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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 39 - Témoignages du 3 avril 2019


OTTAWA, le mercredi 3 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, auquel a été renvoyé le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, se réunit aujourd’hui, à 11 h 46, pour étudier le projet de loi.

La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, honorables sénateurs, et bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Avant de commencer, j’aimerais inviter mes collègues à se présenter.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, Manitoba.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Busson : Bev Busson, Colombie-Britannique.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Richards : Dave Richards, Nouveau-Brunswick.

La présidente : Je m’appelle Gwen Boniface, présidente du comité.

Avant de passer aux témoins, je tiens à dire que nous devions normalement accueillir Eleanore Sunchild aujourd’hui. Le système de vidéoconférence ne fonctionnait pas lundi. Les techniciens ont tenté de régler la situation pour aujourd’hui, mais l’essai a échoué. Malheureusement, elle ne pourra donc pas se joindre à nous.

Nous accueillons aujourd’hui, à titre personnel, le Dr Michael Ackermann, médecin de famille en milieu rural, par vidéoconférence, ainsi que le directeur général du Movie Armaments Group, Charles Taylor.

Monsieur Taylor, vous aurez la parole en premier.

Charles Taylor, directeur général, Movie Armaments Group : Madame la présidente, sénateurs, personnel du comité et invités distingués, c’est un honneur pour moi de témoigner aujourd’hui devant vous.

Je travaille depuis 30 ans dans l’industrie canadienne des armes à feu. Je suis présentement directeur général du Movie Armaments Group et maître armurier dans le domaine de la production cinématographique. L’entreprise que je dirige fournit aux forces de l’ordre et au ministère de la Défense nationale des armes à feu de toutes les catégories, de l’équipement militaire et policier, des uniformes, des services de fabrication et de réparation d’armes, ainsi que de la formation en maniement d’armes. J’ai travaillé sur des centaines de productions cinématographiques au Canada et dans quelques autres pays.

L’industrie de la production cinématographique vaut 8,9 milliards de dollars. En Ontario seulement, les productions étrangères représentent 910 millions de dollars. La capacité qu’ont les particuliers et les entreprises de faire des achats au Canada est essentielle pour l’industrie des armes à feu, qui est un atout pour l’industrie cinématographique.

Compte tenu de toutes les années que j’ai passé à travailler dans l’industrie des armes à feu, j’ai été témoin des répercussions réelles des nouveaux règlements sur les propriétaires d’armes à feu et les entreprises de ce domaine. La Loi sur les armes à feu a eu des conséquences concrètes sur eux. J’en ai moi-même été victime, comme de nombreuses entreprises. J’ai eu à déclarer faillite, à congédier des employés et à perdre presque tout ce que j’avais. Cela s’explique en partie par le fait que les Canadiens avaient peur d’acheter de nouvelles armes à feu et de nouveaux accessoires pour armes à feu ainsi que d’investir dans quelque chose que le gouvernement allait leur retirer.

Le nouveau règlement proposé est tout aussi punitif que celui des années 1990 à l’égard des 2,1 millions de propriétaires légitimes d’armes à feu, qui ne commettent pas d’actes malveillants et violents, et qui n’ont pas un comportement oppressif, frauduleux, capricieux ou irresponsable. Le projet de loi C-71 ne prévoit aucune mesure qui puisse modifier le comportement criminel des membres de gangs et des trafiquants de drogue, qui, par définition, ne respectent pas la loi.

Au sein de mon équipe, il y a huit policiers à la retraite, qui ont travaillé au service de police de Toronto, à la GRC et au service de police de la région de Durham. Ils ont fait partie d’unités d’intervention d’urgence, antidrogues, de renseignement et ont été pour certains membres de la compagnie de défense nucléaire. Six anciens combattants et militaires actifs en font également partie. Tous nos employés ont fait l’objet d’une évaluation de sécurité par la Direction des marchandises contrôlées.

Je suis fier du service que nous offrons et de la façon dont nous respectons les lois actuelles liées aux armes à feu et aux marchandises contrôlées. Je suis également heureux que nous nous soyons conformés à 100 p. 100 aux inspections menées par le contrôleur des armes à feu de l’Ontario. Ces inspections sont réalisées pour faciliter le respect des lois — pas forcément pour veiller à leur application — et pour aider les entreprises à les respecter.

Le projet de loi C-71 supprimera l’autorisation de transport d’armes à feu qui figure comme condition sur mon permis de possession et d’acquisition d’armes pour transporter mes armes de poing prohibées et mes armes à feu faisant l’objet de droits acquis. Pourquoi? Ne peut-on plus me faire confiance? Les propriétaires d’armes à feu au Canada ont-ils été accusés d’une infraction en vertu de cette disposition de la Loi sur les armes à feu? Je ne crois pas ou bien le taux d’infractions est si bas qu’il ne justifie pas l’apport de ces nouveaux changements.

Les exigences relatives aux autorisations de transport d’armes à feu nous ramènent aux années 1990 en nous obligeant à appeler le contrôleur des armes à feu pour lui demander la permission de transporter une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée à des fins d’acquisition, de vente, de réparation ou d’utilisation pour le tir à la cible. Cela va alourdir la charge de travail du contrôleur des armes à feu, sans oublier le coût et le temps liés à l’obtention d’une autorisation de transport d’armes à feu. Par le passé, il fallait attendre des jours et parfois même des semaines pour l’obtenir.

Pourquoi le CZ858 et les fusils Swiss Arms ne peuvent-ils pas faire l’objet de droits d’acquis? Est-ce parce qu’ils sont maintenant considérés comme étant des armes dangereuses? Ils ne l’étaient pas il y a 15 ans. Pourquoi le sont-ils maintenant?

L’idée selon laquelle il est facile de les transformer en mitraillette, en modifiant simplement quelques pièces, suppose qu’on les ait et qu’on ait les connaissances techniques nécessaires pour le faire. Il n’y a pas de pièces d’armes automatiques disponibles dans ce pays, même pas pour moi, et j’ai tous les permis possibles. Les fabricants ne vendent ces pièces qu’aux entreprises autorisées.

Il me semble que les mesures proposées dans le projet de loi punissent injustement les propriétaires d’armes à feu légitimes rien que pour que le gouvernement puisse dire qu’il a fait quelque chose. Je n’ai encore rien vu prouvant que le gouvernement a raison de dire qu’il protège les propriétaires d’armes à feu titulaires d’un permis en luttant contre la circulation illégale d’armes à feu sur le marché noir.

Ce que je retiens des discussions que j’ai eues avec mon personnel, c’est que le gouvernement peut apporter des changements concrets pour lutter contre l’importation illégale et l’utilisation criminelle d’armes à feu. Il peut embaucher plus de policiers et d’agents de l’Agence des services frontaliers du Canada, dont la seule fonction serait de lutter contre la violence liée aux armes à feu et leur importation illégale. Il peut investir dans une formation avancée sur l’utilisation et l’identification des armes pour tous les agents. Il peut apporter des modifications raisonnables aux règles régissant les fouilles et les saisies, dans le respect de la Charte des droits et libertés, pour aider les policiers. Il peut investir dans les collectivités à risque pour aider les jeunes hommes à se sortir des gangs criminels. Il peut aller dans les écoles et apprendre aux enfants à rester sur la bonne voie dans la vie, à respecter l’autorité et à se respecter mutuellement. Il peut assurer l’application de lois fondamentales d’une société civile. Il peut faire des recherches sur la consommation des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et sur les effets qu’ils ont sur les gens qui en consomment et sur ceux qui essayent d’arrêter d’en consommer, comme les médecins commencent à trouver qu’il y a un lien fort entre la violence et le suicide, et qu’il y a de plus en plus de discussions concernant le nombre de tireurs qui en consommaient. Il peut demander aux professionnels de la santé de signaler à la police les patients à risque qui pourraient se faire du mal ou faire du mal à d’autres gens. La campagne « Si vous voyez quelque chose, parlez-en » a toujours fonctionné et elle peut fonctionner encore mieux si le gouvernement la diffuse dans les écoles et dans les publicités à la télévision.

Je crois également qu’il faut que les personnes qui commettent des actes violents en soient tenues responsables, qu’elles soient punies de façon significative et qu’elles aient accès à une réadaptation adéquate.

Dr Michael Ackermann, médecin de famille en milieu rural, à titre personnel : Honorables sénateurs, citoyens et membres du public inquiets, je me trouve devant vous aujourd’hui à titre personnel. Bien que je ne représente officiellement aucun organisme ou groupe particulier aujourd’hui, j’ai une importante liste de contacts au sein de la communauté d’honnêtes propriétaires d’armes à feu.

Je suis médecin depuis 30 ans. Je consacre beaucoup d’heures chaque semaine à la formation continue pour approfondir mes connaissances et améliorer mes compétences. J’ai également été carabinier dans l’infanterie, officier, puis médecin militaire. Je suis moi-même un honnête propriétaire d’armes à feu depuis 55 ans. J’ai tiré des centaines de foi sur une cible et j’ai passé des milliers d’heures à la poursuite de l’excellence dans la discipline du tir. J’étudie également la violence et l’autodéfense depuis 40 ans. J’ai également réussi à me défendre, ainsi que d’autres, contre des agressions, y compris des agressions mortelles, quand j’étais obligé de le faire. Je me suis également servi de mes compétences médicales pour sauver des vies à de nombreuses reprises.

Toutefois, ce qu’il y a de plus important à retenir, c’est que je suis un citoyen canadien respectueux de la loi. Ainsi, quand vous parlez de contrôle des armes à feu, vous parlez inévitablement du fait que vous allez limiter mon style de vie et ma culture en adoptant des lois qui en font en réalité très peu pour lutter contre l’utilisation des armes à feu à des fins criminelles.

Les honnêtes propriétaires d’armes à feu veulent réduire la violence et sauver des vies. Il se peut que nous soyons même les Canadiens qui se préoccupent le plus de cela, car chaque fois qu’un idiot utilise une arme à feu pour causer du tort, nous sommes tout aussi horrifiés que le reste de la population et nous nous retrouvons chaque fois immanquablement sous la loupe du public — parfois même davantage que la personne responsable des actes violents.

La communauté musulmane canadienne va comprendre de quoi je parle, car elle se retrouve elle aussi bien trop souvent sous la loupe du public lorsque des extrémistes commettent des actes violents. La différence est que lorsqu’ils résistent à l’intimidation sociale, les médias et le gouvernement les appuient comme il se doit.

Il y a tant de choses à dire, mais je ne dispose que d’un certain temps pour vous parler. Je vais parler de compromis en matière d’élaboration des lois. Beaucoup de gens croient fermement que tout ce qui limite les honnêtes propriétaires d’armes à feu, qui sont une minorité culturelle, permettra comme par magie de faire baisser le nombre de crimes violents commis par des gens avec qui nous n’avons rien en commun. Ils disent vouloir faire un compromis et nous accusent de manquer de flexibilité lorsque nous refusons de les rencontrer à mi-chemin.

La présidente : Je suis désolée de vous interrompre, docteur Ackermann, mais nous avons quelques difficultés de traduction en raison de la connexion.

Ils vont travailler avec vous pour tenter de régler le problème. Si vous pouviez vous arrêter là, nous passerons aux questions de M. Taylor, puis nous vous reviendrons. Je m’excuse de cet inconvénient.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Taylor, à quoi attribuez-vous le fait que les politiciens en place refusent d’entendre vos revendications? Pouvez-vous chiffrer les pertes financières que les dispositions du projet de loi C-71 entraîneront pour votre entreprise?

[Traduction]

M. Taylor : Je crois profondément que le gouvernement en général et les partis politiques en particulier ont des intérêts qui leur sont propres. Ils ne cherchent pas forcément à savoir ce qu’une petite part de la population canadienne a à dire, car la majorité des Canadiens ne sont pas propriétaires d’armes à feu, ne les aiment pas et n’ont aucune envie d’en avoir. En tant que propriétaire d’armes à feu, il suffit de lire les journaux et d’écouter les opinions de particuliers pour entendre partout qu’il faut être fou pour posséder un fusil d’assaut.

Nous sommes tenus de fournir des armes à feu et toutes sortes d’autres armes à l’industrie cinématographique. La plupart d’entre elles doivent être livrées en quelques jours et dans certains cas en deux semaines. Quand on doit importer des armes de poing à canon court et des fusils d’assaut, qui ne sont pas disponibles au Canada, cela peut prendre six mois avant de les recevoir, et entretemps, le tournage est terminé.

On doit donc dépenser beaucoup d’argent pour faire venir ces armes au pays pour le long terme en espérant que quelqu’un les louerait. On peut maintenant aller chez un distributeur local, l’appeler et lui dire qu’on a besoin de deux armes de poing à canon court ou d’un fusil d’assaut précis et les fournir à l’industrie cinématographique. Les grands films d’action tournés au Canada n’existeraient pas si les gens comme moi et quelques autres entreprises ne faisaient pas ce que nous faisons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Si je comprends bien, et corrigez-moi si je me trompe, le projet de loi C-71 vise bien davantage un objectif politique que le renforcement de la sécurité des citoyens?

[Traduction]

M. Taylor : Les faits pour moi prouvent qu’il s’agit d’une question politique. Il y a une force motrice chez les Canadiens qui n’aiment pas les armes à feu. Je ne vois pas comment le fait de s’en prendre aux propriétaires d’armes à feu et aux entreprises privées de ce pays contribuera à réduire l’utilisation criminelle des armes à feu.

Les membres de la société civile sont tenus de faire un certain nombre de choses. Il y a des gens qui ne font pas ce qu’il faut.

Je comprends le point de vue de la population générale en ce qui concerne les armes à feu, mais elle doit également comprendre notre point de vue et celui des entreprises ainsi que les mesures que nous avons prises pour avoir le droit de faire ce que nous faisons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On sait que la reclassification des armes à feu sera confiée à la Gendarmerie royale du Canada. Que proposeriez-vous à la GRC en ce qui a trait à la classification des armes à feu?

