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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 13 - Témoignages du 7 décembre 2016 (deuxième séance)


OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, de Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de l'Ontario, vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. Nous avons dans la salle Monique Moreau, directrice, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous allons entendre, par vidéoconférence, Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec.

J'invite M. Dorval à présenter son exposé.

[Français]

Yves-Thomas Dorval, président-directeur général, Conseil du patronat du Québec : Merci au comité de m'avoir invité à cette rencontre. Tout d'abord, j'aimerais vous dire que, de façon générale, lorsqu'on analyse les données sur les besoins en matière de revenus au moment de la retraite pour l'ensemble des Canadiens, il faut comprendre qu'il y a des segments de la population pour lesquels les problèmes ne sont pas les mêmes. Il y a des secteurs, des segments de la population qui ont accès à des revenus à la retraite, parce qu'ils sont bien nantis ou, à l'inverse, parce que le Supplément de revenu garanti ou d'autres programmes assurent un certain filet de sécurité.

Selon nous, en ce qui concerne les besoins en matière financière liés aux revenus à la retraite, le système canadien est un très bon système grâce aux différents paliers, mais il existe au sein de certains segments de la population des enjeux auxquels il faut apporter des solutions. Le projet de loi C-26 s'inscrit aussi dans une dynamique où il y a, dans certaines provinces — pour ne pas nommer l'Ontario —, des enjeux et une volonté de mettre en place un programme provincial.

Vous savez qu'au Québec, il existe le Régime de rentes du Québec qui a son propre régime et qui prévoit une certaine harmonisation, de façon générale, avec le Régime de pensions du Canada (RPC). En réponse à cela, le gouvernement fédéral a élaboré une proposition. À la suite de discussions tenues avec les provinces, il y a eu une entente avec la majorité des provinces, à l'exception du Québec, pour lequel il y a des préoccupations plus spécifiques à l'égard des besoins liés aux revenus plus modestes et à l'impact que les changements pourraient avoir sur certaines entreprises. Donc, il y a une volonté de trouver des solutions.

Nous avons accueilli avec beaucoup d'ouverture le projet de loi C-26, parce qu'il représente une approche à la fois modérée et consensuelle avec plusieurs provinces pour essayer d'améliorer un peu la situation. Toutefois, il s'agit d'une solution globale pour l'ensemble des segments de la population, alors que les besoins ne sont pas nécessairement les mêmes pour chacun d'eux.

Nous accueillons avec beaucoup d'ouverture le projet de loi. Cependant, nous nous inquiétons des impacts liés aux coûts pour certaines entreprises, qui verront probablement des sommes allouées à un programme dont le rendement se fera à très long terme, lorsque les gens prendront leur retraite, alors que le besoin, pour plusieurs entreprises, est d'investir immédiatement dans leur développement. Cependant, nous comprenons tout de même l'objectif du projet de loi C-26.

Nous avons une autre préoccupation. Lorsqu'il s'agit des revenus disponibles à la retraite et, surtout, de l'épargne en vue de la retraite, il y a beaucoup d'information sur les régimes enregistrés offerts dans le secteur privé et sur le régime de pensions public. Toutefois, cela ne représente pas l'ensemble de l'épargne que les citoyens mettent de côté pour bâtir leur patrimoine, qu'ils utiliseront au moment de la retraite. Il y a beaucoup d'autres outils pour lesquels il n'est pas facile de calculer la contribution. Je vous donne un petit exemple : l'accès à la propriété.

Une propriété pour un individu est un actif qu'il bâtit tout au long de sa vie et qui peut servir d'une façon extrêmement intéressante son patrimoine et ses revenus de retraite sur le plan de l'accumulation de capital ou comme lieu de résidence pour ses vieux jours. On ne prend pas cela en considération lorsqu'on calcule l'épargne à la retraite, et pourtant, c'est un véhicule important. Au Canada, actuellement, des mesures nuisent à l'accès à la propriété à cause d'enjeux spécifiques propres à certaines régions du Canada, ce qui est tout à fait compréhensible. Cependant, au Québec, par exemple, on devrait favoriser davantage l'accès à la propriété.

Il y a aussi d'autres types d'épargne qui permettent à l'individu d'accumuler des sommes qui ne se trouvent pas nécessairement dans les régimes enregistrés. Le portrait de l'épargne à la retraite n'est pas complet. Tous les segments de la population n'ont pas les mêmes besoins. En même temps, nous croyons que le projet de loi C-26 tente de trouver un certain équilibre dans tout cela, et c'est pourquoi nous l'acceptons avec ouverture.

Nous comprenons également que le Québec a des préoccupations, car les ponctions sous forme de cotisations qui seront effectuées de façon obligatoire, tant auprès des individus que des employeurs, sont des sommes d'argent qui serviront un jour pour la retraite, mais qui, pendant un certain temps, consisteront en une ponction dans des dépenses qui ne seront pas faites par des entreprises en matière d'investissement ou par des personnes en matière de consommation.

Le rôle du gouvernement est d'arriver avec des propositions qui tendent, avec un certain arbitrage, à démontrer une ouverture à ce chapitre, mais nous en constaterons les impacts plus tard. Chose certaine, il ne faudrait pas non plus faire en sorte que certains segments de la population voient leurs revenus réduits, comme ceux dont les revenus sont faibles ou qui tirent d'autres types de revenus du filet de sécurité sociale, tel le Supplément de revenu garanti, parce qu'ils auront contribué à un moment où ils n'avaient pas nécessairement beaucoup de moyens pour épargner.

Je vais m'arrêter ici. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dorval.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à Mme Moreau.

Monique Moreau, directrice, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui pour vous présenter le point de vue des petites entreprises sur l'augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada.

Vous devriez avoir devant vous un diaporama que nous allons examiner ensemble dans les minutes qui suivent.

Comme certains d'entre vous le savent, la FCEI est une organisation non partisane, sans but lucratif qui représente plus de 109 000 petites et moyennes entreprises à travers le Canada. Nos membres représentent tous les secteurs de l'économie et se trouvent dans toutes les régions du pays.

Il est important de rappeler que les petites entreprises canadiennes emploient 70 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans le secteur privé et que ce sont ces entreprises qui créent plus de la moitié des emplois, ce qui représente environ la moitié du PIB du Canada. Le règlement des problèmes auxquels elles sont confrontées pourrait avoir des répercussions considérables sur la création d'emplois et sur l'économie.

La FCEI agit uniquement en fonction de ce que souhaitent ses membres; pour connaître ce qu'ils pensent, elle effectue divers sondages chaque année; selon les résultats de tous les sondages précédents effectués auprès de nos membres sur cette question, une forte majorité d'entre eux ont déclaré qu'ils seraient directement touchés par l'augmentation des cotisations au RPC.

La situation économique a de graves répercussions sur les petites entreprises et sur les classes moyennes. Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 3, un des sondages qu'effectue la FCEI tous les mois est le baromètre des affaires. Notre dernier sondage indique que la confiance des petites entreprises a légèrement augmenté en novembre pour s'établir à 59,4 points, mais qu'elle est demeurée dans une fourchette horizontale assez étroite depuis avril dernier. Idéalement, il faudrait que cet indice se situe entre 65 et 70 p. 100, parce que cela montre que l'économie se développe à son plein potentiel.

Les plans d'embauche de personnel varient habituellement en fonction des saisons, mais la tendance à la baisse constatée au mois de novembre se poursuit. Nous avons entrevu le premier signe de cette tendance au mois d'octobre. Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 4, la ligne bleue représente le pourcentage des répondants qui ont l'intention d'embaucher du personnel, cela représente 15 p. 100; et la ligne rouge représente ceux qui ont l'intention de congédier du personnel, 20 p. 100. Normalement, ces lignes ne devraient pas se croiser et nous aimerions qu'elles s'éloignent l'une de l'autre, comme nous l'avons vu au début de 2016.

Comme de nombreux autres programmes du gouvernement, la principale question que soulève le RPC est celle de l'information. Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 5, 40 p. 100 des Canadiens croient que le gouvernement paie une partie des cotisations au RPC et près des trois quarts des Canadiens ne savent pas que les retraités actuels ne profiteront aucunement du projet de bonification. En fait, près d'un quart des retraités croient à tort que leurs prestations du RPC vont augmenter, en raison de l'expansion proposée.

La plupart des Canadiens ne savent pas qu'il faudra verser les nouvelles cotisations augmentées pendant près de 40 ans pour que cela se traduise par une augmentation des prestations du RPC que reçoivent les travailleurs.

Les propriétaires de petites entreprises n'ont pas d'argent caché sous leur matelas pour pouvoir absorber les hausses d'impôt du gouvernement. Comme le montre la diapositive 6, si les nouvelles cotisations au RPC-RRQ augmentaient, et même si cela se traduirait par un accroissement des prestations à l'avenir, deux tiers des entrepreneurs seraient poussés à geler ou à réduire les salaires, et près de la moitié seraient obligés de réduire leurs investissements dans leurs entreprises. Ces effets se feront sentir à un moment où le gouvernement veut encourager l'innovation et la création d'emplois dans les petites entreprises.

La diapositive 7 montre que les travailleurs canadiens sont contre l'augmentation du RPC. Près de 70 p. 100 d'entre eux ont déclaré qu'ils seraient contre une augmentation, si celle-ci avait pour conséquence de geler leur salaire, et que 83 p. 100 d'entre eux seraient contre ce projet si ces augmentations entraînaient une réduction de leur salaire.

Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 8, si les travailleurs canadiens avaient plus d'argent à consacrer à l'épargne en vue de leur retraite, ils préféreraient investir dans un REER ou un CELI par rapport aux autres méthodes d'épargne que sont le RPC ou le RRQ. Les propriétaires de petites entreprises privilégieraient également ce type d'épargne s'ils avaient la possibilité d'investir dans l'épargne-retraite de leurs employés.

Si le gouvernement voulait inciter les Canadiens à épargner davantage en vue de leur retraite, comme le montre la diapositive 9, seuls 18 p. 100 d'entre eux choisiraient une hausse obligatoire des cotisations au RPC. Il existe toute une série d'autres solutions, notamment la réduction des impôts, la mise en place de nouvelles incitations à l'épargne et autoriser les employés à cotiser volontairement à leur propre régime de RPC/RRQ. Inciter les institutions financières à réduire les frais d'administration des régimes de retraite serait également une autre considération importante.

Il est évident que les Canadiens sont mal informés au sujet du RPC et qu'ils veulent que le gouvernement les consulte avant la mise en œuvre de ses plans de bonification. Comme vous pouvez le voir dans la diapositive 10, près de 80 p. 100 des Canadiens, dont la plupart représentent la classe moyenne, veulent pouvoir faire connaître leurs points de vue au gouvernement. Les petits entrepreneurs veulent également être consultés par le gouvernement sur cette question.

Nous invitons vivement le gouvernement fédéral à encourager ses homologues provinciaux à effectuer des consultations. Nous demandons également que le gouvernement fédéral n'oublie pas la promesse qu'il a faite dans le budget de 2016 lorsqu'il a déclaré :

... le gouvernement lancera des consultations afin de donner aux Canadiens l'occasion de faire part de leurs points de vue sur la bonification du Régime de pensions du Canada.

Enfin, si le gouvernement n'a pas vraiment l'intention de consulter les Canadiens au sujet de ce projet, nous suggérons qu'il adopte les mesures suivantes pour en atténuer les répercussions : Premièrement, ne pas augmenter les cotisations au RPC des employés qui gagnent moins de 27 000 $, comme le propose le gouvernement du Québec; deuxièmement, accorder des réductions d'impôt en mettant en œuvre sa promesse de réduire le taux d'imposition des petites entreprises; troisièmement, réduire le taux d'assurance-emploi de façon permanente pour les petites entreprises, et enfin, exempter les travailleurs autonomes des augmentations du RPC parce qu'ils paient une double cotisation.

Voilà qui termine mes remarques. Je vous remercie de votre attention et je serais heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Chers collègues, lorsque vous posez une question, veuillez préciser à quel témoin vous souhaitez vous adresser parce qu'il y a un des témoins qui comparaît par vidéoconférence. J'invite l'autre témoin à attendre un instant avant d'intervenir, une fois que l'autre témoin aura répondu. N'intervenez pas immédiatement parce que cela donne des blancs sonores.

