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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 29 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois, se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour poursuivre l’étude de ce projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Art Eggleton, et je suis un sénateur de Toronto et président du comité. Je demanderais aux membres du comité de se présenter.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean. Je représente l’Ontario et je suis le parrain du projet de loi C-45.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec. Je suis vice-présidente du comité.

Le président : Ce matin, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.

Aujourd’hui, nous accueillons des représentants des municipalités. Il s’agit donc de la réunion consacrée aux municipalités dans le cadre de l’étude du comité des affaires sociales sur le projet de loi C-45.

J’aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération canadienne des municipalités, de la Ville de Montréal, de la Ville de Waterloo, de la Ville de Richmond et de la Ville de Calgary.

Je présenterai chaque témoin au moment de livrer son exposé.

Aujourd’hui, j’espère que nous pourrons accorder cinq minutes à chaque sénateur qui souhaite poser des questions. Hier, en raison de l’horaire serré, nous avons seulement eu le temps de poser une question par personne. Aujourd’hui, nous verrons si nous pouvons accorder cinq minutes à chaque intervenant qui a des questions.

Nous commencerons avec les exposés. Nous entendrons d’abord le premier vice-président de la Fédération canadienne des municipalités, Bill Karsten. Il est aussi conseiller municipal à la Ville d’Halifax. Alana Lavoie, directrice de la politique et de la recherche à la FCM, est également présente.

[Français]

Bill Karsten, premier vice-président, conseiller, Ville d'Halifax, Fédération canadienne des municipalités : Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.

[Traduction]

Aujourd’hui, je pensais d’abord vous raconter une blague de Terre-Neuve. Est-ce une bonne façon de commencer?

Le président : Il en jugera. Il vient de Terre-Neuve.

M. Karsten : Monsieur le président, je suis très heureux d’être ici aujourd’hui au nom de la FCM et de notre secteur municipal pour formuler des commentaires sur cet enjeu national très important. Manifestement, nous sommes ici pour discuter des réalités législatives et réglementaires de la légalisation du cannabis non médicinal dans notre pays.

Nous convenons tous que la mise en œuvre des mesures législatives doit être sécuritaire et efficace pour tous les Canadiens. Toutefois, ce n’est absolument pas un processus automatique ou garanti. Il faudra assurer une étroite coordination à tous les échelons de gouvernement — je le répète, à tous les échelons de gouvernement — et je ferais valoir, sénateurs, que le rôle du gouvernement local est extrêmement important.

Comme vous le savez, la FCM, la Fédération canadienne des municipalités, représente 2 000 municipalités membres qui représentent elles-mêmes 90 p. 100 de tous les Canadiens dans chaque province et territoire, dans des grandes villes comme Toronto, monsieur le maire, et dans des villes en milieu rural, en passant par les régions nordiques et éloignées.

Lorsque des plans fédéraux sont mis en œuvre, c’est souvent à l’échelon fédéral que les choses se concrétisent. C’est vrai dans le cas des programmes d’infrastructure. C’est vrai dans le cas des mesures contre le changement climatique. Et c’est certainement vrai dans le cas de la légalisation du cannabis. Après tout, ce sont dans nos collectivités que les gens travaillent, qu’ils vivent et qu’ils élèvent leur famille, et c’est là aussi que le cannabis sera produit, vendu et consommé.

Le projet de loi C-45 donne aux municipalités la plus grosse partie de la responsabilité de la sécurité des municipalités et des Canadiens, ainsi que de la qualité de la prestation des services. Ce n’est pas seulement parce que les municipalités sont responsables de la majorité des services policiers qui feront appliquer la loi, y compris toutes les nouvelles règles sur la conduite avec facultés affaiblies, mais aussi parce que les municipalités jouent un rôle de premier plan dans tous les volets, qu’il s’agisse de l’utilisation du territoire, de la délivrance de permis d’entreprises, et de bien d’autres. Elles devront adapter et élaborer toute une gamme de règlements et de processus.

Monsieur le président, cela représente beaucoup de travail. La FCM aide ses membres à se préparer. Je suis très fier de vous annoncer que dans quelques semaines à peine, la FCM publiera un guide municipal complet sur la législation du cannabis. Nous l’avons élaboré avec l’aide de juristes et d’experts en politiques et en utilisation du territoire de partout au Canada.

Les outils de la FCM aideront les municipalités d’un bout à l’autre du pays à s’attaquer à des enjeux qu’elles peuvent régler immédiatement et à établir des plans de travail pour les autres. Mais pour que ces plans fonctionnent, nous exhortons toujours le gouvernement fédéral à faire preuve de leadership dans deux domaines principaux.

Tout d’abord, monsieur le président, nous exhortons le gouvernement à assurer la coordination avec tous les échelons du gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi C-45 et de ses cadres respectifs à l’échelle fédérale, provinciale et territoriale. Nous aurons potentiellement tous à respecter un échéancier de mise en œuvre se terminant à l’été 2018. Pour y arriver de façon efficace et sécuritaire, tous les échelons de gouvernement devront simultanément élaborer des mesures législatives et des règlements.

Dans de nombreux domaines, la mise en œuvre à l’échelle locale dépend de décisions prises à l’échelon fédéral, provincial ou territorial. Il s’agit, sans s’y limiter, des modèles provinciaux de vente au détail, des règlements régissant la culture personnelle, du chevauchement entre les frontières municipales et celles des Premières Nations — une question soulevée par certains de nos membres —, la capacité et le pouvoir d’interdire l’utilisation et la vente du cannabis lorsqu’une collectivité le souhaite — je crois qu’un autre témoin vous en parlera un peu plus en détail — et des options qui s’offrent aux municipalités si le cannabis est légalisé à l’échelle fédérale sans que des lois et des règlements correspondants aient été mis en œuvre dans les provinces ou les territoires.

Les municipalités continueront d’avancer en se fondant sur ce que font leurs partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, mais un engagement plus profond — et j’insiste sur ce point — produira de meilleurs résultats.

Le régime du cannabis que nous bâtissons ensemble aujourd’hui doit être sécuritaire et efficace. L’autre message important, c’est qu’il doit également être durable. Même si nous n’aimons pas toujours parler de l’enjeu suivant, nous devons tout de même l’aborder; nous devons parler des coûts.

Au cours de la dernière année, la FCM a collaboré avec les municipalités aux premières lignes de la légalisation pour évaluer ce que la mise en œuvre signifiera pour elles. Nos travaux laissent croire que selon la taille de la municipalité, jusqu’à 17 services différents seront touchés au sein de certaines municipalités, c’est-à-dire que ces services participeront aussi à la mise en œuvre du nouveau régime.

On peut se demander si une ville peut être assez grande pour contenir 17 services différents. Tout à fait, et les exemples suivants vous donneront un aperçu de la situation. Il s’agit de services tels les services de construction, les services en matière de normes communautaires, les services d’incendie et de police, les services liés au logement social, le transport en commun, les services aux clients et les communications. Et on demandera aux municipalités d’un bout à l’autre du pays de s’attaquer à des enjeux tels le zonage local et les règlements régissant la densité, les règlements régissant l’âge minimum d’achat, les limites liées à la possession, les restrictions applicables aux fumeurs, les plaintes liées aux nuisances publiques — il ne faut pas les oublier — et les questions de sécurité relatives au Code du bâtiment.

Nous croyons qu’il s’agit de rôles appropriés pour les municipalités, mais l’apprentissage de ces rôles engendrera des coûts réels. Ces coûts comprennent des éléments comme le temps des employés — et je suis sûr que ma collègue de Montréal pourra vous en parler — et des ressources pour la formation, la santé publique, la gestion des permis et l’application des règlements.

La FCM estime que la mise en œuvre de cet engagement fédéral coûtera à ses résidants de 3 millions à 4,75 millions de dollars par année par 500 000 habitants. Pour ceux d’entre vous qui peuvent faire le calcul pour l’endroit d’où je viens, c’est-à-dire Halifax, on a parlé de 2,5 millions à environ 4,25 millions de dollars en coûts réels liés à la mise en œuvre.

Cela représente, au total, de 210 millions à 335 millions de dollars en nouveaux coûts chaque année.

