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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 21 - Témoignages du 10 avril 2017


OTTAWA, le lundi 10 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 13 h 30, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis le président du comité. Je demande à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, sénatrice de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, sénatrice de Montréal, au Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Hartling : Sénatrice Hartling du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, chers collègues. Je vous rappelle que nous continuons d'accueillir des témoins dans le cadre de l'étude du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence. On l'appelle communément la Loi sur le tabac et les produits de vapotage.

Aujourd'hui, nous recevons trois groupes de témoins.

Pour le premier groupe, je demanderai aux témoins de prendre la parole dans l'ordre qu'ils apparaissent dans mon ordre du jour. Heureusement, notre visiteur de marque par vidéoconférence figure au haut de la liste, étant donné que nous commençons toujours par nos témoins par vidéoconférence au cas où il arriverait un pépin avec le système. Il est essentiel que nous entendions leur présentation et, espérons-le, toutes leurs questions. À cette fin, j'invite le Dr John Britton, directeur du Centre d'études sur le tabac et l'alcool du Royaume-Uni, à prendre la parole.

John Britton, directeur, Centre d'études sur le tabac et l'alcool du Royaume-Uni, à titre personnel : Bonjour mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner. Je suis un professeur d'épidémiologie à l'Université de Nottingham et un consultant en médecine respiratoire à l'Hôpital de la Ville de Nottingham. Je lutte contre les effets du tabagisme en milieu clinique tous les jours.

En plus d'occuper le poste de directeur du centre d'études du Royaume-Uni, je suis également le président du groupe consultatif sur le tabac du Royal College of Physicians. Dans le cadre de ce rôle, j'ai été responsable de la production de deux rapports sur la réduction des dommages causés par le tabac. Le premier a été publié en 2007 sous le titre Harm reduction in nicotine addiction. Le deuxième rapport, qui a été publié l'année dernière, est intitulé Nicotine without smoke : Tobacco harm reduction et est principalement axé sur le rôle des cigarettes électroniques.

Nous savons tous que le tabagisme tue des gens, met fin prématurément à leur vie, cause des torts incalculables aux adultes et porte atteinte aux enfants et aux enfants à naître. Il favorise la pauvreté et constitue l'un des principaux déterminants des inégalités sociales dans le domaine de la santé. Le traitement du tabagisme représente une importante priorité de la santé publique dans tous les pays développés.

Traditionnellement, nous avons grandement réduit la prévalence du tabagisme au Canada, au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays en adoptant des mesures judicieuses de lutte contre le tabagisme comme les interdictions de publicité et les mises en garde relatives à la santé que le Canada a fortement encouragées, des politiques antitabac et ainsi de suite. Il n'y a aucun doute que ces mesures ont eu un effet. Si on examine les données sur la prévalence du tabagisme dans les groupes d'âge, il est très clair, du moins au Royaume-Uni, que ces mesures sont très efficaces pour empêcher les enfants de devenir des fumeurs. Cependant, elles se sont avérées beaucoup moins efficaces pour aider les fumeurs réguliers à cesser de fumer. En fait, de nos jours, les chances qu'un fumeur de 25 ans cesse de fumer au cours de sa vie sont probablement beaucoup moins élevées qu'elles ne l'étaient il y a 30 ans.

Nous avons besoin de mesures qui aident les fumeurs réguliers à arrêter de fumer. Non seulement elles sauveront des vies, mais les services de santé de notre société en tireront avantage maintenant, l'année prochaine et pendant les cinq prochaines années, contrairement aux mesures visant à empêcher les gens de commencer à fumer qui ne porteront leurs fruits que dans 50 ans.

L'idée que les fumeurs devraient apprendre à renoncer à la nicotine pour renoncer au tabac est devenue quelque peu sacro-sainte relativement au renoncement au tabac. Le rapport de 2007 du Royal College of Physicians que j'ai mentionné a vraiment fait valoir que ce n'était pas nécessairement le cas et que nous pourrions encourager les fumeurs à opter pour une autre source de nicotine et à simplement renoncer à la fumée. La logique étant que la nicotine est environ aussi dangereuse que la caféine. Ce sont les autres toxines présentes dans la fumée de cigarette qui tuent.

Lorsque le rapport a été publié, il existait peu d'options pour les fumeurs. Le principe a toutefois été validé en Suède, où l'utilisation de tabac oral a remplacé en grande partie la cigarette, donnant ainsi à la Suède l'un des taux de prévalence les plus faibles de tout pays développé. Il s'agit d'une conséquence de la transition des fumeurs vers un tabac sans fumée.

Nous n'avions pas d'options de rechange légales au Royaume-Uni. Les cigarettes électroniques sont arrivées sur le marché vers 2007-2008 et sont depuis devenues extrêmement populaires au Royaume-Uni. Notre gouvernement a adopté une attitude très libérale à l'égard de leur commercialisation et de leur utilisation. Par conséquent, nous nous trouvons maintenant dans une situation où 2,8 millions de fumeurs ont utilisé des cigarettes électroniques et environ 1,2 million d'anciens fumeurs réguliers utilisent des cigarettes électroniques.

On a obtenu ce résultat en plaidant fortement en faveur d'une transition vers un produit moins nocif pour les fumeurs qui ne peuvent pas cesser de fumer. Nous avons besoin d'une réglementation efficace pour veiller à ce que les produits fournissent de la nicotine et à ce qu'ils soient aussi sécuritaires que possible. Cependant, le point principal est d'être capable de faire la promotion de ces produits auprès des fumeurs.

La simple raison pour laquelle j'ai demandé à témoigner aujourd'hui concernant le projet de loi canadien est la disposition qui touche aux comparaisons avec la sécurité du tabagisme. Je crois qu'il est absolument essentiel que les professionnels de la santé puissent dire ceci aux fumeurs : « Nous ne connaissons pas les risques à long terme de ces produits. Il serait de loin préférable que vous cessiez de fumer et de consommer de la nicotine pour toujours. Cependant, si vous en êtes incapables, il va de soi que vous devriez opter pour un produit moins nocif. » À mon avis, il n'y a aucun doute que les cigarettes électroniques sont moins dangereuses que les cigarettes ordinaires.

Si le lobby de la santé ou l'opinion en matière de santé ne transmet pas clairement ce message, les fumeurs en perdent leur latin et commencent à penser que ces produits sont peut-être tout aussi dangereux et qu'il est donc inutile de changer leurs habitudes. Ils continuent donc de fumer. Il s'agit de ma principale préoccupation et c'est pour cette raison que j'ai demandé à témoigner aujourd'hui.

Je m'arrête ici, mais je serais heureux de répondre à toute question.

Le président : Merci beaucoup docteur Britton. Je suis maintenant heureux d'accueillir M. David Hammond, professeur agrégé de l'Université de Waterloo. Monsieur Hammond, vous avez la parole.

M. Hammond : Merci beaucoup. Bonjour, je suis un professeur de la School of Public Health de l'Université de Waterloo. Je suis un scientifique. Je fais de la recherche sur le tabagisme et les cigarettes électroniques, y compris les façons dont les produits sont conçus, commercialisés et utilisés par les consommateurs.

Je tiens à souligner que je n'accepte pas de fonds de l'industrie du tabac. Je ne représente pas d'organisation qui est pour ou contre les produits de vapotage ou du tabac. J'ai servi de conseiller pour des organismes de partout dans le monde, y compris de témoin expert dans des litiges concernant le tabac pour le compte du gouvernement du Canada et des contestations judiciaires relatives à l'emballage neutre pour le compte des gouvernements de l'Australie et du Royaume-Uni.

Dans l'ensemble, je suis d'avis que les mesures prévues dans le projet de loi S-5 pourraient améliorer la santé publique au Canada. Plus particulièrement, la proposition visant à imposer un emballage neutre renforcerait les restrictions de commercialisation du tabac.

J'ai suivi les audiences qui ont eu lieu la semaine dernière. J'admets que je suis un peu préoccupé par certaines des informations erronées sur l'emballage neutre, notamment l'incidence de l'emballage neutre en Australie. Il est indéniable que l'Australie a connu la baisse la plus importante de son histoire dans la prévalence du tabagisme après avoir imposé l'emballage neutre. Selon l'analyse la plus poussée à avoir été menée à ce jour, après avoir tenu compte des hausses de taxe et des autres mesures mises en place pendant la période en question, l'emballage neutre a permis de réduire de plus de 100 000 le nombre de fumeurs australiens. Si l'emballage neutre avait le même effet au Canada, cela se traduirait par une baisse de 190 000 fumeurs. Les données scientifiques sur l'emballage neutre proviennent de près de 100 études scientifiques publiées qui concordent avec les données australiennes.

J'encourage tous les gens qui doutent de l'importance de l'emballage et de l'image de marque à lire les centaines, voire les milliers, de documents de l'industrie du tabac auparavant secrets qui décrivent clairement le travail de recherche et de conception que font les compagnies de tabac sur les images de marque qui figurent sur les emballages et l'importance de celles-ci pour la promotion du tabagisme.

Les faits montrent clairement que moins de gens veulent essayer des cigarettes dans un emballage neutre. L'emballage neutre augmente la perception du risque et renforce l'effet des mises en garde. Il ne s'agit pas seulement de l'opinion de la communauté scientifique, ces faits ont aussi été établis dans des décisions judiciaires de la Haute Cour britannique et de la Haute Cour d'Australie.

J'aimerais corriger certaines des informations erronées qui ont été présentées au comité au sujet de l'emballage neutre et du tabac illicite. Il y a toute une gamme de sources d'information différentes sur le tabac illicite en Australie, y compris des données du Service des douanes et de la protection des frontières de l'Australie. Ces sources ne révèlent aucune hausse du commerce du tabac illicite découlant de l'emballage neutre. En fait, seules les compagnies de tabac suggèrent que l'emballage neutre a augmenté le marché du tabac illicite.

Les chiffres présentés au comité par les compagnies de tabac proviennent d'une étude qu'elles ont payée et qui a été préparée par KPMG. Ce que les compagnies ne vous ont pas dit c'est que, en raison de la méthodologie utilisée, KPMG leur a explicitement déconseillé d'utiliser ces chiffres comme indicateur du commerce de tabac illicite en Australie. En fait, un associé à KPMG a écrit à la ministre de la Santé publique du Royaume-Uni pour l'informer que les compagnies présentaient les chiffres sous un faux jour afin de s'opposer à l'emballage neutre.

Les compagnies vous ont dit que l'emballage neutre facilite la contrefaçon des paquets de cigarettes. Elles ne vous ont pas expliqué que KPMG a examiné plus de 12 000 paquets de cigarettes usagés sur une période de trois ans suivant l'imposition de l'emballage neutre. L'entreprise est arrivée à la conclusion qu'il n'y avait aucune preuve que des paquets de cigarettes à emballage neutre avaient été contrefaits. L'affirmation que les emballages neutres augmentent le commerce de tabac illicite est tout bonnement inexacte.

Je tiens à parler brièvement des propositions sur les produits de vapotage. Un consensus se dégage du témoignage du Dr Britton au comité et de celui d'autres témoins : les fumeurs devraient avoir accès à des produits de nicotine vaporisés. J'appuie fortement cette position. Pratiquement tous les 5 millions de Canadiens qui fument souhaitent arrêter de fumer et les produits de vapotage permettront à certains d'entre eux de le faire.

Cependant, j'ai de sérieuses réserves quant à la grande quantité de publicité permise aux termes du projet de loi. Bien que le projet de loi vise à prévenir les publicités que les jeunes trouveraient attirantes, cette distinction sera beaucoup plus évidente dans la loi que dans la vraie vie. Il serait naïf d'assumer que la publicité destinée aux adultes ne stimulera pas l'intérêt des jeunes pour les produits de vapotage. De plus, il est très difficile d'appliquer les interdictions de publicité destinée aux jeunes.

Il ne fait aucun doute que la publicité permise aux termes du projet de loi augmenterait l'utilisation des produits de vapotage. La question est de savoir si elle augmentera les types d'utilisation qui contribuent à la santé publique.

Les cigarettes électroniques sont utilisées pour de nombreuses raisons, mais leur utilisation par les fumeurs qui essaient d'arrêter de fumer constitue la seule raison qui contribue à la santé publique. À mon avis, les fumeurs n'ont pas besoin de publicités de style de vie pour les encourager à changer de produits. Ce n'est pas parce que les produits de vapotage sont prestigieux, sexy ou amusants que la plupart des fumeurs optent pour eux, mais parce qu'ils ont une dépendance à la nicotine et ils ne veulent pas mourir des suites du tabagisme.

Le seul style de vie qui mérite d'être encouragé par la publicité sur les produits de vapotage est le style de vie des non-fumeurs. Ironiquement, il s'agit d'une des formes de publicité qui seraient interdites. Conformément au projet de loi S-5, il est interdit de publiciser des produits de vapotage d'une façon qui suggère que leur utilisation aurait un effet bénéfique sur la santé ou qui compare les effets des produits de vapotage et des produits du tabac sur la santé. C'est un problème. Il s'agit d'un problème si l'objectif consiste à cibler les fumeurs afin de leur dire que les produits de vapotage sont nocifs, mais moins nocifs que le tabagisme. En revanche, le projet de loi permettrait aux entreprises de faire la promotion des produits de vapotage d'une manière qui n'aura probablement guère ou pas d'effets bénéfiques sur la santé publique, c'est-à-dire en affirmant que les produits de vapotage sont amusants, qu'ils ont bon goût et qu'ils sont pratiques pour les occasions où il est interdit de fumer.

Enfin, je voudrais parler brièvement des arômes. Je tente depuis longtemps de comprendre la raison pour laquelle il est interdit de faire la promotion d'arômes attrayants pour les enfants, mais les arômes eux-mêmes sont permis. Si ces arômes ciblent de préférence les jeunes, ce qui est bel et bien le cas, ils devraient être carrément interdits. Les fumeurs n'ont pas besoin de nicotine aromatisée à la barbe à papa ou au beurre d'arachide et à la confiture pour cesser de fumer.

En conclusion, je suis d'avis qu'on ne devrait absolument pas faire la promotion des produits de vapotage au moyen de publicités de style de vie et qu'aucune publicité ne devrait être diffusée à la télévision, à la radio ou par d'autres moyens de communication importants. Les restrictions quant à la publicité devraient être semblables à celles imposées aux produits du tabac, du moins pour le moment. Il est toujours possible de privilégier les produits de vapotage aux produits fumés par d'autres moyens, notamment des taxes réduites, des mises en garde discrètes, l'emballage, et cetera. De plus, le projet de loi devrait permettre des affirmations strictement réglementées selon lesquelles les produits de vapotage sont nocifs, mais moins nocifs que le tabagisme.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Avant de laisser la parole à mes collègues, je leur rappelle que chaque membre du comité a droit à une question par tour. Puisqu'un de nos témoins participe par vidéoconférence, il est particulièrement important que vous indiquiez à qui vous adressez votre question. Même si votre question s'adresse aux deux témoins, je vous demande d'en choisir un pour répondre en premier. Je donnerai à l'autre témoin l'occasion de répondre par après.

Enfin, je tiens à vous rappeler que ces témoins seront avec nous jusqu'à 14 h 30 au plus tard. Cela dit, nous entamons la première série de questions.

La sénatrice Petitclerc : Ma première question s'adresse à vous, docteur Britton. Le projet de loi doit couvrir beaucoup d'éléments, mais avant de me lancer dans cette discussion, j'aimerais connaître votre point de vue puisque vous l'avez mentionné un peu.

Beaucoup de gens ont mentionné l'effet à court terme de la nicotine dans les produits de vapotage, mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur l'effet à long terme escompté ou prévu des cigarettes électroniques.

Monsieur Hammond, vous pourrez bien entendu prendre la parole après le docteur Britton.

Dr. Britton : La nicotine augmente le rythme cardiaque et la tension artérielle et cause la contraction des vaisseaux sanguins. Comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, ces effets sont, dans l'ensemble, comparables à ceux de la caféine. Il ne s'agit pas d'une drogue particulièrement dangereuse à part entière. Il serait préférable de ne pas la consommer, mais il ne s'agit pas d'une drogue qui peut causer la mort par elle-même.

Nous ne connaissons pas les effets à long terme des autres composantes de la vapeur. En fait, nous ne savons pas quels sont les effets à long terme possibles de l'inhalation de la nicotine pure. Nous ne connaissons pas les effets à long terme sur les poumons de l'exposition au propylèneglycol, à la vapeur qui contient de la glycérine et aux toxines produites par le processus de vapotage au moyen des composantes du fluide, notamment de l'acroléine, des toxines possiblement cancérogènes, des particules et, dans le cas des solutions aromatisées, des oxydants dans la vapeur.

À long terme, je m'attends à ce que ces substances provoquent des problèmes pulmonaires. Le sujet est couvert dans le rapport de l'année dernière du Royal College of Physicians. Nous nous attendons à ce que l'éventail des dommages comprenne des maladies pulmonaires semblables à celles actuellement causées par le tabagisme, mais à un niveau de risque beaucoup plus faible. Par conséquent, au cours des 50 prochaines années, j'estime qu'il y aura une poignée de cas de cancer du poumon causé par le vapotage. On doit toutefois comparer ce nombre aux dizaines de milliers de cas de cancer du poumon qui seront probablement causés par le tabagisme.

Bien que nous ayons cette perspective, les cigarettes électroniques ne sont pas sécuritaires ou, devrais-je dire, il est très peu probable qu'elles soient sécuritaires. Il faudra attendre deux ou trois décennies avant d'apprendre à quel point elles sont sécuritaires. Nous pouvons toutefois prédire, selon la quantité de toxines dans la vapeur, que le risque sera très faible comparativement à celui du tabagisme. Dans son rapport, le Royal College of Physicians indique qu'il est très peu probable que les cigarettes électroniques posent plus de 5 p. 100 des risques du tabagisme.

Puis-je faire une observation sur les arômes dans ma réponse? Je connais très bien David Hammond. Je respecte ses opinions dans la plupart des domaines de la lutte contre le tabagisme.

En ce qui concerne les arômes au Royaume-Uni, de nombreux fumeurs ont horreur des solutions de nicotine pure. Je trouve surprenant qu'ils n'éprouvent aucune difficulté à inhaler la fumée du tabac, mais que les solutions de nicotine les dégoûtent. Beaucoup de fumeurs utilisent des arômes que certains considèrent comme des arômes pour enfants afin de rendre les produits de vapotage tolérables. C'est pour cela que je pense que le gouvernement a raison d'empêcher les compagnies de publiciser des arômes comme des arômes pour enfants, sans toutefois interdire les arômes. Je crois que l'élimination des arômes dans les produits de vapotage réduirait considérablement le nombre de fumeurs disposés à opter pour les produits de vapotage, ce qui nuirait à la santé publique.

M. Hammond : Je fais écho à tous les propos du Dr Britton sur les effets à long terme sur la santé.

Ce débat a été l'un des plus difficiles pour le milieu de la santé publique. À première vue, il semble y avoir beaucoup de preuves contradictoires. En réalité, je pense qu'il y a deux positions. Certaines personnes affirment que les cigarettes électroniques sont probablement nocives. D'autres personnes disent que les cigarettes électroniques sont moins nocives que le tabagisme. Ces deux affirmations sont probablement vraies.