[Traduction]

M. Taylor : Je ne suis pas vraiment enthousiaste à l’idée que la GRC soit la seule organisation à classifier les armes à feu. Je crois que c’est une question qui doit faire l’objet de consultations publiques avec d’autres experts. Seul le gouvernement devrait s’occuper des règlements et des précisions concernant des questions comme l’interdiction de certaines armes.

Je n’aime pas et je ne veux pas vivre dans un État policier où les forces de l’ordre décident ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

La sénatrice McPhedran : Vous avez dressé un portrait intéressant du transport des armes et de l’accès aux armes. Dans son témoignage devant le comité, le ministre Goodale nous a dit que les nouvelles exigences concernant les autorisations de transport d’armes à feu auraient un effet sur moins de 5 p. 100 des transports d’armes à feu.

Comment les choses fonctionnaient-elles pour votre entreprise avant que l’autorisation de transport automatique ait été établie? Il est évident que vous voulez que nous maintenions ce système. À bien des égards, nous faisons un retour dans le futur. Nous revenons à la façon dont les autorisations de transport d’armes à feu étaient gérées avant.

M. Taylor : Il y a deux différentes sortes d’autorisations de transport d’armes à feu : une pour les particuliers et une pour les entreprises. Les autorisations de transport d’armes à feu pour les entreprises sont englobantes. Tous les employés peuvent transporter des armes à feu — et des dispositifs — prohibées ou faisant l’objet d’une autorisation restreinte, ou pas. Si je comprends bien, cela ne changera pas dans le projet de loi C-71. Les choses resteront pareilles.

Ce qui me préoccupe, c’est la situation des particuliers, comme moi. J’ai déjà l’autorisation de transport d’armes à feu nécessaire pour transporter mes armes de poing à canon court. Je peux les transporter, les amener au champ de tir et aller les faire réparer. L’autorisation est une condition qui a été ajoutée à mon permis d’acquisition et de possession. Je n’ai pas besoin d’appeler pour que cela se fasse.

Ce n’est pas pareil si je veux transporter mon arme à feu prohibée faisant l’objet de droits acquis. Si je veux l’amener à la Base des Forces canadiennes Borden pour m’en servir, je dois appeler le contrôleur des armes à feu et obtenir son autorisation, car je n’ai pas l’autorisation en ce moment de la transporter ailleurs qu’à un champ de tir approuvé par lui. Il n’y a pas d’autorisation de transport d’armes à feu pour ces catégories d’armes à feu. Je ne peux que l’amener sur la base militaire où j’ai le droit de pratiquer le tir.

Les nouvelles mesures proposées ne permettraient que le transport d’armes à feu à autorisation restreinte à un champ de tir. C’est tout. Pour faire réparer une arme de poing prohibée ou toute autre arme à feu prohibée, il faudra appeler le contrôleur des armes à feu. C’est comme dans les années 1990, quand il fallait appeler pour obtenir une autorisation. On vous donne un petit morceau de papier indiquant que vous avez le droit de transporter telle ou telle arme à une date précise et dans un certain créneau horaire. Il fallait ensuite obtenir une autre autorisation de transport d’armes à feu pour aller la rechercher.

La sénatrice McPhedran : Monsieur Taylor, faites-vous partie, à titre personnel ou en tant que propriétaire d’entreprise, de quelque façon que ce soit, de la National Rifle Association?

M. Taylor : Non, je crois fermement qu’il ne faut pas mélanger ce qui se passe au Canada et aux États-Unis. Je ne fais pas partie de la National Rifle Association.

Je ne dirais pas que je ne les appuie pas, mais, pour moi, la culture au Canada est différente de celle des États-Unis, et je n’ai donc rien à dire à ce sujet.

La sénatrice McPhedran : Faites-vous partie d’une association canadienne de défense des droits des propriétaires d’armes à feu?

M. Taylor : Je suis membre de l’association canadienne de tir d’armes légères.

La sénatrice McPhedran : Est-ce le seul organisme duquel vous êtes membre?

M. Taylor : Oui, c’est le seul.

La présidente : Sénateur Pratte, si cela ne vous dérange pas, je vais permettre au Dr Ackermann de terminer son intervention.

Nous nous excusons encore une fois, docteur Ackermann. Allez-y.

Dr Ackermann : J’espère que vous pourrez m’entendre un peu mieux. Beaucoup de gens croient fermement que tout ce qui limite les honnêtes propriétaires d’armes à feu, qui sont une minorité culturelle, permettra comme par magie de faire baisser le nombre de crimes violents commis par des gens avec qui nous n’avons rien en commun. Ils disent vouloir faire un compromis et nous accusent de manquer de flexibilité lorsque nous refusons de les rencontrer à mi-chemin, mais leur notion de compromis est une arnaque. Les dernières restrictions qu’ils nous ont imposées servent toujours de base pour les nouveaux compromis qu’ils veulent nous proposer. S’ils voulaient que nous discutions honnêtement d’un compromis, ils tenteraient d’adopter une position qui se situe entre l’interdiction totale et la liberté totale de posséder une arme. Ils refusent de le faire.

Les honnêtes propriétaires d’armes à feu sont les Canadiens les plus sécuritaires et les plus respectueux des lois. Nous sommes trois fois moins susceptibles qu’une personne qui ne possède pas d’armes à feu et deux fois moins susceptibles qu’un policier de commettre des actes de violence. C’est exact. Vous m’avez entendu correctement. Les honnêtes propriétaires d’armes à feu commettent des meurtres, des vols et des viols à un taux inférieur de moitié à celui des policiers. Or, personne n’est dérangé que les policiers soient armés en public. Quel est le problème au juste alors avec le fait que les propriétaires d’armes à feu gardent leurs armes chez eux et les amènent au champ de tir? Pourquoi mettre l’attention sur nous et pas sur les éléments criminels?

Les honnêtes propriétaires d’armes à feu demandent depuis 50 ans aux gouvernements successifs du Canada de toutes les allégeances politiques de travailler avec eux pour élaborer un ensemble de lois sur les armes à feu ciblé et rentable qui découragerait et sanctionnerait toute utilisation inappropriée d’armes à feu et toute négligence criminelle liée aux armes à feu, qui limiterait l’accès légal à ceux qui ont un casier judiciaire vierge, qui ferait la promotion de la sécurité des armes à feu et de la formation continue, et qui serait régulièrement examiné à des fins de rendement et remplacé lorsque nécessaire.

Cela fait 50 ans que les honnêtes propriétaires d’armes à feu respectent tout ce qu’on leur demande. Nous avons obéi à chaque loi. Nous avons répondu à toutes les demandes, même quand elles étaient arbitraires, inutiles, ignorantes et contre-productives. Nous l’avons fait parce que nous sommes de bonnes personnes et parce que nous sommes de bonne foi. Nous obéissons à la loi même quand elle n’est pas efficace pour atteindre l’objectif énoncé et même quand elle semble contenir des mesures qui sont contre nous.

Il faut arrêter d’imposer ces punitions de groupe, car elles ne font rien pour obtenir des résultats concrets et elles sont généralement contre-productives. Elles alimentent la méfiance et le ressentiment contre le gouvernement plutôt que d’inspirer le respect comme avant.

Malheureusement, le gouvernement, encouragé par les efforts mal placés de certains groupes de victimes, semble croire qu’il est bon d’attaquer le seul segment de la société canadienne qui est le plus surveillé, et duquel font partie les personnes les plus respectueuses de la loi et les moins susceptibles de commettre une infraction, soit les honnêtes propriétaires d’armes à feu.

À propos de compromis, pourquoi n’assujettit-on pas les honnêtes propriétaires d’armes à feu à une vérification qui est à la hauteur des normes établies par le permis de possession et d’acquisition d’armes à feu à autorisation restreinte? Procédez à une vérification rigoureuse et élargie des antécédents. Favorisez la sensibilisation de la population à la ligne de signalement de la GRC et du CAFC. Créez un portail numérique pour que n’importe quel titulaire de permis puisse entrer un numéro de permis, en connaître la légitimité, obtenir une photo du titulaire en question tout en assurant l’enregistrement de la date et l’heure de la vérification. De plus, commencez à appliquer les peines obligatoires pour l’utilisation illégale des armes à feu, car elles ne le sont souvent pas dans les processus juridiques.

Nous voudrions en retour que les permis de possession et d’acquisition soient acceptés à leur valeur nominale comme preuve de vérification de casier judiciaire vierge pour le travail bénévole et le travail qui nécessite un cautionnement. Après tout, nos dossiers sont vérifiés chaque jour par le Centre d’information de la police canadienne. Nous voulons que le permis de possession et d’acquisition indique clairement que l’on a l’autorisation de transport d’armes à feu à des fins légales, comme M. Taylor l’a déjà dit.

Le système de vérification des permis de possession et d’acquisition ne devrait enregistrer que les armes à feu dont l’achat fait l’objet de restrictions et non les autres. Nous voulons que les catégories d’armes à feu soient déterminées selon leur fonction, non pas selon leur aspect cosmétique, et encore moins selon l’avis qu’un machiniste ou un technicien sur fraiseuse pourrait modifier de façon criminelle leur fonction à un moment donné.

Pour terminer, je tiens à répéter les mesures que les honnêtes propriétaires d’armes à feu demandent depuis longtemps au gouvernement de prendre. Personne ne préconise l’anarchie en matière d’armes à feu. Nous voulons un système cohérent de lois constitutionnelles, efficaces, bien ciblées, mises en application et efficientes. Elles doivent décourager et punir l’utilisation violente, criminelle et négligée des armes à feu tout en favorisant la diffusion massive de connaissances sur les armes à feu et la sécurité des armes à feu. Nous restons disposés à travailler sans relâche avec le gouvernement et tout autre organisme pertinent pour atteindre cet objectif.

Merci beaucoup de votre attention.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie d’être ici, parmi nous, monsieur Taylor et docteur Ackermann.

Monsieur Taylor, vous avez dit que les commerçants d’armes à feu, comme vous, étaient dans une situation très difficile, en raison de la réglementation accrue des armes à feu imposée par le gouvernement. Je tiens à souligner que, au cours des cinq dernières années, le nombre d’armes à feu à usage restreint au Canada a augmenté de 247 975. Il s’agit d’une augmentation de 38 p. 100. Il semble que l’industrie se porte bien. À ce que je sache, la chasse et les sports de tir n’ont jamais connu un aussi haut niveau de popularité.

Pour ce qui est des autorisations de transport d’armes à feu, le gouvernement a dit qu’ils seront disponibles en ligne et qu’un système beaucoup plus rapide que le système par téléphone sera mis en place. Ainsi, le service sera offert 24 heures sur 24. Cela devrait atténuer certaines de vos craintes.

J’ai une question à vous poser. Il se peut que je me trompe, car je ne suis pas aussi bien informé que vous, mais certains faits indiquent que si l’on permet l’autorisation de transport d’armes à feu automatiques aux champs de tir en l’ajoutant comme condition au permis de possession et d’acquisition, cela répond à peu près 95 p. 100 des besoins des propriétaires d’armes à feu en matière de transport. C’est ce que les données du gouvernement indiquent. Seule une minorité de personnes auraient à demander une autorisation de transport d’armes à feu à des fins précises, notamment pour aller voir un armurier ou aller à une exposition d’armes à feu.

De plus, les utilisateurs réguliers, qui participent fréquemment à des expositions d’armes à feu, pouvaient avoir accès à une autorisation de transport d’armes à feu valide pour une durée plus longue même dans le cadre de l’ancien système. Est-ce exact?

M. Taylor : Pour répondre à la première partie de votre question qui porte sur ce que je disais au sujet des entreprises. Dans les années 1990, quand la Loi sur les armes à feu a été adoptée, les gens avaient peur d’acheter quoi que ce soit. Ils avaient peur de dépenser de l’argent sur des armes à feu ou sur des dispositifs parce que le gouvernement allait les leur retirer.

Oui, je suis d’accord pour dire que les ventes d’armes à feu en ce moment ont augmenté, mais ce qui m’inquiète, c’est que j’entends le gouvernement dire qu’il va interdire les armes à poing et les fusils d’assaut. Cela me touchera personnellement et directement, comme je travaille dans l’industrie cinématographique, car je n’y aurai plus accès au Canada. Voilà le point que je tentais de faire passer.

Pourriez-vous me rappeler la deuxième partie de votre question?

Le sénateur Pratte : Je me demandais si, même dans le cadre du système qui était en place avant 2015, les propriétaires d’armes à feu qui vont souvent à des expositions d’armes à feu ou chez un armurier parce qu’ils sont des tireurs professionnels, par exemple, ont accès à des autorisations de transport d’armes à feu valides pour une durée plus longue. Elles ne seraient pas automatiquement ajoutées au permis de possession et d’acquisition comme condition, je comprends, mais elles permettraient aux gens de ne pas avoir à appeler chaque fois qu’ils ont besoin d’une autorisation de transport d’armes à feu pour aller à une exposition d’armes à feu.

M. Taylor : Plus récemment, oui. J’en ai une qui figure sur mon permis de possession et d’acquisition.

Le sénateur Pratte : Mais même avant cela.

M. Taylor : Non, je ne crois pas. Comme je suis moi-même armurier, des clients m’appelaient et m’amenaient leur arme de poing. Je leur demandais s’ils avaient une autorisation de transport d’armes à feu et ils me disaient qu’ils devaient en obtenir une. Pratiquement tout le monde qui m’amenait une arme à feu prohibée pour que je la répare avait une autorisation de transport d’armes à feu papier du contrôleur des armes à feu. Personne n’avait de condition ajoutée à leur permis. Je ne me souviens pas que quiconque ait eu une autorisation inscrite sur leur permis jusqu’à tout récemment.

Le sénateur Pratte : Monsieur Taylor, tenez-vous des registres de ventes pour tous les types d’armes à feu que vous vendez?

M. Taylor : Oui.

Le sénateur Pratte : Quelle est l’information qui se trouve dans ces registres?

M. Taylor : J’en ai apporté un pour vous le montrer. Vous pourrez le regarder plus tard.

Le sénateur Pratte : C’est excellent.

