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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 35 - Témoignages du 1er février 2018


OTTAWA, le jeudi 1er février 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général (sujet : Le régime enregistré d'épargne-invalidité et le crédit d'impôt pour personnes handicapées).

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Art Eggleton, sénateur de Toronto, et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd’hui, nous amorçons une série de trois réunions portant sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le régime enregistré d’épargne-invalidité.

J’invite mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant par ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec. Je suis vice-présidente du comité.

La sénatrice : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec, vice-présidente du comité.

[Traduction]

Le président : Pour amorcer notre étude sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées — voici Jim Munson, de l’Ontario, qui arrive —, nous accueillons aujourd’hui deux groupes de témoins. Chaque groupe se compose de trois personnes, ce qui nous laisse très peu de temps; nous devrons donc être concis dans nos questions et nos réponses si nous voulons faire le tour de la question dans un laps de temps aussi court.

Nous accueillons aujourd’hui Dermot Cleary, président du conseil d’administration d’Autisme Canada, Kimberley Hanson, directrice, Affaires fédérales, de Diabète Canada et Benjamin Davis, vice-président national, Relations gouvernementales, et président de la division de l’Atlantique, de la Société canadienne de la sclérose en plaques.

Bienvenue à tous les trois. À moins que vous ayez une préférence quant à l’ordre des interventions, je vais suivre l’ordre dans lequel je vous ai présentés. Monsieur Cleary, je vous invite donc à commencer.

Dermot Cleary, président du conseil d’administration, Autisme Canada : Bonjour.

Permettez-moi d’abord de vous signaler que je suis accompagné de Mme Jennifer Zwicker, directrice des politiques de santé à l’Université de Calgary, et de M. Paul McDonnell, qui est psychologue à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Ils sont assis juste derrière moi et si les questions touchent leur domaine d’expertise, je leur demanderai de prendre place dans ce fauteuil pour y répondre. Je vous remercie.

Je suis ravi de représenter aujourd’hui Autisme Canada et la communauté autistique devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous sommes ici pour aborder avec vous la question de l’accès équitable au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au régime enregistré d’épargne-invalidité.

À la fin de 2017, Autisme Canada a demandé aux Canadiens de décrire leur expérience concernant leur demande pour obtenir un crédit d’impôt pour personnes handicapées ou pour le maintenir. Leurs réponses nous ont bouleversés. À ce jour, nous avons reçu les commentaires de nombreux Canadiens, notamment d’adultes autistes, de membres de leurs familles, d’aidants naturels et de professionnels chargés de remplir les formulaires.

Voici les commentaires que nous avons reçus. Le processus de demande d’un crédit d’impôt pour personnes handicapées est un parcours du combattant, et c’est peu dire. Les critères d’admissibilité ne sont pas adaptés à un diagnostic de trouble neurodéveloppemental comme l’autisme. Le processus d’examen de l’ARC manque de rigueur et de transparence. Il est incohérent et il faut parfois attendre des semaines, voire un an, avant d’obtenir une réponse.

Des médecins, des cliniciens et d’autres professionnels de la santé déplorent la récente hausse du nombre de demandes rejetées ou de demandes de complément d’information.

Je vous fais remarquer que ces rejets ne concernent pas seulement les autistes à haut niveau de fonctionnement. Nous avons été informés que de nombreuses demandes concernant des enfants atteints d’un trouble modéré à sévère avaient également été rejetées.

Les personnes et les familles qui ont ouvert un régime enregistré d’épargne-invalidité pour eux-mêmes ou pour leurs enfants autistes sont très inquiètes de constater qu’après avoir été admissibles durant des années au crédit d’impôt pour personnes handicapées, elles ne sont plus admissibles au REEI.

Le trouble du spectre de l’autisme, ou l’autisme tout court, est un trouble neurodéveloppemental qui perturbe le développement cérébral, ce qui entraîne chez la plupart des personnes atteintes des problèmes de communication, une difficulté à socialiser et une tendance à répéter des comportements spécifiques. Leur gamme d’activités et d’intérêts est également très restreinte.

Ce trouble s’accompagne généralement de diverses comorbidités : épilepsie, troubles du sommeil, anomalies gastro-intestinales, dérèglement immunitaire et problèmes de santé mentale comme l’anxiété et la dépression.

L’un des principaux thèmes de notre discussion aujourd’hui est le pronostic pour les personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme, en particulier ce que nous dit la recherche quant à la probabilité que ces enfants puissent un jour travailler et épargner pour leur retraite, vivre de façon autonome et recevoir un soutien suffisant lorsque leur famille ou leurs aidants naturels ne seront plus là.

Des études ont démontré que parmi les adultes atteints du syndrome d’Asperger — c’est-à-dire les personnes se situant dans la tranche supérieure du spectre de l’autisme — n’ayant suivi aucune thérapie, 85 p. 100 étaient sans emploi, 98 p. 100 ne se sont jamais mariés et 76 p. 100 étaient hospitalisés ou vivaient avec leurs parents pour le restant de leurs jours.

Selon les estimations, les coûts associés à une personne autiste durant toute sa vie peuvent varier entre 1,4 et 2,4 millions de dollars, selon que la personne présente ou non une déficience intellectuelle.

Ce diagnostic permanent a de lourdes répercussions sur l’avenir de ces personnes, de même que sur leurs familles et la société en général.

De nombreux autistes canadiens et leurs familles croulent déjà sous le fardeau des coûts directs des divers traitements, thérapies et interventions non couverts par l’assurance-maladie, sans parler des frais cachés que doivent assumer tous les autistes, peu importe où ils se situent dans le spectre, toute leur vie durant. Il peut s’agir, par exemple, des frais de garderie spécialisée, du coût de divers programmes comme les cours de natation, qui est majoré du double, des frais liés aux services de relève, aux services de tuteurs, de préposés aux soins personnels, de coachs de vie ou de formateurs en milieu de travail, de professionnels de la santé mentale et, enfin, du coût de certains appareils fonctionnels, comme les casques d’écoute antibruit, et autres outils de communication.

Il arrive souvent qu’un des deux parents n’ait d’autre choix que de quitter son emploi pour s’occuper de son enfant à la maison, être disponible pour le conduire à ses thérapies, dispenser des programmes à domicile ou tout simplement pour être disponible quand son enfant est renvoyé de l’école ou d’un programme. Cela donne une idée des lourdes répercussions économiques de l’autisme.

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées se voulait une mesure d’équité fiscale, en compensant les coûts supplémentaires engendrés par le handicap d’une personne. Dans ce cas, pourquoi les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique sont-elles si nombreuses à ne pouvoir se prévaloir de cette mesure d’équité?

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées a été conçu à l’intention des personnes ayant un handicap physique. Les critères actuels d’admissibilité ne sont pas adaptés à une personne qui a reçu un diagnostic d’autisme ou de troubles neurodéveloppementaux. Ces personnes éprouvent de graves difficultés dans tous les domaines du comportement social, que ce soit au sein de leur famille, à l’école ou au travail. Elles ont également un accès restreint à des services professionnels adaptés à leurs besoins particuliers. Le crédit d’impôt pour personnes handicapées est un moyen qui leur permet de jouir d’une relative sécurité financière et de réduire leur dépendance financière envers leurs parents et d’autres membres de la famille.

Les critères d’admissibilité actuels — que l’ARC appelle les effets de la déficience — prennent en compte les activités courantes de la vie quotidienne, comme marcher, parler, entendre, s’habiller, se nourrir, évacuer, ainsi que les fonctions mentales nécessaires à la vie courante.

Ces critères sont extrêmement incomplets. Il est choquant de constater que l’incapacité d’une personne à travailler ne soit pas considérée comme une déficience ayant une incidence sur ses activités courantes de la vie quotidienne. J’ajouterais que si votre déficience vous empêche de travailler, d’obtenir une pension et de cotiser au régime de pensions du Canada ou à un régime enregistré d’épargne-retraite, votre sécurité financière ou votre qualité de vie risquent d’en être compromises.

Les Canadiens qui reçoivent un diagnostic d’inaptitude au travail en raison d’une déficience devraient être admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au REEI. Ce sont leurs deux seules options.

Incidemment, j’attire votre attention sur le fait que l’ARC est le principal administrateur des personnes handicapées au sein du gouvernement parce que ce sont les instruments financiers qui touchent le plus ces personnes, pour le meilleur ou pour le pire.

Le principal problème pour les Canadiens autistes et leurs familles qui souhaitent planifier l’avenir de leurs enfants est, de loin, l’accès au REEI, parce que le gouvernement fédéral rend son admissibilité conditionnelle à leur admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le REEI est de loin le produit enregistré d’épargne le plus inaccessible financé par le gouvernement fédéral. Cela est tout à fait déplorable, car ce produit est supposé « servir » les personnes qui sont les moins capables d’assurer leur propre avenir financier à cause de leur déficience.

Je vais vous lire un commentaire provenant d’une famille canadienne. Ce père décrit la réalité de toutes les familles qui ont un enfant atteint d’un trouble du spectre autistique :

Nous souffrons actuellement de notre incapacité à assurer l’avenir de notre fils. Nous sommes son unique cercle social, nous sommes ses soutiens financiers et nous assurons également son transport. Nous sommes toute sa vie. Mes craintes m’empêchent de dormir la nuit. Si rien n’est mis en place — un plan, un programme, un réseau de soutien — qu’adviendra-t-il de mon fils quand je ne serai plus là? Sera-t-il institutionnalisé, négligé ou, pire encore, deviendra-t-il un sans-abri, sera-t-il privé d’amour ou de soutien. J’ai besoin d’avoir l’esprit en paix et il a besoin d’un avenir.

Ce témoignage fait écho à ma propre expérience.

Dans le mémoire que nous avons adressé au comité, nous recommandons les mesures suivantes : la mise en place d’un processus clair, transparent et éclairé d’examen des demandes et d’appel, l’établissement de critères de classification clairs, cohérents et universellement reconnus pour les personnes handicapées, la séparation du régime enregistré d’épargne-invalidité et du crédit d’impôt pour personnes handicapées, la mise en place d’un mécanisme fédéral de surveillance et d’évaluation des données démographiques sur les personnes handicapées, l’inclusion de personnes atteintes de troubles neurodéveloppementaux au sein du Comité consultatif des personnes handicapées.

Nous vous encourageons à lire attentivement notre mémoire. Le fait de comprendre l’autisme et ses répercussions permanentes sur les personnes et leurs familles vous convaincra, nous l’espérons, de la nécessité d’une action immédiate de la part du gouvernement fédéral pour assurer la sécurité financière de ce groupe vulnérable de notre société. Je vous remercie.

Le président : Merci, monsieur Cleary.

Kimberley Hanson, directrice, Affaires fédérales, Diabète Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui. Au cours des six derniers mois de 2017, Diabète Canada a été à l’écoute de centaines de Canadiens vivant avec le diabète de type 1 qui déploraient que leur accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées ou CIPH et, par conséquent, au régime enregistré d’épargne-invalidité ou REEI avait été grandement restreint. Il semblerait que cette situation soit attribuable à un changement de procédure apporté par l’Agence du revenu du Canada, l’ARC.

Diabète Canada est très reconnaissante envers les parlementaires de tous les partis et l’ARC de s’être penchés sur ce problème. L’engagement qu’ils ont pris le 8 décembre de revenir à l’interprétation de la Loi de l’impôt sur le revenu d’avant le mois de mai semble avoir résolu ce problème qui touchait les Canadiens atteints de diabète de type 1. Diabète Canada peut donc confirmer que, depuis le 1er décembre, plus de 400 adultes atteints de diabète de type 1 ont obtenu le crédit d’impôt.

Tout en se réjouissant de cette correction, la communauté du diabète a de vives inquiétudes au sujet du CIPH et du REEI dans deux importants dossiers dont j’aimerais vous entretenir aujourd’hui.

Premièrement, les critères d’admissibilité au CIPH doivent mieux refléter la réalité des personnes sous insulinothérapie. Deuxièmement, l’argent investi par les Canadiens dans leurs REEI doit être mieux protégé, dans l’éventualité d’une modification ultérieure des critères d’admissibilité au CIPH.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de prendre quelques instants pour vous expliquer ce qu’est le diabète de type 1. Je devrais préciser qu’un grand nombre de Canadiens atteints du diabète de type 2 peuvent aussi être admissibles au CIPH et au REEI, mais je vais me concentrer sur le type 1 parce que c’est la communauté la plus touchée par les récents changements apportés à ce programme.

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune débilitante, chronique et évolutive qui menace quotidiennement la vie des personnes atteintes. Les diabétiques n’ont pas la capacité de produire de l’insuline, essentielle à la métabolisation des glucides qui eux, sont essentiels au maintien de la vie. Bien que nous ignorions les causes exactes de cette incapacité, nous savons qu’on ne peut rien faire pour la prévenir.