C’est ce qui caractérise la durabilité. Il ne s’agit pas d’obtenir un chèque aujourd’hui pour couvrir les dépenses en immobilisations; il y a des coûts d’exploitations permanents et des coûts récurrents. Tout le monde sait que les gouvernements locaux, c’est-à-dire les villes et les petites collectivités de notre pays comme Bishop’s Falls, à Terre-Neuve, n’ont pas ce type de souplesse financière.

J’ai tout cela à l’esprit en ce moment, car hier, à Halifax, nous avons terminé notre budget provisoire, et pour limiter le taux d’augmentation de la taxation à 1,9 p. 100, nous avons commencé à éliminer des éléments de 40 000 $ de notre budget.

Sénateurs, nous avons besoin de nouveaux outils financiers pour accomplir ce travail. Nous sommes reconnaissants — très reconnaissants, en fait — envers le gouvernement fédéral qui s’est engagé à verser 81 millions de dollars à l’appui de municipalités pour former les services de police à la mise en œuvre du nouveau régime. Toutefois, selon nous, ces 81 millions de dollars ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan. Je tiens à préciser que nous apprécions cette goutte d’eau, mais qu’elle reste une goutte d’eau.

Un outil financier important se profile à l’horizon : c’est le partage des revenus entre les échelons de gouvernement — en particulier les revenus de la taxe d’accise qui sera perçue sur la vente du cannabis. La FCM a déjà recommandé et continue de recommander, aujourd’hui et à l’avenir, que le tiers des revenus provenant de la taxe d’accise perçue sur le cannabis soit versé aux gouvernements municipaux pour payer les coûts liés à l’administration et au maintien de l’ordre. Cette demande, sénateurs, se fonde sur nos meilleures estimations des coûts auxquelles nous avons déjà consacré beaucoup de temps et d’efforts. Encore une fois, mes collègues de Montréal pourront vous en parler de façon approfondie. Nous croyons que le tiers représente un objectif juste et atteignable.

Comme vous le savez, j’en suis sûr, car cela a fait les nouvelles nationales — et provoqué une grande gratitude —, le gouvernement fédéral a répondu à l’appel que nous avions lancé en décembre en augmentant la part des revenus provinciaux de 50 p. 100 à 75 p. 100; les 25 p. 100 supplémentaires pourraient et devraient donc appuyer les coûts municipaux. Le premier ministre a souligné que c’était son intention et l’intention du gouvernement à la Chambre et à nouveau dans le Budget de 2018.

Maintenant, il est essentiel de transformer cet engagement en mesures fiables et durables pour les gouvernements municipaux dans toutes les provinces et tous les territoires.

Je vais m’éloigner un peu du sujet, mais de nombreuses statistiques et de nombreux faits provenant d’un grand nombre d’États américains renferment des leçons utiles pour effectuer le partage des revenus de façon intelligente. En effet, chez nos voisins américains, chaque modèle fructueux prévoit des affectations pour les gouvernements locaux. Nous devrions tenter de ne pas l’oublier dans la mise au point de nos solutions canadiennes. Manifestement, le partage des revenus représente seulement un outil parmi d’autres que les municipalités pourraient utiliser, mais il faudra ajouter d’autres outils dans le coffre à outils.

L’un des objectifs principaux de la Loi sur le cannabis est de décourager l’activité criminelle et selon les experts, pour réussir à couper l’alimentation du marché noir, il faut notamment maintenir le prix du cannabis légal à un niveau peu élevé. Pour cette raison, le directeur parlementaire du budget explique que les revenus de la vente du cannabis pourraient être peu élevés au début, c’est-à-dire de 618 millions de dollars et de 959 millions de dollars par année prévue.

Je m’arrête pour préciser que même si les revenus augmenteront très lentement au départ, nos gouvernements locaux feront toujours face à des coûts élevés sur les plans de l’administration et de la mise en œuvre, et nous devons savoir que nous pouvons avoir accès au soutien du gouvernement fédéral si les revenus de la vente du cannabis prennent du temps à combler l’écart.

Au bout du compte, nous croyons que lorsque le gouvernement fédéral s’est engagé à légaliser le cannabis, il a également assumé la responsabilité de veiller à ce que tous les gouvernements, y compris les gouvernements locaux, aient les outils nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens. Qu’il s’agisse du financement pour la formation des services de police, du partage des revenus ou d’autres moyens, nous pouvons et nous devons faire preuve de souplesse à l’égard de la forme que prendront ces outils — nous ne devons pas faire preuve de la même souplesse à l’égard des résultats que nous devons atteindre, mais il faut assurer la sécurité des Canadiens et leur fournir des services de qualité d’un bout à l’autre du pays.

En résumé, sénateurs, nous pouvons résumer les recommandations et le message de la FCM à l’aide de deux notions, c’est-à-dire un engagement solide et permanent et la durabilité à long terme.

Le gouvernement fédéral devrait continuer d’interagir avec les municipalités pendant l’élaboration de ses cadres réglementaires et de ses modèles de revenu. Pour qu’un régime du cannabis soit durable, il faut fournir aux gouvernements locaux les outils dont ils auront besoin pour mettre en œuvre et faire appliquer ce régime. Quand? Dès le départ et à long terme.

Nous sommes fiers des solutions locales que notre secteur municipal collectif a élaborées au fil du temps pour relever les défis nationaux. Nous avons hâte de collaborer avec le gouvernement fédéral dans les différentes étapes de la Loi sur le cannabis.

Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de comparaître, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Maintenant que nous avons entendu les témoins de la Fédération canadienne des municipalités, nous entendrons des témoins de municipalités individuelles. Je demanderais aux intervenants de s’en tenir aux sept minutes imparties, afin que nous ayons l’occasion de discuter avec les membres du comité.

Nous accueillons maintenant Peggy Bachman, directrice du Bureau des relations gouvernementales et municipales de la Ville de Montréal. Elle comparaît par vidéoconférence aujourd’hui. Elle est accompagnée de Mme Marie-Pierre Rouette, membre des Relations gouvernementales.

[Français]

Peggy Bachman, directrice, Bureau des relations gouvernementales et municipales, Ville de Montréal : Bonjour à tous. Merci de nous permettre de nous exprimer devant votre comité et de le faire par vidéoconférence, à partir de Montréal.

Dans les quelques minutes qui nous sont imparties, j’aimerais vous faire part, notamment, de l’évaluation des coûts que la Ville de Montréal a réalisée.

J’aimerais tout d’abord faire une petite mise en contexte. Montréal est, évidemment, la métropole du Québec et, à ce titre, on pense que la mise en œuvre de la légalisation du cannabis aura des impacts à Montréal, compte tenu de la densité et de l’importance de notre population. Il y aura donc des enjeux très spécifiques à Montréal, et la ville servira probablement de modèle à d’autres villes, au Québec et au Canada. Nous souhaitions nous préparer, dès le dépôt du projet de loi C-45, afin que la ville soit vraiment prête à mettre en œuvre la légalisation du cannabis dès la date d’entrée en vigueur de la loi.

Le rôle de la Ville de Montréal variera évidemment selon le cadre légal qui sera mis en œuvre, selon les lois qui seront adoptées à la fois au niveau fédéral, avec le projet de loi C-45, et, également, selon la loi provinciale actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale, à Québec. Toutes les conclusions de ce qu’on vous présentera dépendent aussi des cadres légaux qui seront adoptés.

Comme nous souhaitions être prêts, nous avons pris plusieurs actions, à la Ville de Montréal, dont celle de confier un mandat à la firme Raymond Chabot Grant Thornton afin de procéder à l’évaluation la plus précise possible des coûts pour la ville liés à la mise en œuvre de la légalisation du cannabis. Nous avons également mis en place un comité d’experts sur la légalisation du cannabis pour nous conseiller et nous accompagner dans la démarche, notamment avec la direction de la santé publique, ainsi que des experts des milieux universitaires et communautaires qui peuvent nous aider dans tout le cheminement.

