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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 13 - Témoignages du 8 décembre 2016


OTTAWA, le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude du projet de loi et en faire l'étude article par article.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. Je vais inviter mes collègues à se présenter, à commencer par ma gauche.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci beaucoup. Nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Nous accueillons aujourd'hui les représentants de deux organisations : Herb John, président de la Fédération nationale des retraités, et Alexandre Laurin, directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe. Bienvenue à vous deux.

Je vais vous expliquer notre processus pour la matinée. Les témoignages se termineront au plus tard à 11 h 30. Nous ferons des tours d'une question par sénateur. Chers collègues, je vais vous demander de poser vos questions efficacement. Quant à nos témoins, je vais les prier d'être également efficaces et clairs dans leurs réponses.

Nous allons commencer par écouter les exposés de nos témoins, puis nous allons passer aux questions. Comme nous en avons convenu plus tôt, je vais inviter M. Laurin à présenter son exposé en premier.

Alexandre Laurin, directeur de la recherche, Institut C.D. Howe : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs.

Je suis ravi de pouvoir vous parler de la bonification du RPC. Je vais traiter d'un aspect seulement du projet de loi C-26 dont vous avez été saisi. C'est le manque de clarté, à mon avis, du niveau acceptable de risque lié à l'investissement nécessaire pour répondre aux besoins de trésorerie, y compris les dispositions visant ce qui se produit si les risques de dégradation en viennent à se matérialiser.

Selon l'un des principaux arguments présentés par les ministres fédéral et provinciaux des Finances, en juin 2016, pour la bonification proposée du RPC — arguments qui se trouvent dans le document d'information de septembre —, les prestations additionnelles du RPC seront entièrement capitalisées. En plus des affirmations selon lesquelles le RPC offre des prestations sûres et prévisibles, pleinement indexées à l'inflation, cela a toutes les apparences d'une excellente affaire, compte tenu des taux de cotisation relativement faibles qui sont requis.

Pour la plupart des gens, « entièrement capitalisé » signifie qu'on a les actifs nécessaires pour respecter toutes les obligations. Le RPC bonifié, comme le RPC de base, n'est pas conçu pour être entièrement capitalisé dans ce sens-là. L'expression « entièrement capitalisé » n'est pas employée dans le projet de loi C-26. Ce qui est exigé, c'est que les cotisations estimatives permettent de couvrir les dépenses prévues du régime de pensions supplémentaire du Canada dans un avenir prévisible. Surtout, la réglementation servant à préciser cette définition n'existe pas encore.

Les prévisions dépendent essentiellement du taux de rendement futur présumé de l'actif du RPC bonifié. En fait, le taux de rendement requis sur les investissements pour atteindre l'objectif de capitalisation établi par l'actuaire en chef dans son récent rapport dépasse très nettement le taux de rendement actuel du type de dette souveraine que les gens pourraient trouver convenable pour garantir des prestations sûres et prévisibles entièrement indexées en fonction des prix. Je propose que nous regardions les chiffres brièvement pour avoir une idée des risques.

L'actuaire en chef du Canada estime que le RPC bonifié peut verser les prestations aussi longtemps que l'actif confié à l'Office d'investissement du RPC, ou OIRPC, donne un taux de rendement réel rajusté en fonction de l'inflation d'au moins 3,4 p. 100, net, sans égard aux dépenses de gestion des investissements à long terme. C'est donc un taux nominal de 5,4 p. 100. En supposant des dépenses de gestion des investissements de 1 point de pourcentage, cela se traduit par un taux réel de rendement brut de 4,4 p. 100.

Quel genre de risque lié aux investissements faut-il pour obtenir ce type de rendement? L'obligation en rendement réel fédérale donne en ce moment environ 0,4 p. 100. Les placements doivent donc donner une prime de risque de l'ordre de quatre points de pourcentage de plus que le taux de l'obligation à long terme du Canada. C'est beaucoup.

S'appuyant sur les rendements historiques, l'actuaire en chef a présumé que le portefeuille offre à long terme un rendement moyen supérieur au seuil requis. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ce résultat exige un portefeuille d'actifs se caractérisant par beaucoup de risque et d'incertitude. Le risque et l'incertitude s'accompagnent vraisemblablement de rendements moins élevés ou de rendements plus élevés.

La capitalisation du RPC bonifié est très sensible aux taux de rendement présumés. Prenons l'exemple du taux de rendement réel de l'obligation; il faudrait que les taux de cotisation soient de plus du double ou que les prestations soient réduites de plus de moitié. Donc, qu'arrive-t-il si les rendements sont inférieurs aux taux présumés? Qui assume ce risque? Le projet de loi C-26 ne répond pas bien à cette question.

Selon le projet de loi C-26, les taux de cotisation pourront être augmentés sous réserve du consentement des provinces. Les augmentations futures des taux ne pourront cependant dépasser 0,2 p. 100 par année, ce qui ne peut en soi couvrir entièrement les risques d'une capitalisation insuffisante. Il semble alors que le premier réflexe serait de faire porter le coût d'une capitalisation insuffisante aux générations futures, comme on l'a fait dans le passé pour le RPC et pour le RRQ. Si les provinces et le gouvernement fédéral n'arrivent pas à s'entendre pour augmenter les taux de cotisation, le projet de loi C-26 nous mène à deux dispositions réglementaires qui n'ont pas encore été rédigées, énonçant les paramètres qui dicteront la façon dont les niveaux de prestation ou les taux de cotisation pourront être modifiés et le moment où cela pourra se faire. Cette réglementation sera sujette au consentement des provinces.

Cependant, au moment de rédiger cette réglementation, les provinces et Ottawa devraient, d'après moi, adopter un modèle conçu pour prévenir les transferts intergénérationnels, si courants pour hausser les cotisations à des régimes de retraite qui ne sont pas suffisamment capitalisés pour couvrir les prestations. La stratégie visant les risques d'investissement nécessaires pour un RPC bonifié devrait être conservatrice, ou du moins assez conservatrice pour protéger plutôt bien le niveau de base des prestations — disons 80 p. 100 des prestations, 9 fois sur 10, dans des simulations de scénarios stochastiques, que les statisticiens font très bien —, avec la possibilité d'un rajustement des prestations qui se situent au-dessus du niveau de base.

