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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 5 - Témoignages du 21 avril 2016


OTTAWA, le jeudi 21 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude sur la question de la démence dans notre société.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis le président du comité. J'invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, du Saskatchewan.

Le sénateur Art Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le président : Merci infiniment, chers collègues. Nous poursuivons notre étude sur la question de la démence dans notre société. Nous recevons aujourd'hui, deux groupes de témoins, et j'inviterai mes collègues à leur poser des questions après la présentation de leurs exposés.

Nous entendrons d'abord Nadine Henningsen, directrice générale de l'Association canadienne de soins et services à domicile puis, Susan May, directrice nationale de GE Soins de santé.

Nadine Henningsen, directrice générale, Association canadienne de soins et services à domicile : En tant que directrice générale de l'Association canadienne de soins et services à domicile et au nom de nos membres de partout au Canada, j'aimerais remercier le sénateur Ogilvie et les membres du comité de nous avoir invitées à venir témoigner devant vous aujourd'hui.

L'Association canadienne de soins et services à domicile est une organisation nationale à but non lucratif qui représente les fournisseurs de soins et services à domicile, qu'il s'agisse des gouvernements, des autorités en matière de santé, des programmes subventionnés de soins à domicile ou de fournisseurs de services et d'entreprises médicales et technologiques privés.

Ce matin, j'aimerais vous donner quelques exemples de services à domicile et vous présenter les difficultés comme le potentiel de services à domiciles offerts dans la communauté pour les personnes âgées, les personnes atteintes de démence et d'autres problèmes de santé, mais je mettrai surtout l'accent sur les soins à domicile technohabilités. Les soins à domicile technohabilités sont une solution prometteuse pour faire fléchir la courbe des coûts des soins de santé. C'est une solution de choix qui permet aux personnes âgées de rester dans leur maison en toute sécurité et de conserver leur indépendance et leur qualité de vie. La technologie facilite également le rôle fondamental des aidants familiaux en leur offrant souvent le répit dont ils ont tellement besoin.

Notre système de santé et notre société sont-ils prêts pour les soins à domicile technohabilités? Notre société est de plus en plus tournée vers les services mobiles. En fait, selon KPMG, le Wi-Fi et les appareils mobiles généreront 68 p. 100 du trafic Internet dès l'an prochain. Tout le monde se tourne vers les services mobiles.

Le recours à la technologie augmente également dans le secteur des soins à domicile. En 2013, 5 000 patients ont participé à 19 programmes de surveillance à distance, dans sept provinces et territoires du Canada. Selon un sondage Harris/Decima, 10 p. 100 des adultes canadiens utilisent des appareils médicaux pour la saisie et la transmission de données de santé personnelles aux professionnels à des fins de surveillance. Nous nous attendons à ce que ces chiffres continuent d'augmenter.

Les personnes âgées s'adaptent à la technologie. Selon une étude récente, 76 p. 100 des personnes âgées affirment utiliser les réseaux sociaux pour rester en contact avec leurs amis et leur famille. Mon père de 85 ans est le spécialiste des TI pour l'Association canadienne de soins et services à domicile.

À quoi ressemblent des soins à domicile technohabilités? Les télésoins à domicile, la télésanté ou les applications de santé mobiles permettent de surveiller les personnes à distance. Elles sont particulièrement utiles pour les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer ou qui vivent dans des régions rurales ou des régions urbaines mal desservies. L'utilisation de téléphones mobiles et de tablettes permet la transmission d'un vaste éventail de données sur les soins de santé. Elle permet d'envoyer des données et des images physiques, biologiques et comportementales sur les patients aux fournisseurs de soins de santé, afin qu'ils puissent surveiller et évaluer leur état en temps opportun et bien souvent, en temps réel.

Divers projets pilotes de soins à domicile favorisant l'utilisation de ce type de technologie ont été déployés avec succès dans diverses régions du pays. Ces projets pilotes ont permis d'éviter des coûts annuels de 55 millions de dollars, en plus de coûts personnels de déplacement de plus de 70 millions de dollars.

La télémédecine est une autre forme de soins à domicile technohabilités. Elle peut servir à offrir un environnement sûr à domicile pour les personnes âgées qui ont des troubles médicaux complexes. Nous savons que les erreurs relatives à la médication et le mauvais usage de médicaments sont l'une des principales causes de maladie, d'échecs de traitement et bien souvent, de chutes chez les personnes âgées à domicile. L'une des avancées technologiques très chouettes est celle des alarmes qui rappellent à la personne, grâce à des technologies conviviales, qu'elle doit prendre ses médicaments. On peut ainsi configurer une montre, un téléphone ou une télévision pour répondre aux besoins du patient et de son aidant naturel. Cette technologie permet d'assurer une surveillance en temps réel et d'établir une communication entre le patient et ses aidants.

Le Nouveau-Brunswick a inclus cette technologie à sa stratégie D'abord chez-soi, et la Colombie-Britannique mène actuellement divers projets pilotes en ce sens.

Les personnes qui souffrent d'insuffisance cardiaque congestive utilisent également la télésurveillance pour suivre de chez elles leur poids, leurs signes vitaux et leur niveau d'activité après une opération. Les médecins reçoivent des alertes lorsque les données du patient sortent de la fourchette de normalité. Ma collègue Susan May, qui travaille chez GE, pourra vous faire part de son expérience d'une application en Alberta pendant la période des questions.

Les détecteurs sont un autre bel outil technologique. Ils permettent d'assurer l'indépendance et la qualité de vie des personnes âgées qui ont des difficultés cognitives et physiques. Ces applications s'intègrent à des appareils portables ou à des détecteurs de mouvement situés un peu partout dans la maison de la personne. Les détecteurs peuvent mesurer diverses caractéristiques. Lorsque les données sont anormales, les aidants naturels ou les services d'urgence sont immédiatement avisés.

Les services GPS sont une autre belle application de la technologie, particulièrement pour les personnes atteintes de démence. Ils peuvent être intégrés à des bracelets d'identification, à des montres ou même à des souliers. Ils permettent de suivre les allées et venues de personnes atteintes de démence, particulièrement celles qui sont portées à se promener. Les Services de santé de l'Alberta mènent actuellement un projet pilote sur l'utilisation de la technologie GPS pour venir en aide aux patients atteints de démence et inclure les aidants naturels dans le traitement.

Il est facile d'imaginer un système qui intégrerait complètement diverses technologies pour améliorer les soins, dont les soins personnels, réduire les hospitalisations et le recours aux urgences, réduire les erreurs médicales et faire en sorte que les bons soins soient offerts au bon endroit par la bonne personne. Tout le défi consiste à faire de ce rêve une réalité.

Le défi vient en fait d'une série de problèmes interreliés, que je vais vous expliquer. Il y a d'abord l'information. Quelles sont les technologies accessibles? Qu'est-ce qui fonctionne? Les gestionnaires de soins à domicile et les décideurs ne sont pas des experts de la technologie. En fait, il y a très peu de responsables de l'information dans les institutions gouvernementales comme dans les organismes privés de soins à domicile.

Quelles sont les sources d'information des décideurs aux différents niveaux stratégiques et opérationnels, sur les nouvelles technologies émergentes? Où peuvent-ils trouver de l'information pertinente et fiable? Comment pouvons- nous faire en sorte que les gouvernements et les fournisseurs de services apprennent les uns des autres plutôt que de déployer les mêmes efforts un peu partout au pays, comme cela se fait malheureusement en ce moment?

Il y a aussi une question d'échelle. Un des obstacles importants à surmonter, c'est qu'il faut modifier nos politiques de fonctionnement et de financement habituelles pour permettre de nouvelles façons de faire. Bien qu'il y ait beaucoup de modèles de soins à domicile technohabilités qui semblent fructueux, la plupart n'ont été déployés que dans le cadre de projets pilotes, avec des ressources limitées et à court terme, et il n'y a pas de ressources pour aller au-delà du projet pilote. Dans notre association, nous parlons du « syndrome du projet pilote perpétuel ».

