Océans applique les lois que j'ai décrites, mais elles ne concernent pas les aquariums. Environnement Canada joue un rôle en matière d'importation et d'exportation des cétacés, mais aucun élément de notre mandat ne s'applique aux aquariums.

Le sénateur Forest : Si on connaissait l'organisation, on pourrait rassurer les gens qui nous interpellent. À titre d'exemple, au Québec, les refuges pour animaux sont régis par une loi fédérale sur la maltraitance, mais il y a également une loi provinciale qui relève du ministère de l'Agriculture. Donc, s'il y a des allégations ou des doutes, on peut faire appel au MAPAQ pour qu'il fasse une inspection pour distinguer le vrai du faux. S'il y a des correctifs à apporter, ce sera fait.

En ce moment, nous sommes dans de l'eau trouble. On a une loi, mais on ignore qui est en mesure de vérifier si elle est respectée. À mon avis, c'est un point important. Il y a une panoplie de règlements. Il faut s'assurer qu'ils soient respectés.

J'ai une dernière question à vous poser. Depuis 1996, Vancouver ne garde plus de cétacés en captivité. Est-ce aussi le cas de Marineland?

M. Burns : Pas au Canada.

Le sénateur Forest : Donc, on les capture à l'extérieur.

M. Burns : C'est possible. Je n'ai pas délivré de permis pour le transport de cétacés. Donc, s'ils achètent des cétacés ailleurs...

Le sénateur Forest : Si j'achète un cétacé, il n'est pas envoyé par la poste.

M. Burns : Depuis 1990, on n'a pas délivré de permis pour la capture de cétacés.

Le sénateur Forest : Vous ne savez pas si Marineland, par exemple, a acquis de nouveaux cétacés.

M. Burns : Je ne le sais pas.

[Traduction]

Le président : Simplement pour donner suite à vos questions, je signale que, d'après notre liste d'invités possibles, nous pourrions recevoir le Conseil canadien de protection des animaux, un organisme national chargé de l'établissement, de la mise en œuvre et de l'encadrement de normes d'éthique rigoureuses pour la recherche avec des animaux; et Aquariums et zoos accrédités du Canada, un organisme de bienfaisance privé qui représente les principaux aquariums et zoos du pays, notamment Marineland et l'aquarium de Vancouver. Nous les inviterons à notre comité pour répondre aux questions complémentaires que les sénateurs ont posées ce matin.

Le sénateur Gold : Merci de votre exposé. Je comprends que le gouvernement étudie toujours sa position relativement au projet de loi. Vous avez été élégamment discrète en nous invitant à tenir compte de quelques questions, mais permettez-moi de solliciter votre opinion sur certains des problèmes soulevés par le projet de loi.

Vous avez mentionné que nous pourrions examiner ses répercussions possibles, puisque le projet de loi pourrait nuire à la réadaptation des cétacés et à la recherche les concernant. J'ai une question à deux volets.

Premièrement, le projet de loi n'exclut-il pas les cétacés en captivité parce qu'ils sont blessés ou parce qu'ils sont en réadaptation?

Deuxièmement, en ce qui concerne la recherche, abstraction faite de la possibilité que ces animaux fassent quand même l'objet de recherches pendant qu'ils sont en captivité et en réadaptation, même si ce n'est pas à des fins d'exposition publique, pourriez-vous nous parler des défis qui s'y rattachent et nous dire dans quelle mesure la recherche sur les cétacés est effectuée en milieu sauvage?

Le parrain du projet de loi nous a dit que l'adoption du projet de loi ne pose aucun problème parce que la recherche peut se faire, après tout, dans le milieu naturel. D'après vous, quelles sont les limites, s'il y a lieu, des recherches menées exclusivement dans la nature.

Mme McPherson : Je vais commencer par la deuxième partie de votre question qui porte sur la recherche.

Comme ma collègue, Sylvie, l'a expliqué, le programme scientifique de Pêches et Océans Canada concerne essentiellement des recherches sur les populations sauvages afin d'éclairer son mandat. Il faut donc mettre en place des décisions réglementaires ou des mesures de gestion pour que nous soyons en mesure de maintenir des écosystèmes aquatiques sains.

Un domaine de recherche important pour nous est celui sur les baleines, les dauphins et les marsouins dans les eaux canadiennes. Pour ce faire, nous menons une surveillance en milieu naturel. Nos chercheurs se servent de diverses techniques de recherche en utilisant l'ADN, les tissus d'animaux et, parfois, les organes reproductifs d'organismes, morts ou vivants. La collaboration est un des tenants fondamentaux de notre travail ou un des principaux ingrédients d'un programme de recherche actif.

