Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, afin de poursuivre son étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans notre système de santé.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Pour commencer, je demande à mes collègues de se présenter, à partir de ma voisine de droite.

La sénatrice Seidman: Judith Seidman, de Montréal.

La sénatrice Stewart Olsen: Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine: Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Petitclerc: Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Hartling: Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Merchant: Bonjour. Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Cormier: René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Meredith: Don Meredith, de l’Ontario.

Le président: Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude de la robotique, de l’impression 3D et de l’intelligence artificielle dans le système de santé. Jusqu’ici, nous avons entendu des organismes fédéraux de recherche, des futurologues de la technologie et des chercheurs à titre personnel. Nous entendrons aujourd’hui les témoignages des représentants de deux centres canadiens d’excellence qui font de la recherche innovante dans ces domaines.

Comme je n’ai absolument aucune préférence, j’inviterai les témoins à faire leurs exposés dans l’ordre dans lequel figurent leurs noms dans l’ordre du jour. Nous entendrons donc d’abord le représentant d’AGE-WELL Network of Centres of Excellence Inc., son directeur scientifique et professeur agrégé Alex Mihailidis. Vous avez la parole.

Alex Mihailidis, directeur scientifique et professeur agrégé, AGE-WELL Network of Centres of Excellence Inc.: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et mesdames et messieurs les autres membres du comité, je viens témoigner au nom d’AGE-WELL, qui signifie vieillir avec grâce partout avec l’aide de la technologie contribuant au mieux-être, à l’engagement et à la longévité.

AGE-WELL est le réseau canadien de la technologie et du vieillissement financé par le gouvernement du Canada et nos partenaires, pour permettre à notre pays de rester concurrentiel dans ce domaine, plus précisément la robotique, l’intelligence artificielle et d’autres technologies de pointe utilisées dans les soins de notre population vieillissante.

AGE-WELL est un réseau de centres d’excellence, comme vous venez de l’entendre. Nous comptons parmi nos partenaires plus de 140 industries, organismes sans but lucratif, utilisateurs finaux et universitaires. Notre réseau réunit également quelque 150 chercheurs subventionnés et affiliés de 33 universités et centres de recherche du Canada.

Nous travaillons étroitement avec des personnes âgées et des fournisseurs de soins dont les précieux commentaires et l’inestimable expertise, offerts tout au long de ma carrière et au fil du développement du réseau, ont donné un sens à nos efforts.

Le but d’AGE-WELL est d’aider les générations actuelles et futures de Canadiens âgés à jouir de la meilleure qualité de vie possible. Pour ce faire, nous élaborons des technologies et des services qui augmentent leur sécurité et leur sûreté, contribuent à leur vie autonome et accroissent leur participation sociale.

Je félicite le Sénat de s’être engagé dans cette étude. Aujourd’hui, mes propos porteront principalement sur les soins de santé à domicile, mais plusieurs de ces technologies peuvent aussi avoir des incidences directes ou indirectes sur les soins offerts aux patients.

Donc, quel est le défi? Voilà la question centrale à laquelle AGE-WELL essaie de répondre. Nous savons, par notre étroite collaboration avec les personnes âgées et les fournisseurs de soins, que les attentes pour l’intégration fluide des technologies dans le quotidien augmentent. Les personnes âgées et leurs fournisseurs de soins sont de plus en plus technophiles, si bien qu’il ne suffit plus maintenant que tous aient un ordinateur en poche. Les technologies, qu’elles prennent la forme de dispositifs portables, de maisons intelligentes ou de robots mobiles, arrivent de plus en plus vite sur le marché et dans la communauté. Il s’agit de marchés émergents et de grande importance à l’échelle mondiale, et le Canada se trouve à un point critique où des écarts entre les innovations technologiques, la pratique et les processus décisionnels sont régulièrement constatés. AGE-WELL tâche de combler ces écarts au moyen de recherches transdisciplinaires, de formation et de partenariats, de même que par la mobilisation des connaissances et l’élaboration commerciale de technologies.

De nombreuses personnes âgées sont aux prises avec des problèmes de santé complexes et doivent chaque jour relever des défis qui les empêchent de rester autonomes dans leur propre maison et dans leur collectivité. Ces problèmes, que l’on qualifie souvent de « pernicieux », exigent des solutions plus complexes et plus personnalisées, qui vont généralement au-delà des limites habituelles des secteurs de la santé. Il serait avantageux pour tout le monde que l’on cherche à éviter le plus longtemps possible aux personnes âgées les dispendieux soins hospitaliers et de longue durée, mais ce serait elles, les fournisseurs de soins et le secteur de la santé qui en retireraient les bénéfices les plus évidents.

Voyons de plus près le rôle de l’intelligence artificielle. Les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle peuvent offrir des solutions adaptées aux besoins d’une personne. C’est essentiel, compte tenu de la diversité de la population canadienne de personnes âgées, y compris de celles qui sont atteintes de démence. Les personnes âgées de notre réseau m’ont souvent dit de faire passer le message suivant: toutes les personnes âgées sont différentes.

Voici trois exemples de technologies d’intelligence artificielle que les chercheurs d’AGE-WELL développent à l’heure actuelle. Le premier utilise des systèmes fondés sur l’intelligence artificielle dans des maisons intelligentes. Il existe de nouvelles technologies sophistiquées pour les divers aspects du quotidien. Elles permettent aux Canadiens de rester autonomes plus longtemps et de vieillir chez eux et dans la communauté.

Lorsqu’une personne âgée entre dans sa maison intelligente, les carreaux du plancher pourraient enregistrer ses signes vitaux, comme sa fréquence cardiaque et sa pression artérielle. Un miroir intelligent pourrait l’aider à accomplir certaines tâches comme se laver les mains ou se brosser les dents.

Des détecteurs de mouvements pourraient déceler les chutes et faire entrer la personne âgée en communication avec un membre de sa famille ou les services d’urgence. Ils pourraient même recueillir des données à long terme et faire d’utiles révélations sur les habitudes quotidiennes de la personne. Par exemple, trois mois de collecte de données permettent, dans un de nos projets, de prévoir l’apparition de la démence avec 85 p. 100 d’exactitude.

L’informatique cognitive est un deuxième exemple, celui de l’emploi de l’intelligence artificielle permettant de créer un outil grâce auquel les membres de la famille pourraient rechercher plus efficacement les produits et les services dont ils ont besoin. On peut la voir comme une sorte de moteur de recherche personnalisé qui reçoit des descriptions en langage clair et qui trouve des solutions tenant compte des besoins particuliers des personnes âgées et de leurs fournisseurs de soins.

Les scooters intelligents et les fauteuils électriques qu’AGE-WELL développe sont le troisième exemple. Grâce à des technologies de contrôle intelligent qui compenseront leurs limites, les personnes âgées pourront devenir plus mobiles dans leur environnement et continuer à se déplacer sans risquer de se blesser ni de blesser quelqu’un qui se trouve à proximité.

Il s’agit, dans tous les cas, d’exemples d’intégration de l’intelligence artificielle dans le quotidien des personnes âgées et de leurs fournisseurs de soins, dans lequel nous pouvons aussi intégrer des robots.

Avec la diminution des coûts de développement des technologies et la popularité croissante de l’impression 3D, les robots deviennent des solutions de plus en plus viables pour aider les personnes âgées. Ces percées ne viseront pas que les personnes qui ont besoin d’aide: elles pourront également remédier à l’insuffisance des compétences et combler les pénuries de main-d’œuvre que connaîtra le marché du travail de demain. Les personnes âgées et les fournisseurs de soins devront s’adapter à de nouvelles habitudes de travail et de vie quand ces technologies seront en place. Avec les progrès de la robotique, dont beaucoup viennent de vous être révélés par le témoignage de Mme Goldie Nejat, qui fait partie d’AGE-WELL, nous devons comprendre le rôle des robots et déterminer les applications qui seront importantes pour aider les personnes âgées, tout en limitant les coûts.

Il est peu probable que l’on voie apparaître sous peu des robots capables de soulever des objets lourds, d’asseoir une personne sur la cuvette des toilettes et de la relever ou de réaliser d’autres tâches physiquement difficiles. Ils pourront cependant offrir du soutien cognitif et émotionnel et aider les personnes âgées à continuer de vivre chez elles en bonne santé et en conservant leur autonomie.

Les chercheurs d’AGE-WELL créent des robots mobiles d’assistance pouvant rappeler aux personnes âgées qui ont un déficit cognitif les étapes à suivre pour réaliser leurs tâches du quotidien, comme préparer des repas, faire de l’exercice et prendre des médicaments. Ces robots fourniront également de l’aide cognitive au moyen de jeux de mémoire destinés à stimuler le cerveau. Et grâce à la téléprésence, les visites médicales à distance seront rendues possibles.

Je voudrais conclure en précisant que, peu importe la solution, nous devons comprendre que ces nouvelles technologies ne sont que des outils que les fournisseurs de soins et d’autres intervenants utilisent en complément des soins qu’ils offrent déjà. Elles ne sont pas censées remplacer les contacts humains qui sont essentiels dans le domaine des soins.

AGE-WELL étudie les besoins des personnes âgées et des fournisseurs de soins ainsi que le contexte stratégique et réglementaire plus vaste dans lesquels mettre en œuvre ces technologies. L’étude des aspects éthiques, culturels et sociaux de l’introduction de ces nouvelles technologies et l’étude des problèmes d’accès sont au cœur des projets de notre réseau.

Enfin, nous créons aussi des pôles d’innovation qui permettent d’aborder les problèmes complexes, à la croisée des chemins du vieillissement et de la technologie, partout au Canada. Ces pôles réunissent des partenaires locaux dans la recherche de solutions à certains des problèmes « pernicieux » du secteur de la santé et d’autres qui touchent nos personnes âgées.

Nous sommes à un moment important de l’histoire qui nous offre la chance de promouvoir l’innovation et d’aider les personnes âgées à vieillir chez elles. AGE-WELL poursuivra sa mission qui est de faire du Canada un chef de file mondial dans le développement de technologies qui contribuent au vieillissement tout en restant en bonne santé.

Le président: Entendons maintenant le Dr Mehran Anvari, qui est le directeur scientifique du Centre pour l’invention et l’innovation en chirurgie.

Dr Mehran Anvari, directeur scientifique, Centre pour l’invention et l’innovation en chirurgie: Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de votre invitation. Je mettrai un peu moins de cérémonie dans mon exposé. Je suis professeur de chirurgie à McMaster et titulaire d’une chaire d’innovation chirurgicale. Je travaille depuis plus de 20 ans dans le domaine de la robotique et de la chirurgie.

J’ai d’abord été attiré par le domaine de la robotique pour répondre au problème de première importance qui est d’améliorer l’accès pour les habitants des régions très éloignées du Canada. Un voyage dans le Nunavut m’a fait comprendre que même si, en théorie, cet accès existe, il oblige de nombreux Canadiens à franchir des milliers de kilomètres.

Depuis près de 12 ans, la robotique nous permet d’effectuer des opérations de téléchirurgie. En 2003, mon équipe et moi avons effectué un certain nombre d’opérations chirurgicales très complexes sur des patients qui se trouvaient dans des endroits éloignés du nord de l’Ontario. Ces opérations nécessaires les auraient normalement obligés à descendre à Toronto et à Hamilton. Nous avons montré que la robotique pouvait améliorer l’accès.

Par la suite, la recherche s’est intensifiée, mais nous avons constaté que la nôtre n’aurait pas d’effet sur les Canadiens tant que des entreprises ne discerneraient pas de marché pour son acquis.

Pour le scientifique que je suis, la leçon a été rude. J’ai vraiment été heureux lorsque le gouvernement du Canada a lancé le programme des Centres d’excellence en commercialisation et en recherche, les CECR, en 2008. Nous en étant prévalus, j’ai vu la fécondité de cette recherche tout à fait remarquable en idées et en propriété intellectuelle. Elles restent prédominantes dans le monde et dans divers ouvrages scientifiques publiés partout dans le monde, mais les contraintes de la commercialisation en empêchent la concrétisation. Nous sommes désormais en mesure d’en appliquer.

Notre centre d’excellence, le Centre pour l’invention et l’innovation en chirurgie a pour objectif principal de mettre au point une génération nouvelle et intelligente de robots chirurgicaux, avec, comme visée directe, l’amélioration de la qualité et de l’accès aux opérations chirurgicales et autres interventions pour les Canadiens et l’humanité.

Nos systèmes visent à améliorer le soin des patients en permettant l’augmentation des compétences pour les opérations, un déroulement plus ciblé et plus précis des opérations et un accès amélioré. Chaque opération et chaque système que nous mettons au point sont télécommandables. Le médecin peut opérer des patients à distance.

Cela permettra aussi d’améliorer les soins en réduisant le nombre d’étapes à suivre partout dans le système. Nous supprimons à toutes les étapes les causes d’inefficacité qui y sont introduites. Notre premier système commercialisé sert à la détection et au traitement rapides du cancer du sein chez les femmes exposées à un risque élevé. Toutes celles qui sont passées par ce processus savent combien d’étapes comptent le dépistage, le diagnostic et le traitement.

Un système d’examen et de traitement en une manipulation n’écourterait pas seulement beaucoup l’attente chez les patients, mais il réduirait aussi, chez les soignants, le nombre d’interventions conduisant éventuellement à une solution chirurgicale.