Cela m'amène au troisième élément, soit à la durabilité. Ainsi, il faut réfléchir à des systèmes de paiement et à des modèles incitatifs pour favoriser l'adoption à long terme de ces technologies. Les systèmes de prestation de soins doivent changer, il faut adopter des systèmes qui reconnaissent l'accès à distance et l'autogestion comme des services de base et abandonner les modèles qui se limitent aux interactions en personne et à l'imposition d'un tarif en l'échange d'un service. Il faut des stratégies qui favorisent la réceptivité du patient à l'égard des nouvelles technologies et leur adoption.

J'aimerais proposer trois mesures envisagées par l'association pour que le gouvernement fédéral exerce le leadership essentiel à cet égard. La première consisterait à favoriser un dialogue national en vue de l'établissement d'un modèle, qui pourrait être adopté et adapté localement pour accélérer l'adoption des soins à domicile technohabilités. L'établissement de ce modèle permettrait d'étudier en profondeur des questions comme l'information, l'évaluation, le déploiement à grande échelle et la durabilité et de proposer des solutions.

De même, le gouvernement fédéral pourrait faire preuve de leadership par la mise en place d'un fonds de l'innovation sur les soins à domicile technohabilités. L'adaptation de l'innovation dans tout le secteur des soins ne relève pas de l'activité ponctuelle, c'est un processus. Si le gouvernement fédéral créait un fonds ciblé pour l'innovation dans ce domaine, il accélérerait la mise en place de projets pilotes puis, le déploiement à plus grande échelle des plus fructueux, donc ce pourrait être un volet important du programme fédéral.

Enfin, le gouvernement pourrait prendre le leadership en créant un dépôt central de l'information sur les nouvelles technologies. Les décideurs en matière de soins à domicile ont besoin d'avoir accès à de l'information sur la technologie et les outils qui existent pour pouvoir évaluer, mettre en œuvre et déployer les solutions à grande échelle dans leur contexte provincial unique. La mise en commun coordonnée des expériences de chacun et de l'information réduirait les doublons et nous sauverait énormément de temps.

Pour conclure, les soins à domicile technohabilités présentent un énorme potentiel. C'est le moment d'agir, il faut le faire maintenant, et les possibilités sont infinies. S'ils avaient accès à des données probantes, et si la volonté politique était là, les décideurs pourraient avoir accès à l'information et aux ressources dont ils ont besoin, il pourrait y avoir une stratégie à long terme, et nous avons toutes les raisons de croire que les patients, les fournisseurs de soins et les intervenants de notre système de santé prendraient conscience des avantages des soins à domicile technohabilités. Je me réjouis à l'idée d'en discuter avec vous. Merci.

Le président : Je vais maintenant souhaiter la bienvenue à VON Canada et inviter sa présidente et chef de la direction, Jo-Anne Poirier, à nous présenter son exposé.

Jo-Anne Poirier, présidente et chef de la direction, VON Canada : Merci beaucoup, et je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'entretenir avec vous ce matin.

[Français]

Je suis très heureuse d'être parmi vous ce matin.

[Traduction]

Je suis totalement d'accord avec les observations de ma collègue, et je suis d'ailleurs membre de cette association.

Je sais que vous recueillez le témoignage d'un vaste éventail d'experts et d'intervenants en vue d'une stratégie nationale en matière de démence. Je tiens à féliciter le comité et chacun de vous de ce travail très important. VON Canada est l'organisme de bienfaisance qui défend les soins communautaires et les soins à domicile depuis le plus longtemps au Canada. Nous célébrerons notre 100e anniversaire l'an prochain. Nous avons commencé notre travail bien avant qu'il y ait un système public et nous avons travaillé dans tous les coins du pays. Nous offrons des soins à domicile depuis notre premier jour. Nous avons fondé des hôpitaux. Nous sommes allés là où la population était, pour lui offrir les services dont elle avait besoin. C'est encore vrai aujourd'hui, à bien des égards.

Aujourd'hui, et pour le moment, nous concentrons nos travaux sur l'Ontario et la Nouvelle-Écosse, où nous venons en aide à plus de 10 000 personnes chaque jour. Nous offrons des services au gouvernement, des services d'infirmière à domicile, de soutien à domicile et toutes sortes d'autres services en amont, comme Meals on Wheels, une popote roulante, des programmes de jour pour adultes, des logements supervisés, des services de mise en forme, d'alimentation et autres services pour les personnes âgées, afin que les gens puissent demeurer le plus longtemps possible en santé et heureux chez eux. Nous jouons un rôle dans la promotion de la santé, la prévention des maladies et les soins aux malades et à leurs familles.

Vous avez déjà entendu parler des presque 750 000 Canadiens atteints de la maladie d'Alzheimer ou d'une autre forme de démence et des 6 millions de Canadiens de plus de 45 ans qui sont des aidants non officiels ou non rémunérés. Parmi les personnes qui prennent soin de leurs proches atteints de démence, environ le tiers déclare ressentir des symptômes de la dépression. Les aidants non rémunérés sont les patients silencieux du Canada. Ils aident leurs proches par amour, par nécessité ou les deux. Malgré tout le bon travail de bon nombre d'entre eux, il manque de ressources et de solutions de rechange pour effectuer ce travail.

VON croit que le gouvernement fédéral doit exercer un leadership fort en matière de santé. Bien que la prestation des soins relève des provinces, vous pouvez jouer un rôle par la recherche et l'innovation pour approfondir nos connaissances sur la démence et y trouver des traitements. Vous pouvez favoriser la prévention et l'éducation, de même que des modèles de soins et des pratiques de gestion renforcés. Il y a trois piliers à la stratégie : la gestion des soins, la prévention et le traitement.

Comme beaucoup d'autres, nous croyons qu'il est temps d'adopter une stratégie nationale. Les modèles existants, comme celui de la Commission de la santé mentale du Canada, peuvent nous éclairer beaucoup sur la façon de faire. Nous appuyons la participation d'un vaste éventail d'intervenants dans l'élaboration de la stratégie. Nous croyons que le gouvernement est bien positionné pour prendre le leadership et jeter les bases d'un organisme qui serait responsable d'élaborer cette stratégie et d'en faciliter la mise en œuvre.

Nous croyons aussi qu'il y a des choses qu'on peut faire dès maintenant, avant même la constitution d'un organisme responsable de la stratégie. Je suis ici aujourd'hui, pour vous offrir notre soutien à l'élaboration de cette stratégie, mais également pour vous parler de la valeur des soins à domicile et de l'importance cruciale d'améliorer l'accès aux soins à domicile pour les personnes atteintes de démence et leur famille. Voici un peu de matière à réflexion, et j'exhorte le gouvernement à commencer tout de suite à investir dans les soins à domicile et le soutien aux aidants.

J'ai la chance de pouvoir visiter de nombreux clients et patients de notre organisation, partout où VON offre des services. Il y a un homme, que j'ai rencontré à Barrie il y a quelques années, qui me vient tout de suite à l'esprit. C'était un homme charmant de 82 ans, un haut fonctionnaire à la retraite brillant, actif, engagé dans sa communauté, qui faisait toujours du ski alpin. Sa femme était atteinte de démence, et il arrivait à la garder à la maison parce que tous les jours, elle participait à un programme pour adultes pendant toute la journée, où elle se faisait de nouveaux amis, participait à des activités physiques et sociales et se faisait servir des repas santé. Il accepte la perte de la femme qu'il a épousée et il a trouvé une façon de gérer les difficultés que représente la vie avec une conjointe atteinte de démence. Il reçoit le soutien qui lui permet de conserver une vie à part entière et qui permet à sa femme de continuer d'avoir des activités. On peut donc voir toute l'incidence qu'un seul programme peut avoir sur toute une famille.

J'aimerais que vous réfléchissiez aux éléments suivants sur les soins communautaires et à domicile. Les gens veulent vieillir chez eux, et les gouvernements sont favorables à cela pour des raisons sociales et économiques. Les aidants non officiels sont ceux qui portent le plus lourd fardeau, ils sacrifient leur revenu, leur emploi et leur santé pour leur offrir des services, le plus souvent avec bien peu de ressources et de répit.

Pour beaucoup de personnes, il est extrêmement difficile de naviguer dans le système de santé. Les services sont fragmentés, cloisonnés, et l'on perd un temps et de l'argent précieux quand les patients et les membres de leur famille vont d'une partie du système à l'autre. Les aidants débordés d'aujourd'hui pourraient très bien être les patients déments de demain, puisque leur propre santé passe après celle de leur proche.