M. Taylor : Nous tenons un grand livre.

Le sénateur Pratte : Est-ce que c’est comme un livre vert?

M. Taylor : Nous avons un grand livre.

Ce sont les registres qui nous sont fournis par le contrôleur des armes à feu. Dans les premières années, j’avais le gros livre vert. Quand vous recevez une arme à feu initialement, vous inscrivez dans le registre le numéro de certificat, le numéro d’inventaire, le numéro de série, la marque et le modèle, et tout ce que vous devez savoir à propos de l’arme à feu, ainsi que l’endroit où vous l’avez obtenue.

Le jour où vous la vendez, vous saisissez le numéro de permis d’armes à feu de l’acheteur, la date d’expiration et l’autorisation de transport ou le numéro de référence de la cession. Quand la personne vient chercher l’arme à feu, que ce soit une arme prohibée ou à autorisation restreinte, la personne signe pour en accuser réception ou nous indiquons la façon dont l’arme lui est envoyée, ainsi que la date.

Nous tenons cette information depuis les années 1990.

Le sénateur Pratte : Qu’est-ce que les exigences relatives à la documentation du projet de loi C-71 vont changer pour vous?

M. Taylor : Pour la vente d’armes à feu sans restriction, je dirais que nous allons revenir aux exigences qui existaient à l’époque où les armes à feu étaient enregistrées. Nous allons devoir tenir un registre de chaque vente. Personnellement, je tiens un registre de chacune des ventes que je fais.

Le sénateur Pratte : Pour les armes à autorisation restreinte et les armes sans restriction.

M. Taylor : C’est sans importance. Pour les carabines et les fusils de chasse, je consigne les noms et les numéros de permis. Je le fais depuis des années. Je n’ai rien changé. Je ne conserve pas de copie de leur PPA — leur permis de possession et d’acquisition.

Je regarde le PPA pour vérifier, quand ils veulent acheter quelque chose. Comme entrepreneur, je peux aller en ligne pour vérifier la validité de leur permis. Je n’ai pas besoin d’appeler.

Le sénateur Pratte : J’ai l’impression que le projet de loi C-71 va vous dire de continuer de faire exactement ce que vous faites.

M. Taylor : Vous avez probablement raison à cet égard.

Le sénateur Gold : Je vous remercie tous les deux de votre présence aujourd’hui. Je vais mettre ma question en contexte en disant d’abord que vous avez tous les deux fait une distinction très nette entre les criminels et les propriétaires d’armes respectueux des lois, qui forment la grande majorité des propriétaires d’armes à feu au Canada. Si je comprends bien le point de vue que vous avez tous les deux — et c’est quelque chose que nous avons entendu de la part d’autres témoins —, le projet de loi C-71 cible d’après vous le mauvais groupe.

Je me permets de vous dire que la distinction nette entre les criminels et les propriétaires d’armes respectueux des lois n’est peut-être pas la seule chose à prendre en considération. Il y a des Canadiens respectueux des lois qui peuvent vivre des difficultés d’ordre émotionnel dans leur vie et dans leur couple. Ils peuvent avoir des problèmes de santé mentale qui s’aggravent et qui les amènent, au moment d’une crise ou à cause du stress, à recourir à la violence parce qu’ils espèrent ou sont convaincus que cela va résoudre leurs problèmes.

Nous avons eu des témoignages à ce sujet. Nous avons entendu de nombreux témoins parler de cas où des armes à feu ont été utilisées contre un ou une partenaire et contre les enfants, en situation familiale. En plus de l’horreur que suscitent les pertes de vie, les répercussions et les traumatismes persistent longtemps après les événements. Les statistiques le montrent bien. Quand on parle de violence familiale, près de 600 personnes, en 2016, ont été victimes d’incidents de violence conjugale mettant en cause des armes à feu. Plus du quart des crimes violents au Canada sont perpétrés par un partenaire intime.

Nous avons aussi entendu des témoignages très troublants à propos du lien entre les armes à feu et le suicide. M. Brian Mishara nous a rappelé que, s’il y a une arme à feu en règle dans la maison, un citoyen respectueux des lois qui vit une crise risque beaucoup plus de mourir s’il fait une tentative de suicide avec une arme à feu. S’il a accès à une arme à feu, les risques sont encore plus grands.

J’aimerais entendre vos commentaires, docteur Ackermann, car je suis sûr que vous avez vu les résultats horribles de cela dans votre pratique.

J’ai des questions plus générales pour vous deux concernant l’amélioration et l’expansion de la vérification des antécédents et autres aspects. Ne diriez-vous pas que le projet de loi C-71 cible le problème réel de l’utilisation d’armes à feu par des citoyens normalement respectueux des lois? Ce n’est pas dans le but de commettre des crimes. L’arme est là, et dans un moment de crise et de stress, la personne va l’utiliser contre elle-même ou contre d’autres personnes. Ce sont des vies qui méritent d’être sauvées, et ce projet de loi pourrait contribuer à cela. J’aimerais entendre vos observations.

Dr Ackermann : Ce sont d’excellentes questions. Je suis un peu intrigué par le nombre de 600. Nous savons que le nombre de décès par arme à feu se situe entre 1 200 et 1 400 par année; 80 p. 100 sont des suicides, et il y a environ 250 homicides. Il y a en plus environ 20 décès par balle accidentels chaque année au Canada.

Je ne sais pas trop ce qu’on entend par les 600 épisodes de violence familiale mettant en jeu des armes à feu. Est-ce que cela signifie qu’il y avait une arme à feu dans l’immeuble, ou qu’une arme à feu a effectivement été utilisée contre une personne? C’est une question pour laquelle je n’ai jamais entendu de réponse.

Toutes ces idées remontent à l’étude Kellermann réalisée il y a environ 20 ans, dans laquelle le Dr Kellermann affirme que s’il y a une arme à feu dans la maison, vous risquez 42 fois plus d’être assassiné que s’il n’y a pas d’arme à feu dans la maison. Il présentait un biais de sélection extrême, car les maisons couvertes par son étude avaient été des scènes de meurtre. Il n’a pas regardé toutes les maisons et comparé celles où il y avait des armes à feu à celles où il n’y en avait pas, ni établi les taux globaux de meurtre ou de violence. Il n’a regardé que les scènes de meurtre. Cette étude a été de nombreuses fois discréditée.

Nous sommes très préoccupés par le meurtre, le suicide, etc. Je pratique des sports de tir depuis 50 ou 55 ans. Je n’ai jamais vu personne agir de manière inappropriée avec une arme à feu en ma présence, dans des centaines de champs de tir partout dans le monde, alors que des centaines de milliers de cartouches étaient utilisées en présence d’autres personnes armées.

À titre de médecin, je me suis retrouvé sur deux scènes de suicide par arme à feu. Cependant, j’ai eu de nombreux patients qui se sont suicidés. J’aimerais beaucoup mieux me concentrer sur l’état d’esprit des victimes que sur les outils qu’ils utilisent. Dans quelques études mondiales, si vous regardez ailleurs dans le monde, vous allez constater que le Japon affiche un taux de suicide très élevé, mais également un taux de possession d’armes à feu très faible. Je crois qu’il est erroné d’établir un lien de cause à effet alors qu’il n’y en a peut-être pas.

C’est malheureusement un enjeu très politisé, et les deux côtés perdent de vue ce qui est important. Il est important de faire de la prévention. Je parlais tout à l’heure de la ligne de dénonciation anonyme. C’est un outil qui peut être puissant.

Je ne peux pas vous dire combien de fois j’ai conseillé à des victimes de violence conjugale d’utiliser cette ligne. J’ai aussi conseillé à des personnes qui s’inquiètent de la sécurité sur la route de leurs parents âgés de téléphoner au ministère des Transports afin de signaler que leurs parents représentent un danger sur la route. Nous savons que 3 500 personnes meurent sur les routes chaque année au Canada. Les lignes de ce genre sont très utiles.

Les deux groupes les plus actifs au Canada en ce moment, la Coalition pour le contrôle des armes et le nouveau groupe Médecins canadiens pour un meilleur contrôle des armes à feu, souffrent également d’un biais de sélection extrême. Ce doit être horrible d’être à l’urgence et de voir arriver de jeunes personnes par ailleurs en santé qui ont été criblées de balles et que vous devez réparer. Cela ne nous représente pas. Cela représente l’univers des gangs au centre-ville de Toronto; un petit pourcentage de notre pays. Ce devait être horrible à Polytechnique. Je suis de tout cœur avec ces gens-là, mais votre présence à cet événement ne fait pas de vous un criminologue, non plus que de vivre un accident d’automobile fait de vous un ingénieur civil.

Il faut vraiment que vous regardiez l’information dont nous disposons. Tous les niveaux de contrôle des armes à feu ont été mis à l’essai par diverses administrations dans le monde. Les faits sont là. Il faut simplement que nous les examinions.

M. Taylor : Concernant votre question du début, je n’ai aucun problème avec le renforcement de la vérification des antécédents d’une personne, qu’il s’agisse de son passé criminel, de sa santé mentale ou d’autre chose, au moment de la première demande de permis d’armes à feu.

Dans un autre témoignage que j’ai entendu à une autre occasion, il était question du temps qu’il faut à un professionnel de la santé mentale pour répondre à une demande de la police. Un de vos témoins a dit qu’ils ne répondent pas. C’est dans ces situations que je dis que les vérifications des antécédents ne me dérangent pas, du moment que tout le monde est sur la même longueur d’onde et que nous sommes tous prêts, médecins et organismes d’application de la loi compris, à fournir l’information requise.

Dans ma déclaration, j’ai parlé de la campagne « Si vous voyez quelque chose, dites-le ». Les membres d’une famille qui savent qu’un des leurs a de la difficulté ou vit une crise doivent faire cet appel téléphonique. Il faut que quelqu’un parle de ce qui se passe, quand quelqu’un commet un suicide.

Cela est arrivé dans ma famille élargie, et c’était avec une arme à feu. Dans ma famille élargie, il y a des gens qui souffrent de dépression et d’autres maladies et qui prennent des médicaments, dont un des membres de ma famille directe que la police a dû sortir de chez lui à cause de médicaments qu’on lui avait donnés. Je ne suis pas à l’abri de ce qui peut se produire au sein d’un ménage et au sein d’une structure familiale.

En même temps, un membre de la famille peut faire obstacle à bon nombre de ces choses en faisant un appel, en téléphonant à une ligne d’écoute téléphonique ou en faisant quelque chose. S’il y a des armes à feu dans la maison et que vous craignez qu’une personne se fasse du mal ou fasse du mal à d’autres personnes, faites cet appel téléphonique.

Pour ce qui est d’imposer des choses dans la loi, je ne vois pas comment cela peut empêcher un suicide par arme à feu si une personne est vraiment résolue et déterminée à passer aux actes. Certains de mes clients se sont pendus après une dispute conjugale. C’est une des choses tragiques qui se produisent dans la société. J’imagine qu’il n’est généralement pas possible d’empêcher cela, si la personne est résolue et déterminée à s’enlever la vie.

La présidente : Je rappelle aux sénateurs que nous devons nous arrêter pile à 12 h 45 et que les questions doivent par conséquent être courtes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai quelques questions pour le Dr Ackermann. J’espère avoir le temps de les poser. Premièrement, n’est-il pas vrai que la majorité des décès, dans un contexte de violence conjugale ou de suicide, sont commis avec des armes enregistrées?

[Traduction]

Dr Ackermann : Je ne peux pas répondre à cela. Je dirais que la plupart des décès en contexte de violence familiale sont en fait causés par des coups de poing et de pied. Viennent ensuite les couteaux. Quant aux armes à feu, je ne peux pas vous dire si elles ont été enregistrées ou pas. Je ne le sais malheureusement pas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai obtenu des statistiques de deux provinces quant aux importants retards qu’accuse le domaine médical pour répondre aux demandes des corps policiers. En Colombie-Britannique, il y a 2 700 dossiers médicaux où la police n’a pas encore eu de réponse du corps médical; en Alberta, il y en a 2 600. Si le corps médical, qui appuie fortement ce projet de loi, est de bonne foi en ce qui a trait à la réduction des suicides et des homicides, pourrait-il laisser les corps policiers avoir accès directement aux dossiers médicaux des gens qui cherchent à acheter une arme?

[Traduction]

Dr Ackermann : C’est une autre excellente question. En tant que médecin, je collabore beaucoup avec notre service de police local. Je suis un médecin en milieu rural, et nous nous connaissons tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Nous avons un lien de confiance et de respect mutuel.

Cela ne me cause absolument aucun problème de signaler un de mes patients aux autorités s’il représente un risque immédiat pour lui-même ou pour d’autres. Je n’ai aucun problème à signaler aux autorités un de mes patients qui pourrait causer un préjudice à des enfants. Non seulement cela ne me cause aucun problème d’ordre éthique ou moral, mais en Nouvelle-Écosse, la loi oblige les médecins à faire de tels signalements.

En ce qui concerne les délais d’attente, je suis totalement d’accord pour dire que c’est tout à fait horrible. Nous avons eu un cas très médiatisé dans la région d’Antigonish. Un jeune soldat de retour du Moyen-Orient s’est suicidé après avoir tué toute sa famille. Durant une période de deux semaines, il était allé demander de l’aide dans diverses urgences sans jamais obtenir l’aide qu’il lui fallait.

Dans notre profession, en effet, nous portons cela. Nous travaillons avec les autorités locales et provinciales de la santé pour essayer de régler ces problèmes. Il y a les réalités auxquelles nous faisons face, cependant. Mon petit hôpital n’a pas d’installations sécurisées. Par conséquent, je suis tout à fait incapable de protéger un patient contre lui-même ou de protéger mon personnel contre le patient.

Si un patient s’adresse à moi et qu’il risque de se montrer violent, nous demandons à la police de l’escorter sous bonne garde jusqu’à l’hôpital régional, qui est muni d’une installation de confinement de sécurité. Puis, c’est la loi qui s’applique. On ne peut détenir cette personne que pour une brève période de temps.