Notre centre collabore avec MDA, Macdonald, Dettwiler & Associates, l’éminent fabricant canadien du secteur de la robotique depuis près de 30 ans, créateur d’équipement robotique spatial comme l’emblématique bras canadien et d’autres appareils qui ont toujours été des vecteurs de notoriété pour le Canada. Nous utilisons maintenant beaucoup de ces mêmes technologies en chirurgie. Le concours de notre centre d’excellence en commercialisation et en recherche et de MDA a permis de créer des systèmes maintenant rendus à la commercialisation.

Dans mon exposé, j’ai inclus une représentation simplifiée de mon propre parcours, qui fait comprendre que nos recherches universitaires aux niveaux de maturité technologique 1, 2 et 3 ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’accéder à la commercialisation. Tant qu’elle n’atteint pas le niveau 9, la technologie n’a aucune influence sur le soin des patients.

Le gouvernement appuie la recherche. Il a aussi besoin d’appuyer toutes les étapes nécessaires pour faire parvenir l’acquis de cette recherche sur le marché, parce que, sinon, nous n’avons aucune influence sur le soin des patients.

Nous sommes remplis d’espoir. Nous avons créé une entreprise encore jeune avec MDA pour accompagner notre premier système jusqu’à la réussite commerciale. Nous possédons d’autres systèmes qui permettront de nous attaquer à la détection et au traitement rapides des autres cancers, particulièrement de la prostate, du rein, du poumon et du foie.

Je crois en l’avenir de la robotique et de l’informatique cognitive, et les deux joueront un rôle important dans l’amélioration de notre système de santé. Particulièrement dans un pays vaste comme le nôtre, c’est presque essentiel. Sinon, nous ne pourrons pas maintenir notre précieux système de santé comme nous le souhaitons.

Le président: Commençons la période de questions.

La sénatrice Stewart Olsen: Messieurs, je vous remercie d’être ici. C’est fascinant. J’ai deux questions, une pour chacun de vous. Je crois que le système d’AGE-WELL s’est donné beaucoup d’ambitions, mais je me demande si les provinces participent à votre réseau et dans quelle mesure elles adhèrent à vos objectifs. Avez-vous l’impression qu’elles financeront volontiers ces innovations?

Quel serait le gadget le plus utile qu’on trouve dans la maison intelligente?

M. Mihailidis: Un aspect essentiel des liens de notre réseau AGE-WELL avec les provinces est les partenariats noués avec chacune d’elles pour nous assurer de pouvoir démultiplier le plus possible la puissance de nos ressources et piquer sa curiosité pour les innovations issues de notre réseau.

Ces innovations ne sont pas seulement technologiques. Il y en a d’indispensables dans les services, les politiques et les modèles de prestation de services pour introduire ces technologies dans le système de santé. Nous collaborons avec les provinces à cet aspect important.

Un bon exemple, que j’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, sont les pôles d’innovation que nous créons partout au Canada. Nous lancerons l’un des premiers au Nouveau-Brunswick. Nous visons précisément un pôle pour la politique des technologies dans le système de santé pour personnes âgées. Nous bénéficions du concours non négligeable de la province, qui collabore avec divers partenaires pour en assurer l’éclosion. Nous produirons des modèles semblables ailleurs dans le pays.

Quant aux applications des meilleures maisons intelligentes, mes propres travaux de recherche et ceux de notre réseau nous en font voir actuellement de très viables pour les personnes atteintes de démence. Nous voyons déjà des technologies qui permettent à ces personnes de rester plus longtemps chez elles et en sécurité, parce que les maisons intelligentes leur rappellent diverses tâches à faire, comme se laver les mains, prendre leurs médicaments, se brosser les dents ou se préparer un repas simple. Nous constatons une augmentation sensible de l’adoption de technologies dans ce type d’applications.

Ces activités peuvent sembler simples. Toutefois, selon ce que nous disent les membres de la famille qui doivent prodiguer des soins continus, les problèmes les plus complexes qui les empêchent de retourner travailler se résument souvent à des activités de la vie de tous les jours qu’ils doivent accomplir, superviser ou rappeler à l’être cher. Si nous avions cette technologie pour les remplacer, le problème serait résolu.

Les systèmes de maison intelligente peuvent jouer un rôle important à ce chapitre. Les fournisseurs de soins pourraient retourner travailler grâce aux technologies installées dans la maison de l’être cher pour surveiller ses activités et faire en sorte qu’il soit en sécurité. Nous assisterons à une augmentation de l’utilisation de cette technologie chez les fournisseurs de soins.

Les employeurs et les compagnies d’assurances nous demandent souvent comment ils pourraient offrir cette technologie dans le cadre d’un régime de soins de santé. En plus d’avoir accès à des soins dentaires et médicaux, les gens auraient également accès à des technologies dans la prestation des soins en vue d’être de nouveau productifs au travail.

La sénatrice Stewart Olsen: Docteur Anvari, vous avez parlé de l’innovation en chirurgie dans les régions éloignées. Pourriez-vous me dire ce qu’il en est exactement? Est-ce que vous utilisez un robot ou si vous donnez des directives par téléconférence à un médecin qui est sur place? Comment cela se passe-t-il?

Dr Anvari: En fait, il y a un robot qui est contrôlé par un expert à distance. Une infirmière ou un médecin un peu moins spécialisé pourrait régler le robot au préalable.

Lorsque j’ai travaillé dans les régions, j’ai exercé des chirurgies complexes aux côtés d’un chirurgien local qui n’a pratiqué aucune des interventions, mais qui pouvait régler le robot et intervenir au besoin. Il a été formé pour le faire. Avec les systèmes actuels, c’est encore plus simple. Nous avons automatisé bon nombre des étapes, de sorte que des radiologues de n’importe où peuvent utiliser la technologie à distance. Nous allons en faire la démonstration entre Hamilton et Québec. Un patient subira une intervention par un médecin qui se trouve à des milliers de kilomètres.

La prochaine étape sera l’autonomie. Nous collaborons actuellement avec l’intelligence artificielle Watson d’IBM afin qu’un jour, le robot en vienne à prendre des décisions. Et nous espérons que ces étapes nous permettront de réduire le nombre de déplacements que les patients doivent faire pour subir des interventions. En ce moment, nous demandons aux patients de se rendre sur les lieux de l’expertise, mais nous aimerions faire le contraire, c’est-à-dire amener l’expertise aux patients.

Pour revenir à ce qui a été dit plus tôt, sachez que dans mon domaine, les provinces appuient cette idée, car elles savent à quel point cela peut être utile. Le problème survient souvent plus tard, c’est-à-dire lorsqu’une entreprise doit vendre son produit parce que l’approvisionnement dans le domaine médical au Canada est très complexe. C’est ce que j’entends souvent de la part des entreprises.

Nous avons reçu un vaste appui à l’échelle provinciale et territoriale au Québec, en Ontario, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Les gouvernements sont tout à fait disposés à appuyer cette étape préliminaire de la recherche sur le développement.

Lorsqu’une entreprise se lance dans le domaine, elle doit d’abord passer par le processus d’approvisionnement, et c’est là que ça achoppe. Elle se heurte à de nombreuses embûches. Il faudrait y remédier. À vrai dire, nous avons vu de nombreuses compagnies innovantes au Canada qui ont dû migrer aux États-Unis pour pouvoir réussir. C’est malheureux, mais c’est la réalité. Il est plus facile pour elles d’y vendre leurs produits.

La sénatrice Seidman: Je vous remercie de vos déclarations. J’ai une question pour chacun d’entre vous.

Monsieur Mihailidis, dans votre déclaration, vous avez présenté AGE-WELL comme un réseau de centres d’excellence. D’après les études que nous avons réalisées par le passé, nous savons qu’il y a des difficultés associées aux centres d’excellence, sans parler des Réseaux de centres d’excellence, étant donné les exigences conflictuelles et le fait que certains groupes travaillent en vase clos et ainsi de suite.

Vous dites que vous comptez parmi vos partenaires plus de 140 entreprises, organismes sans but lucratif, organisations gouvernementales, fournisseurs de soins, utilisateurs finaux et universitaires. Il s’agit donc d’un très grand nombre d’organisations, de groupes et de gens au sein d’une même administration. Cela dit, comment établissez-vous vos priorités en matière de développement, compte tenu de cette diversité de groupes? Avez-vous fait l’objet d’un examen afin d’évaluer leur efficacité ou leur réussite du point de vue de la commercialisation?

M. Mihailidis: Pour répondre à votre première question, sachez que nous établissons toutes nos priorités selon une démarche ascendante, et ce sont nos intervenants qui les déterminent. Même dans la préparation de la demande qui a été soumise au programme des RCE il y a trois ans, nous avons organisé ce que nous appelions des cafés-causeries partout au Canada où nous invitions les personnes âgées, les fournisseurs de soins et d’autres intervenants pour nous indiquer quels sont les véritables problèmes et ce que la technologie pourrait leur apporter. Nous continuons de le faire régulièrement. Nous consultons nos intervenants et nos groupes consultatifs pour nous assurer de concentrer nos efforts là où c’est nécessaire.

Cette révision se poursuit dans l’ensemble de notre structure, jusqu’au conseil d’administration. Plusieurs organismes, fournisseurs de soins de santé et autres intervenants clés siègent au conseil d’administration pour représenter leurs intérêts, non seulement au sein du conseil, mais aussi de toute notre structure de gestion.

Nous nous efforçons de respecter notre engagement de faire participer nos intervenants le plus possible à nos projets. Nous n’allons pas accorder de financement à un projet s’il n’y a pas d’intervenants ou de partenaires qui ont pris part à nos décisions, qu’il s’agisse de représentants de l’industrie, du gouvernement ou du secteur à but non lucratif. Quoi qu’il en soit, ils investissent quelque chose dans le projet, que ce soit de l’argent, de l’expertise, du temps ou des ressources.

C’est important pour nous. Grâce à cette approche, tous nos projets sont axés sur des problèmes concrets. Nous évaluons les projets chaque année. Si nous constatons que nous avons perdu cette notion, nous réduirons le financement accordé à ce projet ou nous prendrons les mesures nécessaires pour le remettre sur la bonne voie, à la lumière de ce que nous disent nos intervenants.

Par exemple, nous lançons également de temps à autre des appels d’offres pour de nouveaux projets. Ce sont de petits projets catalyseurs, comme nous les appelons. Il s’agit des nouveaux projets et questions de recherche que nous finançons dans le domaine de l’application des connaissances et de la commercialisation. Nous demandons à nos intervenants quels sont les thèmes clés récurrents. L’an dernier, nos intervenants, y compris nos partenaires de l’industrie, souhaitaient qu’on puisse mettre au point des technologies destinées à aider les personnes âgées à demeurer sur le marché du travail. Nous nous sommes donc concentrés là-dessus et nous avons financé des projets à cet égard.

La sénatrice Seidman: J’aimerais revenir à la deuxième partie de la question, à laquelle je ne crois pas que vous avez répondu, c’est-à-dire comment vous vous y prenez pour évaluer l’efficacité et la réussite, et si vous l’avez fait jusqu’à maintenant.

M. Mihailidis: Nous établissons un cadre. Comme vous l’a dit mon collègue, nous avons des échelles de niveau de maturité technologique. Nous avons adopté cette méthode et nous l’avons modifiée pour qu’elle réponde à nos propres besoins, parce que nous ne faisons pas que mettre au point des technologies. Nous avons élaboré un cadre d’évaluation en fonction de ces échelles, en plus de certaines mesures supplémentaires requises dans le cadre du programme des Réseaux de centres d’excellence.

Tous nos projets sont évalués régulièrement en fonction d’indicateurs de réussite commerciale et de transposition et mobilisation des connaissances. Par conséquent, il n’y a pas que la commercialisation des produits; nous nous penchons aussi sur ces deux aspects.

Ce sont les exigences pour tous les projets. Nous avons commencé il y a à peine 18 mois, alors nous en sommes encore à établir le cadre. Nous attendons de voir s’il y aura d’autres succès commerciaux au sein de notre réseau. Cependant, à ce stade-ci, notre réseau a déjà appuyé et financé deux jeunes entreprises. La première, qui s’appelle Braze Mobility, travaille dans le domaine des fauteuils roulants intelligents, et l’autre, WinterLight Labs, utilise l’intelligence artificielle pour détecter la démence.

Nous calculons essentiellement leur niveau de réussite en fonction de la valeur des investissements qu’elles ont pu obtenir et la mesure dans laquelle elles ont su tirer profit du financement que nous leur avons accordé. Les deux ont connu du succès. L’une d’elles a mené des activités de collecte de fonds en capital de risque; nous considérons qu’il s’agit d’une belle réussite. L’autre a déjà commencé à recevoir des commandes, en particulier des États-Unis et du Canada. C’est donc un autre indicateur de réussite.

Le processus est en cours et évolue constamment. Nous collaborons étroitement avec nos partenaires des RCE et le RCE lui-même pour établir ces cadres d’évaluation. Nous nous attendons à voir davantage d’indicateurs au cours de la prochaine année sur lesquels nous pourrons nous fonder.

Le sénateur Meredith: Merci à vous deux pour vos exposés. J’aurais une brève question complémentaire pour vous, docteur Anvari, qui donne suite à la question de la sénatrice Stewart Olsen au sujet de vos interventions à distance. Vous les avez expliquées avec beaucoup d’éloquence.

Mais qu’en est-il de la connectivité? Je pense que c’est un aspect essentiel, car certains endroits éloignés n’ont aucune connectivité, particulièrement dans le Nord. J’aimerais que vous me donniez des explications à ce sujet et que vous reveniez sur la question de la commercialisation et de ce qu’il faut faire pour rendre possible la commercialisation de vos produits.

