LE COMITÉ PERMANENT DU RÈGLEMENT, DE LA PROCÉDURE ET DES DROITS DU PARLEMENT
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2018
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd’hui à 9 h 30 afin de rédiger et de proposer des modifications au Règlement pour établir le Comité permanent de l’audit et de la surveillance.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues et membres du public en général. Je rappelle à mes collègues que notre réunion est télédiffusée. Bienvenue à tous à cette réunion du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.
Je commence par demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, sénateur du Québec.
Le sénateur Joyal : Serge Joyal, sénateur du district de Kennebec, au Québec.
Le sénateur Gold : Marc Gold, sénateur du district de Stadacona, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Woo, de la Colombie-Britannique.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du district de Chaouinigane, au Québec.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Denise Batters, de la magnifique province de la Saskatchewan.
[Français]
Le président : Je suis le sénateur Leo Housakos, de la belle province de Québec.
[Traduction]
Chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui parce que, le 27 mars 2018, le Sénat a adopté le vingt-et-unième rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. C’est notre troisième réunion depuis l’ordre de renvoi donnant suite à ce rapport.
Le rapport prévoit que notre comité rédige et propose des modifications au Règlement du Sénat pour établir le comité permanent de l’audit et de la surveillance. Je voudrais prendre un instant pour rappeler ce que cela implique. Notre comité n’a pas comme mandat de réaliser une autre étude exhaustive sur les divers aspects du nouveau comité à établir, car le Comité de la régie interne a déjà chargé l’un de ses sous-comités d’étudier cette question pendant un certain nombre de mois, puis en a discuté. De plus, le Sénat a adopté un rapport qui lui a été présenté là-dessus, avec toutes ses recommandations et tous les paramètres visant la création d’un comité de surveillance. Les décisions sur la composition de ce comité et les autres questions du genre ont déjà été prises. Notre rôle consiste à apporter les modifications nécessaires au Règlement pour que ce qui a déjà été adopté puisse être mis en œuvre.
Afin de nous aider à bien nous concentrer sur notre étude, nous pouvons compter sur notre collègue le sénateur Wells, qui a déjà présidé le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et qui est un ancien membre du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, où il a piloté beaucoup de travaux à titre de membre du comité de direction de ce comité sénatorial.
Alors, sénateur Wells, j’ai dit ce qu’il fallait et je vous cède maintenant la parole.
L’honorable David M. Wells : Merci, monsieur le président, et bonjour à vous, chers collègues. Le sénateur Woo me disait tout à l’heure que je pouvais probablement aborder la question « les yeux fermés ». Effectivement, c’est un sujet dans lequel je me sens passablement à l’aise, ce qui me permet de croire que vous avez raison. Vous m’avez entendu assez souvent. Vous pourriez probablement, vous aussi, aborder la question les yeux fermés.
Je vais commencer par faire la genèse du dossier. En 2014-2015, le Sénat a invité le vérificateur général à effectuer une vérification exhaustive des frais de subsistance, des frais de déplacement et des dépenses de bureau des sénateurs. Le vérificateur général s’est exécuté en faisant porter son examen sur une période de deux ans.
Il m’apparaît important de souligner, comme je le ferai à quelques reprises au fil de mes observations, que le vérificateur général n’a examiné que de 15 à 20 p. 100 de l’ensemble des dépenses du Sénat. Au cours de ces deux années, le budget du Sénat était de 90 à 100 millions de dollars par année.
Le vérificateur général a examiné les frais de subsistance des sénateurs, qui représentent moins de 4 p. 100 du budget du Sénat, ainsi que les dépenses de bureau et les frais de déplacement, qui représentent moins de 15 p. 100 des enveloppes budgétaires des bureaux de sénateur. Notons que, bien que le vérificateur général ait pu examiner les salaires du personnel des sénateurs et leurs dépenses de bureau, il n’a fait aucune observation à ce propos dans son rapport. Alors, soit il n’a constaté aucun problème dans ces dépenses, soit il ne les a pas examinées. Je suppose que c’est plutôt la première hypothèse qui est la bonne, quoique je ne devrais peut-être pas faire des hypothèses.
Le vérificateur général n’a toutefois pas examiné le reste des dépenses du Sénat, qui constituent de 75 à 80 p. 100 du total. À mon avis, c’est une omission grave de sa part parce que ces dépenses faisaient partie du mandat que le Sénat lui avait confié. Il devait examiner les dépenses du Sénat, y compris celles des sénateurs, mais sa vérification a porté uniquement sur les dépenses des sénateurs.
Voilà donc où nous en sommes. Le coût a changé. Je croyais au départ qu’il était de 23 millions de dollars, mais on m’a indiqué que je m’étais trompé et qu’il était de 27 millions de dollars, chers collègues.
L’une des recommandations consistait à établir une sorte de mécanisme d’audit et de surveillance, et c’est la raison pour laquelle nous devons aujourd’hui préparer une proposition visant à établir le comité de l’audit et de la surveillance.
Vous vous rappelez sans doute que, dans son cinquième rapport, le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat parlait de la structure du nouveau comité. Il était notamment question d’y inclure cinq sénateurs. On estimait que le nombre de sept serait trop élevé, tandis qu’en prévoyant seulement trois membres, on risquerait d’avoir des difficultés sur le plan du quorum. Si le quorum est de deux, les réunions pourraient n’être que de simples discussions où il n’y a pas de désaccord, plutôt que des débats où des points de vue s’opposent comme il est important que ce soit toujours le cas dans les débats au Sénat. Le rapport disait aussi qu’aucun membre du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ne devait faire partie du nouveau comité parce qu’il ne faut pas que ce soit les mêmes personnes qui autorisent les dépenses et qui vérifient comment l’argent est dépensé, conformément au principe de la séparation des responsabilités qu’a fait valoir le vérificateur externe du Sénat, Andrew Newman, de KPMG. En outre, le nouveau comité devrait relever de la plus haute autorité, c’est-à-dire le Sénat lui-même, et il devrait être autorisé à poursuivre ses travaux lorsque le Parlement ne siège pas, notamment pendant les prorogations et les campagnes électorales.