Le diabète de type 1 est une maladie douloureuse, invasive et implacable qui ne donne jamais de répit aux personnes qui en sont atteintes. La maladie nous expose tous à un risque élevé de complications graves comme la cécité, l’insuffisance rénale, l’amputation et les maladies cardiaques, et elle peut réduire notre espérance de vie de 5 à 15 ans.

La gestion du diabète de type 1 a été comparée, du point de vue de sa complexité, au pilotage d’un avion. Une étude menée en 2009 a établi qu’il y a 600 mesures à prendre chaque jour pour gérer le diabète et que, même si les personnes s’acquittent de chacune de ces tâches à la perfection, elles ne sont pas toujours récompensées par leur taux de glycémie. Sa variabilité nécessite une vigilance soutenue au quotidien.

Même avec notre système public de soins de santé, vivre avec le diabète de type 1 coûte aux diabétiques jusqu’à 15 000 $ par année en médicaments et en fournitures essentielles à l’administration de l’insuline et à la surveillance de la glycémie. L’insuline est un traitement indispensable au maintien de la vie.

Compte tenu de ces coûts et de l’indispensabilité de ces médicaments et fournitures, le CIPH et le REEI procurent un soutien financier et une sécurité fort appréciés. Même si le CIPH ne représente en moyenne que 1 500 $ par année, un diabétique peut utiliser ce montant immédiatement pour se procurer ses fournitures médicales et veiller au maintien de sa santé.

À plus long terme, il y a de fortes chances qu’une personne atteinte du type 1 connaisse des périodes d’invalidité au cours de sa vie professionnelle, voire que celle-ci soit écourtée en raison de complications liées à la maladie. Un REEI peut procurer sécurité et paix d’esprit aux personnes atteintes de diabète de type 1 et à leurs familles.

Permettez-moi de vous donner un exemple. J’ai récemment reçu une lettre d’un jeune homme âgé de 25 ans qui vit avec le diabète de type 1 depuis une vingtaine d’années. Joueur de hockey de compétition, il est actuellement en processus d’embauche pour devenir agent à la Gendarmerie royale du Canada après avoir été mis à pied par Sears, acculée à la faillite. Il a vraiment besoin du soutien financier du CIPH pour gérer sa maladie. Il m’a expliqué que, comme il ne touchait aucune prestation, cet argent supplémentaire pouvait lui être d’un grand secours pour l’achat de ses fournitures et son insuline. Le CIPH lui permettra carrément de survivre, contrairement à d’autres personnes qui n’ont aucun souci à cet égard.

En 2017, toutefois, malgré le certificat de son médecin attestant qu’il satisfaisait à tous les critères d’admissibilité, sa demande de CIPH a été rejetée de manière inexplicable. Il a l’impression que son invalidité et ses demandes ont été évaluées de manière robotique et non d’un point de vue humain empreint de compassion et de compréhension. L’exemple de Nick en est un parmi d’autres.

Quelle que soit la valeur du CIPH et du REEI pour aider les Canadiens à faire face aux dépenses liées à leur maladie, nous savons que le fonctionnement de ces programmes pose des difficultés. Une récente étude réalisée par l’École de politique publique de l’Université de Calgary — Mme Zwicker est justement des nôtres aujourd’hui — a conclu que le processus de demande est trop complexe, autant pour les patients que pour les fournisseurs de soins et que, pour cette raison, seuls 40 p. 100 des Canadiens ayant une déficience touchent le CIPH. De même, un rapport de 2014 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a conclu que seulement 15 p. 100 des Canadiens admissibles au REEI investissaient dans cet instrument. Nous devons continuer à simplifier et à expliquer le processus à l’ensemble des Canadiens handicapés.

Quant aux personnes atteintes du diabète, elles doivent surmonter deux grands défis constants pour avoir accès au CIPH et au REEI : des critères d’admissibilité inadaptés à leur situation et des placements non protégés dans le REEI. Les critères d’admissibilité de la catégorie des « soins thérapeutiques essentiels », la catégorie dans laquelle les diabétiques présentent leur demande de CIPH, permettent à un diabétique de comptabiliser le temps qu’il consacre au dosage de son insuline au regard de l’exigence selon laquelle il doit consacrer en moyenne 14 heures par semaine à l’administration de son insuline. Cependant, même si la Loi de l’impôt sur le revenu ne contient aucune disposition l’excluant explicitement, le guide opérationnel de l’ARC portant sur le CIPH publié en 2013 empêche explicitement les demandeurs de comptabiliser le temps consacré au calcul des glucides.

Il est simplement impossible pour un diabétique de type 1 de doser son insuline sans prendre en compte divers facteurs comme l’exercice, le stress, les changements hormonaux ou la maladie.

Les critères d’admissibilité, selon l’interprétation qui en est faite aujourd’hui, ne tiennent pas compte des réalités de l’insulinothérapie. Diabète Canada recommande la mise à jour des critères d’admissibilité, afin de les rendre plus explicites, ainsi que la modernisation du processus de demande et du manuel des opérations de l’ARC afin de les rendre plus cohérents, plus équitables et mieux adaptés à la réalité des patients atteints de diabète, et plus clairs pour leurs fournisseurs de soins de santé.

Le REEI pose également des problèmes. Depuis la création de ce programme en 2008, de nombreux Canadiens vivant avec le diabète de type 1 placent leurs épargnes dans cet instrument pour être en mesure de payer leurs frais médicaux dans le futur, ce qui est justement l’objectif de cet instrument. Or seuls les Canadiens qui sont admissibles au CIPH peuvent contribuer au REEI et, s’ils deviennent inadmissibles au CIPH, leurs comptes de placement sont fermés et le gouvernement récupère toutes ses cotisations.

Comme nous l’avons constaté récemment, les conditions d’admissibilité peuvent être modifiées sans préavis ni consultation. De nombreux Canadiens ont failli perdre des dizaines de milliers de dollars à cause d’un changement mineur de procédure effectué par l’ARC le 2 mai dernier et qui a eu d’énormes répercussions pour les familles qui croyaient que ces fonds étaient disponibles. Le gouvernement doit prendre des mesures pour protéger les placements des Canadiens dans ces précieux instruments. Diabète Canada recommande au gouvernement du Canada de veiller à ce que les Canadiens puissent conserver toutes les cotisations versées dans leur REEI pendant qu’ils étaient légitimement admissibles au CIPH et que les fonds ne soient pas récupérés à cause d’une modification ultérieure des critères d’admissibilité ou des procédures.

Le rétablissement du Comité consultatif des personnes handicapées est une mesure importante qui permet de s’assurer que les besoins des Canadiens aux prises avec une déficience soient communiqués efficacement à l’ARC et dûment pris en compte dans ses opérations. Il est toutefois nécessaire d’effectuer des mises à jour de la Loi de l’impôt sur le revenu et du mandat de l’ARC pour s’assurer que le CIPH et le REEI remplissent les fonctions pour lesquelles ils ont été créés et pour alléger le fardeau financier qui pèse sur les épaules de près de 300 000 Canadiens en raison de la maladie incurable avec laquelle ils vivent, le diabète de type 1.

Merci.

Le président : Je vous remercie, madame Hanson.

C’est maintenant au tour de Benjamin Davis, de la Société canadienne de la sclérose en plaques.

Benjamin Davis, vice-président des relations avec les gouvernements à l'échelon national et président, Division de l’Atlantique, Société canadienne de la sclérose en plaques : Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole ici aujourd’hui au nom des Canadiens atteints de sclérose en plaques.

Je veux d’abord vous présenter quelques faits au sujet de la SP et de la Société de la SP. La SP est une maladie chronique et souvent invalidante du système nerveux central qui affecte le cerveau, la moelle épinière et le nerf optique.

Chaque personne atteinte de SP vit une expérience différente, laissant la place à une grande variabilité des symptômes qui peuvent affecter la vision, la mémoire, l’équilibre et la mobilité.

Le Canada a l’un des taux de SP les plus élevés au monde. C’est la maladie neurologique la plus courante chez les jeunes adultes. La plupart des personnes sont diagnostiquées entre 15 et 40 ans. La SP est trois fois plus susceptible de frapper les femmes que les hommes.

À la Société canadienne de la SP, nous veillons à ce que les Canadiens vivant avec la SP et leur famille aient la possibilité de participer pleinement à tous les aspects de la vie, y compris d’être des citoyens productifs et à part entière.

Pour de nombreuses personnes atteintes de SP, l’imprévisibilité et la nature épisodique de cette maladie rendent particulièrement difficile le maintien d’une qualité de vie adéquate. En plus des défis que pose le fait de vivre avec une déficience qui présente des symptômes visibles et invisibles, de même que les obstacles dans les programmes de soutien offerts par tous les paliers de gouvernement, vivre avec la SP crée d’immenses défis financiers pour les familles canadiennes qui ont de la difficulté à gérer les réalités de la maladie chronique.

Si je suis ici aujourd’hui, c’est pour vous parler du crédit d’impôt pour personnes handicapées, du régime enregistré d’épargne-invalidité et de la façon dont ils s’harmonisent avec notre travail.

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées est une source de soutien du revenu pour les Canadiens ayant une déficience. Il s’agit d’un programme important et très utile. Par contre, pour les personnes atteintes de SP et d’autres incapacités épisodiques, il existe des obstacles importants à l’accès.

Nos recommandations permettraient au crédit d’impôt pour personnes handicapées de remplir pleinement son objectif, à savoir assurer une plus grande équité fiscale en permettant un certain allègement des coûts liés à la déficience.

Premièrement, nous recommandons de modifier la définition de déficience pour permettre aux personnes vivant avec des incapacités de nature épisodique d’être admissibles. Actuellement, la définition de déficience pose vraiment problème pour les personnes atteintes de maladies épisodiques. Elle exige que la déficience d’une personne soit grave et prolongée, ce qui veut dire qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle dure au moins 12 mois consécutifs.

La définition exclut les personnes vivant avec des incapacités épisodiques comme la SP, dont les symptômes peuvent apparaître et disparaître, être très graves et débilitants à certains moments, puis s’estomper pendant quelque temps.

Laissez-moi vous raconter l’histoire de Geeta, une femme atteinte de SP récurrente-rémittente. Elle sera atteinte de SP pour le reste de sa vie, mais les symptômes apparaîtront et disparaîtront. Elle peut faire une rechute pendant six jours, six semaines ou même six mois au cours d’une année, ou ses symptômes peuvent devenir graves et persister pendant plusieurs années. Geeta doit compter sur une mosaïque de soutiens et de services pour rester en santé. Elle engage des dépenses supplémentaires liées à sa déficience, mais comme sa déficience peut ne pas être prolongée ou permanente, elle n’est pas admissible à certains des soutiens du revenu dont elle a besoin pour conserver une qualité de vie décente.

En plus de modifier la définition pour tenir compte de l’incapacité épisodique, il faut coordonner et partager l’information entre les programmes de soutien du revenu, y compris l’harmonisation des critères d’admissibilité dans toute la gamme des mesures de soutien du revenu disponibles. Par exemple, une personne ayant reçu un diagnostic de SP, une maladie actuellement incurable, est invitée à cocher la case année après année, réitérant son diagnostic auprès de plusieurs programmes de soutien différents.

Ce fardeau inutile a été documenté dans un rapport récent intitulé Leaving Some Behind: What Happens When Workers Get Sick, rédigé par l’Institut de recherche en politiques publiques, un groupe de réflexion très réputé.

Nous recommandons également que le crédit d’impôt pour personnes handicapées soit remboursable et que le revenu tiré de ce crédit soit exonéré pour les personnes handicapées bénéficiant de l’aide sociale et de l’aide aux personnes handicapées.

Le niveau de revenu nécessaire pour bénéficier du crédit d’impôt pour personnes handicapées constitue un défi de taille. Bon nombre de Canadiens ayant des incapacités épisodiques, en particulier les femmes, ne travaillent pas assez pour générer le revenu minimum requis pour obtenir les avantages associés à ce crédit d’impôt, même s’ils seraient par ailleurs admissibles.

Tout le monde devrait en bénéficier de façon égale. Si nous voulons réduire la marginalisation des personnes ayant des incapacités épisodiques et les aider à sortir de la pauvreté et à passer à l’autonomisation et à l’emploi, ce changement est nécessaire.

Pour terminer, j’aimerais mentionner que le plus grand défi du régime enregistré d’épargne-invalidité pour les personnes atteintes de SP est que le REEI exige que vous soyez admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Si vous recevez un diagnostic de SP à l’âge de 20 ans, mais que vous ne présentez pas une déficience prolongée ou permanente, vous n’êtes pas admissible au crédit d’impôt, ce qui vous empêche d’établir un REEI pour planifier votre avenir.

De nombreuses personnes atteintes de SP vivent bien au cours des premières années de leur maladie, qui devient plus progressive plus tard dans leur vie. Elles peuvent être dans la quarantaine ou la cinquantaine avant d’être jugées suffisamment handicapées pour être admissibles. Un particulier qui devient admissible au crédit d’impôt à 50 ans n’a que neuf ans pour établir un REEI et y cotiser. Nous recommandons de modifier les critères d’admissibilité au REEI.