Dr. Anvari: L’une des raisons pour lesquelles nous nous sommes tournés vers l’automatisation et l’autonomie, c’est que nous avons maintenant besoin de moins de commandes. En téléchirurgie, il fallait avoir un système de commande à triple redondance pour contrôler le robot et pratiquer les interventions. Maintenant que c’est automatisé, on planifie l’intervention, et le système pratique l’intervention en fonction de ce qui a été planifié. Une fois qu’on a procédé à la planification et que le système s’amorce, c’est la planification préalable qui entre en jeu. L’autonomie nous permet maintenant d’apporter des ajustements mineurs aux directives au fur et à mesure que nous faisons des découvertes. Chacune de ces étapes nous permettra de renforcer ces capacités.

Je suis entièrement d’accord avec vous pour dire que nous ne pourrions pas pratiquer la téléchirurgie au Nunavut car on utilise des micro-ondes sur une longue surface et tout ce qui vole au-dessus pourrait avoir une incidence. À de nombreux endroits, si on se sert de satellites, le délai ou la latence peuvent compliquer les choses. C’est pourquoi nous sommes désormais passés à l’automatisation et que nous nous orientons vers l’autonomie.

Si je puis me permettre, je considère que notre modèle est beaucoup plus simple parce que nous travaillons avec une grande entreprise canadienne et six entreprises connexes. En tant que médecin, j’estime que le succès se mesure par rapport aux soins qui sont prodigués aux patients. Tout le reste, que ce soit la croissance économique, les jeunes entreprises et la commercialisation, est important pour y arriver. Cependant, nos CECR doivent se demander quelles sont les solutions que nous voulons le plus mettre sur le marché. Qu’est-ce qui nous permettrait le plus d’améliorer la qualité des soins au pays?

Même s’il y a de nombreux secteurs dans lesquels on peut réaliser des progrès, on doit également tenir compte des organismes de réglementation. La FDA, Santé Canada et le programme des RCE ont de la difficulté avec l’automatisation, sans parler de l’autonomie. Ils doivent bien comprendre la voie dans laquelle nous nous engageons. Ça s’en vient. J’espère que ce document leur permettra d’explorer ces domaines, car la technologie est certes beaucoup plus rapide que la réglementation. Je pense qu’il est temps d’apparier tout cela.

Nous pourrions atteindre l’autonomie dès maintenant; à vrai dire, ce n’est pas un objectif difficile à réaliser. La raison pour laquelle nous n’y arrivons pas, c’est parce que nous ne pouvons pas créer de système autonome. Pour ce faire, nous devons obtenir une approbation réglementaire.

Avec l’automatisation, grâce aux interventions planifiées d’avance, le système peut établir un diagnostic en fonction d’algorithmes, mais c’est le médecin qui doit planifier l’intervention pour que le système s’exécute.

M. Mihailidis: J’aimerais ajouter quelque chose concernant la commercialisation. Nous nous intéressons à deux domaines très différents.

Dans les domaines de la technologie et du vieillissement, nous devons nous pencher sur la façon de commercialiser ces technologies et les différents modèles de prestation de services. Si on regarde les technologies qui sont mises au point pour les personnes âgées et les fournisseurs de soins, non seulement au sein du réseau AGE-WELL, mais aussi partout dans le monde, la majorité d’entre elles ne sont pas des dispositifs médicaux. Elles n’ont pas besoin de passer par les voies traditionnelles du domaine médical ni par tous les processus réglementaires habituels auxquels devrait se soumettre un instrument médical ou un robot chirurgical.

Bon nombre de ces technologies sont considérées comme des produits de consommation. On devrait pouvoir les acheter dans un magasin électronique à grande surface et les installer pour l’être cher ou soi-même, si on en a la capacité. Nous constatons que c’est une tendance émergente. De plus en plus de fournisseurs de soins nous disent: « Je suis allé dans une boutique électronique au cours de la fin de semaine, j’ai acheté des capteurs et un petit microprocesseur, et j’ai construit mon propre système de détection de chute ».

C’est une tendance grandissante, particulièrement dans les domaines de la technologie, du vieillissement et de la technologie d’assistance en général. Il est nécessaire d’envisager de nouveaux moyens de commercialiser les technologies et de nouveaux modes de prestation de services. Il faut sortir des sentiers battus si on veut réussir dans notre domaine.

Le sénateur Meredith: Monsieur Mihailidis, dans votre conclusion, vous avez dit que vous vous penchiez sur les aspects éthiques, culturels et sociaux de l’introduction de ces nouvelles technologies.

Ma question s’adresse à vous deux. Docteur Anvari, vous avez parlé du robot autonome qui pratique l’intervention. Comment composez-vous avec les questions d’ordre éthique? J’aimerais connaître votre avis là-dessus.

M. Mihailidis: Au sein de notre réseau, nous avons tout un thème ou un module qui traite de l’éthique à l’égard de ces types de technologies, en particulier la robotique et les systèmes de maison intelligente pour les utilisateurs vulnérables tels que les personnes atteintes de démence.

Nous avons des chercheurs, des projets et d’autres programmes dont le but est justement d’intégrer ces aspects à notre travail.

Au cours des dernières années, nous avons pu voir l’influence du genre et du sexe. Dans quelle mesure ces deux notions jouent-elles un rôle dans l’introduction et le développement de ces technologies? C’est un aspect fondamental.

Les enjeux culturels sont également importants. Nous observons des approches très différentes dans la façon d’utiliser la technologie et de fournir des soins au sein des divers groupes ethniques et culturels.

On a entendu parler de ce qui a été accompli dans le Nord dans le domaine de la robotique. Nous nous sommes également penchés là-dessus. De quelle façon peut-on avoir recours à la technologie dans les collectivités autochtones afin de venir en aide aux aînés de ces collectivités? Nous avons quelques projets en branle à l’Université de la Saskatchewan et ailleurs qui traitent de cet enjeu.

C’est incroyable de voir à quel point la technologie est façonnée différemment si on tient compte de ces éléments éthiques et culturels. Ils jouent un rôle essentiel. Nous essayons de faire comprendre à nos chercheurs que ces aspects et ces variables doivent être intégrés dès le départ au projet. Ils ne peuvent pas être ajoutés ultérieurement, comme c’est souvent le cas, surtout en ce qui concerne le développement des technologies.

Dr Anvari: Toutes nos interventions sont pratiquées avec le consentement des patients. Je veux m’assurer que les sénateurs sachent que même si nos systèmes sont télécommandables, dans 95 p. 100 des cas ou plus, on y a recours à l’hôpital, lorsque le patient est là, pour améliorer la précision et la fiabilité, réduire la douleur et minimiser la cicatrisation, et ainsi de suite.

La majorité des systèmes que nous construisons serviront quotidiennement dans les grands et les petits hôpitaux, mais on y aura également accès dans les régions éloignées. En médecine, le patient doit consentir à toutes les interventions. L’une des premières questions que l’on m’a posées était: « Pourquoi les patients accepteraient-ils qu’une intervention soit réalisée par un robot plutôt que par un médecin? » J’ai trouvé la réponse. C’est une chose que nous ne savions pas il y a 15 ans. Dans les faits, les patients acceptent de subir une intervention s’il s’agit du plus haut niveau d’interventions et qu’elle améliore la qualité des soins.

J’irais même jusqu’à dire que l’on croit souvent que les robots sont meilleurs et plus rapides. Le système da Vinci, que l’on utilise dans les chirurgies de la prostate, en est un bon exemple. Dans les faits, rien ne démontre que c’est beaucoup mieux qu’une laparoscopie. C’est mieux qu’une prostatectomie par voie abdominale ouverte, mais à l’heure actuelle, les robots réalisent 95 p. 100 des interventions aux États-Unis, et le Canada s’est également engagé dans cette voie. Cela se rapproche beaucoup à un rapport de maître à esclave. Ce n’est pas un télérobot ou un robot autonome. Ce n’est pas automatisé.

Les patients acceptent le recours aux robots lorsqu’ils ont l’impression que cela améliorera les soins. Les interactions ne les préoccupent aucunement. Dans le cas de la téléchirurgie, après les deux premiers patients, d’autres patients se sont rendu compte de ses avantages, et nous n’avons plus manqué de personnes qui optent pour la chirurgie bionique. En réalité, nous devons veiller à ne pas trop gonfler les attentes et à parler convenablement des risques et des avantages de l’intervention pour obtenir un consentement éclairé. C’est ainsi pour toutes les interventions. Les patients acceptent facilement que les robots contribuent aux soins.

Le sénateur Meredith: Lorsque le patient donne son consentement, sur le plan éthique, le médecin n’est alors plus responsable des risques.

Dr Anvari: En effet. Les patients donnent leur consentement parce qu’ils comprennent tous les risques et les avantages d’une intervention. Le médecin est tenu responsable s’il ne fait pas le tour de la question.

La sénatrice Griffin: Je remplace le sénateur Tony Dean aujourd’hui. J’ignore quelles questions il poserait, car je pense qu’il subit une intervention chirurgicale.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement fédéral a toujours des instruments économiques et réglementaires. Vous avez mentionné les deux. Plus précisément, à propos des organismes de réglementation, vous avez indiqué qu’ils ont de la difficulté à suivre le rythme effréné de l’évolution technologique.

De quels progrès ou changements réglementaires aurions-nous besoin pour progresser plus rapidement?

Dr Anvari: Les deux pays comprennent ce qu’il en est — je pense au continent nord-américain. Tous les organismes cherchent à améliorer leurs structures pour suivre le rythme des progrès technologiques. Les exigences réglementaires reposent souvent sur des études cliniques, dont la réalisation demande toujours des années, ce qui allonge le processus.

Les organismes cherchent des moyens de tirer parti de leurs connaissances dans le but de faire progresser la réglementation sans réduire la surveillance nécessaire pour prévenir l’adoption cavalière de technologies. La ligne est mince. Le fait de suivre le plus possible l’évolution de la technologie dans ces domaines permet de trancher.

Je ne voudrais certainement pas être à leur place. Je comprends le problème auquel ils font face. L’une des mesures prises par Santé Canada et la FDA consiste à rencontrer des groupes d’experts, comme celui-ci, pour savoir dans quelle direction la technologie évolue et à quelle vitesse. Comment peuvent-ils s’assurer d’avoir une longueur d’avance plutôt que de toujours accuser du retard? L’autonomie nous est rendue possible grâce à des choses comme l’auto de Google et Uber. Nous cherchons des moyens d’intégrer des robots autonomes à notre société, et la santé est un des domaines concernés.

À mon avis, Santé Canada doit assurément étudier la question pour déterminer comment autoriser un tel niveau d’autonomie dans le domaine de la santé. C’est un processus d’apprentissage graduel.

M. Mihailidis: De plus, ces organismes de réglementation doivent comprendre qu’il existe d’autres façons tout aussi bonnes de recueillir des données visant à prouver l’efficacité de ces nouvelles technologies.

À l’heure actuelle, tout le monde considère la méthode des essais contrôlés aléatoires comme le modèle d’excellence. La méthode consiste à recourir à un groupe témoin et à un groupe d’intervention pour mener des essais aléatoires. Bien souvent, compte tenu des nouvelles technologies mises au point, la méthode des essais contrôlés aléatoires ne devrait pas être considérée comme le modèle d’excellence. Ces essais sont parfois très difficiles à effectuer, notamment lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies coûteuses, entre autres choses. Il faut comprendre et accepter d’autres méthodes.

Je vais vous donner l’exemple classique dans le domaine des technologies assistées par ordinateur, à savoir qu’il n’est pas nécessaire de faire des essais contrôlés aléatoires pour montrer qu’un fauteuil roulant électrique aide une personne paralysée à se rendre du point A au point B. Il n’est pas nécessaire de faire preuve d’une telle rigueur scientifique, pour ainsi dire, en envisageant de faire des essais contrôlés aléatoires.

Nous devons continuer de sensibiliser nos organismes de réglementation, qu’il s’agisse de Santé Canada ou autres, aux autres méthodes de collecte et de présentation de données qui sont aussi rigoureuses que les essais contrôlés aléatoires ou que d’autres méthodes à notre disposition.

La sénatrice Griffin: Ma deuxième question nous ramène aux instruments économiques ou au pouvoir financier du gouvernement. On a entre autres mentionné que le gouvernement doit soutenir la recherche pour assurer la mise en marché de la technologie.

Je suppose qu’il offre actuellement un certain soutien. À votre avis, que doit-il faire de plus?

Dr Anvari: Le programme des CECR s’est révélé très positif. Les CECR ont vu leurs travaux de recherche, qui proviennent souvent de différents réseaux de centres d’excellence, prendre une tournure commerciale. Je vois également une collaboration plus étroite avec les groupes d’experts du gouvernement en ce qui a trait au financement et à tous les aspects commerciaux visant à aider ces entreprises en démarrage non seulement à lancer leurs activités au Canada, mais aussi à y rester. Comme je l’ai dit, c’est en partie attribuable aux difficultés liées à l’approvisionnement dans mon domaine et à la façon dont elles peuvent demeurer concurrentielles ailleurs dans le monde lorsqu’elles restent au Canada.

Ces mesures sont importantes. Le Canada fait un excellent travail. Nous figurons parmi les pays où se fait le plus de recherche en fonction du financement que nous recevons. De plus, nous faisons raisonnablement bonne figure en matière d’innovation, en aidant la commercialisation. Par contre, nous ne nous en sortons pas aussi bien pour ce qui est de créer de la richesse à partir de l’ensemble des industries innovatrices, car elles sont nombreuses à s’exiler chez nos voisins du Sud.

Comment pouvons-nous faire en sorte qu’elles réussissent à approvisionner le reste du monde à partir du Canada? Une mesure en ce sens serait certainement avantageuse.