Cela dit, je vais donner la parole au sénateur Dean, le parrain du projet de loi au Sénat, pour qu'il pose la première question et ce sera ensuite à la sénatrice Stewart Olsen, la porte-parole de l'opposition, qui posera la seconde question.

Le sénateur Dean : Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse à Mme Moreau. Je vous remercie d'être venue. Cela fait très longtemps que je connais votre organisation, puisque nos rapports remontent à près de 30 ans.

J'ai déjà vu des diaporamas de ce genre. Ma question est la suivante : J'ai remarqué que ces dernières années — et cela a été redit au cours des discussions que nous avons eues ces derniers mois au sujet de la planification de la retraite et du remplacement du revenu pour les Canadiens — il y avait cette idée selon laquelle il faut choisir entre d'un côté le RPC ou un RPC amélioré et de l'autre à des méthodes d'épargne-retraite individuelles comme le CELI, les REER, ou l'investissement dans des biens immobiliers, voire même cacher de l'argent sous son matelas.

Ceux qui suivent la question des pensions depuis des années savent, je crois, qu'avec les dizaines d'années d'expérience que les Canadiens ont acquises au sujet des régimes de retraite, il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre, mais de choisir la combinaison appropriée.

Pensez-vous que les membres de votre organisation aimeraient continuer à effectuer cette répartition entre les trois composantes — SV, SRG, épargne personnelle — et un régime de RPC dynamique, et plus précisément, pensez-vous qu'un RPC dynamique qui a pour effet de fournir un revenu raisonnable aux retraités, constitue un élément important sinon essentiel du régime de retraite des Canadiens?

Mme Moreau : Merci d'avoir posé cette question. Il me paraît important que les sénateurs sachent que nos membres sont tout à fait en faveur du RPC; ils savent que ce régime est un pilier de l'épargne-retraite. En fait, au cours des années 1990, période au cours de laquelle le RPC était en mauvaise situation, lorsque le compte et l'équilibre étaient compromis, nos membres ont voté en faveur de l'augmentation des cotisations, sans augmentation correspondante des prestations. Ils voulaient investir dans le RPC.

L'actuaire en chef vient toutefois de déclarer que le RPC est bien capitalisé et qu'il le sera pour des dizaines d'années à venir. Nos membres disent en fait qu'ils ne peuvent pas se permettre de payer les augmentations projetées. Vous connaissez bien, pour y avoir accès depuis des années, la recherche sur laquelle est basé ce diaporama puisqu'il repose sur les questions que nous avons posées dans nos sondages et sur nos enquêtes auprès de la population.

Entre la possibilité de faire des choix et l'obligation de verser des cotisations, je crois que nos membres préféreraient de loin pouvoir choisir entre les deux. Ils savent ce qu'est le RPC, qui devait représenter au départ un quart de votre revenu de retraite, mais ils veulent pouvoir investir les sommes supplémentaires dont ils disposent comme ils l'entendent, que ce soit dans leur entreprise, dans un REER, dans un CELI, ou dans des biens comme vous l'avez suggéré. Aujourd'hui, ils pensent que l'augmentation des cotisations au RPC les privera de la souplesse avec laquelle ils pouvaient utiliser un revenu supplémentaire éventuel et les obligera à consacrer ces sommes au RPC, alors qu'ils auraient plutôt préféré les utiliser autrement.

Le président : Monsieur Dorval, si la question est d'abord adressée à Mme Moreau, et, si à la fin de sa réponse, vous levez la main pour intervenir et ajouter quelque chose à la réponse, alors je vous donnerai la parole. Dans le cas contraire, je la donnerai au sénateur suivant. Voulez-vous ajouter quelque chose sur ce point?

M. Dorval : Oui. Le gouvernement canadien a également introduit une autre incitation à l'investissement en vue de la retraite, comme cela se fait au Québec. Nous avons mis en place un régime de pension volontaire que tous les employeurs doivent offrir à tous leurs employés, si ces derniers sont en nombre suffisant. Ils ne sont pas obligés de verser des cotisations tout comme les employés ne sont pas obligés de le faire, mais s'ils ne font pas un choix, ce régime devient obligatoire s'ils décident de ne pas verser de cotisations.

C'est un autre exemple de mesure qui incite les gens à investir dans leur régime de retraite. Elle n'est pas obligatoire, ce qui donne davantage d'options aux gens et aux employeurs qui voudraient utiliser cet outil pour attirer et conserver les employés; c'est également un bon outil qui contribue au renforcement du revenu de retraite total, du revenu disponible au moment de la retraite.

Cela dit, nous connaissons ici au Québec un autre problème; notre régime de pension provincial, le régime de pension public, n'est pas aussi bien capitalisé que celui du Canada. C'est pourquoi les employeurs, parce qu'ils sont responsables, tout comme notre organisation qui représente plus de 70 000 employeurs au Québec, ont appuyé l'augmentation des cotisations de façon à renforcer la capitalisation du régime de pension public. C'est parce que le régime de pension du Québec n'était pas financé correctement au départ qu'au Québec, les cotisations sont plus élevées que dans le reste du Canada.

Je vous donne un exemple; le pourcentage des gains ouvrant droit à pension que nous versons est de 10,65 p. 100, alors que, dans le reste du Canada, il est de 9,9 p. 100. La question des cotisations est donc très sensible, tant pour les employés que pour les employeurs. Nous savons que nous allons être obligés de continuer à augmenter les cotisations. Nous allons devoir investir pour capitaliser le régime.

Avec l'amélioration proposée, le Québec va devoir décider comment il va harmoniser son régime avec le programme fédéral. Cela va également créer des pressions sur le montant des cotisations. Cela ne veut pas dire que ce ne soit pas important. C'est un sujet très grave. Nous avons des inquiétudes au sujet du revenu disponible à la retraite, mais nous avons oublié un élément très important, l'âge de la retraite.

Le gouvernement précédent a mis en œuvre une initiative consistant à faire passer l'âge de la retraite à 67 ans, comme l'ont fait la plupart des autres pays. Mais maintenant, le gouvernement a décidé de ramener à 65 ans l'âge de la retraite. Cela aurait dû être la première mesure à prendre pour aider la population, compte tenu de la durée de vie, puisque nous avons une population vieillissante; il faut envisager de demander aux travailleurs de continuer à travailler un peu plus longtemps avant de prendre leur retraite. C'est exactement ce qui se passe dans la plupart des autres pays.

La sénatrice Stewart Olsen : Ma question s'adresse à Mme Moreau. Je suis le porte-parole de l'opposition pour le projet de loi et je ne pense pas que cette mesure aura l'effet que nous souhaiterions avoir à l'heure actuelle, à savoir aider les Canadiens à épargner plutôt que rendre l'achat d'une maison plus difficile, réduire le niveau des cotisations au CELI. Avec l'augmentation des impôts et celle des cotisations au RPC, les travailleurs auront beaucoup de mal à épargner de l'argent et à verser leurs cotisations au RPC.

Cela se reflète-t-il parmi vos membres? C'est un peu comme si on vous donnait un peu d'une main et qu'on vous le reprenait de l'autre. C'est ce que semble faire ce gouvernement avec cette mesure. Elle m'inquiète beaucoup, je dois vous le dire.

Mme Moreau : Merci. D'après les données que nous avons obtenues à la suite du sondage de nos membres, il ressort que ces derniers aimeraient avoir d'autres solutions dans la mesure où si ces augmentations sont décidées, elles auront des répercussions sur leur entreprise, sur les employés et sur les investissements qu'ils pourront faire dans leur entreprise.

Cela fait des années que nous faisons des sondages sur cette question. Cela fait un moment que cela bouillonne. Comme je l'ai mentionné dans ma réponse à la question du sénateur Dean, nos membres appuient le principe du RPC, mais ils ne sont pas en faveur d'une augmentation des cotisations pour le moment, compte tenu de la situation économique. C'est la raison pour laquelle j'ai consacré quelques moments au début de mes commentaires pour expliquer la situation. Ces projets d'embauche de personnel sont très étranges parce que ce qui semblait un écart inexpliqué pour le mois d'octobre semble vouloir perdurer.

L'économie stagne et nos membres vont avoir de la difficulté à trouver les fonds supplémentaires que nous allons leur demander. Personne ne sait quelle sera la situation économique en 2019, au moment où ces mesures vont se faire sentir. Je crois que cela va être difficile, en particulier pour les petites entreprises.

M. Dorval : J'aimerais ajouter le fait que les données indiquent qu'au Canada, un tiers seulement de la population éprouvera de la difficulté à obtenir un revenu de remplacement au moment de la retraite, mais un tiers c'est important. C'est la raison pour laquelle le gouvernement doit trouver des solutions pour ces personnes. Le problème est que nous proposons parfois des solutions qui s'appliquent à tous, mais qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins des deux tiers de la population qui ne connaissent peut-être pas ce genre de difficulté.

Il s'agit d'éviter d'adopter une mesure globale qui ne conviendra peut-être pas aux deux tiers de la population.

Le sénateur Eggleton : Madame Moreau, la diapo 8, j'aimerais savoir si c'est un tableau qui concerne vos membres ou la population générale?

Mme Moreau : Il est tiré d'une enquête d'opinion que nous avons effectuée en juillet dernier. Cette enquête interrogeait les travailleurs canadiens.

Le sénateur Eggleton : Ce qu'on nous dit très clairement, c'est que les solutions préférées, comme les régimes d'épargne déductibles d'impôt, les régimes d'épargne-retraite enregistrés ou les investissements personnels, et cetera, sont insuffisants. Les gens n'investissent pas suffisamment dans ces véhicules pour bénéficier d'une pension raisonnable — c'est la raison pour laquelle nous voulons bonifier le Régime de pensions du Canada.

N'est-il pas nécessaire d'avoir accès à toutes ces possibilités? Elles existent déjà, mais il n'y a pas suffisamment de gens qui en profitent.

Mme Moreau : Je dois vous dire que nous souscrivons également à la remarque qu'a faite le témoin précédemment. On cherche à résoudre un problème avec un marteau plutôt qu'avec un scalpel. Nos membres nous ont dit que les Canadiens qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté au moment de leur retraite ont besoin d'une aide supplémentaire, mais les membres de la classe moyenne et ceux qui avaient des rémunérations élevées n'ont pas besoin pour le moment de prestations renforcées du RPC. Ils mettent de l'argent de côté pour leur retraite, ils investissent dans des biens et ils ont décidé de vendre un jour leurs entreprises pour utiliser ces sommes comme leur fonds de retraite.

Si le gouvernement doit imposer des impôts supplémentaires aux entrepreneurs et aux employés canadiens, il devrait se demander si ces sommes vont vraiment aider les catégories les plus défavorisées à sortir de la pauvreté ou si elles vont plutôt être réparties entre les diverses catégories.

Le sénateur Eggleton : Il y a pas mal de gens qui vivent au-dessus du seuil de la pauvreté, mais qui connaissent une diminution importante de leur niveau de vie parce qu'ils n'ont pas réparti de façon appropriée leur épargne. Il y a encore beaucoup de gens qui font partie de cette catégorie.

Mme Moreau : Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Nous avons tendance à ne pas examiner de trop près ces questions avec nos membres, mais la situation est que, si ce plan est adopté, je pense qu'il aura pour effet de limiter les véhicules d'investissement auxquels les Canadiens ont accès. Il n'aidera pas les personnes qui vivent proches du seuil de la pauvreté. Il ne les aidera pas même dans 10 ou 20 ans. Lorsque ce plan sera en vigueur, je ne pense pas que je pourrai profiter d'un RPC vraiment bonifié.

M. Dorval : Cette remarque me paraît très juste. Il y a certaines catégories de la population qui doivent trouver des solutions. Encore une fois, nous ne sommes pas complètement contre le projet de loi, parce que, comme je l'ai mentionné, il se situe à peu près, entre la solution extrême qu'a présentée l'Ontario et celle que présente le gouvernement fédéral. Il y a donc eu une sorte de compromis.

Encore une fois, il y a le fait que c'est une solution qui s'applique à tous, même si les besoins ne sont pas identiques.