De plus, les personnes qui ont établi un REER avant de devenir admissibles devraient avoir la capacité de transférer les fonds d’un REER dans un REEI, ce qui leur permettrait d’avoir accès à leurs épargnes au moment où elles en ont besoin.

En conclusion, nous voulons que le gouvernement du Canada améliore les mesures de soutien du revenu afin que les familles canadiennes touchées par la SP puissent joindre les deux bouts. Nous savons que votre mandat est de promouvoir l’égalité des chances et d’accroître l’inclusion et la participation des personnes ayant des déficiences. La première étape consistera à redéfinir, simplifier et rationaliser les divers programmes d’invalidité. Ces petits changements, quoiqu’importants, peuvent faire une différence dans la vie des personnes atteintes de SP et d’autres maladies chroniques.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.

Le président : Merci, monsieur Davis.

Je vous remercie encore tous les trois d’être venus et de vos exposés très convaincants.

Normalement, nous aurions trois témoins pour une séance de deux heures, mais aujourd’hui nous avons trois témoins pour une réunion d’une heure et ma liste des personnes qui veulent intervenir est très longue. Nous allons donc procéder en permettant à chaque membre du comité de poser une question. Vous pouvez indiquer si vous voulez participer à un deuxième tour, si nous en avons l’occasion.

Je vais commencer par les deux vice-présidentes, puis nous enchaînerons avec les autres membres.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup de vos exposés.

J’aimerais poser une question plus précisément sur le CIPH. J’essaie de comprendre, parce que d’après ce que je vous entends dire — et nous le savons pour ce qui est du processus de demande, mais j’essaie de comprendre, parce qu’il me semble que quelque chose a changé ou n’a pas suffisamment changé au cours des dernières années.

Je crois savoir qu’il y a eu une consultation en 2014 et que le formulaire ou le processus de demande a été soi-disant simplifié au plan technique.

Pensez-vous que c’est la philosophie ou l’approche qui a changé ou est-ce que le défi est vraiment lié au processus qui n’est peut-être pas assez propre à la déficience?

Vous en avez parlé un peu, mais j’aimerais vous entendre un peu plus à ce sujet. Peut-être que M. Cleary pourrait commencer.

M. Cleary : Merci de la question.

Je dirai que la réponse se trouve dans quelques éléments, le premier étant la pertinence ou la qualité globale des critères du crédit d’impôt pour personnes handicapées au moment où il a été créé.

L’un de ces éléments, de notre point de vue à Autisme Canada, est qu’il ne reflétait pas adéquatement les problèmes de développement neurologique, qu’il s’agissait essentiellement d’un crédit d’impôt axé sur les personnes ayant une déficience physique.

Le deuxième élément serait que selon l’ARC, elle n’a rien changé dans sa façon de fonctionner. Il s’agit de la position que l’agence a adoptée jusqu’à tout récemment, lorsqu’il y a eu une révélation au sujet du diabète, comme nous le savons.

De notre point de vue, nous constatons un nombre anormalement élevé de refus. Les données de l’AIPRP qui ont été fournies montrent une augmentation considérable en pourcentage, je crois qu’on parle d’une augmentation de 60 p. 100, des refus ces derniers temps. Nous avons de la difficulté à comprendre que ce soit le statu quo pour ce qui est de la politique.

Je dirais que le dernier élément est ce qui semble ne pas être la mise en œuvre cohérente de la politique. Nous avons vu des gens, disons deux garçons qui ont le même niveau de diagnostic au sein de la famille. L’un reçoit le crédit d’impôt pour personnes handicapées et l’autre ne le reçoit pas. Nous en avons de nombreux exemples. Il est difficile de dire où se situent les problèmes.

Je pense qu’une refonte du CIPH est en soi une tâche énorme, mais la mise en œuvre cohérente de critères aidera beaucoup aussi.

Mme Hanson : Je suis tout à fait d’accord avec tout ce que M. Cleary a dit.

J’ajouterais que les efforts visant à simplifier et à rationaliser le processus de demande sont très certainement les bienvenus et ce que nous aimerions avoir.

Il semble que ces efforts aient été entrepris sans une vaste consultation des intervenants et qu’ils aient entraîné de nombreuses conséquences imprévues.

Je pense que le plus gros problème semble être que ce qui se trouve dans les formulaires de demande, les critères d’admissibilité, n’est pas nécessairement ce qui se trouve dans le manuel des opérations ou au niveau de la procédure au sein de l’ARC. Par conséquent, l’orientation donnée aux analystes qui examinent ces demandes et qui sont tenus de les évaluer n’est pas conforme à la lettre et l’esprit de la Loi de l’impôt sur le revenu ou à l’esprit du règlement. Il semble que ce soit là que nous éprouvions beaucoup de problèmes dans le cas du diabète et que c’est là, du moins je le suppose, que d’autres personnes atteintes d’autres affections rencontrent ces problèmes.

Je pense que cela entraîne aussi une certaine incohérence. Nous avons le cas de deux jumelles, toutes les deux atteintes de diabète de type 1, qui ont le même médecin et qui suivent le même protocole de traitement. Une a été approuvée et l’autre ne l’a pas été. C’est difficile à comprendre.

M. Davis : Je ferais rapidement écho à ces commentaires et j’ajouterais que je suis d’accord avec les commentaires de mes collègues.

Je voudrais souligner deux points. Premièrement, nous continuons d’entendre dans la communauté des personnes atteintes de SP que le processus de demande est incroyablement lourd et qu’il existe un manque général de sensibilisation quant aux tenants et aboutissants de la façon d’aborder ce problème. Deuxièmement, je voudrais souligner que les critères relatifs aux maladies épisodiques sont cruciaux. Beaucoup de personnes sont exclues du programme en raison du moment où leur déficience survient. Ce n’est pas juste.

La sénatrice Seidman : Merci à tous les trois d’être venus et, comme l’a dit notre président, de vos exposés convaincants.

Ma question s’adresse à vous, madame Hanson, si vous le permettez.

Elle porte sur le suivi et l’évaluation des données sur les incapacités dans la population auxquelles vous, monsieur Cleary, avez si bien fait référence dans votre exposé.

Je m’intéresse aux données de Diabète Canada, comme vous les avez présentées, en fonction de la déficience. Je consulte les renseignements du « Coup d’œil sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées » publiés par l’ARC et ils ne sont pas présentés en fonction de la déficience. Aucune.

Mme Hanson : C’est exact.

La sénatrice Seidman : Les données ne sont pas catégorisées en fonction de la déficience.

Vous nous avez fourni les données en disant qu’en date de décembre, 400 adultes atteints de diabète de type 1 ont eu droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Vous possédez donc ces données en fonction de la déficience.

Premièrement, j’aimerais vous demander s’il s’agit de renversements de demandes rejetées antérieurement.

Deuxièmement, j’aimerais vous poser une question au sujet des données que vous recueillez et qui sont propres à une déficience. D’après vous, pourquoi est-ce que l’ARC ne fait pas le suivi ou n’est pas en mesure de faire le suivi de telles données propres aux déficiences dans la population?

Mme Hanson : Merci de votre question, madame la sénatrice. Cette question est vraiment importante et préoccupante, car il s’agit de savoir comment nous pouvons évaluer l’efficacité de ce programme si nous ne comprenons pas comment il s’applique aux personnes atteintes de certaines affections.

J’ai été très consternée récemment de recevoir des réponses à des questions inscrites au Feuilleton que plusieurs députés ont posées à l’ARC à l’automne pour demander des données précises sur l’application du CIPH aux personnes atteintes d’affections différentes. Ils ont vraiment obtenu des réponses très vagues et nébuleuses qui ne fournissaient aucune donnée.

En ma qualité de contribuable et de citoyenne, mais aussi comme personne qui défend les droits des personnes ayant des déficiences, cela n’a pas sa raison d’être selon moi.

Je peux vous dire que dans le cas du diabète, nous demandons le crédit d’impôt pour personnes handicapées dans la catégorie des soins thérapeutiques essentiels. Habituellement, nous partageons cette catégorie avec les personnes qui ont besoin d’une dialyse rénale ou qui sont atteintes de fibrose kystique, ainsi que d’autres, mais ce sont là les trois principales catégories de maladie ou de diagnostic qui relèveraient de ce programme.

Nous savons que, en 2017, 2 200 personnes qui ont présenté une demande dans cette catégorie ont été refusées. Je dirais que c’était jusqu’au milieu de l’été 2017, donc avant la crise. Je suis convaincue que ce chiffre a augmenté de façon marquée depuis. Nous ne pouvons pas obtenir de données qui soient à jour ou propres à une affection ou un diagnostic sous-jacent.

Nous avons produit ce nombre de plus de 400 adultes approuvés depuis le 1er décembre grâce à des communications avec le grand public et avec des gens qui ont communiqué avec nous pour obtenir de l’aide au départ.

Donc, il se peut fort bien qu’il y en ait plus de 400. Je peux vous présenter une liste que j’ai dressée de ces 400. Beaucoup de ces cas étaient des renversements de refus antérieurs. Je dirais qu’environ la moitié d’entre eux étaient des nouveaux demandeurs et que l’autre moitié se composait de gens qui avaient déjà été approuvés pour le CIPH et de gens qui présentaient une nouvelle demande et qui avaient été acceptés ou refusés. Quelques-uns d’entre eux étaient de nouveaux demandeurs dont la demande n’avait pas été approuvée ou qui avait été refusée avant l’imposition du gel à l’automne.

Le président : Je pourrais ajouter que j’ai écrit à la ministre et que notre recherchiste, Elizabeth Cahill, a également communiqué avec l’ARC pour tenter d’obtenir des données supplémentaires. La sénatrice Seidman a décrit certains des renseignements dont nous avons besoin et nous espérons obtenir des renseignements à ce sujet.

Nous entendrons maintenant le sénateur qui a proposé que nous nous penchions sur cette étude, le sénateur Munson.

Le sénateur Munson : Merci de vos témoignages. Vous connaissez la position du Sénat à l’égard de certaines de ces questions, mais vos propos de ce matin nous donnent le pouvoir d’agir.

Monsieur Cleary, vous avez utilisé le mot déchirant. J’examine toujours ces questions sous l’angle des droits de la personne, c’est-à-dire les droits de tout le monde en vertu de notre Constitution et de notre Charte au Canada, droits qui, à mon avis, sont bafoués.

Je vérifiais tout simplement de nouveau. Nous avions proposé que des groupes d’autisme fassent partie du comité consultatif. La ministre voulait avoir quelques groupes, mais, quand je regarde les groupes, l’autisme n’y est pas.

M. Cleary : Nous n’y sommes pas.

Le sénateur Munson : Je ne comprends pas comment l’ARC peut faire en sorte qu’il y ait 12 groupes et que l’autisme en soit exclu. Je n’en reviens tout simplement pas.

Voyez-vous des signes, dans le cadre du présent débat public, où des gens souffrent dans vos collectivités et n’obtiennent pas les crédits d’impôt auxquels ils ont droit? Voyez-vous des signes d’une ARC plus empathique ou compatissante?

M. Cleary : Je n’ai vu aucun exemple d’une ARC plus compatissante. Nous avons également constaté, grâce à nos efforts auprès du grand public, qu’il y a un peu plus de demandes de crédit d’impôt pour personnes handicapées qui sont approuvées. Je n’ai pas de liste avec moi, mais nous avons eu cette discussion. Je ne dirais pas que cela vient d’un point de vue empathique. Cela vient de ces efforts.

Mme Hanson : Nous avons entendu des commentaires bouleversants de la part de gens aux prises avec d’autres affections; par exemple, les personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de colite constatent qu’elles ne sont pas en mesure de faire approuver leur demande, quoi qu’il arrive, ou seulement quelques exemples anecdotiques que j’ai entendus de la part de citoyens. Peut-être que le diabète obtient un laissez-passer en ce moment, mais la situation d’autres affections, je dirais, est pire qu’elle ne l’était auparavant.

M. Davis : Je n’ai rien à ajouter qui soit contraire à ces commentaires. La nature communautaire de notre organisation continue de nous présenter des données qui indiquent qu’il y a des problèmes pour accéder au programme et qu’il y a plusieurs raisons dont nous avons parlé pour étayer cela.

D’un point de vue gouvernemental plus large, en ce qui concerne les maladies épisodiques, nous sommes heureux que la loi fédérale sur l’accessibilité proposée inclue les maladies épisodiques dans la définition d’incapacité.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’aimerais savoir s’il y a un comité qui s’est déjà penché sur les critères d’admissibilité. Les critères de handicap des trois maladies dont il est question — l’autisme, le diabète et la sclérose en plaques — sont totalement différents. Vous venez de nous le dire. Ne devrions-nous pas essayer de trouver d’autres types de critères qui pourraient s’appliquer aux trois problématiques afin d’éviter la disparité dans l’attribution de ces crédits d’impôt? Y a-t-il un comité qui s’est déjà penché sur cette question?