J'ai lu des dizaines de milliers de documents produits par l'industrie du tabac. Même dans les années 1950, des chercheurs de Philip Morris disaient qu'ils ne croyaient pas pouvoir grandement assainir la fumée. Ils ont dit qu'ils essaieraient, mais que si c'était nécessaire, ils seraient probablement obligés d'utiliser un autre vecteur, comme la vapeur, pour transmettre la nicotine.

Nous avons tendance à traiter les cigarettes électroniques comme un produit exotique. Il existe déjà des produits médicaux qui fournissent de la nicotine par différents moyens. Si vous mâchez de la gomme, vous absorbez de la nicotine par la bouche ou le haut de la gorge. Si vous utilisez un timbre, vous absorbez de la nicotine par la peau.

Le mode d'utilisation est très important lorsqu'il est question de déterminer le niveau de risque. Rien n'est aussi sale que la fumée.

Comme le Dr Britton l'a dit, nous nous trouvons dans une impasse car il faudra attendre plusieurs décennies avant de pouvoir estimer précisément le risque posé par les produits de vapotage parce qu'il y a une période de décalage pour bien des maladies. Cependant, il existe suffisamment de preuves pour maintenant affirmer que les produits de vapotage seront moins nocifs que les produits du tabac fumés, bien qu'il soit probable qu'ils nuiront aussi à la santé de leurs utilisateurs. C'est pour cette raison que je décris toujours le vapotage comme nocif, mais moins nocif que le tabagisme.

Il a fallu quelques années, mais vous commencez à voir un consensus chez les organismes de santé publique.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup tous les deux de vos présentations. Si vous le permettez, j'aimerais poursuivre dans la même ligne de pensée que la sénatrice Petitclerc puisque vous avez tous les deux mentionné la réduction des méfaits et la comparaison des risques.

Le Dr Britton, en particulier, s'est servi de la Suède comme exemple d'un endroit où est utilisé un produit du tabac non combustible. Il a clairement indiqué que le projet de loi interdit ce type de comparaison des risques. En effet, bien que les cigarettes électroniques puissent passer par les voies normales prévues dans la Loi sur les aliments et drogues, ce n'est pas le cas des produits du tabac non combustibles.

J'aimerais donc poser la question suivante à nos deux témoins, en commençant par le Dr Britton, puisqu'il est celui qui a soulevé le problème : comment pouvons-nous corriger la disposition du projet de loi dont vous faites mention? S'il est si important de pouvoir parler de la réduction des méfaits et de la comparaison des risques, que devrions-nous faire avec le projet de loi pour régler le problème?

Dr Britton : Eh bien, je pense qu'il est important que les professionnels de la santé, les leaders d'opinion en matière de santé publique et les gouvernements puissent parler de ces produits de la façon décrite par M. Hammond, soit en reconnaissant simplement la vérité, à savoir que les produits de vapotage ne sont pas sécuritaires, mais qu'ils sont considérablement moins nocifs que le tabagisme. Sans ce message clair, les fumeurs arriveront à la conclusion que c'est du pareil au même. Par conséquent, si le gouvernement ou mon médecin ne sanctionne pas leur utilisation, je pourrais très bien continuer de fumer. Je vous recommande donc de simplement enlever l'interdiction de faire des comparaisons.

La solution varie selon le fonctionnement de la Loi sur les aliments et drogues. Au Royaume-Uni, il est interdit aux fabricants de cigarettes électroniques de déclarer que leur produit peut aider les fumeurs à arrêter de fumer puisqu'il s'agit d'une allégation médicinale. Pour faire une telle allégation, ils seraient obligés d'obtenir l'équivalent britannique d'un agrément de la part de la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency. Il serait formidable que certains d'entre eux le fassent. Cependant, bien que notre agence ait adopté, en 2010, une attitude qu'elle juge libérale à l'égard de la réglementation de la nicotine dans des produits comme les cigarettes électroniques, pas un seul produit n'a été approuvé et mis en marché. Je crois donc que bien que nous préférerions tous que ces produits répondent aux normes médicinales afin de garantir un risque minimal pour les utilisateurs, il n'en demeure pas moins que la réglementation des médicaments est un processus trop lent et complexe. Des gens meurent à cause d'un manque de produits pendant que nous attendons l'approbation médicinale.

En tout cas, le Royaume-Uni a fait un compromis. Il a interdit toute allégation qui donne l'impression que le produit est un médicament, mais il permet aux entreprises de déclarer que le produit est probablement beaucoup moins nocif que le tabagisme et que les fumeurs devraient donc opter pour celui-ci.

M. Hammond : Écoutez, je pense qu'il s'agit d'une très bonne question. Je me la pose moi-même ces derniers jours.

Je commencerai par dire que la Loi sur les aliments et drogues comprend un cadre qui régit les allégations thérapeutiques associées au renoncement au tabac. Je pense que ce cadre est important, surtout puisqu'il permet potentiellement d'accroître la publicité. De plus, on devrait inciter les entreprises à suivre ce processus si elles croient avoir un produit thérapeutique. Ce processus demeure important.

Ma suggestion ou ma préférence serait de permettre une allégation strictement réglementée. Je suis parfaitement conscient de ce que les gens pensent de l'idée de laisser l'industrie dicter la communication sur les risques pour la santé et les risques relatifs. Je crois que l'idée soulève quelques préoccupations. Je préférerais permettre une allégation strictement réglementée, quelque chose de simple comme « le produit est nocif, mais moins nocif que le tabagisme ». J'estime que ce message revêt une importance fondamentale. Il ne vise pas à sanctionner l'utilisation des produits de vapotage, mais à reconnaître les faits. Comme je l'ai dit, il nous a fallu un certain temps pour arriver à ce point, mais je pense qu'il est temps que nous reconnaissions les risques potentiels. Je ne veux pas donner carte blanche à l'industrie pour encadrer la communication sur la santé. Je préférerais que ce soit strictement réglementé.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup tous les deux de votre présence parmi nous. Vous êtes d'excellents témoins et je pense que vous nous aidez beaucoup.

Je souscris à l'argument qui veut que les produits de vapotage soient moins nocifs, même s'il faudra attendre un certain temps avant d'en apprendre les effets à long terme. Je crois que vous avez tous les deux mentionné ce fait. Je souhaite revenir aux arômes puisque, à mon avis, on essaie de dissuader les enfants d'utiliser ce type de produits, tout comme on essaie de les dissuader de fumer étant donné qu'on ne veut pas qu'ils s'intéressent au tabagisme. On souhaite les tenir à l'écart des produits de vapotage et on a l'impression que les arômes qui les attirent, comme l'arôme à la gomme à mâcher et ainsi de suite, pourraient les inciter à essayer les produits et ouvrir la porte à leur utilisation. Nous voulons donc prévenir cette situation.

Cependant, nous reconnaissons que les arômes peuvent aider les gens à cesser de fumer. Les personnes auxquelles j'ai parlé et qui partagent la deuxième opinion pensent que l'arôme du produit est important.

Où doit-on tirer la ligne? Quelles mesures devons-nous prendre à l'égard des arômes pour garder les produits de vapotage hors de la portée des enfants tout en les rendant attrayants pour les gens qui veulent arrêter de fumer? On me dit qu'il faut tenir compte du goût dans cette situation. J'aimerais d'abord entendre l'avis de M. Hammond à ce sujet et ensuite celui du Dr Britton.

M. Hammond : Je tiens d'abord à dire que je suis d'accord avec vos propos et ceux du Dr Britton, selon lesquels l'arôme est très important.

Vous pouvez permettre l'utilisation d'arômes sans toutefois approuver tous les arômes. Dans le cadre de nos recherches, nous avons demandé à des dizaines de milliers de jeunes s'ils avaient consommé les produits et quel arôme ils avaient essayé. Nous avons aussi mené des études expérimentales pour déterminer l'attrait de différents arômes. Il y en a qui ciblent de préférence les enfants, comme les arômes de nombreux types de bonbons. Il y en a d'autres qui peuvent être attrayants pour les adultes et les enfants, mais qui ne ciblent pas de préférence les enfants, comme les arômes de fruits.

Je ne suggère pas d'interdire les arômes. Je propose simplement d'interdire ceux qui ciblent de préférence les enfants. Je pense qu'il existe de grandes possibilités pour les arômes qui sont privilégiés par de nombreux fumeurs, comme ceux à la menthe, aux fruits et ainsi de suite. Pour commencer, ces arômes sont certains des plus courants qui existent. Je ne propose pas de les interdire, mais je ne crois pas que ceux qui ciblent de préférence les enfants soient nécessaires. L'arôme le plus intéressant que j'ai vu à ce jour est celui à corne de licorne. Je pense que nous devons fixer des bornes pour garder les arômes dans les limites du raisonnable.

Dr Britton : Je suis du même avis. J'ai peut-être une attitude un peu plus libérale à l'égard des arômes. Selon le sondage de l'Action on Smoking and Health que j'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage, au Royaume-Uni, 42 p. 100 des utilisateurs de cigarettes électroniques utilisent des produits aromatisés aux fruits, 23 p. 100 des produits aromatisés au tabac et 13 p. 100 des produits aromatisés au menthol. Les arômes de fruits pour les adultes sont donc très importants.

Il y a un groupe de discussion composé de fumeurs à Nottingham dont nous nous servons pour mettre à l'essai des idées de recherche sur des adultes et obtenir leur rétroaction sur ce que nous faisons. À une occasion, nous avons tenu une session sur les arômes et leur importance. Le groupe compte quelques vapoteurs et ils ont dit qu'il serait très difficile pour eux de continuer à consommer des produits de vapotage si ceux-ci n'étaient plus aromatisés.

Je pense qu'il est essentiel de permettre aux entreprises d'aromatiser leurs produits. Il se peut que j'aie mal compris le projet de loi, mais je croyais que votre objectif consistait à empêcher la promotion des arômes d'une façon attrayante pour les enfants. Je ne vois pas pourquoi il serait impossible d'avoir une cigarette électronique sur une tablette dans une bouteille ordinaire sur laquelle il est écrit : « arôme de cerise ». De cette façon, un fumeur pourrait l'utiliser.

Le problème avec les arômes, c'est que la plupart de ceux qui sont utilisés dans le fluide des cigarettes électroniques sont des aromatisants alimentaires, qui n'ont jamais été conçus pour être chauffés. Une grande partie des toxines présentes dans les différentes vapeurs des cigarettes électroniques proviennent du chauffage des arômes. Par conséquent, je conseille grandement à mes patients qui fument d'utiliser une solution non aromatisée dans la mesure du possible. Lorsque c'est impossible, je leur recommande le menthol puisqu'il s'agit probablement de la meilleure option dans la plupart des circonstances, mais il est préférable d'éviter les arômes de fruits.

Il n'en demeure pas moins que de nombreux fumeurs veulent se prévaloir de cette option. À mon avis, ce serait donc une erreur de la retirer.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie d'être parmi nous.

Docteur Britton, le gouvernement du Royaume-Uni a-t-il vraiment déclaré que les cigarettes électroniques peuvent aider les fumeurs à arrêter de fumer? A-t-il réellement fait cette déclaration?

Dr Britton : J'essaie de penser à une déclaration qui dit explicitement d'utiliser des cigarettes électroniques.

Le gouvernement du Royaume-Uni a affirmé à plusieurs reprises que les mesures de réduction des méfaits constituent, de diverses manières, un complément important aux mesures de lutte contre le tabagisme déjà adoptées. Les deux dernières politiques antitabac dans notre stratégie de réforme de la lutte contre le cancer en sont un exemple. Public Health England, qui dirige maintenant la santé publique et qui relève du National Health Service de l'Angleterre, s'est prononcée fortement en faveur des cigarettes électroniques en déclarant qu'elles représentent une bonne chose pour la santé publique anglaise. Un document a été publié l'année dernière qui dresse la liste des organismes médicaux qui appuient cette position, c'est-à-dire la grande majorité d'entre eux.

Nous sommes dans une situation où, comme M. Hammond l'a indiqué, de plus en plus de gens s'entendent pour dire que ces produits sont utiles. Les services antitabac offerts par le National Health Service ont commencé à les adopter. Il y a environ un an, le National Centre for Smoking Cessation and Training, un organisme d'enseignement et de leadership relatif à ces services, a publié un document d'information qui explique comment intégrer la cigarette électronique au traitement des fumeurs et aux soins éprouvés en matière de renonciation au tabac qui leur sont offerts.

Nous en sommes donc à peu près là. Il y a quelques voix dissidentes au Royaume-Uni, comme partout dans le monde, mais l'utilité des cigarettes électroniques est plus ou moins reconnue. Est-ce que cela répond à votre question?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Je demeure sceptique quant à la possibilité que des politiciens aient réellement dit que les produits de vapotage sont utiles. Merci.

M. Hammond : Je suis un chercheur. Par conséquent, j'estime toujours qu'il faut plus de recherches. Nous avons toutefois effectivement besoin de plus de données scientifiques pour déterminer si, par exemple, les cigarettes électroniques sont aussi efficaces que d'autres formes de thérapie de remplacement de la nicotine. Sont-elles plus ou un peu moins efficaces? Nous savons que leur utilisation est définitivement plus attrayante.

Je tiens à revenir aux propos du Dr Britton. Je pense qu'il est important de faire la distinction entre deux aspects des produits de vapotage : leurs méfaits relatifs et leur efficacité à titre de dispositif utilisé pour cesser de fumer. Je soupçonne que ces deux aspects finiront par devenir une réalité, mais je crois que nous avons certainement plus de raisons de croire en la différence des méfaits relatifs en ce moment.

J'aimerais faire faire valoir un petit point sur le double usage. J'ai toujours dit que je crois personnellement que les produits de vapotage seront bénéfiques à la santé publique, mais cela dépend encore une fois de la façon dont ils sont utilisés. Le double usage est l'une de leurs principales utilisations au Canada, c'est-à-dire que les consommateurs fument et utilisent aussi un produit de vapotage. À ce jour, nos meilleures données scientifiques suggèrent qu'il n'y a peut-être pas d'avantages pour la santé à utiliser la cigarette électronique de cette façon. Il faut arrêter de fumer pour voir un avantage. Il se peut que certaines personnes utilisent des produits de vapotage pour réduire leur consommation de cigarettes et qu'elles prévoient cesser de fumer à long terme, ce qui serait un résultat positif. Il faut toutefois veiller à ce que ces produits soient présentés comme un outil qui aide les gens à arrêter de fumer et non simplement comme un complément au tabagisme. C'est à ce point que je revisiterais certains des messages liés aux publicités.

Je suis désolé si je me suis éloigné un peu de votre question dans ma réponse, mais elle était liée à l'idée du positionnement de l'utilisation des produits de sevrage tabagique.

Le président : Docteur Britton, vous vouliez reprendre la parole.

Dr Britton : En effet, je veux revenir à la question du double usage et faire un point qui, selon moi, n'a pas encore été fait. M. Hammond parle de notre manque de compréhension à l'égard de ces produits relativement aux thérapies établies et autorisées de remplacement de la nicotine.

Je veux soulever deux ou trois points à cet égard.

D'abord, au Royaume-Uni, la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, dans ses efforts pour assouplir ou simplifier la réglementation de la nicotine, a déclaré que tout produit qui fournit de la nicotine est un outil efficace pour cesser de fumer. Son efficacité dépend de la rapidité à laquelle la nicotine est fournie et de la quantité de nicotine qui peut être fournie. Par conséquent, si une cigarette électronique fournit de la nicotine, elle est considérée comme un produit de sevrage tabagique.

Il est toutefois très important de reconnaître que la force des cigarettes électroniques et des autres produits semblables qui pourraient voir le jour réside dans le fait qu'ils sont, d'abord et avant tout, des produits de consommation sociaux qui servent de solution de rechange aux cigarettes. Ils ne constituent pas une thérapie. La décision thérapeutique est prise par le fumeur qui se présente à un marchand de journaux ou de tabac ou tout autre endroit qui vend du tabac au Canada et pense : « Eh bien, je vais acheter une cigarette électronique au lieu d'un paquet de cigarettes aujourd'hui. » Il ne s'engage pas à arrêter de fumer. Il décide simplement d'essayer un autre produit et il y aura donc inévitablement un énorme double usage de ces produits.

L'approche du Royaume-Uni, qui est incarnée par l'orientation du National Institute for Health and Care Excellence, vise à encourager les fumeurs à consommer une autre source de nicotine en parallèle avec la cigarette parce que cela les incitera à cesser de fumer. L'approche repose simplement sur le fait qu'un fumeur qui ne pense pas pouvoir passer une journée sans fumer une cigarette commencera à croire, après avoir essayé un produit de rechange et découvert qu'il peut bel et bien se rendre, disons, jusqu'à l'heure du dîner sans fumer une cigarette, que s'il peut passer quatre heures sans fumer, il peut en passer huit et que s'il peut en passer huit, il peut passer toute une journée et ainsi de suite.

Il existe des données qui prouvent que les fumeurs qui commencent à utiliser un autre produit de nicotine pendant qu'ils fument sont beaucoup plus susceptibles, soit deux fois plus susceptibles, de cesser de fumer que ceux qui ne le font pas. Je suis complètement d'accord avec M. Hammond. L'avantage pour la santé d'utiliser un produit de vapotage est négligeable lorsque les fumeurs continuent de fumer, mais l'avantage pour ceux qui font entièrement la transition vers une autre source de nicotine est énorme.

L'essentiel est de positionner les produits de vapotage comme des produits de consommation et non comme des produits médicinaux. Nous ne devrions pas les considérer comme des produits de sevrage tabagique, mais plutôt comme des substituts de tabac.

La sénatrice Petitclerc : Ma question s'adresse à vous, docteur Britton. Comme vous le savez, le projet de loi vise à trouver un juste milieu entre la protection des jeunes et l'accès des fumeurs qui veulent arrêter de fumer aux produits de vapotage. Je veux savoir si, dans votre expérience et dans celle du Royaume-Uni, vous avez observé un certain effet secondaire sur le marché. Autrement dit, après la mise en marché et la promotion des produits de vapotage et la diffusion de publicités et de renseignements sur ceux-ci, pensez-vous que le Royaume-Uni a réussi à limiter l'utilisation des produits de vapotage aux fumeurs qui voulaient arrêter de fumer ou a-t-il créé un tout nouveau marché pour les non-fumeurs commençant à vapoter? Je sais que nous parlons surtout de la porte d'entrée que constituent les produits de vapotage pour les enfants, mais elle en est une aussi pour les adultes non-fumeurs.

M. Britton : En bref, au Royaume-Uni, les cigarettes électroniques sont utilisées presque uniquement par des fumeurs. La préoccupation que vous exprimez, c'est-à-dire que les jeunes pourraient développer une dépendance à ces produits et devenir des fumeurs, en est une que nous partageons tous. Pendant les quatre années pour lesquelles nous disposons de données appréciables concernant le Royaume-Uni, cela n'a pas été le cas. L'utilisation de la nicotine est négligeable chez les jeunes non-fumeurs.