Je souhaite vous parler, avant tout, de la question des coûts. Nous sommes évidemment d’accord avec ce qui vient d’être présenté par la Fédération canadienne des municipalités, la FCM, et nous travaillons étroitement avec elle dans ce dossier. Tout comme la FCM, nous avons également demandé à ce qu’une partie des revenus soit versée aux municipalités. En fait, nous souhaitons que la légalisation du cannabis se fasse vraiment à coût nul pour les municipalités, et qu’il n’y ait aucun coût tiré des taxes foncières qui soit nécessaire pour la mise en œuvre de la légalisation. Nous souhaitons recevoir une juste part des revenus fiscaux associés à la vente du cannabis afin d’être en mesure de remplir nos obligations auprès de nos citoyens, que ce soit pour la promotion de saines habitudes de vie, le vivre-ensemble et la sécurité publique. Et comme nous prônons beaucoup l’autonomie municipale, nous souhaitons qu’un transfert de l’équivalent en matière des revenus soit accordé aux municipalités.

L’étude réalisée l’automne dernier énonce deux types d’impacts : les impacts ponctuels, c’est-à-dire de mise en application de la loi, et les impacts récurrents sur une base annuelle. Je pense que vous avez reçu une copie de cette étude, qui est publique et disponible sur le site Internet de la Ville de Montréal.

Nous avons réuni un comité interne avec de nombreux services et arrondissements de la Ville de Montréal, car la ville est organisée en arrondissements qui gèrent les services de proximité sur leur territoire. Nous avons demandé à ces services comment ils envisageaient les impacts de la légalisation du cannabis sur leurs activités. Voici les services qui nous ont répondu et fourni des données : le Service de police de la Ville de Montréal, le Service de sécurité incendie de Montréal, le Service des ressources humaines, le Service des communications, le Service du développement économique et le Service de la mise en valeur du territoire et, plus particulièrement, celui de l’urbanisme.

Nous avons aussi consulté d’autres services et, pour ceux-ci, les impacts ont été jugés négligeables. Il était très difficile de les chiffrer. Soit qu’il n’y avait pas d’impact en matière de coût ou que ces impacts étaient impossibles à chiffrer aujourd’hui selon l’état actuel des connaissances. On a fait cette étude à l’automne dernier, donc les cadres juridiques légaux n’étaient pas encore fixés.

Quant aux coûts que vous avez dans vos documents, le transfert de la production et de la distribution de la vente au détail du cannabis du marché illégal vers le marché légal — parce que c’est ce dont on parle — vont demander des efforts supplémentaires importants de la part du SPVM. C’est là que les coûts les plus importants se retrouvent. Le SPVM va devoir lutter contre la contrebande et l’évasion fiscale; d’importants efforts y seront déployés. On nous demande souvent pourquoi des services supplémentaires de police doivent être déployés alors qu’on parle de légalisation.

Quant à la question de la lutte à la contrebande, l’objectif est d’amener le plus possible la consommation vers le marché légal. Pour cela, il faudra déployer des efforts importants de lutte à la contrebande pour lutter contre le marché illégal et faire en sorte que plus de consommateurs se déplacent vers le marché légal. Comme il est détaillé dans nos documents, il faudra que le SPVM déploie des équipes. Il y a des variations dans les coûts. On a déterminé que ces équipes auront des coûts de mise en œuvre et, surtout, des coûts récurrents importants. Ces coûts sont estimés, pour la lutte à la contrebande, à 6 millions de dollars de façon récurrente.

Nous avons également effectué des analyses de sensibilité afin de comparer les coûts fournis par le SPVM à ceux d'autres endroits. Nous avons fait des comparaisons avec la ville de Denver, au Colorado. En comparant les ratios de policiers par habitant, nous voyons qu’il est possible de diminuer ces coûts, mais il est clair qu’au moins une vingtaine de policiers supplémentaires seront nécessaires et que les impacts financiers récurrents pour la Ville de Montréal pourraient varier entre 5 et 9 millions de dollars. Même si l’on baisse un peu les prévisions et que l’on considère le minimum, il y a des impacts tout de même importants.

Il y a également la conduite avec facultés affaiblies. Toute la question de la sécurité routière va demander des ressources importantes de la municipalité en matière de formation des policiers et d’acquisition d’appareils de détection. Pour l’instant, il n’y a pas d’appareils de détection fiables à 100 p. 100. Il faudra donc faire un balisage et trouver ces appareils. À l’heure actuelle, d’importantes ressources sont affectées à la formation des policiers pour l’analyse des comportements. Cette technique est utilisée actuellement pour juger si une personne est en situation de conduite avec facultés affaiblies ou non.

Les autres coûts financiers incluent notamment le Service des ressources humaines, puisqu’il faudra former les employés de la Ville de Montréal et revoir les cadres sur les questions de travail avec facultés affaiblies. Dans une ville, il y a beaucoup de personnes qui sont amenées à conduire des véhicules ou à utiliser des machines. Il y a des enjeux particuliers à ce niveau-là.

Quant au Service des communications, nous prévoyons des campagnes de sensibilisation. Même s’il y a éventuellement des campagnes fédérales ou provinciales, nous pensons effectuer des actions de communication au niveau local sur le terrain, dans les quartiers, pour que les gens comprennent la réglementation municipale et comment elle s’applique dans leur milieu. Il y aura aussi des campagnes de prévention avec des groupes communautaires.

Le service d’urbanisme devra revoir son cadre réglementaire et coordonner l’action en fonction des arrondissements de la ville. Ce sont des exemples d’impact que nous avons cernés pour l’instant.

[Traduction]

Le président : Madame Bachman, puis-je vous demander de conclure? Vos sept minutes sont écoulées.

[Français]

Mme Bachman : J’ai terminé. Les impacts se chiffrent à plus de 9 millions de dollars pour la mise en œuvre de la légalisation du cannabis et cela ne comprend pas tous les coûts financiers que nous ne sommes pas en mesure d’évaluer à ce stade-ci, étant donné que les cadres légaux n'ont pas encore été adoptés.

[Traduction]

Le président : Merci.

Nous entendrons maintenant Shayne Turner, directeur, Application des règlements, Ville de Waterloo.

Shayne Turner, directeur, Application des règlements, Ville de Waterloo : Merci, monsieur le président. J’aimerais également remercier les membres du comité de m’avoir donné l’occasion de comparaître aujourd’hui.

Les municipalités locales de la région de Waterloo, comme de nombreuses autres municipalités d’un bout à l’autre du Canada, se préparent à gérer les conséquences attendues de la légalisation du cannabis et à déterminer ce que cela signifiera pour nos collectivités. J’aimerais vous faire part des conclusions de nos travaux ainsi que des discussions que nous avons eues avec nos municipalités partenaires et des organismes fédéraux et provinciaux. Je prendrai également un moment pour formuler des commentaires sur les occasions potentielles d’élaborer des mesures de prévention liées à l’usage précoce chez les jeunes.

Étant donné que les municipalités sont aux premières lignes des relations avec nos collectivités, elles joueront un rôle important dans la mise en œuvre réussie de cette initiative. Certaines municipalités pourraient être touchées plus que d’autres, du moins pendant la phase initiale. Certaines municipalités pourraient être touchées de façon différente en raison de divers cadres stratégiques provinciaux, mais d’une façon ou d’une autre, certaines notions fondamentales s’appliquent toujours. En effet, nous avons besoin de précisions et de collaboration à tous les échelons de gouvernement et de capacités et de ressources adéquates et durables.

Nous tenons à nous engager fermement à contribuer à l’échelon municipal, afin d’atteindre les objectifs du cadre stratégique provincial et fédéral, et nous nous sommes engagés à prendre les meilleures mesures possible qui tiennent compte de la nature de chaque collectivité et à gérer les attentes qui seront exprimées. Toutefois, notre capacité de concrétiser cet engagement ferme se heurte à des défis; encore une fois, je parle de préciser les rôles joués par chacun, d’assurer la coordination à tous les échelons de gouvernement et de prévoir des ressources durables.