Certaines de nos espèces chevauchent des frontières, comme l'épaulard résident du Sud en Colombie-Britannique et les baleines franches de l'Atlantique Nord sur la côte Est. Dans ces deux cas, nous collaborons étroitement avec nos homologues américains par l'entremise de nos programmes de recherche pour examiner les taux de reproduction d'une espèce et pour déterminer si les changements climatiques pourraient avoir une incidence sur la situation des populations.

Dans le cadre de ces études, nous devons envoyer des échantillons de tissus d'un animal au-delà des frontières nationales. Je vous invite donc à examiner si le libellé actuel du projet de loi permettra une telle pratique parce qu'il s'agit d'un aspect essentiel de notre travail.

Un autre aspect tout aussi important, c'est lorsque nous repérons malheureusement un animal mort — par exemple, une baleine morte — et que nous voulons entreprendre un examen post mortem ou une autopsie, pour ainsi dire, afin de déterminer les facteurs qui ont causé la mort de l'animal. Nous faisons ce travail parfois à l'interne, avec l'aide des scientifiques du ministère, mais là encore, nous avons parfois recours à des partenaires, experts et laboratoires dans d'autres pays du monde pour obtenir des conseils sur les maladies et les anomalies génétiques qui pourraient avoir causé la mort de l'animal.

À la lumière de ces renseignements, nous pouvons ensuite prendre des mesures quant à la gestion de notre organisation pour essayer d'atténuer ces problèmes éventuels. Encore une fois, le libellé de la version actuelle pourrait avoir une incidence sur notre capacité d'y arriver.

Le sénateur Gold : Seriez-vous en mesure de préciser le libellé en cause ou de proposer des modifications qui pourraient dissiper votre crainte que le projet de loi entrave vos objectifs de recherche légitimes?

Mme McPherson : Je suis une scientifique. Je ne suis pas une législatrice ou une avocate, alors je ne saurais répondre à cette question. Je voulais simplement vous proposer ces pistes de réflexion.

Le sénateur Gold : Merci.

Le sénateur Plett : Merci, madame Lapointe, de votre excellent exposé. J'avais une liste de questions à vous poser, mais vous y avez répondu dans votre exposé, alors je vous en remercie.

J'aimerais confirmer un point dont vous avez parlé, je crois : l'aquarium de Vancouver et Marineland seraient considérés comme des partenaires

Mme Lapointe : Dans le cas de l'aquarium de Vancouver, oui, j'ai indiqué que nous avions mené ensemble certains travaux.

Le sénateur Plett : D'accord, mais pas avec Marineland.

Mme Lapointe : Pas que je sache.

Le sénateur Plett : Mes autres questions s'adressent surtout au ministère de la Justice, ou peut-être que non.

À partir de 2012, l'Ontario a entrepris un processus d'examen législatif et scientifique de trois ans, qui a mené à la création d'une commission consultative scientifique indépendante et internationale ainsi qu'à la production d'un rapport complet, à la création d'un groupe consultatif technique et à la tenue d'audiences publiques, après quoi la province a adopté une loi et une réglementation régissant les soins fournis aux mammifères marins.

La loi permet expressément de maintenir en captivité des mammifères marins et de mettre en œuvre des règlements très rigoureux concernant les soins et les traitements à leur donner.

Vous avez déjà répondu à ma première question, alors je vais passer à la deuxième. Compte tenu du cadre législatif et réglementaire exhaustif de l'Ontario sur la mise en captivité de cétacés, le projet de loi à l'étude n'empiète-t-il pas sur la compétence provinciale?

Mme Klineberg : D'entrée de jeu, je tiens à rappeler au comité que je me spécialise en droit criminel. Cette question porte plutôt sur le droit constitutionnel, mais comme j'ai souvent affaire à ce genre de questions dans divers contextes, j'estime pouvoir dire au comité, avec assez de confiance, qu'on pourrait se trouver en présence d'un chevauchement de compétences lorsqu'il s'agit d'un même type de contexte ou de conduite.

En effet, un sujet peut faire l'objet d'un règlement provincial en vertu des chefs de compétence provinciale, comme la propriété et les droits civils, tout en relevant d'une réglementation fédérale en matière de droit pénal. En cas de conflit entre ces deux mesures, c'est le droit pénal fédéral qui l'emporterait.

Autrement dit, afin que ce soit bien clair pour tout le monde, la loi provinciale n'évincerait pas l'application du droit pénal fédéral, mais ce serait plutôt l'inverse. Telle est la convention constitutionnelle au Canada.