Quand on y pense, c'est logique, puisque contrairement à d'autres drogues qui se vendent dans la rue ou de façon illégale, la nicotine ne produit pas d'effet de bien-être. Les expériences précoces avec cette substance, comme s'en rappelleront ceux qui sont maintenant assis autour de cette table, sont en fait assez négatives.

Au Royaume-Uni, beaucoup de jeunes expérimentent avec les cigarettes électroniques pour la simple raison que les adolescents sont portés à essayer de nouvelles choses. Cependant, pour la grande majorité d'entre eux, c'est un seul essai, et après ils se disent « à quoi bon? », puis ils passent à autre chose.

L'utilisation de la part de personnes qui n'ont jamais fumé est négligeable. Jusqu'à présent, du moins, il n'y a pas de raison de se préoccuper d'un effet de passerelle.

M. Hammond : Je peux certainement parler du marché canadien. Un très grand nombre de jeunes Canadiens, y compris des non-fumeurs, essaient les cigarettes électroniques, mais il est aussi vrai que très peu d'entre eux les utilisent régulièrement par la suite. La plupart d'entre eux les essaient une ou deux fois et c'est fini. Quant au Royaume-Uni, je pense pouvoir dire sans me tromper que les taux d'utilisation régulière chez les jeunes non-fumeurs sont négligeables. C'est très important, pour toutes les raisons citées par le Dr Britton.

Par contre, je dirais qu'il ne s'agit pas d'un quotient fixe. Un aspect dont beaucoup de personnes parlent est l'évolution de ces dispositifs et de leur capacité à fournir la dose de nicotine. Du point de vue des fumeurs, les cigarettes électroniques doivent faire concurrence aux cigarettes comme vecteur de nicotine. On entend beaucoup parler d'une meilleure administration de la nicotine au cours de prochaines années. Donc, le facteur de conversion qui est actuellement très bas depuis l'utilisation d'essai à l'utilisation régulière ne sera peut-être pas un quotient fixe. Je ne dis pas cela pour sonner l'alarme. J'ai déjà affirmé que nous devrions rendre ces produits plus accessibles aux fumeurs, mais je souligne qu'il ne faut pas tenir ce quotient pour acquis.

En plus du produit même et de la substance même, le marketing et la promotion seront très importants pour définir qui utilisera les cigarettes électroniques. Le projet de loi vise à établir un équilibre, et c'est important de le faire.

La sénatrice Seidman : Tous les deux, vous nous fournissez des témoignages très importants, et je vous en remercie beaucoup.

Je voulais vous poser des questions au sujet de l'effet de passerelle et je voulais savoir si les cigarettes, surtout les cigarettes électroniques, auraient comme effet de normaliser à nouveau le tabagisme après d'importantes campagnes de santé publique pour lutter contre celui-ci au fil des décennies. Vous avez déjà couvert ce sujet en partie, mais il n'existe pas beaucoup de preuves scientifiques à ce sujet jusqu'ici et je me demande si vous pourriez m'aider à comprendre.

Par exemple, 25 p. 100 des jeunes Canadiens de 15 à 19 ans et 33 p. 100 des jeunes adultes de 20 à 24 ans ont déjà essayé une cigarette électronique. Ces chiffres sont des statistiques récentes de 2015. Alors, 18 p. 100 des élèves de la 6e à la 12e année ont déjà essayé des cigarettes électroniques.

Donc, c'est assez bas, mais qu'en pensez-vous et pouvez-vous dire de quelles preuves scientifiques nous avons besoin pour confirmer que nous ne sommes pas en fait sur le point de normaliser à nouveau le tabagisme pour une toute nouvelle génération? Monsieur Hammond, peut-être pourriez-vous répondre en premier.

M. Hammond : Nous ne le savons pas et nous ne pouvons pas le savoir à l'avance. En revanche, nous connaissons les façons dont la publicité et le marketing façonnent les normes sociales et nous savons de quelle façon ils ont fait cela pour le tabagisme. Pendant la première moitié du XXe siècle, on a fait la promotion du tabagisme, et nous avons passé la deuxième moitié à essayer de réparer les dommages. Enfin, nous avons fini par choisir les emballages neutres normalisés.

Nous savons que c'est possible.

Je me considère comme assez centriste à cet égard, mais lorsqu'on songe à permettre des publicités à la télévision et à la radio, même si l'on essayait d'éviter le croisement d'images de marque, ce serait extrêmement difficile, comme je l'ai dit, de déterminer ce qui serait destiné aux adultes et ce qui le serait aux jeunes. Lorsque nous aurons compris la différence, cinq ou dix ans se seront écoulés.

Je reviens à la question de savoir si la publicité et le marketing favoriseront une utilisation qui sera bénéfique à la santé publique ou s'ils y nuiront, car, bien que cet aspect soit encore négligeable aujourd'hui, il pourra à l'avenir être nuisible. Même si la publicité et le marketing n'incitent pas les jeunes à essayer des produits de nicotine vaporisés, ils pourraient de nouveau normaliser le tabagisme.

Je ne suis pas alarmiste par rapport à cette question, mais il est alarmant de penser à l'étendue du marketing pour les produits de nicotine, surtout que c'est de la part de sociétés dont l'intérêt principal est de vendre des produits du tabac. Ce qui est proposé dans le projet de loi, si je comprends bien, sera plus limitatif que ce qui sera permis en Nouvelle- Zélande, par exemple, ou que ce qui est actuellement permis au Royaume-Uni, où il est interdit de faire de la publicité à la télévision ou à la radio, en vertu d'une directive européenne.

Je ne suis pas certain de fournir une réponse satisfaisante à votre question, mais je crois que même si nous ne l'avons pas vécu jusqu'ici, cela demeure une possibilité, et je pense que la publicité et le marketing, plus que tout autre facteur, seront déterminants à cet égard.

La sénatrice Seidman : Vous faites valoir un point important. Suggérez-vous que ce projet de loi soit plus restrictif concernant la publicité à l'intention des jeunes?

M. Hammond : Tout à fait. Je songe à deux aspects de la publicité. Premièrement, à son contenu : suscite-t-il l'attention des jeunes? Deuxièmement, la publicité est-elle permise sur les ondes télévisées et de la radio? Encore une fois, je ne crois pas que la publicité de style de vie incitera les fumeurs à faire la transition vers les cigarettes électroniques. Les compagnies ont beaucoup de bonnes raisons pour les inciter à le faire, et je pense qu'il existe d'autres façons très importantes d'y parvenir, notamment au moyen des prix, d'avertissements différentiels relatifs à la santé et ainsi de suite. Personnellement, je ne vois pas l'utilité de la publicité de style de vie.

Pour ce qui est de la publicité en ondes, même si elle n'a pas pour but de promouvoir un mode de vie, cela me préoccupe parce que nos jeunes vont y être exposés par la télévision, la radio et d'autres médias grand public.

La sénatrice Seidman : Avez-vous dit qu'il y avait un pays en particulier que nous devrions examiner comme modèle?

M. Hammond : Je faisais remarquer que, d'après ce que je comprends, la semaine dernière, la Nouvelle-Zélande a proposé de nouveaux règlements qui visent à interdire la publicité à l'intention des adultes à la télévision et à la radio. De plus, si j'ai bien compris, cela n'est plus permis au Royaume-Uni. Ces deux pays pourraient servir de modèle, mais je ne prétendrai pas connaître très bien ces règlements.

Le président : Monsieur Hammond, en rapport avec ce sujet, vous avez mentionné plus tôt la conversion possible de fumeurs de cigarettes électroniques en fumeurs de tabac, ce qui est un des enjeux à l'étude. Pourriez-vous en dire davantage sur les données que vous connaissez sur le pourcentage de jeunes qui pratiquent le vapotage et qui deviennent ensuite fumeurs?

M. Hammond : En fait, nous allons bientôt publier une étude dans un journal médical qui va démontrer ce phénomène. Il s'agit d'une étude longitudinale : nous avons suivi 20 000 jeunes sur 12 mois. Au début, chacun des participants était non-fumeur. Parmi ces jeunes non-fumeurs, ceux qui ont essayé un produit de vapotage étaient très susceptibles de devenir fumeurs. Voici ce qu'il en est : c'est l'effet de passerelle. Cela s'applique au tabac, à l'alcool et à la marijuana. En grande partie, cela s'explique par le fait que les jeunes qui sont susceptibles de fumer sont aussi ceux qui sont susceptibles d'essayer un produit de vapotage.

Encore une fois, c'est ce qui brouille les résultats. Y a-t-il un lien? Oui. En est-il un de cause à effet? C'est probablement juste le fait que les jeunes qui aiment essayer ce genre de choses vont les essayer. C'est comme prédire l'utilisation d'un produit de nicotine en étudiant l'utilisation d'un autre produit de nicotine.

Je répète que le taux est très bas. C'est très peu courant qu'un jeune non-fumeur utilise régulièrement des cigarettes électroniques; nous n'en avons vu aucun cas. J'abonde dans le sens du Dr Britton, mais ce que j'ajoute, c'est que nous ne savons pas tout à fait ce qui arrivera au fur et à mesure que ces produits évolueront, et nous ne pouvons pas prévoir l'effet de campagnes de marketing et de publicité que nous n'avons pas vues depuis des dizaines d'années. Je ne pourrais vous confirmer que c'est ce qui va arriver, mais je ne puis non plus affirmer que ce ne sera pas un problème.

Dr. Britton : L'étude répond à la question, à savoir comment nous effectuons le suivi de ce qui se passe, et c'est plus important que jamais de surveiller les comportements d'utilisation du tabac et de la nicotine chez les jeunes et les adultes. C'est là que réside la réponse. Nous sommes chanceux d'avoir accès aux résultats de sondages adéquats menés auprès de jeunes au Royaume-Uni; ceux-ci démontrent ce que vient de dire M. Hammond, à savoir que l'utilisation des produits de vapotage est négligeable chez les non-fumeurs.

Je suis tout à fait d'accord avec les commentaires disant que, de toute façon, les jeunes qui sont plus susceptibles d'essayer des produits de vapotage sont aussi plus susceptibles d'essayer des cigarettes. Ces jeunes viennent de familles où des gens fument ou possiblement où les fumeurs sont devenus des vapoteurs. Ils sont donc exposés à ces produits et sont en conséquence plus susceptibles de les utiliser. Il faut surveiller ce qui se passe.

Je partage la préoccupation au sujet de la capacité de certaines entreprises commerciales de ce marché de cibler les jeunes et les non-fumeurs avec un produit associé à un certain mode de vie; si ce n'est pas maintenant, ce sera certainement dans l'avenir. Cela aurait des répercussions négatives sur la santé publique. Donc, il y a de fortes raisons de limiter, de contrôler et de surveiller la publicité, mais pour en avoir la preuve, il faut savoir qui utilise les produits, et pendant combien de temps. Actuellement, au Royaume-Uni, tout indique que l'utilisation par des jeunes ou des adultes n'ayant jamais fumé est négligeable.

La sénatrice Hartling : Bon nombre d'entre nous connaissent déjà la fumée secondaire et ses effets nocifs sur l'organisme. Je me demande quels sont les effets du vapotage et des cigarettes électroniques. Des études ont-elles été menées pour le savoir? Le vapotage a-t-il des effets et, si oui, lesquels? Voulez-vous répondre en premier, monsieur Hammond?

M. Hammond : Bien sûr. Je crois que nous pouvons présumer, au sujet des effets directs sur la santé, que ces produits contiennent moins de produits chimiques; donc, il y aura moins de produits chimiques dans l'air. Les produits de vapotage représentent peut-être un risque pour la santé publique, mais ce ne sera pas le même que celui que représente le tabac. Si je comprends bien les règlements au Canada, lesquels relèvent surtout du pouvoir provincial, ils interdisent le vapotage dans les lieux publics où il est interdit de fumer. Je dirais que c'est une mesure préventive raisonnable. Cependant, je ne mettrais pas les deux niveaux de risque sur un même pied d'égalité.

Dr Britton : Oui, je suis d'accord au sujet des niveaux de risque. Nous en avons déjà discuté. En ce qui concerne l'utilisation dans les endroits publics, je crois que ce serait sérieusement erroné de classer les cigarettes électroniques avec les cigarettes traditionnelles, dans ce contexte. Les données sur les effets nocifs du vapotage pour les autres sont pour le moins très minces. Selon moi, le fait de ne pas utiliser une cigarette électronique dans un endroit fermé — surtout une qui produit des nuages de vapeur — est une question de courtoisie, car ce n'est pas agréable pour les autres.

De façon semblable, je me souviens d'avoir été à bord d'un train en direction de Stockholm. J'ai constaté, bien après le départ, que l'homme assis en face de moi avait probablement utilisé une cigarette électronique tout au long du voyage. Il n'expirait pas des nuages de vapeur, et je ne pouvais pas y faire objection, pas plus que s'il avait utilisé un inhalateur au salbutamol pour soulager son asthme.

Il existe un autre enjeu. Il y a un taux élevé de tabagisme dans les populations touchées par les troubles mentaux — du moins, c'est le cas au Royaume-Uni. Nous avons un très grave problème de tabagisme dans les hôpitaux qui fournissent des soins secondaires. Les cigarettes électroniques pourraient faire partie de la solution à ce problème. Lorsque les patients se présentent pour utiliser les services, on leur demande de ne pas fumer. On leur offre la meilleure aide possible pour les aider à cesser de fumer, mais s'ils ne veulent pas le faire ou s'ils n'en sont pas capables, on pourrait leur demander de ne pas fumer de cigarettes traditionnelles, mais plutôt des cigarettes électroniques.

Si nous classons les cigarettes électroniques avec les cigarettes traditionnelles, en ce qui concerne la façon de les utiliser, on envoie au public le message qu'elles présentent les mêmes risques. Or, ce n'est pas le cas.

Le président : Docteur Britton, pendant le dernier échange, si j'ai bien compris, M. Hammond a laissé entendre que récemment, le Royaume-Uni aurait resserré les restrictions imposées sur les produits de vapotage. Pourriez-vous vous prononcer là-dessus, en ce qui concerne la publicité?

Dr Britton : Nous avons un code de bonne pratique volontaire établi par les institutions responsables des normes publicitaires. Il en existe un pour les médias écrits et un pour les médias électroniques. On n'a pas du tout le droit de promouvoir les cigarettes électroniques auprès des jeunes. Une certaine publicité très limitée est acceptable, mais on ne peut pas associer un produit de vapotage à un produit de tabac, par exemple.

On adhère au code volontaire, mais je vois très peu de publicité. Cela reflète peut-être le fait que j'utilise très peu certains médias.

Le président : Nous avons des ententes volontaires avec notre industrie de la publicité, mais elles se limitent aux membres de l'association.

M. Hammond : Je crois comprendre que depuis 2016, en vertu d'une directive européenne, la publicité sur le tabac est interdite à la radio. Cela n'est pas volontaire. La directive donne cependant aux pays le choix de permettre d'autres formes de publicité, comme des panneaux-réclames. L'Écosse a décidé de ne pas permettre cela. Je crois savoir que l'Angleterre permet encore la publicité sur les panneaux-réclames, mais qu'en raison de la directive européenne, la publicité n'est plus permise à la télévision et à la radio.

Dr Britton : Le processus est en cours. La nouvelle directive sur les produits du tabac entrera en vigueur le 20 mai.

Le président : Ce dont M. Hammond a parlé entrera en vigueur?

Dr Britton : Oui. Jusqu'à maintenant il s'agissait d'une publicité libre assujettie aux contrôles de l'Advertising Standards Authority qui — il est vrai — sont des contrôles volontaires, mais on les respecte assez bien et, grâce au processus de plainte, les publicités qui sont réputées avoir enfreint le code sont retirées. Le cadre réglementaire sera effectivement plus rigoureux à partir de mai.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais creuser davantage la question du marketing et de la publicité parce que nous devons décider où il faut fixer des limites. Nous ne voulons évidemment pas promouvoir les produits auprès des jeunes. Cependant, nous voulons faire en sorte que les gens qui veulent les utiliser ou qui pourraient les utiliser sachent qu'ils existent.

C'est facile de dire qu'on ne peut pas faire de la publicité directement auprès des jeunes, mais il existe un chevauchement. En essayant de promouvoir le vapotage comme étant moins dangereux que le tabagisme, et comme un moyen de cesser de fumer, on risque d'attirer les jeunes, alors il pourrait y avoir un chevauchement problématique. Où faudrait-il imposer des limites? Quel genre de marketing ou de publicité serait permis pour présenter les cigarettes électroniques comme produits de cessation du tabagisme, sans dépasser les limites fixées?

M. Hammond : J'espérais que personne ne me demanderait d'aller dans les détails. Au Canada, 50 p. 100 de tous les fumeurs ont déjà utilisé un produit de vapotage. Ce chiffre s'élève à environ 80 p. 100 si l'on inclut les jeunes fumeurs. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'informer les gens de l'existence des cigarettes électroniques.

De plus, comme je l'ai dit plus tôt, je trouve qu'il est important de donner des avantages pour ce qui est de la commercialisation des produits moins nocifs : on devrait donc permettre davantage la promotion des produits de vapotage par rapport à ceux du tabac. Vous souhaitez savoir à quoi cela ressemblerait.

Je reviens toujours au prix taxé parce qu'il s'agit d'un déterminant important. Je crois qu'il serait possible d'avoir des taux de taxation différents. On pourrait aussi avoir différentes mises en garde pour la santé. Si les cigarettes traditionnelles étaient éventuellement vendues dans des emballages neutres uniformisés, on pourrait autoriser l'impression des images de marque sur les produits de vapotage. On pourrait aussi permettre des étalages dans les points de vente au détail, qui sont actuellement interdits pour les produits du tabac, et plus de prix promotionnels. On pourrait peut-être permettre des publicités non liées au style de vie dans certains milieux réservés aux adultes, comme dans les bars, ou dans la publicité directe.

Je ne prétends aucunement avoir la réponse exacte pour savoir où fixer les limites, et il n'existe pas de réponse objective à votre question, d'après moi. Il est possible que le Dr Britton ou d'autres personnes soient moins rigoureux, mais je suppose que je suis porté à être un peu plus prudent pour ce qui est de permettre la publicité. Ce sera beaucoup plus facile de permettre plus de publicité à l'avenir que de limiter ce qui aura déjà été permis. Il est beaucoup plus difficile de faire marche arrière. Je suis peut-être plus conservateur que d'autres personnes, mais je pense que l'on peut encore favoriser l'emploi des produits de vapotage plus que celui des produits du tabac, sans nécessairement mettre en œuvre tout ce qui est dans le projet de loi actuel.

Dr Britton : Je suis d'accord avec cette position en général. Le seul hic est que beaucoup de fumeurs n'ont pas encore essayé les cigarettes électroniques. Au Royaume-Uni, une partie importante des fumeurs croit toujours que la nicotine est dangereuse et qu'en conséquence, ils ne devraient pas utiliser ces produits. Je pense donc qu'il y a de bonnes raisons d'avoir des messages qui promeuvent l'aspect santé auprès des fumeurs réguliers.