Les fournisseurs de services communautaires et à domicile manquent de ressources pour investir dans la technologie et l'innovation qui pourraient améliorer la qualité des soins, et cela rejoint les observations de ma collègue. Les gouvernements provinciaux sont obligés de mettre l'accent sur l'efficacité des soins à domicile, puisque les budgets n'arrivent pas à suivre la cadence des besoins, qui ne cessent de croître.

Pour illustrer ce que je viens de dire, une infirmière aurait peut-être le temps de prendre le thé avec Mme Smith pour réduire son isolement social, mais le modèle de financement ne le permet pas. Il n'y a que la productivité et l'efficacité qui comptent pour garantir la qualité des soins, mais l'aspect humain en souffre peut-être.

Les services en amont, comme l'alimentation et l'activité physique chez les personnes âgées dépendent souvent beaucoup de dons, et l'accès à ces services est souvent difficile. Nous parlons aux représentants des divers gouvernements provinciaux de l'importance de financer des services de soutien communautaires.

L'endroit où l'on vit compte : l'écart entre le monde rural et le monde urbain est bien réel, et il n'y a pas de modèle unique qui convienne à tous les soins à domicile. C'est un autre aspect de notre conversation avec le gouvernement. Les déplacements coûtent plus cher en région rurale et méritent une attention spéciale.

Les problèmes semblent énormes et complexes, mais les solutions peuvent être très simples. Des ressources comme les programmes de jour pour adultes et les services de répit de nuit à la maison sont très appréciés, et ce sont des antidotes peu coûteux à l'épuisement des aidants naturels. Les équipes de santé axées sur le patient et sa famille permettent de réduire le fardeau qui pèse sur l'aidant. Des investissements dans l'éducation des aidants naturels et la promotion de programmes d'aide en milieu de travail pour les aidants, à court ou à long terme, qui prendraient la forme de congés ou d'un meilleur soutien financier grâce à des crédits fiscaux pour les aidants, jetteraient les bases nécessaires, et bien sûr, il y a également les outils technologiques.

[Français]

Je vous remercie de votre attention et d'avoir choisi d'examiner ce sujet qui est si important pour nous tous. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à mes collègues.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie de vos exposés. J'aimerais commencer par l'exposé de Mme Henningsen, qui porte essentiellement sur les soins à domicile technohabilités. C'est très intéressant. Je considère bon nombre de ces avancées très bénéfiques, mais nous ne pouvons pas oublier la touche humaine non plus.

Vous mentionnez les avantages d'outils comme la télémédecine et les données sur les soins, les détecteurs, la technologie GPS pour les personnes qui se perdent, les bracelets et tout et tout. Vous semblez également souligner à quel point les personnes âgées en général utilisent les réseaux sociaux et Internet. Vous dites qu'il s'agit de 76 p. 100 des personnes âgées. Vous avez parlé de votre père, qui a 85 ans. Pour en venir à la démence, les gens n'ont pas tous les mêmes aptitudes. Peut-être qu'aux premiers stades de la maladie, ils peuvent se débrouiller, mais aux stades plus avancés, je ne vois pas comment ce serait possible. Encore une fois, la touche humaine devient très importante.

Je pense qu'on peut dire que le besoin de soutien est davantage social que médical. L'aspect médical est fondamental aussi. Cependant, les ressources sociales, les aides à la vie quotidienne qui peuvent aider les gens à composer avec la démence, particulièrement aux stades les plus avancés, sont très importantes.

Pouvez-vous nous parler de l'utilisation de la technologie pour soigner les personnes aux stades avancés de la démence? Comment pouvons-nous mieux intégrer et coordonner les services de santé et les services sociaux? Quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral? Vous pouvez tous répondre à la dernière question.

Mme Henningsen : Merci. Je vais changer un peu mon angle d'approche. Je comparais ici aujourd'hui, à titre de directrice générale de l'Association canadienne de soins et services à domicile, mais je suis également présidente des Proches aidants au Canada, qui est la coalition des groupes qui représentent les proches aidants. Je vais donc vous parler de la façon dont la technologie peut aider un proche aidant.

Quand une personne est atteinte de démence, son proche aidant joue un rôle absolument essentiel. La clé pour que la personne puisse continuer de vivre chez elle plutôt que d'être placée en institution, c'est de favoriser la santé et le bien- être de cet aidant familial et du réseau familial.

Nous le voyons sur le terrain. La technologie peut être intégrée dans un domicile pour aider l'aidant familial, pour lui donner de l'information et des conseils. La technologie peut également faciliter les communications. Il s'agit de la technologie web des réseaux sociaux. Il y a diverses applications pour les aidants familiaux, qui permettent d'échanger de l'information sur une mère ou un père malade, ou qui que ce soit d'autre. On peut utiliser ces outils pour communiquer l'horaire quotidien. Même si mes frères et sœurs sont éparpillés un peu partout à Ottawa, mon frère peut se charger de telle plage horaire et moi, de l'autre. Nous pouvons nous partager la tâche.

Comme ma collègue Jo-Anne l'a mentionné, l'épuisement est un phénomène très répandu chez les proches aidants. Quand on s'occupe d'une personne atteinte de démence ou de la maladie d'Alzheimer, il y a beaucoup de bouleversements émotifs et un grand sentiment de responsabilité concrète. Ce genre de technologie s'ajoute à la trousse d'outils et permet d'échanger de l'information. Elle peut du même coup permettre un peu de répit, parce qu'elle ouvre la porte à la possibilité de travailler en équipe, plutôt que ce ne soit le fardeau que d'une personne.

Il y a beaucoup de possibilités. Bien sûr, il y en a beaucoup qui sont mises en œuvre, mais toujours sous la forme de projets pilotes, malheureusement. Il y a beaucoup de façons d'utiliser la technologie pour appuyer la touche humaine. Nous savons, bien sûr, que rien ne peut la remplacer, mais je vois la technologie comme une ressource à l'appui de la touche humaine qu'apporte l'aidant familial ou non officiel.

Depuis un certain nombre d'années, nous collaborons étroitement avec le gouvernement fédéral. Il pourrait certainement apporter son aide en améliorant les prestations de compassion pour qu'elles couvrent davantage que le diagnostic d'une maladie causant le décès. Il pourrait également faire connaître ce type de technologies et les appuyer.

La surveillance à domicile utilisée au Nouveau-Brunswick est un exemple parfait qui aide à accélérer les choses à cet égard, de sorte que les entreprises de technologie peuvent se tailler une place et vraiment montrer qu'elles peuvent produire d'excellents résultats. Il y a donc beaucoup de possibilités.

Mme Poirier : J'aimerais répondre à la question que le sénateur a posée au sujet de la coordination des soins de santé et des services sociaux. C'est un point très important. VON offre toute la gamme des services. Nous intensifions le dialogue avec le gouvernement sur la prestation de services dans un contexte de rassemblement, comme le programme de jour pour adultes, ce qui présente de nombreux avantages. Donc, bien que les soins à domiciles traditionnels soient importants, utiliser davantage des services de soutien communautaires peut également rendre le système plus abordable dans son ensemble. Je vais vous donner deux ou trois exemples pour illustrer ce point.

Pour recourir à un autre moyen que celui consistant à envoyer un préposé aux services de soutien à la personne préparer un repas trois fois par jour, nous discutons avec le gouvernement néo-écossais des services de repas à domicile, avec des bénévoles et des services de transport pour offrir de conduire une personne atteinte de démence dans une clinique plutôt que d'utiliser les soins à domicile. Il est possible d'offrir bien d'autres solutions pour rendre le système plus abordable.

Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle dans le cadre stratégique, en aidant à réunir ces deux services isolés, à mieux les coordonner, avec la coopération des gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral pourrait examiner l'idée de favoriser une certaine harmonisation au pays, là où c'est approprié.

Le sénateur Eggleton : VON est une institution établie depuis longtemps qui a une très bonne réputation au pays. Le nombre de personnes âgées augmente. Le nombre de personnes atteintes de démence et de la maladie d'Alzheimer augmente, et pourtant, VON s'est retiré de six provinces. Vous concentrez maintenant vos efforts sur l'Ontario et la Nouvelle-Écosse. Pourquoi en est-il ainsi alors que la demande augmente? Qu'est-il arrivé aux patients dont vous vous occupiez dans les six provinces?