J’aimerais maintenant indiquer les domaines de participation et les préoccupations potentielles mentionnés à l’échelon municipal. Il y a notamment la gestion des attentes de la population et des différentes priorités concurrentes dans le modèle d’application de la loi, la consommation par la population et les attentes des collectivités relativement à ce modèle d’application de la loi, la surveillance de la culture à domicile et les enjeux de sécurité connexes, les nuisances publiques, y compris les odeurs détectables dans les unités ou les terres adjacentes ou dans les environs, les lieux de consommation et leur impact sur l’octroi de permis aux entreprises, l’aide aux autres organismes d’application de la loi pour régler la question des vitrines illégales et, enfin, les coûts liés à la formation des agents de la paix municipaux qui doivent intervenir dans des domaines d’administration et d’application de la loi qui sont complètement nouveaux pour eux.

Ensuite, j’aimerais formuler des commentaires sur la question des attentes comparativement aux priorités telles que cernées par notre groupe de travail. Un élément essentiel de la responsabilité municipale est la tâche souvent difficile de gérer les attentes de la collectivité et d’y répondre. Étant donné l’attention accordée au dossier du cannabis, nous nous attendons à un examen scrupuleux de la part du public, ce qui générera une série d’attentes de chaque côté de l’équation. Il est possible et même très probable que les attentes de la population ne correspondent pas aux priorités en matière d’application de la loi. Nous n’avons qu’à penser au défi que représente la situation des opioïdes pour les collectivités de partout au Canada. Toutes ces pressions concurrentes auront des conséquences sur notre capacité de répondre aux attentes de la population.

Nos discussions indiquent que certaines municipalités n’ont toujours pas défini le rôle précis qu’elles joueront dans le cadre de la mise en œuvre, mais il est évident que les attentes de la population influenceront probablement nos rôles au début ou pendant le processus de mise en œuvre.

De plus, nous prévoyons une application non uniforme de la loi au Canada, comme le prouvent les cadres stratégiques récemment publiés par les provinces. L’autonomie des provinces est importante, mais ne faisons pas fi des éventuelles conséquences des perceptions du grand public, que le chaos risque de confondre. Voilà pourquoi j’insiste sur l’importance d’une collaboration étroite entre toutes les autorités et sur l’importance de la clarté des rôles dans le secteur municipal et de la clarté des messages d’éducation et de sensibilisation du public.

En ce qui concerne les conséquences financières, nous sommes heureux de l’accord fédéral-provincial conclu sur le partage des recettes. Nous croyons aussi que le modèle de partage des recettes qu’on vient de négocier en Ontario est un premier pas concret dans la reconnaissance du rôle important des municipalités dans l’application réussie de la loi, conformément à nos objectifs communs globaux.

Cela étant dit, il faut assurer un financement soutenable à long terme. Le message central des autorités ayant légalisé le produit souligne la nécessité de se préparer au changement. Les règlements et les façons de faire locaux devront, par la simple force des choses, progressivement s’adapter. Les municipalités devront sans cesse se montrer capables d’adaptation et exercer une surveillance continuelle.

Il importe que nous possédions la capacité et les ressources pour une mise en œuvre réussie. C’est à peu près ce à quoi s’attendent les membres de nos communautés, quelle que soit leur position sur la question, qui garderont l’œil ouvert.

Enfin, il y a la prévention, plus précisément en amont. Les taux de consommation du cannabis chez les jeunes Canadiens sont parmi les plus élevés du monde. La recherche montre clairement que cette consommation, dans ce groupe d’âge influe sur le développement du cerveau. Nous pouvons, et certains diront que nous le devons, infléchir cette prévention pour nos jeunes.

Denver s’est engagée à suivre l’évolution des perceptions chez les jeunes depuis la légalisation du produit dans cette ville. Une constatation notable est que la perception du degré de risque associé à la consommation de cannabis a diminué chez les jeunes depuis la légalisation. Nous devons connaître les éventuelles répercussions de la légalisation sur les perceptions et en empêcher les conséquences négatives sur la santé et le mieux-être de nos jeunes.

La santé publique est une responsabilité partagée. Nous avons besoin de l’engagement ferme de tous les joueurs pour financer l’élaboration d’une série de stratégies qui favorisent et appuient la prévention en amont, de manière à ne pas seulement décourager la consommation chez les jeunes mais, également, à déterminer pourquoi les jeunes, en premier lieu, sont attirés par les produits du cannabis.

Bref, mes observations visent à souligner l’importance de la collaboration dans tous les ordres de gouvernement et entre eux, l’importance de la clarté des rôles dans l’élaboration de messages convaincants, pour que le public comprenne bien la répartition des responsabilités dans les communautés, l’importance de solides stratégies de prévention et, enfin, de ressources suffisantes pour assurer la mise en œuvre et l’atteinte de nos objectifs stratégiques. Encore une fois, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé et de la réflexion que vous consacrerez à notre témoignage.

Chak Kwong Au, conseiller municipal de Richmond : Monsieur le président, je limiterai la durée de mon exposé à sept minutes. Je suis heureux de le livrer parce que nous estimons qu’il importe que les municipalités puissent s’exprimer sur cette question.

La légalisation de la marijuana aura les plus grandes conséquences sur les municipalités. Pourtant, c’est elles qu’on a le moins consultées. L’occasion est donc belle pour moi de présenter les questions que nous nous posons sur vos connaissances.

Quelques mots d’abord sur Richmond, son cadre, son parcours.

Ville de taille moyenne de 220 000 âmes, 60 p. 100 de sa population est née à l’étranger. Nous sommes essentiellement une ville d’immigration en plein essor. La moitié de notre territoire fait partie de la réserve de terres agricoles, c’est-à-dire qu’elle n’est pas censée être lotie. Cela fait de Richmond une exception notable.

Nous avons la plus longue espérance de vie au Canada : 86 ans, bien au-dessus de la moyenne nationale. Nous sommes la ville de Colombie-Britannique, sinon du Canada, dont la population est « en meilleure santé ». Nous sommes la première ville à avoir interdit le tabagisme dans les lieux publics, et nous avons les taux les moins élevés de tabagisme et d’obésité. Voilà nos caractéristiques. Nos habitants mènent une vie très active et très saine.

Nous avons cinq motifs de préoccupation. Le premier est la culture à domicile, qui éveille des craintes chez nous. Dans notre évaluation de la situation, nous croyons que c’est inapplicable et que ça contredit l’objectif officiel et originel du projet de loi C-45, la protection des jeunes contre l’accès à la marijuana. Cette culture à domicile sera impossible à contrôler. Nous ne pouvons pas envoyer de policiers à chaque adresse ni répondre à toutes les plaintes et faire ensuite enquête. En théorie, la culture à domicile multipliera les occasions de contact des jeunes avec la marijuana, parce que l’occupant des lieux peut s’y adonner dans un endroit accessible à ses enfants ou à d’autres enfants. Voilà notre premier motif de préoccupation.

Le deuxième est l’âge minimum pour la possession. Nous avons remarqué qu’aucune province ne propose d’autoriser des mineurs, c’est-à-dire des jeunes de moins de 18 ans, d’être en possession de marijuana. Pourtant, dans son libellé actuel, le projet de loi semble comporter une faille qui autorise aux enfants la possession de 5 grammes. C’est un problème, parce que cette quantité équivaut à 15 joints. C’est beaucoup, et nous craignons que cela ne soit perçu comme une autorisation pour les enfants de posséder de la marijuana et d’en consommer.

Le troisième concerne l’état de préparation des polices à l’application de la loi ou des règlements. Beaucoup d’autres villes canadiennes l’ont dit: nous ne sommes pas prêts. Nous n’avons pas les ressources, la formation, les moyens ou les ressources humaines pour appliquer la loi après son adoption, l’été ou l’automne prochain.

Ces motifs de préoccupation ont amené Richmond à conclure qu’elle devait s’opposer au projet de loi actuel et à s’opposer fermement à la légalisation de la marijuana par ce projet de loi.

J’ai deux autres observations. D’abord, nous nous sommes opposés à l’utilisation de terres agricoles pour la production de marijuana. Nous avons écrit à Santé Canada et au gouvernement de la province pour les en prévenir. Richmond possède le premier centile des meilleures terres agricoles de la province. Notre position est de les réserver à la production alimentaire et non de marijuana, laquelle est une activité industrielle et non agricole, ce qui motive notre refus.