La question de la présence, au sein du nouveau comité, de personnes qui ne sont pas des sénateurs a été soulevée un certain nombre de fois, chers collègues. Or, comme le sénateur Joyal l’a indiqué à quelques reprises, cette question amène celle des privilèges parlementaires dont jouissent les sénateurs lors de leurs travaux au Sénat et au sein de leurs comités ainsi que la question de la probité de personnes qui ne seraient pas des parlementaires, mais qui prendraient des décisions relativement à la gestion financière du Sénat.
À cet égard, je propose de faire du vérificateur externe, un poste qui existe toujours au Sénat, et du vérificateur interne, un poste que le vérificateur général recommande de créer, des conseillers permanents et à temps plein du nouveau comité.
La question de savoir si des réunions du nouveau comité doivent se tenir à huis clos est très importante. Nous avons recommandé que toutes les réunions où des témoignages sont reçus soient publiques, de manière à ce qu’on ne puisse jamais remettre en question la transparence des travaux. Le nouveau comité pourrait se réunir à huis clos lorsqu’il s’agit de respecter l’article 12-16 du Règlement du Sénat, c’est-à-dire lors de l’étude de la version préliminaire d’un rapport. En outre, le nouveau comité pourrait se réunir à huis clos aussi lorsqu’il aurait à entendre un témoignage portant sur des travaux à huis clos, par exemple, sur une réunion du comité de direction du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui se réunit toujours à huis clos. Sinon, les réunions du nouveau comité seraient toujours ouvertes au public. Elles ne seraient pas uniquement suivies par les sénateurs membres du comité ou par la centaine de sénateurs constituant le Sénat, auxquels le comité aurait à rendre des comptes. Elles pourraient être regardées aussi par quiconque s’intéresse aux dépenses du Sénat. Comme le sénateur Tannas l’a indiqué, à juste titre, 35 millions de paires d’yeux regarderaient les travaux du nouveau comité.
Par ailleurs, chers collègues, la question du modèle britannique a été soulevée à quelques reprises. J’ai lu les transcriptions des réunions de la semaine dernière. Je sais que la sénatrice Moncion a parlé de ce modèle et qu’il en a été question aussi dans les réunions antérieures. La sénatrice a déclaré ne pas avoir eu la chance d’examiner le modèle du Royaume-Uni. Alors, j’ai abondamment discuté de ce modèle avec Matthew Hamlyn, greffier principal de l’autorité indépendante des normes parlementaires, à Londres, et avec Marcial Boo, PDG et membre du conseil d’administration de cet organisme. Permettez-moi de vous lire quelques-unes des notes que j’ai prises lors de cette discussion et qui pourraient être utiles pour nos délibérations d’aujourd’hui.
Premièrement, les dépenses des lords sont publiées avec passablement de détails, comme c’est le cas des dépenses des sénateurs canadiens. La présence, au sein du comité, de personnes qui ne sont pas des parlementaires, a effectivement comme conséquence, selon mes interlocuteurs britanniques, de rendre la situation moins claire en ce qui a trait aux privilèges et aux obligations des parlementaires.
L’une des règles appliquées au Royaume-Uni qui me semblent intéressantes et qui pourraient nous être utiles est celle qui veut que tout désaccord soit consigné. Les dépenses qui font l’objet d’un refus sont indiquées, et je pense que c’est un facteur très important, qui peut déterminer la conduite des sénateurs.
L’autorité indépendante se réunit en public pour recevoir les témoignages, mais à huis clos pour délibérer et pour examiner ce que nous appellerions la version préliminaire d’un rapport.
En outre, il existe un comité de lords qui est composé uniquement de membres de la Chambre des lords.
L’autorité indépendante des normes parlementaires relève d’un conseil d’administration, mais en fin de compte, elle doit aussi rendre des comptes au Parlement, comme dans la suggestion qui nous est faite.
L’autorité examine en profondeur des questions pointues, et j’en reparlerai dans un instant, lorsque j’aborderai ma proposition en vue d’établir le comité d’audit et de surveillance.
Il était intéressant d’entendre le greffier principal et le PDG me dire que l’information présentée à l’autorité indépendante est désormais ennuyante. Les médias ou le public ne sont plus assoiffés de scandales, et la question des dépenses des parlementaires ne fait plus l’objet d’un débat public parce que la transparence a pour effet d’aseptiser le dossier. Comme vous le savez, chers collègues, la question des dépenses des parlementaires a suscité des discussions orageuses il y a cinq ou six ans, au Royaume-Uni, mais elle a disparu des débats publics aujourd’hui.
Je pense que c’est une bonne chose. Nous avons pu observer le même phénomène dans le cas du Sénat du Canada. Manifestement, la question des dépenses des sénateurs était au premier plan de l’actualité il y a environ deux ans, en 2014 et 2015, mais elle n’est plus débattue publiquement. Toute l’information est publiée. Il ne nous manque plus qu’un mécanisme d’audit et de surveillance concernant les autres dépenses, qui constituent 75 p. 100 des dépenses du Sénat.
Voilà donc le modèle britannique, et j’ai pu en discuter assez longtemps. Mes interlocuteurs m’ont dit que l’autorité indépendante des normes parlementaires conseille plus de 30 autre pays ou parlements qui fonctionnent selon le système de Westminster ou selon un autre système. Ils ont conseillé plus de 30 autres pays sur l’établissement, le fonctionnement et la production de rapports d’un comité comme celui que nous envisageons actuellement.