Pour les Canadiens les plus défavorisés, les données indiquent que leur situation n'est pas si mauvaise, si on la compare à celle d'autres catégories de population. Il existe d'autres filets de sécurité pour les revenus, et il faut en tenir compte pour avoir une image globale.

Cela dit, je reconnais qu'il y a des problèmes et que le gouvernement essaie de trouver une solution. Nous aurions préféré une solution davantage sectorielle, mais en même temps, la solution proposée aurait pu être pire. Pour certaines provinces comme le Québec, elle crée cependant d'autres difficultés parce que les impôts sur les salaires sont très élevés ici.

Si le gouvernement avait examiné la possibilité de réduire, par ailleurs, les autres impôts sur les salaires, il aurait quelque peu atténué le coût de ce plan pour les employeurs et les employés, parce qu'ils font également partie de tout cela. Il s'agit en fait de savoir si l'on s'intéresse uniquement à la question de la retraite. En prenant un peu de recul et en examinant les taxes sur la masse salariale, on pourrait peut-être trouver une solution qui atténuerait l'impact de cette mesure sur les employeurs et les employés.

La sénatrice Seidman : Ma question s'adresse en premier à Mme Moreau, mais je serais, bien sûr, très heureuse d'obtenir les commentaires de M. Dorval.

Au cours des séances d'information qui nous ont été fournies, le ministre et ses collaborateurs nous ont dit, lorsqu'ils ont comparu ici, que le délai de notification de deux ans et l'étalement des cotisations sur une période de sept ans donnaient aux entreprises le temps de s'adapter, ce qui aurait pour effet d'atténuer grandement les répercussions à court terme sur le PIB et l'emploi. Lorsque j'ai demandé si cela sera vraiment le cas et quels sont les ajustements auxquels les entreprises devraient nécessairement procéder, et s'il était exact que l'étalement de l'introduction de la mesure atténuerait les conséquences négatives, il a reconnu que cela serait le cas et qu'à long terme, les employés seraient davantage satisfaits parce que les revenus seraient plus stables. Il semble donc qu'en fait, cela améliorerait la situation des employés, tout comme celle des employeurs.

Que pensez-vous de tout cela? Est-ce que ce délai de notification et l'étalement des mesures vont atténuer les conséquentes négatives pour les entreprises, et si ce n'est pas le cas, quelles seraient ces conséquences négatives? À quoi pouvons-nous nous attendre?

Mme Moreau : Les employeurs ont de la difficulté à prévoir ce que sera dans quelques années la situation de l'emploi, en termes de nombre d'employés et de situation de leur entreprise. L'aspect délicat de cette période de notification de deux ans vient du fait que l'on demande en fait aux employeurs de commencer à épargner immédiatement. Ils vont donc mettre de l'argent de côté au lieu de l'investir dans leur entreprise et peut-être même, au lieu d'embaucher un autre travailleur ou un étudiant à temps partiel, au lieu de renouveler leur équipement et d'investir dans la technologie.

L'innovation est depuis peu une composante importante de l'action du gouvernement et un aspect sur lequel nous disposons de pas mal de données intéressantes au sujet de ce que font nos membres. Nous essayons d'encourager cette approche. Encore une fois, je dois vous redire que l'économie stagne à l'heure actuelle. Il n'y a pas de croissance. Nous sommes toujours en récession et les entrepreneurs qui se demandent s'ils devraient embaucher un autre employé ou commencer à épargner des centaines de dollars par mois pour éventuellement verser des cotisations de RPC supplémentaires d'ici deux ans, se trouvent devant un choix difficile.

Pour ce qui est des répercussions, on retrouve la plupart des données sur la diapositive 6, qui contient les réponses qu'ont fournies nos membres sur les conséquences qu'aurait pour eux une hausse immédiate des contributions au RPC, même si cette hausse entraînait plus tard une augmentation des prestations. Pour revenir à la remarque qu'a faite le ministre au sujet de la satisfaction ultérieure des employés et des employeurs, la première conséquence, que les deux tiers de nos membres ont mentionnée, était qu'ils estimaient qu'ils seraient poussés à geler ou à réduire les salaires, ensuite, à réduire les investissements dans leur entreprise. Cela représente près de la moitié de nos membres, pour revenir aux remarques précédentes; voilà ce qu'indiquent nos données sur ce point.

Je crois qu'en réalité, les seuls employés qui vont vraiment se réjouir de cette mesure sont ceux qui se trouvent dans les écoles secondaires à l'heure actuelle et qui ne pensent pas encore à leur retraite, parce que c'est à ce moment-là qu'il y aura un RPC bien capitalisé.

[Français]

M. Dorval : Le projet qui nous est présenté contient tout de même des éléments moins dommageables et des mesures d'atténuation des impacts. Le fait d'étaler sur une assez longue période de temps le coût croissant de la contribution, le fait que le programme doive être entièrement capitalisé avant d'être utilisé à la retraite et la croissance lente du coût des primes à la fin sont des éléments positifs qu'il faut souligner.

Cependant, on peut se poser des questions sur le principe même d'utiliser une loi qui s'applique à tout le monde et sur les impacts que cela pourrait avoir sur d'autres types d'investissement, tout aussi importants, qu'il s'agisse des employeurs ou des employés.

Le projet de loi dont vous êtes saisis prévoit des mesures d'atténuation qui doivent être soulignées à ce moment-ci, et c'est pour cela qu'il faut l'envisager avec une certaine ouverture.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Monsieur Dorval, dans vos remarques préliminaires, vous avez déclaré au sujet du projet de loi qu'il n'était pas axé sur des groupes particuliers et qu'en fait, c'était une solution qui avait été appliquée à tous les secteurs de la population, qu'ils en aient besoin ou pas. Vous avez ensuite mentionné d'autres options et parlé de l'achat d'actifs et de résidence. Que vouliez-vous dire par là? Faisiez-vous allusion à cette notion d'hypothèque inversée dont on parle beaucoup? Que vouliez-vous dire lorsque vous avez fait référence à la propriété d'actifs?

[Français]

M. Dorval : La propriété peut être un outil d'épargne, et ce type d'épargne peut être utilisé à certains moments de la vie, plus particulièrement comme une pension. Au Québec, le taux d'accès à la propriété est inférieur à la moyenne. Je pense que nous devrions toujours tenir compte du fait que l'investissement dans une propriété personnelle n'est pas seulement une dépense, mais aussi un investissement qui peut constituer un patrimoine qui pourra être utilisé tout au long de la vie. Il y a des outils financiers, pour les gens à la retraite, comme l'hypothèque inversée, qui permettent à une personne de bénéficier du revenu qui a été investi dans une propriété privée sans qu'elle ne soit obligée de quitter sa résidence.

Il y a beaucoup d'outils : le CELI, le RPC et d'autres types d'épargne. Évidemment, un individu doit disposer d'un revenu suffisant pour pouvoir épargner. Je comprends qu'il y a de la surchauffe dans certaines parties du pays, mais il y a des endroits, comme Montréal ou ailleurs dans la province de Québec, où il n'y pas de surchauffe. En ce moment, il y a des mesures restrictives d'un océan à l'autre au Canada, pour des questions de prudence tout à fait légitimes, alors qu'au Québec, nous devrions plutôt soutenir davantage l'accès à la propriété au lieu de le freiner, pour contribuer à l'épargne à la retraite, y compris pour les gens qui ont des revenus modestes.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Ma question porte sur les régimes de retraite d'entreprise. Si nous revenons 20 ou 30 ans en arrière, il était courant à l'époque que les employeurs aient mis sur pied des régimes de retraite dont les cotisations étaient payées conjointement par les employeurs et par les employés. En fait, avec le RPC de l'époque, on considérait ce genre de régime comme un élément stable susceptible de fournir un revenu de retraite aux travailleurs et aux retraités canadiens.

La situation a changé de façon dramatique depuis les 30 dernières années. Beaucoup d'employeurs, aussi bien des petites, des moyennes que des grandes entreprises, ont abandonné les régimes de pension privés. On a cité aujourd'hui des chiffres indiquant qu'aujourd'hui, 35 p. 100 des entreprises avaient un régime de pension en 1977, mais que ce pourcentage était passé à 20 p.100 ou moins en 2012. Cela se reflète, comme nous le savons, dans un autre changement important — en fait, un changement majeur —, puisque l'on est passé de régimes de pension à prestations déterminées à des régimes de pension à cotisation déterminée.

Cela va très bien si je prends ma retraite à un moment où la bourse est favorable, mais c'est beaucoup moins bien si j'ai un régime de retraite à prestations déterminées et que la bourse vient de chuter au moment de ma retraite.

C'est peut-être le plus grand changement qu'ait connu le domaine des régimes de pension au Canada au cours des 50 dernières années. On semble vouloir demander aux individus d'épargner davantage et de s'occuper eux-mêmes de leur retraite, dans un contexte où un RPC solide a toujours fait partie du paysage.

Je vous demande donc, puisque j'ai travaillé dans le domaine des politiques, dans celui des pensions, qu'effectivement l'épargne individuelle est importante, mais si l'on veut répondre aux changements qu'ont connu les régimes de retraite des employeurs, s'il ne faudrait pas prévoir un supplément ou bonifier le Régime de pensions du Canada, même si cette mesure est progressive, graduelle, et même si elle a, dans ce cas, un aspect intergénérationnel?

Le ministre a déclaré aujourd'hui que cela ne nous touchait pas. Cette mesure vise les générations futures. Tous ceux qui se trouvent dans la salle sont visés par les changements dans les politiques intergénérationnelles survenus au cours des 40 ou 50 dernières années, dans le monde des régimes de retraite, de l'assurance-emploi et d'autres domaines. C'est une possibilité, en fait, il faudrait probablement parler de responsabilité qui nous incombe, de faire la même chose pour ceux qui vont nous suivre. Mais voici la question : Le gouvernement est-il vraiment en train de nous dire que ce sont aux travailleurs et aux Canadiens d'agir pour compenser le retrait massif des employeurs qui refusent d'assumer des régimes de pension décents? J'estime qu'il faut intégrer à tout cela une prestation supplémentaire du RPC.

Mme Moreau : Il ne faut pas toutefois oublier que nos membres, les petits entrepreneurs, sont favorables au RPC. Je ne pense pas qu'ils diront jamais que ce n'est pas un outil intéressant, qui fait partie du tissu social canadien et que ce n'est pas une bonne chose.

Je ne suis pas une experte pour ce qui est des régimes de retraite à prestations ou à cotisations déterminées. Je sais simplement que pour nos membres, offrir un régime de retraite, qu'il s'agisse d'un REER de groupe, d'un régime à prestations déterminées ou d'un régime à cotisation déterminée, coûte très cher. Pour une petite entreprise, c'est un régime qui coûte très cher à administrer et je crois que c'est ce qui explique en partie, le déclin progressif de ces régimes privés.

Nous sommes de grands partisans du RPAC, le Régime de pension agréé collectif, qui a été introduit il y a quelques années, et nous encourageons les provinces à adopter les mesures législatives nécessaires à sa mise en application. Un certain nombre de provinces l'ont fait. Nous avons demandé à nos membres, au moment où cette initiative a été lancée, s'ils étaient disposés à offrir un tel régime, un régime à faible coût comme il devait l'être, et un tiers d'entre eux ont immédiatement répondu que oui et d'autres souhaitaient avoir davantage de renseignements sur ce régime.

Je vois là un optimisme qui répond un peu à votre question à savoir que nous n'estimons pas que ce fardeau revient exclusivement aux employés. Cela ne représente, par contre, qu'une des taxes salariales qui est destinée à augmenter et que doivent assumer les petits entrepreneurs. L'an prochain, lorsque les taux d'assurance-emploi vont être réduits pour tous les autres, pour le petit entrepreneur qui bénéficiait d'un crédit à l'embauche pour petite entreprise, ce qui représentait un grand nombre d'entre eux, cette augmentation n'a pas été renouvelée dans le budget de 2016, de sorte que les cotisations de ces entreprises vont en fait augmenter.