Mme Hanson : C’est une excellente question, sénatrice, merci. Je vais répondre en anglais pour être claire.

[Traduction]

Un comité a examiné de fond en comble la Loi de l’impôt sur le revenu, la façon dont elle était appliquée et les critères d’admissibilité à ce programme au début des années 2000. Au cours de la prochaine heure, vous entendrez une des personnes qui faisaient partie de ce comité, Lembi Buchanan, qui est ici aujourd’hui. Elle est mieux renseignée que moi dans ce domaine.

Je comprends tout à fait que le crédit d’impôt pour personnes handicapées s’applique aux Canadiens atteints d’un nombre incalculable de maladies et de troubles et qu’il faut adopter des critères d’admissibilité qui établissent un filet et qui peuvent s’appliquer à des circonstances personnelles.

Ce qui me trouble est que dès que c’est possible, il semble que l’on interprète les critères d’admissibilité au CIPH de la façon la plus étroite possible dans le but de justifier l’exclusion du nombre de personnes de ce programme. Je ne crois pas que c’était là l’intention du programme lors de sa mise en œuvre.

J’aimerais que le Comité consultatif des personnes handicapées, qui vient d’être rétabli, mène à nouveau une étude. C’est beaucoup demander à un comité de bénévoles que de réaliser un travail aussi considérable et je me demande si, comme Canadiens, nous ne devrions pas réexaminer ces programmes depuis la base afin de voir si nous sommes à l’aise avec le mandat de l’ARC et sa gestion indépendante du programme.

M. Cleary : Je pense pouvoir parler en notre nom à tous. Nous sommes d’accord que le mandat de l’ARC est d’approuver les mesures fiscales et financières permises.

Il y a une différence énorme entre le fait de trancher sur la validité de la déduction d’une pièce d’équipement et l’admissibilité des personnes handicapées. Il ne s’agit pas de la même conversation, mais cela relève de la même culture. Je pense qu’il en résulte naturellement une conversation conflictuelle.

Il faut qu’un important changement de philosophie s’opère, car il s’agit d’enfants, de personnes incapables de parler ou de se défendre et qui sont, très souvent, dans une situation de détresse financière. On les traite de la même façon qu’une personne qui veut déduire une grosse facture de restaurant et dont on ne sait pas s’il s’agit vraiment d’un souper d’affaires. Ce sont deux choses très différentes. On autorise les deux avec le même langage et selon la même philosophie. Il faut que cela change.

Le président : C’est un point intéressant.

La sénatrice Poirier : Merci à tous d’être ici. Il est intéressant d’assister à tous ces débats.

En fait, j’ai eu un bon nombre de discussions à propos du problème que vous êtes en train d’expliquer avec différentes personnes de mon coin de province. D’après les études que j’ai pu trouver, à partir de l’âge de 15 ans, environ 1,8 million de Canadiens pourraient souffrir d’un handicap lourd ou très lourd. Mais elles montrent également que seuls 652 500 d’entre eux réclament le CIPH ou en font la demande.

Des 652 000 personnes qui en ont fait la demande, il serait intéressant de savoir combien ont vu leur demande acceptée.

Beaucoup de gens de ma région me racontent également que lorsque le programme a démarré, il était très comparable à la situation actuelle en ce qui a trait à l’admissibilité des personnes souffrant d’un handicap moteur, d’une déficience auditive ou du diabète. Puis, au fur et à mesure que les années passaient, leur handicap ne s’améliorait pas, il était pareil ou pire, mais tout à coup, pour des demandes semblables, les critères semblaient évalués différemment et les demandes n’étaient plus acceptées.

Je suis allée jusqu’à parler à un médecin de ma région pour obtenir de l’information ou des réactions. Le docteur m’a dit quelque chose d’étonnant. Premièrement, beaucoup de médecins exigent des honoraires pour remplir une demande. Comme les demandeurs ne peuvent pas se le permettre de toute manière, ils ne se donnent pas la peine de le demander au médecin.

Deuxièmement, bien des médecins savent que les chances que la demande soit acceptée sont faibles et que les frais qu’ils peuvent exiger sont limités, alors ils les découragent de faire la demande, car il est très probable qu’elle soit rejetée.

Est-ce que c’est là quelque chose que vous entendez? Est-ce que c’est un problème chez vous? Si c’est le cas, avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions résoudre ce problème ou l’aborder?

Mme Hanson : Je constate qu’il y a un problème persistant chez les médecins qui soignent les diabétiques, du fait qu’ils ne veulent pas remplir les formulaires de demande pour le CIPH, non pas parce qu’ils ne croient pas que leur patient ne reçoit pas la thérapie exigée, mais parce qu’ils ne croient simplement pas que la demande sera acceptée et les médecins et les infirmières ne reçoivent rien en échange du temps qu’ils passent à remplir ces formulaires.

Depuis longtemps, chaque demande est assortie de clarifications, ce qui signifie que non seulement le médecin et parfois l’infirmière doivent remplir le formulaire une fois, mais ils doivent ensuite répondre à des lettres de demande de clarification et de renseignements supplémentaires. Ils finissent par se demander quels renseignements est-ce qu’ils peuvent donner qui n’ont pas déjà été donnés et toute cette gestion leur semble carrément futile.

Diabète Canada a récemment tenté de joindre les cliniciens qui offrent leur soutien à ce groupe de personnes afin de leur expliquer quelle était la situation et quelles étaient les activités admissibles, tout cela dans le but qu’ils veuillent bien remplir les demandes pour aider leurs patients. Nombre d’entre eux sont encore réticents. Il est vrai que certains d’entre eux exigent rétribution et cela constitue une barrière. Je peux comprendre qu’il faut rétribuer les médecins et les infirmières pour leur travail, mais ces coûts constituent un obstacle financier pour beaucoup de patients.

En ce qui a trait au nombre de personnes qui font une demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées et dont la demande est rejetée, je lis en ce moment même des données que j’ai reçues de l’ARC, en réponse à une demande d’accès à l’information que nous avons faite l’été dernier, selon lesquelles en 2017, elle a reçu un total de 440 000 demandes, dont environ 10 p. 100 ont été rejetées.

Pour répondre aux remarques du sénateur, on observe un taux relativement élevé d’acceptation dans certaines catégories. C’est comme si cela allait de soi. Par exemple, les gens qui souffrent d’une élocution déficiente ont tendance à connaître un taux de rejet moins important que les personnes aux prises avec d’autres conditions. Je dirais qu’il y a eu, au cours des dernières années, un pic marqué du taux de rejet dans certaines catégories comme celle des handicaps liés à l’évacuation et celle des déficiences mentales.

Bien que le programme dans son ensemble connaisse un taux de rejet d’environ 10 p. 100, il semble certainement y avoir des conditions ou des catégories du programme qui voient des taux de rejet beaucoup plus importants que d’autres.

Le président : Puisqu’il est question d’allocation du temps, nous avons un énorme problème. Il ne reste que 10 minutes à ce groupe. Souvenez-vous, nous en attendons trois de plus. Cinq personnes ont des questions à poser. Ce sera très difficile de les poser en 10 minutes, sans même penser aux réponses.

La seule chose que je puis suggérer, et nous pourrions dépasser notre temps, est que chacun d’entre vous pose sa question et si nos témoins voulaient en prendre note, lorsque les cinq questions auront été posées, je vous demanderais de répondre à certaines d’entre elles ou à l’ensemble, selon votre désir, et nous allons conclure là-dessus.

Je vais commencer avec le sénateur Manning.

Le sénateur Manning : Merci et bienvenue à nos invités de ce matin.

L’automne dernier, on m’a demandé d’intervenir au nom d’une personne auprès de l’ARC pour une question de critères d’admissibilité pour le diabète de type 1. Je l’ai fait et nous avons reçu un courriel hier, justement, de la personne au nom de qui je travaillais, qui me dit qu’elle a reçu un courriel de Diabète Canada selon lequel l’ARC a annulé les changements proposés aux critères d’admissibilité.

Quels étaient certains des changements ou des annulations importants qui ont eu lieu et, à votre avis, est-on allé assez loin pour répondre aux inquiétudes exprimées?

La sénatrice Bernard : On peut répondre à ma question lors d’un suivi. Elle porte sur un complément d’information quant au diabète de type 2. Vous avez mentionné qu’il y avait de l’information et j’aimerais l’obtenir de vous.

Le président : Vous pouvez en faire la distribution. Sentez-vous libre d’y répondre quand nous repasserons sur le sujet.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais savoir s’il y a un processus d’appel. Vous l’avez mentionné, monsieur Cleary, dans votre témoignage. S’il n’y en a pas, j’aimerais savoir pourquoi. Chaque droit est assorti d’un processus d’appel. Si l’assurance-emploi rejette votre demande, vous pouvez faire appel. J’aimerais comprendre pourquoi le droit à ces avantages n’est pas assorti d’une possibilité d’appel. J’ai besoin de comprendre cela.

La sénatrice Griffin : Le régime enregistré d’épargne-invalidité permet aux personnes atteintes d’un diabète de type 1 d’épargner en vue de l’augmentation de leurs frais médicaux à un stade ultérieur de leur vie, grâce aux intérêts composés. Actuellement, seules les personnes qui sont admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées sont admissibles.

Le gouvernement devrait-il revoir sa définition afin que les personnes qui sont atteintes d’une maladie chronique incurable entraînant des frais médicaux plus élevés plus tard au cours de la vie puissent être admissibles? Je crois que vous avez abordé le sujet au moment où j’entrais dans la pièce, mais de toute manière, je demanderais que cela soit clarifié.

La sénatrice Raine : Ma question est très similaire. Pourquoi devraient-ils utiliser le CIPH comme porte d’accès vers le régime enregistré d’épargne-invalidité? Nous voulons encourager les gens à épargner de l’argent en vue de frais futurs. Comment cela est-il arrivé? Merci.

Le président : D’accord. Maintenant, témoins du groupe, répondez-leur. Qui veut commencer?

Mme Hanson : Je vais commencer et tenter d’être brève. Merci à tous pour ces questions réfléchies.

Les annulations qui ont eu lieu quant au diabète de type 1 depuis le 8 décembre — le 8 décembre, l’ARC a tenu une conférence de presse et a annoncé qu’elle retournerait à la lettre de clarification antérieure au 2 mai.

Le 2 mai, on a introduit de nouveaux passages dans la lettre de clarification et dans le guide, qui disent essentiellement qu’on ne croyait pas que des adultes puissent passer 14 heures par semaine à gérer leur diabète de type 1. Ils se sont rétractés, ce qui signifie qu’ils ont, depuis le 8 décembre, accepté les attestations des médecins et des infirmières selon lesquelles leurs patients passaient plus de 14 heures.

En liaison avec cela, une majorité des demandes qui s’étaient vu refuser depuis mai semblent avoir été acceptées tardivement.

Je serais ravie de fournir au comité plus d’information sur le type 2 et de la façon dont il diffère du type 1, mais très brièvement, je dirais que ces questions pourraient être matériellement très pertinentes pour une personne atteinte de diabète de type 2, si cette personne est sous insulinothérapie intensive, qui requiert en soi plus de 14 heures de soins thérapeutiques essentiels, ou si cette personne atteinte du type 2 affiche une complication qui lui permettrait d’être admissible en vertu d’autres catégories du crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Je ne veux d’aucune façon laisser entendre que c’est là l’apanage des personnes atteintes du diabète de type 1, à l’exclusion des autres formes, mais seulement que cela se trouvait chez les adultes atteints du type 1 en particulier qui étaient ciblés l’an dernier.

Le CIPH, monsieur le sénateur, est doté d’un processus d’appel. Les gens peuvent faire appel si leur demande est rejetée et celle-ci est alors analysée de nouveau. Je comprends qu’à ce moment-là, l’analyse est souvent faite par une infirmière autorisée embauchée par l’ARC. Je ne dispose pas de statistiques sur le taux d’acceptation des demandes après appel, mais j’ai reçu beaucoup de témoignages selon lesquels les demandes d’appel sont onéreuses, longues, ardues et vaines.

Tout à fait, sénatrice Griffin. Les personnes atteintes d’une maladie chronique devraient être admissibles au REEI. Les personnes atteintes de sclérose en plaques et de diabète, d’autisme également, je crois, sont généralement confrontées à plus de défis et de complications dans la gestion de leur maladie avec l’âge et ils ont vraiment besoin de cette épargne à long terme.

À la question finale, l’idée que nous puissions dissuader les gens d’épargner en vue de leurs frais médicaux ultérieurs en les rendant inadmissibles à un programme conçu pour promouvoir exactement cela défie toute logique.

Nous savons déjà que les coûts directs pour notre système de santé du seul traitement du diabète engloutiront le budget fédéral en santé au complet dans 10 ans si nous ne changeons rien. C’est là un déplorable manque de vision. Je ne vois pas de meilleure solution que d’utiliser le CIPH comme porte d’accès au REEI. Je frémis à l’idée d’un ensemble de critères d’admissibilité différent auquel une personne devrait se soumettre pour avoir accès au REEI, mais ce qui est actuellement en place ne fonctionne pas. Cela ne répond pas aux besoins des Canadiens handicapés.