Le président: À propos, j’ai demandé à tous les autres témoins de me faire parvenir, par l’entremise de la greffière et après leur comparution, les idées qu’ils ont recueillies concernant la façon d’accroître davantage l’efficacité de nos systèmes et d’aider nos entrepreneurs dynamiques dans ces domaines. Vous pourriez peut-être nous revenir là-dessus, car il est trop complexe pour nous d’approfondir la question pendant nos séances. C’est un aspect important de la discussion.

La grande majorité de nos témoins sont canadiens. Ils entreprennent des activités commerciales et se heurtent tous à certaines difficultés. Nous serions ravis que vous fassiez parvenir vos idées à la greffière après votre départ.

La sénatrice Petitclerc: Merci de vos exposés. Je les ai trouvé très intéressants et très encourageants, surtout parce que vous parlez du groupe dont je vais faire partie dans 40 ans, à peu près.

J’aimerais que vous en disiez plus long sur l’accès. Je m’intéresse à toutes les choses dont vous avez parlé qui peuvent servir à la maison, c’est-à-dire pour la surveillance, la santé, la sécurité, l’assistance et le divertissement, qu’il s’agisse de robots ou d’intelligence artificielle.

J’aimerais avoir un portrait ou une idée de l’accès qui est maintenant offert. À mes yeux, on semble parler de la fine pointe de la technologie. C’est probablement coûteux, et il faut que des experts se déplacent pour livrer le produit.

Quelle est la situation actuelle? À votre avis, où en serons-nous dans 10 ou 40 ans, lorsque je ferai partie du groupe concerné?

M. Mihailidis: C’est une excellente question. Si vous me l’aviez posé il y a cinq ans, je vous aurais dit que l’accès est très mauvais et que ce n’est pas pour demain, car ces technologies coûtaient trop cher. Les choses ont radicalement changé. Au cours des cinq dernières années, nous avons vu le prix des robots passer de centaines de milliers de dollars à des dizaines de milliers de dollars, et ils coûtent maintenant des centaines de dollars.

Parlons des robots. Une toute nouvelle catégorie de robots est maintenant disponible. J’aime les comparer à des appareils ménagers. Comme pour les réfrigérateurs, les cuisinières et les lave-vaisselle, tout le monde semble avoir un petit robot sur son comptoir, qu’il s’agisse d’un produit comme l’Amazon Echo, le Google Home ou d’un nouveau produit comme le Jibo, qui vient de sortir. Ces robots ne coûtent que des centaines de dollars et sont à vrai dire très sophistiqués. Ce ne sont pas des robots au sens traditionnel. Ils ne se déplacent pas. Ils ne montent pas ou ne descendent pas les marches. Ils ne transportent rien, mais ils ont de nombreuses composantes utilisées en robotique et dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Ces appareils ont recours à de nombreuses choses qu’on essaie d’utiliser depuis plusieurs années pour prendre soin des aînés, comme la reconnaissance vocale, la détection de divers aspects du milieu de vie pour les contrôler, qu’il s’agisse de contrôles environnementaux ou autres. Étant donné que ces plateformes sont maintenant disponibles et que plusieurs de ces entreprises les rendent plus ouvertes afin que nous puissions y intégrer les applications que nous créons, nous commençons à voir un grand nombre de nouvelles technologies, comme les systèmes de maison intelligente, être utilisées dans le but d’aider les aînés.

L’accès est là. Comme je l’ai déjà mentionné, il est vraiment fascinant de voir qu’il ne se limite plus aux concepteurs de logiciel. Cela ne se limite pas qu’aux chercheurs, car c’est également ce que font les ingénieurs, comme moi, ou les informaticiens. Les fournisseurs de soins et des proches achètent ces systèmes et mettent au point leurs propres applications pour prodiguer à la maison les soins nécessaires selon les circonstances.

Cette situation se poursuivra au cours des cinq prochaines années. Nous allons voir un grand nombre de ces applications et de ces nouvelles technologies être utilisé à la maison, non seulement pour soigner les aînés, mais aussi toutes les autres personnes. C’est un peu comme le Saint-Graal d’une maison intelligente. On ne se contente pas de l’installer lorsque les gens atteignent 65 ou 85 ans. À mesure que je vieillis, ma maison évolue. Elle change et s’adapte. Nous avons tous des périodes d’invalidité au cours de notre vie, une invalidité grave ou à long terme. À mesure que nous vieillissons et que nous perdons nos capacités cognitives ou physiques, notre maison devrait en tenir compte et s’adapter.

C’est le genre de technologies sur lesquelles nous essayons maintenant de mettre l’accent. Il ne s’agit pas tant d’un appareil activé à distance ou d’un simple robot ou senseur. Il est plus question d’intégrer ces systèmes à un milieu de vie qui s’adapte lorsque c’est nécessaire.

La sénatrice Raine: On a déjà posé une grande partie de mes questions.

Je trouve curieux que l’évolution — comme vous le dites — dans le domaine des robots conçus pour contribuer aux soins à domicile passe par les produits de consommation. Il y aura beaucoup d’échanges. Ces robots seront conçus à mesure que les fournisseurs de soins verront qu’ils deviennent de plus en plus utiles.

Je suis née avant le baby-boom. Nous savons tous qu’un nombre croissant d’aînés veulent rester chez eux. Il y a un énorme marché. À mes yeux, l’une des choses vraiment intéressantes, c’est que je crois que mes capacités sont un peu limitées sur le plan technologique, et je connais pourtant des gens 10, 20 ou 30 ans plus jeunes qui n’ont aucune difficulté. Prenons, par exemple, les enfants en âge de fréquenter l’école. Il existe des cours et des clubs destinés à ceux qui font de la robotique.

Sur le plan de la recherche, je me demande s’il existe un moyen, peut-être dans les universités ou dans votre réseau, d’exploiter les idées de ces jeunes penseurs en les faisant travailler directement avec les établissements de soins pour qu’ils comprennent les besoins des aînés et puissent peut-être participer à ce transfert de connaissances et de technologies.

M. Mihailidis: Tout à fait. C’est un très bon point et une chose que nous essayons de faire de plus en plus grâce à des activités communautaires.

Nous avons tous entendu parler des marathons de programmation ou d’autres activités qui réunissent les membres du public pendant 36 heures. En gros, on leur donne un défi et ils ont deux ou trois jours ininterrompus pour construire quelque chose. De très bonnes activités ont été organisées pour rapprocher les différentes générations. Nous avons assisté à des activités où j’ai vu des parents avec de jeunes enfants participer ainsi que des aînés et des gens de l’industrie.

Le problème de ce genre d’activités communautaires, des marathons de programmation, c’est qu’ils ne mènent habituellement pas à la création de produits viables sur le plan commercial compte tenu de leur courte durée. Au réseau AGE-WELL, nous organisons des marathons de réflexion en collaboration avec une organisation appelée Hacking Health.

D’un bout à l’autre du pays, nous faisons des activités d’une journée destinées au grand public. Tout le monde peut participer: les enfants, les adolescents et les adultes, jeunes ou âgés. Les participants travaillent directement avec nos intervenants. Nous faisons venir des fournisseurs de soins et des adultes âgés. Les fournisseurs parlent directement avec les participants, qui leur font part de leurs problèmes.

À la fin de la journée, ils forment une équipe et trouvent une idée ou une solution pour prendre soin d’un aîné. Ils ont un mois pour créer une vidéo et nous la soumettre. Nous évaluons ensuite les vidéos. Nous organisons cette activité dans quatre villes: Toronto, Montréal, Halifax et Vancouver. La grande finale aura lieu à notre conférence annuelle à Winnipeg, en octobre. Nous sommes déjà passés par Montréal, où environ 180 personnes étaient présentes, des gens de tous âges, encore une fois.

Nous trouvons les activités de ce genre et d’autres activités que nous organisons très utiles pour favoriser la création intergénérationnelle de technologies. Nous constatons également que les participants adorent se réunir. Nous avons vu plusieurs modèles de la sorte fonctionner en dehors du secteur des technologies. Par exemple, aux États-Unis, il y a le modèle des écoles Montessori où les enfants et des adultes âgés atteints de démence partagent le même espace, la même salle de classe. En recourant à ce genre de modèles dans le monde de la mise au point de technologies, nous aurions une incidence considérable sur le genre de technologies qui en découlerait et sur l’utilité de ces technologies, ainsi qu’une meilleure idée de ce que les générations futures devraient examiner.

Je vais raconter une petite histoire avant de terminer mes observations. Quand j’ai commencé mes études supérieures en génie biomédical il y a de nombreuses années, la première chose que mon superviseur m’a demandée était de faire du bénévolat pendant deux mois à l’établissement de soins de longue durée de l’hôpital Sunnybrook, où nous logeons beaucoup de nos anciens combattants. Il voulait que je me sente concerné. Je faisais partie de ceux qui changeaient les patients, qui les nourrissaient et qui les habillaient.

En tant qu’ingénieur, je me suis demandé à l’époque où il voulait en venir. J’en ai toutefois tiré des connaissances que j’utilise encore aujourd’hui. Je demande à mes étudiants diplômés d’en faire autant. Il est précieux d’avoir une expérience d’ordre pratique pour comprendre les problèmes, les terribles problèmes que j’ai mentionnés et que nous devons vraiment résoudre. Ce que j’ai appris ainsi a une incidence sur les travaux de recherche de mon propre groupe et — je l’espère — sur les travaux du réseau AGE-WELL.

Dr Anvari: Les programmes de sensibilisation mis en œuvre dans nos centres sont sans aucun doute essentiels pour stimuler les jeunes scientifiques de demain. Ils leur permettent également de constater les besoins dans notre société. La gagnante de notre dernier concours de robotique est une personne qui a créé un fauteuil roulant à activation vocale qui est très abordable. C’est extraordinaire.

Il est toujours difficile pour les fabricants de concevoir des systèmes de robotique qui sont faciles à utiliser. Leur succès commercial repose justement sur cette facilité d’utilisation. Si un doctorat en informatique est nécessaire pour se servir d’un robot, celui-ci va rester sur les tablettes. C’est exactement pour cette raison que les entreprises doivent travailler de pair avec les chercheurs. Je peux vous dire d’expérience que nous, chercheurs, sommes toujours en quête de solutions permettant de multiples applications.

J’ai obtenu mon premier brevet pour un robot perfectionné qui possédait six bras lui permettant de faire de nombreuses interventions chirurgicales différentes. C’était ce que j’avais cherché à obtenir, de préférence à un robot qui ne ferait qu’une seule chose, mais avec un maximum d’efficacité. Pour la commercialisation, il faut commencer par des choses simples. Il faut créer un système simple, sûr et reproductible que chaque radiologue et chaque technicien pourra utiliser.

Pour revenir à votre question, je ne sais pas ce que fait Alex exactement, mais il ne lui sert à rien de mettre en marché un système que les aînés ne pourront pas utiliser. La commercialisation va échouer si le système n’est pas facile d’utilisation.

M. Mihailidis: Vous soulevez un point important. C’est à ce niveau que l’impact de l’intelligence artificielle peut surtout être ressenti. Il est possible de concevoir un système très complexe tout en le rendant très simple à utiliser. Les possibilités offertes par l’intelligence artificielle nous permettent de rendre nos technologies plus simples à utiliser sans négliger pour autant le degré de perfectionnement et de personnalisation requis.

[Français]

Le sénateur Cormier: Merci, messieurs, pour vos présentations. J’habite une petite région au nord du Nouveau-Brunswick et je saisis bien l’impact positif de l’arrivée de nouvelles technologies comme les vôtres sur des gens, comme nous, qui ont à se déplacer pour le travail, notamment. On entend beaucoup d’experts à ce sujet. J’en discutais justement avec ma mère qui a 93 ans. Elle utilise les nouvelles technologies, comme Skype, chez elle, dans sa maison. Elle est autonome. En discutant de ces enjeux avec elle, je sentais énormément d’hésitation en même temps.

Ma question est la suivante: dans vos recherches, examinez-vous l’impact psychologique lié à l’arrivée de cette nouvelle technologie? Dans des milieux comme celui dont je suis issu, comment ces nouvelles technologies seront-elles intégrées? Comment les utilisateurs de ces technologies pourront-ils les intégrer avec confiance? Dans le cas de ma mère, elle voyait cela un peu comme Big Brother. Elle se demandait si elle serait constamment observée. La question tourne autour de cette recherche.

La deuxième dimension de ma question porte sur les besoins en formation que nos milieux hospitaliers et d’autres établissements devront prévoir pour que les gens puissent accéder à ces technologies. Êtes-vous en communication avec les divers établissements d’enseignement en ce qui concerne les questions d’intégration des nouvelles technologies? Je vous remercie, et je suis désolé pour la longueur de ma question.

[Traduction]

Dr Anvari: Merci, sénateur, pour cette intéressante question. D’après mon expérience, les technologies sont bien acceptées en milieu hospitalier. Les gens ont l’habitude de se rendre à l’hôpital. Plus ils y trouveront des outils technologiques, plus ils estimeront avoir fait le bon choix.

Dans mon milieu, les patients voient les technologies nouvelles d’un bon œil, car ils se disent que l’hôpital n’en aurait sans doute pas fait l’acquisition si elles n’étaient pas bénéfiques pour les patients. On ne va pas dépenser des centaines de milliers, voire des millions, de dollars pour des machines qui n’améliorent pas le sort des patients. Il y a donc un lien de confiance. Les patients acceptent facilement les technologies qu’on leur propose. Celles-ci ne constituent pas une menace en milieu hospitalier.