Bientôt, nous allons peut-être faire face à l'augmentation de la taxe sur le carbone et la réduction du taux d'imposition des petites entreprises n'a pas duré comme cela avait été promis. C'est un élément de la situation des petits entrepreneurs et pour eux, il ne s'agit pas uniquement de se demander : « Ai-je les moyens de participer à l'augmentation de l'épargne destinée à mes employés? » C'est une question générale qui se pose : « Comment puis-je éviter la faillite et assumer tous ces coûts supplémentaires »? Ce sont là simplement les coûts fédéraux. Il y a des provinces qui ont une CSPAAT et il y a l'impôt-santé des employeurs en Ontario, et cetera.

[Français]

M. Dorval : C'est une question intéressante. Comme le témoin immédiatement avant moi l'a mentionné, il faut examiner les différents éléments. La forêt est très vaste, il n'y a pas seulement l'arbre du régime de pensions; il y a d'autres arbres dans la forêt.

Je reviens à la question du changement. Oui, il y a eu un changement assez important, surtout chez les grands employeurs, dont nous en représentons plusieurs, qui ont modifié leur régime pour passer d'un régime de retraite à prestations déterminées à un régime à cotisation déterminée, et qui continuent d'investir avec les employés dans des régimes de pensions. Il ne faudrait pas diaboliser les régimes à cotisation déterminée, car ils répondent aux besoins de plusieurs travailleurs qui, à certains endroits, lorsqu'ils ont la possibilité de le faire, les choisissent pour des raisons qui leur sont propres, puisque cela répond davantage à leurs besoins.

Nous discutons ici d'un projet de loi qui s'adresse aux générations futures. Or, quel est le réel intérêt des générations futures? Est-ce d'avoir accès à davantage de programmes globaux gérés par l'État? Ou bien, est-ce que les futurs travailleurs — qui auront bénéficié d'une éducation encore plus poussée grâce aux outils de communication et de recherche en ligne — voudront gérer leurs propres épargnes? Ils ne veulent pas d'un régime paternaliste qui prend les décisions à leur place.

C'est intéressant, parce que ce débat peut être évoqué de l'autre côté aussi. Les régimes à cotisation déterminée comportent aussi des avantages. Aujourd'hui, les travailleurs changent souvent de milieu de travail de leur propre gré. De moins en moins, les travailleurs décident de faire carrière au sein d'une seule organisation. Donc, les régimes à prestations déterminées ne sont plus nécessairement les outils qui répondent aux besoins des travailleurs qui souhaitent changer souvent de carrière.

Le Régime de pensions du Canada ou le Régime de rentes du Québec sont des outils importants dans le portefeuille. Cependant, il ne faudrait pas qu'on décide — en adoptant une approche paternaliste — quels outils chaque personne devra utiliser. Il faut offrir un coffre à outils avec une certaine base. Il n'y a pas que le régime de pensions; il y a aussi les régimes de sécurité sociale, comme le Supplément de revenu garanti et ainsi de suite.

Aujourd'hui, les travailleurs travaillent plus longtemps en raison de leur santé et de leur longévité. On n'a même pas tenu compte de cet élément dans le portrait global. Si on ajoutait ne serait-ce que deux années au niveau de l'âge, on pourrait rendre le régime encore plus avantageux en ce qui concerne les revenus futurs des travailleurs.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Madame Moreau, sur un autre de vos tableaux, le tableau 6, vous parlez d'« une hausse obligatoire et immédiate des cotisations », mais il s'agit ici d'une augmentation étalée sur sept ans, à partir de 2019. Il semble que vos membres n'aient pas très bien compris le sens de cette mesure.

Mme Moreau : Dans la note d'information portant sur ce sujet, nous expliquons la teneur de la proposition du gouvernement. Je ne l'ai pas ajoutée ici par souci de concision, mais le fait que cette augmentation s'enclenche en 2018 et se poursuit jusqu'en 2022, avec une accélération sur la fin, est mentionné.

Le sénateur Eggleton : Je peux comprendre le tableau qui dit que les Canadiens s'opposent à une augmentation du RPC, si cela veut dire un gel ou une réduction des salaires. C'est une réaction naturelle chez la plupart des gens.

J'ai déjà vu ces réactions, l'incitation à geler les salaires, à réduire les investissements dans l'entreprise, à réduire le nombre des employés. J'ai souvent vu ces arguments mentionnés chaque fois que l'on parlait d'augmentation du salaire minimum. J'ai pourtant lu une étude l'année dernière d'après laquelle l'augmentation du salaire minimum n'avait pas ces effets, après quelque temps. Il y a toujours des cas individuels, mais dans l'ensemble, cela n'arrive pas.

En fait, le ministère soutient qu'à long terme, le produit intérieur brut réel serait de 0,5 à 0,9 p. 100 plus élevé qu'avec le statu quo, à cause de la bonification du RPC. Il projette que le niveau de l'emploi sera constamment supérieur de 0,3 et 0,6 p. 100 par rapport à la base de référence, qui représente aujourd'hui, d'après le ministre, de 6 000 à 11 000 emplois.

Même à court terme, l'emploi va continuer à croître. Il y aura un effet temporaire qui va réduire de 0,4 à 0,7 p. 100 l'emploi par rapport au niveau qu'il aurait eu, en l'absence de la bonification du RPC. Cette réduction est fort modeste et le ministère estime que ces chiffres reflètent l'effet réel de cette mesure sur les emplois et le PIB.

Mme Moreau : Je suis sûre que ces chiffres sont exacts, mais ce qui nous inquiète, c'est que ces chiffres concernent uniquement la bonification du RPC. Ils ne tiennent pas compte, comme je l'ai déjà mentionné, de l'augmentation de l'assurance-emploi qui va entrer en vigueur l'année prochaine, de la possibilité d'avoir une taxe sur le carbone et des autres changements qui peuvent survenir dans les provinces. C'est ce qui inquiète nos membres. C'est l'effet plus global qu'auront toutes ces augmentations de taxe sur les entreprises.

Si vous pensez au petit dépanneur, au nettoyeur ou à la petite épicerie de votre quartier, je crois que le ministère a mentionné que cela représenterait 1 000 $ par employé, si l'on prend en compte les divers niveaux de salaire. Vous demandez à une petite entreprise de dégager 4 000 $ de plus par an, et de se préparer à verser 8 000 $ entre aujourd'hui et 2018. C'est une somme importante et elle représente de l'argent qui ne sera pas investi.

Les chiffres que le ministère a cités pendant l'automne et qui étaient inférieurs à 1 p. 100 visaient uniquement la bonification du RPC. Ils ne tenaient pas compte des autres taxes salariales que les petits entrepreneurs paient.

[Français]

M. Dorval : Au Conseil du patronat, on a développé un concept qui s'appelle le cran d'arrêt. Essentiellement, les gouvernements sont tout à fait légitimes de proposer des solutions en fonction des priorités et des besoins de la société en ce qui concerne l'épargne à la retraite pour la population qui n'économise pas suffisamment. On disait, au début, qu'on devait avoir un régime plus précis axé sur des segments de la population et non un seul régime d'un océan à l'autre. Cela dit, la notion de cran d'arrêt répond aux propos de Mme Moreau.

Sur le plan social, il est nécessaire d'aller de l'avant avec un nouveau programme pour répondre à des besoins, par exemple en ce qui concerne les garderies, la paternité et la maternité. Des besoins légitimes sont exprimés et les gouvernements sont en mesure de trouver des solutions. La notion de cran d'arrêt, c'est que, chaque fois qu'un programme crée une nouvelle pression financière sur les contribuables, on devrait automatiquement en trouver un autre qui est moins prioritaire et réduire l'impact financier de la clientèle touchée. Cela permet au gouvernement d'arriver avec des solutions, comme l'amélioration du régime de pensions. Il faudrait aussi déterminer les autres endroits qui sont moins prioritaires, ce qui permettrait de réduire l'impact financier et d'élaborer de nouvelles politiques sans fixer des limites aux entreprises ou aux travailleurs.

On a fait allusion aux augmentations de salaire minimum. Or, au Québec, une étude rendue publique tout récemment — et ce n'est pas la seule — a démontré qu'une augmentation trop élevée du salaire minimum a des conséquences sur les investissements, les emplois et le niveau de vie des Canadiens. En effet, lorsqu'on augmente trop rapidement le salaire minimum, on crée un coût de la vie additionnel. Les prix augmentent et, curieusement, lorsqu'on regarde l'historique des 30 dernières années, on s'aperçoit que le coût de la vie augmente plus rapidement pour l'ensemble de la société par rapport aux avantages sociaux. Par contre, si on augmente graduellement le salaire minimum, dans une certaine perspective de temps, on peut en limiter les effets. C'est d'ailleurs ce que propose ce projet de loi : mettre en place une mesure d'atténuation à long terme. La démarche proposée dans ce projet de loi est raisonnable, même si des préoccupations sont soulevées sur le principe même du texte de loi.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Monsieur Dorval, avez-vous participé aux discussions que le gouvernement fédéral a eues avec les gouvernements provinciaux? Les provinces ont convenu d'appuyer cette augmentation des retraites et je me demande si votre organisation a participé à l'évaluation des répercussions que cela aurait dans votre province?

M. Dorval : Oui, nous l'avons fait au Québec. Nous avons fourni des chiffres. Mackenzie et d'autres ont étudié les répercussions sur différents segments de la population. Nous avons présenté nos données au gouvernement. Encore une fois, il ne s'agit pas seulement de savoir quel serait l'effet de cet élément pris isolément, mais celui de tous les autres éléments. En particulier, au Québec, nous avons déjà connu une augmentation des cotisations depuis quelques années, parce qu'il fallait mieux capitaliser le régime de retraite du Québec. Nous avons déjà augmenté les cotisations et les employeurs l'ont acceptée. Ils ont même appuyé cette mesure parce que nous avons besoin d'un régime bien capitalisé.

Nous ajoutons maintenant un autre niveau de taxe destiné à bonifier le programme. C'est bien là la question, et c'est ce que nous avons dit au gouvernement dans les mémoires que nous avons présentés aux différents comités qui ont tenu des réunions au Québec au sujet des pensions. Nous sommes en négociation depuis deux ans, à la fois avec le Conseil du patronat et avec les dirigeants syndicaux, dans le but de modifier le régime de retraite à prestations déterminées du Québec. Notre province a adopté une solution que nous avons mise en œuvre ensemble — c'est-à-dire les syndicats et les employeurs — et après avoir présenté des recommandations, nous avons un nouveau projet de loi concernant le régime de retraite à prestations déterminées, et les autres provinces examinent ce qui s'est fait au Québec. Il est clair que l'initiative consistant à adopter des mesures destinées à renforcer notre régime de retraite à prestations déterminées était une bonne chose.

Nous avons eu beaucoup de discussions, en particulier par rapport au régime de retraite public, nous avons été appuyés pour pouvoir trouver une solution. Le gouvernement fédéral a proposé une entente avec les différentes provinces au sujet des mesures d'atténuation, que nous avons acceptée. Parallèlement, le gouvernement du Québec examine la question de savoir comment nous pouvons viser différents secteurs de la population, parce qu'il y a des secteurs où les difficultés ne sont pas nécessairement les mêmes qu'ailleurs et pour lesquels nous pouvons avoir un effet économique considérable. Nous parlons de répercussions de l'ordre de trois milliards de dollars.

Bien sûr, cela ne se fera pas en un an. Ces mesures vont s'étaler sur une certaine période, mais elles auront un impact de sorte que nous devons trouver d'autres moyens de réduire le coût des employeurs et des employés pour atténuer cet impact.

Le président : Je veux remercier nos deux témoins. Vous avez présenté des points de vue très importants pour cette discussion. Notre temps est limité et les témoins suivants sont déjà dans la salle; je vais donc vous demander de libérer rapidement la table pour que nous puissions passer à la prochaine partie de la séance.

J'ai le plaisir d'accueillir maintenant Hassan Yussuff, président, et Chris Roberts, directeur, Service des politiques sociales et économiques, du Congrès du travail du Canada et Mark Janson, agent principal des pensions, Bureau national, Syndicat canadien de la fonction publique.

Je rappelle à mes collègues que la séance doit se terminer avant 18 h 15. Nous allons utiliser la formule d'une question par tour de questions, comme nous l'avons fait jusqu'ici, de façon à faire autant de tours que possible. Si vous posez des questions précises et recevez des questions précises de la part de nos témoins, nous pourrons obtenir le plus d'information possible.