Si le patient ne montre pas de signes évidents de psychose ou de comportements néfastes, la loi exige qu’il soit libéré. Un patient peut volontairement se faire détenir dans une installation sécurisée, mais cela se produit rarement.

Oui, la loi a peut-être besoin de plus de mordant, de sorte qu’une personne dont le comportement est vraiment problématique puisse être détenue pendant une courte période pouvant aller de 24 ou de 48 heures à peut-être une semaine, afin qu’il soit possible de l’évaluer convenablement.

Bien entendu, cela va nous ramener aux façons de faire des années 1960, quand des gens étaient enfermés de manière inappropriée. Il faut toujours trouver un juste équilibre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, si on dit que la prévention du suicide dépend d’une action rapide du corps médical pour donner de l’information au corps policier qui, lui, va poser une action directe afin de retirer les armes, est-ce qu’on n’est pas là dans un champ de compétence provincial?

[Traduction]

Dr Ackermann : Je ne sais pas si c’est provincial ou pas. Si j’ai un patient qui court un risque immédiat et que j’appelle la police, je sais que les agents exercent leur pouvoir de se rendre sur place et de saisir les armes à feu.

Le problème, c’est que le patient pourrait décider de ne rien me divulguer s’il sait ce que je vais faire. Je suis toujours honnête avec mes patients. Je ne leur mens pas. Si vous mentez à un patient dans une collectivité rurale, les gens se le disent entre eux et vous n’aurez plus la confiance de personne. Je suis très honnête avec eux. Je les informe des dispositions législatives qui m’obligent à faire un signalement. Certains patients vont alors cacher leurs intentions et leurs actions. Comme M. Taylor l’a dit, une personne qui est absolument résolue à se suicider ne va pas créer des conditions qui vont prévenir son suicide. Ce serait plutôt le contraire.

Je crois que c’est tout ce que je peux dire à ce sujet.

Le sénateur Oh : Ma première question s’adresse à vous, monsieur Taylor.

Depuis combien de temps travaillez-vous dans le domaine du transport des armes à feu pour la production de films?

M. Taylor : La première fois où je suis allé sur un plateau de tournage, c’était en 1993.

Le sénateur Oh : Pendant ces nombreuses années, je suppose que vous avez fait de nombreux déplacements afin de transporter des armes à feu ici et là pour le tournage de diverses scènes de films.

M. Taylor : Oui. Nous déplaçons les armes à feu en vertu de notre autorisation de transport, conformément à la réglementation visant le transport d’armes à feu pour entreprises.

Le sénateur Oh : Pendant toutes ces années à faire le transport d’armes à feu, pouvez-vous nous dire combien de fois vous avez perdu des armes à feu ou combien de fois des armes n’ont pas été renvoyées à l’armurerie?

M. Taylor : Nous n’avons jamais perdu d’armes. Il est arrivé une fois qu’un cascadeur retire un fusil du plateau de tournage. Nous ne savons toujours pas aujourd’hui s’il l’a fait délibérément ou par accident, mais le fusil était dans son sac.

En moins de cinq minutes, la police a été avertie. Nous avons fait une recherche, et nous l’avons trouvée. Nous n’avons jamais perdu une seule arme à feu pendant nos activités de transport.

Le sénateur Oh : Une fois que le projet de loi C-71 aura été adopté, croyez-vous que vos activités de transport seront encore plus sûres? Est-ce que cela va plutôt vous donner plus de problèmes sans améliorer ce que vous faites maintenant?

M. Taylor : Le projet de loi C-71 ne va rien changer sur le plan de nos activités commerciales. Du côté civil, cela signifie que je dois faire un appel téléphonique de plus ou obtenir un permis de plus pour déplacer quelque chose.

C’est une autorisation que j’ai déjà depuis des années. Maintenant, on m’enlève cette autorisation, et je dois faire un appel à titre personnel pour dire que demain, par exemple, je dois apporter mon arme chez l’armurier. Avant, ou plutôt récemment, je pouvais le faire automatiquement sans devoir faire cet appel téléphonique.

Le sénateur Oh : J’ai une question pour le Dr Ackermann.

S’il entre en vigueur, pensez-vous que le projet de loi C-71 engendrera une réduction du taux de criminalité et de suicide de membres de la famille?

Dr Ackermann : Je ne pense pas qu’il aura un effet quelconque sur le taux de suicide global. Il influera peut-être sur le taux de suicide par arme à feu.

La sénatrice Busson : Monsieur Taylor, merci d’être présent aujourd’hui. Je suis très intéressée par les travaux que vous réalisez avec le Movie Armements Group. Le sénateur Oh a couvert presque toutes les questions que je voulais poser à ce sujet.

J’aimerais savoir comment vous sélectionnez les personnes qui travaillent pour vous. Est-ce qu’elles ont toutes un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu, et font-elles toutes l’objet d’une vérification de sécurité pour la manipulation de ces armes à feu lorsqu’elles se déplacent d’un endroit à un autre?

M. Taylor : Oui, tous nos employés ont un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu sans restriction et à autorisation restreinte. Ils font également l’objet d’un processus de vérification, réalisé pour nous par l’entremise de la direction des marchandises contrôlées. C’est moi qui m’en charge. Ils doivent obtenir une vérification de leurs antécédents judiciaires et fournir leurs empreintes digitales.

J’effectue tout l’examen en appliquant le plan de la direction des marchandises contrôlées. J’accepte ou je refuse qu’ils travaillent pour moi, ou j’approuve ou je rejette leur demande d’accès à des marchandises prohibées ou contrôlées.

La sénatrice Busson : À titre de précision, le projet de loi C-71 n’aurait, selon vous, aucun effet sur cette industrie de plusieurs millions de dollars.

M. Taylor : Il ne pourrait avoir une incidence que sur l’accès aux armes à feu, s’il est contrôlé du côté civil ou si, après l’entrée en vigueur du projet de loi C-71, on décide d’interdire les armes de poing ou les fusils d’assaut. Cela nuirait assurément à notre industrie.

La sénatrice Busson : Ma dernière question s’adresse au Dr Ackermann. Je dois avouer, docteur Ackermann, que j’ai été très choquée d’apprendre que les agents de police assassinent, violent et, je n’ai pas entendu la dernière catégorie, plus que les propriétaires d’armes à feu acquises légalement. Je trouve cela absolument terrifiant.

Auriez-vous l’amabilité de fournir la source de ces statistiques?

Dr Ackermann : Ces statistiques ont été compilées par le département de la Justice des États-Unis au sujet de la police américaine. Toutefois, il y a quelque temps, une étude réalisée en Alberta a aussi confirmé ce fait.

Malheureusement, je n’ai pas ce document avec moi, mais il faut garder à l’esprit que, bien que le taux relatif à ces crimes soit légèrement plus élevé pour eux que pour les détenteurs d’armes à feu respectueux de la loi, ces pourcentages sont très faibles. On parle d’environ 0,0001 p. 100 contre 0,00012 p. 100 de la population. Il s’agit de taux extrêmement faibles, alors il ne vaut peut-être pas la peine de tenir compte de la différence.

La sénatrice Busson : À titre de précision, la troisième catégorie d’actes répréhensibles que vous avez décrite était-elle celle des suicides?

Dr Ackermann : Il s’agissait des meurtres, des viols et des vols.

La sénatrice Busson : Les vols. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Docteur Ackermann, corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez siégé au Comité consultatif canadien sur les armes à feu sous le précédent gouvernement. Est-ce exact?

[Traduction]

Dr Ackermann : Oui.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Avez-vous été consulté par le gouvernement actuel sur le projet de loi C-71?

[Traduction]

Dr Ackermann : Non, je ne l’ai pas été.

[Français]

Le sénateur Dagenais : C’est quand même surprenant de la part d’un gouvernement qui dit être à l’écoute des Canadiens. Il aurait dû vous consulter. Pouvez-vous nous faire une analyse des opinions des groupes de médecins qui se sont exprimés en faveur d’un plus grand contrôle des armes de poing?

[Traduction]

Dr Ackermann : Je trouve très étrange que ce groupe soit sorti comme cela de nulle part, prêt à entrer en action et entièrement financé, avec des allocutions prévues dans tout le pays, et ce, en moins d’une semaine. Je trouve cela très étrange.

Je crois qu’ils souffrent d’une partialité extrême en matière de sélection. Les personnes que je vois arriver aux urgences et qui ont besoin de leurs connaissances techniques ne sont en aucun cas représentatives du Canadien moyen, et celles qui ont blessé leurs patients non plus.

Je pense que ce groupe est une entité politique déguisée en entité médicale.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On peut dire que c’était une analyse d’opinion orientée.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Cette question s’adresse au Dr Ackermann. Connaissez-vous l’étude qui a été réalisée par les Dres Deborah Doherty et Jennie Hornosty dans des régions rurales du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard?

En connaissez-vous les conclusions?

Dr Ackermann : Si vous me dites quel était le sujet de l’étude, je pourrai vous répondre.

La sénatrice McPhedran : Oui. Elle concernait les armes à feu dans les foyers et les communautés situés en zones rurales. Cette étude a révélé que l’attitude envers les armes à feu est influencée par la culture de la chasse ou des armes à feu, qui accorde une valeur importante et positive à la possession d’une arme, comme l’ont confirmé les deux témoins aujourd’hui.

Elle a aussi démontré que, bien que les propriétaires d’armes à feu acquises légalement braquent parfois leur fusil sur leurs femmes et leurs enfants, la seule présence d’une arme à feu suffit à réduire les femmes au silence, même lorsque la menace est indirecte.

La crainte de l’utilisation abusive d’une arme à feu peut devenir un problème au sein d’une collectivité pour les familles, les voisins et les fournisseurs de services, qui sont intimidés ou qui ont peur d’appeler la police lorsqu’ils sont témoins de violences parce qu’ils craignent des représailles.

Docteur Ackermann, en tant que médecin en milieu rural, ces renseignements sont-ils pertinents pour les soins que vous offrez à vos patients?

Dr Ackermann : Oui, je reconnais cette étude, bien que je n’en reconnaisse pas les auteures. Je l’ai lue, et je suis d’accord avec la plus grande partie de son contenu.

Lorsque vous vivez une situation horrible dans laquelle votre conjoint vous terrifie, vous pouvez facilement être réduite au silence. Pour venir en aide aux victimes, nous leur donnons les moyens d’échapper à leur situation. Elles ont besoin de plus de ressources et de sentir qu’elles peuvent le faire en toute sécurité. Les femmes qui se trouvent dans ce type de circonstances sont totalement impuissantes. Elles dépendent financièrement de l’auteur de leur maltraitance. Je peux peut-être vous raconter une courte anecdote.

J’ai connu une femme dont l’époux est arrivé aux urgences avec une grave coupure sur le bras qu’il s’était faite lorsque, en essayant de lui donner un coup de poing, il avait raté sa cible et avait frappé dans une vitre. Dès qu’il est parti, je l’ai appelée et je lui ai dit : « Vous devez vous sortir de là », et elle l’a fait. Mon appel a suffi pour la convaincre. Elle est partie.

Nous devons concentrer nos efforts sur l’offre d’une aide à ces personnes pour qu’elles s’endurcissent en tant que cibles, qu’elles ne jouent plus le rôle de la victime dans l’histoire de l’auteur des violences, et qu’elles obtiennent les soutiens dont elles ont besoin.

La sénatrice McPhedran : À titre de précision, comme vous vous préoccupez énormément de vos patients qui vivent des situations de violence familiale, estimez-vous que les conclusions de l’étude que j’ai résumée sont pertinentes? Selon vous, la présence d’armes à feu dans les foyers où il y a un risque ou des cas de violence familiale constitue-t-elle effectivement un facteur aggravant des violences?

Dr Ackermann : La présence de personnes violentes dans ces foyers est le facteur aggravant. La présence d’une arme à feu y est certes très inquiétante; mais on y trouve aussi des marteaux, des haches, des couteaux, des bottes et des pieds. Le fait de se concentrer sur un outil inanimé qui est utilisé de façon abusive par une personne violente est une erreur.

La présidente : Monsieur Taylor et docteur Ackermann, j’aimerais vous remercier énormément d’avoir été parmi nous aujourd’hui. Nous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré et de la contribution que vous avez apportée à notre comité.

Le deuxième groupe de témoins comprend l’honorable Bill Blair, C.P., député, ministre de la Sécurité frontalière et de la réduction du crime organisé; Randall Koops, directeur général, Politique en matière de police, Sécurité publique Canada; Kellie Paquette, directrice générale, Programme canadien des armes à feu, et Robert Mackinnon, directeur, Direction de l’amélioration des activités relatives aux armes à feu, Gendarmerie royale du Canada; et, enfin, Alexandra Budgell, chef d’équipe et avocate-conseil, ministère de la Justice.

L’honorable Bill Blair, C.P., député, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis reconnaissant de l’occasion que vous m’offrez de me présenter devant vous dans le cadre de la poursuite de votre étude du projet de loi C-71, la législation proposée par le gouvernement pour durcir les lois canadiennes sur les armes à feu.

J’estime que la plus grande responsabilité, pour n’importe quel gouvernement, est d’assurer la sécurité de sa population et de ses communautés.

Je pense que les Canadiens peuvent être assurés que notre pays est l’un des plus sécuritaires au monde. Nous ne devons pas nous relâcher en raison de notre heureux coup du sort, surtout maintenant que nous avons constaté une augmentation de la violence liée aux armes à feu dans l’ensemble du pays au cours des dernières années.

Par exemple, les crimes violents signalés à la police dans lesquels une arme à feu était présente ont augmenté de 42 p. 100 entre 2013 et 2017. Nous constatons également une augmentation du nombre d’homicides commis au moyen d’armes à feu. En 2017, il y a eu 266 homicides de ce type au Canada, soit 43 de plus que l’année précédente. Il s’agit de la quatrième augmentation annuelle consécutive.