Cela mènerait très vraisemblablement à l'adoption d'un portefeuille moins risqué que celui que présume l'actuaire en chef et exigerait par conséquent que le RPC bonifié soit lancé avec des taux de cotisations plus élevés.

En résumé, les taux de cotisation du RPC bonifié qui sont prévus dans le projet de loi sont tels que les placements doivent donner un taux de rendement qui n'est réalisable qu'avec un risque d'investissement relativement élevé. Le RPC bonifié n'offre donc pas de garantie et expose les cotisants à plus de risque qu'ils pensent. Pour que toutes les décisions soient éclairées, y compris les vôtres, le projet de loi C-26 doit comporter des règles claires au sujet de la stratégie de gestion des actifs — et, donc, du niveau de risque que cela comporte —, ainsi que des règles claires concernant les rajustements des prestations ou des cotisations si les risques de baisse se réalisent. Je vous remercie. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant écouter M. John.

Herb John, président, Fédération nationale des retraités : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de témoigner aujourd'hui.

Je suis Herb John, et je suis le président de la Fédération nationale des retraités. C'est un organisme national sans but lucratif, non partisan et non confessionnel qui représente globalement 1 million d'aînés individuels ou regroupés dans 350 chapitres, clubs, groupes ou organismes à l'échelle du pays.

Les aînés ont besoin d'aide aujourd'hui, concernant leur santé et leurs finances, mais ils se préoccupent aussi de la sécurité financière des aînés de demain. Sans réserve, la Fédération nationale des retraités félicite les gouvernements fédéral et provinciaux d'avoir conclu une entente historique pour bonifier le Régime de pensions du Canada. Nous nous réjouissons de la proposition du projet de loi C-26 d'augmenter les cotisations au RPC et au RRQ et de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de faciliter les déductions relatives à ces cotisations, mais nous sommes en particulier ravis de l'augmentation de la Prestation fiscale pour le revenu de travail permettant aux Canadiens à faible revenu de participer.

Au congrès annuel de la Fédération nationale des retraités qui avait lieu cette année à Vancouver, les délégués ont applaudi ce rare exemple de collaboration fédérale-provinciale. Il est important de souligner que tous les délégués au congrès comprenaient qu'aucun d'eux ne profiterait de la bonification du RPC. Ils s'inquiétaient plutôt de leurs enfants et petits-enfants dont les employeurs n'offriraient pas de régime de pension. C'est le cas des deux tiers des travailleurs canadiens. La bonification du RPC est essentielle pour les aider à se préparer financièrement à la retraite. Ils savent à quel point il est difficile de joindre les deux bouts à la retraite — même ceux qui ont des régimes de pension offerts par l'employeur.

La bonification du RPC arrive à point nommé. Il y a des années qu'un nouveau régime de pension à prestations déterminées a été établi. De nombreux employeurs qui offrent des régimes de pension à prestations déterminées les convertissent en des régimes à cotisations déterminées, ce qui fait que le risque d'investissement repose maintenant entièrement sur les épaules des employés.

Cela se produit même dans les milieux syndiqués. Les travailleurs de GM, Ford et Fiat Chrysler ont accepté un compromis sans précédent en permettant aux entreprises de fermer l'accès à leurs régimes de pension à prestations déterminées et d'obliger les nouveaux employés à cotiser à des régimes de pension à cotisations déterminées.

Bon nombre de nos membres ont aussi été touchés par des faillites d'entreprises comme Nortel, qui a laissé ses retraités avec des prestations de retraite gravement réduites, s'il restait quelque chose une fois la poussière retombée. C'est l'effet toujours présent de l'absence de protection juridique de l'actif des régimes de pension en cas de faillite.

En affaiblissant cet important pilier du revenu de retraite offert par l'employeur, on fait porter plus de poids aux autres piliers. La durabilité du RPC dont a témoigné l'actuaire en chef, quand il a dit qu'il peut couvrir les prestations pour encore au moins 75 ans, est très importante pour les aînés qui — je le répète — se préoccupent de leurs enfants et petits-enfants.

Les changements annoncés — la première augmentation en un demi-siècle — prendront des années à mettre en œuvre progressivement. Malgré cela, la bonification est modeste. Même si elle est plus que bienvenue, cette bonification ne garantit pas aux Canadiens une retraite convenable. Ce qu'elle fait, c'est porter la prestation annuelle maximale du RPC à 20 000 $ en 2016, ce qui est à peu près équivalent au seuil de pauvreté.

La Fédération nationale des retraités recommande qu'on entreprenne dès que possible un examen des bonifications futures du RPC, y compris un volet facultatif, sachant le temps qu'il a fallu pour qu'on en arrive à cette bonification.

La FNR recommande aussi que la clause d'exclusion pour élever des enfants et la clause d'exclusion pour invalidité s'appliquent également à la bonification du RPC. Pour être juste envers les personnes touchées, on tient compte de cette situation dans le calcul du RPC depuis le début pour l'invalidité, et depuis 1977 pour les personnes qui élèvent des enfants. Parmi les aînés, ce sont les femmes seules qui ont en ce moment les plus faibles revenus, et la prochaine génération fera face à un écart de revenu encore plus grand si ces clauses ne sont pas incluses.

Nous croyons qu'il faut se pencher sur diverses positions exprimées lors des débats qui ont eu lieu à la Chambre des communes au moment de la deuxième lecture. On a soutenu que les instruments d'épargne facultatifs comme le REER et le CELI permettent aux gens de mettre de l'argent de côté en prévision de leur retraite. C'est bien le cas pour les personnes qui sont bien nanties et qui ont assez de fonds pour faire des placements, mais pas pour les familles à revenu moyen, et certainement pas pour les personnes à faible revenu. Le résultat net, selon divers chercheurs, c'est que près du quart des travailleurs à revenu moyen connaîtront une baisse significative de leur niveau de vie à la retraite parce qu'ils n'auront pas mis suffisamment d'argent de côté ou qu'ils n'auront pas été en mesure de le faire.

On a aussi affirmé que la cotisation au RPC est une charge sociale qui va causer des pertes d'emplois. On avait dit cela quand les taux de cotisation avaient doublé en 1986 sans qu'il y ait d'augmentation correspondante des prestations, et il n'y a pas eu de pertes d'emplois. Rien ne prouve qu'il y aurait des pertes d'emplois maintenant.