J’aimerais dire un mot sur une observation contenue dans le rapport du vérificateur général, à savoir que les dépenses des sénateurs qui ont été examinées ne faisaient pas partie d’un échantillon aléatoire. La vérificatrice qui est venue à mon bureau m’a dit assez directement que c’était sans précédent et que, normalement, les vérifications se font à partir d’un échantillon aléatoire, ce qui, justement, garantit l’intégrité des vérifications.
Je propose que le comité d’audit et de surveillance ait comme règle de se servir d’échantillons aléatoires. Rappelons-nous, chers collègues, que ce ne sont pas les sénateurs qui constitueraient eux-mêmes l’échantillon. C’est l’équipe des finances de l’Administration du Sénat qui serait chargée de constituer l’échantillon aléatoire de dépenses des sénateurs. Le nom du sénateur ne serait pas indiqué à moins qu’une fraude ou un méfait ne semblent avoir été commis. Nous pourrons ainsi savoir non seulement si nos mécanismes et nos systèmes fonctionnent bien, mais également si les personnes qui utilisent les deniers publics suivent les règles.
L’échantillonnage aléatoire permettrait d’examiner les dépenses à deux égards. Premièrement, pour ce qui est des dépenses des 100 sénateurs, ou des 105 sénateurs si tous les sièges sont pourvus, on choisirait un nombre suffisant de sénateurs et de rapports de dépenses pour constituer un échantillon représentatif. Je ne sais pas combien de rapports de dépenses un sénateur peut faire par année, mais disons que c’est entre 20 et 30. Comme nous savons qu’il y a 100 sénateurs, il serait possible de déterminer combien de rapports devraient être inclus dans l’échantillon aléatoire pour qu’il soit représentatif. Une fois ce nombre déterminé, l’échantillon aléatoire serait constitué. Il ne s’agirait pas de sélectionner deux rapports de sénateur indépendant, deux rapports de sénateur conservateur et deux rapports de sénateur libéral. On constituerait plutôt un échantillon aléatoire chaque année, et les rapports de dépenses inclus dans l’échantillon seraient anonymisés avant d’être soumis au comité, donc au Sénat.
Il s’agit du premier volet, que je qualifie de volet régulier du travail qu’aurait à effectuer le comité de l’audit et de la surveillance. Le deuxième volet correspond à l’audit d’une direction, d’une composante ou d’un processus. Le Sénat comprend 12 directions, et vous savez sans doute qu’au cours des dernières années, nous avons mené des vérifications exhaustives sur certaines d’entre elles. Les ressources humaines en faisaient partie, et le sénateur Housakos s’est penché sur la Direction des communications. Des changements structurels et opérationnels majeurs ont été apportés à ces deux directions. Je propose que le comité de l’audit et de la surveillance procède à des vérifications en profondeur des 12 directions sur une base régulière. Une ou deux vérifications pourraient avoir lieu chaque année, selon l’importance de la direction. Bien entendu, l’huissier du bâton noir forme une direction à lui seul. Dans son cas, il s’agit donc d’une petite composante, alors que d’autres directions comptent des dizaines d’employés. La gestion de l’approvisionnement, par ailleurs, représente d’énormes dépenses. Nous devons savoir si les choses sont faites correctement, et si des pratiques exemplaires ont été adoptées. Je pense que tout le monde conviendra de la pertinence de mener de telles vérifications.
Le troisième volet, chers collègues, porte sur les projets spéciaux, qu’ils soient dirigés par le comité lorsque des idées sont soulevées, ou par le Sénat en temps opportun. Je pense notamment aux dépenses importantes du Sénat reliées au fonds de pension. En effet, le Conseil du Trésor utilise un taux de rendement de 1,9 p. 100 pour le fonds de pension du Sénat, comparativement à un taux de 12,8 p. 100 pour celui de la fonction publique. Pourquoi un tel écart? Ce taux de rendement ne change rien pour les sénateurs, mais entraîne des coûts énormes pour le Sénat. Je voudrais savoir pourquoi. Personne n’a de comptes à rendre. Je pense que le comité de l’audit et de la surveillance devrait se pencher sur ce problème dans une perspective plus large, de même que sur certains types de dépenses aléatoires et renouvelables qui touchent évidemment la population.
En ce qui a trait au travail régulier que nous comptons effectuer auprès des directions, vous vous rappellerez sans doute qu’en 2014 et en 2015, nous avons mis en place pour la première fois un exercice de budgétisation à base zéro pour toutes les directions. À l’époque où je présidais le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat, nous avions examiné, en partant de zéro, les dépenses encourues par chaque direction sur une période de deux ans. Nous étions au courant des fonds prévus dans le budget, mais nous ne disposions d’aucun mécanisme pour comprendre la façon dont cet argent avait été dépensé. Nous supposons qu’il a été dépensé. Nous pouvons compter sur des fonctionnaires responsables, et les fonds avaient été approuvés par le comité de la régie interne. Nous sommes rendus à un stade où nous ne pouvons que supposer que ces fonds ont été dépensés correctement. Je crois qu’ils l’ont effectivement été, mais je suis d’avis que nous devons mettre en place un système pour être dorénavant en mesure de le confirmer.
Il s’agirait du deuxième niveau des activités régulières du comité de l’audit et de la surveillance.
Chers collègues, je pense avoir fait le tour du sujet. Plusieurs d’entre vous étaient déjà familiarisés avec ce que je viens de dire, mais je serai ravi de répondre aux questions.
Le président : Merci, sénateur Wells.
Le sénateur Joyal : Je vous remercie pour votre intervention, sénateur. Je souhaite revenir au modèle britannique, et particulièrement au modèle de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Comme vous le savez, nos privilèges sont calqués sur les privilèges établis par la Chambre des communes de Westminster en vertu du droit constitutionnel.
Pourriez-vous nous expliquer encore une fois le raisonnement qui sous-tend les règles britanniques relatives à la participation de membres externes au comité? Lorsque je parle de « membres externes », je pense surtout, bien entendu, à des comptables agréés ou à toute personne en mesure d’analyser des chiffres et d’évaluer les règles d’audit qui s’appliquent normalement en pareil cas.