Les fusillades sont également devenues la méthode d’homicide la plus commune, provoquée en grande partie par des rivalités entre les gangs. Les activités de ces derniers ont évidemment tendance à faire les grands titres de l’actualité, mais le problème de la violence armée va bien au-delà des conflits entre factions criminelles. Des personnes en colère, revanchardes ou déséquilibrées mettent également la main sur des armes à feu dans notre pays. Elles les utilisent pour commettre des crimes horribles, comme le massacre à la mosquée de Québec il y a deux ans, ou les fusillades mortelles à Fredericton et sur l’avenue Danforth à Toronto l’été dernier.

Les armes à feu jouent également un rôle dans de nombreux cas de violence conjugale et familiale, à la fois comme moyen d’intimidation et comme méthode d’exécution d’actes violents. Le célèbre triple homicide n’en est qu’un exemple tragique. Une autre préoccupation importante est l’utilisation d’armes à feu par des personnes souffrant d’une maladie en raison de laquelle elles pourraient présenter un risque pour elles-mêmes ou d’autres personnes.

D’ailleurs, au Canada, les armes à feu sont utilisées dans plus de 500 suicides par an. Dans chaque cas et derrière chaque statistique, des vies sont changées à tout jamais par l’utilisation illégale d’une arme à feu.

Il s’agit d’une tragédie pour les personnes directement touchées et leurs familles, mais cela a également une incidence terrible sur les endroits où ces actes se produisent. J’ai nettement constaté, au cours de mes quelque 40 années comme policier, l’incidence que peut avoir la violence armée sur ces communautés et sur le sentiment de sécurité de leurs habitants.

D’après mon expérience, il n’y a pas de solution simple et unique pour s’attaquer à la violence et aux crimes liés aux armes à feu. Le problème est trop complexe et varié pour qu’il existe des réponses simples et faciles.

Pour cette raison, le premier ministre m’a donné le mandat d’étudier cet enjeu, d’examiner toutes les mesures possibles, allant jusqu’à l’interdiction des armes de poing et des fusils d’assaut, sans nuire à l’utilisation légale d’armes à feu par les Canadiens.

Dans le cadre de ce mandat, j’ai communiqué avec des partenaires, des intervenants et des citoyens préoccupés des deux côtés de ce débat et de cette discussion. Au cours des derniers mois, j’ai eu l’occasion d’entendre un vaste éventail de points de vue et d’opinions partout au pays. J’ai rencontré des collègues provinciaux, territoriaux et municipaux, des communautés autochtones, des organismes communautaires, des policiers, des chefs de police et des experts dans des petites communautés comme dans des grandes. J’ai parlé avec des victimes de crimes commis avec une arme à feu et avec des groupes d’aide aux victimes.

J’ai également passé beaucoup de temps dans des champs de tir, où j’ai rencontré des organismes qui représentent des tireurs sportifs et des amateurs de chasse, ainsi que des détaillants d’armes à feu, qui sont tous dévoués à l’utilisation légale des armes à feu et à la sécurité publique.

En plus de ces réunions bilatérales en personne et de ces séances en table ronde, les activités de mobilisation du gouvernement comprenaient un questionnaire en ligne et une analyse des observations écrites. Le rapport sommaire de ce que nous avons entendu sera accessible au public sous peu.

J’aimerais profiter de cette occasion pour vous communiquer certains des principaux thèmes qui ont découlé de ces discussions. Nous avons entendu et, franchement, je sais d’après mon expérience à titre de policier, que dans notre pays, les armes à feu utilisées pour commettre des crimes proviennent essentiellement de deux sources. Une grande partie de ces armes entrent clandestinement au pays. D’autres proviennent de sources canadiennes.

Ces dernières années, le nombre d’introductions par effraction au cours desquelles une arme à feu était présente, y compris ceux dont le but était de voler une arme à feu, a nettement augmenté. Il est passé de 309 en 2009 à 1 175 en 2017. Il n’est donc pas surprenant que les consultations aient étudié la nécessité d’exigences plus sévères et plus sûres en matière d’entreposage d’armes à feu. Cette mesure aiderait à protéger les entreprises et les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi contre le vol.

Nos consultations ont également soulevé la possibilité d’un mécanisme de suspension de permis, afin de limiter l’accès aux armes à feu des personnes qui pourraient représenter un risque pour elles-mêmes ou d’autres personnes.

Un autre thème récurrent était la nécessité d’améliorer la collecte et l’échange de données sur les crimes commis au moyen d’une arme à feu, notamment sur la source des armes à feu sur le marché noir. L’amélioration des données et une diffusion plus large de celles-ci sont essentielles pour comprendre les types de crimes qui sont commis.

Ces données sont également essentielles pour appuyer les services d’application de la loi de première ligne et les efforts en matière de poursuites, surtout lorsqu’il est question de repérer les armes à feu utilisées à des fins criminelles dans le but de déterminer si elles ont été obtenues par l’intermédiaire d’un vol, de la contrebande, d’un achat par personne interposée ou d’autres moyens.

Je suis impatient de présenter bientôt mes recommandations de solutions, notamment l’interdiction possible d’armes. Nous envisageons toutes les options possibles. Je peux vous dire que nous étudions très attentivement les types d’armes qui ont été utilisées dans l’attaque terroriste contre les mosquées en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans les tragiques fusillades qui se sont produites ici et dans le monde entier.

Quelles que soient les mesures que nous finirons par adopter en tant que gouvernement, nous voulons nous assurer qu’elles seront réellement efficaces pour que les armes à feu restent hors de la portée des criminels violents. Nous voulons également nous assurer que les mesures que nous prendrons respectent et reconnaissent le fait que la très grande majorité des propriétaires d’armes à feu au Canada respectent la loi et utilisent leurs armes à feu de façon responsable.

Je peux vous dire qu’une grande partie de ce que nous avons entendu correspond aux mesures pratiques et raisonnables que nous proposons dans le projet de loi C-71, y compris les mesures visant à améliorer les vérifications des antécédents et les procédures de vérification en vue d’obtenir légalement des armes à feu.

De même, il importe de souligner que nous continuons à prendre des mesures pour assurer la sécurité des Canadiens en combattant l’utilisation illégale d’armes à feu. Nous avons octroyé jusqu’à 327 millions de dollars sur cinq ans en nouveau financement pour soutenir différentes initiatives visant à réduire les crimes violents commis au moyen d’une arme à feu et les activités criminelles des gangs.

De cette somme, nous investissons 86 millions de dollars dans nos organismes d’application de la loi et agences des services frontaliers, à l’appui des travaux importants qu’elles réalisent pour intercepter les armes à feu illégales à la frontière et en enrayer le flot.

Une plus grande part du montant général du financement, 214 millions de dollars sur cinq ans au total, a été offerte aux provinces et aux territoires afin de répondre à leurs besoins particuliers et de soutenir les efforts fournis dans leurs collectivités.

Nous savons que la hausse du taux de crimes violents n’est pas seulement ressentie dans les grandes villes. Les petites villes sont également aux prises avec cette difficulté, tout comme les communautés rurales, éloignées, du Nord et autochtones. Tous ces endroits peuvent avoir différents besoins en fonction de leur expérience en ce qui a trait aux gangs et aux crimes violents liés aux armes à feu. C’est pourquoi nous donnons aux provinces et aux territoires la plus grande marge de manœuvre possible dans l’utilisation du financement fédéral pour satisfaire à ces besoins comme ils l’entendent.

Un large éventail d’activités et de bénéficiaires sont admissibles à un financement au titre de notre nouveau fonds d’action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs. Celles-ci comprennent les efforts déployés pour approfondir les connaissances grâce à une meilleure collecte de données et à un meilleur échange de renseignements, ainsi que pour renforcer la capacité d’identifier les gangs et leurs membres. Elles comprennent également des projets ciblant des interventions opérationnelles dans les domaines prioritaires au sein des communautés.

Par exemple, le financement fédéral aidera la Saskatchewan à renforcer sa capacité de collecte, d’analyse et d’échange de renseignements sur des activités liées aux armes à feu et aux gangs. Il permettra aussi à cette province de restructurer ses ressources policières existantes de manière à cibler davantage les gangs et les activités criminelles qui y sont associées, dont la violence armée.

Toutefois, le Fonds d’action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs ne vise pas qu’à soutenir les mesures d’application de la loi. Il vise aussi à répondre au besoin essentiel de programmes de prévention, d’intervention et de réadaptation au sein des collectivités. Tous les partenaires doivent collaborer en vue de réduire la demande d’armes à feu, surtout parmi les jeunes qui sont susceptibles de se mêler à des gangs et d’utiliser des armes à feu pour résoudre les conflits et les différends.

Pour ce faire, il faut collaborer non seulement avec les services policiers, mais aussi avec les organismes communautaires qui créent des programmes novateurs de prévention du crime à l’échelle locale. Il faut aussi investir dans les communautés et les jeunes, les aider à faire de meilleurs choix et changer les circonstances qui conduisent souvent à des crimes violents dans nos collectivités.

En fait, l’importance d’aborder les causes sous-jacentes de la violence est un point qui a fait consensus dans toutes les consultations auxquelles j’ai participé.

En Colombie-Britannique, le financement fédéral annoncé récemment permettra de soutenir des initiatives visant à prévenir les activités des gangs locaux et à intervenir dans des communautés précises touchées par les crimes violents. Ces initiatives comprendront des consultations communautaires, des formations ciblées et la création d’outils de prévention de la violence liée aux armes à feu et aux gangs parmi les Autochtones.

Pendant ce temps, en Ontario, des initiatives soutiendront l’élaboration et la mise en place de programmes communautaires propres aux Autochtones conçus pour réduire la violence et promouvoir la guérison dans ces communautés.

D’après mon expérience, à titre de personne responsable de la sécurité de près de trois millions de citoyens dans ma ville, j’ai appris au fil des ans que nous ne pouvons pas simplement régler le problème de la violence armée dans nos communautés par des arrestations sans fin. Il nous faut continuer à envisager un certain nombre d’approches, à investir dans celles-ci et à bien le faire. C’est ce que nous faisons avec notre approche complète visant à réduire dans toutes leurs formes la violence et le crime liés aux armes à feu, ainsi qu’à assurer la sécurité des collectivités.

Je tiens à remercier les membres du comité pour le travail important qu’ils accomplissent en étudiant ce dossier. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur le ministre.

Je rappelle à tous les sénateurs qu’un certain nombre de personnes figurent sur la liste, alors je vous prierais de poser des questions brèves.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Blair, de votre présentation. Vous avez mentionné vos 40 ans de service à la police de Toronto et nous avons eu l’occasion de nous rencontrer. J’ai travaillé pendant 39 ans à la Sûreté du Québec. Nous comprenons donc très bien la situation. Vous savez autant que moi que les gangs de rue utilisent des armes de contrebande où le numéro de série est souvent effacé, ou alors ils font tout simplement disparaître l’arme. Le projet de loi C-71 n’aura aucun effet sur la criminalité dans les grandes villes comme Toronto ou Montréal. La majorité des armes à feu qui servent à commettre des crimes violents n’ont rien à voir avec le projet de loi C-71. D’autre part, les tribunaux ont invalidé la peine minimale d’emprisonnement pour ceux qui commettent un crime avec une arme chargée. On ne peut pas dire que votre gouvernement a fait grand-chose de ce côté-là en invalidant cette peine d’emprisonnement. Pourtant, c’est là que les citoyens veulent que le gouvernement agisse. Ne croyez-vous pas qu’il faudrait envisager une peine minimale pour un criminel professionnel?

[Traduction]

M. Blair : Merci beaucoup, sénateur Dagenais. Je vais répondre à quelques-unes des questions que vous avez soulevées et j’essaierai d’être bref.

Mon expérience m’a appris qu’il est important que nous envisagions aussi de prendre toutes les mesures qui pourraient être nécessaires à la prévention du crime dès le départ. La meilleure façon de procéder est d’abord de faire en sorte qu’il soit plus difficile de commettre des crimes et, ensuite, qu’il soit plus probable que les organismes d’application de la loi disposent des ressources et des capacités nécessaires pour vraiment voir venir les actes criminels et ainsi en décourager la perpétration.

Bien sûr, les actes criminels commis doivent entraîner des conséquences appropriées.

Il est clair que nous sommes d’accord avec toutes ces choses, mais notre gouvernement a fait des investissements considérables afin d’accroître les capacités des organismes d’application de la loi — pas seulement les autorités policières fédérales, mais aussi municipales et provinciales — pour s’assurer qu’elles disposent des outils et des ressources nécessaires afin d’être plus efficaces dans les collectivités.

Comme je l’ai dit plus tôt dans mes remarques, l’application de la loi n’est pas la seule façon de traiter cette question. Une bonne partie des interventions se font après le fait. Nous faisons des investissements considérables dans les collectivités et les enfants pour changer les circonstances qui donnent lieu à des actes de violence. Toutes ces choses sont d’égale importance.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans votre présentation, vous avez parlé de la hausse du nombre d’armes volées lors d’entrées par effraction. Vous établissez une drôle de relation avec la hausse du nombre de crimes violents. Selon vous, comment un voleur qui entre dans une maison par effraction peut-il savoir qu’il mettra la main sur une arme à feu?

[Traduction]

M. Blair : Nous avons observé, ces dernières années, qu’un nombre considérable d’armes à feu qui se retrouvent dans nos rues et nos collectivités et servent à commettre des crimes violents ont été volées, soit chez des détaillants soit chez des propriétaires d’armes à feu légales au Canada.

Je n’ai pas de données nationales parce que, comme je l’ai mentionné ailleurs dans mes remarques, les données sont incomplètes, mais j’ai ce que je crois être un échantillon de données très utiles tiré des années que j’ai passées dans mon propre service de police où nous retracions l’origine de toutes les armes saisies avec lesquelles un crime avait été commis.

Environ 30 p. 100 de ces armes avaient été détournées d’un marché légal au Canada, soit à un point de vente ou à l’issue d’un vol ou d’autres types de détournement, pour se retrouver entre les mains de criminels.