Cela revient aussi aux arguments de dénormalisation ou de normalisation. Les taux de tabagisme ont diminué rapidement au Canada et au Royaume-Uni, mais depuis que l'utilisation de la cigarette électronique s'est généralisée au Royaume-Uni, on y a observé une augmentation de 0,9 p. 100 chaque année au cours des trois dernières années, et ce, en l'absence de toute nouvelle politique d'envergure. Le règlement sur les emballages uniformisés entre en vigueur le mois prochain. Il s'agit d'une baisse énorme, qui n'a rien coûté, attribuable à la solution retenue par le consommateur face au problème. On observe la dénormalisation du tabagisme.

Le revers de cette médaille, c'est que l'utilisation de la cigarette électronique pourrait être normalisée, mais je n'y verrais aucun problème. Dans le cas où tous nos fumeurs passent directement aux cigarettes électroniques à cause de la publicité, ou même si certaines personnes deviennent des consommateurs de nicotine par conséquent, les dommages à long terme causés à la société seront toujours moindres que ceux du statu quo, c'est-à-dire que présentement, un adulte sur cinq ou sur six se tue avec le tabac.

Le président : Je tiens à vous remercier tous les deux de votre témoignage exceptionnellement clair et de vos réponses détaillées aux questions posées. Vous nous avez grandement aidés.

Docteur Britton, merci infiniment de vous être joint à nous à travers les ondes. Monsieur Hammond, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Mes honorables collègues, je vous remercie encore une fois de vos questions pointues.

Le deuxième groupe de témoins est constitué de deux individus, dont un qui témoignera par vidéoconférence. Je souhaite la bienvenue à notre premier témoin par vidéoconférence et je l'invite à faire sa déclaration avant qu'un fantôme dans le système ne l'en empêche. Le Dr Peter Selby est clinicien-chercheur à la division des toxicomanies du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous vous écoutons.

Dr Peter Selby, clinicien-chercheur, division des toxicomanies, Centre de toxicomanie et de santé mentale : Je vous remercie. Au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale, ou CAMH, je tiens à dire que nous sommes heureux d'avoir été invités à vous présenter ce mémoire. Je limiterai mon intervention à sept minutes.

Le CAMH est un hôpital de 500 lits qui mène des activités liées à la recherche, à l'éducation et à la mise en œuvre de politiques. Nous nous concentrons sur les patients souffrant d'une maladie mentale et de toxicomanie. Nous accordons une grande importance aux recherches sur le tabagisme — nous menons des études allant de l'échelle moléculaire jusqu'à l'imagerie cérébrale en passant par la génétique, ainsi que des recherches cliniques et des recherches traitant de la politique et des politiques publiques en collaboration avec l'Unité de recherche sur le tabac de l'Ontario et l'un de ses partenaires fondateurs.

En ce qui concerne notre philosophie, nous souhaitons aider les gens qui souffrent de la disparité et qui sont désavantagés dans notre société. Comme nous le savons tous, l'épidémie du tabagisme est endémique dans cette tranche de la population canadienne et tue environ 37 000 Canadiens chaque année. Pour situer ce chiffre dans une juste perspective, cela représente au moins 10 fois le nombre de personnes tuées chaque année à la suite de surdoses d'opioïdes — et nous connaissons tous les répercussions de cette épidémie sur la société.

Je tiens à souligner que nous avons fait des recherches et avons travaillé avec des sociétés — mais pas pour les sociétés — afin d'élaborer des programmes de sevrage du tabac. Nous gérons une clinique de sevrage du tabac à Toronto, où nous traitons à peu près mille patients chaque année. Cependant, par l'entremise de nos programmes à travers la province, nous soignons environ 25 000 fumeurs grâce à des traitements reconnus.

Cela dit, la triste réalité qui ressort de nos recherches est que malgré la grande motivation du patient ou de la personne qui tente de cesser de fumer, la plupart d'entre eux recommenceront dans les trois à six mois. Voilà pourquoi nous cherchons des moyens de réduire les méfaits du tabagisme, surtout parce que, comme vous le savez, la plupart des fumeurs meurent des effets de la fumée du tabac et non de la nicotine.

Nous en avons fait notre priorité et lorsque nous examinons ce projet de loi, nous sommes très heureux de constater que l'aspect thérapeutique est présenté séparément, car il est évident qu'il faut s'engager dans la voie thérapeutique avec ces produits et qu'il faut les développer comme produits médicaux d'aide à la cessation du tabac. Cependant, nous voyons l'avantage de l'amendement qui assurera un accès plus facile aux produits, surtout pour les patients souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie, compte tenu des effets du contenu des produits de vapotage comparé aux genres de produits combustibles que nos fumeurs utilisent et de leur effet néfaste sur la santé. Malgré le fait que nous n'avons pas de données qui confirment à 100 p. 100 la réduction des méfaits, nous sommes heureux d'en entrevoir la possibilité. Cela est conforme à notre approche à la réduction des méfaits au Canada, qu'il s'agisse des centres d'injection supervisée, de l'héroïne vendue sur ordonnance ou de la légalisation du cannabis. Nous estimons que c'est en conformité avec notre préoccupation concernant le problème de toxicomanie le plus important au Canada et que le projet de loi permettra de créer un paradigme de réduction des méfaits pour les fumeurs qui sont actuellement incapables de cesser de fumer ou qui ne veulent pas le faire.

En ce qui concerne les produits, nous espérons que ce projet de loi sera revu pour établir une distinction claire entre les produits de vapotage et les produits de tabagisme. Par exemple, les produits qui réchauffent, mais qui ne brûlent pas le contenu ne devraient certainement pas être classés comme produits du vapotage en vertu de cette mesure législative, mais devraient continuer d'être vus comme des produits de tabagisme jusqu'à ce qu'on démontre qu'ils ne contiennent aucun des éléments combustibles qui sont rejetés par les cigarettes traditionnelles.

Nous voulons également que le cadre législatif prévoie des pratiques de fabrication adéquates à l'intention des dispositifs de vapotage qui sont vendus — ainsi que des normes — et que, depuis le métal jusqu'aux filaments, en passant par les cartouches, tout soit fabriqué de façon à être sans danger pour la consommation humaine. De plus, il faudrait que les piles respectent des normes pour éviter qu'elles se surchauffent et explosent. Enfin, nous voulons que les liquides, c'est-à-dire l'e-liquide, soient produits en concentrations qui ne sont pas dangereuses pour ceux qui ne tolèrent pas la nicotine, notamment les jeunes enfants. Nous devons continuer à veiller à ce que la fabrication se fasse au Canada, car lorsqu'on parle aux gens qui utilisent un dispositif de vapotage, la plupart d'entre eux achètent le produit au Canada; il s'agit donc d'une occasion de nous assurer que les gens peuvent choisir un produit canadien.

En ce qui concerne les pratiques, il est clair que les politiques doivent continuer à interdire le vapotage là où il est interdit de fumer, et qu'elles doivent être constantes pour ne pas créer de confusion sur le marché ni dans l'esprit de la population.

Enfin, nous voulons éviter que les politiques en vigueur favorisent les produits du tabac. Par exemple, en ce qui concerne les amendements relatifs à la publicité, nous voulons faire en sorte que les fumeurs adultes qui sont dépendants du tabac et incapables de cesser de fumer, et qui ont essayé — ou qui pour une raison ou une autre ne veulent pas essayer — les médicaments habituels pour se sevrer, puissent prendre une décision informée.

Ils doivent donc avoir accès aux données les plus récentes là où ils obtiennent de l'information, par exemple dans les commerces d'articles de vapotage. Nous devons nous assurer qu'ils soient en mesure de faire un choix éclairé, s'ils choisissent de passer de produits du tabac combustibles à la cigarette électronique. Nous savons que le rapport de Public Health England est controversé, mais la controverse consiste à savoir si la cigarette électronique est plus sûre à 95 p. 100 ou à 30 p. 100. À notre époque, compte tenu des taux de mortalité et des décès prématurés attribuables au tabagisme, avec tout le tort que cela fait aux familles, je pense que nous devons adopter une approche pragmatique, comme celle que le projet de loi essaie de prendre, et nous assurer que les usagers adultes puissent choisir à bon escient de changer leur mode de consommation.

En outre, nous ne voulons pas que les différents produits soient sur un pied d'égalité. Nous voulons qu'il devienne plus facile pour les gens d'adopter des produits de vapotage sans que des éléments de la législation fassent que la cigarette électronique soit considérée comme aussi nuisible que la cigarette combustible. Il est primordial de faire de la publicité pour permettre aux gens de faire ce choix, afin qu'ils connaissent l'existence des choix qui s'offrent. Il faut joindre les adultes d'une façon qui leur convienne, et utiliser les forces actuelles du marché comme moyen de les aider.

Parallèlement, nous devons protéger les jeunes contre ces produits. Il faut éviter que ces produits les initient à l'usage du tabac. Je veux parler d'une sous-catégorie de nos patients, composée de personnes qui commencent souvent à avoir des problèmes de santé mentale à un jeune âge. Presque tous nos sujets de cette catégorie deviennent de gros fumeurs avant l'âge de 18 ans. Nous ne voulons pas qu'ils commencent à fumer et qu'ils n'aient aucun produit moins nocif sur le marché vers lequel se tourner, et que des professionnels de la santé ne puissent pas discuter avec eux de l'existence de ces produits pour les aider à éviter de devenir accros à la cigarette combustible.

Nous avons une autre préoccupation pertinente : le vapotage peut aussi permettre la consommation de tétrahydrocannabinol, ou THC, l'ingrédient actif de la marijuana. Nous voudrions que l'utilisation à cette fin soit découragée, même s'il faut des modes de consommation de la marijuana autres que la combustion, qui soient compatibles avec la loi qui légalisera cette substance au Canada. Toutefois, nous ne voulons pas que les gens puissent fumer un produit végétal comme un joint de mari sans qu'il y ait quoi que ce soit pour les dissuader de consommer cette substance sous sa forme combustible.

Donc, nous envisageons la situation du point de vue de la société, en pensant aux conséquences de ce projet de loi pour les Canadiens les plus vulnérables. Un Canadien sur dix aura une maladie mentale associée à des taux de tabagisme quatre ou cinq fois plus élevés que celui qu'on trouve dans la population générale.

En résumé, nous appuyons l'objectif de ce projet de loi. Nous croyons qu'il y a moyen de le modifier légèrement de manière que les adultes, et surtout ceux qui sont incapables d'arrêter de fumer, puissent changer de forme de consommation en sachant que le produit est réglementé. Nous savons aussi qu'il aidera à éviter que ceux qui sont trop jeunes pour fumer aient accès à la cigarette électronique et s'initient au tabac en faisant usage de ce dispositif. L'interdiction applicable aux arômes, par exemple, est une bonne idée. Nous l'approuvons. Pour ce qui est de l'information fournie aux fumeurs, nous sommes d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas là d'un produit associable à un style de vie et qu'il faudrait continuer à fournir de l'information factuelle aux fumeurs afin qu'ils puissent décider de changer de mode de consommation en sachant à quoi s'en tenir.

Je vais m'arrêter là-dessus.

Le président : Merci beaucoup. Je suis heureux d'accueillir M. Neil Collishaw, directeur de recherche chez Physicians for a Smoke-Free Canada.

[Français]

Neil Collishaw, directeur de recherche, Physicians for a Smoke-Free Canada : Je vous remercie, honorables sénateurs, de nous avoir invités à venir vous présenter nos perspectives sur le projet de loi S-5. Je suis directeur de recherche, à titre bénévole, de Médecins pour un Canada sans fumée. Bien que je ne sois pas médecin, je travaille depuis plus de 35 ans dans le domaine du contrôle du tabac. J'ai aussi travaillé pour Santé Canada dans les années 1980 et pour l'Organisation mondiale de la Santé dans les années 1990.

[Traduction]

Le projet de loi S-5 légitimera le marché gris des produits de vapotage. Il fera quelques précisions à l'appui de l'emballage neutre et fera d'autres changements importants favorisant le contrôle du tabagisme. Sur tous ces plans, nous appuyons le projet de loi. Nous croyons cependant que certains amendements sont nécessaires pour réduire les risques pour la santé des jeunes et des générations futures. Les changements que nous proposons sont présentés en détail dans un tableau des amendements que nous vous avons envoyé à la fin du mois dernier. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur deux des aspects les plus importants de ce projet de loi, qui nécessitent selon nous un premier examen objectif.

Nous croyons que le projet de loi S-5 donne une trop grande marge de manœuvre en matière de publicité sur les produits de vapotage, et que cette marge devrait être restreinte. L'une des conséquences de la légalisation des produits de vapotage, c'est qu'elle permettra aux grandes compagnies de tabac sur le marché canadien de commercialiser leurs nouveaux produits. On peut s'attendre à ce que, dès la sanction royale, chacune veuille publiciser autant de ses produits que possible. Elles utiliseront tous les outils que la loi leur offrira. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi leur donne beaucoup de latitude, car il permet les messages à la télévision et à la radio, l'affichage, les annonces dans les commerces de détail et les médias sociaux, le publipostage direct, les textos, les concours, les cadeaux publicitaires, la distribution d'échantillons dans les bars par des filles en tenue légère et beaucoup d'autres outils de commercialisation que ces mêmes compagnies de tabac ont employés pour attirer les générations précédentes et les rendre dépendantes à la nicotine.

Notre recommandation pour réduire ce risque au minimum est simple : il faut que les produits de vapotage soient sujets aux mêmes restrictions que les produits du tabac, en matière de publicité. Autrement dit, l'information et la publicité sur les marques seraient autorisées sur des affiches là où les jeunes n'ont pas le droit d'entrer et dans des publications adressées directement à des individus. À règles égales, les produits de vapotage conserveraient un avantage sur le marché, puisque les compagnies de tabac choisissent de ne pas utiliser ces formes de publicité autorisées. Contrairement aux produits du tabac, les produits de vapotage ne sont pas assujettis à la taxe d'accise, et nous ne recommandons pas qu'ils le soient.

Nous ne sommes pas les seuls à formuler cette recommandation. Je remarque que les mémoires présentés par la Société canadienne du cancer et l'Association médicale canadienne demandent un traitement égal sur ce plan. Si ce projet de loi est adopté, le Canada sera, après le 20 mai, pratiquement le seul pays à permettre que le public soit exposé à des publicités de produits du tabac radiodiffusées. Cette forme de publicité des produits de vapotage sera très bientôt interdite dans 28 pays de l'Union européenne. La Nouvelle-Zélande est en voie de légaliser ces produits et elle propose une approche semblable à celle que nous réclamons aujourd'hui.

Parmi les pays de l'OCDE, seuls les États-Unis permettent une publicité presque sans restrictions pour les produits de vapotage. Le communiqué de presse du chef des services de santé des États-Unis publié en décembre 2016 veut tout dire : « Selon le chef des services de santé, l'usage de la cigarette électronique par les jeunes et les jeunes adultes représente un risque pour la santé publique. Dans d'autres pays qui restreignent la publicité sur les produits de vapotage, on n'a observé aucun risque majeur pour la santé publique. »

Le projet de loi S-5 ouvre la porte à la publicité sur les produits de vapotage, mais oublie de fermer la porte qui mène vers les produits du tabac. Il légalise les produits de vapotage, et il favorisera une certaine réduction des méfaits du tabac. Il suscite donc des espoirs qui, je l'espère, se réaliseront. Cependant, pour garantir que les méfaits seront réduits, il faut un cadre global de réduction des méfaits qui, en échange de la légalisation des produits de vapotage, exige qu'on fasse davantage pour réduire la demande et l'offre de produits du tabac.

La semaine dernière, M. Peter Luongo a dit, au nom de son entreprise, qu'il croyait que l'objectif de réduire le tabagisme à 5 p. 100 de la population d'ici 2035 n'était pas assez ambitieux. Il a dit qu'on pouvait y arriver plus vite. Alors aidons-le avec un plan et un calendrier détaillés.

Le projet de loi S-5 nous donne maintenant une chance d'apporter les modifications nécessaires pour réaliser cet objectif. Voici les grands changements que nous proposons à cette fin : étendre la portée de la loi pour qu'elle permette de réduire la maladie, de prévenir la dépendance à la nicotine et de réaliser l'objectif de la ministre de la Santé d'arriver à un taux de tabagisme de moins de 5 p. 100 d'ici 2035; permettre l'atteinte de l'objectif élargi en réduisant l'offre et la demande de produits du tabac et en exigeant des compagnies de tabac qu'elles collaborent avec la ministre à cet égard; imposer des frais annuels aux compagnies de tabac aux fins du financement des dépenses gouvernementales pour le contrôle du tabac — des frais annuels de 200 millions de dollars sont suggérés — et créer les organismes de réglementation nécessaires pour y arriver. Vous trouverez le libellé détaillé des amendements nécessaires pour réaliser ces objectifs aux pages 4 à 10 du tableau que nous vous avons fait parvenir.

En juin 2015, le juge Brian Riordan, de la Cour supérieure du Québec, a rendu sa décision de 15 milliards de dollars contre les trois grandes compagnies de tabac, dont deux vous ont envoyé des représentants la semaine dernière. Nous portons à votre attention un paragraphe en particulier de cette décision.

Pendant les 50 années couvrant les présents recours et les 17 années qui ont suivi, les défenderesses ont encaissé des milliards de dollars au détriment des poumons, de la gorge et de la santé en général de leurs clients. Si l'on permet à ces compagnies de s'en tirer sans dommages, quel message envoie-t-on aux autres entreprises qui pourraient, aujourd'hui ou demain, se trouver dans un semblable conflit moral?

Honorables sénateurs, vous pouvez aider grandement à l'atteinte de l'objectif d'un tabagisme inférieur à 5 p. 100 d'ici 2035. Approuvez le projet de loi S-5 afin que les produits de vapotage soient légalisés, mais amendez-le, s'il vous plaît, afin de ne pas laisser la porte grande ouverte à des pratiques pouvant nuire aux jeunes et à ceux qui cherchent à se débarrasser de leur dépendance à la nicotine. En ouvrant cette porte au vapotage, assurez-vous qu'on ferme progressivement la porte aux produits combustibles du tabac, cette substance qui continue de nuire à des millions de Canadiens.

Merci.

Le président : Merci. Les sénateurs peuvent maintenant poser des questions.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup pour cette présentation.

[Traduction]

Je vais m'adresser d'abord à vous, monsieur Collishaw. Vous avez parlé de publicité, sujet dont nous avons discuté un peu avec d'autres témoins également. Je voudrais connaître votre avis sur l'équilibre entre publicité et information. À quel point jugez-vous important d'informer les fumeurs du fait que vapoter est probablement moins dommageable que fumer, et pouvons-nous les en informer?

M. Collishaw : Je crois qu'en autorisant la publicité informative sur le tabac et les produits de vapotage, ce que nous recommandons de faire, les consommateurs pourront constater par eux-mêmes qu'un produit donné émet de la fumée et que cette fumée contient tous ces produits chimiques dangereux et cause toutes sortes de maladies, tandis qu'un autre produit n'émet pas de fumée, contient moins de produits chimiques et, pour le moment, n'est pas associé à un grand nombre de maladies.