Le sénateur Wells : C’est une excellente question. Comme je l’ai mentionné plus tôt, lors d’une discussion avec M. Boo et M. Hamlyn, ceux-ci m’ont fait comprendre que les règles britanniques avaient été adoptées rapidement, certes, mais non de façon précipitée. Cela fait des années que nous peaufinons nos propres règles, et j’ai espoir que nous faisons les choses correctement.
Ils m’ont également dit qu’il était délicat d’autoriser de simples citoyens ou des non-parlementaires à siéger au comité, où ils pourront se prononcer notamment sur des questions de privilège et — comme le savent ceux qui participé à l’audit réalisé par la vérificatrice générale il y a quelques années — sur la définition du rôle exact d’un sénateur.
Je suis conscient qu’en tant que sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, mes — je veux éviter de dire « tâches », parce que je ne suis pas tenu de faire autre chose que de siéger au Sénat pour débattre, et de siéger en comité pour débattre —, mes activités à titre de sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador sont très différentes de celles d’un sénateur de l’Alberta, de l’Ontario ou du Québec, car ces derniers représentent d’autres régions en particulier. Il en va de même pour les membres d’un comité comme celui-ci. Ils doivent s’occuper des problèmes engendrés par le privilège de pouvoir prendre des décisions financières grâce à une autorité supérieure.
En ce qui concerne l’importance de pouvoir compter sur des experts au comité, nous disposons bien entendu de 105 sénateurs qui possèdent des compétences dans tous les domaines. Je propose la nomination de M. Newman, qui a travaillé pour la société KPMG, pour le poste de vérificateur externe, car celui-ci est déjà un expert dans le domaine des vérifications externes. Il m’a dit qu’il participe chaque année à des centaines de vérifications externes à titre d’expert et de conseiller.
À l’heure actuelle, sénateur Joyal, il n’existe pas de poste, ni même de fonction, de vérificateur interne. Le vérificateur général avait pourtant recommandé la création de ce poste. Je suggère que le vérificateur interne — et il pourrait y en avoir plusieurs — agisse en tant que conseiller permanent aux côtés du vérificateur externe. Je parle d’un conseiller permanent, ou de plusieurs, car si nous devons entreprendre la vérification exhaustive d’une direction, par exemple celle des ressources humaines, je serais rassuré de pouvoir compter sur la présence d’un expert en ressources humaines, quelqu’un ayant travaillé dans ce domaine et qui le connaît à fond. Le même principe s’applique en matière d’approvisionnement, ou de vérification financière. Plusieurs domaines requièrent une expertise particulière, et j’inviterais le ou les auditeurs externes à agir en tant qu’expert pour le comité.
Voici comment j’envisage la suite des choses. Nous allons respecter la question de privilège, car il demeure très important qu’un comité sénatorial soit composé de sénateurs. Toutefois, lors d’un processus de vérification, nous pourrons faire appel à des experts possédant les compétences spécifiques requises.
Le sénateur Joyal : Je n’ai pas consulté le Règlement, mais je crois comprendre qu’au Royaume-Uni, cela fait partie des règles. Monsieur le président, nous devrions peut-être faire parvenir un exemplaire des règles britanniques aux sénateurs, afin d’examiner le statut et son libellé — il est toujours judicieux de prendre en considération certains exemples — et de comprendre la façon dont les Britanniques ont légiféré en cette matière, surtout si ces règles ont été consultées, comme vous le dites, par 30 groupes ou parlements distincts.
Je songe également au cas où ce comité pourrait être amené à examiner les dépenses d’un sénateur et le prendre en défaut. Prenons une situation que nous avons connue lors de la vérification juricomptable du vérificateur général. Supposons que le sénateur concerné avait reçu l’autorisation de faire rembourser ses frais de voyage par le Sénat, mais que l’auditeur a conclu qu’une telle autorisation n’aurait jamais dû avoir lieu. Le sénateur, bien entendu, souhaite en appeler de cette décision. Mais à qui va-t-il s’adresser? Au Sénat dans son ensemble, au comité de la régie interne ou encore à ce comité?
Le sénateur Wells : Le sénateur Sinclair a soulevé un excellent point la semaine dernière. Force est de constater que dans le cas du sénateur Duffy, celui-ci avait demandé le remboursement de ses dépenses.
Le sénateur Joyal : Je préfère ne nommer personne.
Le sénateur Wells : Je sais, mais je tenais à rappeler un événement qui s’est réellement produit et dont tout le monde est au courant. Le sénateur Duffy a réclamé le remboursement de dépenses. Ce remboursement a été accepté, puis il a été refusé par une autre instance, avant d’être à nouveau accepté par un juge. Un processus indépendant a alors été entamé en présence du juge Binnie, et je ne sais pas ce qu’il aurait trouvé. Il s’agit d’un problème de système. Nous devons garantir l’intégrité de nos systèmes lorsqu’il est question d’une personne dont les dépenses ont été acceptées et ensuite refusées. Je crois que nos systèmes manquaient d’intégrité avant les importantes restructurations qui ont eu lieu depuis lors. C’est une excellente question, et le sénateur Sinclair s’est exprimé de façon beaucoup plus concise que moi. Je rappelle qu’il y avait quatre volets et deux ou trois opinions différentes.
Le sénateur Joyal : Si nous devons adopter des règles concernant les vérifications, je pense que nous devrions également adopter une bonne façon de procéder en cas de différend au sujet de l’admissibilité d’une dépense.
Je vous renvoie au code d’éthique. Dans le cas où le conseiller sénatorial en éthique en vient à la conclusion qu’un sénateur s’est comporté de manière fautive, un rapport est transmis au Comité permanent sur les conflits d’intérêts des sénateurs. Il existe ensuite une procédure — conforme au principe de justice fondamentale — pour que le sénateur puisse comparaître en étant accompagné d’un avocat. Après délibération, un rapport est présenté au Sénat afin que le sénateur soit mis au courant de la façon de procéder.