Enfin, en ce qui concerne les coûts, différentes sources nous ont appris que, pour les municipalités, ceux de mise en œuvre ou de réglementation de la législation seront considérables. Nous avons également écrit au gouvernement fédéral et à la province pour leur demander de remettre à la ville la moitié des recettes de la vente du cannabis, pour le travail qu’elle devra faire.

Bref, nous estimons que ce projet de loi actuel pose de nombreux problèmes. Il est flou sur de nombreux aspects. Le gouvernement semble privilégier une démarche empirique: fonçons et si ça ne marche pas, nous verrons bien ensuite. Le coût est que nos jeunes seraient les cobayes d’une expérience sans objectif précis.

C’est comme si, dans une entreprise, on autorisait chaque service à résoudre les problèmes à sa manière et que chaque service autorisait chacun à le faire à sa manière aussi. Notre principale inquiétude découle de ce manque de clarté et de coordination. Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie, monsieur le conseiller. Nous sommes heureux d’apprendre que l’espérance de vie à Richmond est longue.

Enfin, entendons M. Matt Zabloski, stratège opérationnel pour les normes communautaires de Calgary.

Matt Zabloski, stratège opérationnel, Calgary Community Standards, Ville de Calgary : La Ville de Calgary salue l’occasion qui lui est offerte de s’exprimer devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur son expérience de la légalisation de la consommation du cannabis à des fins non médicales.

On a délégué à des municipalités comme Calgary plusieurs rôles et responsabilités en conséquence de la légalisation. Calgary exprime les mêmes craintes que la Fédération canadienne des municipalités selon qui les municipalités doivent recevoir un appui financier pour assurer la sécurité des citoyens et l’excellence des services qu’on leur fournit. Nous sommes conscients de l’engagement des municipalités jusqu’ici sur ce changement complexe et nous demanderions le maintien de l’engagement avec les gouvernements locaux, puisque nous sommes aux premières lignes de l’administration et de l’application des règlements sur le cannabis.

Nous nous sommes longuement préparés à la légalisation. À la fin de 2016, nous avons réuni un groupe de travail représentatif des divers services municipaux pour déterminer nos motifs de préoccupation et y répondre. Nous avons déterminé l’existence de plus de 17 unités opérationnelles municipales, parmi lesquelles 11 pouvaient avoir des répercussions opérationnelles et financières importantes. Nous avons mené un vaste travail de recherche et de mobilisation avec les habitants de Calgary, pour mieux comprendre leurs opinions et leurs craintes et pour harmoniser notre démarche avec leurs valeurs.

Nous avons contacté d’autres autorités qui avaient légalisé le produit et nous continuons de collaborer avec nos homologues du Canada pour nous renseigner mutuellement. Des dizaines d’employés municipaux ont collaboré à ce projet, et nous nous attendons à ce qu’ils soient plus nombreux après la légalisation.

J’axerai mes observations sur les priorités fédérales de la légalisation du cannabis. Ces priorités se sont révélées incontournables pour la réussite de la légalisation. Il convient donc que j’organise ainsi mes observations.

L’une des priorités fédérales est la protection de la santé publique. Nous avons commencé à modifier nos règlements de zonage et d’octroi de permis d’entreprise par des dispositions concernant les commerces de détail et les producteurs autorisés. Nous rédigeons des règlements qui répondent aux préoccupations des citoyens sur la consommation dans les lieux publics, et notre équipe d’intervention coordonnée en matière de salubrité a visité de nombreuses installations de culture pour les patients du système actuellement assujetti au Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, pour répondre aux préoccupations sur le plan de la santé.

Comme les possibilités de production personnelle augmentent et que les particuliers sont en mesure de cultiver leur propre cannabis, les fonctionnaires municipaux éprouvent des craintes sérieuses sur les éventuelles conséquences pour la santé et les ressources exigées pour réglementer la culture non commerciale.

Une autre priorité fédérale est d’empêcher les jeunes d’accéder au cannabis. Dans le cadre de nos modifications du règlement municipal de zonage, nous avons exigé des distances minimales entre les points de vente du cannabis au détail et les écoles et exigé une distance suffisante entre ces points pour éviter une trop grande proximité. Les permis municipaux d’entreprise pour ces points de vente seront conditionnels à l’adhésion des détaillants à divers règlements, notamment l’interdiction de la présence de mineurs sur les lieux.

Calgary, par l’entremise de son groupe d’inspecteurs des permis d’entreprise, a fait preuve d’efficacité dans la vérification de la conformité à l’âge minimum de consommation chez les détaillants d’alcools de Calgary, grâce à la coordination de ses opérations avec la commission des jeux et des alcools de l’Alberta.

La modification des règlements municipaux précités, l’application de ces règlements et la surveillance ininterrompue de leur respect seront essentielles à la protection des jeunes contre le cannabis.

Une troisième priorité fédérale est de priver le marché noir de ses profits. Les modifications que nous proposons à nos règlements municipaux exigeront la vérification des antécédents des propriétaires de commerces de cannabis à Calgary.

De plus, nous avons entendu dire que pour supprimer le marché noir, nous devons assurer au cannabis un marché légal, concurrentiel et viable. Jusqu’ici, les distributeurs du marché noir n’ont pas autant proliféré à Calgary que dans certaines autres villes. Mais nous avons été contactés par des centaines d’éventuels détaillants. Plus de 90 p. 100 d’entre eux ont entrepris d’obtenir un permis auprès de la commission des jeux et des alcools de l’Alberta et ont l’intention d’exploiter un commerce à Calgary.

Nous savons que l’existence d’un réseau viable de vente au détail dès la première journée de la légalisation sera extrêmement importante pour que le marché de Calgary ne soit pas défini, dans un premier temps, par les ventes du marché noir. Nous nous sommes conformés aux délais impartis pour assurer l’existence d’un réseau de points de vente au détail à Calgary dès le premier jour de la légalisation. Nous avons aussi commencé à coordonner l’action de nos divers groupes d’application de la loi pour pouvoir répondre non seulement à l’activité du marché noir, mais aussi à tous les aspects de la légalisation du cannabis.

La mise en place du marché de détail à Calgary, l’offre de possibilités à saisir aux détaillants et la sensibilisation et la réglementation de ces mêmes détaillants, tout cela devrait solliciter fortement et de façon continue nos ressources. Tout comme les estimations de la Fédération canadienne des municipalités, notre analyse initiale montre que, pour remplir son rôle dans la légalisation du cannabis, Calgary devra y consacrer entre 8,2 et 12,9 millions de dollars chaque année. Une fraction importante ira au maintien de l’ordre et au respect de la loi, particulièrement dans une ville dotée d’une police indépendante. Et, comme toutes les polices, celle de Calgary doit répondre à des demandes accrues de services en sus de celles qu’impose la légalisation du cannabis.

Nous comprenons les motifs de la légalisation au Canada et nous reconnaissons aussi l’importance des priorités que le gouvernement fédéral a établies pour une légalisation aussi efficace et sûre que possible. Pour respecter ces priorités, les municipalités auront besoin de ressources. C’est reconnu dans l’entente sur la taxe fédérale d’accise, et nous continuerons de collaborer avec nos homologues de la province pour nous attaquer aux coûts que nous encourrons. Mais nous aurons aussi besoin: de ressources sous forme d’outils et de renseignements pour assurer et maintenir un cadre viable à la légalisation; d’études sur les effets sur la santé, l’affaiblissement des facultés et beaucoup de répercussions qu’aura la légalisation sur la société. Nous aurons continuellement besoin de données sur le taux de consommation chez les jeunes et sur les conséquences économiques de la légalisation; d’une communication continuelle et d’une sensibilisation ininterrompue des fonctionnaires, de l’industrie et des citoyens; d’un gouvernement souple et capable de s’adapter rapidement à une industrie en évolution rapide. Surtout, d’un gouvernement qui ne cesse de dialoguer avec les Canadiens.

Pendant que nous collaborions tous à la légalisation du cannabis, il est devenu évident qu’elle serait davantage un point de départ qu’un aboutissement. Dans une grande mesure à l’instar des trois priorités fédérales indépendantes de la légalisation du cannabis, il existe aussi trois ordres interdépendants de gouvernement nécessaires au respect de ces priorités. Nous continuons d’affirmer notre détermination à les respecter grâce à la préparation que nous organisons à l’échelon local.