Dr Selby : Je suis tout à fait d'accord, c'est exactement ce qui doit être fait. Nous devons aider les fumeurs à prendre connaissance des dommages respectifs causés par la cigarette et les produits de vapotage en leur montrant ce qu'ils contiennent et ainsi les aider à faire un choix éclairé.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos exposés.

Docteur Selby, dans votre exposé, vous avez mentionné que les consommateurs devraient avoir accès aux dernières données sur l'utilisation des cigarettes électroniques. Pensez-vous que ce projet de loi facilitera l'accès à ces données, y compris aux données sur la réduction des dommages et sur la comparaison des risques? Vous avez parlé de modifications, ce qui laisse croire qu'à votre avis, certaines mesures supplémentaires pourraient être prises. Je vous serais reconnaissante de nous en dire un peu plus là-dessus.

Dr Selby : Tout ce concept de publicité de style de vie est un peu troublant. Si l'on essaie de parler de ce produit à des personnes tandis qu'elles consomment de l'alcool dans un bar, on établit alors un lien entre ces divers éléments et cela donne l'impression que ce produit fait partie d'un certain style de vie et qu'il doit être considéré ainsi.

Mes patients ne fréquentent pas les bars de la classe moyenne où ces renseignements seront communiqués et, dans un sens, j'ai peur que cela laisse croire qu'il s'agit d'une tendance à la mode et branchée. Cela attirerait les gens et aurait l'effet pervers de faire en sorte que les jeunes qui ne prennent pas le temps de bien comprendre ce dont il s'agit seraient portés à croire qu'il s'agit d'un choix de style de vie intéressant, alors que ce n'est pas le cas.

Voilà pourquoi je pense que fournir aux gens des renseignements factuels, comme l'a dit M. Collishaw, dans des contextes où leur cerveau peut les assimiler, par exemple lorsqu'ils vont acheter un produit du tabac ou autre et qu'ils doivent décider s'ils achèteront ce produit ou non, est utile pour leur permettre d'effectuer des comparaisons.

M. Collishaw : Je pense que les règles que nous avons actuellement pour le tabac, qui ne permettent que la publicité informative dans certains médias, se sont au fil des ans avérées très efficaces. Elles permettent de communiquer des renseignements factuels sur le produit. Bien sûr, les compagnies de tabac n'en ont pas fait usage; j'imagine que c'est parce qu'elles n'ont rien de positif à dire sur leurs produits. C'est toutefois une occasion de fournir au public des renseignements pertinents, sans être trop permissif et laisser ceux qui souhaitent vendre plus de ces produits décider eux-mêmes des informations à communiquer. Je préférerais qu'il y ait plus de restrictions.

Cela me fait songer à un autre amendement; celui-ci ne figure pas dans la documentation écrite que je vous ai fournie, mais vous souhaiterez peut-être réfléchir à ceci : à l'heure actuelle, il est permis de faire de la publicité informative dans les endroits dont l'accès est interdit aux jeunes. Si la loi était modifiée pour permettre la vente de produits de vapotage et de produits du tabac dans des boutiques vendant uniquement cela et que la loi stipule aussi que ces endroits sont interdits aux jeunes, alors les compagnies de tabac pourraient avoir autant de boutiques qu'elles le souhaitent où elles pourraient faire de la publicité informative sur les produits du tabac et les produits de vapotage. Elles pourraient aussi recueillir les coordonnées des gens pour ensuite leur envoyer de la documentation avec des renseignements sur ces produits. C'est une possibilité à envisager.

La sénatrice Seidman : Permettez-moi de clarifier. Monsieur Collishaw, dites-vous que les produits de vapotage devraient uniquement être vendus dans les tabagies?

M. Collishaw : Ce que je dis, c'est que l'on devrait autoriser la création de boutiques du genre et préciser que l'accès à celles-ci — advenant qu'elles soient créées — serait interdit aux jeunes, puis laisser les compagnies de tabac décider si elles souhaitent disposer de ce genre d'endroit pour vendre leurs produits, car elles pourraient y faire beaucoup de publicité informative.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Collishaw, en écoutant votre présentation, j'ai eu le sentiment que vous n'étiez pas nécessairement d'accord avec les deux témoins précédents, M. Hammond et le docteur Britton du Royaume-Uni, lorsqu'ils ont déclaré que les produits de vapotage étaient moins nocifs.

M. Collishaw : Oh, oui, je suis d'accord. Ces produits sont nocifs, mais ils le sont moins que le tabac. Si vous avez perçu dans mes propos certains désaccords avec mes collègues — et j'ai écouté attentivement leurs exposés —, c'est que je recommanderais beaucoup plus de prudence en ce qui concerne ce qui sera permis pour la publicité. C'est peut-être dû à mon expérience de la publicité sur le tabac et de ses conséquences au fil des ans, et aussi parce que je sais que nous aurons affaire aux mêmes gens. Je suggèrerais donc de faire preuve de prudence en autorisant seulement la publicité informative.

Une telle approche permettrait aussi d'éviter tout le problème de définir ce qui constitue une publicité de style de vie ou une publicité ciblant les enfants, car, bien sûr, les compagnies de tabac prendraient un malin plaisir à se rendre jusqu'à la limite de toute définition que vous pourriez établir. En limitant la publicité aux annonces informatives et préférentielles, comme c'est le cas pour le tabac, je crois que nous sommes sur la meilleure voie pour atteindre l'équilibre souhaité et nous assurer que ses produits seront disponibles, mais qu'ils seront utilisés de façon responsable par les fumeurs comme succédané du tabac à fumer.

Le sénateur Eggleton : Je n'ai pas eu le temps de poser toute ma question.

M. Collishaw : Je suis désolé de vous avoir interrompu, sénateur.

Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas grave. Vous avez clarifié cette partie.

Je souhaite aussi parler de la question des arômes, car l'annexe 3 du projet de loi parle d'interdire les arômes de confiserie, de dessert, de cannabis, de boisson gazeuse et de boisson énergisante. Pourtant, des gens nous ont affirmé que les arômes pouvaient jouer un rôle important pour les personnes qui utilisent des cigarettes électroniques pour cesser de fumer. Que pensez-vous de l'interdiction de ces arômes? Pensez-vous qu'il s'agit d'une mesure adéquate ou trop sévère?

M. Collishaw : D'après ce que je comprends, le projet de loi interdit de faire la promotion des arômes, mais n'interdit pas les arômes en tant que tels. Comme l'a expliqué un des témoins précédents, cela me semble être une approche raisonnable.

Cela dit, il pourrait être nécessaire de modifier quelque peu la liste. Je note par exemple que l'on autorise l'arôme de cerise, mais pas celui de gâteau au fromage et aux cerises, car il s'agit d'un dessert. Certaines modifications mineures pourraient donc être de mise.

Dr Selby : L'idée que la promotion des arômes rendra le vapotage attrayant n'est pas très logique, parce que la plupart des consommateurs de tabac fument des cigarettes régulières sans ces arômes. La plupart de mes patients qui ont acheté ces produits, et surtout ceux qui l'ont fait dans le but de cesser complètement le tabac combustible, optent pour les arômes de cigarette. Ils ne sont pas attirés par les saveurs de fruits et autres arômes du genre.

C'est mon avis en raison de mon expérience avec mes patients.

Je suis d'accord que faire la publicité des arômes n'est guère utile, mais ceux-ci ne devraient être interdits que s'ils sont généralement impropres à la consommation humaine. Nous avons vu certains exemples qui utilisent des produits nocifs comme le diacétyle. Le diacétyle, en tant qu'agent aromatisant, est ce qui crée l'arôme de beurre. Il s'agit d'une substance dont l'inhalation est nocive. Toutes les substances connues pour être dommageables lorsqu'elles sont inhalées, même en petite quantité, devraient être interdites. L'objectif est donc de s'assurer que ces arômes ne sont pas, de façon générale, toxiques.

Il faut mettre en place un système de contrôle et de surveillance pour apprendre au fil du temps comment améliorer ces produits. Nous devons considérer ces produits comme étant toujours en développement et pas encore dans leur version définitive. Les premiers téléphones cellulaires étaient différents de ceux que l'on utilise aujourd'hui. Nous avons vu ce type d'innovation. En fait, de nos jours, le terme cigarette électronique est trompeur, car la plupart des dispositifs modernes et efficaces ne ressemblent plus à des cigarettes.

Nous devons voir cela comme un produit en constante évolution. Il incombe d'exercer une surveillance sur les profils d'utilisation ainsi que sur les inconvénients et les avantages pour les utilisateurs. Les arômes devraient être considérés sous cet angle.

La sénatrice Petitclerc : Ma question s'adresse à vous, docteur Selby. Pourriez-vous nous parler un peu plus du produit ainsi que de la nicotine et de ses propriétés d'accoutumance? Je vous ai entendu parler au Centre de toxicomanie et de santé mentale au sujet de certains segments de la population qui pourraient être particulièrement vulnérables.

Dans cette perspective, même si ces produits sont probablement moins nocifs que le tabac, nous avons la responsabilité de protéger les jeunes et les non-fumeurs. Quels sont les risques d'accoutumance, et à quel point devons- nous être prudents?

Dr Selby : Le pouvoir d'accoutumance de la nicotine dépend de la vitesse avec laquelle elle atteint le cerveau. Avec le tabac combustible, qui a un degré très élevé de distribution, la nicotine atteint le cerveau très rapidement. Quand la nicotine atteint le cerveau de cette façon, elle quitte aussi l'organisme très rapidement. La demi-vie de la nicotine est d'environ 90 minutes. C'est ce qui fait que la personne ressent le besoin de nicotine régulièrement.

C'est pourquoi chiquer du tabac crée moins d'accoutumance que le fumer. C'est aussi pourquoi les gens ne développent pas de dépendance aux timbres de nicotine. Personne n'abuse de ces timbres ou n'en met plus qu'indiqué pour obtenir un quelconque effet euphorisant ou se droguer. Avec les timbres, la nicotine entre dans le système très lentement. Cela ne crée pas de sensation d'euphorie. Voilà pourquoi personne ne développe de dépendance à ces timbres. Même les non-fumeurs qui les essaient ne deviendront pas dépendants des timbres de nicotine. Ceux-ci les rendront plutôt malades. La vitesse avec laquelle la nicotine entre dans l'organisme joue un rôle important.

Il y a également les autres effets. Le tabac contient aussi d'autres produits chimiques qui stimulent la chimie du cerveau ou influent sur celle-ci. Ainsi, les gens consomment notamment de la nicotine parce qu'elle les aide à réduire leur niveau d'anxiété ou à améliorer leur humeur et leur concentration.

Il s'agit de problèmes importants pour nos patients aux prises avec des maladies mentales, y compris des maladies mentales graves comme la schizophrénie, la dépression, les troubles anxieux, et ainsi de suite.

Il pourrait aussi y avoir d'autres facteurs génétiques qui prédisposent des gens à devenir dépendants de la cigarette, mais cela détermine également leur propension à l'alcoolisme ou à d'autres comportements de dépendance.

Ce que nous disons, c'est que si vous êtes ainsi prédisposés, nous devons faire en sorte que si vous utilisez une drogue, celle-ci ne vous causera pas de tort. La nicotine n'est pas inoffensive. Je ne suggèrerais pas de mettre de la nicotine dans l'eau potable, car cela n'aurait aucun avantage pour la société. Le système actuel oblige toutefois les gens qui aiment les effets de la nicotine à la consommer d'une façon extrêmement nocive qui réduira de 10 à 20 ans leur espérance de vie. Le problème n'est pas la nicotine, mais la fumée.

Si nous pouvons contrôler la nicotine — à l'instar de ce qui a été fait pour la caféine — en permettant aux gens d'en consommer sans que cela nuise à leur santé, alors c'est le premier signe que nous sommes sur la bonne voie pour éviter aux gens d'être contraints à utiliser les formes combustibles et nocives de tabac.

En ce qui concerne l'impact de la nicotine sur la santé, celle-ci peut retarder la cicatrisation des plaies et avoir un effet sur le diabète. Chez les personnes atteintes du cancer, la nicotine peut accélérer la croissance des tumeurs. La nicotine n'est pas cancérigène, mais elle augmente le débit sanguin et peut donc accélérer la croissance des cellules cancéreuses s'il y en a.

Je traite des malades du cancer qui continuent de fumer après avoir reçu leur diagnostic. La fumée en tant que telle nuit également à leur chimiothérapie. Les fumeurs qui continuent de fumer doivent en effet recevoir deux fois plus de chimiothérapie. Je peux faire en sorte que mes patients utilisent plutôt de la nicotine, car la nicotine n'interfère pas avec la chimiothérapie.

Nous offrons aux fumeurs toutes les possibilités actuellement sur le marché. Comme vous pouvez l'imaginer, renoncer aux cigarettes est très difficile pour les personnes diagnostiquées avec un cancer. Nous n'avons rien à leur dire. Elles cessent de fumer ou tant pis. Je crois que les dispositifs électroniques pourraient fournir une solution de rechange qui permettrait aux gens d'obtenir de meilleurs résultats.

Les appareils électroniques créeront-ils une dépendance? Les gens trouveront-ils difficile d'arrêter de les utiliser? Je crois que ces dispositifs entraîneront une dépendance chez certains, mais il pourrait s'agir de personnes prédisposées à une telle dépendance. Elles pourraient avoir déjà été dépendantes aux cigarettes. Nous pourrions aider ces personnes à cesser. J'ai aidé des gens qui ont utilisé des dispositifs électroniques pour arrêter de fumer et qui ont ensuite eu besoin d'aide pour cesser d'utiliser les dispositifs électroniques, et elles ont été en mesure de le faire avec un peu de soutien.

M. Collishaw : J'aimerais simplement ajouter à ce que mon collègue, le Dr Selby, a dit lorsqu'il a mentionné que la nicotine atteint le cerveau rapidement. Selon certaines estimations, « très rapidement » signifie sept secondes, soit quelques battements de cœur. La nicotine qui se trouve dans les veines pulmonaires est aussitôt dans le cerveau. Elle agit très rapidement sur le circuit de récompense.

Vous avez demandé à quel point la nicotine est addictive. Eh bien, il y a eu beaucoup d'études dans ce domaine, et, à de nombreux égards, c'est à peu près la substance la plus addictive connue. Si vous demandez aux héroïnomanes qui fument aussi ce qu'ils auraient le plus de difficulté à arrêter, ils répondront la cigarette.

Il a été prouvé qu'un très grand nombre de fumeurs, voire presque tous les fumeurs, sont dépendants de la nicotine. C'est différent de ce que l'on voit dans le cas de l'alcool, par exemple, ou d'autres drogues.

La sénatrice Seidman : Docteur Selby, les deux témoins précédents ont mentionné l'importance de surveiller les habitudes en matière de tabagisme avec la mise sur le marché des cigarettes électroniques pour nous assurer de ne pas renormaliser le tabagisme chez les jeunes. Nous avons beaucoup parlé de l'effet de passerelle, du fait que nous ne connaissons vraiment pas l'incidence que cela pourrait avoir et du danger de renormaliser le fait de fumer pour une nouvelle génération.

Avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale, vous avez entamé une étude sur les habitudes d'utilisation de la cigarette électronique, et j'aimerais donc savoir si vous avez des renseignements à partager avec nous à cet égard.

Dr Selby : Lorsque nous consultons les études qui ont porté sur les personnes qui ont déjà utilisé des dispositifs électroniques et qui continuent de le faire, nous constatons que leur nombre n'est pas aussi élevé, et que de toute évidence les personnes qui ont déjà fumé des cigarettes sont beaucoup plus susceptibles de toujours le faire 30 jours plus tard. De manière générale, en ce qui concerne le potentiel d'accoutumance, on ne peut pas dire qu'il existe un lien causatif, mais il y a un certain lien, dans le sens que nous observons quelque chose à un moment A et à un moment B.

Un lien est possible, et c'est là la controverse qui entoure toute cette hypothèse de la passerelle. Cela a toujours été le cas, depuis que les dépendances existent. Nous sommes obnubilés par l'idée que si une personne utilise une drogue, cela la rendra plus susceptible d'en utiliser une autre. Ce dont on ne tient pas compte et dont on ne parle pas, c'est qu'il peut exister un facteur tiers qui a poussé la personne à essayer la première substance. Par exemple, la personne peut être impulsive : elle peut avoir essayé une substance qu'elle n'a pas aimée, alors elle en essaie une différente ou elle continue simplement à ajouter d'autres substances au fil du temps. On ne peut pas conclure que la consommation d'une substance « A » entraînera la consommation d'une substance « B ».

Comme nous nous penchons sur deux périodes dans le temps, mais que nous ne suivons pas une même personne au fil du temps et ne considérons pas les autres facteurs entrant en ligne de compte, nous devons être très prudents en ce qui concerne l'hypothèse de la passerelle. Au premier abord, elle semble très valide et elle est un bon sujet de conversation, mais d'un point de vue scientifique, l'hypothèse de la passerelle est précisément cela : une hypothèse qui n'a pas été prouvée pour toutes les drogues utilisées par les toxicomanes. Il existe d'autres facteurs génétiques et environnementaux qui déterminent pourquoi un enfant commence à consommer de telles substances et continue de le faire au fil du temps.

Ce que nous savons par contre, c'est que les dispositifs électroniques sont associés, du moins dans les pays où ils sont sur le marché, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, comparativement à l'Australie et au Canada, à un plus faible taux de tabagisme chez les jeunes. Pour ce qui est de savoir si ces jeunes se mettront ensuite à fumer des cigarettes, c'est une question ouverte, mais il y a lieu de se demander pourquoi quelqu'un voudrait passer d'un produit plus propre et fonctionnel à un autre qui est plus dangereux. Dans aucun autre domaine, je n'ai vu des gens renoncer à une invention moderne et acceptable pour retourner à une ancienne. À ce que je sache, aucun d'entre nous n'est retourné à la machine à écrire.

Tant que nous permettons à cette technologie d'innover et de progresser, il sera intéressant de voir si cela poussera les gens à consommer des drogues ou les rendra plus susceptibles de le faire.

L'une des choses auxquelles nous devons faire attention, en ce qui concerne ce projet de loi, c'est que si nous empêchons les jeunes d'avoir accès aux cigarettes électroniques, mais que nous leur laissons paradoxalement avoir accès aux cigarettes traditionnelles, ceux-ci commenceront simplement à fumer avec des cigarettes, c'est-à-dire en utilisant un produit beaucoup plus dangereux tandis qu'un produit plus sûr aurait pu être utilisé. À mon avis, il s'agit d'une conversation nécessaire sur l'éthique : quel message envoyons-nous aux jeunes quand nous leur interdisons les produits sécuritaires et leur disons que seuls les adultes peuvent les utiliser? Nous savons que la plupart des jeunes obtiennent leurs cigarettes par l'intermédiaire de liens sociaux, et nous devons veiller à ce que nous n'encouragions pas sans le vouloir les jeunes à fumer des cigarettes parce que nous nous inquiétons trop de l'utilisation possible des dispositifs électroniques.