Je crois que si nous choisissons de créer un tel comité, il faudra énoncer clairement la façon de procéder et la manière dont le comité sera chargé d’effectuer des vérifications. Ainsi, chacun saura ce qui est prévu en matière de protection de la réputation d’un sénateur. Comme vous le savez, dès le moment où un rapport mentionne qu’un sénateur s’est comporté de manière fautive dans la déclaration de ses dépenses, il ou elle est considéré comme coupable. Il n’y a aucune présomption d’innocence. Lorsque vous êtes mis en cause dans le premier rapport, votre sort est scellé.
Je pense que les règles devront être clairement énoncées pour ce qui est des diverses étapes à suivre, afin de permettre à un sénateur d’exposer son point de vue devant une commission d’appel. De cette manière, la commission d’appel pourra rendre une décision que tout le monde estime juste et éclairée.
Le président : Sénateur Wells, je souhaite commenter vos propos et ceux du sénateur Joyal.
Je crois qu’il est important, chers collègues, de bien faire la distinction entre les volets criminel, civil et disciplinaire du cas bien connu présenté par le sénateur Wells. En effet, le Sénat a pris des mesures disciplinaires contre le sénateur Duffy, et il était parfaitement habilité à le faire en tant que Chambre haute. Des procédures civiles et des procédures criminelles ont également eu lieu. Il est essentiel que les sénateurs et la population en générale n’oublient jamais qu’il existe trois catégories distinctes en la matière.
Je sens également que nous pouvons remettre en question l’efficacité du processus qui était en place et qui, dans une large mesure, l’est encore. Ce processus donne le droit à un sénateur en conflit avec l’administration au sujet d’une demande de remboursement des dépenses de faire appel devant le comité de direction du comité de la régie interne. Si le sénateur n’est pas satisfait de la décision rendue par le comité de direction, il peut alors faire appel devant l’ensemble du comité de la régie interne. Par la suite, s’il n’est pas satisfait de la décision prise, il peut porter sa cause devant un arbitre indépendant.
C’est un processus que nous avons mis en œuvre en 2015. Il n’a pas été mise en œuvre simplement pour donner suite au rapport du vérificateur général; si l’on revient à la motion de l’arbitre indépendant établi en 2015, c’est un processus dont on peut encore se prévaloir, au besoin. Fort heureusement, les sénateurs n’ont pas eu bien des occasions d’avoir à comparaître devant lui depuis lors, mais il est là au cas où un sénateur serait insatisfait d’une décision du Comité de la régie interne. On peut aussi, en dernier recours, se présenter devant le comité plénier du Sénat, et c’est quelque chose qui ne changera jamais, quel que soit le processus, en raison de notre privilège parlementaire.
Le sénateur Wells pourra me corriger si j’ai tort, mais selon ce que je peux comprendre, à l’heure actuelle, le rôle de l’organe de surveillance indépendant est d’enlever toute perception de conflit d’intérêts du comité directeur et du Comité de régie interne, car au bout du compte, il représente l’administration. Si l’organe en question s’acquitte de ses fonctions quotidiennes avec l’administration, les deux comités représentent et peuvent l’influencer. Je pense que l’on crée une distance supplémentaire en éliminant toute perception de conflit d’intérêts en éliminant la possibilité qu’un membre du Comité de la régie interne qui est appelé à travailler si étroitement avec l’administration fasse également partie de l’organe de surveillance chargé de trancher lorsqu’un sénateur conteste une décision de l’administration.
Voilà ce que j’avais à dire à ce sujet. Sénateur Wells, je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à cela.
Le sénateur Wells : En fait, vous m’avez pris les mots de la bouche.
Vous soulevez une excellente question, sénateur Joyal. Il faut qu’il y ait un processus clair pour que l’accusé ait un recours équitable. On ne voudrait pas se retrouver dans une situation, comme on dit parfois par chez nous, où soit on est coupable, soit on ne s’est pas fait avoir. Ce n’est pas une situation souhaitable. Il faut qu’on puisse avoir un processus clair qui permet de faire toute la lumière sur les faits.
Le sénateur Joyal : J’aimerais poser une dernière question, monsieur le président.
J’ai le souvenir d’un article de notre Règlement qui permet aux comités, dans des circonstances particulières, d’accueillir un membre associé. Je n’ai pas vérifié ce matin pour confirmer qu’il y est toujours. C’est une règle que l’ancien sénateur Jack Austin aimait beaucoup. En guise d’exemple, il se pourrait que le Comité de l’agriculture veuille inviter un vétérinaire à participer à son étude d’une infection qui touche un troupeau ou un groupe d’animaux donné. Dans de telles circonstances, le comité avait la possibilité d’inviter une partie extérieure à se joindre à lui sur une base provisoire, et sans droit de vote. Je voudrais qu’on revienne sur cet article-là de notre ancien règlement, parce qu’encore une fois, je me souviens que le sénateur Austin l’aimait beaucoup.
Je ne me souviens pas dans quelles circonstances il a été invoqué par le passé, mais peut-être qu’on pourrait se pencher sur la question et bien cerner le statut que de tels invités auraient au sein des comités. Il serait peut-être utile de nous attaquer à la question soulevée ce matin par le sénateur Wells en ce qui concerne la conciliation de l’adhésion au comité ou de la participation au travail du comité avec le statut des membres équivalent aux sénateurs.
Vous vous souviendrez que, lorsque le poste de conseiller sénatorial en éthique — j’essaye de rester neutre sur le plan du genre — a été établi dans la Loi sur le Parlement du Canada, on a fait en sorte qu’il soit couvert par le privilège. Si une décision doit être prise quant à la composition du comité, je n’ai aucun doute que l’ensemble des sénateurs saisissent entièrement ce que cela implique sur le plan juridique, pour ne pas dire constitutionnel.