À domicile, et Alex pourra vous en dire plus long à ce sujet, c’est une autre paire de manches. C’est alors la technologie qui entre chez les gens. C’est un de mes amis, Yulun Wang, qui a conçu l’un des premiers robots. Il était destiné au départ aux hôpitaux, mais on l’a ensuite utilisé pour les soins à domicile. Le robot conçu par son entreprise américaine, InTouch, avait un air menaçant, si bien qu’il a dû en réduire la taille et lui donner une apparence plus amicale.

Il y a d’autres considérations qui entrent en compte dans la comparaison entre les soins à domicile et en milieu hospitalier. Si les patients peuvent trouver les robots menaçants lorsqu’ils sont chez eux, nous ne constatons rien de tel à l’hôpital. En fait, ils jugent plutôt rassurant que l’hôpital se soit doté des plus récentes technologies. Pour les patients à la maison, le défi est un peu différent, car nous devons nous assurer que les gens ne se sentent pas menacés par l’équipement. La taille est importante. L’apparence et l’aspect esthétique encore davantage.

M. Mihailidis: Je suis tout à fait d’accord. Nous devons composer avec des difficultés particulières dans le cas des aînés à domicile. Cela nous ramène à notre concept de création conjointe des technologies pour nous assurer de comprendre dès le départ les besoins et les volontés des aînés. À quoi le robot devrait-il ressembler selon eux? À quelles fins devrait-on l’utiliser?

Plusieurs projets en cours au sein de notre réseau visent expressément à analyser ces enjeux tant du point de vue de l’aîné que de la perspective du pourvoyeur de soins. Nous avons différents outils technologiques que vous pourriez examiner dans ce contexte. Vous pourriez vous pencher notamment sur l’apparence de l’interface utilisateur. Pour expliquer notre choix, nous pourrions sans doute vous montrer un croquis fait par un aîné dans le cadre de l’approche de conception conjointe que nous préconisons au sein de notre réseau comme dans le secteur en général. Nous devons toujours nous assurer de bien comprendre quels sont les besoins des aînés. Lorsque nous procédons ainsi en tenant compte de leurs besoins, nous pouvons constater que le niveau d’acceptation est beaucoup plus élevé.

Dans le secteur des technologies liées au vieillissement, on peut toutefois souvent constater, chose intéressante, que la résistance ne vient pas nécessairement des aînés eux-mêmes. Ce sont les aidants naturels ou les proches qui soutiennent que leur père ou leur mère ne veut pas avoir de caméra ou de robot dans sa maison. Lorsque nous parlons aux aînés, ils nous répondent souvent: « Si cela me permet de rester à la maison, je vais l’accepter pour autant que je comprenne de quoi il s’agit. » Il y a donc un volet sensibilisation.

Il faut aussi savoir que la technologie n’est pas l’outil qui convient pour tous. Nous ne sommes pas vraiment parvenus à établir une approche coordonnée qui nous permettrait de déterminer quels aînés bénéficieraient le plus des nouvelles technologies, sans s’arrêter à ce qu’ils nous en disent eux-mêmes. Il doit exister une meilleure façon d’analyser notamment les caractéristiques individuelles, la personnalité, les volontés et l’état de santé de chacun pour savoir qui va bénéficier de la présence d’un robot ou d’un système de domotique. C’est un autre aspect important.

Par ailleurs, la formation est une composante primordiale du travail de tout centre d’excellence. Comme vous le savez sans doute, il existe au sein de notre programme différents types de réseaux. Ainsi, Mehran est à la tête d’un réseau axé sur la commercialisation, alors que celui que je dirige est plus conventionnel. Nous couvrons donc le spectre complet des activités, de la recherche-développement jusqu’à la mise en marché.

La formation est importante. Au sein du réseau AGE-WELL, nous offrons le programme de formation EPIC, l’acronyme pour Early Professionals, Inspired Careers, qui regroupe quelque 300 participants. Nous les formons non pas uniquement pour en faire des érudits, mais pour qu’ils deviennent les leaders de demain, peu importe qu’ils choisissent de faire de la recherche, d’être des chefs de file de l’industrie ou de travailler au sein des instances gouvernementales. Nous offrons tout un éventail d’activités, d’ateliers, de cours en ligne et de possibilités de mentorat par l’entremise de toutes les institutions formant notre réseau.

Nous nous apprêtons à élargir l’accès à notre programme EPIC en cessant de nous limiter à la clientèle traditionnelle des étudiants universitaires pour permettre aussi à des aînés et à des aidants naturels d’y participer. Cela nous ramène à l’approche intergénérationnelle en matière d’éducation. Si une entreprise compte un employé souhaitant parfaire ses compétences et ses connaissances en technologie liée au vieillissement, il pourra aussi prendre part à notre programme en tant que membre affilié.

Notre volet formation prend lentement de l’expansion. Nous estimons que c’est un aspect essentiel. Il ne s’agit pas uniquement d’acquérir des compétences pour concevoir des technologies et effectuer des recherches, il faut également comprendre comment les technologies doivent être mises en œuvre, de quelle manière on doit les utiliser et à quel moment.

Je vous rappelle ce que je disais au départ. Ce ne sont que des outils; ils ne vont pas remplacer les pourvoyeurs de soins et les services qui sont actuellement offerts. Ce sont des outils additionnels que les intervenants du milieu de la santé devraient utiliser au moment approprié et à l’endroit qui convient.

La sénatrice Hartling: Vos témoignages vont m’aider à me préparer en prévision de mes vieux jours. J’ai quelques questions à vous poser. Vous avez parlé, docteur Anvari, de cancer du sein et de détection précoce, surtout pour les femmes présentant un risque élevé. Le cancer du sein est probablement l’une des plus grandes craintes pour les femmes. Comment la technologie peut-elle nous aider à détecter cette forme de cancer et peut-on s’attendre à des avancées importantes dans un avenir rapproché?

Dr Anvari: À l’heure actuelle, la plupart des femmes de 50 ans et plus se soumettent à des tests de dépistage. Les femmes présentant un risque élevé doivent subir annuellement une mammographie et un test d’imagerie par résonance magnétique. Malheureusement, le dépistage permet bien souvent de détecter des lésions qui sont trop étendues pour être traitées ou encore qui sont de très petite taille et pas vraiment déterminantes. La patiente doit alors passer du premier dépistage à un second, puis à une biopsie et à une éventuelle tumorectomie, tout cela sans que les résultats soient nécessairement positifs.

Nous essayons de faire en sorte que toute la démarche puisse être réalisée en une seule étape. Dans certaines interventions médicales, c’est chose possible. Si vous subissez une colonoscopie, on vous met sous sédation. Si l’on découvre alors un polype, on procède sur-le-champ à une biopsie pour l’extraire. C’est la même chose dans le cas d’un angiogramme. Si l’on constate qu’il y a obstruction, on installe une endoprothèse.

C’est toujours le même principe; il s’agit de pouvoir examiner et traiter le patient en une seule étape. Dans le cas du cancer du sein, nous en sommes encore très loin. Les systèmes que nous concevons actuellement visent la détection précoce grâce au dépistage. Il est alors possible, sous la direction d’un radiologue, de décider sur-le-champ de procéder à une biopsie et à une ablation au besoin. À l’avenir, de telles décisions pourraient être prises de façon autonome par un système comme Watson capable d’établir un diagnostic précis en s’appuyant sur des millions d’interactions.

En vertu des systèmes que nous offrons, la patiente se soumet à un dépistage. Si une anomalie est détectée, la microchirurgie nous permet de procéder avec précision à une biopsie en ciblant l’endroit à atteindre de telle sorte que la douleur soit minime ou inexistante pour la patiente grâce au gel de la partie touchée. La prochaine étape est à notre portée. Nous collaborons actuellement avec quelques entreprises afin qu’il soit possible de procéder à une détection précoce, à une biopsie et à un diagnostic en une seule étape. L’ablation peut se faire en utilisant la cryothérapie. Dans l’état actuel des choses, la patiente part tout de suite après son test de dépistage. Si nous détectons quelque chose qui doit être traité, la patiente doit attendre son prochain rendez-vous. C’est cette attente que nous voulons éviter.

Les systèmes de robotique en viendront à permettre des économies dans la prestation des soins de santé en diminuant le nombre d’étapes. Non seulement ces systèmes se paieront-ils d’eux-mêmes grâce aux gains d’efficience qu’ils procureront, mais ils réduiront aussi l’attente et les inquiétudes chez les patients tout en leur donnant accès à des traitements moins invasifs. C’est donc une progression toute naturelle pour tout système de santé, et particulièrement pour le nôtre.

La sénatrice Hartling: J’ai une question pour Alex. Nous avons parlé des maisons intelligentes. Je m’inquiète un peu pour ma mère, car elle aura bientôt 90 ans. Elle pourrait vivre de façon autonome si ce n’était d’une perte graduelle de sa vision, ce qui ne manque pas d’inquiéter mes frères et sœurs qui vivent à proximité d’elle.

Est-ce que des innovations technologiques pourraient lui faciliter la vie? Elle voit encore d’un œil, mais pas très bien. Y a-t-il des nouveautés technologiques à venir qui pourraient l’aider à demeurer à la maison?

M. Mihailidis: De nombreux travaux sont menés au bénéfice des gens qui perdent graduellement la vue ou l’ouïe. Tout dépend en fait de la gravité de son handicap et des aspects de la vie quotidienne qui lui posent des difficultés particulières.

Il arrive souvent dans des situations semblables que la solution ne vienne pas de la haute technologie. Il pourrait être nécessaire de procéder à différents ajustements de base dans son environnement.

La sénatrice Hartling: Avez-vous des exemples?

M. Mihailidis: On pourrait modifier la disposition de l’ameublement, s’assurer qu’il y a des contrastes entre les différents objets ou prendre des mesures simples comme apposer du ruban réfléchissant sur les bords des meubles. Il s’agit de solutions simples que n’importe qui peut appliquer. Un bon ergothérapeute pourrait aussi vous aider à faire le nécessaire.

Je voulais simplement faire valoir dans ce contexte que la technologie n’est pas une panacée. Je suis bien conscient que nous sommes ici pour parler de robotique et d’intelligence artificielle, mais il arrive trop fréquemment que les gens passent directement à la solution de haute technologie, surtout dans le cas des aînés dont la situation n’exige bien souvent que des ajustements à l’environnement et des changements de comportement.

Vous pourriez discuter avec votre mère des différentes façons dont elle peut faire les choses pour tenir compte de sa perte de vision ou de ses autres incapacités. Tout cela doit s’intégrer parfaitement aux solutions de haute technologie. Nous devons envisager une combinaison de ces différentes mesures.

La sénatrice Hartling: J’essaie seulement de voir qu’est-ce qui est le mieux pour les aînés. Ils sont plus heureux lorsqu’ils peuvent demeurer dans leur maison. Il arrive parfois que ceux qui vont vivre en résidence soient moins heureux et voient leur état se détériorer plus rapidement. Mais je comprends bien qu’il faut trouver des moyens qui ne sont pas nécessairement d’ordre technologique.

Le président: Avant de passer au second tour, j’aurais moi-même des questions sur un ou deux enjeux qui ont été soulevés.

Docteur Anvari, vous avez parlé des applications actuelles de ces technologies dans le domaine chirurgical. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que l’avenir immédiat nous réserve quant au développement de ces technologies?

À titre d’exemple, vous avez mentionné les problèmes de prostate. D’après ce que j’ai pu comprendre, les récentes avancées dans ce secteur de recherche font en sorte qu’il pourrait être possible de réduire considérablement le caractère invasif des tests et des autres interventions grâce aux données détaillées produites par un système robotisé de chirurgie combinant spectrographie et radiologie. L’ensemble de la prostate peut ainsi être examiné avant que l’on procède à une biopsie. On peut le faire avec une plus grande précision tout en réduisant les impacts et les risques d’infection, notamment. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ces avancées qui se profilent à l’horizon?

Dr Anvari: Oui, merci pour la question. Comme je suis moi-même chirurgien, je trouve plutôt ironique de voir mon travail mettre en quelque sorte au chômage de nombreux anciens collègues, du fait que plusieurs chirurgies deviendront inutiles. Cette technologie nous permet d’établir un diagnostic beaucoup plus tôt dans le processus et souvent de traiter la maladie dès son niveau moléculaire initial. Comme vous l’avez indiqué, tout cela est à notre portée et, dans un avenir peut-être pas si éloigné, les mastectomies, prostatectomies et même les tumorectomies seront peut-être devenues choses du passé.

Nous sommes très efficaces pour ce qui est des diagnostics. Nous disposons d’outils technologiques qui nous permettent pour ainsi dire de détecter les cellules cancéreuses. Malheureusement, nous devons toujours nous servir de moyens plutôt rudimentaires pour nous attaquer au cancer; il faut encore extraire l’organe touché. Nous essayons maintenant d’adjoindre une capacité de traitement à notre incroyable efficacité à poser des diagnostics de plus en plus précoces. Nous voulons que le patient puisse bénéficier des traitements qui existent, non pas en se rendant dans les centres d’excellence situés plus au sud, mais bien en y ayant accès à proximité de chez lui.

Vous avez tout à fait raison. Nous avons perfectionné les choses à un point tel qu’il nous est désormais possible de diagnostiquer toutes les formes de cancer et de maladie de la moelle épinière. À l’avenir, très peu de patients devront subir une craniotomie pour régler différents problèmes de santé. Les choses évoluent. Si j’avais comparu devant ce comité il y a 10 ans, je vous aurais sans doute parlé du nombre incroyable de chirurgies cardiaques que nous effectuions: des chirurgies à cœur ouvert, avec ou sans pompe. Le nombre de chirurgies semblables a beaucoup diminué au cours des 10 dernières années. Bien des gens se font désormais installer une endoprothèse.