Des gens ont déclaré que les employeurs allaient payer des milliers de dollars de plus. La cotisation maximale absolue qui sera exigée d'un employeur est de 1 100 $ en dollars d'aujourd'hui. Elle ne sera payable qu'une fois que les bonifications auront été entièrement mises en œuvre, en 2025, et ce, pour un employé qui gagne 82 700 $. Il n'est donc pas justifié d'alimenter la peur en soutenant que les petites entreprises seront anéanties par ces paiements. Les revenus moyens se situent plus près de 55 000 $ ou du MGAP de 2016.

En 2025, la cotisation annuelle de l'employeur était de 515 $ — ou de 43 $ par mois — ce qui correspondait à moins de 20 $ par paie. Donc, en ce qui concerne l'argument des pertes d'emplois, pourquoi un employeur remercierait-il un employé pour 20 $ par chèque de paie?

On a affirmé que les travailleurs à faible revenu perdraient leurs prestations du SRG, à cause de la bonification du RPC. Les petits salariés devraient absolument participer au RPC bonifié, même si leurs suppléments de revenu sont remplacés par des prestations du RPC, ne serait-ce que pour la dignité d'avoir cotisé à leur propre retraite. La Prestation fiscale pour le revenu de travail, ou PFRT, est une excellente mesure garantissant aux petits salariés de pouvoir participer. Si les législateurs se préoccupent des faibles revenus, ils peuvent soustraire les prestations bonifiées du RPC du calcul du SRG. Nos enfants ne devraient pas être obligés de payer notre retraite.

On a dit s'inquiéter que toutes les prestations bonifiées à l'avenir doivent être entièrement capitalisées, mais la Loi sur le RPC empêche cela, en fait. Chaque génération finance sa propre retraite, pour ces bonifications. De plus, comme pour tout régime de pension à prestations déterminées qui est important et bien géré, les cotisations couvrent 20 p. 100 des prestations. Le reste est financé par le rendement sur les investissements. C'était nos recommandations, et je serai ravi de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Le sénateur Dean, qui est le parrain du projet de loi, va poser les premières questions.

Le sénateur Dean : Je vous remercie tous les deux des exposés réfléchis que vous nous avez présentés. Ma question s'adresse à vous deux, mais surtout, je crois, à M. John.

On nous a rappelé hier que le niveau du revenu de remplacement suggéré par le RPC n'a pas changé depuis sa création dans les années 1960. Il se situe encore à 25 p. 100. On propose de le hausser un peu, à 33 p. 100, et ce, dans le contexte d'une diminution des régimes de pension offerts par les employeurs.

On semble s'entendre pour dire qu'il y a un problème à résoudre, sur le plan de la politique. Nous avons entendu des réactions différentes à savoir si c'est la bonne chose à faire et le bon instrument pour le résoudre. D'un côté, on nous a dit que cela va trop loin, et que cela aura un effet négatif sur l'économie et les employeurs. De l'autre côté, on nous a dit que cela ne va pas assez loin et qu'il faut doubler le revenu de remplacement à la retraite, de sorte qu'il soit de 40 p. 100. Les ministres en sont arrivés à un compromis, à mi-chemin. Est-ce que c'est ce qui convient? Est-ce trop? Est-ce insuffisant?

M. John : Eh bien, si vous regardez le Régime de pensions du Canada seulement, ce n'est probablement pas assez. Si vous regardez globalement l'égalisation des revenus et la distribution de la richesse au Canada, qui deviennent de plus en plus asymétriques avec le temps, il faut vraiment se pencher sur cela pour résoudre la question de la pauvreté et de la sécurité du revenu à la retraite.

Ne voir que le RPC comme étant le bon instrument pour ce faire, sans rien d'autre, est préoccupant. Il doit faire partie de la sécurité du revenu à la retraite, mais il ne peut être le seul mécanisme. Il est malheureux de constater la détérioration des régimes de pension offerts par les employeurs. Quand il a été créé, le RPC était un élément de l'ensemble des instruments de sécurité du revenu, avec les régimes de pension offerts par les employeurs qui étaient en hausse, à l'époque. On s'attendait peut-être à ce que cela se poursuive. Entre 1966 et 1970, il y a eu en fait un surplus dans la capitalisation du RPC. Le financement a changé de bien des façons au fil des années.

M. Laurin : Je pourrais parler longuement de bien des choses que vous avez dites. Vous demandez si c'est le bon instrument. Je ne crois pas que ce soit le cas si, au bout du compte, le coût est transféré aux générations futures. Je pense que nous devons au moins veiller à ce que cela ne se produise pas.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Ma question s'adresse à M. Laurin. Le risque me préoccupe énormément moi aussi, car c'est l'argent des contribuables qui est en jeu. Dans cette proposition, le RPC2 prend d'énormes risques avec l'agent des contribuables. Ce sont ces derniers qui assurent le financement. Je m'inquiète à propos du RPC2, du fonds distinct qui est établi et de ce qu'il en adviendra. Vous avez fait remarquer qu'aucune règle claire ne régit la gestion des actifs. Lorsque nous avons interrogé le ministre à ce sujet, il nous a répondu que la question ne relevait pas de lui, mais de l'office. Je me demande ce que vous en pensez.

M. Laurin : La gestion relève de l'office, qui doit générer suffisamment de revenus de ses investissements pour financer un régime à un taux de cotisation de 2 à 8 p. 100. C'est la contrainte avec laquelle il devra composer. L'OIRPC devra donc prendre les risques nécessaires dans le cadre de sa stratégie d'investissement pour tirer un rendement suffisant des cotisations reçues.

À mon avis, c'est là qu'on aurait pu effectuer plus de travail à l'avance, quand les négociations étaient en cours, pour au moins déterminer comment on procédera. Un régime de retraite, c'est une manière de gérer le risque.

Dans le cas présent, qui sont les parrains? Est-ce que ce sont les 10 provinces et le gouvernement fédéral? Et qui représentent-ils? Vous venez de parler des contribuables. Dans les faits, ce sont eux qui financent leurs propres régimes de retraite.

La sénatrice Stewart Olsen : En effet.

M. Laurin : Les générations futures financeront-elles les régimes de retraite de la génération actuelle si les choses tournent mal? Si tout va bien et que le régime affiche un excédent, alors c'est formidable. La génération actuelle bénéficiera de prestations plus élevées parce qu'il y aura un surplus substantiel. Elle exercera des pressions en ce sens et elle aura gain de cause.