Mme Poirier : Je vous remercie de la question. C'est une bonne occasion pour moi de répondre.

En tant qu'organisme sans but lucratif, ce que nous avons dû faire, c'est adopter une approche commerciale pour la prestation de soins de santé. Les soins à domicile et les soins communautaires deviennent de plus en plus des services standardisés. Nous étions très peu présents dans ces provinces, nous offrions surtout un système de paiements privés parce que les gouvernements avaient pris en charge une partie de ces services. Il nous aurait fallu plus de temps et d'investissements. Pour illustrer ce que je dis, cela représentait 10 millions de dollars sur notre chiffre de 285 millions de dollars et 5 p. 100 de notre personnel. Nous avons dû prendre cette décision avec un profond regret.

Nous espérons devenir une organisation nationale au sens le plus large du terme. Cependant, pour pouvoir axer nos efforts sur nos services essentiels, c'est-à-dire les soins à domicile et les services de soutien communautaires, nous avons dû prendre cette décision difficile.

Nous avons travaillé avec les gouvernements pour fournir, dans la mesure du possible, des services de transition à ces clients. Par exemple, à Terre-Neuve, nous avons collaboré avec la Croix-Rouge. En fait, nous avons fait un don de 50 000 $ pour le programme de service de repas à domicile afin que les clients puissent recevoir des soins de façon continue. C'était une décision très difficile, mais il était nécessaire de la prendre.

Je fais partie de l'organisme depuis janvier 2014. J'ai de l'expérience dans le milieu des affaires, le monde municipal et les organismes sans but lucratif. Il incombe de plus en plus aux organismes sans but lucratif de mener leurs activités comme le fait une entreprise.

J'ai parlé un peu plus tôt des besoins sur le plan de la productivité et de l'efficacité. Nous sommes syndiqués et nous offrons un régime à prestations déterminées. Nous faisons concurrence au secteur privé pour les initiatives gouvernementales. Vous pouvez donc vous imaginer que nous devons nous réinventer. Comme le montre notre parcours, nous réussissons très bien à le faire.

Comme je l'ai déjà dit, auparavant, nous fondions et administrions des hôpitaux communautaires. Ce n'est plus le cas parce que cela a été transféré et repris par quelqu'un d'autre. Nous sommes donc vraiment voués à examiner notre modèle d'affaires actuel et les occasions qui se présenteront. Nous avons l'intention d'exister encore au moins 120 ans au Canada.

Mme Henningsen : Si vous me le permettez, j'ajouterais un point intéressant sur la demande accrue de soins à domicile. Au cours des sept dernières années, la demande sur ce plan a augmenté de 55 p. 100. La proportion de financement public a baissé en général. Elle n'est que de 4 p. 100 partout au Canada. Dans certains territoires et provinces, le pourcentage de fonds publics utilisés pour les soins à domicile a en fait diminué. Vous pouvez deviner qu'il est difficile de gérer la demande accrue et la situation de plus en plus complexe avec moins de ressources, d'où la nécessité de trouver de nouvelles façons de faire les choses.

Le sénateur Eggleton : C'est la raison pour laquelle vous proposez ces technologies.

Mme Henningsen : Certainement.

La sénatrice Stewart Olsen : Vos exposés étaient très intéressants et ils m'ont complètement surprise. Je suis ravie d'en apprendre sur l'intégration de la technologie. C'est tellement incroyable. Beaucoup de personnes atteintes de démence s'égarent. Je pense que l'utilisation d'un GPS rassurerait davantage les familles.

Je vis dans une région rurale. C'est une région pauvre et il n'est pas facile de s'y procurer ce type de chose. Croyez- vous que c'est quelque chose de réaliste pour la plupart des régions rurales?

Mme Poirier : J'aimerais dire un mot. Puisque nous fournissons des services au gouvernement, nos taux sont établis et il y a eu des compressions à cet égard au fil du temps. Ce que nous faisons valoir, c'est qu'il faut investir dans cette technologie. Nous avons présenté notre technologie mobile pour nos infirmières de première ligne et nos préposés aux services de soutien à la personne. Il pourrait y avoir des programmes permettant, lorsqu'on commence à fournir des services de soins à domicile à une personne, de lui fournir un appareil financé par le gouvernement, peut-être en partenariat avec le secteur privé. Je pense que cela pourrait être plus accessible.

En ce qui concerne le point qu'a soulevé ma collègue tout à l'heure, je crois que le gouvernement a de la difficulté à comprendre que les soins à domicile et les soins communautaires font partie de la solution et contribuent à réduire le financement du secteur des soins actifs, mais nous n'en sommes pas encore là pour ce qui est de la transition. Je crois qu'en tant qu'outil, la technologie pourrait faire partie de la solution.

Mme Henningsen : En ce qui concerne certaines de mes observations sur la nécessité d'examiner la façon dont les processus opérationnels et les processus de financement fonctionnement à l'heure actuelle, il nous faut relever le défi de dire que fournir ou financer un GPS donne la valeur et les résultats que nous voulons. Alors, plutôt que d'allouer des fonds aux moyens traditionnels, je vais maintenant accorder des fonds pour ce GPS. À l'heure actuelle, c'est toujours un ajout.

C'est pourquoi nous en sommes toujours aux projets pilotes, car les gouvernements considèrent les investissements dans la technologie comme une dépense supplémentaire qu'ils ne peuvent pas assumer. Lorsqu'ils élaborent un projet pilote donnant des résultats, ils constatent que l'investissement dans la technologie est énormément avantageux pour le patient, le fournisseur et le système. C'est ce tournant que nous n'avons pas encore franchi, mais que nous devons franchir.

La sénatrice Stewart Olsen : Le GPS serait contrôlé par la famille, n'est-ce pas? Ou s'agirait-il des soignants? Cela me semble plus logique que, peut-être, les fournisseurs de soins à domicile.

Mme Henningsen : Oui. Dans le cadre du projet pilote des services de santé de l'Alberta, le programme de soins à domicile offre le GPS. Il fait partie du plan pour les soins de la personne, mais essentiellement, il permet à l'équipe d'aidants de surveiller leur proche.

C'est intéressant, car c'est un changement. D'après notre expérience concernant les aidants familiaux, ils veulent assumer cette responsabilité, mais ils ont besoin d'aide. On ne peut pas simplement espérer que tout ira bien; les gens ont besoin de différents types d'aide.

Le président : Voulez-vous intervenir là-dessus, madame May?

Susan May, directrice nationale, GE Healthcare, Association canadienne de soins et services à domicile : Oui. Notre entreprise spécialisée dans la technologie fait preuve de prudence et s'assure que la technologie ne remplace pas le côté humain. Tout revient à l'élargissement du contact humain.

La technologie ne suffit pas. Il faut qu'elle soit liée à un programme. Lorsqu'on parle d'un programme de GPS ou de tout programme d'aide, particulièrement dans un milieu rural ou éloigné, il faut qu'un programme appuie cela. Quand nous travaillons avec nos organisations, la majeure partie du temps est consacrée à élaborer le programme, à s'assurer que les structures l'appuyant sont en place et que l'environnement est sécuritaire pour les gens qui utilisent la technologie.

La sénatrice Stewart Olsen : Je pense que c'est un bon point : il faut que cela s'accompagne d'un programme de soutien.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre présence. C'est très intéressant.

Je sais que votre étude porte sur la démence, mais vous parlez des soins à domicile qui, bien sûr, ne sont pas fournis qu'aux personnes atteintes de démence. Ces services sont fournis à des gens ayant une panoplie de besoins spéciaux. Je pensais aussi aux gens qui sont atteints de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, d'autisme ou qui ont des problèmes liés à leur âge. Par exemple, je connais des gens de plus de 95 ans qui reçoivent des services de soins à domicile parce qu'ils vivent encore à la maison. Peu importe les décisions qui seront prises et peu importe ce que le projet indique concernant la démence, cela doit être intégré dans un programme encore plus vaste qui tient compte de tous les autres besoins spéciaux. C'est très difficile, car il faut essayer d'équilibrer les services et l'aide par rapport à un budget, car tout dépend vraiment de l'argent.

Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, et les coûts des services de soins à domicile ont monté en flèche dans cette province. Je suis certaine que la plupart des provinces ont le même problème.

J'aimerais parler de deux ou trois sujets. Il y a tout d'abord la question de la prestation des services et du juste équilibre par rapport à la disponibilité des ressources. Je voudrais également savoir si à votre avis, les évaluations des patients qui reçoivent des services ont comporté un problème ces dernières années, car c'était il y a un certain nombre d'années.

J'aimerais également connaître votre opinion au sujet de la disponibilité du personnel. Il a toujours été difficile de trouver un nombre suffisant de personnes ayant les compétences qu'il faut pour fournir des services de soins à domicile.

Il y a également une question concernant...

Le président : Vous pourriez poser une ou deux questions pour que tout le monde puisse suivre.

La sénatrice Marshall : D'accord. Nous pourrions commencer par ces sujets. Je craignais manquer de temps, monsieur le président, et je voulais poser toutes mes questions tout de suite.

Le président : Vous pouvez le faire, mais poser vos questions d'un seul coup ne vous permettra pas d'avoir plus de temps.

La sénatrice Marshall : J'ai vu que les témoins les ont prises en note. Si vous pouvez commencer, j'aimerais obtenir votre opinion sur ces sujets.

Mme Henningsen : Bien sûr. Je vais essayer de donner des réponses brèves.

Il va sans dire que l'équilibre concernant les services et les ressources est lié à la question des ressources humaines. Il y a des projets — pas nécessairement des projets de technologie — qui ont financé des services supplémentaires et une nouvelle façon de fournir des soins à domicile, peut-être une façon d'intégrer les soins à domicile aux soins actifs et de faire fonctionner ce système intégré, avec beaucoup d'argent versé aux deux milieux et au programme de soins à domicile, mais rien n'a changé. Qu'est-ce qui a mal tourné? L'idée d'assurer un domicile sécuritaire, par exemple, n'avait pas été incorporée. On n'a pas tenu compte des ressources et du personnel. Si quelqu'un nous remettait un chèque de 3 milliards de dollars, nous le remercierions en souriant, mais nous avons fort à faire pour avoir les ressources humaines, en particulier les préposés aux services de soutien à la personne, parce qu'ils jouent un rôle essentiel.

Je vais revenir à ce que je disais sur la technologie. Ce que nous constatons entre autres, et c'est intéressant — et ma collègue sera peut-être en mesure d'en dire davantage à ce sujet —, c'est qu'on utilise la technologie pour l'apprentissage continu et autonome pour le personnel de l'aide à domicile et de première ligne. Des organismes nationaux travaillent afin de fournir, par exemple, un programme sur la démence, mais comment l'offrir à tous ces travailleurs mobiles? Ils utilisent des portails web et des outils en ligne. Ils utilisent un moyen intéressant d'envoyer l'information à l'ensemble de la main-d'œuvre mobile. Les soins de santé sont fondamentalement mobiles; il n'y a pas de murs. Le concept de technologie nous permet d'ajouter cet ensemble à la question sur les ressources et les services.

Mme Poirier : Je crois qu'il faut faire les choses de façon différente. Le système doit être réorganisé. Nous travaillons justement avec des provinces à ce chapitre. Comme vous le savez, l'Ontario envisage de restructurer l'ensemble du système. Je crois que grâce à cela et à une meilleure coordination entre la santé publique et les équipes de soins primaires, les hôpitaux et les soins à domicile, c'est plus vaste que les soins à domicile seulement. Il s'agit d'utiliser les ressources différemment. Je crois que la technologie est l'un des éléments clés.

Je suis d'accord avec ma collègue au sujet de l'accès à l'apprentissage autonome. VON utilise beaucoup cette forme d'apprentissage.

La sénatrice Marshall : Avez-vous constaté que l'intégration des équipes, comme vous le dites, et l'utilisation de la technologie ont des effets positifs sur le budget? D'après l'expérience que j'ai acquise, le gouvernement fait quelque chose en pensant qu'il fera des économies, mais ce n'est presque jamais le cas. Cela finit toujours par coûter plus cher. Quelle est votre expérience sur ce plan? Cela se traduit-il par une amélioration des services et des économies d'argent?

Mme Poirier : Je crois qu'agir en essayant d'économiser de l'argent n'est pas la bonne approche à adopter. Il s'agit d'une meilleure façon de dépenser, qui est plus avantageuse. Il s'agit vraiment d'obtenir les résultats les plus importants.

Concernant le regroupement des soins et des services, ce que souhaitent certains gouvernements provinciaux, c'est établir des services intégrés dans lesquels différents fournisseurs de services aident un client et qui permettent d'obtenir les résultats voulus pour le même investissement.

Mme Henningsen : Nous avons eu l'occasion de travailler à un programme intégré de soins à domicile et de soins primaires, ce qui était fascinant, car nous savons que nous avons besoin de cette équipe de médecins dans tout programme de soins à domicile.

Les coûts ont augmenté, au début, parce qu'il a fallu créer une équipe. Ces gens devaient apprendre à travailler ensemble et à gérer le changement. Habituellement, c'est à ce moment qu'on abandonne, mais nous avons continué. Au fur et à mesure que nous progressions, nous avons constaté une amélioration de la satisfaction des fournisseurs et une baisse du coût par visite. Voilà pourquoi il faut maintenir ces projets pilotes, poursuivre les efforts et fournir un financement adéquat afin d'obtenir des résultats concrets.

La sénatrice Marshall : Il y a sans doute des aidants naturels partout au Canada. Je crois que l'une d'entre vous a mentionné, dans son exposé, qu'il y a six millions d'aidants naturels. Y a-t-il des provinces qui versent un salaire aux aidants naturels qui assurent la prestation de soins à des proches ayant des besoins spéciaux ou des proches atteints de démence? Y a-t-il des mesures de ce genre pour n'importe quel type d'incapacité?

Mme Henningsen : La Nouvelle-Écosse et le Manitoba offrent une indemnité de soignant. Ce n'est pas un crédit d'impôt. Cette prestation n'est pas nécessairement réservée aux aidants qui offrent des soins à une personne handicapée. Elle est offerte à tout aidant qui donne des soins à une personne qui requiert un certain niveau de soins à domicile — des soins personnalisés d'un certain degré de complexité — et qui connaît des difficultés financières. Donc, les aidants peuvent obtenir une indemnité, mais elle est offerte dans seulement deux provinces.

La sénatrice Merchant : J'ai un bref commentaire, puis je poserai une question.

Vous avez indiqué que les personnes âgées adoptent les technologies. J'ai ma propre expérience. Lorsque les petits appareils qu'on place sur la poitrine ont fait leur apparition, deux ou trois personnes de ma connaissance en avaient un, mais elles accrochaient l'appareil sur la colonne de leur lit. Puis, elles vaquaient à leurs activités dans leur appartement. Lorsque je leur ai demandé ce que c'était, ils m'ont répondu que c'était leur moniteur. Je rétorquais alors qu'elles devaient le garder autour du cou. Je ne sais pas quels résultats la technologie nous permettra d'obtenir, mais vous nous avez assurés que les gens l'adoptent. Vous n'avez pas à répondre à cela.

Hier, nous avons accueilli des gens des collectivités autochtones. Ils ont parlé des problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur collectivité par rapport aux gens atteints de démence et d'autres problèmes de santé. Cela dit, notre étude porte sur la démence.

Travaillez-vous auprès des collectivités des Premières Nations? Quelles sont leurs difficultés particulières? Il s'agit souvent de collectivités éloignées où les gens ont leurs propres façons de faire, parfois différentes des nôtres. Pourriez- vous nous parler du travail que vous avez fait dans les collectivités des Premières Nations et des difficultés particulières auxquelles ces collectivités sont confrontées?

Mme Henningsen : Puis-je d'abord répondre à votre importante question au sujet de l'appareil? Savez-vous ce que ces personnes en font actuellement? Si l'appareil demeure immobile pendant une trop longue période, on sait qu'il est inutilisé, qu'il est sur la colonne du lit, par exemple. Il y a une surveillance; il est donc possible de faire un suivi auprès d'une personne.