M. Collishaw : Sénatrice Seidman, votre question concernait la surveillance. Je crois vraiment qu'il est nécessaire d'intensifier considérablement nos efforts, surtout si nous introduisons un nouveau produit sur le marché dans l'espoir qu'il remplacera un produit plus dangereux. Nous devons suivre l'évolution de la situation de près grâce à une combinaison de sondages annuels et de plus petits sondages trimestriels ou mensuels pour obtenir des renseignements importants sur des indicateurs clés. J'aimerais qu'une surveillance en temps réel soit effectuée. L'industrie fait déjà cela en accédant aux données des caisses enregistreuses, et j'espère que le gouvernement pourra aussi faire quelque chose de semblable.

Pour le tabac, nous devons faire une surveillance de la semence à la fumée. Nous devons savoir où et comment le tabac est produit, importé, exporté et distribué aux grossistes et vendu au détail. Ces renseignements nous permettront également de mieux juger l'ampleur de la contrebande. Toutes ces mesures sont nécessaires.

Cela pourrait avoir davantage rapport aux programmes qu'aux modifications législatives ou réglementaires, mais tous ces éléments jouent un rôle dans le système de contrôle du tabac et du vapotage.

Le sénateur Eggleton : M. Collishaw, vous avez mentionné qu'aucun arôme ne serait interdit et qu'il était seulement question de leur publicité. Toutefois, l'article 30.41 dit ceci :

Il est interdit de faire la promotion d'un produit de vapotage ou de le vendre s'il existe des motifs raisonnables de croire que sa forme, son apparence ou une autre de ses propriétés sensorielles ou encore une fonction dont il est doté pourrait le rendre attrayant pour les jeunes.

Nous serions d'accord avec toutes ces dispositions, mais la question est : où tracez-vous la ligne entre les jeunes et ceux qui utilisent ces produits dans le cadre d'un programme d'abandon du tabac?

J'ai aussi une autre question. Un des témoins précédents a parlé des cigarettes et du tabac en tant que tel, et particulièrement des filtres de cigarettes. J'aimerais avoir vos commentaires sur la question de la fabrication et de l'importation du boudin de filasse, qui est, selon ce qui nous a été dit, une composante particulièrement nocive des cigarettes. L'un de vous a-t-il des commentaires au sujet de son abolition?

M. Collishaw : Oui, j'ai des commentaires à ce sujet. Si nous considérons toutes les composantes des cigarettes, y compris le boudin de filasse, comme étant des précurseurs aux cigarettes, je crois qu'il pourrait être utile d'effectuer une surveillance de tous ces éléments pour s'assurer que ces produits, que l'on parle du boudin de filasse, des confectionneuses de cigarettes, de papier à cigarette ou d'autres produits, ne sont pas acheminés vers des installations de fabrication clandestine.

Je voudrais également que de telles règles sur les précurseurs soient régies par le ministère de la Santé, et non par le ministère des Finances ou du Revenu. Je crois en effet que la question relève beaucoup plus du domaine de la santé que de celui du revenu et, comme nous le savons, les précurseurs des autres drogues dangereuses et illégales sont déjà contrôlés par le ministère de la Santé. Le ministère de la Santé possède une certaine expérience à cet égard.

Je dirai toutefois que, même si nous faisons cela, cela ne réglera pas complètement le problème de la contrebande, car une grande quantité des cigarettes illégales sur le marché sont fabriquées sur la partie américaine du territoire de la communauté d'Akwesasne puis importées illégalement, par camion par un autre moyen, au Canada, car bien sûr, les lois canadiennes s'appliquent seulement au Canada. Je crois que nous devrions discuter avec nos amis américains afin de voir ce qui pourrait être fait pour appliquer des contrôles semblables aux opérations de fabrication. J'espère que cela fera également partie de la solution.

Le président : Docteur Selby, avez-vous quelque chose à ajouter à ce que M. Collishaw a dit?

Dr Selby : Je ne suis pas un expert sur l'utilisation du boudin de filasse dans les filtres.

Le président : Merci.

La sénatrice Petitclerc : Ma question s'adressera encore une fois d'abord au Dr Selby.

J'aimerais connaître votre point de vue sur les produits de vapotage. Ce projet de loi encadrera un marché dans lequel des entreprises ont des intérêts. Croyez-vous que le projet de loi protègera autant que possible les Canadiens en empêchant le marché de faire exploser la demande pour la nicotine, par exemple, et les dispositifs de chauffage sans combustion?

Quel est votre point de vue sur cela? Croyez-vous que le projet de loi protègera suffisamment les Canadiens?

Dr Selby : C'est une bonne question. Comme l'a dit M. Collishaw, si nous disposons de bons mécanismes de surveillance et réalisons des contrôles fréquents, le projet de loi devrait contenir des dispositions pour permettre de le modifier rapidement à mesure que d'autres données deviennent disponibles. Comme les connaissances dans le domaine évoluent très rapidement et que nous devons prendre des décisions en nous appuyant sur des données incomplètes, il est important de prévoir la possibilité d'apporter des changements.

Les données dont nous disposons actuellement permettront de créer assez de règlements pour encadrer le produit d'un point de vue légal sans l'évincer du marché et se retrouver dans une situation où les cigarettes sont le seul choix, car nous ne voulons pas cela. En revanche, nous devons aussi disposer de règles adéquates pour empêcher les entreprises de faire tout ce qu'elles veulent en matière de promotion et de publicité pour recruter de nouveaux clients et saper tous les progrès réalisés dans la lutte contre le tabac.

L'objectif reste le même dans la légalisation de toute drogue. C'est-à-dire que l'on souhaite rendre la drogue légale et réduire les préjudices sociaux associés à son utilisation en la rendant aussi sécuritaire que possible, tout en empêchant le marché noir de prospérer et les entreprises d'amplifier la demande. Il s'agit d'un équilibre dynamique, et ce projet de loi est un premier pas dans la bonne direction pour y parvenir.

M. Collishaw : La question de l'équilibre est en effet la question qui subsiste. Comme je l'ai dit dans mon intervention, je recommande d'être un peu plus prudent que d'autres, en ce que je conseille d'autoriser la publicité informative seulement.

Le Dr Selby a mentionné l'importance de s'adapter rapidement à l'évolution des circonstances, et je suis tout à fait d'accord avec lui sur ce point. Nous avons parlé plus tôt de la nécessité d'effectuer une surveillance exhaustive, mais nous n'avons pas discuté de ce que nous devrions surveiller ou de l'utilisation que l'on fera des renseignements recueillis. Bien sûr, ces deux éléments vont de pair.

Les responsables de l'application de cette loi doivent pouvoir réagir rapidement ainsi que modifier les mesures et les plans pour protéger le mieux possible la santé de la population en fonction de l'information disponible. Ces personnes doivent disposer des outils dont ils ont besoin afin d'être en mesure d'utiliser l'information pour le bien de tous.

Le président : Merci beaucoup à vous deux. Cela a été très instructif. On s'intéresse beaucoup à tous ces aspects ainsi qu'aux diverses opinions sur la question. Rien ici n'est absolu. Nous souhaitons connaître plusieurs points de vue sur les répercussions possibles, et vous nous avez beaucoup aidés à mettre les choses en perspective. Je vous remercie tous les deux d'avoir témoigné ici aujourd'hui.

Nous accueillons maintenant deux nouveaux témoins. Je les inviterai à témoigner dans l'ordre que leur nom apparaît à l'ordre du jour. Je donnerai donc d'abord la parole à M. Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer.

Rob Cunningham, analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer : Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis avocat et analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer.

[Français]

Merci de m'offrir l'occasion de témoigner devant le comité aujourd'hui.

[Traduction]

J'aimerais tout d'abord remercier la ministre de la Santé, Mme Philpott, pour son excellent travail dans la lutte contre le tabagisme. Nous appuyons le projet de loi S-5 et recommandons plusieurs amendements pour l'améliorer.

Je commencerai par parler de la banalisation des emballages. Il s'agit là d'une mesure clé dans la lutte contre le tabagisme, notamment pour protéger les jeunes. Le Canada se joindra aux six autres pays qui ont déjà adopté des mesures relatives à la banalisation des emballages : l'Australie, le Royaume-Uni, la France, l'Irlande, la Norvège et la Hongrie. De nombreux autres pays travaillent aussi en vue de prendre de telles mesures.

Au Canada, les emballages sont le principal support publicitaire qui demeure pour le tabac. Le tabac crée une dépendance et est mortel. Il ne devrait pas être vendu dans des emballages conçus pour être attrayants, un point c'est tout.

Imperial Tobacco a déclaré que « rien ne démontre l'efficacité de l'emballage neutre ». En réalité, les preuves de son efficacité sont indéniables. J'ai à mes côtés un recueil exhaustif des preuves que les membres du comité pourront consulter et examiner. Ce recueil contient un grand nombre d'études provenant du monde entier qui prouvent de façon probante l'efficacité des emballages neutres. Il englobe 140 études, rapports et autres éléments de preuve sur la promotion et la banalisation des emballages de même qu'un grand nombre d'études relatives aux avertissements sur les emballages et aux autres aspects connexes. Le recueil comporte une table des matières. Vous pourrez donc chercher par auteur et par revues scientifiques avec comité de lecture dans lesquelles les études ont été publiées. Cela donne une idée de la quantité de preuves disponibles.

Il est bien évident qu'adopter des emballages neutres serait efficace. Pour quelle autre raison l'industrie du tabac s'y opposerait-elle tant?

Les allégations de l'industrie relativement aux emballages neutres et à la contrebande devraient être ignorées, car elles sont absolument sans fondement, et ce, pour plusieurs raisons qui ont déjà été soulignées.

En ce qui concerne les amendements, et tout d'abord pour les amendements liés au tabac, nous proposons un amendement visant à interdire les promotions des ventes des fabricants de tabac ciblant les détaillants, comme les primes pour l'augmentation des chiffres de vente. Pourquoi permettre ce genre de promotion? Les fabricants offrent actuellement des chances de gagner des billets pour des événements de sports et de divertissement ou des voyages dans les Caraïbes. De telles mesures incitatives devraient tout simplement être interdites. Le Québec a banni ces pratiques en novembre 2016, et la même approche devrait être adoptée à l'échelon fédéral.

Un amendement est nécessaire pour interdire les saveurs de menthol dans tous les produits du tabac. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral interdit le menthol seulement dans les cigarettes, la plupart des cigares et les feuilles d'enveloppe. Cela crée une échappatoire qui fait en sorte que le menthol est toujours autorisé dans tous les autres produits du tabac, comme le tabac à rouler, ou ce que l'on appelle du « tabac à pipe », qui a récemment été mis sur le marché dans certaines provinces pour contourner l'interdiction des cigarettes mentholées. Cela dit, certaines provinces ont banni le menthol dans tous les produits du tabac.

Le projet de loi S-5 devrait interdire le menthol dans tous les produits du tabac à l'échelon fédéral. Le menthol soulage la gorge et masque l'âpreté du tabac, ce qui aide les jeunes à s'y initier et à en devenir dépendants.

Un amendement est nécessaire pour établir le pouvoir réglementaire d'augmenter l'âge minimum de 18 ans inscrit dans le projet de loi sous sa forme actuelle et dans la législation en vigueur. Santé Canada a inclus un âge minimum de 21 ans dans son récent document de consultation publié en février. Aux États-Unis, l'âge minimal pour acheter des produits du tabac est fixé à 21 ans en Californie, à Hawaii et dans au moins 225 municipalités, y compris New York, Boston, Chicago et bien d'autres encore. Cette mesure permettrait de réduire le taux de tabagisme chez les jeunes.

Un amendement est nécessaire pour établir le pouvoir réglementaire d'autoriser les mises en garde de santé non seulement sur les emballages, mais aussi sur les produits du tabac à proprement parler, comme le projet de loi le propose actuellement pour les produits de vapotage.

Un amendement est nécessaire pour interdire l'affichage de marques et de logos de produits du tabac sur les briquets, les allumettes et les biens autres que les produits du tabac. Par exemple, des briquets portant la marque du Maurier sont actuellement en montre sur des comptoirs, ce qui va à l'encontre de l'idée des emballages neutres. Avec la permission de la présidence, je pourrai montrer quelques exemples pendant la période des questions.

Un amendement est nécessaire afin d'établir un pouvoir réglementaire pour permettre au gouvernement d'appliquer une partie ou l'intégralité des dispositions de la loi au matériel pour pipe à eau ainsi qu'aux produits à base de plantes pour pipes à eau. De plus en plus de jeunes utilisent des pipes à eau, notamment des houkas, et il importe donc de réagir en conséquence.

Un amendement est nécessaire pour créer le pouvoir réglementaire d'imposer une interdiction de fumer dans certaines zones extérieures sous réglementation fédérale, comme à une certaine distance de l'entrée d'un immeuble fédéral, sur la plage de Cavendish à l'Île-du-Prince-Édouard, ou dans une aire de jeu pour enfants dans un parc national. Ce sont là des lacunes à l'échelon fédéral qui sont généralement comblées par les provinces.

Nous reconnaissons que les cigarettes électroniques sont moins nocives que les cigarettes traditionnelles et possèdent des avantages et des risques potentiels. Des mesures législatives et des règlements comme le projet de loi S-5 sont nécessaires pour faire face aux risques comme l'utilisation de ces produits par les jeunes et les tactiques de l'industrie visant à miner la lutte contre le tabagisme et à attirer les anciens fumeurs ainsi que les non-fumeurs.

Un grand nombre des restrictions publicitaires pour les cigarettes prévues dans le projet de loi sont étonnamment faibles par rapport à celles d'autres pays.

Un amendement est nécessaire pour interdire toute la publicité de style de vie. Citons à titre d'exemple les publicités mettant en scène des plages tropicales, des voitures sport ou des gens prenant un verre de vin devant un coucher de soleil romantique. Lors de son témoignage devant le comité, l'Association canadienne de la vape a appuyé l'interdiction de ce type de publicité.

Un amendement est nécessaire pour préciser clairement que seules les publicités informatives et préférentielles sont permises. Il s'agit là d'une demande raisonnable. Encore une fois, l'Association canadienne de la vape a déclaré dans son témoignage qu'elle souhaitait que seule la publicité informative soit permise.

Un amendement est nécessaire pour interdire que des marques et des logos de cigarettes électroniques figurent sur des t-shirts, des casquettes, des sacs à dos ou tout autre produit sans lien avec les cigarettes électroniques. Nous devons éviter que les enfants deviennent des panneaux publicitaires ambulants dans leurs écoles.

Un amendement est nécessaire pour limiter davantage les promotions incitatives, comme les tirages et les concours dans le cadre desquels l'achat de produits de vapotage donne une chance de gagner des vacances ou des billets pour un concert rock. Ici encore, ces types de promotion associent les produits à un style de vie.

Un amendement est nécessaire afin de restreindre les endroits où la publicité sur les produits de vapotage est permise pour refléter les restrictions s'appliquant à la publicité sur le tabac et réduire l'exposition des jeunes à ces produits en autorisant toutefois la publicité auprès des adultes. Dans sa version actuelle, le projet de loi ne contient aucune restriction quant aux endroits où la publicité est permise. Elle est donc autorisée partout : à la télévision, à la radio, sur les panneaux publicitaires et à proximité des écoles.

Comme vous le savez, l'Union européenne interdit de faire la publicité des cigarettes électroniques à la télévision, à la radio et par bien d'autres moyens. La Nouvelle-Zélande compte interdire toute publicité des cigarettes électroniques sauf dans les points de vente. Le Québec a adopté des mesures législatives strictes en ce qui concerne la publicité des cigarettes électroniques, la permettant seulement chez les détaillants ainsi que dans certaines publications destinées à un public adulte. Les mesures adoptées par le Québec dépassent donc largement celles proposées dans le projet de loi S-5.

Un amendement est nécessaire afin de créer le pouvoir réglementaire de restreindre davantage la publicité et la promotion des cigarettes électroniques de manière à fournir une certaine latitude pour s'adapter à l'évolution du marché. Le gouvernement doit disposer d'une marge de manœuvre pour réagir et prendre les mesures qui s'imposent, mais le libellé actuel du projet de loi ne prévoit pas cela.

Nous vous exhortons à appuyer le projet de loi S-5 ainsi que les amendements que nous avons proposés. Le projet de loi S-5 est d'une importance cruciale pour assurer le renouvellement et le renforcement de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme.

Merci encore de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

Le président : Merci, monsieur Cunningham. Et vous serez heureux d'apprendre qu'on exige que tous les membres du comité maîtrisent la lecture rapide, donc parcourir ces 20 volumes ne nous posera aucun problème.

Je donne maintenant la parole à Amy Henderson, gestionnaire des politiques publiques à l'Association pulmonaire du Canada.

Amy Henderson, gestionnaire, Politiques publiques, Association pulmonaire du Canada : Je remercie le président et les membres du comité d'avoir invité l'Association pulmonaire du Canada à témoigner ici aujourd'hui. Je m'appelle Amy Henderson et je suis gestionnaire des politiques publiques à l'Association pulmonaire du Canada.

Depuis 100 ans, l'Association pulmonaire du Canada se consacre à l'amélioration de la santé pulmonaire de tous les Canadiens et Canadiennes. Son mandat est de mener des initiatives nationales et internationales en santé pulmonaire, de prévenir les maladies pulmonaires, d'aider les gens affectés à gérer leur maladie et de promouvoir la santé pulmonaire. Nous faisons cela, car quand on ne peut respirer, rien n'a d'importance.

Les maladies liées au tabac sont la principale cause de maladies pulmonaires au Canada. Le tabagisme touche tous les aspects de la santé pulmonaire. À l'heure actuelle, 17,7 p. 100 de la population canadienne fume du tabac. L'Association pulmonaire du Canada aimerait voir un avenir sans tabac.

Je suis ici pour exprimer l'appui de l'Association pulmonaire du Canada à l'égard des efforts déployés par le comité pour modifier la Loi sur le tabac et la Loi sur la santé des non-fumeurs et, en particulier, à l'égard des recommandations du comité pour garantir que des emballages neutres seront proposés pour les produits du tabac et du nouveau cadre législatif et réglementaire qui régira les produits de vapotage. L'Association pulmonaire du Canada appuie le projet de loi S-5 et est encouragée par l'engagement du gouvernement envers la santé publique. Nous reconnaissons la complexité de parvenir à un juste équilibre pour réglementer les produits de vapotage tout en les rendant accessibles aux fumeurs adultes.

Cela dit, nous croyons que le projet de loi S-5 peut être renforcé de façons importantes et cruciales pour favoriser la santé pulmonaire des Canadiens. Nous appuyons aussi les amendements présentés par la Société canadienne du cancer. Aujourd'hui, je souhaite toutefois me pencher sur les façons dont le projet de loi peut être renforcé pour protéger la santé pulmonaire.