M. Davis : Merci. Je suis tout à fait d’accord avec cela en ce qui concerne le CIPH.

À mon avis, c’est une question de définition. La lourdeur et la difficulté que suppose une demande pour ces programmes… Sénatrice Poirier, vous avez mentionné la fréquence avec laquelle les médecins rejettent toute cette procédure. Veuillez garder à l’esprit le problème d’harmonisation : non seulement ces personnes doivent-elles avoir accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées et cocher une case tous les ans pour dire qu’elles ont une maladie incurable, mais s’il s’agit d’un ancien combattant, il faut recommencer avec les prestations aux anciens combattants, avec l’assurance-emploi et six ou sept autres programmes. Alors le fait d’harmoniser les critères d’admissibilité et de les rendre plus ouverts, plus clairs et plus cohérents d’un programme à l’autre ferait une énorme différence pour beaucoup de gens.

M. Cleary : Quant au processus d’appel, il y a tout un écosystème autour de la demande et du processus d’appel, incluant des prestataires de services qui prendront 30 p. 100 afin de vous aider à obtenir ce que vous voulez.

L’association de pédiatrie de l’Ontario a mis à la disposition de ses pédiatres une fiche de conseils sur la façon de remplir avec succès une demande de révision pour l’obtention du crédit d’impôt pour personnes handicapées. C’est devenu fou.

Alors oui, il y a un processus d’appel. Il est onéreux. Nous avons vu que les médecins éprouvaient de la lassitude et un sentiment de résignation. Nous avons réalisé un second sondage, un sondage pour les médecins et les professionnels du domaine médical cet automne. Nous avons reçu une avalanche de réactions de gens qui disaient : « Je conseille à mes patients de ne plus faire cette demande, car la probabilité qu’ils soient acceptés est presque nulle et je ne la remplirai plus pour mes patients. » C’est ce qui se passe dans tout le pays.

Le président : Merci beaucoup.

Bon nombre des questions posées par les membres sur l’ARC, sur ce qu’elle fait ou ne fait pas, sont pertinentes pour cette agence. Jeudi prochain, à la troisième réunion, la ministre du Revenu national, qui est responsable de l’ARC, sera présente de même que des fonctionnaires de l’ARC et d’autres ministères concernés. Ils auront, nous l’espérons, certaines des réponses aux questions qui ont été soulevées ainsi que les statistiques que vous avez demandées.

Nous n’avons plus de temps, vous m’en voyez désolé. Je remercie les membres de ce groupe d’experts.

Honorables sénateurs, nous allons passer à la deuxième table ronde sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le régime enregistré d’épargne-invalidité. Comme pour le groupe précédent, nous avons trois témoins et nous disposons d’une heure.

Les trois témoins sont, premièrement, de la Société canadienne de psychologie, Karen Cohen à titre de chef de la direction. Elle est également membre du Comité consultatif des personnes handicapées, qui vient d’être rétabli.

De Disability Tax Fairness Alliance, nous accueillons Lembi Buchnan, membre du même comité consultatif.

Par vidéoconférence — nous pouvons le voir, mais je crois qu’il ne peut nous voir —, nous accueillons Michael Mendelson, que je connais depuis longtemps. Bienvenue. Michael est ici pour le compte de la Maytree Foundation. Son travail relevait précédemment du Caledon Institute et il poursuit ses activités chez Maytree.

Merci à vous trois d’être ici. Il faut que j’insiste, vu le peu de temps dont nous disposons pour ce groupe, pour que vos présentations ne fassent pas plus de sept minutes.

Sans plus tarder, je demanderais à Michael Mendelson de commencer.

Michael Mendelson, agrégé de recherche, The Maytree Foundation : Dites-moi si vous éprouvez des difficultés à m’entendre. Lorsque vous parliez, sénateur Eggleton, le son coupait de temps en temps, mais j’espère que vous m’entendez bien.

Je serai bref. J’ai demandé à la greffière de faire circuler un document que j’ai écrit en 2015 sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Je l’ai fait imprimer. Je crois qu’il était traduit en plus et vous en avez tous reçu une copie. Mon intention aujourd’hui est de revoir très rapidement ce document et d’en parler, sans prendre trop de temps. Je souhaite faire valoir un argument très simple, mais un argument qui aurait, selon moi, des répercussions importantes sur les personnes handicapées au Canada, particulièrement les personnes handicapées les plus pauvres au Canada.

En fait, nous avons un crédit d’impôt pour personnes handicapées qui n’est pas un crédit d’impôt remboursable. Ceci signifie que les personnes qui ne paient pas suffisamment d’impôt — ou ne paient pas du tout d’impôt, bien souvent — ne profitent pas de ce crédit d’impôt.

Comme vous le savez probablement, les gens qui paient peu ou pas d’impôts sont les plus pauvres. Par conséquent, le crédit d’impôt pour personnes handicapées profite à un tiers, selon mon estimation très approximative, des personnes qui y auraient autrement droit. Environ les deux tiers de ces personnes ne sont admissibles à aucun avantage. Elles y auraient normalement droit, car elles ne paient pas d’impôts. Or, ces deux tiers représentent les personnes handicapées les plus pauvres.

C’est une façon un peu perverse de structurer un programme. En fait, au Canada, je suis heureux de dire qu’au fil du temps, nous avons rendu de plus en plus d’avantages fiscaux, comme les crédits d’impôt, remboursables, de sorte qu’ils profitent à toutes les personnes, sans égard au fait qu’elles paient ou non de l’impôt sur le revenu.

Ce que je veux dire est qu’on devrait faire en sorte que le crédit d’impôt pour personnes handicapées soit remboursable, tout simplement. Mais bien entendu, comme toute autre chose dans le régime fiscal, une certaine complexité s’y rattache. Je vais discuter, aussi brièvement que possible, de quelques-unes de ces difficultés.

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées, dans le régime fiscal, est exprimé sous la forme d’un « montant », mais ce montant est trompeur, car l’avantage réel est chiffré à 15 p. 100 du montant. Dans le document que j’ai rédigé en 2015, le montant de 2014 était de 7 766 $, mais il ne valait que 15 p. 100 de cela en fait de réduction effective d’impôt, ce qui donne 1 165 $. Alors, il s’agit d’environ 1 200 $.

En 2017, le montant est un peu plus élevé. Il est indexé à l’inflation. Comme le taux d’inflation était faible, la différence est minime. C’est un peu plus de 8 000 $ pour l’année d’imposition 2017, ce qui représente un crédit d’impôt d’environ 1 217 $.

Les chiffres qui figurent dans mon document de 2015 sont donc à peu près corrects. Nous parlons d’un crédit d’environ 1 200 $ qui ne sera pas accordé aux personnes handicapées les plus pauvres, mais qui pourrait l’être si c’était un crédit remboursable.

Mes données me permettent seulement de faire une estimation grossière. Selon la façon de faire du gouvernement fédéral — il y a différentes options possibles — je dirais que, grosso modo, à 100 millions de dollars près, le coût s’élèverait à 1 milliard de dollars. L’Agence du revenu du Canada ou le ministère des Finances pourraient certainement vous fournir une meilleure estimation, si vous le leur demandez.

Donc, c’est possible de le faire. Le coût serait important, mais pas extravagant. Nous ne parlons pas d’un changement fiscal de 30 milliards de dollars.

Maintenant, ce qui complique un peu les choses, c’est que les provinces offrent aussi un crédit d’impôt pour personnes handicapées et les montants qu’elles ajoutent sont extrêmement variables. Dans les régimes fiscaux provinciaux, ce crédit est également exprimé sous forme de « montant », et il fonctionne de la même façon, avec le taux d’imposition correspondant à la tranche d’imposition la plus faible. C’est donc extrêmement variable d’une province à l’autre. La façon dont les provinces traiteraient un changement du régime fédéral en faveur d’un crédit d’impôt remboursable serait un facteur important.

Je n’entrerai pas dans les détails sur la façon dont les provinces pourraient traiter la conversion de l’actuel crédit d’impôt pour personnes handicapées en crédit d’impôt remboursable. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il faudrait discuter avec les provinces et coordonner le changement avec elles. Les provinces auraient d’importantes décisions à prendre.

Dans le pire des cas, si les provinces refusaient toute coopération et abolissaient leurs programmes, cela voudrait dire que les personnes qui ont actuellement droit au CIPH, celles qui paient de l’impôt, subiraient une certaine réduction du montant de leur crédit d’impôt total (fédéral et provincial), selon leur province de résidence. Par ailleurs, les deux tiers des personnes handicapées — qui sont aussi les plus démunies — verraient leur revenu augmenter d’environ 1 200 $, soit près de 100 $ par mois, de sorte qu’il y aurait encore une redistribution très substantielle du crédit d’impôt. Mais je ne pense pas que les provinces refuseraient de coopérer. Il y aurait moyen de travailler avec les provinces pour qu’elles mènent un travail de coordination avec le gouvernement fédéral. Cela ne créerait pas non plus un nouveau précédent, parce que le gouvernement fédéral et les provinces ont certainement déjà travaillé ensemble à la coordination de modifications fiscales de ce genre.

Voilà l’essentiel de mon exposé. C’est très simple. Ce changement que le gouvernement fédéral a la possibilité d’apporter au régime fiscal compterait parmi les changements les mieux ciblés qui soient. Il en résulterait un avantage considérable pour le groupe le plus démuni parmi les personnes handicapées.

Il y a déjà un système en place. Il n’est peut-être pas parfait, mais il permet d’administrer et d’appliquer le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Il y aurait quelques modifications, quelques ajustements à apporter et, puisqu’il y aurait deux tiers de plus de personnes admissibles, il faudrait bien sûr augmenter les ressources qui y sont affectées. Mais comme ces crédits sont faciles à administrer, des ressources minimales seraient affectées au changement administratif.

Pour conclure, j’aimerais que votre comité recommande que le crédit d’impôt pour personnes handicapées soit converti en crédit remboursable et constitue ainsi une amélioration bien ciblée en ce qui a trait au revenu des personnes handicapées au Canada.

Le président : Merci beaucoup. Je remercie également le Caledon Institute et la Maytree Foundation pour tout le travail qu’ils ont accompli dans ce dossier et dans bien d’autres, depuis des années.

Nous entendrons maintenant Mme Cohen, de la Société canadienne de psychologie. Mme Cohen est coprésidente du Comité consultatif des personnes handicapées.

Karen Cohen, chef de la direction, Société canadienne de psychologie : C’est exact. J’aimerais seulement préciser que je suis ici aujourd’hui au nom de la Société canadienne de psychologie, une association nationale qui se consacre à la science, à la pratique et à l’enseignement de la psychologie au Canada. Les psychologues comptent parmi les professionnels de la santé qui sont qualifiés pour remplir le Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le formulaire T2201, au nom des patients atteints d’une incapacité liée aux fonctions mentales.

Pour mieux vous situer, en 2004, j’ai été nommée par les ministres du Revenu et des Finances au comité consultatif chargé d’étudier le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le CIPH, et de formuler des recommandations à son sujet. Certains des changements législatifs apportés au CIPH en 2006 s’appuyaient sur les recommandations formulées par notre comité.

On m’a demandé de diriger un sous-comité dont l’objectif était d’étudier les circonstances dans lesquelles les personnes atteintes d’une incapacité mentale étaient considérées comme admissibles au CIPH. Deux des changements législatifs apportés en 2006 s’inscrivent dans le droit fil des recommandations du comité, notamment le remplacement du passage « la réflexion, la perception et la mémoire » par « les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante » et la prise en compte du fait que les effets cumulatifs de limitations importantes dans la capacité d’accomplir plus d’une activité courante de la vie quotidienne sont, lorsque combinés, équivalents au fait d’être limité de façon marquée dans la capacité d’accomplir une seule activité courante de la vie quotidienne.

Certes, ces changements étaient un pas dans la bonne direction, mais ils n’allaient pas assez loin. Ils ont relevé la barre quant aux critères d’admissibilité au CIPH des personnes atteintes de troubles mentaux, et le problème se perpétue encore aujourd’hui. La loi exige que pour avoir droit au CIPH, une personne soit « limitée de façon marquée » dans sa capacité d’effectuer les fonctions mentales suivantes : l’apprentissage fonctionnel à l’autonomie ou la mémoire ou la résolution de problèmes, l’établissement d’objectifs et le jugement, ces trois derniers étant considérés dans leur ensemble. D’un point de vie clinique, il est insensé de subordonner l’admissibilité au CIPH à des déficiences dans plus d’une fonction mentale.

Je m’explique : une personne peut souffrir d’une dépression grave et prolongée qui la rend incapable d’établir des objectifs et de poser des jugements appropriés, mais pas de résoudre des problèmes. Or, cette personne qui est toujours ou presque toujours incapable de se fixer des objectifs et de porter des jugements au quotidien, ou qui prend un temps excessif pour le faire, n’est pas admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées, parce que sa capacité à résoudre des problèmes n’est pas — elle aussi — altérée.