Est-ce ainsi que les choses devraient se passer? On demande aux générations futures d'assumer le risque. Il y a un coût. Le risque est coûteux et quelqu'un doit assumer ce coût, sans toutefois être indemnisé en conséquence. Les générations futures ne seront indemnisées de ce risque que si les prestations sont plus élevées que prévu. Si les choses tournent mieux que prévu, les cotisations seraient moins élevées dans l'avenir parce que le régime affiche un excédent, n'est-ce pas? Les cotisations seraient donc moins élevées que la valeur réelle que les adhérents obtiennent.

Selon moi, il est peu probable que cela arrive, parce que quand le régime de retraite affiche un excédent, ce sont ceux qui prennent leur retraite qui en profitent. Ils exercent des pressions à cette fin et obtiennent ce qu'ils veulent. Je pense donc qu'il y a une asymétrie ici.

Je me rends compte que le processus est très avancé. Le règlement pourrait régir tous ces points, mais comme nous ne l'avons pas vu, nous ignorons quels mécanismes il comprendra. On vous demande maintenant de voter à propos de quelque chose de vraiment nébuleux.

M. John : Je veux tenter d'éclaircir quelque chose que bien des gens ne saisissent pas bien, à mon avis : c'est le fait que la question ne dépend pas seulement des contribuables. Les gens qui occupent un emploi paient des impôts et cotisent au RPC, mais ce sont les cotisations des employés et des employeurs qui financent le régime et ses investissements. La question ne concerne pas seulement les contribuables. Je pense donc qu'il faut qu'il soit clair que c'est le Régime de pensions du Canada et non les contribuables en général qui assumera le financement, les obligations et le passif dans l'avenir.

La sénatrice Seidman : Je voudrais poursuivre exactement sur ce sujet avec M. Laurin, si vous le voulez bien. Dans votre exposé, vous avez affirmé que « Pour la plupart des gens, "entièrement capitalisé'' signifie qu'on a les actifs nécessaires pour respecter toutes les obligations. Le RPC bonifié, comme le RPC de base, n'est pas conçu pour être entièrement capitalisé dans ce sens-là. »

Ce sont des questions fondamentales pour la plupart des Canadiens. Je pense que la plupart d'entre eux — peut-être même moi — ne comprennent pas vraiment l'essence du RPC.

Pourriez-vous alors nous expliquer les rouages du RPC1 et du RPC2? Nous y cotisons à même notre salaire. Les fonds sont-ils versés dans une réserve ou aux revenus généraux? Expliquez-nous ce qu'il advient vraiment des fonds pour que nous comprenions tous le risque.

M. Laurin : Je tenterai d'être bref. Le RPC1, le vrai RPC, a été établi à titre de programme de sécurité sociale. C'est ainsi que l'OCDE le qualifierait. Il devait reposer sur un financement par répartition. Cette méthode fonctionne très bien s'il n'y a pas de changements démographiques; or, de tels changements sont survenus. Les cotisations actuelles paient les prestations des retraités, tel que prévu initialement.

Le risque ici venait de la capitalisation. Ce n'était pas comme un risque d'investissement, parce que ce n'étaient que des réserves, même si ces dernières étaient minimes par rapport au passif. Le risque était un risque démographique.

Si un changement démographique d'envergure se produit, il se peut qu'il n'y ait pas assez de travailleurs pour payer les prestations des nombreux retraités, et c'est ce qui s'est passé.

L'actuaire en chef a calculé que le taux des cotisations devrait être porté à 14 p. 100. Ce taux ayant été jugé trop élevé à l'époque, on en est arrivé à un compromis. Le taux est maintenant de 9,9 p. 100. Depuis 2000, ce taux est supérieur au taux de répartition. On a ainsi accumulé une réserve substantielle, dont le revenu de placement servira à payer une partie, et non la totalité, des prestations. Ces dernières seront en majeure partie payées par les cotisations des travailleurs actuels. Ainsi, le régime est encore principalement un programme de sécurité sociale, mais il est partiellement financé. Au moins, les inégalités intergénérationnelles ne sont pas aussi criantes qu'elles auraient pu l'être. Voilà pour le RPC.

Le RPC2 prévoit quelque chose de différent, puisqu'il doit être entièrement financé par les cotisations et le revenu de placement. C'est différent. Si on cotise pendant 40 ans, on a effectué des cotisations et on en a obtenu un revenu de placement, à titre de groupe et non à titre personnel, bien entendu. Le groupe reçoit ensuite les prestations, le financement venant des cotisations et du revenu de placement. Le régime est ainsi entièrement capitalisé.

Mais pour que ce régime soit sûr, l'investissement doit être égal au passif. Si nous voulions vraiment qu'il soit entièrement sûr, nous pourrions investir tous les fonds dans des obligations à rendement réel du gouvernement pour 40 ans; nous saurions ainsi ce que nous obtiendrions à la fin et le régime serait entièrement sûr. Personne ne préconise vraiment cette approche, toutefois, car ce serait vraiment cher.

Il existe d'autres manières d'investir. Le Nouveau-Brunswick vient de réformer son régime de retraite et a opté pour un compromis. Procédant à des simulations stochastiques dans son portefeuille, il dresse 1 000 scénarios, qui doivent être bons 97,5 p. 100 du temps. De ces scénarios, 25 pourraient se trouver sous le seuil jugé sûr pour les prestations. Je pense qu'il s'agit ici des prestations de base, qui n'incluent pas l'inflation des prix. Les placements doivent être sûr 97,5 p. 100 du temps; les gestionnaires doivent donc adapter leur stratégie d'investissement en conséquence pour que le risque qu'ils prennent leur permette de respecter ce pourcentage. Si on agit ainsi, au moins on n'a pas à tout investir dans des obligations à rendement réel, une solution vraiment chère.

Il existe probablement d'autres manières d'investir. Si nous nous penchons sur la question, je suis certain que nous pourrions trouver d'autres moyens d'assurer une plus grande sécurité ou au moins de ne pas prétendre que le régime est entièrement capitalisé, que les actifs seront là et que le régime est vraiment sûr alors que nous n'en savons rien.

Le président : Si je vous comprends bien, monsieur Laurin, vous dites essentiellement qu'il existe deux principales manières d'ajuster le financement à long terme : d'une part, en augmentant les cotisations, et de l'autre, en modifiant la stratégie d'investissement pour obtenir un rendement supérieur à celui de la stratégie actuelle. Est-ce bien cela?