Je crois que, à l'unanimité, M. Janson va présenter son exposé et que ce sera ensuite au tour de M. Yussuff.

Mark Janson, agent principal des pensions, Bureau national, Syndicat canadien de la fonction publique : Je remercie le comité d'avoir invité aujourd'hui le SCFP. Pour que vous le sachiez, le SCFP est le premier syndicat du Canada. Nous représentons 639 000 membres à travers le Canada dans à peu près tous les secteurs de la fonction publique. La plupart de nos membres bénéficient de régimes de retraite à prestations déterminées, même si la moitié n'y a pas accès, mais ils sont tous membres du SCFP, de sorte que c'est une question importante pour nos membres, pour leurs familles et pour leurs collectivités.

Le mouvement syndical, avec le SCFP, a joué un grand rôle dans le renforcement du RPC il y a 50 ans. Ce régime vient d'avoir 50 ans. Au cours des années 1960, au moment de la mise sur pied de ce régime, nous avons comparu devant un comité très semblable à celui-ci et nous avons fait savoir que nous étions très favorables à la mise sur pied du RPC et au modèle retenu; nous avons toutefois été très critiques de la nature très limitée des prestations prévues. Nous avons déclaré que c'était un excellent modèle, mais qu'il était trop modeste et devrait être multiplié par deux. Nous disons à peu près la même chose depuis 50 ans.

Le gouvernement du Canada et les provinces en sont arrivés à une entente au cours des années 1960 et ils ont décidé de mettre sur pied un régime de retraite public appelé le Régime de pensions du Canada, mais le montant des prestations a été fixé à un niveau très modeste qui n'a pas été modifié depuis. Le taux de remplacement du revenu était de 25 p. 100 au moment de l'entrée en vigueur du plan en 1965 et ce pourcentage est demeuré le même.

L'idée à l'époque était d'avoir un régime public modeste parce que nous étions sûrs que les travailleurs bénéficieraient d'un régime de pension d'entreprise et qu'un système de pension privé répondrait beaucoup mieux aux besoins de la plupart des travailleurs.

Cinquante ans plus tard, il est maintenant évident que ce n'est pas ce qui s'est produit et que cet équilibre n'a jamais été instauré. Il y a de moins en moins de travailleurs qui bénéficient d'un régime de retraite d'entreprise; moins de la moitié des travailleurs canadiens bénéficient d'un tel régime. Le nombre des travailleurs canadiens qui ont bénéficié d'un régime de retraite d'entreprise au cours de ces 50 ans n'a jamais atteint la moitié.

Ceux qui bénéficient d'un tel régime constatent que le montant des prestations et la sécurité de ces prestations sont en danger. Nous avons parlé plus tôt aujourd'hui des régimes à prestations déterminées et des pressions qui s'exerçaient sur eux pour qu'ils deviennent des modèles moins sûrs.

Sur le plan individuel, le régime des REER et des CELI donnent de bons résultats pour certains Canadiens, mais il n'y a qu'un quart environ des Canadiens qui participent à ces programmes chaque année. Pour l'immense majorité des Canadiens, cela ne réglera pas la question.

Si l'on pense à tous ces éléments, on constate que nous en étions arrivés à un point où il fallait de toute évidence faire quelque chose, de sorte que nous avons été très favorables à l'entente qui a été négociée en juin. Nous reconnaissons qu'il n'est pas facile de modifier le RPC; avec la règle du deux tiers/deux tiers, il est plus difficile à modifier que la Constitution canadienne; nous félicitons donc le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux d'avoir réussi à le faire.

C'est un progrès, mais nous estimons qu'il est loin d'apporter une solution qui correspond à ce que nous demandions. Nous demandions le doublement des prestations du RPC, qui devaient représenter un taux de remplacement du revenu qui passerait de 25 à 50 p. 100. Nous avons obtenu un tiers de cet objectif avec cette entente, et nous considérons donc qu'il s'agit d'une mesure positive, mais nous savons qu'il y a encore beaucoup de choses à faire pour améliorer le système de pension public.

Après avoir salué ces bonnes nouvelles, je dois dire qu'il y a certaines dispositions du projet de loi C-26 qui nous inquiètent, et je sais que le comité en a parlé avec le ministre plus tôt aujourd'hui. Cela concerne l'absence de dispositions d'exclusion pour élever les enfants et pour les Canadiens qui reçoivent des prestations d'invalidité du RPC. Ce sont des dispositions qui existent depuis longtemps dans le RPC et il est assez curieux de constater qu'on ne les retrouve pas dans le projet de loi C-26.

Les prestations qu'offre le RPC sont fonction de vos gains moyens pendant toute votre carrière. De sorte que si vous n'avez pas eu de revenu ou des revenus très faibles pendant une certaine période, cela réduit d'autant la pension de retraite qu'offre le RPC.

Les gouvernements ont progressivement reconnu cette situation. Au départ, le RPC n'avait pas prévu de clause d'exclusion pour élever les enfants. Elle a été ajoutée en 1977 en grande fanfare par le gouvernement de Pierre Trudeau. À l'époque, les ministres avaient déclaré, et j'ai des citations ici, que l'ajout de la disposition d'exclusion pour élever les enfants dans le RPC ferait en sorte que la personne qui cotise et qui demeure chez elle pour s'occuper de ses jeunes enfants ne sera pas pénalisée pour la période pendant laquelle il ou elle a eu un revenu faible ou nul et pour que les parents ne soient pas pénalisés par le RPC parce qu'ils ont accompli une tâche socialement désirable et nécessaire.

Par la suite, depuis 1977, cette disposition a été invoquée la plupart du temps par les femmes, qui continuent à s'occuper, en grande majorité, d'élever les enfants dans ce pays. Les femmes ont ainsi pu réduire l'écart qui séparait ce qu'elles gagnaient avec le RPC et ce que gagnaient les hommes, mais cet écart demeure. Pour chaque dollar que les Canadiens gagnent en moyenne avec le RPC, les Canadiennes gagnent 70 cents. C'est avec cette disposition d'exclusion. Si cette disposition n'existait pas, ce montant de 70 cents serait encore inférieur.

De la même façon, le RPC actuel contient une disposition concernant l'exclusion en cas d'invalidité. Cette disposition existe depuis l'entrée en vigueur du RPC. Elle a le même effet. Elle permet à la personne qui touche des prestations d'invalidité du RPC et ne fait plus partie de la main-d'œuvre active d'exclure ces années du calcul des prestations de retraite du RPC. Ainsi, elles ne sont pas pénalisées par le RPC pour la période pendant laquelle elles n'ont pas pu travailler.

Ces deux dispositions existent depuis des années dans le RPC de base, comme nous l'avons dit plus tôt, le RPC 1. Elles vont continuer à exister dans le RPC 1. Mais nous avons été très surpris de constater, à la lecture du projet de loi C-26, que ces dispositions ne se retrouvaient pas dans le RPC 2. Nous ne comprenons pas la raison de cette décision. Nous avons entendu l'explication qu'a fournie le gouvernement. Nous avons soulevé également cette question devant le comité des finances. Nous ne sommes pas satisfaits. Je pense que les explications que nous a fournies le ministre aujourd'hui ne sont pas satisfaisantes.

Le gouvernement a reconnu qu'il aurait pu faire davantage pour les dispositions d'exclusion, mais il a dit qu'il allait soulever cette question avec les provinces au mois de décembre ou peut-être dans le contexte du prochain examen triennal du RPC. À notre avis, il serait beaucoup plus facile de résoudre ce problème avant que le projet de loi soit adopté et avant que les provinces ne se réunissent en décembre pour approuver l'entente.

Nous avons soulevé cette question devant le comité des finances. Celui-ci a décidé de renvoyer le projet de loi devant la Chambre des communes sans le modifier. La Chambre l'a renvoyé au Sénat sans le modifier non plus.

Nous leur avons demandé de calculer les coûts de différentes mesures. Le seul calcul de coûts qui a été fait au sujet de la disposition d'exclusion pour élever les enfants remonte à 1977. On avait constaté à l'époque que ce coût était très modeste. Nous pensons qu'il serait tout aussi modeste aujourd'hui et introduirait de l'équité dans les prestations prévues par le régime. Force est de reconnaître que le gouvernement a adopté une position basée sur le genre, tout récemment, avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a ratifiée et qu'il s'est engagé à améliorer en signant le protocole facultatif. Il s'agit ici manifestement d'un cas où nous pourrions prendre une mesure qui améliorerait ce projet de loi.

En fin de compte, nous sommes très favorables à l'expansion du RPC. Nous souhaiterions toutefois que ces dispositions mineures soient modifiées.

Je vous remercie de votre attention. Je serais heureux de répondre aux questions.

Hassan Yussuff, président, Congrès du travail du Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour. Je remercie le Sénat de me permettre de comparaître aujourd'hui. C'est un plaisir pour moi de vous parler de ce projet de loi. Je suis très fier d'être ici. Le Congrès du travail du Canada parle de questions nationales au nom de 3,3 millions de travailleurs, hommes et femmes, d'un bout à l'autre du pays, et pratiquement, dans tous les secteurs et professions du Canada.

Dans notre pays, il y a tous les jours des syndicats qui sont en train de négocier des régimes de retraite pour le compte de leurs membres et nous sommes très fiers du travail que nous effectuons malgré les difficultés que nous avons à obtenir un meilleur régime de pension pour nos membres.

Dans l'esprit des syndicats, tous les travailleurs devraient pouvoir prendre leur retraite avec dignité après une vie consacrée à leur carrière, qu'ils aient été membres ou non d'un syndicat. C'est un principe fondamental.

Je crois que la position que nous avons adoptée à l'égard de l'expansion du RPC, le Régime de pensions du Canada, est un élément essentiel de la sécurité de la retraite pour tous les Canadiens.

Un RPC universel offre des prestations de retraite prévisibles, garanties et protégées contre l'inflation. C'est un des rares régimes de pension qui s'inscrit dans la durée. Même après votre décès, vous obtenez un chèque, même si vous n'êtes plus là, pour votre famille.

Le problème que posent les prestations du RPC est qu'elles étaient déjà trop faibles lorsque ce régime a été mis sur pied en 1965. Je ne pense pas que cela soit controversé. Il est généralement reconnu que c'est bien la réalité.

La prestation représente 25 p. 100 des gains ouvrant droit à pension, qui sont inférieurs au salaire moyen.

Nous avons donc lutté, bien sûr, pour améliorer le RPC, depuis les tout débuts. Il y a sept ans, en 2009, le ministre des Finances a tenu une réunion à Whitehorse, un jour d'hiver très froid. J'y étais.

Nous n'avons jamais abandonné depuis lors la campagne que nous avons lancée en 2009. Le CTC, ses membres et ses affiliés ont travaillé sans relâche à bonifier le Régime de pensions du Canada.

Si nous n'avions pas fait campagne sans relâche au cours de ces sept années pour bonifier le RPC, nous ne serions pas ici aujourd'hui en train de parler de l'augmentation des prestations du RPC.

Ceci n'est pas une exagération. Je peux vous dire que j'ai assisté à chacune de ces séances et j'écrirai un livre là- dessus lorsque je prendrai ma retraite. Je ne suis pas encore à la retraite.

Au début, nous n'avons reçu aucun appui. Pas une seule province n'est venue appuyer notre demande d'expansion du Régime de pensions du Canada, y compris le gouvernement fédéral, qui s'y opposait vivement lorsque le congrès a lancé cette campagne.

Comme toujours, bien sûr, les banques et les compagnies d'assurances ont déclaré s'opposer à un tel élargissement, mais cela ne nous a pas ralentis. Nous avons continué notre campagne. Nous avons informé nos membres pour qu'ils comprennent ce que nous voulions faire. Un des résultats intéressants que nous avons obtenus grâce à la campagne sur le RPC est que nous avons pu expliquer correctement à nos membres la question des pensions. Auparavant, les gens attendaient que quelqu'un leur dise quelle serait leur pension de retraite lorsqu'elles s'arrêteraient de travailler, de sorte que cet effet a été positif.

Progressivement, nous avons commencé à convaincre les Canadiens de toutes origines, et les sondages effectués dans l'ensemble du pays ont commencé à montrer que les Canadiens, quels que soient leur région, leur catégorie d'âge, leur niveau de revenu, leur affiliation politique, étaient en faveur d'une bonification du Régime de pensions du Canada.