L’exigence visant la coexistence obligatoire de ces trois types de déficience — incapacité à résoudre des problèmes, à établir des objectifs et à poser des jugements appropriés — fait en sorte que les critères d’admissibilité applicables aux déficiences des fonctions mentales sont plus stricts que ceux applicables aux déficiences physiques. Par exemple, une personne qui est incapable de marcher sera considérée comme présentant une « limitation marquée » dans sa capacité de marcher, peu importe la nature ou le nombre de déficiences sous-jacentes à l’incapacité de marcher. Cependant, une personne ne peut être considérée comme « limitée de façon marquée » dans les fonctions mentales nécessaires à la vie courante que si elle présente une déficience dans plusieurs fonctions mentales.

Quelle que soit la fonction mentale visée par une déficience qui limite de façon marquée l’apprentissage fonctionnel à l’autonomie, la personne qui en souffre devrait être admissible au CIPH. Les fonctions mentales devraient être définies comme étant la mémoire, la résolution de problèmes, le jugement, la perception, l’apprentissage, l’attention, la concentration, la compréhension verbale et non verbale et l’expression et la maîtrise de comportement et des émotions, et être considérées séparément, non dans leur ensemble.

En 2014, j’ai rédigé une proposition de révision du formulaire T2201 afin de permettre une évaluation plus exacte et plus équitable de l’admissibilité des personnes atteintes d’une déficience des fonctions mentales, et ce, tout en maintenant les critères visant l’incapacité, « toujours ou presque toujours », de la personne à effectuer des activités de la vie courante sans prendre un temps excessif pour le faire.

Les définitions que nous avons reformulées étant plus logiques sur le plan clinique, il sera beaucoup plus simple, pour les praticiens qualifiés, de remplir le formulaire T2201 et, pour l’ARC, de rendre des décisions sur l’admissibilité.

Enfin, les troubles mentaux peuvent être graves et persistants même si leurs symptômes se manifestent de façon intermittente. La question a été brièvement abordée un peu plus tôt. Les symptômes ne sont pas nécessairement présents tout le temps ni même 90 p. 100 du temps. Toutefois, la combinaison des symptômes ainsi que leur nature imprévisible et intermittente peuvent rendre une personne limitée de façon marquée, et ce, presque toujours, même si ce n’est pas 90 p. 100 du temps. Ce que vous avez entendu plus tôt ce matin pourrait fort bien s’appliquer à d’autres maladies chroniques physiques.

La Société canadienne de psychologie fait deux recommandations. La première est de revoir les critères d’admissibilité des personnes atteintes d’une déficience des fonctions mentales de sorte que l’admissibilité soit fondée sur la déficience d’une ou de plusieurs fonctions qui rendent la personne incapable d’effectuer les activités de la vie courante, toujours ou presque toujours, sans prendre un temps excessif pour le faire. Les déficiences visant les fonctions mentales nécessaires à l’établissement d’objectifs, au jugement et à la résolution de problèmes ne devraient pas avoir à être toutes présentes pour établir l’admissibilité.

En second lieu, nous recommandons que l’administration du crédit d’impôt pour personnes handicapées soit conforme à la loi. Alors que les critères énoncés dans le formulaire T2201 précisent que la limitation de la capacité doit être présente 90 p. 100 du temps, la loi stipule qu’elle doit l’être « toujours ou presque toujours ».

Pour conclure, il doit y avoir une similitude dans la façon dont l’ensemble des politiques et des lois canadiennes traitent les troubles mentaux et physiques. Je vous remercie.

Lembi Buchanan, ancienne coprésidente, Disability Tax Fairness Alliance : Je suis honorée de comparaître devant votre comité pour discuter de la nécessité urgente de garantir un traitement fiscal équitable pour tous les Canadiens atteints de déficiences mentales et physiques.

Dans son célèbre roman Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll jette un regard satirique sur la bureaucratie gouvernementale dans l’épisode où la Reine de cœur invite Alice à jouer une partie de croquet. Après un moment, Alice, mécontente, déclare : « Ils ne jouent pas du tout franc-jeu, et puis on dirait qu’ils n’ont aucune règle précise; du moins, s’il y a des règles, personne ne les suit. Ensuite, vous n’avez pas idée comme cela embrouille. »

Depuis près de 20 ans, je travaille à défendre les droits des personnes atteintes de maladies mentales afin d’assurer qu’elles ne font pas l’objet de politiques ou de procédures gouvernementales discriminatoires. Au fil des ans, j’ai aidé des dizaines de personnes à obtenir le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Je ne me fais pas payer pour mes services, car ces personnes n’ont personne d’autre vers qui se tourner, à moins qu’elles ne soient prêtes à sacrifier le tiers de leur crédit d’impôt à des entreprises qui touchent des honoraires conditionnels ou à payer une facture salée en frais d’avocat.

J’ai aussi un site web, fightingforfairness.ca, où les gens peuvent trouver de l’information sur la présentation d’une demande, les procédures d’appel et les lignes directrices pour les contribuables et les professionnels de la santé qualifiés.

J’ai également été membre du comité consultatif technique sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées, aux côtés de Karen. Nous avons formulé un certain nombre de recommandations qui ont mené à des réformes importantes de la Loi de l’impôt sur le revenu et à la création du Comité consultatif des personnes handicapées. Nous avons toutes deux siégé à ce comité et, mais malgré notre rôle d’assurer l’équité du traitement fiscal des personnes handicapées, le comité a été dissous l’année suivante.

On sait que ces dernières années, des personnes qui avaient droit au CIPH depuis 10 ou 20 ans, voire plus, et à qui on a demandé de refaire les démarches pour confirmer leur admissibilité se sont vu refuser le crédit d’impôt, et ce, pour des motifs contestables.

Nous nous réjouissons du fait que la ministre du Revenu national, l’honorable Diane Lebouthillier, a répondu à notre demande de rétablir le Comité consultatif des personnes handicapées, qui s’est réuni pour la première fois la semaine dernière. Dans son mémoire présenté au comité, la ministre affirme que pour juger de l’équité, notre comité devait se fier à la lettre de la loi. C’est la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui. Si seulement nous pouvions suivre la lettre de la loi, nous ferions d’énormes progrès sur le plan de l’équité.

Je me pose plusieurs questions au sujet de l’administration du CIPH, des questions sur lesquelles il faut se pencher sans plus attendre.

Premièrement, l’ARC a créé un obstacle insurmontable pour plusieurs en imposant la ligne directrice rigide définissant qu’une personne est considérée comme étant toujours ou presque toujours limitée de façon marquée dans l’accomplissement d’une activité courante de la vie quotidienne si sa capacité à accomplir cette activité est limitée au moins 90 p. 100 du temps.

Une interprétation aussi rigide de la Loi de l’impôt sur le revenu n’a aucun fondement législatif. Elle n’est pas étayée par les lignes directrices de l’ARC, pas plus qu’elle n’est reconnue par la Cour canadienne de l’impôt comme étant un seuil absolu dans les cas relatifs au CIPH ni même dans ceux concernant la TPS, où l’application de pourcentages fixes fonctionne beaucoup mieux que des définitions de déficiences physiques ou mentales.

Deuxièmement, l’ARC exerce le droit de remettre en question la description des effets invalidants de la déficience, fournie par les praticiens qualifiés qui ont rempli le formulaire T2201 et répondu à la lettre de clarification de l’ARC.

Troisièmement, l’avis de détermination envoyé au contribuable pour l’informer que sa demande de CIPH a été rejetée est une lettre type qui ne fournit aucune justification de la décision.

Quatrièmement, il arrive que l’avis de détermination fasse référence à des renseignements supplémentaires fournis par le praticien qualifié qui a répondu à la lettre de clarification. Or, l’avis n’est pas accompagné d’une copie de cette lettre de clarification, même s’il s’agit d’un document essentiel pour quiconque souhaite en appeler de la décision.

Cinquièmement, l’avis de détermination dans lequel l’ARC signifie son refus de la demande de CIPH n’informe pas les titulaires de régimes enregistrés d’épargne-invalidité que leur REEI sera résilié s’ils ne prennent pas de mesures pour protéger leur investissement pendant le processus d’appel.

La conséquence inattendue de l’exigence concernant la présentation d’une nouvelle demande de CIPH est que les personnes qui se voient injustement refuser le crédit d’impôt perdent par le fait même une part importante du régime d’épargne conçu expressément pour répondre à leurs besoins financiers futurs. Aucun motif ne justifie que les Canadiens handicapés qui ne sont plus admissibles au CIPH soient pénalisés en étant contraints de rembourser toutes les subventions et contributions que leur a versées le gouvernement fédéral au cours des 10 dernières années.

Comment une personne qui a été admissible au CIPH pendant de nombreuses années peut-elle du jour au lendemain être traitée comme si elle n’y avait jamais eu droit? Ces personnes n’ont jamais abusé du système. Elles n’ont jamais enfreint les règles. Et il ne fait aucun doute que même si elles n’ont plus droit au CIPH, elles le méritent autant qu’avant.

J’ai quelques recommandations à faire au comité.

Un : nous devons nous attaquer sans tarder aux problèmes systémiques qui minent l’administration du CIPH.

Deux : à moins qu’il existe une preuve irréfutable de fraude, l’ARC ne devrait pas avoir le pouvoir de faire fi de la preuve médicale attestée par des professionnels de la santé qualifiés qui agissent de bonne foi. Je ne peux vous dire combien de fois j’ai été personnellement témoin de cas de ce genre. La raison pour laquelle j’aide les personnes sans demander d’honoraires, c’est que nous avons une injustice à réparer et qu’en plus, c’est la seule façon pour moi d’avoir accès aux documents pour voir ce qui se passe.

Trois : les personnes ayant des déficiences mentales permanentes ne devraient pas être tenues de présenter une nouvelle demande de CIPH tous les trois à cinq ans.

Quatre : lorsque la demande de CIPH est rejetée, il faut arrêter de compromettre le processus d’appel interne en retenant des éléments de preuve documentaire.

Cinq : lorsque la demande de CIPH est rejetée, il faut fournir aux demandeurs des explications claires afin qu’ils puissent prendre les mesures nécessaires pour que leur REEI demeure ouvert pendant le processus d’appel.

Six : il faut que l’ARC cesse de récupérer les contributions du gouvernement fédéral au REEI auprès des personnes qui ne sont plus admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Je terminerai en disant ceci : dans une lettre adressée à son député, Colin, de Peterborough, a écrit :

Comment le gouvernement peut-il justifier la création d’un programme conçu pour soutenir les personnes handicapées dans les défis particuliers qu’elles doivent surmonter si c’est reprendre ce qu’il avait donné? Ce n’est pas seulement injuste, c’est aussi abusif. Je vous demande de faire quelque chose pour réparer cette injustice.

Le président : Merci beaucoup. Merci à chacun de vous trois pour vos exposés. Maintenant, mesdames et messieurs les membres du comité, une question et j’inscrirai ensuite vos noms sur la liste pour un second tour. Espérons qu’il y aura un second tour. Il serait bon de préciser à qui vous posez votre question. J’aimerais dire aux témoins qu’après que l’un d’entre eux aura répondu à la question posée, je n’ai aucune objection à ce que les deux autres interviennent pour ajouter de l’information supplémentaire, s’ils le désirent.

La sénatrice Seidman : Je ne devrais pas rester muette, mais je suis tout simplement horrifiée et indignée à l’écoute de vos exposés. Ils me laissent sans voix.

Comme nous avons pu le constater, l’ensemble du processus, du début jusqu’à la fin, n’est rien d’autre, au mieux, qu’un véritable sac de nœuds et, au pire, que de l’exploitation pure et simple des plus vulnérables de notre société.

J’aimerais commencer par citer vos paroles, madame Buchanan, si vous permettez. Vous avez dit : « On sait que ces dernières années, des personnes qui avaient droit au CIPH depuis 10 ou 20 ans, voire plus, et à qui on a demandé de refaire les démarches pour confirmer leur admissibilité se sont vu refuser le crédit d’impôt, et ce, pour des motifs contestables ». C’est à couper le souffle.

On en a un peu parlé publiquement et cela avait soulevé quelques questions. Quelle est l’explication possible? L’ARC a-t-il à ce point besoin de l’argent des contribuables qu’il s’en prend à tous ceux qu’il peut trouver? À moins que ce ne soit — comme quelqu’un d’autre l’a suggéré — parce que l’ARC a cessé de se fier aux renseignements que les infirmières autorisées fournissent pendant le processus d’approbation, ce qui signifie qu’aucun professionnel de la santé ne participe plus à l’examen des demandes et que seul un col blanc les examine.