Je vous remercie de votre invitation à présenter notre point de vue et de votre contact réfléchi et permanent avec les municipalités tout au long de ce processus. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie tous pour vos exposés, y compris pour la vue d’ensemble offerte par la Fédération canadienne des municipalités puis chacune des municipalités participantes du pays.

Commençons maintenant les questions. La liste des questionneurs est longue. Comme il y a cinq témoins, si vous ne posez pas votre question à quelqu’un en particulier, je demanderai à M. Karsten de répondre le premier, au nom de la Fédération canadienne des municipalités. Si le représentant d’une municipalité souhaite compléter sa réponse, il lui suffira de lever la main et de me signaler son intention.

Le sénateur Dean : Je vous remercie tous pour vos excellents exposés. J’ai deux ou trois questions.

La première touche la réaction des municipalités, que je qualifierai de massive, pour que nous reconnaissions que vous êtes aux premières lignes à répondre à l’appel du gouvernement pour une action et une planification des mesures qui soient intergouvernementales.

J’ajouterai que j’ai rarement vu évoluer si vite, avec un préavis si court, un projet national de cette envergure, qui est maintenant presque prêt à mettre en œuvre et je tiens à reconnaître le travail considérable que vous avez abattu à cette fin.

M. Zabloski a parlé de commencer en 2016. Je ne pense pas que ce soit inhabituel.

Monsieur Karsten, vous avez fait allusion, comme tous nos témoins, à la poursuite d’un solide engagement. J’aimerais premièrement que vous nous parliez un peu plus de la nature et de la qualité de la consultation et de la collaboration que vous avez connues jusqu’à maintenant, car je pense qu’il y a un sous-entendu dans cette affirmation.

Deuxièmement, nous comprenons certainement les pressions financières qui découleront de cette mesure, peut-être inhabituellement plus à l’échelle municipale où on vous demande souvent d’assumer plus de responsabilités sans financement supplémentaire. La question n’est pas là dans ce cas-ci. Il faut se demander comment, quand et combien. J’aimerais savoir si je me trompe.

Troisièmement, Statistique Canada et Santé Canada font maintenant d’importantes analyses du taux de consommation des jeunes, du type de consommation et des méfaits avant la légalisation pour pouvoir ensuite s’en servir comme points de repère dans un suivi étroit, ce que les États-Unis n’ont pas fait et ce qui constitue, je crois, l’une des principales façons d’apprendre. Je me demande si vous étiez au courant de cet établissement de repères et de la réflexion actuelle concernant cette notion de suivi des données.

M. Karsten : Merci beaucoup de poser la question, sénateur. Monsieur le président, la réponse est oui, oui et non. C’est la version courte.

À propos de l’engagement continu, je pense certainement que le message est, comme vous le savez probablement, que la taxe d’accise sera revue en décembre et tous les deux ans par la suite. C’est un des aspects auxquels la FCM tient absolument en ce qui a trait à la nécessité de poursuivre le dialogue sur notre situation financière, car, comme je l’ai mentionné, la demande était de 33 p. 100 des recettes, et cela ne correspond pas nécessairement à l’entente qui a fait passer notre part de 50 à 75 p. 100.

La ruse dans ce cas-ci, et nous y avons fait allusion, c’est que selon le modèle du Colorado et certains des modèles américains, une part des recettes doit revenir directement aux municipalités. Nous avons encore assez bon espoir, surtout en raison de l’Ontario, qui a créé un excellent précédent pour dire qu’un modèle peut fonctionner, que les municipalités obtiendront 40 millions de l’enveloppe de 100 millions de dollars prévus pour deux ans. C’est donc relativement bon, mais dans le cas de la Nouvelle-Écosse, par exemple, nous sommes encore en train de débattre avec notre ministre de la Justice pour déterminer s’il y aura un coût pour les municipalités — nous savons qu’il y en aura un, mais le ministre en doute. Nous nous retrouvons ainsi, d’une province à l’autre, dans une situation précaire. C’est ce genre d’engagements continus qu’il nous faut.

Tout le monde a sans aucun doute parlé des coûts. Je peux vous résumer en une seule phrase un exemple personnel. Comme j’y ai fait allusion dans mes observations, nous avons achevé hier la version provisoire du budget d’Halifax. Comme vous le savez peut-être, nous avons un service de police intégré — la GRC et un corps municipal — qui dessert toute la région, ce qui est unique. Or, à la toute dernière minute, la GRC a présenté un plan budgétaire pour demander six agents supplémentaires, expressément pour l’application de la loi sur le cannabis, comme l’a mentionné la représentante de Montréal et les autres témoins. Nous pouvons gérer le budget à l’interne cette année, car nous avons approuvé 265 000 $ pour les derniers mois, mais cela représente annuellement 880 000 $, soit près d’un million de dollars.

Pouvez-vous me rappeler la troisième question?

Le président : Je suis désolé, mais les cinq minutes sont écoulées.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre présence et de vos formidables exposés. Le sénateur Dean a posé deux de mes questions, et je vais donc vous donner l’occasion de poursuivre vos explications. Je vais reformuler un peu mes questions, et nous pourrons peut-être ensuite entendre les représentants des différentes municipalités, si cela vous convient, monsieur Karsten.

Monsieur Karsten, vous avez dit que les recommandations de la FCM reposent sur deux idées, soit l’engagement et la durabilité. Si nous comprenons tous bien ce que nous avons entendu aujourd’hui, ces deux principes sont intrinsèquement liés. Ce n’est pas une mesure ponctuelle qui consiste à injecter un certain montant en espérant que la question sera réglée à jamais. Bien au contraire, car ce que nous avons entendu aujourd’hui, c’est qu’il s’agit d’une dépense budgétaire courante d’un montant très élevé.

Vous a-t-on consulté au cours de la phase préparatoire du projet de loi C-45? Ce que je veux surtout savoir, c’est s’il y a un processus intégré de consultation périodique et d’engagement continu auprès des municipalités en ce qui a trait à la mise en œuvre, vos ressources nécessaires et, plus précisément, le partage des recettes. C’est le principe à retenir. Il doit y avoir un certain processus périodique pour ce qui est de l’engagement et de la durabilité.

M. Karsten : Je peux dire en une seule phrase, monsieur le président, que la FCM, en tant que porte-parole des municipalités, a sans aucun doute discuté dès le début avec le ministère et qu’elle a continué de le faire régulièrement. Nous sommes donc très reconnaissants envers le ministère. Nous sommes manifestement disposés à donner suite à ce dossier de façon sécuritaire et efficace. « Sécuritaire » et « durable » sont les mots à retenir.

Quelqu’un d’autre a-t-il quelque chose à ajouter à ce sujet.

M. Turner : Je peux dire que dans la région de Waterloo, nous nous sommes associés à la FCM pour ce qui est de son engagement à l’échelle fédérale. C’est surtout dans le cadre de discussions avec le secrétariat provincial de l’Ontario que se manifeste notre engagement, mais nous sommes certainement au courant de tout le travail accompli par la FCM pour représenter les municipalités à l’échelle fédérale.

M. Au : Je pense que l’engagement est important. En tant que ville, nous n’avons été consultés qu’une seule fois par Santé Canada, en novembre dernier, et c’était au sujet de la mise en œuvre.

Il est formidable d’avoir été consulté à ce sujet, mais, du point de vue d’une ville, nous aurions aimé l’avoir été encore plus tôt lors de la rédaction de la loi proprement dite, car nous avons peut-être le meilleur modèle de mise en œuvre qui soit. S’il y a des problèmes dans le projet de loi proprement dit, cela ne réglera pas les questions qui nous préoccupent. C’est pour cette raison que nous sommes très déçus de ne pas avoir été consultés plus tôt pour exprimer nos préoccupations concernant le projet de loi. C’est pour cette raison que nous devons soulever ces questions à un stade aussi avancé de l’étude.

J’ai également remarqué qu’il est possible que peu de villes aient répondu au sondage de Santé Canada. Nous sommes nombreux à avoir pensé que la question est déjà réglée. On ne peut pas dire ou essayer grand-chose pour influencer l’élaboration de la mesure législative. C’est la raison pour laquelle je vous demande aujourd’hui d’aborder la question, de nous écouter et de donner suite à nos préoccupations.