C’est là où se situe l’avenir de la chirurgie et de bien d’autres interventions. Elles vont devenir moins invasives. Les diagnostics vont être de plus en plus ciblés. Ces progrès nous permettront non seulement d’accroître la longévité de la population, mais aussi de réduire les coûts des soins de santé. Cela peut sembler contradictoire compte tenu des coûts élevés associés à la technologie, mais il y aura d’importants gains d’efficience du fait que le patient aura moins d’étapes à franchir.

Pour répondre à votre question, il va de soi que certaines maladies seront davantage ciblées dans un avenir rapproché. Les entreprises vont vouloir s’attaquer aux formes de cancer les plus courantes, et les progrès technologiques ne vont pas manquer d’améliorer la situation à l’égard de nombreuses autres maladies.

Nous pouvons par exemple penser aux tremblements. Il existe maintenant des systèmes robotisés permettant d’atteindre certaines parties du cerveau avec des ultrasons à haute intensité qui préviennent les tremblements. C’est l’un des malaises dont peuvent souffrir les aînés. C’est un enjeu important en matière de santé.

Nous pourrons en fait nous attaquer à bon nombre de ces problèmes de santé au moyen d’une technologie mieux ciblée et beaucoup moins invasive. En toute franchise, un robot nous permet d’effectuer certaines choses qui sont impossibles pour les êtres humains que nous sommes, en chirurgie comme ailleurs. Le robot est aussi meilleur que nous pour accomplir certaines tâches.

Le président: Vous nous avez donné un exemple concret d’une combinaison de diagnostic et de traitement. Vous parliez du cancer. Nous avons le Centre Pollock en Colombie-Britannique où l’on est maintenant capable de détecter les différents cancers et de chercher des traitements en fonction de la cause génétique. Ce n’est pas efficace dans tous les cas, car certains cancers ne se prêtent pas à des traitements semblables. Le plus tôt un diagnostic peut être établi, meilleures sont les chances de guérison. Je comprends vos réponses à différents points de vue, mais il semble surtout important d’intégrer diagnostic, traitement et prévention.

Monsieur Mihailidis, vous avez déjà répondu partiellement à cette question dans vos observations, mais je veux revenir au fait que la prestation des soins de santé est de compétence provinciale. Nous avons parlé des innovations au chapitre du traitement des patients et des diagnostics. La situation est un peu différente lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre ces innovations dans le contexte des soins dispensés aux patients. Cet exercice exige le concours d’autres intervenants qui ne partagent pas nécessairement vos affinités pour l’innovation et votre instinct naturel à vous en servir et à l’adapter à vos besoins.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez à partir de vos points de vue respectifs. Croyez-vous que des approches adéquates ont été adoptées au sein des systèmes provinciaux de santé pour permettre le recours à ces technologies émergentes au bénéfice de la population?

Dr Anvari: Je peux vous répondre du point de vue du milieu médical. J’ai rencontré les ministres de la Santé de différentes provinces. Ils semblent tous être bien conscients des avantages que peuvent procurer les technologies dont je vous ai parlé. Il y a toutefois un fossé entre la prise en compte de ces avantages et les actions concrètes ainsi que les formalités à remplir pour se procurer les outils en question au bénéfice de la santé des Canadiens.

Pour dire vrai, les choses sont beaucoup plus simples aux États-Unis. Le système semble peut-être plus complexe, mais il devient facilement rentable d’opter pour ces technologies plus récentes en sachant que les patients vont choisir votre hôpital pour cette raison. Ce n’est pas aussi simple au Canada. Les problèmes sont souvent causés par les systèmes provinciaux d’approvisionnement.

Bien évidemment, tout le monde comprend bien que ces outils technologiques peuvent contribuer à améliorer la situation. Il arrive qu’un ministre en poste préconise une solution ou une autre. Nous avons actuellement des échanges à ce sujet avec le Québec et l’Ontario. Le tout semble être très bien accueilli dans les hautes sphères. Je vous indiquerai, sénateur, dans quelle mesure cela se répercutera sur le terrain.

Il s’agit de voir jusqu’à quel point les responsables des régimes provinciaux de la santé sont prêts à investir dans ces technologies. Comme Alex l’indiquait, il faut pouvoir s’appuyer sur une grande quantité de données probantes. À titre d’exemple, les agences de lutte contre le cancer exigent un certain nombre d’essais cliniques randomisés. Tout cela prend du temps, mais on va finir par y arriver. C’est un processus qui est plus lent, alors qu’aux États-Unis et dans les autres pays où les approvisionnements sont dictés par la clientèle, il suffit de démontrer les avantages d’une technologie pour que les services de santé en fassent l’acquisition pour attirer des patients.

M. Mihailidis: Je suis entièrement d’accord. Je n’ai pas l’impression que les provinces ont su collectivement mettre en place les conditions nécessaires au déploiement et à l’utilisation de ces technologies pour appuyer les aînés chez eux et dans leur collectivité.

Certaines provinces s’en tirent mieux que d’autres. L’Alberta effectue un travail considérable en la matière. L’Ontario s’efforce d’en faire davantage. Le Nouveau-Brunswick n’est pas en reste. À l’échelon provincial, il nous faut trouver les moyens d’inciter les régimes de santé à mettre à profit ces technologies et les possibilités qu’elles offrent dès les premiers contacts du patient avec son médecin de famille.

Plusieurs médecins de famille m’ont dit que c’est bien beau tout cela, mais qu’ils ne voulaient pas voir leurs patients se présenter à leur cabinet avec les données recueillies par leur habitat intelligent indiquant des changements dans leurs capacités cognitives. Ils ne savent pas ce qu’il faut comprendre de données semblables. Ils se présentent devant moi en me disant que leur maison leur indique qu’ils souffrent de démence, sans qu’il ne soit possible de faire quoi que ce soit. De toute évidence, notre régime actuel de santé n’encourage pas les médecins à utiliser ces outils technologiques dans leur pratique.

Nous avons collaboré avec une entreprise en démarrage à la mise au point d’un intéressant outil technologique permettant de mettre en contact les aidants naturels, entre eux et avec le médecin de famille. Celui-ci pouvait se servir de l’application pour communiquer des indications aux proches du patient.

Il y a des médecins de famille qui soutiennent qu’ils n’ont pas le temps de saisir des données dans cette application et que les aidants naturels n’ont qu’à accompagner le patient à ses rendez-vous pour se tenir au fait de son état de santé.

Il y a une part de vérité à cela, mais si vous avez des aidants naturels qui vivent à Toronto, à Montréal et à Vancouver, qui prennent tous soin de leur parent à Winnipeg, comme c’est souvent le cas, alors c’est impossible.

Nos systèmes de soins de santé à l’échelle provinciale doivent offrir cet incitatif. Ils doivent comprendre que nous pouvons bénéficier des données que nous pouvons recueillir à partir de nos capteurs, que ce soit des capteurs environnementaux, portables ou robotiques. Nos systèmes de soins de santé doivent savoir comment réellement réduire les coûts associés aux soins prodigués à ces personnes et ne doivent pas se concentrer autant sur les coûts directs des soins de santé et doivent tenir compte aussi des coûts indirects.

Si l’on regarde les coûts indirects associés à la prestation de soins, ils se chiffrent en milliards de dollars au Canada. Nous perdons une bonne partie de l’argent parce que nous n’adoptons pas ces nouveaux modèles.

Le président: Docteur Anvari, vous avez utilisé un terme qui est à la base des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le secteur des soins de santé au Canada, et c’est le choix. Nous sommes le seul pays parmi 35 pays qui n’a pas le choix. Nous sommes le seul pays où les citoyens ne peuvent pas choisir leurs fournisseurs de soins de santé. La concurrence est l’un des principaux moteurs de l’innovation dans la majorité des autres domaines de l’activité humaine, alors il y a peut-être un aspect à considérer ici.

Je vais maintenant passer à la deuxième série de questions.

La sénatrice Stewart Olsen: Vous avez parlé d’un indicateur de démence. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, s’il vous plaît?

M. Mihailidis: Je dois commencer par dire que des recherches sont encore en cours à ce sujet. Nous avons mené un projet et d’autres initiatives sont en cours à AGE-WELL qui démontrent que la surveillance des changements dans les modes de vie d’une personne peut être un indicateur de changement dans la déficience cognitive de cette personne.

Dans le premier exemple de système que nous avons élaboré, nous avons utilisé des données provenant de nos collègues américains. Ils ont placé des capteurs dans toutes les chambres de 300 personnes âgées sur une période de trois ans. Pendant ces trois ans, bon nombre de ces personnes, qui ne souffraient d’aucun trouble cognitif, sont devenues atteintes d’une déficience cognitive.

Nous avons conçu des modèles à l’aide d’analyses prévisionnelles et d’autres aspects d’apprentissage automatique qui ont permis de mettre au point des modèles de capteurs permettant de savoir combien de temps les gens passent dans leur chambre à coucher, à la salle de bain et à l’extérieur de la maison. Nous avons conçu des modèles qui captaient des données sur les habitudes du sommeil et d’autres aspects permettant de savoir si une personne ne souffre pas de troubles cognitifs ou si une personne est atteinte d’une déficience cognitive ou de démence.

À partir de ces modèles, nous pouvons ajouter des aspects prévisionnels pour montrer qu’une personne, à partir des données recueillies sur ses habitudes de vie à la maison, risque de devenir une personne atteinte d’une déficience cognitive.

Dans le cadre de cette étude, nous avons découvert que nous avions seulement besoin de trois mois de données pour obtenir un chiffre d’environ 85 p. 100. Nous avons augmenté ce chiffre à près de 90 ou 92 p. 10 lorsque nous avons pris en compte d’autres facteurs. Des données très simples peuvent être colligées. C’est un détecteur de mouvement que nous avons probablement tous dans nos maisons déjà, pour ceux qui ont un système de sécurité.

En ce qui concerne l’analyse des données et l’apprentissage automatique comme la solution IBM Watson et l’informatique cognitive, en bout de ligne, ces modèles sont de plus en plus exacts et beaucoup plus faciles à mettre en œuvre.

Dr Anvari: Nous allons entendre de plus en plus souvent le terme « prédiction ». Lorsque nous parlons de prévention, de façon générale, nous examinons si la personne a un mode de vie sain, fait de l’exercice, et cetera. Nous allons maintenant examiner la prévention à plus petite échelle. Grâce aux avancées en génomique et aux divers algorithmes qui ont été mentionnés ainsi qu’à l’informatique en nuage, nous serons en mesure de prévoir, en fonction des tendances actuelles entourant les maladies, si une personne souffrira d’une certaine maladie, et nous pourrons faire de la prévention. Ces prédictions seront un aspect important de la façon dont nous offrons les soins de santé, car nous espérons pouvoir prévenir des maladies qui coûteront beaucoup plus cher à traiter.

Le diabète est un gros problème. Nous connaissons maintenant quelques-uns des facteurs qui causent le diabète. Sa prévalence doublera au sein de la population au cours des prochaines années. Le diabète fait baisser l’espérance de vie dans de nombreuses communautés au Canada, plus particulièrement les collectivités inuites et des Premières Nations. Grâce à ces algorithmes prédictifs dont nous discutons, il y aura d’importants changements au cours de la prochaine décennie.

La sénatrice Seidman: Vous avez déjà répondu à un grand nombre des questions que je voulais poser, mais j’en ai une pour vous, docteur Anvari. J’aimerais commencer par vous féliciter tous les deux des importantes contributions de vos centres pour l’avenir des soins de santé et à bien d’autres égards. Je suis ravie d’entendre que vous tenez compte de l’avis des utilisateurs, que ce soit les familles des patients ou des Canadiens ordinaires, dans tout ce que vous mettez au point. C’est très encourageant.

Docteur Anvari, j’aimerais vous poser quelques questions précises sur le CSii et son financement. Vous avez reçu du financement des RCE de 2009 à 2017, n’est-ce pas?

Dr Anvari: C’est exact.

La sénatrice Seidman: Vous avez reçu 14,8 millions de dollars.

Dr Anvari: C’est exact.

La sénatrice Seidman: Vous avez reçu 28,4 millions de dollars de 16 partenaires. J’ai trois questions assez courtes pour vous. Votre centre a-t-il demandé du financement fédéral pour après 2017?

Dr Anvari: Oui, il y a eu une nouvelle ronde où les CECR pouvaient présenter des demandes de financement. Nous visons à ce que nos accélérateurs fonctionnent de façon autonome. Même si nous avons déjà atteint un certain niveau d’autonomie, pour continuer de financer la R-D dans le domaine de la robotique au rythme que nous l’avons fait au cours des sept dernières années, nous avons besoin de plus de financement que ce que nous avons à l’heure actuelle.

Avec la création de jeunes entreprises et les redevances que nous recevons à notre centre, il faudra quelques années. Le gouvernement sait qu’il est pratiquement impossible dans la prestation des soins de santé de s’attendre à ce qu’un CECR atteigne un succès commercial et touche des redevances en l’espace de sept ans. Nous espérons que le gouvernement continuera d’offrir du soutien au centre pour les cinq prochaines années, au cours desquelles nous deviendrons entièrement autonomes financièrement et recevrons des redevances des entreprises en démarrage.