Le président : Je pense que tout le monde est d’accord; le greffier pourra se pencher sur la chose et faire rapport au comité. À moins qu’un autre sénateur veuille me corriger, mon impression n’est pas que le débat dont nous sommes présentement saisis porte vraiment sur la question de savoir si le comité devrait accueillir des membres de l’extérieur ou non. N’hésitez pas à intervenir si j’ai tort, sénateur Wells, et j’ai bien lu la transcription du témoignage de la sénatrice Moncion devant le comité la semaine dernière, mais si la proposition actuelle du Sénat, qui consiste en un organe de surveillance composé de sénateurs, cadre dans les paramètres des règles en vigueur, je ne pense pas que l’on doive nécessairement débattre de la question de savoir si on devrait inviter des membres de l’extérieur. Je pense que le débat porte plutôt sur la question de savoir si nous devrions créer un comité de surveillance composé exclusivement de sénateurs.
Le sénateur Joyal : Je me souviens moi aussi de l’échange qui s’est déroulé la semaine dernière, puisque j’étais au fauteuil, et vous vous souviendrez que c’était ce qu’a fait valoir le sénateur Massicotte. Je pense toutefois que dans l’intérêt d’avoir toute l’information possible sur l’ensemble des répercussions possibles, nous devrions tâcher de savoir de quoi il en ressort — si l’article est toujours là, je pense bien en cerner la portée.
Le président : Nous tâcherons donc d’obtenir l’information en question.
Le sénateur Joyal : Merci beaucoup, monsieur le président.
Le sénateur Gold : Merci, sénateur Wells, d’être parmi nous et de tout le travail que vous avez fait. Vous parlez encore avec enthousiasme de la question, ce qui est encourageant.
Monsieur le président, je suis très sensible au dernier point que vous avez fait au sujet de la portée de notre mandat. Les Canadiens nous regardent, et bien que nous comprenions nos propres processus internes et les progrès que nous avons réalisés depuis l’époque, je pense qu’il y a quand même assez de Canadiens qui trouvent cela curieux d’apprendre que les sénateurs eux-mêmes sont chargés de surveiller leurs propres dépenses. Vous avez évoqué les échantillons anonymes, je ne veux donc pas du tout ouvrir cette question-là.
J’aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet de vos discussions avez le Royaume-Uni car vous avez mentionné, et ça m’a frappé, que la présence de membres de l’extérieur ne faisait que brouiller les cartes. Pourriez-vous développer un peu cette pensée-là? Que les cartes aient été brouillées ou non, est-ce que ça a marché? Est-ce que ça a bien ou mal marché, et dans quelle mesure? S’ils pouvaient recommencer à zéro, que feraient-ils?
Le sénateur Wells : Premièrement, je tiens à dire que les sénateurs sont responsables de leurs propres dépenses. Chaque fois que nous autorisons une dépense avec notre signature, nous en assumons la responsabilité. C’est au niveau de la surveillance qu’il y a des lacunes. Je ne veux pas du tout dénigrer le travail de l’administration du Sénat, qui s’acquitte très bien de sa responsabilité de s’assurer que nous respections les règles en matière de dépenses, de déterminer ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas et de cerner les dépenses à soumettre à un examen plus approfondi. L’équipe responsable des finances du Sénat fait un excellent travail. Tout ce que j’ai à dire en ce qui concerne le besoin de renforcer la surveillance se rapporte à la gouvernance procédurale; cela n’implique en rien l’intégrité de notre système.
Dans mes entretiens avec le directeur général et le greffier principal, ils ne dénigraient pas ce qu’ils avaient. Ils ont dit que cela avait été mis au point sous le regard du public, et que comme tout système mis au point à la hâte, il avait certaines lacunes. Les gens se sont adaptés à leur système. Ce que je propose, c’est qu’on mette au point un bon système qui saura s’intégrer à nos processus actuels. Je ne souhaite pas du tout dénigrer l’autorité indépendante des normes parlementaires. La tâche s’est avérée monumentale. Ils publient tout en ligne, tout comme nous. Ils ont entre 50 et 65 employés, un budget dans les millions de livres — 5 millions si je me souviens bien. La tâche était beaucoup plus grande qu’ils ne l’avaient anticipé, et elle est bien plus grosse que celle que je propose de confier au comité de vérification et de surveillance à l’étude. Leur comité se penche également sur les salaires des employés, ce que le nôtre ne ferait pas, et je ne suis pas en train de dire qu’il devrait le faire. C’est une fonction qui revient au Comité de la régie interne et au comité plénier du Sénat dans le cadre du processus d’approbation.
Il a été mis sur pied en 2009, et relisant les notes que j’ai écrites, il a dit: « C’est trop extrême, mais c’est fait. » Voilà ce qu’il m’a dit. On peut toujours apprendre des erreurs des autres, et on devrait certainement toujours apprendre des erreurs des autres, comme nous avons appris de nos propres erreurs.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Wells, je vous remercie de votre exposé. Je vais vous le dire d’emblée, j’adhère à ce rapport très intéressant, puisque c’est la première fois qu’un travail est fait pour aider les membres à mieux connaître le travail d’un sénateur, d’un parlementaire. Ce qui a fait défaut au vérificateur général lors de sa vérification, c’est qu’il ne connaissait pas le travail parlementaire, il ne pouvait faire la différence entre un parlementaire et un commis à la cafétéria. Il ne connaissait absolument rien du travail d’un sénateur. Ça aurait été facile pour lui — un homme fort intelligent, semble-t-il — de lire le certificat que nous signons lors de notre assermentation. Je ne comprends pas qu’un ordre professionnel ne le lui ait pas rappelé. Il aurait enfin compris le travail des sénateurs. Le travail d’un sénateur doit être jugé par un autre sénateur qui connaît son travail.