Ce n’est pas qu’une simple question de coûts. À vrai dire, nous ne savons actuellement pas ce que nous coûtera la mise en œuvre du projet de loi, s’il est adopté. Nous ne savons pas à quel point nous serons prêts s’il est adopté et mis en œuvre cet automne. Il y a trop d’aspects flous.

Quand nous nous sommes adressés à la GRC à Richmond, elle nous a dit qu’elle ne savait pas quoi faire. Tout le monde semble attendre qu’un autre ordre de gouvernement ou d’autres institutions formulent des recommandations, des précisions ou une sorte de politique.

Même en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial n’a toujours pas présenté de politique ni de liste de projets de loi ou de mesures législatives qui nous aideraient à orienter la mise en œuvre. Il ne se contente encore que d’évoquer des possibilités. C’est le principal problème pour nous à l’échelle municipale. Nous ne savons pas quoi faire.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, le gouvernement fédéral semble déléguer la responsabilité au gouvernement provincial, et à défaut de savoir quoi faire, le gouvernement provincial dit aux administrations municipales de s’en occuper. Le résultat sera un véritable gâchis.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais vous poser ma question en français, mais vous pouvez me répondre dans la langue de votre choix.

J’aimerais vous entendre, monsieur Karsten, au sujet de la position de la Fédération canadienne des municipalités sur la distance des sites de vente et de consommation, qu’on appellera les salons de consommation de cannabis, et la proximité des écoles ou lieux d’enseignement. J’ai été surprise de voir que l’Alberta allait imposer une distance de 100 mètres, ce qui représente environ 30 ou 40 secondes à pied. À Montréal, j’ai entendu parler de la possibilité d’une succursale à Berri-UQAM, près de l’université et du cégep du Vieux-Montréal. Je ne sais pas si votre organisation a pris position, en matière de protection de la jeunesse, sur ce que devrait être cette proximité.

[Traduction]

M. Karsten : La FCM ne fait pas vraiment ce genre de travail stratégique de base. Nous respectons le droit des municipalités de procéder chacune à leur façon. Je pense que c’est sain pour les gens que nous représentons. C’est pour cette raison que nous avons des consultations publiques à l’échelle locale et parfois même des audiences publiques sur certaines questions. C’est pour prendre le pouls de ce que veulent les collectivités locales.

Nous renvoyons ces dossiers aux municipalités, comme Montréal, Richmond et ainsi de suite, pour qu’elles prennent leurs propres décisions.

Le président : Madame Bachman a-t-elle une réponse, puisqu’il est question de Montréal?

[Français]

Mme Bachman : Tout à fait. Je peux apporter un éclaircissement qui répondra en même temps aux autres questions sur la consultation.

Au Québec, ce sera une société d’État, soit la Société québécoise du cannabis, qui prendra en charge la distribution. Nous sommes déjà en discussions avec cette société. Nous souhaitions justement que la décision d’implantation des succursales soit prise avec le concours de la ville. La question est très complexe dans un milieu dense comme celui de Montréal. On souhaite que ces endroits soient situés le plus loin possible des écoles. Lorsqu’on parle des cégeps et des universités, c’est complètement différent. Le milieu dense fait en sorte qu’on ne pourra pas respecter non plus des distances extrêmement importantes.

On regarde aussi les taux de consommation actuels de cannabis, qui ont été fournis par la direction de la santé publique de Montréal sur le territoire. On se base sur différents critères, dont l’accessibilité au transport en commun. On ne veut pas privilégier des endroits qui ne seraient accessibles qu’en automobile. Vous avez parlé de Berri-UQAM. C’est un endroit que nous considérons. Ceux qui connaissent Montréal savent qu’à cet endroit on retrouve une consommation illégale importante aujourd’hui. Nous sommes préoccupés par la proximité des écoles et nous cherchons des endroits les plus éloignés possible dans un milieu toutefois très dense.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une petite question assez simple. Vous avez parlé d'un montant de 30 p. 100 qui vous aiderait à mettre en œuvre le projet de loi. Est-ce que ce pourcentage, selon vos estimations et celles des municipalités, suffira à faire le nécessaire, en plus de ce que feront les provinces et le gouvernement fédéral, surtout en matière d’éducation, de sensibilisation et de programmes?

Madame Bachman, vous avez parlé de campagnes de communication au niveau local et de prévention au sein des groupes communautaires. Ces dépenses essentielles sont-elles comprises dans vos projections? Aurez-vous assez d’argent pour faire le nécessaire?

[Traduction]

M. Karsten : Encore une fois, les représentants d’autres municipalités ou d’autres intervenants pourraient vouloir se prononcer là-dessus.

La réponse simple est non. C’est pour cette raison que nous préconisons depuis le début, comme je l’ai dit dans mes observations, une proportion de 33 p. 100 des recettes globales. Et il est intéressant d’entendre l’une de nos municipalités membres demander jusqu’à 50 p. 100. Mais comme le gouvernement fédéral a accordé 25 p. 100 supplémentaires aux provinces, cela revient sans aucun doute à dire qu’elles doivent maintenant prendre les devants et assumer nos dépenses. Nous devrons déterminer si c’est assez, et c’est ici que l’engagement continu entre en ligne de compte.

Le sénateur Manning : Je remercie tous nos témoins d’être ici. Je vais tâcher d’aller droit au but.

Plusieurs d’entre vous ont parlé de l’application de la mesure législative, de la formation nécessaire pour les forces de l’ordre dans vos villes. C’est un des points que je veux aborder.

L’autre est la culture à domicile de plants de marijuana. À titre d’exemple, dans un immeuble de 100 appartements, il pourra y avoir 400 plants. Même si la moitié des gens en ont, le total sera quand même de 200 plants, et il y a aussi l’application de cette règle dans les maisons.

De nombreuses personnes se disent inquiètes d’une possible légalisation dans 100 jours. Elles semblent grandement préoccupées par l’application de la loi. J’ai siégé quatre années à un conseil municipal, et je suis heureux d’être maintenant au Sénat et de ne pas avoir à gérer cette situation, car c’est là que l’action aura lieu, comme M. Karsten l’a laissé entendre.

Je veux vous demander si vous croyez que nous devrions ralentir un peu le processus pour donner aux villes, aux municipalités de partout au pays, le temps de se préparer. Je comprends que c’est une lutte contre la montre, et je crains beaucoup une légalisation de la marijuana au moyen de cette loi alors que nos villes ne sont pas prêtes à faire face aux changements sociétaux qui se produiront dans notre pays.

M. Karsten : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. À propos de la première question concernant l’application de la loi et tout le reste, je pense que plusieurs intervenants en ont parlé, et je vais céder la parole à mes collègues qui souhaitent en faire autant.

Je souligne que depuis le premier jour, nous sommes parfaitement conscients que cette mesure législative découle d’une promesse faite par les libéraux pendant la campagne électorale. Ils l’ont déposée, et nous respectons la décision des législateurs fédéraux d’édicter une loi. Nous avons d’ailleurs dit dès le premier jour que nous allions collaborer pour y donner suite, pourvu que nous puissions le faire de manière sécuritaire et efficace.

Nous sommes prêts grâce à tout le travail accompli par la FCM. Par « prêts », je veux dire que si le projet de loi est adopté, nous allons gérer la situation. Nous sommes assez prêts pour savoir que cela s’en vient. Je laisse donc à d’autres personnes le soin de déterminer si nous sommes effectivement prêts, mais nous croyons être en mesure d’assumer nos responsabilités lorsque la mesure sera adoptée.

Le président : Y a-t-il un autre représentant des municipalités qui veut intervenir?

M. Au : Pour répondre brièvement à votre question, oui, nous aimerions que le processus ralentisse compte tenu de certaines choses que nous devons préparer.

Je pense que ce que M. Karsten dit, c’est que si vous nous obligez à mettre la loi en œuvre, nous le ferons, mais sommes-nous prêts? Non. Beaucoup de choses demeurent incertaines. Par exemple, nous ne savons pas ce que cela va nous coûter. Il pourrait y avoir des coûts cachés, des coûts inattendus que nous ne connaissons pas encore à ce stade-ci.