Tout d'abord, en ce qui concerne les produits du tabac : comme je l'ai mentionné, les produits du tabac sont la première cause de maladies pulmonaires évitables au Canada. Les emballages neutres permettent d'attirer l'attention vers les illustrations de mise en garde apparaissant sur les paquets de cigarettes et ont été associés à une baisse du taux de tabagisme.

Je n'entrerai pas dans le détail des preuves, car M. Cunningham en a déjà fourni un grand nombre, mais je soulignerai que les emballages neutres et normalisés ont reçu l'appui de groupes de santé publique partout au pays. La Coalition canadienne d'action contre le tabac, qui compte parmi ses membres la Société canadienne du cancer, l'Association pulmonaire du Canada, la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC du Canada et l'Association pour les droits des non-fumeurs, a présenté au comité un document démontrant l'appui de plus de 340 organismes pour l'adoption d'emballages neutres et normalisés.

En plus de notre soutien des emballages neutres et normalisés, nous recommandons d'étendre les pouvoirs réglementaires pour inclure les pipes à eau et les produits du tabac proprement dits. La popularité de la pipe à eau est croissante chez les jeunes Canadiens : 14,1 p. 100 des étudiants de 15 à 19 ans ont déjà essayé des pipes à eau. La fumée des pipes à eau contient un grand nombre des mêmes ingrédients cancérigènes que le tabac combustible et est associée aux mêmes effets sur les maladies pulmonaires. Les substances toxiques que l'on retrouve dans la fumée des pipes à eau incluent la nicotine, le monoxyde de carbone, le goudron et les métaux lourds. Bien souvent, les fumeurs de pipe à eau ne voient pas les emballages; il est donc important d'également afficher une mise en garde sur les pipes à eau elles- mêmes.

Afin de renforcer le projet de loi, l'Association pulmonaire du Canada souhaite l'ajout d'une interdiction du menthol dans tous les produits du tabac. Comme il a été mentionné plus tôt, la loi comporte une échappatoire : l'interdiction du menthol ne s'applique qu'aux cigarettes, à la plupart des cigares et aux feuilles d'enveloppe. Cette interdiction devrait être étendue à tous les produits du tabac.

De plus, nous recommandons que le projet de loi prévoie un pouvoir de réglementation quant à l'âge minimum légal pour acheter du tabac en vue de l'augmenter dans le futur. À l'heure actuelle, l'âge légal est de 18 ans. Santé Canada a présenté un document de consultation sur les avantages de faire passer l'âge légal à 21 ans. En ajoutant ce pouvoir de réglementation au projet de loi, le gouvernement se donnerait les moyens pour mettre en œuvre les recommandations issues des consultations continues à l'avenir.

Maintenant, au sujet de la cigarette électronique : il s'agit d'une question très complexe, surtout pour l'Association pulmonaire du Canada. Le tabac est la principale cause de maladies pulmonaires évitables au Canada. Nous sommes conscients des avantages de la cigarette électronique et des produits de vapotage, surtout pour les personnes qui veulent arrêter de fumer. Cependant, si la cigarette électronique est moins nocive, elle n'est pas inoffensive pour autant. C'est une question très importante en matière de santé pulmonaire.

Nous reconnaissons que, dans ce projet de loi, il faut un équilibre entre empêcher les jeunes de commencer à consommer des produits de vapotage et permettre aux adultes fumeurs d'en faire usage, mais nous voulons vraiment empêcher les jeunes de commencer à vapoter. Les anciens fumeurs ne se mettent pas au vapotage; ce sont les gens qui n'ont jamais fumé qui le font. Nous croyons donc qu'il faut faire preuve de diligence et de prudence lorsqu'il est question des produits de vapotage.

Pour ces raisons, nous sommes d'avis que le projet de loi pourrait être renforcé de différentes manières. L'Association pulmonaire du Canada recommande l'ajout d'un pouvoir de réglementation pour restreindre davantage l'accès aux produits de vapotage, ainsi que la publicité et la promotion de ces produits. Ces restrictions doivent concerner les lieux et le contenu. Par exemple, les restrictions sur la publicité doivent s'appliquer à la télévision et aux lieux où se trouvent des enfants et des jeunes, notamment les arénas. Il est important que la publicité contienne uniquement des renseignements sur les produits ou qu'il ne s'agisse que de publicité préférentielle.

Nous recommandons également de renforcer le projet de loi afin qu'il n'y ait pas d'exception quant à la publicité de style de vie dans les bars, les envois postaux destinés aux adultes et les commerces qui vendent des produits de vapotage. La publicité de style de vie n'a pas raison d'être.

Nous appuyons fortement l'ajout des produits de vapotage à la loi canadienne concernant la qualité de l'air intérieur, la Loi sur la santé des non-fumeurs. Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'échappatoire concernant l'usage du tabac ou le tabagisme en général dans les lieux sous réglementation fédérale. Il faut qu'une modification de la loi soit prévue afin de mettre fin à cette échappatoire.

Nous sommes satisfaits de la présence d'un pouvoir de réglementation dans le projet de loi quant à l'aromatisation des produits de vapotage. Comme vous le savez, 26 p. 100 des jeunes Canadiens ont déjà essayé la cigarette électronique. L'aromatisation est un facteur important à cet égard.

Un autre élément dont je veux vous parler est le fait que les arômes offerts pour la cigarette électronique sont attrayants pour les enfants, et que les produits aromatisants ajoutés présentent des risques. Nous croyons qu'il faut prévoir un pouvoir de réglementation permettant d'agir à mesure que des données deviendront disponibles sur les risques associés à l'ajout de produits aromatisants dans les produits de vapotage.

Même si cela ne fait pas partie du présent projet de loi, nous recommandons un financement accru pour la recherche sur les produits de vapotage au Canada, axée particulièrement sur la santé respiratoire. C'est extrêmement important, car les effets à long terme sont encore inconnus et, bien souvent, les maladies respiratoires prennent des années à se développer.

Santé Canada a récemment fixé un objectif réaliste de réduction du taux de tabagisme visant à le faire passer à moins de 5 p. 100 d'ici 2035 grâce à la nouvelle Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. L'Association pulmonaire du Canada est prête à travailler avec tous les intervenants pour que cet objectif soit atteint. Le projet de loi à l'étude représente une étape importante dans la réduction du taux de tabagisme au Canada et il favorisera grandement la santé pulmonaire des Canadiens.

Merci de votre temps. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci à vous deux.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup pour votre témoignage. Il est très instructif.

Ma première question s'adresse à M. Cunningham. J'aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet de l'emballage neutre dont vous avez tous les deux parlé. Lors d'une séance précédente du comité, et également en raison de mon parrainage, j'ai entendu certains sénateurs exprimer des doutes. La plupart d'entre eux se posent des questions du genre : « Oui, bon, peut-être, mais est-ce que ça fonctionne vraiment? Comment cela fonctionne-t-il? En termes de résultats, à quel point cela fait-il une différence? » Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Cunningham : Bien sûr. À titre d'exemple, voici ce que font les sociétés productrices de tabac. Voici, il semble, un paquet de Belmont et, lorsqu'on l'ouvre, le paquet sort et une partie de celui-ci présente de la publicité. C'est une des façons de contourner la réglementation en matière de publicité. L'emballage neutre permet d'empêcher cela; c'est l'avantage d'imposer une norme en matière de format d'emballage.

Voici un autre exemple : une boîte spéciale par du Maurier. Lorsqu'on l'ouvre, on a les cigarettes, mais aussi un boîtier métallique vide et il s'agit encore une fois d'une boîte avec de la publicité.

L'emballage neutre fonctionne. Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a recommandé son adoption en 1994 en se fondant sur les conclusions d'une étude et sur les données disponibles à l'époque. L'Organisation mondiale de la Santé recommande également l'emballage neutre. Malgré la très forte opposition de l'industrie du tabac, les gouvernements de partout sur la planète emboîtent le pas les uns après les autres en raison des preuves qui leur sont présentées.

Évidemment, l'industrie du tabac s'oppose à cette mesure. Elle a dit que le tabagisme ne causait pas le cancer du poumon. Elle a dit que la fumée secondaire n'était pas dommageable. Elle a dit que les restrictions quant à la publicité et aux commandites n'auraient aucun effet, que l'ajout de mises en garde plus claires sur les paquets n'aurait pas d'effet. Cette industrie est toujours dans le déni.

La force de son opposition nous indique clairement que nous sommes sur la bonne voie. Les données recueillies à l'échelle mondiale, auxquelles les membres du comité et tous les sénateurs ont accès, sont incontestables.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos présentations. Vous avez tous deux proposé beaucoup de modifications. Je suppose que c'est ce qui m'amène à vous demander si vous avez participé au processus de consultation lié à l'élaboration du présent projet de loi. Peut-être que M. Cunningham pourrait répondre en premier, et ensuite Mme Henderson.

M. Cunningham : Nous avons participé à tous les processus de consultation de Santé Canada. Nous avons témoigné devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes dans le cadre de son étude sur la cigarette électronique. Au début du mois de mars, Santé Canada et la ministre ont tenu un forum national sur l'avenir de la stratégie de lutte contre le tabagisme au Canada et nous y avons participé.

La cigarette électronique représente un enjeu complexe. Le projet de loi porte également sur le tabac, mais le comité a l'occasion de le renforcer en ce qui concerne la cigarette électronique. Ceci dit, nous avons bien participé aux consultations.

Mme Henderson : Effectivement, l'Association pulmonaire du Canada y a aussi participé. Nous avons également témoigné devant le Comité permanent de la santé lors de l'étude qu'il a menée sur la cigarette électronique il y a quelques années. Nous avons également participé aux consultations de Santé Canada au sujet de la nouvelle stratégie fédérale en matière de lutte contre le tabagisme. Si nous avons proposé beaucoup de changements, c'est que nous voulons toujours obtenir les meilleures perspectives d'avenir. Nous croyons que ce projet de loi est très solide, mais les changements proposés permettraient de le renforcer considérablement.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais poser une question à ce sujet, car certains des éléments mentionnés n'ont pas nécessairement à faire l'objet de modifications à la loi et pourraient être abordés dans le cadre réglementaire ultérieurement. Y a-t-il un ou deux de ces éléments qui, selon vous, devraient absolument faire l'objet de modifications à la loi?

M. Cunningham : En ce qui concerne le tabac, des restrictions plus sévères en matière de promotion, à l'image de celles mises en place par le Québec, ont été proposées.

Au sujet de l'interdiction du menthol, lorsque l'Ontario a interdit le menthol, le tabac à pipe n'était pas visé. Alors, une entreprise a créé le tabac à pipe Bullseye aromatisé au menthol. Ce produit n'existait pas auparavant; il a été créé simplement en vue de contourner l'interdiction. Il s'agit d'une mesure simple que le comité pourrait ajouter.

Pour la cigarette électronique, il s'agirait de différentes mesures concernant la publicité qui ont été abordées par différents témoins. Le projet de loi représente une occasion de les mettre en œuvre.

Quant à l'inclusion de l'âge minimum et de la possibilité de l'augmenter, il faudrait qu'il y ait au moins la possibilité de changements en matière de réglementation. Le projet de loi ne prévoit à l'heure actuelle aucun pouvoir de réglementation.

Le sénateur Eggleton : Vous ne proposez pas l'interdiction du menthol pour les cigarettes électroniques?

M. Cunningham : Non. Dans le cas des produits de remplacement de la nicotine, il existe certains arômes, par exemple pour la gomme à la nicotine et les pastilles à la nicotine. Le Comité permanent de la santé n'a pas recommandé l'interdiction de tous les arômes. Il est important que le gouvernement ait un pouvoir de réglementation en matière d'arômes. Les témoignages indiquent que certains utilisateurs de cigarettes électroniques ont choisi ce produit pour les aider à cesser de fumer la cigarette.

À ma connaissance, aucun gouvernement à l'échelle mondiale n'a tracé de ligne claire quant aux arômes à interdire dans le cas de la cigarette électronique. Il est évident que certains arômes sont attrayants pour les jeunes. Le gouvernement a un pouvoir de réglementation quant à l'interdiction ou au contrôle des arômes et cela est important.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci à vous deux d'être présents aujourd'hui. Vous avez consacré beaucoup d'effort à la préparation de vos présentations, et je l'apprécie.

J'aborderai la question de la responsabilité du gouvernement de lancer une campagne de sensibilisation et de continuer le combat pour un pays sans fumée. L'idée de l'emballage neutre me semble bonne et nous en avons beaucoup entendu parler, mais je me demande si les mises en garde seraient encore utilisées sur les emballages neutres. Nous n'avons pas vu d'exemple de ces emballages. J'aimerais que vous nous disiez ce qui se trouverait sur un emballage neutre.

Mme Henderson : Sans problème. Voici un exemple d'emballage neutre.

Les mises en garde graphiques sont toujours présentes sur le produit de façon à respecter la réglementation. Ce qui serait normalisé sur le paquet serait sa couleur brune morne ou autre, selon ce qui sera choisi comme couleur permise. L'emballage comprendrait seulement le nom de la marque.

Cela est très important, car le regard est vraiment attiré vers la mise en garde qui peut souvent se fondre dans l'emballage des produits du tabac qui, comme le montrait M. Cunningham, présentent des techniques de marketing très attirantes. À l'heure actuelle, les cigarettes Vogue sont offertes dans un tout petit tube. L'emballage est élancé et très attirant; il ressemble à un bâton de rouge à lèvres. Il est donc essentiel de rendre les restrictions plus contraignantes afin d'interdire ce type d'emballage métallique, très brillant et attirant, car il renferme un produit qui tue un utilisateur à long terme sur deux. Un produit aussi nocif qui cause un problème de santé publique ne devrait pas être présenté de façon aussi attirante.

Le président : Toujours à ce sujet, croyez-vous que les dispositions du projet de loi sont assez claires pour empêcher que, une fois l'enveloppe de plastique retirée, le paquet contienne une publicité dépliable, un petit cadeau ou autre chose, comme c'est le cas actuellement?

M. Cunningham : Je crois que, en ce qui a trait au pouvoir de réglementation futur, le projet de loi est très bien conçu.

Il y a une préoccupation quant aux noms de marques et à la possibilité pour les sociétés productrices de tabac d'être astucieuses dans le choix du nom de leurs marques. Pourraient-elles nommer un nouveau produit « homme sexy », « jolie femme » ou « super cool »? Je crois que Santé Canada doit examiner la question afin que la capacité de contrôler les noms de marques soit incluse dans son pouvoir de réglementation.

Nous avons proposé un changement qui permettrait de clarifier la question. Si Santé Canada considère que le pouvoir de réglementation à cet égard existe déjà, cela règle la question. C'est l'élément qu'il faut absolument inclure. Autrement, il faudra bien sûr établir des règlements après l'adoption du projet de loi, et ce dernier prévoit le pouvoir de réglementation voulu.

La sénatrice Griffin : Vous avez tous les deux indiqué avoir participé aux consultations. Avez-vous participé à des consultations avec les provinces? Je suppose que vous avez tenu des consultations avec vos homologues des provinces, mais avez-vous participé à des consultations avec les gouvernements provinciaux? À l'évidence, il y a pour eux des avantages et des inconvénients. L'inconvénient, c'est qu'ils ne percevront pas autant de taxes. L'avantage, c'est que les coûts en soins de santé devraient diminuer, et je présume qu'ils en seront très satisfaits. Votre organisme a-t-il pris part à des consultations avec les provinces?

M. Cunningham : Oui, tout comme Santé Canada. Il existe un mécanisme de consultation continue entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral en matière de lutte contre le tabagisme.

Huit provinces ont présenté des projets de loi concernant la cigarette électronique jusqu'à maintenant. Dans tous les cas, il est permis pour les boutiques de produits de vapotage de montrer les cigarettes électroniques et d'afficher des renseignements pour les consommateurs. Le projet de loi fédéral à l'étude n'aura pas d'incidence sur ce type d'affichage dans les boutiques spécialisées dans la vente de produits de vapotage.

Je crois que tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer. En ce qui a trait aux enjeux dans les provinces, nous prenons effectivement part à des consultations continues avec elles.

Mme Henderson : Effectivement. L'Association pulmonaire du Canada regroupe des associations présentes dans chacune des provinces. Dans tout le pays, nos associations provinciales participent à des consultations avec les gouvernements provinciaux. Elles ont été particulièrement actives au sujet des produits de vapotage, surtout en ce qui a trait aux lois antitabac et autres éléments visant la protection de la santé des non-fumeurs et de ceux qui ne veulent pas inhaler de substances dangereuses.

Nous avons également participé à différentes consultations concernant différentes modifications des lois antitabac provinciales. Il me serait impossible de toutes les décrire en détail, mais il s'agit d'un échange continu.

Le président : Avant de passer au prochain tour, je voudrais aborder une question que vous avez soulevée, monsieur Cunningham, comme d'autres témoins. Vous avez dit souhaiter que les autorités réglementaires agissent rapidement pour supprimer les échappatoires qui sont découvertes.

D'après notre expérience en matière de médicaments sur ordonnance et de dispositifs médicaux, nous savons que, pour que les autorités réglementaires puissent réagir rapidement, elles doivent disposer des outils nécessaires. Le pouvoir de réglementation est assujetti à la loi qui le prévoit, peu importe le produit qui est réglementé.

Avez-vous réfléchi à des changements précis qui seraient requis dans les lois visant Santé Canada ou un autre organisme? Il n'y a pas que Santé Canada qui pourrait réglementer ces produits. Avez-vous songé à de nouveaux outils qui permettraient à l'autorité réglementaire de réagir rapidement advenant que des produits soient introduits sur le marché pour contourner la réglementation?

M. Cunningham : Il y a plusieurs réponses possibles à cette question. Je crois que, dans certains cas, nous avons cerné des problèmes dans le projet de loi, mais des amendements pourraient les corriger, alors nous n'aurons pas à attendre l'établissement de règlements.

Ensuite, il faut que Santé Canada ait un pouvoir de réglementation lui permettant de réagir. Le financement adéquat de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, pour qu'elle puisse s'appliquer avec toute la force prévue à partir d'avril 2018, sera très important. Des changements ont fait en sorte de réduire les effets de cette stratégie; il faut qu'elle reçoive un financement suffisant.

Je ne crois pas que des modifications aux lois soient requises concernant le ministère de la Santé en particulier. Cette question a été soulevée au sujet des changements concernant l'étoupe d'acétate de cellulose dans les filtres. Il s'agit peut-être d'un élément des lois concernant l'accise qui pourrait être modifié.

Je crois que ce qui est le plus important, c'est que le projet de loi prévoie un pouvoir de réglementation clair, qu'il comprenne, autant que possible, les mesures nécessaires afin que nous n'ayons pas à attendre dans l'incertitude quant à l'application de ses dispositions et que le pouvoir de Santé Canada soit bien assis.

Le président : En ce qui a trait à l'étoupe d'acétate, je crois qu'une des suggestions était de l'inclure dans la loi réglementant les substances à utilisation restreinte. Après tout, il s'agit d'un produit chimique.

D'après vous, est-ce que la façon la plus efficace de régler cette question serait de réglementer cette substance?