Ce que j’aime dans votre proposition, c’est le fait qu’il y ait des représentants de grands bureaux de vérification, que vous avez nommés de façon permanente à l’interne, et à l’externe pour effectuer un audit complémentaire et veiller à ce que le travail soit fait selon les règles.
Toutefois, la dernière personne que je veux voir au Comité de la régie interne, c’est le vérificateur général, surtout après qu’il a demandé 27 millions de dollars pour vérifier les dépenses de 105 sénateurs sur deux ans. Le plus grand scandale au Canada, c’est celui du vérificateur général.
Une fois ce comité en place, le travail qui devra être réalisé en premier est l’examen de la facture du vérificateur général. Qui l’a examinée? A-t-il autorisé son personnel à travailler des heures supplémentaires? On l’ignore. Il a regardé les documents des sénateurs pendant un an sans les leur redonner, sans porter d’accusations. Les sénateurs ont simplement reçu une lettre les avisant qu’ils respectent les règles. Je n’accepterai jamais cette façon de faire. En tant que sénateur, je dénonce le travail du vérificateur général pour cette facture odieuse.
Vous avez soulevé un autre point fort intéressant : 75 p. 100 des dépenses ne sont pas soumises à une vérification. Il faut tout de même que les sénateurs sachent où va l’argent du Sénat. Nous avons un budget global de X millions de dollars. On tient compte du salaire et des dépenses obligatoires des sénateurs, des allocations quotidiennes, et cetera. Où va le reste? On ne nous a jamais présenté de rapport. On n’obtient jamais de compte rendu des dépenses pour l’achat de papier, par exemple. Pourtant, nous faisons partie intégrale de cette machine.
Votre proposition est la plus constructive : mettre en place un processus clair et défini. Il y a sûrement des sénateurs qui ne sont pas d’accord. Je respecte leur position. Toutefois, à mon avis, la vraie transparence commence par les personnes qui occupent les fonctions de sénateur.
À l’époque où le vérificateur général a déposé son rapport, certains journalistes ont affirmé que le rapport devrait être envoyé à la Chambre des communes. Les députés de la Chambre des communes ont refusé. Ils ne voulaient rien savoir de ça. Pourquoi? Parce que la Chambre des communes est maître de ses dépenses. Les députés qui composent cette Chambre peuvent en tout temps vérifier ses dépenses, contrairement au Sénat. Je le déplore. Enfin, vous faites une proposition qui corrige cette situation.
Il y a quelques semaines, j’ai assisté pour la première fois à une réunion du Comité de la régie interne. Ma collègue peut en témoigner. Les règles ont changé en cours de route. On a rajouté une rondelle sur la glace. Je n’ai pas compris la décision. L’entrevue a duré tout au plus cinq minutes. Je n’irai pas plus loin. Je pourrais interjeter appel avec un arbitre et un avocat. Cela ne me concerne pas, c’est le cas d’un de mes employés. Je déplore énormément la façon dont j’ai été reçu. J’étais coupable avant d’entrer. On a balayé de la main les explications que j’ai fournies à partir des lettres des anciens membres et du président du Comité de la régie interne. On m’a répondu qu’il s’agit d’une nouvelle règle rétroactive, et que c’est terminé.
Votre proposition permettrait sans doute d’éviter de telles situations. Je suis en faveur de votre rapport, et je vous félicite, parce que vous avez été plus loin que tout ce qui a été présenté jusqu’à maintenant. Merci, sénateur Wells. Je n’avais pas de questions. Je tenais simplement à vous faire part de mes commentaires.
[Traduction]
Le sénateur Wells : Merci, sénateur Maltais. J’aimerais toucher rapidement sur l’importance de connaître le rôle d’un sénateur. Nous avons certaines responsabilités que nous connaissons tous. Nous devons étudier les projets de loi et faire notre travail en comité, mais nous avons également bien d’autres fonctions, comme la rédaction parfois très éprouvante de mesures législatives, l’examen de propositions d’amendements, et le simple fait d’être dans notre province, de faire acte de présence lors d’un événement — tout cela fait partie de nos fonctions. C’est notre travail et nous l’acceptons. Si un citoyen — de Terre-Neuve-et-Labrador ou d’ailleurs — entre en contact avec moi pour me demander de l’aide et je suis en mesure de l’aider et que sa cause m’est sympathique, je ferais ce que je peux. Je pense que cela fait également partie des fonctions de sénateur, mais on pourrait tout aussi facilement faire valoir que cela ne fait pas partie de nos responsabilités. Mais les règles sont rédigées de manière à ce que nous puissions, comme il se doit, choisir les choses que nous faisons qui sont importantes pour les Canadiens.
Le président : Pour revenir à l’argument qu’ont faits le sénateur Maltais et le sénateur Wells, je pense que les règles sont très claires. Les pères fondateurs l’étaient tout aussi lorsqu’ils ont établi les institutions que sont le Sénat et le système parlementaire bicaméral. Le modèle de Westminster, le système dont s’inspire le système parlementaire que nous avons fondé au Canada, est clair. Le Sénat est une autre chambre, une autre voix qui s’offre aux habitants du Canada souhaitant s’exprimer devant le Parlement. C’est un tremplin permettant aux intervenants, aux représentants régionaux et aux minorités, notamment linguistiques, de s’exprimer devant le Parlement et, par son truchement, leur gouvernement. Je pense que c’est essentiel.
Le sénateur Joyal : J’aimerais citer John A. Macdonald, qui a dit, presque mot pour mot: « Un sénateur vient d’une communauté, et lorsqu’il n’est pas dans l’enceinte, il doit regagner sa communauté pour en prendre le pouls. »
Comme l’a fait remarquer le sénateur Wells, venant de Terre-Neuve-et-Labrador, il y a certains enjeux propres aux Terre-Neuviens qu’il se doit de soulever au Sénat, et comment peut-il bien les faire valoir et représenter les sentiments ou les aspirations de sa communauté s’il n’est lui-même pas membre de la communauté et n’y vit même pas? Les dispositions qui nous obligent à habiter dans la province dans laquelle nous avons été nommés rejoignent cette question-là, car autrement, les sénateurs déménageraient simplement à Ottawa et y resteraient tant et aussi longtemps qu’ils siègent au Sénat. Le lien entre le domicile et la participation au travail du Sénat consiste à veiller à ce que les sénateurs représentent les aspirations, les valeurs, les problèmes et les défis qui touchent sa communauté. Voilà essentiellement l’origine de ces exigences.