En ce qui concerne les Premières Nations, nous avons eu l'occasion de faire une analyse pancanadienne au cours de laquelle nous avons étudié les pratiques prometteuses dans les collectivités des Premières Nations.

Pardonnez-moi de revenir encore une fois à l'idée de l'utilisation de la technologie au sein des Premières Nations. Nous avons découvert une pratique prometteuse dans le nord de l'Ontario, où la technologie était utilisée pour la formation des travailleurs de première ligne. Il y avait un processus associé à cela. Comme Susan l'a indiqué, on ne se contentait pas de leur fournir la technologie et de leur dire de l'utiliser. La technologie a été modifiée et adaptée avant d'être intégrée au processus utilisé dans cette collectivité pour la prestation de soins à domicile et de soins en milieu communautaire. Les résultats ont été extraordinaires. Il s'agit sans aucun doute d'une pratique exemplaire. En fait, à notre connaissance, cette collectivité est la seule collectivité des Premières Nations à utiliser ce genre de technologie au Canada.

Essentiellement, l'enjeu récurrent auquel ces gens sont confrontés ce sont les problèmes de connectivité. Au beau milieu d'un cours de formation — je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non —, il arrive que la connexion réseau est interrompue, de sorte que la personne ne peut terminer le cours. C'est peut-être une bonne chose pour la personne qui reçoit la formation, mais pour celle qui l'offre, ce ne l'est pas. La connectivité pose toujours problème.

Le président : J'aurais deux ou trois questions avant que nous passions au deuxième tour.

Madame Poirier, vous avez indiqué que la Commission de la santé mentale pourrait servir de modèle à une stratégie nationale à cet égard. C'est un aspect important que nous devons examiner. Nous songeons à adopter une approche nationale pour régler les problèmes liés à la démence. C'est d'ailleurs lié à une série d'autres enjeux que l'on observe dans ce domaine quant aux approches à adopter avec les gens.

Cependant, on nous présente toutes sortes de recommandations sur ce qui devrait être fait, et cetera. Eh bien, pour faire toutes ces choses, toute stratégie nationale devrait s'appuyer sur une organisation très efficace, tant pour la détermination des enjeux et des pratiques exemplaires que pour leur mise en œuvre; l'objectif est de faire du Canada un pays où l'on ne se contente pas de mener une série de projets pilotes, mais plutôt un endroit où l'on trouve des activités novatrices que l'on étend ensuite d'une région à l'autre pour favoriser le bien-être des Canadiens.

Le deuxième problème auquel nous sommes confrontés dans la détermination d'une stratégie, c'est le phénomène de la balkanisation du pays qui découle de notre modèle constitutionnel et, souvent, le manque de volonté absolu de certaines parties de la fédération canadienne à collaborer avec d'autres parties à la création d'un programme régional — et encore moins un programme national — pour régler un problème précis.

Ce contexte étant établi, j'aimerais revenir à votre proposition d'utiliser la Commission de la santé mentale comme modèle à cet égard. Selon vous, quelles caractéristiques du mode de fonctionnement de la commission pourrions-nous prendre comme modèle?

Mme Poirier : Je pense évidemment qu'il faudrait en discuter avec les gens de la Commission de la santé mentale. Il s'agit de considérer la commission comme un organisme qui pourrait jouer un rôle de rassembleur et qui a l'expertise nécessaire pour aider le gouvernement à adopter une stratégie. Il est important de savoir comment ces politiques pourront mener à la création de programmes. À cela s'ajoute le point que vous avez soulevé concernant la stratégie nationale et la prise en compte des entités provinciales. Notre étroite collaboration avec ces entités nous a en effet permis d'observer une fragmentation.

Un des mécanismes que vous pourriez utiliser serait l'Accord sur la santé, par exemple. Vous pourriez établir un cadre stratégique puis, examiner les divers organismes nationaux pour voir s'il serait possible d'élargir le mandat de l'un d'entre eux afin qu'il puisse jouer ce rôle rassembleur et ainsi favoriser la participation des diverses parties.

En Ontario et en Nouvelle-Écosse, par exemple, ces questions relèvent de diverses entités, en fonction du profil démographique, de la taille des collectivités, et cetera. Ce qu'il faut, c'est un organisme qui est prêt à jouer ce rôle puis, examiner les caractéristiques propres aux diverses provinces. Un cadre stratégique est nécessaire, mais on ne peut avoir une solution uniformisée non plus.

Le président : Oui, je comprends. Toutefois, l'Accord sur la santé est essentiellement un mécanisme qui permet au gouvernement fédéral de transférer d'importantes sommes d'argent à des entités totalement indépendantes, les provinces. Ce mécanisme ne permet pas d'exercer un contrôle quelconque et n'offre pas la possibilité de faire preuve de diligence raisonnable, d'établir des pratiques exemplaires, de fixer des objectifs, ou de mettre en place quelque mesure que ce soit. Les provinces s'opposent formellement à toute tentative d'imposer des restrictions sur l'utilisation des fonds qui leur sont transférés.

Le problème est le suivant. L'Accord sur la santé pourrait servir à cibler certaines catégories, comme les soins à domicile, ou à établir des stratégies pour des aspects précis pour lesquels des sommes importantes sont transférées aux provinces. Toutefois, le nœud du problème est que cet argent est simplement envoyé aux provinces sans que ce soit lié à une stratégie nationale visant à cerner les enjeux. Nous constatons qu'il n'existe aucun mécanisme pour trouver des projets uniques qui donnent des résultats concrets, pour aider une entité quelconque à les reconnaître puis, à les étendre à l'échelle d'une province, et encore moins à l'échelle du pays.

Je ne vous demanderai pas de vous avancer davantage aujourd'hui. Je vous demanderais plutôt de prendre note de ces réflexions puis, d'y réfléchir après la réunion d'aujourd'hui. Vous pourrez ensuite nous présenter vos observations au sujet d'un organisme, le cas échéant, qui aurait des caractéristiques semblables à celles de la Société Alzheimer — un organisme qui œuvre à l'échelle nationale et dans toutes les provinces —, un organisme qui pourrait nous servir de modèle pour trouver une façon de transformer l'idée d'une stratégie nationale en une stratégie véritablement fonctionnelle.

Je ne veux pas que nous nous attardions davantage à ce sujet, étant donné ce que nous avons déjà entendu, mais j'aimerais que vous réfléchissiez à la question et que vous nous présentiez vos observations plus tard.

J'aimerais passer à ma deuxième question; elle porte sur la technologie. Ce matin, nous avons entendu parler des diverses façons dont la technologie est utilisée. L'une des principales catégories est la surveillance. Il s'agit évidemment là d'un aspect pour lequel la souplesse que procure la technologie peut être réellement avantageuse.

Nous avons aussi entendu au cours de ces témoignages que lorsque nous avons affaire à des patients atteints de démence — cela ne se limite pas aux patients atteints de démence, évidemment, puisque le vieillissement entraîne divers problèmes d'ordre général —, la socialisation joue un rôle important dans la façon dont les gens composent avec la maladie. Autrement dit, la recherche démontre qu'ils s'en sortent mieux et qu'ils sont plus heureux lorsqu'ils ont l'occasion de participer à des activités sociales.

Au fil de nos lectures, nous avons trouvé des exemples d'établissements fondés sur le modèle institutionnel classique — qui est probablement le pire modèle que nous puissions avoir pour traiter de ces problèmes, d'après ce que nous avons compris —, où l'on a créé des espaces d'interaction sociale. Ces espaces constituent un lieu de rencontre, une petite communauté, un endroit où les gens sont libres de circuler. Ces espaces semblent favoriser le développement d'attitudes positives au sein des établissements, ce qui est très prometteur.

Un exemple dont nous avons récemment entendu parler est celui des cafés de la mémoire, un concept qui a vu le jour aux Pays-Bas avant d'être importé aux États-Unis. On en trouve maintenant au Nouveau-Brunswick, et ils semblent s'étendre partout dans le monde. Il s'agit d'un lieu de rencontre, d'un lieu de socialisation. Les gens ont ainsi l'occasion de reconnaître les problèmes auxquels ils sont confrontés et d'en discuter avec d'autres dans un contexte familier. Le rythme auquel ces cafés s'implantent démontre qu'ils présentent des avantages indéniables. C'est une initiative issue du milieu communautaire bénévole et non du milieu des affaires. L'expansion de ce réseau de cafés semble démontrer qu'ils ont une véritable utilité.