Vous faites aussi allusion à la façon dont les criminels meulent le numéro de série. C’est vrai. Ils essaient de le faire pour masquer ou dissimuler l’origine de l’arme à feu, mais je peux aussi vous dire d’expérience que nos techniciens sont très habiles pour récupérer les numéros de série. Lorsque nous arrivons à retracer l’origine de ces armes utilisées à des fins criminelles, nous trouvons souvent d’autres occasions de déterminer qui est responsable d’avoir détourné une arme du marché légal pour qu’elle se retrouve entre les mains de criminels.

[Français]

Le sénateur Dagenais : L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont choisi d’indemniser les vendeurs d’armes à feu pour les pertes financières qui seront occasionnées par les nouvelles interdictions. Si le Canada procède à de nouvelles interdictions, est-ce que votre gouvernement envisage d’indemniser les entreprises canadiennes qui font ce genre de commerce de manière légitime, et dont la valeur des stocks sera sûrement sérieusement affectée?

[Traduction]

M. Blair : Sénateur, tout ce que je peux vous dire, c’est que nous n’avons tout simplement pas encore pris de décision en ce qui concerne la façon dont nous traiterons à l’avenir toute arme à feu. Je peux vous dire ce que j’ai entendu pendant mes déplacements dans tout le pays. C’est une préoccupation que soulèvent les propriétaires d’armes à feu concernant l’incidence soit de l’interdiction, de l’établissement de droits acquis ou des programmes de rachat.

C’est une question que j’ai sondée et étudiée en profondeur à la grandeur du pays, mais le gouvernement n’a pas, à ce stade, pris de décisions quant à la façon dont il procéderait dans ce dossier à l’avenir.

Le sénateur Gold : Merci, monsieur le ministre, d’être venu. Merci aux fonctionnaires qui vous accompagnent.

Compte tenu de votre longue expérience au sein des forces policières, pourriez-vous nous dire de quelle façon vous pensez que le projet de loi C-71 aiderait les policiers à faire leur travail?

M. Blair : Je crois que des aspects de ce projet de loi continueront d’encourager les propriétaires d’armes à feu à être responsables. Comme je l’ai indiqué, sénateur Gold, mon expérience m’a appris que l’écrasante majorité des propriétaires d’armes à feu au Canada acquièrent leurs armes à feu, les entreposent, les utilisent et s’en défont de manière assez responsable. Je crois que ces mesures renforcent le régime pour encourager la responsabilité chez les propriétaires.

Je pense que les dispositions améliorées concernant les vérifications sur les antécédents criminels que contient ce projet de loi nous permettront aussi de prendre des décisions plus éclairées afin de déterminer si un particulier possède les qualités requises pour être titulaire d’un permis. Encore une fois, il vaut la peine d’obtenir le plus de renseignements possible pour éclairer ces importantes décisions.

Enfin, si j’en juge par mon expérience de jeune officier de police, avant que les autres dispositions soient prises, les détaillants d’armes à feu conservaient les livres verts et s’assuraient que l’information était disponible. Ils le faisaient pour se protéger et aux fins d’assurance, mais l’État n’y avait pas accès sans passer par les tribunaux. Vous pouviez obtenir un mandat de perquisition. À certains moments, c’était une façon utile d’orienter l’enquête pour déterminer l’origine d’une arme à feu qui avait été utilisée pour commettre un crime violent ou même un meurtre.

Ces mesures, telles qu’elles figurent actuellement dans le projet de loi à l’étude, feront en sorte que ces enquêtes soient plus efficaces tout en nous évitant de reprendre les longues discussions concernant la conservation de ces dossiers. Ils ne seront pas conservés par l’État, mais pourront être obtenus par voie judiciaire. Je pense que cette mesure peut rehausser la sécurité publique, car elle peut accroître la probabilité de détection.

La sénatrice Griffin : Je pense que le Fonds d’action contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs est une excellente idée. J’aime le fait qu’il est mis en œuvre en partenariat avec les provinces, les territoires et les municipalités.

Si nous proposions de modifier le projet de loi afin d’ajouter un mécanisme d’appel pour les fois où la GRC modifie la désignation d’une arme, en la faisant passer d’une arme à feu à autorisation restreinte à une arme à feu prohibée, quel serait l’endroit logique où insérer un mécanisme de ce genre? Quel organisme ou quelle personne en serait responsable?

M. Blair : Je vais profiter de la présence de hauts fonctionnaires du ministère de la Justice qui pourraient avoir une réponse plus éclairée à vous offrir.

La sénatrice Griffin : Ce serait formidable.

Alexandra Budgell, chef d’équipe et avocate-conseil, ministère de la Justice Canada : Comme nous en avons parlé précédemment, à l’heure actuelle, les définitions des trois catégories d’armes à feu figurent dans le Code criminel. En fin de compte, le Parlement a défini la classification des armes à feu en prenant, dans certaines circonstances, des règlements en vertu du Code criminel.

Lorsque la GRC prend des décisions administratives, elle évalue finalement les armes à feu en fonction des définitions du Code criminel. Si des gens ont le sentiment d’être touchés par ces décisions, ils peuvent déjà faire appel à un tribunal ou une cour de plusieurs façons.

Dans le cas de la révocation d’un certificat d’enregistrement, on peut demander une audience de renvoi auprès d’un tribunal provincial. Dans le cas d’une importation ou d’une exportation, on pourrait s’adresser au Tribunal canadien du commerce extérieur. Enfin, dans un contexte criminel, on pourrait être entendu par des tribunaux pénaux.

La sénatrice Griffin : Je reviendrai sur cet enjeu pendant la deuxième série de questions. Si la classification d’une arme à feu peut être élevée en la faisant passer d’une arme à feu à autorisation restreinte à une arme à feu prohibée, ne devrait-il pas être possible d’abaisser sa classification en la faisant passer d’une arme à feu prohibée à une arme à feu à autorisation restreinte?

Mme Budgell : En ce moment, il y a dans le Code criminel une disposition qui permet au gouverneur en conseil de juger qu’une arme à feu est prohibée ou non. Le projet de loi C-71 propose d’abroger cette disposition.

La sénatrice Griffin : Donc, la réponse est non. Merci.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui et de répondre à nos questions.

Je crois comprendre que vous menez en ce moment des consultations au sujet d’une arme de poing et de certaines des armes d’assaut, compte tenu des préoccupations exprimées surtout dans les grands centres urbains à propos de la violence par arme à feu. Je crois aussi comprendre qu’il est improbable qu’une nouvelle mesure législative exhaustive soit présentée dans un avenir immédiat.

Cela dit, les intentions du gouvernement en ce qui concerne une interdiction plus générale des armes à feu ne sont pas claires pour le moment. Autrement dit, s’agirait-il d’une interdiction complète ou partielle des armes de poing appartenant à des titulaires de permis d’armes à feu, ainsi qu’une interdiction des armes d’assaut?

Selon ce que le gouvernement annoncera en ce qui concerne une interdiction des armes à feu, croyez-vous que cette annonce rendra certaines des dispositions du projet de loi C-71 superflues et soulèvera la question de savoir si la stratégie du gouvernement en matière d’armes à feu est claire et cohérente?

En d’autres termes, ne pensez-vous pas qu’un seul projet de loi, portant sur les armes à feu à autorisation restreinte, les armes à feu prohibées et les armes de poing, aurait dû être présenté?

M. Blair : La meilleure façon dont je pourrais répondre à cette question est de dire que le gouvernement est déterminé à prendre des décisions éclairées afin de mettre en œuvre de bonnes politiques publiques fondées sur les meilleures données probantes disponibles. J’ai été chargé de procéder à un examen de ces données probantes et de consulter les Canadiens afin de bénéficier d’un large éventail de points de vue. Je dois vous dire qu’il y a une grande variété de points de vue en ce qui concerne toutes les questions liées aux armes à feu.

Le gouvernement désirait être adéquatement informé de ces divers points de vue et des meilleures données probantes disponibles, et il souhaitait examiner toutes les façons dont nous pourrions améliorer la sécurité des Canadiens et de nos collectivités. Je dois vous dire qu’il ne s’agit pas simplement d’un enjeu urbain. Je tiens aussi à préciser cela, parce que j’ai entendu, dans toutes les régions du Canada, des Canadiens exprimer de véritables inquiétudes à propos de la violence, en général, et de la violence par arme à feu, en particulier, au sein de leur collectivité.

C’est un problème dans les collectivités éloignées, c’est un problème dans le Nord, et c’est un problème dans les collectivités rurales et urbaines. La violence se manifeste de différentes façons dans ces endroits, mais mon travail consistait à me rendre dans toutes ces régions, à examiner tous les moyens employés et à étudier l’expérience acquise dans les autres administrations afin de déterminer la meilleure façon de continuer à répondre aux préoccupations des Canadiens à propos de la violence par arme à feu dans leur collectivité.

Le sénateur McIntyre : Je comprends que le gouvernement est bien intentionné, mais le fait est que le public restera confus.

En d’autres termes, les Canadiens verront-ils une stratégie claire et cohérente en matière d’armes à feu? Voilà la question, selon moi.

M. Blair : En toute franchise, c’est là ma responsabilité. Oui, monsieur, j’ai l’intention de préciser les choses et d’examiner chaque façon dont nous pourrions continuer d’améliorer la sécurité publique.

J’ai mené un grand nombre de consultations à cet égard, et je suis chargé de présenter les résultats au gouvernement. D’importantes discussions ont lieu en ce moment à propos de la meilleure façon de procéder, et ces discussions ne sont pas terminées. Il serait donc inapproprié que je parle du stade où nous en sommes, mais je peux vous dire que nous avons l’intention de prendre les mesures qui s’imposent.

Nous n’avons pas peur d’envisager n’importe quelle mesure qui, selon nous, permettrait d’assurer efficacement la sécurité des gens.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre. Je vais vous citer quelques données qui je tiens de Statistique Canada. Trois pour cent des crimes violents au Canada ont été commis avec des armes à feu, ce qui représente moins de 1 p. 100 de tous les crimes qui ont été commis. Le taux de crimes violents, en milieu urbain comme en milieu rural, est à peu près le même depuis des années. Depuis 2013, l’augmentation des crimes qui ont été commis en milieu urbain est liée principalement aux gangs de rue. Les deux tiers de ces crimes violents ont été commis par des gangs de rue, et 90 p. 100 ont été commis avec des armes de poing. Soixante pour cent des crimes sont commis par des étrangers, et ce sont des crimes violents, comparativement à d’autres types de crimes, où 60 p. 100 des crimes sont commis par des gens de l’entourage ou la famille.

Le taux de suicide par arme à feu, qui s’établit à 14 p. 100, est stable depuis 2004. Quand je regarde ces statistiques, je me dis que, plutôt que de s’attaquer aux honnêtes chasseurs et aux propriétaires d’armes à feu, ne vaudrait-il pas mieux cibler le crime organisé, quand on considère que le taux de vols résidentiels commis avec une arme à feu a augmenté de 7 p. 100 juste l’an dernier? Est-ce que vous ne vous trompez pas de cible en vous attaquant aux honnêtes chasseurs alors que la véritable cible, c’est le crime organisé?

[Traduction]

M. Blair : Merci, monsieur le sénateur. Comme je l’ai indiqué, le gouvernement prend en ce moment des mesures solides et investit des sommes d’argent importantes en vue de s’assurer que les services de police, les collectivités et nos tribunaux ont les ressources dont ils ont besoin pour lutter contre le problème de violence des gangs.

Je pense que, parfois, nous devons dépasser un peu les statistiques. Vous avez mentionné que seulement 3 p. 100 des crimes violents mettaient en cause une arme à feu. Toutefois, cela représente 7 700 victimes canadiennes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Les statistiques que je viens de mentionner datent de 2017. Elles sont récentes.

[Traduction]

M. Blair : Oui, monsieur, mais je soutiens que ces crimes touchent 7 700 victimes canadiennes.

Je vous indique également que, d’après mon expérience, lorsqu’un crime violent commis avec des armes à feu survient dans une ville, la ville en entier est traumatisée. Je me rappelle que, l’été dernier, sur l’avenue Danforth, un individu a tiré et tué deux jeunes filles, deux de ces 7 700 victimes. Des enfants innocents ont été tués à l’aide d’une arme à feu et plusieurs personnes innocentes ont été prises dans le feu croisé de cette fusillade. Cela a eu des répercussions sur ces personnes et leur famille, mais je peux vous dire que la ville en entier a été traumatisée par cet événement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, tous les homicides choqueront une communauté. J’ai été moi-même victime comme père de famille. Bien sûr, vous allez nous fournir tous les types d’exemples sensationnalistes. Toutefois, dans le cadre de ce projet de loi, pourquoi n’avez-vous pas d’éléments qui touchent aux mesures liées à la violence dans nos rues, à la violence du crime organisé, aux gangs de rue? Aucun élément dans votre projet de loi ne s’attaque à ce phénomène. Le projet de loi vise 90 p. 100 des gens qui sont honnêtes et qui n’ont pas recours à la violence. Le véritable problème, c’est cette proportion de 10 p. 100 des personnes qui commettent des crimes violents. Votre projet de loi n’aborde même pas cette question. Ce n’est pas le criminel qui enregistrera son arme. En quoi votre projet de loi fera-t-il reculer la criminalité?

[Traduction]

M. Blair : Je mentionne encore une fois, monsieur le sénateur, que je crois que les dispositions du projet de loi C-71 encouragent et facilitent la possession d’armes à feu par ces personnes. Le problème auquel nous faisons face ne découle pas du fait que ces personnes sont dangereuses. Elles ne le sont pas, puisque leurs antécédents font l’objet de vérifications approfondies et que ces personnes respectent les règlements.

Le problème survient lorsque leurs armes à feu tombent dans les mains de malfaiteurs dans des circonstances qui donnent lieu à des actes de violence. Nous voulons donc nous assurer que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour interdire l’approvisionnement en armes dans ces environnements.

Nous prenons des mesures, mais je précise de nouveau que la solution ne consiste pas simplement à créer la réglementation appropriée. Je pense que la réglementation qui figure dans le projet de loi C-71, c’est-à-dire la nouvelle mesure législative, revêt une grande importance. J’ai bon espoir que le projet de loi sera adopté, mais ce ne sont pas toutes les mesures que nous prenons, loin de là.