Progressivement, les provinces ont compris pourquoi il fallait améliorer le RPC des Canadiens. Seul le gouvernement fédéral continuait à s'y opposer.

En fait, nous avons même eu l'appui du gouvernement fédéral à un moment donné, lorsque Jim Flaherty était ministre des Finances.

Le mouvement syndical a fait de l'expansion du RPC un enjeu électoral en 2015, parce que nous pensions, compte tenu de l'hostilité affichée par le gouvernement à l'égard de cette expansion, qu'il fallait en faire un enjeu électoral et nous avons aidé à changer le parti au pouvoir.

Je suis heureux et fier de pouvoir dire que c'est grâce à ses efforts constants que le mouvement syndical a réussi à obtenir ce que nous avons aujourd'hui.

Les critiques proposent encore les mêmes arguments désuets pour refuser l'expansion du RPC. Ils affirment que la plupart des Canadiens n'ont pas besoin d'avoir des pensions de retraite plus généreuses. Nous savons que ce n'est pas vrai. Ils affirment que l'augmentation du prix de l'immobilier, les REER, les CELI permettront aux Canadiens de prendre leur retraite en toute dignité. Ils affirment que le ciel va nous tomber sur la tête si les cotisations augmentent légèrement au cours d'une période de mise en œuvre progressive, qui est ce que prévoit cette expansion.

Ces arguments ont été discrédités. Ils ont été dans l'ensemble rejetés par les Canadiens. Le projet de loi C-26 est le fruit d'une longue lutte, bien sûr, et nous sommes fiers de voir qu'il sera adopté.

Pour la première fois depuis 50 ans, les prestations du Régime de pensions du Canada vont augmenter. C'est un résultat remarquable. Au nom de notre organisation et de nos membres, je tiens à remercier personnellement le ministre Morneau pour le leadership dont il a fait preuve, tout comme son gouvernement, en travaillant avec les provinces, et pour tous les efforts déployés pour en arriver à cette entente. Cela n'a pas été facile, je peux vous le dire sans aucune hésitation.

Bien sûr, le projet de loi C-26 n'est pas parfait. Je ne vais pas reprendre toutes les critiques qu'a faites mon collègue.

Par exemple, nous trouvons frustrant que les dispositions d'exclusion pour élever des enfants ou encore en cas d'invalidité ne soient pas prises en compte pour la prestation améliorée. Nous pensons que c'est une mauvaise décision. C'est un pas en arrière par rapport aux gains que nous avions faits dans ce domaine.

À l'heure actuelle, il existe un large écart entre la prestation du RPC moyenne pour les femmes et celle des hommes. À la fin de 2015, la prestation de retraite mensuelle moyenne du RPC était de 449 $ pour les femmes. C'est tout. Cela représentait moins de 70 p. 100 de la moyenne attribuée aux hommes, qui était de 659 $. Si l'on prend les nouvelles prestations de retraite du RPC qui seront versées pour la première fois en 2015, on constate que les femmes recevront presque 80 p. 100 de ce que reçoivent les hommes. L'actuaire en chef a projeté que ce rapport progresserait lentement pour atteindre plus de 90 p. 100 d'ici 2075.

Que va-t-il se passer maintenant que les dispositions d'exclusion pour élever les enfants n'existent plus? Est-ce que l'écart entre les prestations de retraite des hommes et des femmes va se réduire plus lentement maintenant? Est-ce que cet écart va carrément cesser de se réduire? Nous ne le savons pas et c'est bien évidemment un des aspects de cette expansion qui nous inquiètent.

Nous avons pourtant soulevé cette question avec le ministre Morneau, et nous espérons que le ministre des Finances en parlera en décembre. Je crois qu'ils peuvent prendre une mesure appropriée et régler ce problème, à défaut, il sera beaucoup plus difficile pour les femmes d'obtenir une pension de retraite décente dans ce pays.

Ne nous trompons pas : le projet de loi C-26 représente quand même une amélioration importante et historique des prestations du RPC accordées aux travailleurs canadiens.

À un moment où les régimes de pension publics se réduisent dans le monde entier, le leadership dont font preuve les Canadiens est un signal qui montre à tous les travailleurs que cela est possible. Tous les Canadiens peuvent être fiers de cette mesure, et ils peuvent se féliciter d'avoir obtenu ces améliorations pour le régime de retraite public.

Je remercie le comité de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole devant vous et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Dean : Monsieur Janson, votre rappel de l'historique de ce régime a été très utile, puisque, si l'on remonte aux années 1960, on constate que c'est à cette époque que l'on a fixé le taux de remplacement du revenu à 25 p. 100; ce taux n'a pas changé depuis. Et pourtant, la situation des pensions au Canada a été profondément modifiée puisque, si je puis m'exprimer ainsi, les employeurs se sont retirés des régimes de retraite à prestations déterminées et dans certains cas, de tous les régimes de retraite.

Vous avez dit qu'on pensait dans les années 1960 que les régimes de retraite d'entreprise allaient se développer et combler la plus grande partie de cet écart, et fournir un revenu de remplacement de 75 p. 100, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous le savons. C'est ce qui nous a menés au bord du précipice pour ce qui est du 1,1 million de familles qui sont en danger, pour ce qui est du taux de remplacement de leur revenu.

Vous auriez aimé que le pourcentage de remplacement soit multiplié par deux. La première ministre Wynne, pour le compte de l'Ontario, et d'autres premiers ministres, aimeraient que ce pourcentage soit fixé à 40 p. 100. Les ministres des Finances ont discuté de cette question au mois de juin et se sont entendus sur un taux de 33 p. 100, un tiers, une légère augmentation, par rapport à 25 p. 100.

Nous avons entendu, il y a un instant, les représentants d'associations d'employeurs réagir à peu près de la façon dont je m'y attendais dans le cas où le taux de remplacement du revenu serait doublé ou même passerait à 40 p. 100, en disant que ce serait un autre impôt sur les salaires, que cela ne supprimera pas des emplois, et que cela aura un impact sur l'embauche du personnel et sur l'économie. Comment réagissez-vous à ces réactions?

M. Janson : Je dirais que nous avons entendu les mêmes arguments au cours des années 1990, lorsque les cotisations au RPC ont augmenté. On nous a dit que cela supprimerait des emplois et imposerait un impôt salarial que nous n'avions pas les moyens de payer. Nous avons néanmoins constaté par la suite que le taux d'emploi et l'économie ont continué de s'accroître.

Lorsque nous examinons la mesure, nous constatons que cette augmentation est de nature extrêmement modeste — comme vous le dites, elle aurait pu être plus prononcée — avec une période d'avis et de mise en place progressive; je souscris aux commentaires qu'a faits plus tôt le ministre, selon lequel c'est une augmentation modeste, qui entrera en vigueur de façon tellement progressive que les travailleurs et les employeurs pourront facilement l'intégrer.

M. Yussuff : Cet argument ne me surprend pas. Il a déjà été souvent utilisé. Le monde va s'écrouler, le ciel va tomber, et la réalité est que dans chacun de ces cas où cela se produit, ce n'est pas la vraie réalité.

Voici la réalité : il y a11 millions de Canadiens qui se sont réveillés ce matin, qui sont allés travailler et qui ne bénéficient pas d'un régime de retraite d'entreprise. La seule chose qu'ils vont recevoir au moment de la retraite est la prestation du RPC. L'immense majorité de nos membres bénéficient d'un régime de retraite d'entreprise et nous sommes fiers du travail que nous avons effectué. J'estime néanmoins que la situation des 11 millions de Canadiens qui se sont réveillés ce matin, qui ont travaillé aussi fort que nos membres et qui n'ont pas de pension de retraite décente, est néanmoins inacceptable.

Cette mesure est bonne pour le pays. Oui, elle va coûter un peu d'argent aux employeurs, mais si nous ne le faisons pas, que va-t-il se passer? Nous allons être obligés d'augmenter les prestations de SRG et de SV, et ce sont tous les contribuables qui financent ces prestations.

Il est équitable de demander aux Canadiens, quel que soit leur statut socio-économique, de mettre un peu d'argent de côté pour leur retraite, c'est un compte d'épargne. Ce n'est pas un impôt sur les salaires. Ce n'est tout simplement pas une bonne chose à faire. L'employeur peut déduire intégralement ses cotisations à titre de dépenses salariales, eh oui, cela va lui en coûter un peu plus. Mais sans cette mesure, la pauvreté serait plus grave dans notre pays, si nous ne faisons rien, et cette mesure sera introduite progressivement.

Mark a fait remarquer qu'au cours des années 1990, une période pendant laquelle les cotisations ont augmenté pour stabiliser le plan et pour qu'il soit bien capitalisé, les mêmes arguments ont été présentés. Et pourtant, l'emploi s'est renforcé pendant toute cette période, le PIB a augmenté, tout comme l'économie.

Je pense que l'argument présenté ici n'est pas différent. Il ne tient pas. Je comprends que les gens s'inquiètent de ne pas savoir exactement comment cela va les toucher, mais c'est une amélioration tellement infime et son coût est réparti sur une période tellement longue que je ne pense pas que cette mesure aura des répercussions significatives.

Comme vous le savez, les employeurs assument le coût de la main-d'œuvre, et ils tiennent compte de ce coût lorsqu'ils font des prévisions au sujet des salaires. Étant donné que les employeurs ont été avisés suffisamment à l'avance de cette mesure, je crois qu'en fin de compte, cela leur donnera la possibilité de bien préparer ce qu'ils vont faire.

Oui, cela va coûter un peu plus pour les petites entreprises, mais ces petits entrepreneurs auront également besoin d'avoir une retraite lorsqu'ils cesseront de travailler. Ces personnes ne mènent pas un grand train de vie, et si elles cotisent au RPC, leur retraite sera plus généreuse.

Nous avons fait un sondage en Ontario avant de lancer cette campagne, et voici ce qu'ont dit les membres de la FCEI : ils appuient un RPC bonifié parce qu'en fin de compte, cela veut dire qu'ils auront une meilleure retraite, si nous réussissons à faire adopter cette mesure. Ils travaillent bien souvent de longues heures et ils font prospérer leurs entreprises, mais en fin de compte, ils n'ont pas la possibilité, comme l'ont beaucoup d'entre nous qui travaillons dans des emplois syndiqués, de négocier une pension de retraite.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de vos commentaires. Je ne suis pas vraiment en désaccord avec vos commentaires ni avec les efforts que déploie un syndicat pour améliorer les dispositions du régime de retraite de l'employeur. Par contre, je ne souscris pas à votre affirmation, selon laquelle les petits entrepreneurs sont favorables à un RPC bonifié. Ils disent que d'un côté, ils vont devoir assumer ces augmentations, et que, de l'autre, on leur supprime des choses; par exemple, on augmente les impôts sur les salaires, ce qui n'est pas vraiment une amélioration de leur situation.

Je pense qu'il faudrait plutôt introduire un équilibre. Je ne dis pas qu'il faudrait déséquilibrer le RPC. Pensons à ces petits entrepreneurs, à ces gens qui n'ont pas de retraite, et n'alourdissons pas leur fardeau, car on risquerait de les empêcher d'épargner suffisamment. Si nous pouvons nous entendre là-dessus, nous pouvons certainement aller de l'avant ensemble.

Je m'inquiète également au sujet des dispositions d'exclusion. Je ne suis même pas certaine que ce soit là un problème, parce que je comprends ce que vous dites. Je m'inquiète du fait que, dans l'économie actuelle — ce n'est pas la même que nous avons connue au cours des années 1990 — je crains que les petites entreprises n'aient pas la marge qu'elles avaient dans les années 1990. Je m'inquiète aussi de ce qui va se passer avec les fonds collectés par le gouvernement qui seront placés dans un fonds spécial distinct, qui seront probablement versés dans la banque d'investissement, la banque d'infrastructure.

Voici mes préoccupations et je n'aimerais pas penser que les syndicats ne partagent pas également ces préoccupations.

M. Yussuff : Si je peux répondre à certaines de vos remarques, je vous présenterai quelques faits concernant la situation générale dont il faudrait également tenir compte.