Quant à la technologie, ma question sera axée sur les collectivités rurales et éloignées, des collectivités qui ont une densité de population plus faible et dans lesquelles de grandes distances séparent les voisins. Des technologies comme Skype, notamment, commencent à démontrer qu'il existe des capacités de réseautage social faciles d'accès, et cetera. Selon vous, certaines technologies de réseautage pourraient-elles permettre à des gens éparpillés dans une région de créer un réseau social avec d'autres ou, ce qui est peut-être plus important, avec leurs fournisseurs de soins, de façon à échanger des idées et à poser des questions en temps réel? Ces gens n'ont pas toujours la possibilité de communiquer avec un travailleur de la santé, qui doit parfois s'occuper d'autres problèmes. Certaines initiatives de ce genre ont été menées par d'autres groupes de personnes atteintes de maladies graves, notamment les personnes atteintes de sclérose en plaques, qui ont des réseaux très efficaces.

Selon votre expérience de la façon dont on utilise la technologie aujourd'hui, pourrait-on, dans un avenir relativement rapproché, utiliser la technologie dans le volet « socialisation » des soins à domicile?

Mme Henningsen : Tout à fait. Je pense que la technologie évolue à mesure qu'on l'utilise pour appuyer les aidants naturels. Au début, l'idée était d'échanger des renseignements, de l'utiliser pour la saisie de données et de statistiques sur les soins de santé et pour la surveillance, par exemple pour me permettre de localiser ma mère. La technologie sert maintenant de plates-formes sociales, comme vous l'avez indiqué. Les applications comme Skype ou Facebook sont très populaires. Elles sont manifestement de plus en plus utilisées au sein de la jeune génération, et cette génération communique avec les aînés. Donc, les gens utilisent ce genre de technologie. En fait, ce qu'il y a d'intéressant par rapport à ces technologies, c'est qu'il serait possible de partir du concept de café de la mémoire puis, d'en faire des cafés virtuels, parce que ces technologies permettent de voir un interlocuteur et de discuter avec lui comme s'il était là. Donc, pourrait-on créer un café virtuel? Absolument.

Mme Poirier : Je suis tout à fait d'accord là-dessus. Prenez par exemple nos centres de soins de jour pour adultes. Il serait possible d'y amener un proche et d'avoir un volet cuisine. Des consultants en loisirs offrent déjà des exercices axés sur la mémoire, et de tels exercices pourraient tout à fait être offerts de façon virtuelle dans les régions rurales.

Mme May : Je suis également d'accord là-dessus. Nous cherchons toujours de nouvelles façons d'utiliser la technologie, en particulier au sein de la population dont il est question. L'idée est de les inciter à communiquer. On a toujours cru, à tort, que les personnes âgées sont moins prêtes à adopter des technologies, mais nos programmes ont permis de découvrir qu'ils les adoptent avec enthousiasme, en particulier dans les régions rurales et éloignées, parce qu'ils ont l'impression d'avoir des liens. L'important, ce n'est pas nécessairement la technologie, mais plutôt le sentiment d'appartenance, le sentiment de faire partie de quelque chose, et ce, tant pour le patient ou le bénéficiaire de soins que pour le fournisseur de soins.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, j'aimerais préciser que lorsque la technologie a connu un essor à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les personnes âgées des régions rurales ont adopté les technologies — Internet, courriels — plus rapidement que les jeunes. Évidemment, c'est maintenant l'inverse, mais les personnes âgées ont adopté ces technologies rapidement parce que cela leur donnait un sentiment d'appartenance. Ils étaient habitués à d'anciennes formes de communication, comme le service radio général. Ils n'ont eu aucun problème à utiliser les technologies émergentes, alors je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas s'adapter rapidement à ce genre de choses.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais me concentrer sur les aidants naturels, c'est-à-dire les proches et les amis qui consacrent un nombre considérable d'heures à offrir des soins et qui se trouvent ainsi, souvent, à perdre des revenus. Dans bien des cas, ils y laissent même la santé. C'est à ce moment-là que des services de relève sont nécessaires. On en parle souvent.

Je comprends certaines choses que vous dites par rapport aux technologies. Elles pourraient être très utiles aux fournisseurs de soins. Que pourra faire le gouvernement fédéral, outre ce qu'il fait déjà pour appuyer la prestation des soins et les services de relève?

Mme Henningsen : Je pense que le gouvernement fédéral devrait intensifier les efforts qu'il consacre à la mise en place de milieux de travail flexibles ou à la promotion à cet égard.

Nous avons fait un suivi auprès de fournisseurs de soins à domicile qui font ce travail pendant toute la journée puis, qui retournent à la maison pour prendre soin d'un proche. Il était tout à fait fascinant de parler à ces personnes qui offrent des soins 24 heures sur 24, sept jours par semaine, 365 jours par année. Ils ne prennent jamais congé; ils offrent des soins continuellement. Nous leur avons demandé quelles étaient leurs attentes par rapport à leur milieu de travail. Étonnamment, ils n'ont pas demandé beaucoup de choses. Ce qu'ils veulent, c'est de la reconnaissance et des politiques flexibles.

Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle clé à cet égard, ce qu'il a d'ailleurs commencé à faire. Il s'est publié un excellent rapport dans lequel on étudie les mesures que les employeurs pourraient prendre pour soutenir les soignants qui travaillent pour eux. Le défi consiste maintenant à appliquer ces mesures. S'il est une chose qu'il faut faire, ce serait de mettre l'accent sur ces mesures et faire progresser la situation. Ce serait d'une aide inestimable.

Le sénateur Eggleton : Je ne parle pas des soignants professionnels, mais des aidants naturels.

Mme Henningsen : Non, mais il s'agissait ici d'un soignant professionnel qui, une fois à la maison, agissait comme aidant naturel. Il prodiguait des soins en permanence.

Cela pourrait arriver à n'importe qui. Quand nous sommes au travail, notre esprit est en fait à la maison. Comment l'employeur peut-il faire preuve de souplesse et comprendre les besoins? Je suis aidante naturelle, mais je suis également une employée. Nous constatons qu'il est très désavantageux du point de vue économique lorsque les employeurs ne soutiennent pas les employés qui prennent soin d'un proche.

Le sénateur Eggleton : Comment inciter les employeurs à soutenir leurs employés?

Mme Henningsen : Ils doivent d'abord admettre qu'il y a un problème ou que leurs employés agissent à titre d'aidants naturels. Souvent, ces derniers gardent le silence et ne veulent que leur situation se sache, parce qu'ils craignent qu'une promotion ou qu'une possibilité d'emploi ne leur échappe. Il faut que l'environnement soit très ouvert pour que les aidants naturels soient reconnus comme tels.

Une fois que c'est chose faite, il est intéressant de noter que les mesures à prendre sont assez simples et n'exigent pas d'investissements substantiels. Par exemple, l'employeur pourrait permettre à l'employé de se confier à quelqu'un ou l'autoriser à partir à 13 heures le vendredi.

Nous savons qu'aux États-Unis, certains employeurs permettent aux employés de mettre leurs congés de maladie en commun. Tous les congés de maladie inutilisés sont versés dans une banque et peuvent être utilisés par les aidants naturels, qui bénéficient ainsi de quelques jours de congé payé supplémentaires. Si je n'utilise pas mes congés, je vais les donner à quelqu'un. C'est une démarche simple, mais qui favorise l'établissement d'une communauté au sein de l'entreprise.

Mme Poirier : Le gouvernement peut également jouer un rôle au chapitre de l'éducation. Dans certaines provinces, nous avons élaboré des programmes de formation pour les aidants naturels, dans le cadre desquels nous leur expliquons comment soulever un être cher en toute sécurité ou nous leur donnons des outils et de l'information. Le gouvernement peut jouer un rôle en admettant que l'aidant naturel est pour ainsi dire un patient silencieux. Il faut évaluer les besoins des aidants naturels, leur fournir plus d'informations afin qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas seuls et que d'autres vivent la même chose qu'eux, et leur communiquer des astuces et des pratiques exemplaires.