M. Laurin : Si on modifie sa stratégie d'investissement, on se montrerait plus prudent et augmenterait donc les cotisations.

Le président : Donc, au bout du compte, ce serait vraiment...

M. Laurin : Le régime serait toutefois plus sûr. Si on promet aux Canadiens des prestations garanties, alors concevons le régime de manière à ce qu'il soit plus sûr. Ce serait correct si nous n'avons rien promis de tel et indiqué que les risques sont élevés; mais si ces risques se concrétisent, les règles doivent être claires.

La sénatrice Marshall : Je voudrais continuer de parler de la stratégie d'investissement. Je croyais que la stratégie d'investissement du régime actuel figurait dans la politique de l'office d'investissement, et non dans la loi ou le règlement.

Quand le ministre a comparu hier, je l'ai interrogé au sujet de la stratégie d'investissement de l'office et je lui ai demandé si le gouvernement interviendrait à cet égard. J'ai consulté le site web de l'office, et, de mémoire, son taux de rendement était de 6 ou 7 p. 100. Je pensais donc que s'il maintenait sa stratégie actuelle, tout semblait bien aller pour l'instant.

Mais vous affirmez que le règlement ne comprend pas de disposition à ce sujet. La loi et le règlement qui régissent le Régime de pensions du Canada comprennent-ils une disposition qui ne figure pas dans le projet de loi? Je pensais que c'était simplement qu'une stratégie de l'office. Savez-vous si la loi et le règlement comprennent une disposition que nous devrions avoir pour le Régime de pensions du Canada bonifié?

M. Laurin : Eh bien oui, il serait bien de disposer de certaines règles pour savoir ce qu'il se passe à propos du régime bonifié, car à l'heure actuelle, nous sommes dans l'ignorance. L'OIRPC obtient un certain rendement, mais je ne connais pas celui de l'an dernier. Les marchés sont très volatils. Quand on lit les prospectus pour n'importe quelle action, il est toujours indiqué, à titre de décharge, de ne pas se fier au rendement antérieur pour évaluer le rendement futur. Il y a des risques. Il en va de même pour l'OIRPC. Nous le comprenons tous.

Peut-être que si j'examine les 10 dernières années, je verrai que le rendement moyen était de 4 p. 100. Je ne sais pas ce qu'il en est. Je peux choisir un horizon de 12 ou 20 ans, et le rendement sera peut-être différent. On peut toujours choisir et obtenir le rendement moyen recherché. Oui, il y a des risques, et nous comprenons qu'il y aura de bonnes et de mauvaises années. Mais l'office ignore, nous ignorons, tout le monde ignore quel sera le rendement dans 40 ans.

La sénatrice Marshall : Que devraient comprendre le projet de loi et le règlement? Que devrions-nous chercher à y inclure?

M. Laurin : D'après ce que je comprends, cela dépend du règlement, de la manière dont le projet de loi est élaboré. Il faut aussi négocier cela avec les provinces. Comme je l'ai indiqué, le processus est déjà très avancé, mais il aurait été bien de négocier à l'avance des mécanismes pour financer le niveau de risque et ce qu'il se passera dans l'avenir si le rendement est supérieur ou inférieur aux prévisions. Nous saurions ainsi dans quoi nous nous embarquons; cela aurait été préférable.

Mais si c'est ainsi que nous procédons, alors je privilégierais un régime similaire à celui du Nouveau-Brunswick, dans le cadre duquel les prestations de base sont très sûres grâce au modèle de scénarios et de simulations stochastiques. Si on peut adapter un portefeuille de manière à obtenir les résultats escomptés 90 ou 97 p. 100 du temps, on peut protéger les prestations de base. De cette manière, le régime est sûr. On sait aussi que les derniers 20 p. 100 des prestations peuvent varier, et tout le monde comprend que cette partie est plus souple.

Si on structure ainsi le régime, le risque de transferts intergénérationnels est considérablement réduit. Or, ce sont ces transferts que nous cherchons à éviter.

Le président : Nous allons maintenant entamer le deuxième tour. Le sénateur Dean prendra la parole, suivi de la sénatrice Stewart Olsen.

Le sénateur Dean : Merci, monsieur le président. Quelle discussion formidable sur le risque! C'est extrêmement important. Je vous remercie donc des observations que vous avez formulées jusqu'à présent.

J'aimerais approfondir un peu plus la question du risque. Nous avons en main un rapport assez détaillé que l'actuaire en chef a préparé, comme il se doit quand des modifications ont été apportées au RPC, et ce rapport nous indique qu'à long terme, les cotisations proposées et le rendement des investissements devraient suffire à assurer la capitalisation des prestations futures.

Les investissements sont gérés par l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, un organisme respecté à l'échelle internationale. Ce n'est pas un acteur de second plan.

Il y aura toujours des risques. Il y en a dans les REER, et les régimes de retraite à cotisation déterminée s'accompagnent de risques considérables, particulièrement quand on prend sa retraite alors que le marché est déprimé.

Voici la question que je vous poserais à tous les deux : quel risque court-on en ne faisant rien? Si nous nous préoccupons du transfert intergénérationnel, nous savons que 1,1 million de familles sont déjà exposées à un risque, et ce chiffre ne cesse de croître. Nous savons que les régimes de pension en milieu de travail sont en déclin, que le taux de remplacement de 25 p. 100 du RPC n'a pas changé depuis les années 1960, et que les mesures de comblement anticipées à cet égard ne se sont pas concrétisées et ont en fait disparu de l'équation.

N'exposons-nous pas les générations futures à un grand risque en leur faisant combler toutes ces lacunes et assumer une responsabilité que nous cherchons peut-être à éviter aujourd'hui?

Que risquons-nous en ne faisant rien et en ne prévoyant pas un RPC viable et adaptable pour les 30 à 40 prochaines années?

M. John : Je voudrais certainement répondre à cette question. À mon avis, nous ne devrions pas évaluer le risque, mais le résultat. À voir la tournure que prennent les choses, il est évident que le risque aura certainement des résultats, qui ne seront pas positifs.

C'est bien de s'intéresser au risque. Je pense que c'est incroyable. Comme vous l'avez souligné, le Régime de pensions du Canada est reconnu de par le monde pour sa viabilité. Je ne connais aucun autre régime de retraite dont la viabilité a été évaluée à 75 ans, la limite jusqu'où on peut aller.