L'impôt sur le revenu des sociétés est passé de 23 à 15 p. 100; c'est donc une diminution importante. Les cotisations d'assurance-emploi ont également sensiblement baissé pour les entreprises. Dans l'ensemble, ces obligations ont diminué, elles n'ont pas augmenté. C'est en fait, dans l'ensemble, la tendance statistique.

Je pense également qu'effectivement, la situation économique est un peu inquiétante, la croissance de l'emploi l'est aussi et qu'on peut se demander si l'économie va se redresser.

Nous connaissons ces cycles dans l'économie, mais je pense que l'amélioration progressive qui sera apportée au Régime de pensions du Canada entrera en vigueur progressivement et n'aura aucune conséquence ou des conséquences très faibles. Je suis tout à fait sincère lorsque je fais cette affirmation : je suis vraiment convaincu que les problèmes ont été gonflés et qu'ils sont hypothétiques, parce que je sais que dans la réalité, l'exploitation d'une petite entreprise est toujours difficile. Je reconnais que les personnes qui gèrent leurs activités commerciales font face à des défis, mais étant donné que tout cela est prévu, je ne pense pas que cette mesure aura un effet négatif sur les petites entreprises et sur l'économie en général.

La réalité globale est que chacun de ces 11 millions de Canadiens dont j'ai parlé, qui n'ont pas de régime de retraite d'entreprise, prendront leur retraite et ils aideront alors ces petites entreprises à demeurer viables. Ce sont ces personnes, si l'on tient compte des statistiques que je vous ai fournies sur le montant moyen des pensions, qui vont dépenser cet argent et le réintroduire dans l'économie locale.

Si ces 11 millions de personnes prennent leur retraite et tombe dans la pauvreté, qu'allons-nous être obligés de faire? Nous allons être obligés d'augmenter l'impôt sur le revenu de tous les Canadiens et de trouver d'autres moyens pour leur accorder le soutien qu'ils obtiennent à l'heure actuelle grâce aux programmes de la SV et du SRG.

Je crois que la situation est équilibrée. Nous voulons bien sûr améliorer sensiblement le RPC, mais pour être juste, je crois que nous en faisons un peu trop parce qu'il y a beaucoup de gens qui s'y opposent. Je sais que cette position n'est pas partagée par tous les membres de la FCEI, mais je dirais que la réalité se reflète ici. Je pense que d'autres gouvernements provinciaux ont réduit l'impôt sur le revenu des sociétés depuis quelques dizaines d'années — je pourrais vous dire exactement de combien il a été réduit — et cela a aidé les entreprises canadiennes. Je pense qu'on demande à tout le monde de rendre un peu d'argent, bien sûr, pour que les 11 millions de Canadiens et les autres travailleurs puissent avoir une meilleure pension de retraite.

C'est une proposition raisonnable. Bien évidemment, nous aurions préféré que le RPC soit davantage bonifié. Ce n'est pas ce qui a été fait, mais au final, compte tenu de la situation, cela représente une augmentation d'un tiers pour le RPC. Je peux vous dire que j'ai négocié pendant des années au cours de ma carrière de syndicaliste, mais je n'ai jamais obtenu une amélioration de 33 p. 100 du régime de retraite.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Yussuff, je suis heureux que vous ayez soulevé la question de savoir s'il s'agit d'un impôt ou non, parce que je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne pense pas que cela le soit. Je pense que c'est un investissement qui rapportera des dividendes. En fait, si nous ne le faisons pas, vous avez raison : cela coûtera encore plus cher aux contribuables, parce qu'il y aura davantage de gens qui s'approcheront du seuil de la pauvreté.

Je souscris également à ce que vous avez dit au sujet de la « disposition d'exclusion » applicable aux femmes qui élèvent les enfants ou qui s'occupent de personnes handicapées. J'ai été heureux d'entendre M. Morneau dire aujourd'hui qu'il avait l'intention de soulever cet aspect au cours de la prochaine réunion avec ses homologues provinciaux, raison pour laquelle cette disposition n'est pas reprise dans le projet de loi. Elle ne faisait pas partie de l'entente à l'époque et il devra la renégocier. Nous pourrions peut-être l'inclure dans une observation du comité lorsque nous examinerons le projet de loi demain sur ce point particulier, parce que je pense qu'il existe un consensus pour que nous allions de l'avant sur ce point.

Cela dit, j'allais vous poser une question au sujet de l'exposé précédent de la FCEI, mais vous y avez déjà répondu, de sorte que je n'ai plus de question.

M. Yussuff : Au sujet de la clause d'exclusion, je crois que nous avons fait de grands progrès dans la reconnaissance du rôle que jouent les femmes pour élever les enfants. Lorsque les hommes commenceront à avoir des enfants, nous n'aurons plus à nous préoccuper de cela. Nous devons admettre que nous ne pouvons pas faire marche arrière parce que cela serait rendre un très mauvais service aux femmes et à notre pays. Le fait d'avoir reconnu, en 1997, qu'il fallait trouver une solution à ce problème a été une excellente chose.

Je n'aime pas passer de jugement, parce que cela fait sept ans que j'essaie de convaincre les gens qu'il faudrait faire ce que nous avons fait et nous l'avons fait. Je peux vous dire ceci : si le gouvernement ne règle pas ce problème, nous allons lancer une campagne pour être sûrs qu'il le fasse, garanti, parce qu'il n'est pas acceptable de refaire les erreurs que nous avons déjà faites. Lorsque le RPC a été créé, cela ne figurait pas dans la structure. Ce problème a été réglé, mais pour une raison ou une autre, cela a été fait, mais je ne sais pas vraiment pourquoi. On m'a fourni de nombreuses explications. Je suis en train de parler avec les ministres des Finances qui vont se réunir en décembre et j'espère qu'ils vont régler ce problème. S'ils ne le font pas, nous allons lancer une campagne, parce que cela est tout simplement inacceptable.

Chris Roberts, directeur, Service des politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada : Je ne pense pas qu'il soit difficile, sur le plan technique, de réintroduire une clause d'exclusion en vue d'améliorer les prestations. La méthode de calcul de la prestation supplémentaire diffère de celle de la prestation de base sur certains points, mais je ne pense pas qu'il existe des obstacles techniques qui empêchent vraiment cette expansion.

Pour ce qui est du coût, nous ne savons pas vraiment quel sera le coût probable de la réintroduction d'une clause d'exclusion sur les prestations supplémentaires, mais nous invitons le comité à demander au gouvernement et à l'actuaire en chef d'évaluer le coût probable de la réintroduction de ces clauses d'exclusion.

Le président : Vous ne vouliez pas poser de question, sénateur Eggleton, mais vous avez quand même obtenu une bonne réponse.

La sénatrice Raine : Ma question prolonge celle du sénateur Eggleton, et elle est très simple : avez-vous préparé un amendement qui réglerait la question de l'exclusion visant les parents?

M. Janson : Je ne suis même pas sûr que nous ayons besoin de préparer un amendement parce que la formulation se trouve déjà dans la loi actuelle sur le RPC. Ces dispositions se retrouvent dans le RPC actuel. Il suffirait que les avocats du gouvernement apportent les changements qui permettraient d'introduire cette formulation dans la Loi sur le RPC 2. Je crois que ce ne serait pas compliqué à faire pour le gouvernement.

La sénatrice Raine : Nous pourrions présenter une observation ou un amendement.

Le président : Le moment me paraît bien choisi de rappeler aux membres du comité que si l'un d'entre eux souhaite qu'une observation soit ajoutée demain, il doit présenter au comité un texte par écrit, avec des copies pour tous les membres du comité. Si vous pouvez faire parvenir ce texte à la greffière à l'avance, il sera traduit. Il devrait être dans les deux langues officielles.

M. Janson : Je sais que le NPD a présenté un amendement devant le comité des finances pour régler ce problème, mais il a été déclaré irrecevable. J'imagine qu'il doit exister un texte de ce genre quelque part.

Le sénateur Dean : Je devrais ajouter sur ce point que je ne suis pas absolument certain, mais que je pense que nous pourrions déposer un amendement de ce genre sans que les ministres des Finances se réunissent à nouveau.

Le président : Pourriez confier le règlement de cette question au comité?

Nous aurons cette discussion demain lors de l'étude article par article. Je vous rappelle simplement ce que nous devons faire pour pouvoir ajouter une observation pendant l'étude article par article.

Le sénateur Eggleton : Mais une observation n'est pas la même chose qu'un amendement.

Le président : Tout à fait.

Le sénateur Eggleton : Une observation a simplement pour effet de dire au gouvernement que nous espérons qu'il examinera cet aspect.

M. Yussuff : Pour ce qui est de la question du sénateur, j'ai travaillé avec la plupart de ces ministres des Finances, et lorsque je me suis aperçu que cela faisait partie du projet de loi de bonification, cela m'a vraiment surpris, parce que je me trouvais à Vancouver et que je ne le savais pas.

Par la suite, lorsque les hauts fonctionnaires de différents ministères se sont réunis, et qu'ils ont préparé la bonification du régime, c'est à ce moment-là que cela est arrivé. Lorsque j'ai appelé certains ministres des Finances, ils ont dit : « Je ne sais vraiment pas de quoi vous parlez. » Ils n'en avaient aucune idée. Ils ont dû vérifier auprès de leurs collaborateurs pour savoir ce dont je parlais. Ils ont dit finalement : « Je ne pensais pas que c'était ce que nous avions l'intention de faire, parce que je savais que cela vous fâcherait, et deuxièmement, je ne suis pas sûr que nous pourrions supprimer les aspects politiques d'une telle mesure. » Par ailleurs, j'ai dit qu'il fallait régler ce problème, et que j'espérais qu'ils le feraient. Votre observation serait, d'après moi, manifestement utile, parce qu'elle figure au compte rendu. Vous déciderez de la mesure à prendre.

Le président : Nous connaissons tous ces aspects techniques et nous n'allons pas en débattre maintenant.

La sénatrice Frum : Monsieur Yussuff, vous avez déclaré, au cours de votre témoignage, que vous pensiez que l'analyse de la FCEI était faussée pour ce qui est des répercussions de ce projet de loi sur les emplois.

Vous avez peut-être vu, ou vous avez probablement vu, que la CBC/Radio-Canada avait obtenu, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, un document émanant du ministère des Finances. D'après ce ministère, la bonification du RPC aurait un effet négatif sur le PIB jusqu'en 2030 et continuerait à réduire le niveau des emplois jusqu'en 2035.

Si vous pensez que l'analyse qu'a effectuée le ministère des Finances est faussée, je me demande si le Congrès du travail du Canada a fait sa propre analyse de l'emploi dans l'hypothèse d'un RPC bonifié.

M. Yussuff : Je ne connaissais pas l'analyse de ce ministère. Comme vous le savez, les ministres ont examiné toutes sortes de scénarios et ont fini par en retenir un. Un grand nombre de suggestions ont été faites. Je ne sais pas quels sont les scénarios qui ont été retenus pour faire ces prévisions. Il serait bon de le savoir. Je n'ai pas vu cette analyse, je vous le dis franchement, mais nous sommes convaincus qu'elle est faussée. Lorsque nous avons demandé le doublement des prestations du RPC, nous avons fait quelques calculs sur les coûts et sur l'introduction progressive de ce type de mesure. Encore une fois, notre conclusion a été que cela n'aurait pas un effet négatif sur notre économie. Mais je vais laisser mon collègue, Chris Roberts, répondre à cela.

La sénatrice Frum : Si le ministère des Finances affirme que cela aura un effet sur les niveaux de l'emploi jusqu'en 2035, cela doit certainement vous inquiéter.

M. Roberts : Il ne faut pas oublier que ce sont des exercices de modélisation qui débouchent sur des situations abstraites, basées sur toute une série d'éléments du monde réel. Le meilleur exemple pour démontrer que les modèles informatisés relatifs à un équilibre général peuvent être complètement faux est ce qui est arrivé au cours des années 1990 au moment de la révision du Régime de pensions du Canada. Les taux de cotisation sont passés à 65 p. 100. Il s'est fait, à l'Université de Toronto, des opérations de modélisation, qui ont été publiées en 1998, et qui démontraient que cette augmentation des cotisations au RPC allait avoir un effet dévastateur sur la croissance économique, sur la création d'emplois et sur les revenus.