Le sénateur Plett : Puisque vous êtes criminaliste, permettez-moi de vous poser la question suivante. La seule façon dont les architectes du projet de loi pourraient, me semble-t-il, faire en sorte que cette question relève de la compétence fédérale, c'est en criminalisant le comportement. Autrement dit, pour que le projet de loi puisse aller de l'avant, les dispositions du Code criminel doivent demeurer intactes.

Voici donc ma question : même si on adoptait l'amendement proposé visant à rendre cette infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, comme le sénateur Moore nous l'a expliqué l'autre jour, l'accusé reconnu coupable pourrait-il se retrouver avec un casier judiciaire et être passible d'une peine d'emprisonnement?

Mme Klineberg : Je vous remercie, sénateur. Je crois que cette question comporte, à vrai dire, deux parties.

En ce qui concerne la première partie, je dirai que je ne suis pas la bonne personne pour répondre à la question de savoir si le droit pénal serait la seule compétence fédérale en vertu de laquelle on pourrait adopter une mesure législative portant sur les cétacés en captivité.

Il pourrait y avoir d'autres chefs de compétence, et je recommanderais au comité d'inviter un spécialiste en droit constitutionnel. Nous avons de tels collègues au sein du ministère de la Justice, et ils seraient peut-être mieux placés pour aborder cet aspect de la question.

La deuxième partie de votre question était de savoir s'il y a lieu de modifier la structure des peines que l'on propose d'inclure dans le Code criminel, et la réponse à cette question est oui. Même s'il s'agissait d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, elle serait quand même considérée, à juste titre, comme une infraction criminelle relevant du chef de compétence en matière pénale, et toute conséquence qui en découlerait serait de nature pénale.

Le sénateur Plett : Comme vous hésitez à répondre aux autres questions, je ne vais pas les poser.

Le sénateur Gold : Mon intervention fait suite à la question posée par le sénateur Plett, ou peut-être qu'il s'agit plutôt d'une observation.

Le principe de la prépondérance fédérale s'applique, peu importe le chef de compétence fédérale visé; par conséquent, dans la mesure où le projet de loi pourrait relever de la compétence en matière de pêcheries — et je ne dis pas que c'est faisable ou non —, il l'emporterait même en cas de conflit avec une loi provinciale.

Le constitutionnaliste en moi s'est senti obligé d'ajouter cette précision, mais vous avez parfaitement bien répondu à la question. Merci.

Le président : Merci, sénateur Gold. Nous risquons de vous inviter comme témoin à l'avenir.

La sénatrice Hubley : J'aimerais poser une question supplémentaire dans le même ordre d'idées.

Le projet de loi S-203 propose de créer une infraction de cruauté envers les animaux en ce qui concerne plus particulièrement les pratiques de reproduction des cétacés. Une telle infraction fera-t-elle partie de la loi fédérale ou relèvera-t-elle plutôt de la compétence provinciale?

Mme Klineberg : Il est vrai que les infractions prévues actuellement dans le Code criminel relativement à la cruauté envers les animaux sont de nature générale. La plupart d'entre elles s'appliquent à tous les animaux. Il n'y a aucune infraction propre à une espèce d'animal, mais je ne suis au courant d'aucun principe constitutionnel, pénal ou autre qui rendrait une telle mesure inacceptable, inappropriée ou illégale, par exemple, si le Parlement devait criminaliser une forme très précise d'activité.

Ce n'est pas la spécificité qui détermine si une disposition relève du fédéral ou du provincial. La question à se poser est la suivante : quel est l'objectif principal visé par la loi? Si son objectif est de condamner une pratique qui est moralement répréhensible et de chercher à dénoncer cette pratique et à punir les contrevenants qui s'y adonnent, il s'agit alors d'une loi de nature pénale.

Par contre, si l'objectif fondamental consiste à protéger l'intérêt public ou à assurer la conformité à une série de règles qui sont généralement en place pour favoriser l'exécution efficace et sûre de certaines activités, on a alors affaire surtout à des règlements portant sur des activités concrètes, prises séparément. De tels règlements sont plus susceptibles de relever des chefs de compétence provinciale.

C'est donc, en réalité, l'objectif principal pour lequel une disposition est adoptée qui détermine le pouvoir législatif, que ce soit la compétence fédérale — en l'espèce, le droit pénal — ou la compétence provinciale.

Le président : Comme il n'y a pas d'autres sénateurs qui souhaitent intervenir, je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de se joindre à nous ce matin. Vous nous avez fourni des renseignements importants pour la suite des choses. Bien entendu, comme toujours, nous nous réservons le droit de vous convoquer de nouveau à mesure que nous poursuivons notre étude du projet de loi S-203. Merci infiniment.

Je demanderai aux sénateurs de patienter quelques instants. J'aimerais que nous siégions à huis clos pour une discussion de cinq minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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