L'inaction aura certainement des conséquences préjudiciables au chapitre de l'obligation intergénérationnelle. Cette obligation ira en augmentant, et c'est ce que nous voulons éviter aujourd'hui. Les milléniaux sont déjà un peu convaincus qu'ils assument le fardeau financier des aînés, alors qu'en fait, ces derniers ont assuré leur propre retraite, y compris la Sécurité de la vieillesse, qui est tirée des revenus généraux, mais qui est financée grâce à une capitalisation fédérale imposée à tous ceux qui paient de l'impôt sur le revenu. Je pense donc que le risque que l'on court à ne rien faire est bien trop élevé.

Je pense qu'il ne faudrait pas éviter de considérer le risque de l'investissement. Il faut absolument en discuter, mais il ne faudrait pas décider finalement de ne pas mettre cette initiative en œuvre ou même de ne pas en faire plus. En étudiant les mécanismes de financement et l'assurance, et peut-être en recourant à l'amortissement de la dette quand les investissements offrent un piètre rendement, on aurait un bon moyen de réduire les répercussions quand le marché va mal.

M. Laurin : En ce qui concerne d'abord le rapport de l'actuaire en chef, je pense qu'il a très bien accompli son travail. Selon son mandat, il doit calculer le taux minimal de rendement qu'il faut obtenir pour pouvoir verser les prestations conformément à la loi. C'est ce qu'il a fait, et le taux réel net obtenu dans le cadre de la gestion des investissements doit être de 3,4 p. 100. C'est le taux réel nominal de 5,4 p. 100 net des frais de gestion des investissements. Nous le savons, et nous demandons à l'OIRPC de générer un rendement considérable.

Vous avez ensuite indiqué qu'il y a une crise ou demandé ce qu'il se passera si nous ne faisons rien. Je ne pense pas qu'on s'entende, dans les études, pour dire s'il y a une crise et que nous devons recourir à une solution obligatoire. Notre solution obligatoire — vous l'avez dit vous-même — est un compromis. Se révélera-t-elle suffisante en cas de crise? Probablement pas.

Vous avez ensuite parlé des personnes à faible revenu. Effectivement, elles bénéficieront probablement d'une prestation fiscale pour le revenu de travail plus élevée que celle qu'elles reçoivent actuellement. Mais cela suffira-t-il pour tout compenser? Nous ne le savons pas encore, car nous ignorons les modifications qui seront apportées à la PFRT. Cette prestation a divers objectifs. Elle vise à réduire la dépendance à l'aide sociale en encourageant les gens à travailler même si les prestations sont en bonne partie récupérées quand ils travaillent. Leur taux d'imposition réel est élevé. La PFRT est là pour cela.

Si le taux d'imposition réel change dans 10 ans, nous modifierons la PFRT et cette fonction de compensation du RPC sera vite oubliée. Nous ne savons pas exactement qui sont les personnes à faible revenu, mais quand elles partiront à la retraite, le taux de récupération sera élevé si la situation ne change pas. Ce taux est actuellement de 75 p. 100 par personne seule. C'est très élevé. Voilà pourquoi il faut agir. Elles seront soumises à ce taux de récupération très élevé et ne recevront pas beaucoup de prestations du RPC bonifié, et elles auront tôt fait d'oublier que la PFRT a compensé leurs contributions du RPC.

Cette solution soulève des problèmes là aussi; elle n'est donc pas idéale, s'il s'agit même d'une solution. Nous avons publié des documents sur l'ampleur du problème. Oui, il y avait des problèmes, de toute évidence. Personne n'est parfait. Ce ne sont pas toutes les familles qui économisent assez. Mais il est encore temps d'économiser dans bien des cas. Dans la dernière étude que j'ai publiée, je me suis intéressé aux tendances, et les familles économisent de bien des manières, pas seulement dans les régimes d'épargne-retraite. Elles épargnent dans leurs maisons et leurs petites entreprises, et de toutes sortes de manières que les études ne prennent pas en compte.

C'est donc une question d'envergure. Je m'en tiendrai là. Si nous voulons intervenir, il y a d'autres solutions. Le Québec a opté pour un régime volontaire d'épargne-retraite, qui doit toutefois être offert par les employeurs. Ce n'est pas le RPC. Cette solution a des avantages et des inconvénients. J'accepte qu'il y ait eu des négociations et que nous ayons décidé de bonifier le RPC. Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas aller de l'avant. Nous avons négocié et c'est la solution retenue. Mais si nous allons de l'avant, faisons-le correctement.

La sénatrice Stewart Olsen : Je ferais une brève remarque sur quelque chose que vous avez dit. Je pense qu'il est très important de discuter du risque; cela s'inscrit dans notre travail de législateurs. Vous avez indiqué qu'il y a des risques afférents aux régimes d'épargne-retraite et à tous ces mécanismes. Oui, c'est vrai, mais ce risque est transparent. Les Canadiens ne comprennent pas complètement que le RPC présente aussi un risque. En examinant ce projet de loi, nous cherchons à voir comment nous pourrions l'améliorer.

Monsieur John, je me demande si vous conviendriez avec moi qu'il s'agit d'une initiative de longue haleine et que toute une génération n'en bénéficiera pas. J'aimerais que l'on fasse quelque chose maintenant pour les aînés et les démunis. Je pense que nous pouvons agir maintenant, et je me demande si vous pourriez nous indiquer ce que nous pourrions faire entre-temps.

M. John : Je dirais d'abord — et cela ne concerne en rien le RPC — que l'emploi est la base de tout. Le pays a laissé s'échapper des centaines de milliers de bons emplois manufacturiers depuis 10 ans, ce qui a engendré bien des problèmes au chapitre des investissements, des taux d'intérêt et de la sécurité du revenu, qu'on occupe un emploi précaire ou bien rémunéré. Je pense que la première chose à faire au pays, c'est élaborer une politique pour le secteur manufacturier et faire travailler les gens.

Je me souviens que dans ma prime jeunesse, l'équation était très simple : on prend un matériau brut, on ajoute la main-d'œuvre et on a un produit à vendre. Ce n'est pas ainsi qu'on procède aujourd'hui. Nous nous sommes éloignés des fondements qui soutiennent les communautés. Il faut donc intervenir à cet égard.