C'était le résultat qui était prévu par une modélisation très sophistiquée. Cette analyse avait toutefois négligé d'incorporer le développement qui a été enregistré à l'époque, à savoir une expansion économique considérable au sud de la frontière qui s'est fait également sentir au Canada. Le résultat a été exactement le contraire de ce qui avait été prévu à l'aide de ces modèles économiques très abstraits.

Je signalerais que le Canada adopte à l'heure actuelle une politique fiscale expansionniste et il semble que les États- Unis vont probablement le faire aussi. Nous nous lançons dans une stratégie d'investissement dans l'infrastructure à long terme et d'une grande ampleur. Il existe toutes sortes d'autres façons que le gouvernement canadien peut utiliser pour mettre en œuvre une politique fiscale dynamique et il est tout à fait possible que ce contexte plus large, à propos duquel les représentants des employeurs ont fait remarquer, à juste titre, qu'il était important d'examiner les répercussions plus vastes de ce changement particulier, va probablement améliorer les effets qui ne sont pas pris en compte par ces modèles économiques sophistiqués, mais abstraits.

La sénatrice Marshall : J'aimerais bien avoir de l'information au sujet du passage d'un régime de pension à prestations déterminées à un régime à cotisation déterminée.

Monsieur Janson, pouvez-vous nous dire ce qui se passe avec le SCFP? Est-ce que tous vos membres sont couverts par un régime à prestations déterminées? M. Yussuff pourrait peut-être nous dire ensuite ce qu'il en est sur une échelle plus vaste. Pourriez-vous d'abord nous fournir quelques renseignements généraux sur ce qui se fait au sein de votre syndicat?

M. Janson : J'ai dit spontanément que la plupart de nos membres avaient accès à des régimes à prestations déterminées, mais lorsque nous avons effectué une enquête auprès d'eux, nous avons constaté qu'environ la moitié de nos membres ne participaient pas à un régime à prestations déterminées. Un bon nombre de nos membres ne bénéficient d'aucun régime de pension.

Nous avons constaté, en particulier depuis le ralentissement économique de 2008-2009, que les régimes de PD subissaient des pressions. Nous avons constaté dans toutes les provinces que les employeurs essayaient de renégocier ces régimes à la baisse, de faire payer davantage nos membres ou carrément de supprimer ces régimes.

Il faut bien admettre que la tendance actuelle est plutôt négative pour ce qui est des régimes de retraite. Dans le meilleur des cas, nous allons réussir à conserver le statu quo, une autre raison qui, d'après moi, fait ressortir la nécessité de bonifier le RPC.

Il y a beaucoup de gens qui pensent que tous les fonctionnaires ont accès à un excellent régime de pension. En réalité, la moitié de nos membres n'en ont pas et ceux qui en ont, ont du mal à défendre leur régime.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous donner des renseignements sur le contexte plus général?

M. Yussuff : Il y avait, auparavant, 40 p. 100 de régimes à prestations déterminées et ce chiffre n'a fait que diminuer.

La sénatrice Marshall : Quarante pour cent de prestations déterminées.

M. Yussuff : Oui, c'est en général des prestations déterminées. À l'heure actuelle, il y a une combinaison de différents types de prestations déterminées qui sont les plus courantes. Il y a les cotisations déterminées, et dans certains cas, apparaissent, comme nouvelle forme de prestations, les prestations ciblées. Bien entendu, un des principaux facteurs qui influencent cette tendance est les problèmes qu'entraîne la faiblesse des rendements. Cela fait déjà longtemps que les taux d'intérêt sont relativement faibles.

Je pense qu'une petite variation d'un quart de pour cent des taux d'intérêt aurait des effets incroyables sur les obligations des régimes de pension et que cela va se faire sentir très bientôt, je l'espère.

Les employeurs se disent : « Nous allons renoncer à toutes nos obligations. Soit vous créez un régime à cotisations déterminées, et je vais vous donner l'argent et ce sera tout. Je n'ai aucune obligation. » ou « Nous allons adopter un régime de prestations ciblées, vous faites les calculs et je n'ai aucune obligation. »

Bien entendu, il y a certaines choses qui se passent dans la vie, quand on en arrive à cette étape, où vous n'avez plus la possibilité de travailler. Les gens veulent disposer d'un revenu sûr pour profiter de leurs belles années. Il me paraît regrettable que ce ne soit pas une possibilité pour de nombreux Canadiens.

La seule chose dont nous soyons sûrs ici, c'est que le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec sont des régimes à prestations déterminées. Elles sont indexées sur l'inflation et elles vous suivront toute votre carrière. Il y a surtout le fait que ce sont vos cotisations qui déterminent le montant de vos prestations. C'est ce qui est magnifique. Il faudrait davantage s'en féliciter.

Nous avons dit aux ministres et à nos collègues que la plupart des Canadiens ne connaissaient pas très bien le Régime de pensions du Canada. C'est le secret canadien le mieux gardé, parce que nous n'en parlons pas. Nous en parlons lorsque ce genre d'occasion se présente, mais habituellement, ce ne sont pas de longues conversations.

Cela fait 75 ans que ce régime est solvable, et je ne pense pas vivre aussi longtemps, mais il a été solvable pendant toute cette période. Et pourtant, les Canadiens ne le connaissent pas. Bien souvent, le RPC ne vous envoie pas de relevé indiquant qu'elle sera votre prestation lorsque vous prendrez votre retraite.

Nous allons bien sûr demander au ministre d'examiner cet aspect, pour qu'il soit obligatoire d'envoyer régulièrement un relevé aux travailleurs qui cotisent au Régime de pensions du Canada. Nous devons en faire la promotion. C'est une réussite. C'est un régime remarquable qui a été créé par des gens qui ont travaillé fort pour le créer. Essentiellement, mieux les Canadiens connaîtront ce régime, plus ils s'en sentiront propriétaires.

La sénatrice Petitclerc : Il a déjà été répondu à ma question, grâce au sénateur Eggleton. Comme la plupart d'entre nous, la question des dispositions d'exclusion me préoccupe énormément. Cela touche ma propre situation. Mon fils va avoir trois ans le mois prochain, de sorte qu'il n'y a pas très longtemps encore, je m'occupais de mon bébé. Il y a quelques années, je restais à la maison. Je suis une personne handicapée, de sorte que vous pouvez comprendre que cela me préoccupe.

Il y a une chose que j'ai comprise au cours de la discussion, et qui n'est pas mentionnée, ce sont les répercussions financières, mais je pense également au message que cela transmet à tous les Canadiens, pour ce qui est de nos valeurs.

J'aimerais savoir comment vous pensez que cela a pu se produire, quels sont les coûts et ce que l'on peut faire. Peut- être voulez-vous ajouter quelque chose. De toute façon, je vous remercie d'avoir répondu à ma question avant que je la pose.

M. Yussuff : Il y a une chose qu'il faut dire, même si elle n'a pas été mentionnée, je vais donc la dire quand même; c'est que ce sont les jeunes, ceux qui commencent leur carrière et qui risquent de ne pas avoir accès à un régime de pension qui profiteront le plus de la bonification du Régime de pensions du Canada. Ce sont eux qui profiteront le plus de ce que ce régime apportera d'ici 25 à 40 ans.

Ils occupent des emplois précaires, ils ont du mal à obtenir des emplois ordinaires, ils n'ont pas de pension, et ce nouveau régime leur profitera. J'ai une fille de 8 ans et cette mesure assurera son avenir. Elle vise en fait la génération suivante. Oui, ceux qui vont travailler encore 5, 10 ou 15 ans seront un peu avantagés par cette bonification, mais ce sont principalement les jeunes qui en bénéficieront le plus.

Nous devons faire davantage pour les amener à avoir des conversations sur les raisons pour lesquelles les régimes de pension publics sont encore solvables. Ils seront là quand ils prendront leur retraite et surtout, ils reflètent l'engagement et les valeurs de notre pays. Nous avons créé ensemble une institution incroyable qui nous sert très bien et nous pourrons encore faire mieux si nous travaillons tous ensemble à la mise en œuvre de ces mesures.

Une province seule ne peut même envisager de créer un tel régime. Nous le faisons parce que c'est le pays tout entier qui y travaille.

J'espère qu'à un moment donné le Québec rejoindra le reste du Canada, parce que les Québécois méritent aussi d'avoir un régime de retraite bonifié, tout comme les autres Canadiens. Il est regrettable qu'il n'ait pas adhéré à l'entente à laquelle nous sommes parvenus à Vancouver, mais j'espère que leurs consultations les amèneront à dire : « Nous voulons participer à cette bonification, parce que nos citoyens doivent pouvoir profiter des mêmes améliorations que tous les Canadiens vont obtenir. »

M. Roberts : Je pourrais ajouter un élément nouveau à cette remarque. La prestation supplémentaire, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, permet d'exclure une période de sept ans, parce que la prestation est calculée sur les 40 meilleures années de gains alors que la période de cotisation est habituellement de 47.

Le ministre Duclos aurait déclaré aux médias que les Canadiens peuvent utiliser, comme ils l'entendent, cette période de sept ans qui influence la prestation améliorée. S'ils veulent quitter le marché du travail pour élever un enfant, faire le tour du monde ou retourner aux études, cela dépend d'eux. C'est un mécanisme flexible qui leur permet de prendre ces décisions.

Si l'on fait exception de l'aspect discriminatoire de cet élément, dans la mesure où il n'est pas identique aux clauses d'exclusion pour élever des enfants ou pour les personnes handicapées, qui s'ajoute à l'exclusion des périodes à faible revenu, cela pose néanmoins un problème pour les gains à vie des femmes. Pensez à une jeune femme qui ne gagne probablement pas d'argent entre l'âge de 18 et 25 ans, mais qui, ensuite, commence à élever des enfants au moment même où ses gains à temps plein augmenteraient sans doute. Elle commence sa carrière. Nous savons que l'âge moyen d'une mère à la naissance de son premier enfant est de 29 ans à l'heure actuelle au Canada et que l'âge moyen pour toutes les naissances est de 30 ans. C'est à ces âges-là que les gains commencent à augmenter de façon significative pour les femmes et ce sont elles qui sont obligées de quitter le marché du travail pour élever leurs enfants. À ce moment-là, elles auront probablement épuisé la période de sept ans qui peut être exclue lorsque les gains sont faibles.

Cela ne donne pas de bons résultats, parce que les années passées à élever des enfants chevauchent, probablement, les années au cours desquelles les femmes ont de faibles gains, alors que ce n'est pas vraiment ce qui se passe dans la vie de la plupart des femmes.

M. Janson : J'aimerais préciser une chose, cette période de sept ans dont il a parlé et que l'on retrouve dans le RPC 2, existe également dans le RPC actuel. Il y a en fait une période d'exclusion générale de huit ans dans le RPC actuel et en plus une période correspondant aux soins donnés aux enfants et aux personnes handicapées. Je précise tout simplement que cela n'est pas nouveau.

Le président : Je crois que nous avons une bonne idée générale de ces questions, et ce sont là évidemment des sujets de préoccupation. Bien évidemment, le comité est sensible à ces aspects comme le montrent les questions qui ont été posées aujourd'hui.

Je vous remercie d'être venus aujourd'hui et d'avoir participé à nos travaux. Grâce à ces deux séances, nous avons appris que le RPC serait un régime solide pendant les 75 prochaines années. C'est un calcul actuaire. Du moins, c'est ce qui nous a été dit.

J'ai déjà été membre d'organisations qui recevaient de temps en temps les conseils d'actuaires au sujet des pensions, et si j'ai le plus grand respect pour la capacité de faire des calculs à long terme, j'espère sincèrement que ce régime sera aussi stable que cela nous a été affirmé aujourd'hui.

Je pense que les sujets qui nous préoccupent sont les conditions associées à la nouvelle prestation supplémentaire et il y a également des aspects qui inquiètent légèrement certains d'entre nous et qui concernent la façon dont ce nouveau régime sera mis en œuvre et appliqué pour atteindre le même niveau de sécurité actuariel à long terme, aspect que nous désirons tous.

Encore une fois, je vous remercie d'être venus. Je remercie mes collègues d'avoir posé des questions précises. Cela dit, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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