J’ai visité toutes les collectivités du pays. J’ai parlé aux municipalités, aux maires et aux provinces. Nous nous employons à acheminer des fonds aux provinces, aux territoires, aux municipalités et aux services de police provinciaux afin de nous assurer qu’ils disposent de ressources supplémentaires pour s’attaquer au problème considérable de la violence, en général, et de la violence armée, en particulier qui règnent dans les collectivités de toutes les régions du pays.

Il ne s’agit pas simplement d’une stratégie urbaine. Des sommes importantes sont investies et cette stratégie est aussi employée pour créer un environnement plus sécuritaire pour tous les Canadiens, en ce qui concerne la violence liée aux armes à feu.

La sénatrice McPhedran : Monsieur le ministre, c’est bien que vous et vos hauts fonctionnaires soyez ici et que vous nous ayez fait savoir que de nouveaux fonds étaient investis pour réduire la violence armée dans toutes les régions du Canada et pour faire participer les dirigeants locaux et provinciaux.

Lorsque le ministre Goodale a comparu devant nous le 18 mars, il a laissé entendre que vous seriez peut-être en mesure de nous communiquer certaines conclusions, mais, aujourd’hui, vous nous avez fait part de quelques thèmes clés.

J’ai deux questions à vous poser. L’une d’elles porte sur la méthodologie que vous avez employée pour mener vos consultations, et l’autre concerne la question de savoir si vous devez être plus réaliste quant à l’efficacité des mesures qui peuvent être prises pour contrer les armes de poing.

Le ministre Goodale a dit que vous aviez entendu des centaines, et peut-être même des milliers, de Canadiens. Pouvez-vous nous fournir plus de précisions sur le nombre de personnes que vous avez consultées, y compris le nombre de femmes? Avez-vous utilisé l’analyse comparative entre les sexes plus pour concevoir et exécuter vos consultations?

Étant donné que l’occasion de prendre des mesures parlementaires liées au rapport que vous n’avez pas encore publié s’amenuise un peu plus chaque jour, je précise, avec tout le respect que je vous dois, qu’il semble improbable que vos recommandations donnent lieu à une mesure législative avant que le Parlement ajourne ses activités en juin.

Alors, pourquoi n’ajoutez-vous pas les armes de poing à la définition des armes prohibées qui figurent dans le projet de loi C-71? Nous réexaminons déjà cette partie du Code criminel, et cela ne dépasse pas le cadre du projet de loi. Pourquoi ne pas prendre cette mesure maintenant?

M. Blair : J’espère pouvoir vous fournir des chiffres plutôt précis en ce qui concerne notre méthodologie. Nous avons établi un portail en ligne pour permettre aux Canadiens d’exprimer leurs opinions. Toutefois, je tiens à indiquer très clairement que je ne tenais pas un référendum.

Malheureusement, je crois que certaines personnes pensaient que le but était de gagner. Alors, au lieu de simplement fournir ses commentaires, une personne les a saisis 25 000 fois. Je suis heureux qu’elle ait eu l’occasion de s’exprimer, mais elle a dit la même chose encore et encore.

Nous voulions nous assurer que tous ceux qui souhaitaient participer à cette conversation et tous ceux qui avaient un point de vue à nous communiquer avaient l’occasion de le faire. Nous avons veillé à ce qu’en général, tout le monde ait accès au portail.

Comme je l’ai dit, nous avons reçu 135 000 réponses, en dépit du fait que certaines personnes pensaient être en train de remplir frauduleusement une boîte de scrutin. Je n’ai aucune idée des raisons qui pousseraient quelqu’un à agir de cette façon, mais nous avons effectivement eu la chance d’obtenir un vaste éventail de points de vue à cet égard.

J’ai également visité toutes les provinces du Canada. À tous les endroits, j’ai organisé des tables rondes et des assemblées publiques. J’ai rencontré des groupes d’intérêt spécial, je me suis rendu dans des champs de tir, et cetera.

Vous avez parlé des commentaires des femmes et de l’ACS+ que nous sommes tenus d’utiliser dans toutes les initiatives que nous entreprenons. J’ai rencontré un certain nombre de groupes de défense des droits des victimes, ainsi que des femmes qui ont elles-mêmes été victimes de violence commise avec des armes à feu. Les témoignages qu’elles ont apportés dans le cadre de mon examen étaient très importants et convaincants.

Je n’ai pas voulu entrer vraiment dans les détails de certains des thèmes qui ont été abordés avant que le rapport ait été publié et que le gouvernement ait décidé ce qu’il veut faire, mais je peux vous dire qu’un grand nombre de personnes ont exprimé des inquiétudes à propos de la présence d’armes à feu dans des situations de violence familiale ou de violence contre un partenaire intime.

De plus, des préoccupations ont été exprimées à propos des mesures que nous pourrions prendre pour rendre immédiatement la situation plus sécuritaire parce que, dans certaines circonstances, il y a déjà des armes à feu dans l’environnement. Même si l’article 117 du Code criminel permet la saisie de ces armes à feu, il est toujours possible que l’une des personnes impliquées dans le conflit achète une arme à feu le jour suivant.

Voilà les genres de commentaires que j’ai entendus pendant que j’envisageais la meilleure façon d’intervenir.

La sénatrice McPhedran : Qu’en est-il des armes de poing?

M. Blair : Oui, je pense que l’une des choses que tous les gens assis à la table comprennent, c’est que les discussions sur les armes de poings sont très complexes. Nous avons étudié un certain nombre de façons dont nous pourrions assurer la sécurité publique.

Je crois que la restriction que le premier ministre a apportée à mon mandat était très importante. Je devais me livrer à cet examen d’une façon également respectueuse des propriétaires canadiens d’armes à feu qui agissent de façon responsable.

J’ai rencontré des tireurs sportifs de calibre olympique, car j’avais besoin de mieux connaître et comprendre leur sport. Je devais savoir de quel genre d’armes à feu ils se servent et comment ils les achètent, les utilisent, les entreposent, et cetera. Avant de prendre une décision aussi importante en matière de politique et de sécurité publiques, il est important que nous soyons nous-mêmes aussi renseignés que possible à propos de la façon d’atteindre cet objectif.

Il importe également d’être en mesure d’établir un lien entre chaque mesure que nous prenons et des améliorations observées en matière de sécurité publique. Nous devons trouver les meilleures données probantes pour appuyer nos mesures. C’est là le travail que j’ai entrepris, et il porte fruit. Je sais que certaines personnes estiment que nous devrions agir rapidement. Pour être franc, je pense que nous devrions faire les choses correctement.

La sénatrice McPhedran : N’allez-vous pas manquer de temps pour intervenir? Nous n’avons même pas reçu votre rapport.

M. Blair : Non, madame, mais si je ne suis pas en mesure de mener ce projet à bien maintenant, je le reprendrai plus tard.

La sénatrice McPhedran : C’est une présomption intéressante.

M. Blair : Non, ce n’est pas une présomption. C’est une intention. J’ai travaillé en ce sens pendant 40 ans.

La sénatrice McPhedran : Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

M. Blair : Je comprends cela, mais je crois que les Canadiens s’attendent à ce que nous prenions le temps de bien faire les choses. Je fais de mon mieux pour prendre le temps requis pour procéder à ce que je crois être un examen détaillé de cet enjeu très complexe.

J’ai été exposé à divers points de vue à l’échelle nationale. La façon dont les gens perçoivent cet enjeu varie énormément. Je respecte les préoccupations et les points de vue des Canadiens. Il est important que nous prenions, en fait, le temps de les écouter et de leur donner l’occasion de s’exprimer à ce sujet. Ensuite, nous utiliserons tous ces renseignements pour nous efforcer de prendre les meilleures décisions possible en vue d’améliorer la sécurité publique au Canada.

La sénatrice McPhedran : Est-ce que cela se produira avant la fin du mois de juin?

M. Blair : Je progresse aussi rapidement que possible, madame, mais je ne peux pas vous fournir une date.

[Français]

Le sénateur Pratte : Avant de poser ma question, j’aimerais revenir à ce que mon honorable collègue, le sénateur Boisvenu, disait à propos de l’attaque contre les propriétaires d’armes à feu. C’est une expression qui a aussi été utilisée par nos témoins précédents, soit « going after legal firearm owners or attack ». Je veux seulement souligner que le projet de loi C-71 n’attaque personne et ne propose que des ajustements ciblés à la Loi sur les armes à feu; il n’aura aucun impact pour la très grande majorité des propriétaires d’armes à feu et cela ne changera absolument rien pour eux.

[Traduction]

Vous avez consulté un grand nombre de Canadiens, et je suis sûr que vous avez entendu certains des commentaires qu’ont formulés bon nombre des propriétaires d’armes à feu qui ont comparu devant notre comité. L’une de leurs principales craintes en ce qui concerne le projet de loi C-71, c’est la question de la qualité du service ou des normes de service du Programme canadien des armes à feu et du contrôleur des armes à feu. Ils craignent de devoir attendre pendant des jours avant de pouvoir obtenir une autorisation de transport unique pour pouvoir consulter un armurier, ou de devoir attendre des jours ou des heures avant d’obtenir un numéro de référence pour pouvoir acheter une arme à feu sans restrictions.

Que pouvez-vous leur dire pour les rassurer sur la rapidité et la qualité du service qui sera offert sur Internet, je suppose, afin qu’ils ne soient pas forcés d’attendre des heures ou des jours avant d’obtenir, entre autres, le numéro de référence ou l’autorisation de transport qu’ils ont demandé?

M. Blair : Comme j’ai interrogé et consulté des propriétaires d’armes à feu et des organismes qui se consacrent aux armes à feu partout au pays, la question des normes de service appropriées a été soulevée à maintes reprises. Je vais vous répéter sans hésiter exactement ce que je leur ai dit. Nous nous engageons à veiller à ce que des normes de service adéquates et appropriées soient mises en place pour appuyer ce règlement.

C’est absolument essentiel. C’est assurément quelque chose que je considère comme faisant partie de mes responsabilités de veiller à ce que cela soit fait. Cette préoccupation-là m’a été signifiée très clairement. En mettant ces dispositions en place, je pense que nous avons la responsabilité de nous assurer qu’il existe un niveau de service approprié afin d’éviter un fardeau excessif au propriétaire d’armes à feu qui se conforme à la loi.

Le sénateur Pratte : Une autre préoccupation a été portée à notre attention relativement à la mise en œuvre des initiatives contenues dans le projet de loi C-71. Pouvez-vous vous engager à rester en contact avec les communautés de propriétaires d’armes à feu afin qu’elles soient consultées et impliquées lors de la rédaction des règlements et lorsque des mesures seront prises pour mettre en œuvre ce qui est prévu dans ce projet de loi?

C’est important qu’ils fassent partie de ce processus. Ce sont les propriétaires et ils sont nombreux. Je pense qu’ils sont de bonne foi. Ils veulent être tenus au courant de ce qui se passe et être consultés, si possible.

M. Blair : Certainement. Je suis tout à fait disposé à m’engager à poursuivre le dialogue que j’entretiens avec eux depuis pas mal de temps. Je suis allé les voir. Ils sont venus me voir. Nous allons poursuivre cette relation. Cette perspective est importante.

Permettez-moi aussi de vous dire que bon nombre de mes collègues représentent des collectivités rurales et qu’à ce titre, ils représentent tous les propriétaires d’armes à feu légitimes de leurs circonscriptions respectives. Or, je peux vous garantir qu’ils sont eux aussi très décidés à faire valoir les préoccupations que soulèveront les gens de leurs circonscriptions à ce sujet.

Le sénateur Richards : Merci d’être ici, monsieur le ministre. Je viens du Canada rural, du Nouveau-Brunswick, et j’ai vécu dans votre grande ville de Toronto pendant 14 ans. Nous avons un ami commun, Mark Tunney. Au Nouveau-Brunswick, je sais où se trouvent cinq armureries. Je ne pense pas que je serais capable d’en trouver une seule à Toronto. Je pense que j’ai les deux perspectives.

Investir dans la jeunesse et s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence et de la marginalisation sont des choses vraiment louables, mais je ne vois pas le rapport qu’elles ont avec le projet de loi que j’ai devant moi et que j’ai lu. Je ne vois pas comment elles s’inscrivent dans les paramètres de ce projet de loi.

Ce projet de loi cible d’autres personnes. Bon nombre d’entre elles sont des gens qui vivent en région rurale et qui observent les lois. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Blair : Je tiens à ce que cela soit très clair, monsieur. Nous ne ciblons personne avec ce projet de loi. Nous présentons ce que nous croyons être une mesure législative très appropriée et mesurée qui continuera d’appuyer la possession responsable d’armes à feu. De plus, la loi projetée fournira l’assurance que les personnes qui demanderont un permis seront soumises à une vérification de leurs antécédents suffisamment rigoureuse pour garantir qu’elles puissent effectivement posséder des armes à feu en toute sécurité. Elle permettra aussi d’entretenir un environnement approprié pour la possession légitime d’armes à feu.

J’ai porté une arme à feu pendant très longtemps, monsieur. J’étais responsable de l’administration d’environ 10 000 d’entre elles dans mon organisme. Je ne suis pas étranger à ces règles. Les règles visent à aider les propriétaires d’armes à feu à être des propriétaires responsables. Je crois très sincèrement que c’est sans conteste l’intention de la majorité.

Franchement, je ne dirais pas que ce projet de loi cible des individus, mais plutôt la création d’un environnement plus sûr.

Le sénateur Richards : Le mot « cibler » n’aurait pas dû être utilisé. J’essaie de dire que je ne pense pas que cette loi contrariera outre mesure les criminels dans notre pays. C’est ce que j’essaie de dire. Les criminels que j’ai connus dans ma vie — et j’en connaissais beaucoup — ne seraient pas du tout dérangés par cette loi.