Bien des Canadiens ne comprennent rien au RPC. La plupart des gens de 20 à 40 ans auxquels je parle sont étonnés d'apprendre que le Régime de pensions du Canada est viable pour 75 ans. La plupart d'entre eux pensent qu'ils ne recevront rien à leur retraite. Il faut donc éduquer la population à propos des vraies questions : en quoi consistent les régimes de pension et comment peut-on économiser?

Quand les gens économisent et investissent, ils doivent le faire avec le revenu disponible. Or, pour les 40 p. 100 des gens moins bien nantis, ce revenu disponible n'a cessé de diminuer depuis 1960. Il est donc difficile de voir comment ils pourraient économiser. On peut économiser de diverses manières, mais si on n'occupe pas un emploi décent, qu'on est incapable d'acheter une maison et d'investir ainsi, qu'on n'a plus un rond après avoir payé ses factures, et qu'on ne contribue pas à un régime d'épargne-retraite ou à un CELI, comment peut-on se préparer à la retraite quand on peine à arriver quotidiennement parce que l'emploi n'est pas ce qu'il était et ce qu'il pourrait être?

Nous sommes confrontés à de véritables défis. Le RPC est le dernier point dont nous devrions discuter, et il faut s'attaquer aux autres facteurs pour faire de la retraite une chose agréable dont on profitera dans l'avenir.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Nous avons entendu parler de la banque d'investissement en infrastructure et de la possibilité que l'OIRPC y investisse. Est-ce le genre d'investissement que nos régimes de pension devraient effectuer? Cet investissement est-il sûr? Vous dites que le taux nominal est de 5,4 p. 100, bien que je ne comprenne pas la différence entre ce taux et le taux réel de rendement. Quoi qu'il en soit, nous avons besoin d'un rendement substantiel et garanti. Pourriez-vous me donner votre avis sur la banque d'infrastructure?

M. Laurin : L'infrastructure constitue certainement un bon investissement pour les régimes de retraite. Je pense aux infrastructures financées en imposant des frais aux utilisateurs, comme les transports en commun, les aéroports ou les ports. Il y en a beaucoup, quand on commence à y réfléchir. Certains pays ont privatisé les infrastructures; nous avons donc des exemples.

Ces infrastructures sont excellentes pour les régimes de retraite parce qu'il s'agit d'investissements à long terme. Leur rendement est indexé à l'inflation et augmente à l'avenant. C'est important pour un régime de retraite. À l'époque, du moins quand on a commencé à en vendre dans d'autres pays — j'ignore ce qu'il en est de l'OIRPC et des autres régimes de retraite —, on obtenait apparemment de bons prix; le rendement était donc intéressant. Ce sont des investissements assez sûrs. Si on investit dans les transports en commun, c'est assez sûr. On peut compter sur les frais d'utilisation s'il s'agit d'un port ou d'un aéroport, tant qu'on les maintient et qu'on gère ses affaires rondement.

Je pense donc que nous pouvons tous convenir que les infrastructures constituent un bon investissement pour les régimes de retraite. On a beaucoup écrit sur la question, d'ailleurs.

La sénatrice Raine : Par exemple, est-ce qu'une banque d'infrastructure pourrait emprunter à un certain taux sur le marché financier, puis imposer un taux plus élevé à ses emprunteurs et faire ainsi de l'argent, comme le font d'autres banques?

M. Laurin : Je pense que nous ne connaissons pas encore tout le modèle de la banque d'investissement proposée, mais je doute qu'on envisage d'emprunter. À mon avis, le gouvernement emprunterait sa propre contribution, mais le reste du financement viendrait des régimes de retraite et d'autres sources. Les fonds ne seraient donc pas empruntés.

À l'heure actuelle, il convient que le gouvernement contracte des emprunts pour fournir sa part d'investissement dans les infrastructures, puisqu'il s'agit de toute évidence de sommes substantielles et qu'aucun revenu n'est généré actuellement. C'est aussi un actif. C'est une transaction au bilan. On achète un actif avec de l'argent emprunté; on a donc d'une part un actif, et de l'autre, un passif, et la dépréciation de l'actif constitue la seule dépense courante. Il convient donc d'agir ainsi, particulièrement si nous avons besoin d'infrastructures.

Nous adopterons un modèle différent, cependant, puisqu'il s'agit d'un modèle de financement reposant sur des frais d'utilisation. Les contribuables finissent par payer les infrastructures de toute façon. Nous finissons tous par les payer. La seule différence, c'est la manière dont on les paie.

M. John : La Fédération nationale des retraités appuie aussi les investissements du RPC en infrastructures, car ce sont d'excellents investissements, qui sont effectués à long terme et qui offrent un bon rendement. Ce qui sera différent, c'est la manière dont on procède.

On dirait qu'on propose maintenant une forme de privatisation des biens publics, et la propriété de ces biens publics contribue à réduire l'inégalité de la répartition de la richesse dans l'économie nationale. C'est un facteur important à prendre en compte en prévision de l'avenir. L'autre solution consiste à emprunter de l'argent à 0 p. 100 d'intérêt auprès de la Banque du Canada plutôt que de faire appel aux banques privées, puisque ces dernières imposeront un certain intérêt sur l'emprunt.

Le président : D'accord. Merci beaucoup. Ici encore, même avec la dernière observation, il me semble que la souplesse du RPC2 permettrait au gouvernement de s'en servir pour prêter de l'argent à sa nouvelle banque d'infrastructure à un taux qui garantirait la réussite, et au bout du compte, le contribuable finirait encore par payer la facture. D'une manière ou d'une autre, nous aurons les infrastructures. Ce n'est qu'une remarque faite en passant.

Monsieur Laurin, j'ai trouvé quelque chose d'intéressant dans votre exposé, dans le paragraphe où vous dites ce qui suit :

... des revenus de placement estimatifs qui permettent de couvrir les dépenses prévues du régime de pensions supplémentaire du Canada dans un avenir prévisible.

C'est le terme « avenir prévisible » qui m'intéresse. J'ai pris part à un processus relatif sur l'aide médicale à mourir, qui a mené au dépôt d'un important projet de loi au Parlement, dans lequel le terme « avenir prévisible » a été interprété par le ministre comme étant une période de six à huit mois. Il s'agissait dans ce cas de la mort raisonnablement prévisible. Je présume que votre « avenir prévisible » a un horizon bien plus long qu'une période de six à huit mois.

M. Laurin : C'est un extrait du projet de loi C-26. Il s'agit du libellé du projet de loi.

Le président : L'avenir prévisible diffère selon la situation, et c'est compréhensible.