Le sénateur Eggleton : Madame May, vous êtes de GE Soins de santé. Je présume que « GE » ne correspond pas à Générale électrique.

Mme May : Il s'agit de la division de soins de santé de Générale électrique.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Mme Henningsen a indiqué dans son exposé que vous procédez en Alberta à une expérience particulière qui pourrait nous être utile. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit?

Mme May : Oui, volontiers. Je travaille pour GE Soins de santé, où je gère la division responsable des solutions de soins à domicile. GE Soins de santé propose habituellement du matériel de diagnostic. C'est peut-être ce qui vous est le plus familier. Nous avons formé un partenariat avec Intel. Nous cherchons à fournir des solutions pour aider les gens à vivre de façon indépendante dans leur foyer. C'est là l'objectif véritable de nos solutions.

Nous venons justement de terminer une étude réalisée avec Alberta Health Services au sujet des soins primaires, mais nous avons également cherché à voir comment intégrer ces services dans les soins à domicile offerts pour aider les gens atteints d'insuffisance cardiaque. Nous avons examiné la question du point de vue de la population pour connaître la qualité de vie et le vécu des gens. Comment peut-on concevoir ces genres de programmes et quels en sont les avantages pour le système de soins de santé? Nous mettons actuellement la dernière main à notre rapport final.

Tout d'abord, les patients ont adoré l'initiative. Ils étaient très mobilisés. Ils sont devenus bien plus conscients de leur état de santé et ont compris les facteurs déclencheurs. L'objectif consistait à surveiller leur pression sanguine et leur poids afin d'établir une corrélation avec leur insuffisance cardiaque. Nous leur fournissions de l'information au moyen d'une tablette qu'ils avaient à la maison et avec laquelle ils agissaient en interaction. Une infirmière étudiait ces renseignements afin de dégager des tendances et elle intervenait si elle constatait que l'état du patient s'aggravait.

Ce que nous voulions, c'était découvrir comment éviter que le patient ne soit réadmis à l'hôpital ou doive se rendre à l'urgence. Existe-t-il un moyen de les faire suivre par leur médecin de famille, ce qui serait considéré comme étant avantageux pour le système de soins de santé? Nous avons observé une diminution des réadmissions de ces patients à l'hôpital, car ils étaient bien plus conscients de leur état de santé.

Les aidants naturels ont également bénéficié d'un répit, car ils savaient que leur conjoint prenait sa pression sanguine, se pesait et répondait aux questions. L'infirmière ne les appelait pas; ils se sentaient donc libres pour la journée. Ils pouvaient alors jouir d'un certain répit et aller faire des emplettes ou prendre un café chez des amis. Nous avons reçu des témoignages très forts.

En fait, nous collaborons avec Eastern Health, à Terre-Neuve, qui a également lancé un programme semblable.

Le sénateur Eggleton : J'espère que GE, à titre d'employeur, prend les mesures dont Mme Henningsen a parlé.

Mme May : Absolument.

Le président : Utilisez-vous l'infonuagique et les mégadonnées pour concevoir un modèle dans ce domaine?

Mme May : C'est une excellente question. Nous nous intéressons actuellement aux solutions numériques. Vous pouvez imaginer, dans ce domaine, la somme de renseignements que nous recueillons pour pouvoir être capables de commencer à examiner l'information et prévoir les comportements qui pourraient mener un patient à l'hôpital. En comprenant la teneur de l'information, pouvons-nous intervenir avant que cela ne se produise? Grâce à nos solutions numériques, nous cherchons à déterminer comment nous pouvons concevoir un modèle avec ces renseignements pour permettre aux aidants naturels et aux fournisseurs de soins d'y avoir accès afin de permettre aux gens de demeurer chez eux.

Le président : Ce n'était pas prévu ainsi, mais j'ai eu une discussion approfondie hier. J'envisage de faire installer un kiosque de mégadonnées ici même, sur la Colline. Nous avons notamment discuté des algorithmes et de ce que font GE, Intel et Cray dans le domaine des soins de santé. Votre observation m'a étonné; voilà pourquoi j'ai posé la question. Nous n'irons pas plus loin pour l'instant. Merci.

Mme May : D'accord.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous donner davantage de renseignements sur le projet pilote mis en œuvre en Alberta, dans le cadre duquel on utilise la technologie GPS pour aider des clients atteints de démence? Il semble qu'il serve à localiser les gens. Qu'est-ce que cela donne concrètement? En quoi consiste cette expérience? De nombreux patients atteints de démence se promènent beaucoup et exigent donc quand même une présence constante. Pourriez- vous nous en dire un peu plus au sujet de ce projet pilote?

Mme Henningsen : C'est un projet pilote d'une ampleur relativement modeste mis en œuvre dans la région d'Edmonton par Alberta Health Services. Les personnes choisies pour y participer étaient peu portées à errer, si on peut dire les choses ainsi. Ils ne l'avaient fait qu'une ou deux fois. Si l'information permet de savoir qu'un proche s'est éloigné, elle permet surtout d'assurer le suivi et de comprendre si un facteur déclencheur est à l'origine de l'incident. L'être cher est-il parti après qu'une situation se soit produite? On cherche à connaître ce qui a poussé la personne à partir plutôt qu'à savoir où elle est rendue.

La sénatrice Marshall : J'aurai pensé que vous délimiteriez une zone qui ne poserait pas de problème, et que lorsque la personne s'en éloigne, quelque chose se passe. Est-ce ainsi que le programme fonctionne?

Mme Henningsen : Oui. Le programme comprend des signaux qui permettent à l'aidant naturel de savoir si une personne est sortie d'une zone géographique; il peut également aviser la personne elle-même. Il fonctionne en fait avec PalmPilot. Le téléphone cellulaire redirige la personne vers l'endroit où elle devrait aller. Il permet d'avertir, mais aussi d'assurer la surveillance. Il s'agit ici de gens atteints de démence relativement légère.

La sénatrice Marshall : Il indique au patient de revenir. Voilà qui est intéressant.

Mme Henningsen : Souvent, grâce à un avertissement, la personne peut comprendre ce qu'elle fait et où elle se trouve.

La sénatrice Marshall : Quand vous dites qu'il s'agit d'un programme d'envergure modeste, entendez-vous par là qu'il incluait 10 personnes?

Mme Henningsen : Je pense qu'il en incluait une trentaine.

La sénatrice Marshall : Ce serait intéressant. D'après mon expérience, qui remonte à quelques années, une fois qu'un patient a atteint un certain point, il est gardé dans une zone barrée. Il semble qu'on tente d'abandonner cette pratique.

Mme Henningsen : Oui. Ce n'est pas le genre de patient qui aurait le profil d'une personne recevant des soins à domicile. À ce point, on prendrait une décision si on juge qu'il n'est probablement pas idéal de garder le patient à la maison, car c'est devenu dangereux. On chercherait alors à le loger ailleurs. Je peux vous communiquer l'étude en question.

Le président : Pourriez-vous la transmettre à la greffière? Nous la publierons ensuite à l'endroit approprié et tout le monde pourra y accéder.

Nous avons eu une discussion fort intéressante. Nous étions vraiment impatients de vous rencontrer et particulièrement d'entendre le témoignage de VON pour savoir ce qu'il en est de vos orientations futures, de votre expérience et des soins de santé dans de nombreuses régions. Vous nous avez tous apporté des idées très intéressantes.

Je veux revenir en arrière et vous demander de vous concentrer sur le concept de stratégie nationale et sur une sorte de mécanisme dont la structure s'apparenterait à celle d'un organe et que le gouvernement pourrait financer, mais qui aurait le potentiel d'agir en interaction avec les provinces autrement que le fait le gouvernement fédéral. C'est vraiment là le cœur du problème. Nous pouvons trouver une panoplie de mesures qui pourraient s'inscrire dans une stratégie nationale, mais au bout du compte, il faut que cela se traduise par des actes concrets. Or, il semble que nous n'excellions pas vraiment à cet égard jusqu'à présent.

Sur ce, je veux remercier mes collègues pour leurs questions et nos témoins pour l'exhaustivité de leurs réponses.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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