Il me semble qu’il y a une logique au système et qu’il y aurait lieu qu’elle s’étende à la considération des dépenses liées aux déplacements et à la participation à des activités communautaires. C’est un tout. Le système est rationnel. Le système n’a pas été improvisé. Il y a une logique qui le sous-tend. Je pense qu’il est essentiel lorsqu’une vérification est effectuée que ces réalités soient bien prises en compte. Je ne veux pas me citer moi-même, mais vous vous souviendrez de la lettre que j’ai envoyée au vérificateur général et que le juge Binnie a prise en compte lorsqu’il arbitrait certaines décisions du vérificateur général et qu’il est revenu sur certaines décisions qu’avait prises le vérificateur général compte tenu du véritable mandat, comme l’a dit le sénateur Maltais. Il me semble que c’est là un élément important qui doit s’inscrire dans le cadre du travail du comité.
[Français]
Le sénateur Maltais : Nous portons tous le coquelicot aujourd’hui. Dimanche ou lundi, plusieurs d’entre nous seront appelés par les autorités civiles et militaires à aller remettre une couronne au nom du Sénat du Canada. Or, le vérificateur général m’a posé la question à savoir ce que j’allais faire là. Je lui ai répondu sèchement que la saison des framboises était terminée, et que c’est maintenant le temps des coquelicots, la saison des cœurs et de l’amour pour ceux qui nous ont défendus. Il n’était pas non plus au courant que les sénateurs du Québec ont un district sénatorial.
Nous sommes quatre sénateurs du Québec. La journée de commémoration des anciens combattants est sacrée dans chacun de ces districts, qui ont envoyé des soldats dans les différents conflits armés, soit à la Première Guerre mondiale, à la Seconde Guerre mondiale, à la guerre de Corée ou aux conflits en Afghanistan et en Bosnie. Nous avons tous des vétérans dans nos districts sénatoriaux. Notre devoir est d’aller les rencontrer et, à tout le moins, de leur dire merci pour les sacrifices qu’ils ont faits pour notre pays. On en voit souvent qui ont perdu un membre, d’autres souffrent du syndrome de stress post-traumatique.
Un jour, alors que je discutais avec un de nos collègues fort connus, le général Dallaire, il m’a expliqué l’importance pour un militaire de voir un sénateur, un député ou un ministre assister aux cérémonies du jour du Souvenir. C’était pour lui une récompense de voir que son pays reconnaît les services qu’il a rendus. Il n’y a rien de plus valorisant pour un sénateur que de se faire dire de telles paroles.
Voilà le travail d’un sénateur. C’est d’aller rencontrer les personnes qui ont sacrifié leur vie et, dans bien des cas, perdu des membres pour sauver notre pays. Cela revient à dire, sénateur Wells, qu’il faut connaître la fonction des parlementaires avant de juger leurs dépenses.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, je vois qu’il n’y a plus d’autre question. Je pense que nous sommes saisis d’une question importante que nous devons faire avancer le plus rapidement possible. Cela fait déjà plusieurs mois que nous délibérons en la matière, et je pense qu’il est temps que nous en fassions rapport au Sénat.
J’ai passé de nombreuses heures à travailler avec le sénateur Wells en particulier, qui siégeait avec moi au comité directeur de la régie interne en 2015, 2016 et 2017, ainsi qu’avec la sénatrice Cordy et le sénateur Furey à l’époque, en vue de rendre notre institution la plus transparente et la plus responsable possible. J’estime que nous avons fait d’énormes progrès. Une quantité record d’information est rendue publique. Le Sénat a mené la voie. Nous avons resserré notre code d’éthique. Je pense que nous sommes un modèle dans le Commonwealth pour ce qui est de la rigueur de notre code d’éthique, et nous en avons d’ailleurs vu le résultat à quelques reprises ces dernières années. Je pense que l’étape finale à franchir dans les dossiers de la transparence et de la responsabilité est d’établir cet organe de surveillance.
Je pense qu’il serait opportun de soumettre la proposition à l’approbation de l’ensemble du Sénat. J’ai entendu de nombreux témoignages et de nombreuses opinions, et si mes collègues sont d’accord, j’aimerais demander au greffier et aux analystes de se pencher sur la question et de confirmer mes impressions, qui sont que la motion cadre plutôt bien avec nos règles; si les analystes, le greffier ou les adjoints de la bibliothèque relèvent quelque chose dans les transcriptions qui semblent contredire cette hypothèse, il pourront en faire rapport au comité.
Comme l’a demandé le vice-président, le sénateur Joyal, j’aimerais aussi que l’on retrouve la règle permettant aux comités d’avoir des membres de l’extérieur. Personnellement, je ne me souviens pas d’une telle règle, et j’ai déjà été président du Comité de la régie interne et Président du Sénat, mais si le sénateur Joyal affirme qu’elle a déjà existé, je tiens pour acquis qu’il en est ainsi. J’aimerais également que l’on fasse la lumière là-dessus.
Avec la permission du comité, un rapport nous sera présenté à la prochaine réunion. J’aimerais également, si possible — et si non, il va sans dire que nous prendrons une semaine de plus —, envoyer le rapport à nos collègues en prévision de la réunion afin qu’ils puissent le consulter. S’ils ont des questions, ils pourront en faire part au président.
Est-ce d’accord, chers collègues?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, sénateur Wells. La réunion fut fructueuse, au plaisir de vous revoir plus tard.
(La séance est levée.)