Mme Buchanan : Je suis très heureuse d’être protégée par le privilège parlementaire, parce que le mot qui convient pour cette situation est, je crois, « délit ». J’ai porté deux cas devant la Cour canadienne de l’impôt parce que personne n’avait même répondu correctement à l’avis d’opposition. Un de ces cas était un trouble bipolaire et l’autre concernait un jeune homme atteint d’autisme. Tous deux recevaient le crédit d’impôt pour personnes handicapées depuis plus de 25 ans. Les deux affaires ont été réglées à l’amiable. Il aurait été beaucoup trop embarrassant pour un avocat de plaider devant un juge. Au moins, nos juges font preuve d’une certaine compassion. Chose certaine, c’est l’un des points sur lesquels l’ancien juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt, Donald Bowman, a insisté.

Nous devons toujours respecter la lettre de la loi et, comme je l’ai mentionné tout à l’heure, si au moins nous pouvions faire cela — suivre la lettre de la loi —, nous aiderions tellement de personnes. La réalité est que les médecins fournissent de l’information dans un langage simple, mais, comme l’a expliqué Mme Karen Cohen, il faut avoir des déficiences dans tellement de domaines pour que le gouvernement accepte de vous considérer comme admissible au CIPH.

J’aimerais juste citer brièvement le cas de mon mari, qui a été porté devant la Cour d’appel fédérale et pour lequel le juge Rothstein a rédigé la décision unanime. Il mentionnait que si une déficience mentale est d’une gravité telle qu’une personne est incapable d’accomplir les tâches mentales nécessaires pour vivre et fonctionner de façon indépendante et compétente dans la vie quotidienne, cette personne est admissible au crédit d’impôt. C’est la jurisprudence.

Si une personne atteinte d’autisme ou même de sclérose en plaques ne peut pas fonctionner de façon compétente et raisonnable, elle est admissible. Pouvez-vous m’expliquer?

Le président : Est-ce que madame Cohen ou monsieur Mendelson voudrait ajouter quelque chose?

M. Mendelson : Pas moi.

La sénatrice Petitclerc : Je joins ma voix à celle de la sénatrice Seidman. Votre témoignage, de même que celui des témoins précédents, est révoltant et accablant.

La seule chose qui me vient à l’esprit est qu’il est réellement bouleversant de penser aux nombreux problèmes, questions et préoccupations qui se posent, qu’il s’agisse de l’aspect non remboursable et du processus, ou encore de l’évaluation.

Pour moi, cela ne se limite pas à résoudre un petit problème ou un autre. Il s’agit vraiment d’un défi énorme et, je dirais même, d’un problème grave, alors par où devons-nous commencer? Plus précisément, faites-vous confiance à ce Comité consultatif des personnes handicapées? Je me rends bien compte qu’il s’agit d’un comité bénévole, ce qui me semble poser un autre défi peut-être, étant donné la somme de travail à accomplir.

Par où devons-nous commencer? Si nous voulons bien faire les choses, quels sont les éléments clés?

Mme Buchanan : Je vous répondrais en disant que c’est pour cela que je suis ici. Je suis certaine que nous allons trouver une solution aux problèmes du système. Cela va être difficile, mais nous avons le soutien d’un grand nombre de sénateurs et de députés.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation maintenant? Nous avons assisté à un changement de culture quant à la façon dont nous traitons les personnes handicapées. C’est en 2011 que nous avons commencé à voir de nombreux changements. Le premier ministre, ou le ministère des Finances, voulait réduire de façon permanente les paiements de 4 milliards de dollars versés par l’ARC chaque année. Lorsqu’il faut déterminer par où commencer, on se tourne vers les plus vulnérables.

Le président : Y a-t-il d’autres réactions?

Mme Cohen : Oui, je voulais justement parler de cela. Vous avez soulevé un point réellement important. Le Comité consultatif des personnes handicapées a été chargé de déterminer comment nous pourrions améliorer l’administration de l’ARC. Le comité consultatif technique original avait été nommé à la fois par le ministère du Revenu et le ministère des Finances. Vous avez entendu les témoins actuels et les témoins précédents dire que certains des changements nécessaires sont d’ordre législatif. Il ne s’agit pas de changements administratifs. Il est certain que ceux que j’ai abordés sont davantage d’ordre législatif. Le mandat du comité est vaste, mais il y a probablement des intérêts et des solutions qui vont au-delà.

M. Mendelson : J’aimerais ajouter que nous devons nous rappeler que, peu importe comment, il faut améliorer l’administration du crédit d’impôt pour personnes handicapées, son application, ainsi que les appels le concernant, comme il a été dit. Nous devons toutefois toujours nous rappeler que les deux tiers des plus pauvres, qui par ailleurs sont admissibles à ce crédit d’impôt, n’obtiennent rien, tant et aussi longtemps qu’il n’est pas remboursable.

Le sénateur Munson : Merci de votre présence parmi nous. Les deux questions qui ont été soulevées me troublent réellement, particulièrement en ce qui concerne les experts qui sont chargés d’établir les critères, à l’autre bout du processus. On peut presque se demander de qui il s’agit.

Les fonctionnaires essaient de bien faire leur travail. Nous devons le reconnaître. Toutefois, il semble n’y avoir personne à l’ARC qui possède la même expertise que les médecins qui remplissent ces demandes et qui en saisissent la portée d’un point de vue médical, mental ou autre. Cela me préoccupe énormément.

Il se peut que vous ne puissiez pas répondre à cette question. Vous faites partie des groupes consultatifs. Il y a une crise de l’autisme dans ce pays et une certaine détresse. Toutefois, cette communauté n’est aucunement représentée au sein de ce groupe consultatif. Je félicite la ministre d’avoir constitué ce comité, même s’il s’agit d’un comité bénévole. On peut dire ce qu’on veut, mais au bout du compte, je crois que nous continuons de ne pas tenir compte de la communauté des autistes, et que nous n’aurons pas une image juste de la communauté des personnes handicapées s’ils ne sont pas présents à cette table.

Mme Cohen : J’aimerais aborder cette question. Je crois que l’une des responsabilités du comité sera de tenter d’établir des liens avec les diverses communautés d’intervenants, afin que les recommandations qui sont faites soient basées sur des problèmes réels auxquels les membres de ces communautés font face.

Je pense que cela posera un défi. Si je m’arrête uniquement aux troubles mentaux, je constate qu’il y a toute une gamme de problèmes auxquels les personnes font face et qui pourraient les rendre admissibles au crédit, sans parler des problèmes physiques. Je crois qu’il est important de ne pas perdre de vue, et il y a parfois de l’incompréhension à ce sujet, le fait qu’il ne s’agit pas d’un crédit qui concerne un problème de santé, mais plutôt l’impact du trouble sur le fonctionnement d’une personne. On croit parfois à tort que certains de ces troubles sont absolument inadmissibles, ce qui n’est et ne devrait pas être le cas.

Mme Buchanan : Le groupe de l’autisme, celui du Parkinson et celui de la sclérose en plaques font tous partie de Disability Tax Fairness Alliance, que j’ai cofondée en août dernier. Ils sont tous membres de notre alliance, et à titre de représentante du groupe, j’essaie véritablement de soulever aussi leurs besoins à la table.

M. Mendelson : Quoi qu’il en soit, très peu de personnes atteintes d’autisme seraient en fait admissibles à des avantages financiers. Il faudrait que ces personnes gagnent de 25 000 à 30 000 $ avant d’être admissibles. Selon moi, cela constitue probablement un obstacle plus important.

La sénatrice Poirier : Ma question ira un peu dans le sens de celle du sénateur Munson. Vous avez mentionné dans votre recommandation que l’ARC ne devrait pas avoir le pouvoir de laisser de côté les justifications médicales fournies par des praticiens de la santé accrédités et qualifiés, qui agissent de bonne foi. C’est ce que vous avez déclaré.

Je suis curieuse de savoir si, une fois que la demande parvient à l’ARC, la personne qui l’examine pour déterminer si elle est recevable ou non est la même que celle qui examine les demandes pour déterminer si une dépense d’entreprise donnée est admissible. Ou bien, y a-t-il à l’ARC un conseil de médecins qui comprennent les procédures médicales et qui sont en mesure de procéder à une évaluation et de demander un suivi? Sinon, est-ce que cela devrait être le cas, comme pour le RPC et l’indemnisation des accidents du travail? Devrait-il y avoir un conseil de médecins compétents capables d’évaluer les demandes pour déterminer si elles respectent les critères?

Mme Buchanan : Dans les années 1990, les décisions concernant le crédit d’impôt pour personnes handicapées étaient prises par Santé et Bien-être social Canada, qui disposait de médecins dans son effectif. Ce ne sont pas les mêmes personnes que celles qui s’occupent des cas de TPS ou d’autres dépenses d’entreprise. Ces personnes sont formées. Elles ont un manuel de formation.

En ce qui a trait au fait de ne pas accepter ce que les médecins disent, j’ai une lettre du gestionnaire du crédit d’impôt pour personnes handicapées qui fait état des articles de la Loi de l’impôt sur le revenu qui leur permettent de laisser de côté cette information. Je la donnerai au président pour qu’elle puisse être distribuée.

Le président : Merci.

La sénatrice Bernard : Merci à tous pour vos exposés et vos recommandations utiles. Je souhaite seulement obtenir une précision au sujet d’un point soulevé par Mme Cohen.

Vous avez mentionné avoir rédigé une proposition de révision au formulaire T2201 en 2014. Nous sommes maintenant en 2018. Je me demande ce qui est advenu de cela et si vous pouvez nous en dire davantage.

Mme Cohen : Malheureusement, peu de choses. Je l’ai soumise plusieurs fois au ministère du Revenu et à celui des Finances. Je crois qu’il y a un problème conceptuel quant à la façon dont les dispositions législatives ont été rédigées pour ce qui est des critères d’admissibilité dans le cas des troubles mentaux. Il s’agit certainement d’un ensemble de troubles au sujet desquels il est difficile de statuer, comme le confirmera certainement Mme Buchanan.

Je crois qu’il existe une façon de résoudre cette question et une façon de clarifier cela pour les praticiens qualifiés, mais ces dispositions n’ont pas été adoptées. Les changements législatifs sont difficiles à apporter, mais c’est essentiellement ce qu’il faudrait.

La sénatrice Bernard : Avez-vous une recommandation pour ce comité à ce sujet?

Mme Cohen : Il s’agit d’un bon point. Le comité a tenu une réunion, et nous avons ce mandat administratif, mais l’une des choses que je considère comme très importantes à inclure dans le mandat, c’est que si notre comité souhaite faire des recommandations législatives ou stratégiques, il puisse le faire, même si notre mandat et la raison pour laquelle nous avons été nommés étaient de nous occuper de l’administration.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Nous venons d’entreprendre cette étude, et je tiens à remercier le sénateur Munson d’avoir soulevé cette question, parce que force est de constater qu’elle est très importante.

Je ne comprends toutefois pas comment le crédit d’impôt pour personnes handicapées est devenu le moyen d’accéder au régime enregistré d’épargne-invalidité. Je présume que tous souhaiteraient que les gens soient incités à épargner en prévision des coûts futurs qu’ils devront assumer de façon permanente. Il est évident que cela intéresse aussi beaucoup les familles.

Si nous avons un crédit d’impôt pour personnes handicapées qui ne profite à personne, à moins de gagner 30 000 $ par année, nous fermons la porte à un grand nombre de personnes qui sont peut-être en mesure d’économiser pour leur avenir, en les empêchant de le faire. J’aimerais entendre vos observations à ce sujet.

Mme Buchanan : Je voudrais apporter une correction. Lorsqu’une personne, par exemple quelqu’un qui est atteint d’autisme, vit à la maison, le parent ou un membre de la famille peut déclarer le crédit d’impôt, ce qui veut dire que celui-ci ne se limite pas à la personne.

En outre, dans le cas du régime enregistré d’épargne-invalidité, il n’est pas nécessaire d’avoir un revenu imposable pour participer au programme. C’est le gouvernement qui verse les cotisations pour les personnes. Cela a créé un problème énorme avec la population autochtone, parce qu’elle n’a pas de revenu imposable. Elle découvre maintenant qu’il existe une porte d’accès à d’autres prestations de soutien du revenu, comme la prestation pour enfants handicapés et le régime enregistré d’épargne-invalidité. La population autochtone tente donc maintenant de comprendre comment cela peut fonctionner pour elle.

La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup à vous trois.

Je ne sais pas très bien à qui ma question s’adresse. Je vais donc laisser aux témoins le soin de décider.

Je pense aux avantages fiscaux et aux crédits d’impôt. Une fois qu’ils sont conçus et mis en œuvre, ils ne sont pas censés dépendre de caractéristiques démographiques, à moins de circonstances particulières comme, dans ce cas, l’invalidité.

Vous avez de nombreuses statistiques sur l’acceptation et le refus, mais avez-vous fait une analyse comparative entre les sexes à ce sujet? Sommes-nous capables de comprendre, tout d’abord, qu’il s’agit pour une large part d’une communauté pauvre, au sein de laquelle on retrouve des femmes? Je me demande aussi si vous avez une idée du taux d’acceptation ou de refus dans le cas des femmes et, même au-delà, des recoupements entre le sexe et la race. Cela m’intéresse.