Nous avons la chance d’avoir la société MDA qui investit massivement non seulement dans notre CECR, mais aussi dans notre entreprise en démarrage. Cela montre qu’une entreprise canadienne phare multimilliardaire croit que le Canada peut être un chef de file non seulement en robotique spatiale, mais aussi en robotique médicale. C’est un secteur important que le Canada doit envisager lorsqu’il examine le créneau que nous pouvons avoir dans l’avenir des soins de santé.

Le pays a investi massivement dans le programme spatial et nous avons créé des technologies de robotique spatiale. Si vous pouvez utiliser ces connaissances pour créer un grand créneau dans le domaine de la robotique médicale, que ce soit pour les soins à domicile ou les soins hospitaliers, ces secteurs ne sont pas si différents, car les renseignements sont les mêmes.

Rappelez-vous que nous construisons des robots dans l’espace depuis 30 ans. Ils doivent être aussi fiables qu’ils l’étaient au moment de leur conception. Nous avons construit des appareils qu’une majorité de pays ne pourraient pas construire parce qu’ils n’en ont pas les capacités. La conception de dispositifs médicaux fera partie intégrante de notre héritage.

La sénatrice Seidman: Votre centre fournit-il du soutien à la commercialisation seulement pour l’innovation mise au point au centre, ou d’autres innovateurs externes peuvent-ils solliciter votre aide?

Dr Anvari: Nous ne sommes pas un distributeur. Nous accueillons les innovateurs qui travaillent avec notre centre. Nous avons un certain nombre d’inventeurs qui travaillent avec nous à concevoir des appareils, mais nous n’accordons pas de subventions, si c’est ce que vous demandez. Notre modèle consiste à mettre au point des systèmes à notre centre, mais nous accueillons des inventeurs externes. Nous collaborons avec un certain nombre de personnes et de centres au pays qui œuvrent dans le domaine de la robotique médicale. Nous sommes une entité nationale pour eux, mais nous ne leur versons pas de subventions ou de fonds.

La sénatrice Seidman: Je comprends. Je pense que vous avez répondu à la question en disant que vous accueillez des gens de l’extérieur.

Dr Anvari: Nous comptons sur l’innovation canadienne.

La sénatrice Seidman: Puis-je poser une question semblable à M. Mihailidis concernant le financement?

M. Mihailidis: Pour répondre à votre question sur notre modèle de financement, nous avons reçu des fonds à la dernière ronde du programme traditionnel des RCE. Notre réseau existe depuis environ 18 mois. Dans notre premier cycle de financement sur cinq ans, nous avons reçu 36,6 millions de dollars du programme des RCE et nous avons amassé environ 22 millions de dollars auprès de nos partenaires.

De toute évidence, nous espérons pouvoir renouveler ce financement deux autres fois. La durée de notre financement fédéral est de 15 ans. Comme les programmes du CECR, nous prévoyons être autonomes financièrement au cours de cette période. Nous essayons déjà de voir à quoi pourrait ressembler notre modèle d’affaires.

La différence pour ce qui est de la commercialisation, c’est que nous offrons du financement aux entreprises en démarrage et à d’autres innovateurs et entrepreneurs qui souhaitent concevoir un produit dans ce secteur. Nous leur offrons également du soutien. Ce soutien n’est probablement pas aussi important que celui du CECR, mais nous avons un agent de développement des entreprises et d’autres intervenants au sein de notre réseau qui peuvent offrir du soutien non seulement pour la commercialisation mais aussi pour l’application des connaissances et la mobilisation.

Le sénateur Meredith: J’ai une question complémentaire concernant le financement. Comment faites-vous rapport au gouvernement de l’utilisation que vous faites de tous ces deniers publics que vous recevez, notamment? Comment rendez-vous des comptes au gouvernement?

Le président: Vous pourriez peut-être répondre à ma question avant. Comment les réseaux de centres d’excellence sont-ils mis sur pied? N’expliquez pas comment vous créez le groupe, mais dites-nous comment la première demande vous permet d’obtenir du financement, à quel moment vous effectuez un examen. Vous pourrez ensuite répondre à la question du sénateur.

Dr Anvari: Les CECR fonctionnent différemment que le programme traditionnel des RCE. Notre mandat est beaucoup plus ciblé. Nous entretenons des relations étroites avec les RCE. Des représentants des RCE assistent à nos réunions du conseil d’administration que nous tenons trois ou quatre fois par année. Nous fournissons des rapports annuels et une rétroaction régulière. Nous avons une excellente collaboration.

J’ai récemment indiqué qu’un groupe d’experts en commercialisation aurait pu être utile pour aider les CECR. Dans le domaine médical, il nous a fallu quelques années pour trouver notre place. Pour la majorité des scientifiques, c’est un monde très différent. Nous avons suivi le conseil sur la façon d’aider les CECR pour la commercialisation. Le gouvernement du Canada a accès à quelques-uns des esprits les plus brillants dans le domaine des affaires, et je pense que si nous avions pu bénéficier de ce soutien, nous aurions conçu quelque chose.

J’ai discuté avec d’autres agents scientifiques des CECR, et ils trouvent tous leur propre voie. Nous avons effectivement un solide comité de commercialisation composé d’experts, mais il a fallu quelques années pour le mettre sur pied, et il nous aurait probablement permis de respecter nos délais.

Les CECR ont des habitudes très différentes, mais je pense qu’ils ont accepté les commentaires qu’ils ont reçus. Certains intervenants leur versent de l’argent. Certains sont des incubateurs qui examinent les idées et disent, « Je vais verser 300 000 $ dans cette idée de produit pour voir combien nous pouvons en commercialiser ». D’autres, comme nous, se concentrent sur un secteur, soit la conception de systèmes dans leur propre environnement. La façon de mesurer le succès est un processus d’apprentissage.

Dans le domaine médical, le temps qu’il faut entre le moment de la conception et la commercialisation est beaucoup plus long que si le gadget est pour une utilisation à la maison, car vous ne devez pas passer par les étapes du processus de réglementation. Dans mon domaine, cela prolonge le temps qu’il faut pour commercialiser le produit. Le programme des CECR comprend cet état de fait lorsqu’il finance des programmes dans le secteur des soins de santé, surtout s’ils doivent passer par les étapes du processus de réglementation, ce qui est indispensable. J’estime que le programme offre un soutien et un accès excellents.

M. Mihailidis: Nous avons dû franchir toutes les étapes de ce processus très rigoureux pour pouvoir obtenir du financement. C’était un processus de deux ans et demi, à commencer avec une lettre d’intention, puis la présentation d’une demande complète et deux examens menés par une personne ici à Ottawa.

Un autre aspect intéressant du programme des RCE est que vous ne présentez pas un projet de recherche. Nous présentons un plan d’affaires de 80 pages. Les RCE répondent habituellement par ceci: « Nous savons que vos travaux scientifiques seront excellents. Nous savons que vous aurez les plus brillants scientifiques, mais comment allez-vous les gérer? Comment allez-vous gérer vos scientifiques et changer leur culture de travail dans les milieux universitaires pour qu’ils comprennent que les RCE sont plus qu’une simple publication? »

C’est plus que la présentation d’une demande. Il faut tenir compte des répercussions de nos travaux et des résultats que nous obtiendrons. C’est important. Ce sont des renseignements que les RCE nous demandent continuellement de leur fournir. Outre le rapport officiel annuel, qui est assez volumineux, nous avons des contacts réguliers avec une personne des RCE qui siègent à un grand nombre de nos comités et à notre conseil d’administration.

Un autre aspect important des RCE, c’est que nous devons être une entité constituée en personne morale à but non lucratif administrée par un conseil d’administration. Notre président est Michael Harcourt qui, comme bon nombre d’entre vous le savent, a été le premier ministre de la Colombie-Britannique et le maire de Vancouver. Il a un esprit critique en ce qui concerne les politiques. Notre vice-présidente est Barb Stymiest, qui a été membre de la direction chez RBC et présidente de BlackBerry. Elle est présidente de l’ICRA à l’heure actuelle et a un esprit très critique en ce qui concerne les affaires.

Nous examinons toujours divers aspects quant à notre reddition de comptes. Lorsque nous regardons nos indicateurs et notre reddition de comptes, notre conseil d’administration et les RCE adoptent une approche axée sur les affaires. Quel est le rendement de votre investissement? Nous n’offrons pas de subventions de recherche. Nous investissons dans différents projets et portefeuilles pour veiller à produire les meilleurs résultats et répercussions possible.

Le sénateur Meredith: Monsieur Mihailidis, en ce qui concerne la démence, vous avez mentionné que nous devrions adopter des technologies à utiliser dans les maisons. Des personnes doivent être placées dans des résidences pour personnes âgées, et ces technologies réduiront l’isolement et la dépression.

Parlez-nous de cette technologie qui ne serait pas appliquée par le personnel, mais par des cliniciens qui travaillent auprès de personnes qui sont séparées des membres de leur famille et de leurs proches à cause de la distance.

M. Mihailidis: L’utilisation de technologies pour réduire les problèmes de santé mentale, l’isolement social et la dépression chez les aînés est un aspect relativement nouveau des technologies dans le domaine du vieillissement. Cette technologie est de plus en plus utilisée non seulement dans le réseau AGE-WELL, mais dans le domaine en général.

Nous commençons à voir l’utilisation de technologies relativement simples. Mêmes des applications comme Skype ou des outils en ligne qui existent à l’heure actuelle peuvent avoir de grandes répercussions sur la santé et le bien-être des aînés en leur permettant de garder contact avec les membres de leur famille, leurs amis et leur collectivité.

Nous avons un merveilleux projet à l’heure actuelle au réseau AGE-WELL qui se penche sur l’utilisation d’outils numériques et de narration en ligne tels que des ligues de quilles virtuelles. Rapprocher les gens dans les maisons de repos par l’entremise de ces ligues virtuelles a une incidence importante sur leur santé et leur bien-être. C’est un aspect essentiel. Il y a aussi l’utilisation de cette technologie dans le secteur de l’éducation pour sensibiliser les aînés et la société aux problèmes de santé mentale.

Ce sont là quelques projets que nous examinons pour établir comment la technologie, que ce soit un téléphone intelligent, une application ou une communauté en ligne, peut aider non seulement dans des interventions précises liées à la santé mentale, mais aussi dans l’éducation des gens pour qu’ils connaissent les symptômes des maladies mentales. Quelle est la différence entre la dépression et la démence, que nous confondons souvent? Comment la technologie peut-elle être utilisée pour réduire l’utilisation de médicaments d’ordonnance qui ne sont pas forcément nécessaires parce que la personne ne souffre pas de démence ou de dépression? Les liens sociaux pour réduire l’isolement peuvent contribuer à régler quelques-uns de ces problèmes et éviter de devoir médicamenter la personne.

Vous avez mentionné le rôle des établissements de soins et des résidences pour personnes âgées dans le secteur des soins de longue durée. La technologie n’y est pas vraiment présente. On parle d’avoir ces technologies à domicile, mais il conviendrait d’utiliser le terme dans un sens plus large. Pour certains, le domicile est l’établissement de soins ou la résidence pour personnes âgées où ils sont depuis 10 ans. Si ces établissements sont leur domicile et leur communauté, la technologie doit y jouer un rôle aussi.

La sénatrice Raine: À ce sujet, j’ai une question complémentaire pour M. Mihailidis. Il est évidemment très important d’assurer la connectivité Internet dans les établissements de soins et les résidences pour personnes âgées. Les aidants qui visitent leurs proches dans ces établissements pourraient même contribuer à cette connectivité.

M. Mihailidis: En effet.

La sénatrice Raine: Ce n’est pas vraiment le cas actuellement.

M. Mihailidis: Nous constatons que cela se fait de plus en plus. Beaucoup de membres d’AGE-WELL sont soit des établissements de soins, soit des organismes de soins de santé. On constate qu’on cherche le plus possible à être à la fine pointe de la technologie afin d’offrir les meilleurs soins de santé et le meilleur soutien possible. Honnêtement, c’est un avantage concurrentiel, car tous ces acteurs luttent dans un important marché.

AGE-WELL compte, parmi ses membres, divers organismes de soins qui reconnaissent qu’ils peuvent offrir les meilleurs soins possible lorsqu’ils parviennent à démontrer qu’ils sont à la fine pointe de la technologie et qu’ils commencent à implanter certaines des nouvelles technologies qui sont développées dans ce domaine, par nous ou par d’autres. Ils peuvent ainsi démontrer qu’ils sont à l’avant-garde de la prestation des soins aux résidents et qu’ils offrent de meilleures conditions de travail à leur personnel.

Nous avons deux ou trois projets axés sur la prévision des comportements agressifs des patients des unités spécialisées dans les soins aux personnes atteintes de démence. On a récemment entendu parler de cas de violence des patients à l’égard du personnel ou d’autres patients. Nous pourrons offrir un milieu de travail plus sécuritaire si nous parvenons à utiliser la technologie pour réduire le nombre de cas ou empêcher ce genre d’incident. Il importe donc de maintenir le dialogue à ce sujet avec ces établissements et leur personnel.

La sénatrice Raine: Docteur Anvari, ma question s’inscrit dans la même veine que celle du sénateur Ogilvie; au Canada, nous avons tendance à penser que nous avons un excellent système de santé, mais il n’offre aucune latitude.

Lorsque vous parlez des difficultés liées à l’intégration de certaines de ces technologies dans notre système de santé, ne serait-il pas possible d’avoir, à l’avenir, des établissements publics-privés? Je pense notamment à la clinique Shouldice, qui a fait un travail de premier plan concernant les hernies. Nous avons des cliniques privées qui se spécialisent dans des domaines précis.