Je tiens à vous remercier de tout cœur d'avoir témoigné. Une fois de plus, je remercie mes collègues de leurs questions.

Nous allons maintenant entreprendre l'étude article par article du projet de loi C-26. Auparavant, toutefois, je vous rappelle qu'un nombre considérable de fonctionnaires assistent à la séance. Je ne vous les nommerai pas tous, mais je vous indiquerai qu'ils viennent de divers services concernés par le projet de loi que nous examinons. Je tiens à les remercier d'être ici au cas où nous aurions besoin de leurs conseils sur l'interprétation de certains passages au cours de l'étude article par article. Merci.

Je veux aussi examiner quelques points avec mes collègues au sujet de notre processus. Je vous rappelle que si, à quelque moment que ce soit, vous ne savez plus où nous en sommes dans le cadre du processus, demandez simplement des éclaircissements et nous tenterons de dissiper tous les problèmes au fur et à mesure.

Compte tenu de la longueur du projet de loi, je veux vous proposer quelque chose. Je pense que le projet de loi comprend 76 articles. Je vous propose de les examiner en groupes de 10, mais si un membre a un amendement à proposer ou souhaite soulever une question au sujet d'un article d'un des groupes, qu'il le signale immédiatement, et nous examinerons cet article afin de régler la question.

Peut-être pourrions-nous convenir d'entrée de jeu que si vous voulez soulever des questions sur un article précis, nous les aborderons une fois rendus à l'article concerné.

Sur ce, nous allons entamer l'étude article par article du projet de loi C-26, Loi modifiant le régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu. Je mettrai les articles aux voix afin de procéder à l'étude article par article.

Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-26?

Des voix : Oui.

Le président : Le comité accepte. Merci.

Le titre est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : Merci.

Je vais maintenant vous demander officiellement si vous acceptez d'étudier le reste des articles en groupes de 10?

Des voix : Oui.

Le président : Le comité accepte. Merci beaucoup.

Les articles 1 à 10 sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 11 à 20 sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 21 à 30 sont-ils adoptés?

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Des voix : Oui.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 31 à 40 sont-ils adoptés?

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Des voix : Oui.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 41 à 50 sont-ils adoptés?

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Des voix : Oui.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 51 à 60 sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Le président : Adoptés avec dissidence.

Les articles 61 à 69 sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Le président : Adoptés avec dissidence.

L'annexe est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Le président : Adoptée avec dissidence.

Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Ai-je bien entendu? Il est adopté. Je déclare le titre adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

La sénatrice Stewart Olsen : Avec dissidence.

Des voix : Oui.

Le président : Le projet de loi est adopté avec dissidence.

Le comité souhaite-t-il que des observations soient annexées au rapport?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Le président : Voulez-vous que nous déclarions le huis clos ou poursuivions la séance en public?

Le sénateur Eggleton : Nous pouvons rester en public. Lorsque le ministre et certaines organisations ont témoigné, la question de ce qu'on appelle la « disposition d'exclusion » a été soulevée. Je pense que c'est une erreur que le projet de loi ne contienne pas de telle disposition, mais j'accepte aussi ce que le ministre a dit lorsqu'il a indiqué qu'il tenterait d'aborder la question auprès de ses homologues provinciaux plus tard au cours du présent mois.

Je pense que nous devons offrir un peu de soutien du ministre et lui faire part de notre préoccupation à cet égard, compte tenu de ce que nous avons entendu à ce sujet, en espérant que lorsqu'il parlera aux provinces, il dira : « Oh, et le Sénat considère aussi que je devrais intervenir à ce propos. »

L'observation est la suivante :

Le Régime de pensions du Canada comporte des dispositions qui permettent à une personne d'exclure du calcul de la valeur de sa pension du gouvernement les années au cours desquelles elle ne pouvait travailler en raison d'une invalidité ou de l'éducation des enfants. Ces dispositions permettent de veiller à ce que sa retraite du gouvernement ne soit pas diminuée en raison des années pendant lesquelles elle ne cotisait à peu près pas au RPC. Comme le RPC bonifié proposé dans le projet de loi C-26 n'inclut pas ces dispositions, les personnes qui doivent se retirer temporairement du marché du travail pour les motifs indiqués plus haut pourraient recevoir une pension moindre que leurs pairs. Le gouvernement devrait donc travailler avec les provinces pour veiller à ce que le RPC bonifié comporte ces dispositions.

Je propose cette observation.

Le président : D'accord. Le sénateur Eggleton propose cette observation, dont vous avez obtenu copie. Est-ce que quelqu'un souhaite intervenir?

La sénatrice Stewart Olsen : J'appuie l'observation.

Le président : Il n'est pas nécessaire de l'appuyer, mais cela montre qu'elle obtient un appui favorable.

Le sénateur Dean : J'indiquerais brièvement, à titre de visiteur au sein du comité, que c'est un message qui nous a été transmis clairement et largement, et j'appuierais également cette observation.

Le président : Merci beaucoup, sénateur. Je vous demanderai maintenant si vous acceptez qu'elle soit annexée au rapport.

Des voix : Oui.

Le président : Vous êtes d'accord. Merci.

Plaît-il au comité que je fasse rapport du projet de loi au Sénat avec l'observation en annexe?

Des voix : Oui.

Le président : Le comité accepte.

Je pense que cela met fin à notre étude article par article. Mesdames et messieurs, nous avons effectué, je crois, un excellent examen de ce projet de loi. Je tiens à souligner que les fonctionnaires se sont montrés disposés à nous aider à chaque étape du processus et nous ont préalablement donné des séances d'information. Il ne fait aucun doute que dans ce domaine, rien n'est parfait. Cependant, l'intention et l'objectif sont clairs. Nous avons décelé un certain nombre de problèmes auxquels se heurtent les Canadiens au cours de leur vie et à un âge avancé, et les choses sont incertaines dans l'avenir. Mais il semble que l'on s'entende pour dire, sans égard à la position que l'on adopte à l'égard de certaines parties du projet de loi, que les Canadiens méritent un coup de pouce supplémentaire dans l'avenir pour atteindre l'âge de la retraite.

Sur ce, je tiens à remercier les membres du comité de la manière dont ils se sont acquittés de ce processus. Je pense que c'est un autre exemple de la manière dont le comité s'occupe des questions importantes. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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