Mme Buchanan : Je n’ai pas ces renseignements. Il s’agit certainement d’une question sur laquelle notre Comité consultatif des personnes handicapées pourrait se pencher. Nous avons déjà demandé d’obtenir des données pour les personnes de plus de 65 ans et de moins de 65 ans, parce que je m’inquiète que les résultats pour les personnes de plus de 65 ans ayant une déficience mentale faussent les chiffres. En effet, de toute évidence, ces personnes sont plus âgées, et il y a des problèmes de démence et leurs demandes ne sont pas examinées de la même façon.

Certes, en ce qui concerne les femmes et une grande partie des personnes pauvres et, disons, des personnes défavorisées, ce sont elles que des entreprises à but lucratif, appelons-les des promoteurs, ciblent. Ces entreprises gardent le tiers, et parfois un peu moins, du remboursement versé. Elles font leur publicité en disant qu’elles peuvent obtenir jusqu’à 50 000 $ de remboursement, parce qu’elles peuvent remonter 10 ans en arrière. Beaucoup pensent qu’il vaut mieux obtenir 70 p. 100 que rien du tout, et je crois que ces personnes sont maintenant la cible de ces entreprises.

Le Sénat a également fait des recommandations concernant le projet de loi C-462 en mai 2014. Celui-ci avait été adopté pour créer des règlements pour ces entreprises. Nous n’avons encore vu aucun règlement de l’ARC à ce sujet.

M. Mendelson : Pour donner suite à votre question concernant l’analyse comparative entre les sexes, je ne l’ai pas faite, mais bien qu’il s’agisse d’une communauté des personnes qui, en raison de leur handicap, seraient admissibles au crédit d’impôt, une communauté de toute évidence pauvre, ce ne sont que les plus riches, les mieux nantis, parmi cette communauté qui profitent d’avantages fiscaux dans les faits. Étant donné que les femmes ont généralement un revenu inférieur à celui des hommes, il est probable que l’analyse comparative entre les sexes montrerait que les femmes handicapées, qui sont admissibles par ailleurs, sont plus susceptibles de ne tirer aucun avantage financier d’un crédit non remboursable.

Je n’ai pas fait cette analyse et je ne sais pas trop comment la faire, mais je pense que c’est possible, avec probablement ce résultat.

Le président : Nous allons maintenant passer au deuxième tour.

La sénatrice Seidman : Madame Buchanan, j’aimerais apporter une petite précision au sujet de votre dernière remarque concernant le projet de loi C-462. En fait, ce projet de loi s’appelait Loi sur les restrictions applicables aux promoteurs du crédit d’impôt pour personnes handicapées, et il visait les experts-conseils en matière de crédit d’impôt pour personnes handicapées qui, je crois, demandaient une commission de 30 ou 40 p. 100 en échange de leur aide pour remplir ces formulaires de demande absolument épouvantables. C’est scandaleux. Il existe une réglementation, selon ce que j’en sais. Nous devrions y jeter un coup d’œil.

Je voulais vous poser des questions au sujet du site web de votre organisation. Vous dressez une liste d’un certain nombre de problèmes systémiques concernant l’administration du crédit d’impôt pour personnes handicapées par l’ARC. De façon plus particulière, vous dites que l’ARC abuse du processus d’appel interne en refusant des preuves documentaires.

Vous l’avez également mentionné dans votre exposé et vos recommandations. Je n’aurais pas d’objection si vous pouviez clarifier cela pour le comité et nous dire quel recours les gens ont lorsque leurs demandes sont rejetées, s’il vous plaît.

Mme Buchanan : Tout d’abord, le site web est mon site personnel. Je l’appelle Disability Tax Fairness Campaign. Il est en ligne depuis un an environ.

La façon dont cela est fait est déraisonnable. Je ne sais vraiment pas comment certaines personnes à l’ARC réussissent à dormir la nuit. Cela me laisse sans voix. Je manque de mots pour qualifier ce que je ressens parfois.

Les choses fonctionnent de la façon suivante : on envoie un avis de détermination par la poste, dans lequel on fait référence à des renseignements supplémentaires. Ceux-ci figurent dans la lettre de clarification qui est envoyée aux médecins. Toutefois, la personne concernée ne reçoit pas cette lettre, et elle ne sait donc pas quels autres renseignements le médecin a fournis.

Revenons maintenant à l’époque où il y avait un comité consultatif technique. À ce moment-là, on demandait qu’une copie de la lettre, ainsi que les questions, soient envoyées à la personne concernée, en même temps qu’au médecin, afin qu’elle soit au courant que des renseignements supplémentaires avaient été demandés. J’ai encore soulevé la question auprès des cadres supérieurs de l’ARC, mais leur politique ne prévoit pas un tel envoi pour le moment.

Ils sont quand même intelligents, parce que lorsque vous présentez un avis d’opposition, vous pouvez obtenir cette lettre. On ne vous le dit pas au départ, mais vous pouvez le faire. Je la demande toujours au nom des personnes que j’aide.

Lorsque la demande de crédit d’impôt est rejetée pour une deuxième fois, c’est-à-dire lorsque l’appel est rejeté après l’opposition, on envoie ce que l’on appelle un avis de confirmation, qui comme son nom l’indique, confirme la décision initiale de refuser le crédit d’impôt. C’est à ce moment-là que la lettre de clarification est envoyée, parce que tous les documents doivent être fournis pour le cas où une personne ferait appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Toutefois, il est souvent trop tard pour la majorité des gens, car qui fait appel à la Cour canadienne de l’impôt? On peut dire qu’il s’agit d’un processus difficile.

Mme Cohen : Je voudrais ajouter quelque chose au sujet des promoteurs. Lorsque nous avons présenté notre exposé, devant un comité sénatorial je crois, au sujet de ce projet de loi sur les promoteurs, l’un de nos arguments était que si les dispositions législatives et les définitions qu’elles contenaient étaient claires, et que si l’administration du crédit était facilitée, les promoteurs seraient beaucoup moins utiles.

M. Mendelson : Il existe un contexte plus large dans ce cas qui, à mon avis, pourrait intéresser ce comité, qui s’occupe non seulement du crédit d’impôt pour personnes handicapées, mais aussi de tous les autres crédits d’impôt. J’ai participé à toutes ces discussions, y compris au sujet de la Prestation pour enfants handicapés.

Nous entendons beaucoup parler du problème de l’administration des avantages. À la décharge de l’ARC, je dois dire qu’elle n’a pas été créée pour administrer les prestations sociales et qu’elle n’est pas nécessairement adaptée à cela au niveau administratif ou culturel. Je pense que le contexte plus général a peut-être trait à l’ARC et à la question de l’administration des prestations sociales dans le cadre du régime fiscal, ainsi qu’à la façon dont les modalités administratives pourraient être mieux conçues à de nombreux égards, y compris le mécanisme d’appel, qui est par ailleurs très bien adapté à la Loi de l’impôt sur le revenu et à l’administration de l’impôt sur le revenu.

Je crois qu’il pourrait être intéressant pour le comité d’examiner ce contexte plus large, à savoir la façon dont l’ARC pourrait mieux s’adapter à la réalité de l’administration des prestations sociales dans le cadre du régime fiscal. Je dirais que c’est une très bonne chose que nous le fassions, mais il se peut que nous n’ayons pas encore considéré pleinement les réalités liées à l’administration de ce genre de prestations.

Le président : Vous avez là un bon argument.

Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Buchanan?

Mme Buchanan : Je voudrais remercier Michael pour cette intervention. Je n’avais jamais considéré cette question sous cet angle, mais il a tout à fait raison. Au départ, dans les années 1990, c’est Santé et Bien-être social Canada qui s’occupait du crédit d’impôt pour personnes handicapées. Peut-être que la question des prestations sociales devrait être confiée à Emploi et Développement social Canada, étant donné que ce sont eux qui administrent aussi le régime enregistré d’épargne-invalidité.

Le sénateur Munson : Je me demande simplement comment nous en sommes arrivés là. Voilà la situation. Cela fait la une des journaux depuis un an et demi. J’avais l’impression que les choses fonctionnaient bien. Comment avons-nous abouti à cela? M. Mendelson m’a fait penser, évidemment, aux personnes qui vivent dans la pauvreté et aux prestations qu’elles touchent. La question des avantages fiscaux ne devrait pas se poser.

Comment en sommes-nous arrivés là comme société, et comment pouvons-nous changer les choses? En adoptant des dispositions législatives? Nous ne pouvons probablement que recommander ce que la plupart d’entre vous nous ont recommandé ce matin. Mais pouvons-nous faire davantage pour inciter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que cela ne relève plus entièrement de l’ARC? Cette dernière pourrait se charger de la mise en œuvre, mais on pourrait faire appel à d’autres intervenants pour mettre au point d’autres programmes à cet égard.

Le président : Pendant que vous réfléchissez à votre réponse, je vais demander à la sénatrice Omidvar de poser sa question.

La sénatrice Omidvar : Je suis consternée par la présence de tous ces requins, les requins chargés des demandes, ou peu importe la façon dont on les appelle. Je me demande si vous pouvez nous donner votre avis. Croyez-vous qu’on devrait les éliminer? Êtes-vous d’avis de leur imposer une amende? Souhaiteriez-vous mettre sur pied un organisme sans but lucratif chargé d’aider les gens à avoir accès aux avantages et aux mécanismes d’appel? Quelle est la solution que vous privilégiez pour résoudre ce problème?

Le président : D’accord. Donc, des requins, et comment en sommes-nous arrivés à cette situation catastrophique? Je crois que c’était la question du sénateur Munson.

Mme Buchanan : Un des membres de notre alliance, Michael Campagne, vient en aide aux familles avec des enfants ayant des troubles d’apprentissage et des enfants autistes, et il facture très peu pour ses services. C’est lui qui a expliqué pourquoi nous sommes dans cette situation et pourquoi nous assistons à cette augmentation énorme du nombre de rejets. Dans presque toutes les catégories, les rejets sont presque deux fois plus nombreux en 2017 qu’ils l’étaient en 2016.

Le régime enregistré d’épargne-invalidité a été créé en 2008. Il y a une retenue de 10 ans des contributions versées par le gouvernement. Cette retenue est en hausse cette année. Le gouvernement du Canada est responsable de milliards de dollars. C’est comme un billet à ordre, mais en mieux, parce que l’argent est déjà dans le compte.

Je vous remercie du privilège parlementaire. Comment pouvons-nous endiguer le plus efficacement cette énorme vague, non pas que quiconque puisse retirer de l’argent d’un seul coup, le système n’étant pas conçu pour cela, si ce n’est qu’en commençant à refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées à certaines personnes qui détiennent déjà un régime enregistré d’épargne-invalidité? Je ne vois pas d’autre réponse.

Mme Cohen : Comme je l’ai mentionné plus tôt, le mandat du Comité consultatif des personnes handicapées devrait permettre de résoudre tous les problèmes et de procéder à tous les changements nécessaires. Des changements systémiques et législatifs sont requis pour donner suite aux points importants soulevés par M. Mendelson, et le Comité consultatif des personnes handicapées ne peut pas s’en occuper.

Pour ce qui est de la deuxième question, si nous prenions certaines de ces mesures, cela aurait un impact sur l’utilité des promoteurs.

Le président : Nous allons terminer avec Michael Mendelson.

M. Mendelson : Cela fait bientôt 50 ans que je travaille dans ce domaine, et je ne crois pas que la situation soit si catastrophique. Il y a du travail à faire pour l’améliorer, et j’espère que c’est ce que votre comité fera, mais la chose est possible.

Pour ce qui est, par exemple, de la question des requins, je crois que cela fait partie de l’enjeu de l’administration des prestations sociales par l’ARC. À mon avis, peu importe qui administre les prestations, ces personnes devraient contribuer à financer les organismes sans but lucratif pour qu’ils aident les gens à s’assurer de profiter de toutes les prestations sociales disponibles. C’est le genre de choses qui devraient se produire, et cela fait partie de l’évolution et de l’amélioration des systèmes en place.

À mon avis, l’enjeu le plus important est le suivant, peu importe la qualité de l’administration du programme, si le crédit n’est pas remboursable, les personnes qui en ont le plus besoin ne l’obtiendront pas et n’en profiteront pas. Je crois donc que la question du remboursement doit faire l’objet d’une attention sérieuse.

Le président : Merci beaucoup à vous trois. Vous avez fait progresser notre connaissance et notre compréhension de la situation vaste et complexe à laquelle nous sommes confrontés à l’heure actuelle. Vous nous aidez à nous démêler dans tout cela.

Cela dit, merci à nos témoins ici présents et à Michael Mendelson, qui a participé par vidéoconférence.

La séance est levée et nous reprendrons notre discussion mercredi et jeudi prochains. Nous avons deux autres jours à consacrer à cette étude particulière.

(La séance est levée.)

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