Notre système ne devrait-il pas encourager les cliniques privées prêtes à innover? Cela nous permettrait peut-être de vous soustraire à cette incroyable résistance bureaucratique au changement. À mon avis, la résistance au changement fait partie intégrante de tout système.

Dr Anvari: C’est le cas de tous les systèmes. Actuellement, les règles régissant les activités des cliniques privées varient d’une province à l’autre. Je ne suis pas nécessairement favorable aux soins de santé privés, mais Shouldice a un droit acquis. Dans la plupart des provinces, la prestation de services déjà assurés n’est pas nécessairement autorisée, même si vous pouviez offrir un meilleur service dans des conditions plus favorables au patient. Si vous offrez un service déjà couvert, ce ne sera pas autorisé.

Nous devons rendre le système plus souple afin de favoriser l’adaptation à l’innovation; c’est tout un défi. Lorsque la valeur de système aura été démontrée, il sera adopté très rapidement, surtout s’il peut entraîner une réduction des coûts.

Le Canada réussit à offrir des services de grande qualité à des populations qui n’ont pas toutes le même accès. Les promoteurs des soins de santé privés parlent de l’amélioration de l’accès, mais ce que nous faisons, c’est offrir des services de grande qualité.

Il faut parvenir à favoriser l’adaptabilité du système d’une façon ou d’une autre. Il incombe au gouvernement de décider s’il permet aux patients de tirer parti des technologies d’entrée de jeu ou de payer une partie des coûts.

Actuellement, je ne pense pas qu’il est possible d’offrir certaines interventions en clinique privée, notamment les interventions mammaires robotisées. C’est possible aux États-Unis, mais pas au Canada, étant donné que ce type d’intervention est actuellement couvert par le régime d’assurance-maladie. Pour pouvoir le faire, il faudrait retirer la procédure de la couverture publique et offrir l’intervention uniquement au privé.

La sénatrice Raine: Je pensais aux cas où il n’y a pas de paiement privé, c’est-à-dire aux cas toujours couverts par le régime. On parle de choses qui sont offertes et développées au privé, mais qui sont couvertes par notre régime d’assurance-maladie.

Dr Anvari: Je pense que certaines provinces mènent des projets pilotes à cet égard. En Ontario, par exemple, des cliniques privées ont commencé à offrir des endoscopies payées par le régime public. Les administrations responsables des soins de santé étudient ce genre de modèle. C’est peut-être l’avenir. Pour le moment, il est trop tôt pour savoir si on souhaitera élargir de tels programmes.

On n’en est pas encore là pour le traitement du cancer, mais c’est une possibilité. En Ontario, cela se fait déjà pour le dépistage du cancer du côlon, et c’est aussi le cas en Colombie-Britannique et au Québec, je crois. C’est certainement un modèle qui permettrait l’utilisation de telles technologies novatrices.

La sénatrice Raine: Je pense aux capacités de diagnostic de ces systèmes. Nous n’avons pas assez d’établissements d’imagerie diagnostique. Il y a des listes d’attentes avant même de commencer.

J’ai trouvé extrêmement intéressante votre remarque selon laquelle un système adéquat permettrait de procéder au diagnostic et à l’intervention au cours d’une même consultation. Ce serait formidable, mais coûteux. Comme investisseur privé, je serais prête à investir des capitaux, et le gouvernement pourrait assurer les coûts de la prestation des soins.

Dr Anvari: Les coûts pour le système ne seraient pas élevés. Les coûts élevés découlent de la segmentation du système: les hôpitaux achètent l’équipement, les coûts médicaux relèvent d’une autre entité et les frais de déplacement des patients relèvent d’une troisième entité.

Actuellement, les coûts des soins sont répartis entre divers organismes, de sorte que chacun agit en fonction de son propre budget. Par exemple, l’hôpital s’interroge sur la pertinence d’acheter un système qui coûte un million de dollars. Le fait est que ces systèmes permettent de réduire les déplacements du patient et le nombre de visites d’un médecin. Si le RAMO — ou un autre régime d’assurance-maladie — n’a pas à payer ces médecins, cela entraîne une réduction des coûts des soins aux patients. Selon le modèle actuel de financement du système de santé, chacun est responsable de sa propre enveloppe budgétaire. Acquérir ces technologies ou offrir ces services pourrait nuire à certains, mais dans l’ensemble, cela permettrait d’économiser à bien des égards.

Il faut analyser les coûts en fonction des soins holistiques offerts aux patients. On comprend alors qu’on réalise des économies, comparativement à l’approche fragmentée.

Je suis allé dans les Territoires du Nord-Ouest, où l’on dépense probablement entre 150 et 200 millions de dollars pour le transport des patients. Prenons l’exemple d’une personne d’une région éloignée du Nord qui aurait une hémoptysie, soit un crachement de sang. Cette personne est transportée à Yellowknife pour y subir une endoscopie, une procédure de cinq minutes, au coût de 17 000 $. Cette somme provient d’une enveloppe budgétaire distincte. Ce qui me préoccupe, c’est que les responsables de l’acquisition de l’équipement ne voient pas les autres avantages.

La sénatrice Petitclerc: J’ai trouvé la question et la réponse très intéressantes.

Docteur Anvari, ma question est plutôt brève, mais j’aimerais en savoir plus à ce sujet. Vous avez mentionné que les patients sont favorables à la robotique et aux autres nouvelles technologies. Les gens sont même impressionnés et manifestent une confiance à leur égard.

Y a-t-il une résistance sociale à cet égard du côté des professionnels du monde médical — les médecins, le personnel infirmier et les techniciens —, ou ces professionnels sont-ils ouverts à ces technologies?

Dr Anvari: C’est une très bonne question. Disons simplement qu’aucun médecin ne serait porté à croire qu’un robot puisse faire un meilleur travail que lui. Il en va de même pour le personnel infirmier. C’est une question d’ego. Toutefois, lorsque les gens commencent à utiliser cette technologie, ils voient que cela peut être avantageux. Cela les rend meilleurs; cela améliore la qualité de leur travail. C’est à l’utilisation qu’ils finissent par les percevoir comme des outils.

J’utilise un outil de communication parce que cela me permet de m’améliorer. Certains utilisent un iPad, un ordinateur ou un téléphone. C’est une question de choix. Cependant, la question qui se pose est de savoir si cela entraînera un déplacement de certains emplois. À terme, cela aura une incidence sur les emplois. Il y aura de la résistance. Comme je l’ai indiqué, la chirurgie cardiaque était une spécialisation extraordinaire il y a 10 ans. On observe maintenant une diminution du nombre de médecins qui s’y intéressent en raison de son évolution.

On observe certainement une évolution de la pratique médicale et des médecins. Il faut suivre l’évolution de la technologie. Il y aura certes un certain ressentiment à cet égard en raison de la modification du rôle des professionnels, mais je pense que c’est la nature du progrès.

La sénatrice Petitclerc: Vous parlez d’un déplacement. S’agit-il d’un déplacement des emplois plutôt qu’une diminution du nombre d’emplois? Dans les universités, prépare-t-on les étudiants en fonction de la disparition possible de leur spécialisation dans 5 ou 10 ans? Comprenez-vous ce que je veux dire?

Dr Anvari: Je comprends. Non, nous ne sommes pas vraiment bien préparés, parce qu’on enseigne la médecine qui est pratiquée depuis ces 10 à 15 dernières années. On étudie la médecine fondée sur les preuves, mais dans une perspective axée sur le passé. On ne traite pas nécessairement de l’avenir à court terme.

Dans 10 ans, je serais très surpris que l’on pratique toujours l’ablation de la prostate, et je serais tout aussi surpris qu’on retire une masse sur un sein. Ce sont des méthodes du passé. Tient-on compte de ces aspects dans les domaines de l’urologie et de la chirurgie mammaire? Dit-on qu’il faut vraiment offrir de la formation à cet égard? Non.

[Français]

La sénatrice Mégie: Merci pour vos présentations. Ma question est d’ordre éthique et s'adresse à M. Mihailidis. C'est très intéressant, les capteurs qui sont installés dans les chambres pour le dépistage de la démence, comme première étape. Toutefois, j’aimerais savoir qui vous donne l'autorisation d’installer des capteurs? Est-ce la famille ou le patient? Après avoir décelé certains symptômes, certains comportements ou autres, à qui donnez-vous les résultats? Est-ce au médecin de famille ou à la famille même?

[Traduction]

M. Mihailidis: C’est une excellente question qui se pose dans tous les aspects liés à la technologie et au vieillissement, en particulier dans le cas de personnes qui pourraient souffrir d’une déficience cognitive.

Quant à savoir de qui relève le consentement ou l’autorisation d’avoir recours à la technologie, cela varie d’une famille à l’autre. La famille joue évidemment un rôle plus important dans la prise de décisions sur les mesures d’intervention requises lorsque la personne qui souffre d’une déficience cognitive est un parent ou un proche dont la condition est déjà connue, et lorsque divers aspects ont été réglés, notamment les autorisations légales et la délégation des pouvoirs décisionnels à la famille.

Nous essayons toutefois de cibler les adultes plus âgés avant qu’ils en soient rendus à ce stade, avant que les gens ne soient à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer et qu’ils ne soient plus aptes, légalement, à prendre leurs propres décisions. Nous sommes axés sur l’utilisation de ces technologies à titre préventif.

La technologie de prédiction que j’ai décrite vise à prévoir l’apparition de la démence. La technologie ne permet pas la pose d’un diagnostic selon lequel la personne est atteinte de démence, qu’elle soit réelle ou potentielle. Elle permet simplement de déceler des symptômes ou des signes qui démontrent un changement de condition chez une personne.

L’objectif est que la personne puisse alors discuter des interventions à mettre en œuvre pour ralentir la progression de la maladie avec les membres de sa famille, son médecin de famille et toute autre personne. Il pourrait s’agir de tests supplémentaires pour poser un diagnostic précis sur l’état de santé de la personne, ou simplement de se préparer à la suite des choses, si la personne est à un stade avancé.

Il est intéressant de souligner que la résistance à l’égard de cette technologie vient surtout des médecins de famille, qui ne voient aucune utilité à une consultation servant uniquement à informer la personne qu’elle souffre de démence, étant donné qu’ils ne peuvent rien y faire.

Les personnes touchées et les familles tiennent un tout autre discours. Les gens disent qu’ils auraient pu être mieux préparés s’ils avaient su plusieurs mois d’avance que leur père, par exemple, serait atteint de démence.

Voilà l’approche que nous voulons privilégier à l’aide de ces technologies. Ce ne sont pas des outils de diagnostic, mais des outils qui permettent aux gens de comprendre l’évolution de leur santé — que ce soit sur les plans cognitif, médical, physique ou sensoriel —, afin de pouvoir mettre en œuvre les interventions appropriées le plus tôt possible.

Quant à l’aspect éthique, toute décision liée à l’utilisation de la technologie — tant pour l’utilisation que pour l’accès aux données — devrait toujours relever de la personne concernée.

On constate souvent que la décision est prise en groupe. Les gens discutent avec leur famille des interventions que nous pouvons mener. Les interventions et les technologies que nous offrons peuvent réduire le fardeau des aidants naturels et appuyer les adultes plus âgés.

Le président: Nous avons eu une discussion très approfondie sur les enjeux précis que vous avez soulevés.

Je tiens à faire souligner, pour le comité, que les Réseaux de centres d’excellence sont un développement remarquable dans l’histoire de la recherche au Canada. Beaucoup de RCE, sinon la plupart, comptent sur la participation d’experts du secteur de partout au pays, ce qui contribue à la capacité de notre grand pays. Le Canada est le deuxième territoire en superficie au monde, mais il a une population de seulement 36 millions d’habitants. Notre expertise est répartie à la grandeur du pays. Il est donc difficile d’avoir une masse critique de spécialistes pour tirer parti des activités dans tous les domaines connexes à la recherche-développement, à la recherche appliquée et à la pollinisation croisée. De nos jours, comme nous l’avons entendu dans chacun des exemples, les spécialistes de diverses disciplines contribuent aux percées majeures dans ce domaine.

Créés autour de 1989-1990, les Réseaux de centres d’excellence ont beaucoup évolué depuis. Ces changements touchent le processus de demande et d’autorisation pour la création d’un RCE, la gestion et l’examen des RCE, ainsi que la modification du nombre d’années de financement garanti et la possibilité de renouvellement, et cetera.

Je tiens à ce que le comité sache que les témoins que nous avons accueillis aujourd’hui sont des chefs de file et des représentants d’une conception canadienne remarquable en matière de recherche, selon laquelle le regroupement de scientifiques peut être avantageux pour les Canadiens, et ce, à bien des égards. Ils ont grandement contribué à l’acquisition des connaissances et, conformément aux mandats accrus qui leur ont été confiés au fil du temps, à transformer ces connaissances en avantages sociaux et économiques pour le Canada.

Permettre aux expériences dans ces domaines d’arriver à maturité est essentiel pour le Canada. Comme nous l’avons constaté aujourd’hui, les possibilités et les avantages sociaux et économiques associés aux activités de nos réseaux sont presque illimités, si nous mettons en place les infrastructures nécessaires pour leur permettre de passer aux prochaines étapes.

Je vous invite encore une fois à me faire parvenir, directement ou par l’intermédiaire de la greffière, toute idée précise que vous pourriez avoir à ce sujet. Je vais recueillir des connaissances considérables sur cette question auprès des experts qui témoigneront au comité pour en dégager des conclusions.

Cela dit, je remercie le comité. Je tiens à remercier les témoins d’être venus aujourd’hui pour nous renseigner et nous présenter des observations.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

Haut de page