M. Blair : L’un des problèmes, c’est la nature même des criminels. Ils ne respectent pas beaucoup nos lois.

Cela dit, vous devez savoir que j’ai participé de façon très soutenue à la réduction et à la prévention de la criminalité liée à la violence armée pendant une période de temps considérable. Or, il est également nécessaire de rendre plus difficile l’accès aux armes à feu pour les personnes qui s’en serviraient pour commettre des crimes violents.

Qu’il s’agisse d’armes passées en contrebande ou détournées du marché intérieur, tout ce que nous pouvons faire pour empêcher les armes à feu de se retrouver entre les mains de criminels mérite d’être examiné. La recherche d’un équilibre entre les intérêts des propriétaires légitimes d’armes à feu et notre volonté de veiller à ce que les armes à feu ne soient pas facilement accessibles pour les criminels fait partie de ce que nous devons faire.

Nous devons également trouver des moyens de rendre plus probable la détection des personnes qui achèteraient illégalement des armes à feu à des fins criminelles. Encore une fois, l’un des principaux effets de la dissuasion c’est qu’elle rend le crime plus difficile à commettre et que l’on court un plus grand risque de se faire prendre.

Disons-le franchement, à la fin de tout cela, il faut qu’il y ait de vraies conséquences. Nous en avons parlé un peu plus tôt. S’il n’y a aucune probabilité de se faire prendre et que le crime est facile à commettre, alors il y en aura davantage. Toute mesure que nous pouvons prendre pour faire en sorte qu’il soit plus difficile pour un criminel de se procurer une arme à feu d’un propriétaire légitime est une mesure utile.

Le sénateur Oh : Monsieur le ministre, merci de votre présence. Ma question nous ramène à celle des autorisations de transport.

Le comité a entendu de nombreux citoyens respectueux de la loi très préoccupés par le fait que les autorisations de transport ne nuisent en rien aux criminels, étant donné qu’ils n’en ont pas besoin. Seuls les citoyens respectueux des lois en ont besoin.

Nous connaissons tous les tracasseries administratives imposées par le gouvernement lorsqu’il s’agit de présenter une demande pour obtenir une autorisation de transport. Je suis un sportif. Si je vais à un stand de tir ou à une exposition d’armes à feu, il me faut une autorisation de transport pour me déplacer.

L’ancien système fonctionnait bien. Avec le projet de loi C-71, vous resserrez la délivrance des autorisations de transport. Cela n’aidera pas à réduire la criminalité. En fait, cela punit les citoyens respectueux des lois. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Blair : De façon générale, l’un des aspects délicats des armes à feu est la question du transport. Il convient d’éviter une situation où les gens pourraient conduire avec des armes à feu à autorisation restreinte dans leur voiture.

Cette loi reconnaît que cela ne serait pas nécessaire pour la majorité des gens qui se rendent chez le détaillant et qui en reviennent, mais que ce le serait pour un particulier qui apporterait une arme chez un armurier aux fins de service.

Pour répondre aux préoccupations exprimées par certains quant à la lourdeur d’un tel procédé, cela nous ramène à la question du sénateur Pratte au sujet de la nécessité de veiller à ce qu’il y ait des normes de service et des ressources appropriées pour éviter que ce soit un fardeau excessif. C’est un contrôle réglementaire approprié, mais le processus doit se dérouler de manière efficace.

Le sénateur Oh : J’ai aussi entendu les préoccupations de citoyens canadiens respectueux des lois au sujet des autorisations de transport. Avez-vous l’intention d’exiger des frais chaque fois qu’ils en auront besoin? Devront-ils payer pour soumettre une demande d’autorisation de transport?

M. Blair : Ce n’est pas quelque chose que j’ai envisagé ou examiné.

Le sénateur Oh : Est-ce un non?

M. Blair : Je peux parler pour moi. Ce n’est pas quelque chose que j’ai envisagé.

Le sénateur Oh : C’est une préoccupation de la part des propriétaires d’armes à feu qui sont venus me voir et qui affirmaient que cela pourrait être une vache à lait pour le gouvernement.

M. Blair : Je me concentre principalement sur la sécurité publique et la protection des gens. Je ne cherche pas de vaches à lait.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Griffin : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Oh concernant l’autorisation de transport. Je ne comprends pas pourquoi il est acceptable de ne pas avoir besoin d’une autorisation de transport pour se rendre à un stand de tir, alors qu’il n’est pas acceptable d’apporter la même arme à feu chez un armurier aux fins de réparation ou d’entretien.

Vous avez dit que la sécurité publique est votre principal objectif. Je pense qu’il est très souhaitable d’aller voir l’armurier et d’avoir une arme à feu en parfait état. En fait, je ne vois pas pourquoi on aurait besoin d’une autorisation pour cela, alors qu’on n’en aurait pas besoin pour se rendre à un stand de tir.

M. Blair : Tout d’abord, il y a une autorisation automatique de transport pour rapporter l’arme du point d’achat ou pour se rendre à un champ de tir et en revenir. Cela représente 96,5 p. 100 des besoins en matière d’autorisation de transport. Dans ces circonstances, l’approbation est automatique.

Ce dont nous parlons, c’est du fardeau administratif ou du problème que pose l’acquisition d’une autorisation lorsqu’il s’agit d’apporter l’arme à une exposition d’armes à feu ou chez un armurier, ce qui représente 3,5 p. 100 des besoins.

Je dirais que ce n’est pas trop pénible. C’est aussi une reconnaissance. Comme l’indiquent les statistiques, dans la très grande majorité des cas, l’autorisation automatique de transport s’applique lorsque le propriétaire d’une arme à autorisation restreinte ou prohibée sort ladite arme de son lieu d’entreposage — que ce soit chez lui ou ailleurs — et qu’il l’apporte au champ de tir, lorsqu’il revient du champ de tir avec elle ou lorsqu’il rentre chez lui du magasin où il vient de s’en procurer une.

Voilà les scénarios que nous essayons d’appuyer. Nous voulons éviter de créer une situation où, pour d’autres raisons, des gens pourraient conduire avec des armes à feu dans leur véhicule. Au premier chef, cela augmente les risques qu’elles se retrouvent entre de mauvaises mains à la suite d’un vol, mais cela peut aussi créer une situation dangereuse si lesdites armes sont sorties en public.

Nous voulons des restrictions raisonnables à cet égard, et je crois que les dispositions en place sont précisément cela : elles sont raisonnables.

La sénatrice Griffin : Nous pouvons convenir de ne pas être d’accord. Je vous remercie.

M. Blair : Oui, madame la sénatrice.

Le sénateur McIntyre : Si le projet de loi C-71 est adopté, dans quelle mesure le régime d’autorisation de transport du Canada serait-il semblable à celui d’autres pays?

M. Blair : Monsieur, encore une fois, j’ai l’avantage d’avoir des gens qui, je l’espère, vous donneront une réponse beaucoup plus éclairée que celle que je pourrais vous donner à ce sujet.

Le sénateur McIntyre : C’est une bonne chose parce que ma prochaine question s’adresse également à eux.

Randall Koops, directeur général, Politiques en matière de police, Sécurité publique Canada : Je suis désolé de vous décevoir tous les deux, mais je ne connais pas bien les régimes d’autorisation de transport d’autres pays. Je ne sais pas si mes collègues de la GRC les connaissent. Mes excuses, monsieur le sénateur.

Le sénateur McIntyre : Est-ce que vous vous engagez à nous donner une réponse?

M. Koops : Bien sûr que oui.

M. Blair : Voilà qui est bien. C’est maintenant à lui de faire le travail à ma place.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question porte sur les dossiers relatifs aux armes à feu et la conservation des données.

Sécurité publique Canada ou la GRC ont-ils examiné les questions de sécurité des données dans le contexte du projet de loi C-71? Si le projet de loi est adopté, des lignes directrices ou de l’aide seront-elles fournies pour aider les détaillants à protéger les renseignements qu’ils détiennent sur les ventes d’armes à feu individuelles? Comme vous le savez, il y a une période de conservation de 20 ans.

M. Koops : Il y a la période de conservation de 20 ans. Le projet de loi lui-même ne précise pas d’autres conditions concernant la sécurité des données, car on estime que cela n’est pas nécessaire.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques s’applique aux fournisseurs, aux détaillants, aux importateurs, et cetera, qui détiennent des renseignements personnels sur leurs clients.

Il y a aussi les exigences des lois provinciales sur la protection des renseignements personnels auxquelles les détaillants doivent se conformer, chacun dans leur province, dans la conduite de leurs affaires.

Le sénateur McIntyre : Quelle est la probabilité qu’une atteinte importante à la protection des données de la liste d’acheteurs d’armes à feu d’un détaillant puisse amener ces acheteurs à être ciblés par des criminels ou des voleurs?

M. Koops : Les détaillants prennent ces responsabilités très au sérieux, comme le ministre l’a dit, à la fois en tant que bons citoyens et dans l’optique de leurs conditions d’assurance.

Il y a aussi parfois des exigences légales, tant à l'échelle provinciale que fédérale, concernant les mesures qu’ils doivent prendre pour assurer la sécurité de l’information électronique.

Le sénateur McIntyre : Puis-je apporter une petite correction? J’ai dit « ciblés par des criminels ou des voleurs ». Je voulais dire « ciblés par des criminels aux fins de vol ».

M. Blair : Soit dit en passant, sénateur Richards, je peux vous obtenir les adresses de quelques armureries à Toronto, si vous voulez.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

M. Blair : D’après mon expérience, monsieur, les armureries que je connais et avec lesquelles j’ai travaillé pendant de nombreuses années ont conservé ces dossiers parce qu’elles étaient des détaillants très responsables et pour les besoins de leurs assurances. Au cours des 40 années que j’ai passées dans cette ville, je n’ai eu connaissance d’aucun incident où quelqu’un aurait ciblé ces renseignements dans le but de les voler.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris si je vous dis que vous ne m’avez pas convaincu en ce qui a trait à l’utilité de ce projet de loi. Même si le gouvernement rendait illégales toutes les armes de poing, vous savez que nous nous retrouverions demain matin avec autant d’armes de poing dans les milieux urbains, puisque la majorité des armes de poing saisies par les policiers sont des armes illégales.

Vous dites que vous voulez vous attaquer au crime organisé. Pourtant, depuis quatre ans, votre gouvernement n’a rien fait pour resserrer le Code criminel pour ce qui est des gangs de rue et du commerce illégal des armes à feu. Vous n’avez rien fait pour pénaliser davantage ces personnes-là. Le maire de Toronto a déclaré que, lorsqu’on libère des personnes qui ont commis des crimes avec des armes à feu, il faut les libérer avec des conditions plus sévères. Les sentences devraient être plus sévères pour les récidivistes. Qu’est-ce que votre gouvernement a fait depuis quatre ans pour réellement resserrer le Code criminel pour ce qui est de ces criminels?

[Traduction]

M. Blair : J’ai utilisé les dispositions du Code criminel dans le cadre d’enquêtes sur des entreprises criminelles et d’enquêtes sur les armes à feu et les gangs.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, qu’est-ce que vous avez fait de plus? Je comprends que vous vous êtes servi des règlements actuels, mais qu’avez-vous fait de plus pour être encore plus sévère envers ces personnes qui se tirent dessus dans nos rues?

[Traduction]

M. Blair : L’une des choses que nous avons faites, c’est que nous avons commencé à investir assez sérieusement dans les agents de police qui appliquent ces lois. Sur le plan des capacités, c’est un véritable défi pour les organismes d’application de la loi d’un bout à l’autre du pays de faire respecter la loi et d’assurer la sécurité des collectivités dont ils ont la charge.

Nous avons fait d’importants investissements, et nous avons également fait des investissements dans les collectivités afin de réduire la demande pour ces armes à feu. Je crois que ce sont là des investissements appropriés. Je connais bien les lois qui existent actuellement pour lutter contre ce genre de crimes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Toutefois, selon les policiers, c’est un défi, parce que les lois ne sont pas assez sévères. On met en prison des criminels qui se retrouvent dans les rues de 12 à 18 mois plus tard. Puis, on les remet en prison. Les récidivistes devraient rester en prison pendant une plus longue période. Sinon, on leur envoie le message qu’ils retrouveront leur liberté presque immédiatement, même s’ils commettent des crimes avec des armes à feu.

[Traduction]

M. Blair : Sénateur, nous pourrions peut-être spéculer et débattre à propos de la pertinence des peines à infliger à ces personnes, mais d’après mon expérience, les gens finissent par sortir de prison et il est important que nous ayons les ressources et les outils nécessaires pour les encadrer dans nos collectivités.

Lorsque nous ne parlons que de sanctions, c’est que nous sommes en mode réaction. Nous faisons un travail très important pour éviter que ces incidents se produisent. Nous faisons en sorte qu’il soit plus difficile de commettre ces crimes. Nous cherchons à empêcher que des armes à feu se retrouvent entre les mains de criminels, à réduire la demande pour des armes à feu dans les collectivités et à modifier les circonstances sociales qui donnent lieu à cette violence.

Dans l’éventualité où ces incidents violents se produiraient, nous avons pris des mesures importantes pour nous assurer que la police dispose des ressources dont elle a besoin pour mener des enquêtes appropriées, pour traiter avec ces personnes, pour les tenir responsables de leurs actes criminels et, par voie de conséquence, pour les incarcérer.

Au terme d’événements tragiques qui mènent à la violence, il ne s’agit pas tout simplement d’enfermer les coupables et de jeter la clé. D’après mon expérience, ce n’est pas une stratégie efficace pour assurer la sécurité des collectivités. Vous devez faire mille autres choses, et nous sommes déterminés à les faire.

La présidente : Monsieur le ministre, au nom du comité, je vous remercie, vous et vos fonctionnaires, de vous être joints à nous aujourd’hui et d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Sachez que nous avons beaucoup apprécié votre présence.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous procéderons à l’étude article par article de ce projet de loi lundi, à 11 heures. Je rappelle aux sénateurs que nous encourageons vivement tous les membres du comité qui souhaitent proposer des amendements à s’adresser au Bureau du légiste et à présenter leurs amendements à l’avance, afin que le légiste ait le temps de les préparer en conséquence.

(La séance est levée.)

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