M. Cunningham : Je crois qu'une des principales stratégies pour s'attaquer aux manufactures non autorisées qui produisent des cigarettes illégales et qui alimentent aujourd'hui en grande partie le marché illicite est d'intercepter les produits bruts à l'extérieur des réserves avant qu'ils n'y pénètrent. On parle ici des feuilles de tabac, du papier à cigarette et des composants des filtres, comme l'étoupe d'acétate.

Je crois que cette mesure est l'une des plus importantes et qu'il s'agit d'une occasion réelle de réduire le commerce illicite. Alors, peu importe le mécanisme choisi — je n'ai pas de commentaires précis à faire quant à la loi que vous venez de mentionner — il y a probablement différentes solutions. Ce qui importe, c'est d'avoir des renseignements complets sur la provenance de cette substance qui entre au pays et de pouvoir intercepter cette dernière avant qu'elle arrive dans les réserves et que des manufactures illégales s'en servent.

Le président : Merci.

La sénatrice Petitclerc : J'espère ne pas vous sortir de votre zone de confort; je commencerais par vous, madame Henderson. Je voudrais connaître l'opinion de votre organisme d'un point de vue moral ou même philosophique quant à la façon de traiter le vapotage dans le projet de loi. La discussion revient sans cesse sur l'atteinte d'un équilibre entre la protection de tous ceux que votre organisme veut protéger et l'accès à un produit qui semble moins nocif pour les fumeurs. Quel est le point de vue de votre organisme au sujet de cet équilibre?

Mme Henderson : L'Association pulmonaire du Canada est tiraillée par cette question, car son objectif est de prévenir les maladies pulmonaires au Canada. C'est notre mission, mais nous offrons également des services de désaccoutumance au tabac. Nous voulons aider les fumeurs à cesser de fumer. Les gens veulent vraiment cesser de fumer et leur fournir les bons dispositifs pour les aider à arrêter est essentiel.

Cependant, nous avons vu ce nouveau produit arriver sur le marché et des gens nous ont dit qu'il leur avait permis d'arrêter de fumer du tabac; et les données ont commencé à indiquer que c'était bien le cas. Les produits de vapotage comportent certainement des risques, surtout pour le système respiratoire, et nous croyons qu'il faut réglementer ces produits.

Le projet de loi fait un premier pas dans cette direction alors que nous attendons de connaître tous les risques à long terme liés à l'utilisation de ces produits. Cependant, nous sommes d'avis qu'il faut un cadre réglementaire pouvant être ajusté à mesure que des données sur les avantages et les inconvénients des produits de vapotage sont obtenues.

Notre organisme est tiraillé parce que nous voulons que les gens ne fument pas de tabac; le tabagisme est la première cause des maladies pulmonaires. Alors, des gens nous ont dit : « Nous voulons utiliser ces produits, pouvez-vous nous en dire plus à leur sujet? » Mais ces produits comportent des risques. Nous sommes vraiment déchirés.

La réglementation prévue va dans la bonne direction parce qu'elle prévoit davantage de restrictions en matière de publicité, de promotion et autres. Elle exige également que les allégations thérapeutiques soient fondées sur des données probantes et prévoit une approche à cet effet. C'est l'une des raisons qui nous amènent à appuyer ce projet de loi.

M. Cunningham : Notre organisme fait des recommandations au sujet des produits de remplacement de la nicotine depuis des décennies. Nous appuyons le projet de loi à l'étude. En ce qui concerne l'équilibre, on pourrait en faire plus au sujet des restrictions visant la publicité, à l'image de ce qui se fait dans certains autres pays, et de la capacité de Santé Canada à réagir à l'avenir. À certains égards, la souplesse voulue et nécessaire est déjà prévue dans les dispositions actuelles du projet de loi.

La sénatrice Seidman : D'ailleurs, je voulais vous interroger au sujet des restrictions concernant la publicité, car de nombreux témoins nous en ont parlé.

À l'heure actuelle, la réglementation concernant la cigarette électronique est beaucoup moins contraignante que celle visant les produits du tabac. On nous a dit que la Nouvelle-Zélande, aussi récemment que la semaine dernière, avait resserré sa réglementation sur la publicité concernant la cigarette électronique et il semble que ce serait un bon modèle à suivre. Si j'ai bien compris, il y a une interdiction complète de la publicité de style de vie, même celle s'adressant aux adultes, et de la publicité à la télévision ou à la radio. Ma question est la suivante : comment faire pour restreindre la publicité sur Internet par exemple? Si on veut interdire complètement la publicité pouvant atteindre les enfants, il semble qu'il y ait un grave problème à cet égard.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les mesures possibles quant à la publicité? Je sais que vous en avez tous deux parlé dans vos présentations, mais cette question est occultée par les autres amendements. Je crois qu'il s'agit d'un élément sur lequel nous devrions porter notre attention.

M. Cunningham : Une partie de la solution réside dans les restrictions visant le contenu. L'Association canadienne de la vape serait d'accord avec des restrictions permettant la publicité informative et la publicité préférentielle. Il est seulement question de la publicité informative. Cela aura un effet important quant à ce qui pourrait atteindre les enfants. Je crois qu'il s'agit d'un élément de la solution.

Mme Henderson : Je suis d'accord avec ce que M. Cunningham a dit au sujet de la publicité informative et de la publicité préférentielle; il s'agit de restreindre le contenu. Nous appuyons également les restrictions concernant la publicité de style de vie et celles quant aux lieux où peut se trouver de la publicité, y compris les bars.

Un des éléments importants à nos yeux est de nous assurer que les gens qui ont cessé de fumer ne se tournent pas vers les produits de vapotage. À mesure que les données concernant les motivations qui poussent les gens à adopter le vapotage nous parviennent, nous voulons veiller à ce que les gens qui ont déjà arrêté de fumer ne se mettent pas à consommer un autre produit dommageable comme les produits de vapotage, car ils mettraient ainsi de côté leur style de vie sans fumée.

Le sénateur Eggleton : Vos arguments concernant l'emballage étaient convaincants. Je ne sais pas à quel point ces pratiques sont répandues dans l'industrie et si la plupart des fabricants y ont recours ou non. J'aimerais que vous m'éclairiez à ce sujet.

Je veux également vous poser une question au sujet des marques de commerce, car l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada a fait une présentation à ce sujet. L'Institut veut que le gouvernement soit conscient des effets des changements proposés sur les droits de propriété industrielle et commerciale des titulaires de marques au Canada.

La question est en fait de savoir ce qui serait permis sur un emballage neutre en ce qui a trait à la marque, Players ou autre. Est-ce qu'une police de caractère neutre devrait être employée plutôt qu'une marque de commerce et, quel serait l'effet de permettre les marques de commerce?

M. Cunningham : Oui, l'affichage du nom de la marque sur fond blanc, son emplacement sur le paquet, ainsi que la taille et le type de la police de caractère employée seraient tous uniformisés. Il est possible de permettre que le nom soit affiché à différents endroits sur le paquet. C'est le cas en Australie et ailleurs dans le monde.

D'un point de vue légal, le projet de loi prévoit que les détenteurs des droits de propriété industrielle et commerciale, qu'il s'agisse des images, des logos, des paysages alpins ou autres que l'on trouve sur les paquets, conserveront leurs droits et que la marque demeurera enregistrée.

Si on adoptait l'exemple de l'Australie, les fabricants pourraient continuer d'utiliser les marques de commerce, les couleurs, les images et les logos de leur choix sur les boîtes destinées à la vente en gros, soit celles utilisées entre les fabricants, les grossistes et les revendeurs auxquelles le consommateur n'a pas accès. Les marques de commerce pourraient donc être utilisées dans ce contexte.

Des arguments semblables ont été présentés dans les tribunaux d'autres pays et ont été rejetés. En Australie, le plus haut tribunal, la High Court of Australia, a rejeté les plaintes des demandeurs qui prétendaient qu'il s'agissait d'une expropriation. Au Royaume-Uni et en France, des contestations judiciaires du même type ont été rejetées, tout comme ce fut le cas à la Cour européenne de justice.

Au Canada, lorsque l'exigence d'accorder 50 p. 100 de l'emballage aux mises en garde a été ajoutée à la réglementation fédérale, les sociétés productrices de tabac ont plaidé devant la Cour supérieure du Québec qu'il s'agissait d'une expropriation de leur marque de commerce et de leurs emballages. La Cour ne leur a pas donné raison. Elles ont porté la cause devant la Cour d'appel du Québec qui a rejeté leur appel à l'unanimité. Dans cette affaire, elles ont décidé de ne pas se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada.

Les tribunaux ont dit essentiellement qu'il faudrait que la propriété soit effectivement retirée aux titulaires de marques. Or, il ne s'agissait pas d'un transfert de la propriété des sociétés vers Santé Canada. Il s'agit d'une mesure réglementaire qui restreint l'usage de la marque, mais qui n'empêche pas les sociétés de faire valoir leurs droits si une autre personne utilise illégalement leurs marques de commerce. C'est d'ailleurs le but des marques de commerce, empêcher leur utilisation illégale par les autres.

C'est l'une des questions qui ont été soulevées devant les tribunaux; nous croyons qu'elle est sans fondement. Certaines dispositions du projet de loi S-5 permettent de clarifier la situation.

Mme Henderson : Je ne suis vraiment pas une experte des marques de commerce et je m'en remettrai donc à M. Cunningham.

La sénatrice Griffin : Dans toutes les recherches que vous avez en main, y a-t-il quelque chose qui indique que l'emballage neutre mène à une production et une vente accrues de cigarettes de contrebande? Évidemment, c'est l'argument des sociétés productrices de tabac. L'emballage neutre mènerait à une plus importante contrebande.

M. Cunningham : Non. C'est essentiellement le même argument que les sociétés productrices de tabac reprennent constamment. Elles ont dit que l'interdiction d'exposition des produits du tabac chez les revendeurs augmenterait la contrebande. Elles ont dit que de faire passer les mises en garde de 50 à 75 p. 100 du paquet mènerait à plus de contrebande. Or, selon certaines estimations, la contrebande a diminué depuis l'augmentation de la taille des mises en garde.

La contrebande au Canada a diminué. Elle a atteint son sommet en 2008. Cela est dû à différentes mesures, dont le déplacement d'un poste frontalier près de Cornwall — il s'agissait d'un point de passage —, qui ont permis de réduire la contrebande. D'autres actions en matière d'application de la loi ont également contribué à cette diminution. Les données auxquelles M. Hammond a fait allusion plus tôt au sujet de l'Australie réfutent les arguments de l'industrie du tabac.

À en croire l'industrie, le ciel serait toujours sur le point de nous tomber sur la tête. Elle prétendait que, si on interdisait la cigarette dans les restaurants, plein de restaurants seraient forcés de fermer. Pourtant, le secteur de la restauration est en plein essor malgré l'entrée en vigueur, il y a déjà bien longtemps, des lois antitabac.

La sénatrice Petitclerc : J'ai une autre question concernant la publicité, mais qui aborde le sujet d'un autre point de vue, celui de l'information.

À votre avis, le projet de loi S-5 permet-il à un fumeur qui veut passer au vapotage d'obtenir de l'information? Est-ce qu'il est suffisamment contraignant tout en permettant la transmission de renseignements pour permettre aux gens de prendre des décisions éclairées?

M. Cunningham : Le projet de loi permet certainement la publicité informative. Je mentionne au passage l'article 39 du projet de loi qui prévoit un pouvoir de réglementation et une nouvelle aire de réglementation quant aux allégations sur les avantages pour la santé. Le gouvernement pourrait examiner cet article pour voir s'il ne pourrait pas être clarifié.

À tout le moins, il en est question dans le projet de loi.

Le projet de loi prévoit aussi un pouvoir de réglementation quant aux mises en garde. Santé Canada a une très grande latitude en ce qui a trait aux messages sur la santé qui devraient être présents sur les produits des différentes catégories.

Mme Henderson : Je crois qu'il est très important que les consommateurs aient accès aux renseignements et je pense que le projet de loi devrait prévoir la capacité pour Santé Canada de diffuser de l'information au sujet des produits de vapotage et des avantages et inconvénients qui y sont associés. Je crois qu'il est important d'adopter une approche où Santé Canada ou le législateur pourront diffuser ces renseignements plutôt que les sociétés elles-mêmes, car il faut que ces renseignements soient exacts.

Le sénateur Eggleton : Je reviens à la question que je vous ai posée précédemment. Je comprends ce qui justifie un emballage neutre à la lumière des exemples que vous avez donnés. Il faut mettre fin à ces pratiques. Mais qu'est-ce qui justifie d'interdire l'utilisation des marques de commerce ou des logos? Outre les questions légales, qui ont été réglées, quelle est la différence entre permettre seulement l'utilisation d'une police de caractère neutre pour l'inscription « Players » et permettre l'utilisation du logo?

M. Cunningham : Cela peut faire une énorme différence, car une image peut être associée, par exemple, à la féminité. Nous avons ici Vogue et Vogue écrit de façon stylisée qui pourrait être associé au magazine, à la minceur, et cetera.

Le sénateur Eggleton : C'est donc seulement le nom du produit; c'est tout ce qui serait permis.

M. Cunningham : La réglementation sur l'emballage neutre permettrait l'inscription du nom de la marque, mais pas l'emploi d'une police de caractère stylisée. Mais le nom de la marque serait certainement permis.

Les sociétés peuvent obtenir des droits de propriété pour n'importe quoi. Voici un exemple. Pour la fête du Canada l'an dernier, les cigarettes Canadian Classics étaient offertes dans un paquet spécial. On trouve sur le paquet la feuille d'érable, le nom des provinces et territoires et la mention « special ehdition », écrite avec « E-H ». Tous ces éléments peuvent être protégés par des droits de propriété. Sur le paquet régulier des cigarettes Canadian Classics, on trouve aussi la feuille d'érable, mais dans un paysage alpin qui ressemble au lac Louise. Cela peut être protégé par des droits de propriété. Si nous ne réglementons pas davantage l'emballage, les sociétés pourront continuer d'exploiter la situation.

La sénatrice Seidman : Ce projet de loi laisse beaucoup de questions à régler au moyen de la réglementation — beaucoup. Y a-t-il des éléments concernant, par exemple, les liquides à vapoter et les normes qui visent ces produits, surtout ceux qui contiennent de la nicotine? Y a-t-il des questions dont nous devrions être au fait qui ne sont pas dans le projet de loi, mais qui seront abordées au moyen du règlement? Des éléments devraient-ils être inclus dans le projet loi? Des mesures de surveillance sont-elles prévues, comme une surveillance législative par exemple, pour réexaminer la loi dans trois ou quatre ans? Je ne sais pas. Quel est votre avis à ce sujet?

M. Cunningham : Je crois qu'il serait avantageux qu'un comité parlementaire examine les progrès relatifs à cette loi, disons aux deux ans, et qu'un rapport soit présenté au Parlement périodiquement, peut-être chaque année ou aux deux ans. Au Québec, c'est aux cinq ans. Dans l'Union européenne, pour certaines catégories, c'est aux deux ans. Le projet de loi comporte de très bonnes dispositions concernant la production de rapports pour Santé Canada au sujet du tabac et de la cigarette électronique qui permettront d'obtenir des renseignements rapidement pour répondre aux nouveautés à mesure qu'elles surviennent.

Encore une fois, certains éléments pourraient être abordés directement dans le projet de loi et c'est pourquoi il y a différents amendements. Le sénateur Eggleton nous a demandé de choisir parmi les amendements que nous avons proposés. Nous souhaitons évidemment que vous les preniez tous en considération. Il nous est impossible d'en sélectionner plus de quelques-uns pour les décrire dans une brève réponse. Comme nous avons réfléchi à ces propositions et que nous avons participé à des consultations, nous vous les présentons tous dans leur ensemble.

Mme Henderson : Il faut davantage de surveillance au sujet des jeunes et de l'utilisation des produits de vapotage et des tendances actuelles en matière de vapotage, c'est incontestable. Il faut aussi pouvoir réagir rapidement.

Il faut des restrictions sur le contenu, mais surtout sur les émissions. Je ne crois pas que le projet de loi répond aux inquiétudes quant aux émissions.

Je mentionne de nouveau les arômes dans les produits de vapotage et la possibilité d'ajouter des aromatisants qui comportent des risques. Un rapport présenté à l'Organisation mondiale de la santé soutenait qu'il s'agissait d'un risque potentiel. Avoir la capacité de réglementer à ce sujet à mesure que les données sont recueillies est très important.

Le président : J'ai une dernière question à ce sujet, monsieur Cunningham, sur la discussion que nous avons eue un peu plus tôt et sur ce que Mme Henderson vient de mentionner. Supposons que l'observation sociale nous indique que tel nouveau produit de vapotage visqueux supposément incroyable et très aromatique cause des problèmes de santé. En ce qui a trait à la rapidité de réaction, croyez-vous que l'une des autorités de réglementation, comme Santé Canada, possède les pouvoirs requis pour retirer du marché un produit qui présenterait un danger important, comme c'est le cas des berceaux? Si des décès surviennent, Santé Canada peut les retirer du marché. Lorsque nous avons étudié les médicaments sur ordonnance, nous avons découvert que Santé Canada n'avait pas le pouvoir de retirer un produit pharmaceutique vendu sur ordonnance de la liste d'une entreprise, même si le décès d'adolescents était associé à ce produit — cette situation a été corrigée par la loi adoptée après notre étude.

Je reviens donc à ma question : supposons que l'on constate que des gens deviennent gravement malades ou qu'ils meurent après avoir utilisé un produit de vapotage qui comporte un nouveau composant aromatisant. Croyez-vous que la réglementation est assez claire actuellement pour qu'une autorité comme Santé Canada puisse ordonner le rappel temporaire ou permanent de ce produit?

M. Cunningham : Ma réponse comporte deux parties. D'abord, dans le cas de problèmes comme une pile ou un mécanisme de chauffage défectueux, un rappel est possible au moyen de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation.

Cependant, s'il s'agit d'un autre type de problème, par exemple d'un additif dangereux, il n'y a pas de recours permettant un rappel. Il est possible de prévoir par règlement l'interdiction d'additifs, mais pas d'imposer soudainement un rappel immédiat. Un règlement pourrait prévoir un niveau maximal de nicotine; on pourrait interdire certains additifs ou limiter les émissions. Mais, à l'heure actuelle, rien dans le projet de loi ne permet d'effectuer un rappel en raison de la présence d'un additif en particulier ou du niveau de nicotine.

Le président : Merci. Je crois que cela met fin à notre marathon de rencontres sur le sujet aujourd'hui. La fumée nous sort par les oreilles. Quel mauvais jeu de mots; l'après-midi a été long.

Nous vous remercions sincèrement de votre présence avec nous.

Encore une fois, chers collègues, vous avez soutenu vos efforts tout l'après-midi et vos questions nous ont donné de quoi débattre davantage. Si nous ne produisons pas un rapport de la taille de ceux qui nous ont été présentés aujourd'hui, j'espère au moins que nous serons en mesure de régler différentes questions dans le cadre de nos travaux à ce sujet cette semaine.

Merci beaucoup à vous deux. Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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