À propos de la culture à domicile, nous sommes vraiment préoccupés par la disposition selon laquelle chaque foyer pourra faire pousser quatre plants. J’ai mentionné que c’est impossible à faire respecter. Nous ne pouvons pas cogner à la porte des gens pour vérifier s’ils ont quatre, cinq ou six plants.

De plus, dans une ville comme Richmond, nous avons des immeubles de grande hauteur. Si nous disons que chaque foyer peut faire pousser quatre plants, cela signifie qu’il y aura des centaines de plantes dans ces immeubles compte tenu des nombreux logements qu’on y trouve.

Ce sont nos préoccupations. Nous ne savons pas quelles seront les répercussions sur la sécurité des immeubles et ainsi de suite. Comme je l’ai mentionné, il y a la question de l’accès des enfants à la marijuana. C’est pour cette raison que nous disons que la culture à domicile est en soi ce qui présente le plus grand problème pour nous.

S’il y a une seule chose que nous vous demanderions de changer, c’est celle-là. La culture à domicile est le seul aspect pour lequel, en tant que ville, nous aimerions voir des changements.

Le président : Quelqu’un d’autre a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Zabloski : À la Ville de Calgary, nous nous sommes évidemment préparés à la légalisation. Nous sommes prêts pour le 1er juillet, mais il semble que nous aurons une plus grande marge de manœuvre. Ce n’est pas de refus. Nous sommes essentiellement prêts. Je vais toutefois me faire l’écho des préoccupations soulevées à propos de la capacité à faire respecter les règles de la culture à domicile.

Nous avons un plan de mise en œuvre, et je ne connais pas vraiment d’autre façon de procéder. À vrai dire, nous ne pouvons pas prévoir comment cela se déroulera. Nous le verrons une fois que la substance sera légalisée, mais nous avons tout de même un plan pour le 1er juillet, ou nous en avions un, je devrais dire.

La sénatrice Poirier : Merci beaucoup. J’avais beaucoup de questions, mais je vais également essayer de m’en tenir à cinq minutes.

Je viens d’une petite municipalité rurale, et je vais revenir à quelques questions, entre autres choses, qu’on a selon vous répétées à maintes reprises à la GRC. Il faut se demander s’il y a assez de règlements municipaux. Il faut aussi se demander si les municipalités sont prêtes.

On nous dit également que cela dépend de la province où on se trouve. Je sais que le Nouveau-Brunswick laisse les propriétaires décider si la culture des quatre plants se fera à l’intérieur ou à l’extérieur, pourvu que ce soit dans un espace clos.

La province cherche à savoir si cela coûtera encore plus cher à cause de l’éclairage nécessaire à l’intérieur. Dans un grand immeuble d’appartements, allons-nous accroître le risque d’incendie? Les services d’incendie de nos municipalités devront-ils assumer des coûts supplémentaires?

S’il y a des endroits où l’on interdit la culture des plantes à l’intérieur des immeubles d’appartements — et les municipalités pourraient prendre cette décision —, est-ce que cela signifie que d’autres propriétaires pourraient avoir besoin d’une protection contre le vol dans leur police d’assurance? Quel est le coût? Et qu’est-ce que les compagnies d’assurance proposeront aux propriétaires qui auront un éclairage supplémentaire et tout le reste dans leur maison?

C’est l’une des nombreuses questions qui me sont soulevées. Je m’adresse donc aux représentants de la Fédération des municipalités et, si le temps le permet, j’aurai d’autres questions à poser. Sinon, je me reprendrai lors de la deuxième série de questions. Merci.

M. Karsten : Je vais laisser quelqu’un d’autre répondre et parler du point de vue municipal.

Le président : Quelqu’un voudrait répondre?

M. Zabloski : Selon nous, la clé, c’est l’éducation concernant la culture à domicile. Comme nous l’avons déjà entendu, il n’est pas réaliste de faire du porte-à-porte pour faire appliquer la loi et s’assurer que tous les propriétaires de maison à Calgary procèdent de façon adéquate dans la culture du cannabis.

Donc, selon nous, l’éducation est la clé; il faut s’assurer que les gens ont l’information nécessaire relativement aux lumières qu’ils utilisent ou à la plomberie, notamment, pour effectuer une culture sécuritaire. Évidemment, il y a des coûts associés à cette éducation. L’important, c’est de fournir aux gens l’information dont ils ont besoin et c’est une chose à laquelle nous travaillons en tant que municipalité.

[Français]

Mme Bachman : Nous avons évalué la différence d’impact, puisque nous ne savions pas encore quel allait être le cadre légal. Pour l’instant, le projet de loi québécois prévoit que la culture à domicile ne sera pas permise au Québec. Toutefois, nous avons fait une évaluation et, dans notre étude des coûts, en ce qui concerne le Service de sécurité incendie de Montréal, il y a une différence d’un million de dollars de coûts récurrents. On parle donc d’un million de dollars supplémentaires, par année, si jamais la culture à domicile était permise. Ce sont, avant tout, des coûts qui touchent notamment la prévention pour le Service de sécurité incendie de Montréal, et une dizaine d’employés devront être affectés spécifiquement à cet enjeu.

[Traduction]

M. Au : Vous soulevez une très bonne question. C’est un sujet auquel j’ai fait référence un peu plus tôt. Il pourrait y avoir des coûts cachés que nous ne connaissons pas encore. L’industrie de l’assurance, nous le savons, a déjà dit que si la culture à domicile est permise, les coûts d’assurance monteront en flèche. Certaines compagnies d’assurances pourraient même refuser d’assurer un foyer dans ces circonstances.

La même chose s’est produite il y a environ 10 ans lors de la légalisation de la marijuana thérapeutique. Le nombre de personnes s’adonnant à la culture à domicile a augmenté.

Encore une fois, nous avons demandé à la GRC si elle sait combien de personnes pratiquent la culture à domicile, mais elle l’ignore. Il est impossible de le savoir.

C’est la raison pour laquelle cette décision ouvrira une boîte de Pandore. Le Manitoba et le Québec ont déjà signalé leur intention d’interdire la culture à domicile. La Colombie-Britannique étudie la possibilité de la permettre. Nous avons discuté avec le solliciteur général de la Colombie-Britannique qui nous a dit réfléchir à cette possibilité, mais par crainte d’ouvrir la porte à une contestation constitutionnelle, la province refuse de dire si elle permettra cette culture.

Donc, on attend. Cela revient à ce que j’ai dit plus tôt. Nous ne pouvons pas laisser cette décision entre les mains des provinces ou municipalités. La décision doit venir d’en haut.

Si chaque ville ou province établit ses propres règles et politiques, elles risquent d’être confrontées à toutes sortes d’actions en justice concernant les droits constitutionnels et de la personne.

Donc, si le gouvernement fédéral choisit de permettre la culture à domicile, je crois que la décision d’une ville ou d’une province d’interdire cette culture pourrait être contestée. Encore une fois, cela revient à un manque de clarté.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Je serai brève.

J’ai déjà vu ces calculs de coûts. En tant qu’ingénieure, j’ai l’habitude d’effectuer des calculs de la réserve ou en fonction de certains points de vue en particulier et de tenter d’arriver aux mêmes conclusions.

Selon le gouvernement, l’un des principaux objectifs est d’éloigner la marijuana de la portée des enfants et d’éliminer le marché noir, entre autres.

Avez-vous effectué des calculs de la réserve? Autrement dit, combien d’autres jeunes devront consommer de la marijuana pour vous permettre de couvrir vos coûts?

Deuxièmement, avez-vous étudié la possibilité — c’est une autre façon de calculer, et je suis d’accord avec vous qu’il y a de nombreuses façons floues de calculer ces choses, mais puisque nous en avons déjà discuté, que nous avons déjà parlé des méfaits pour la santé et que ça ne fonctionne pas, j’aimerais aborder la question du point de vue des coûts.

Des éléments d’information nous informent que plus de gens devront consommer de la marijuana afin de générer pour vous plus de revenus vous permettant d’améliorer les 17 services que vous souhaitez améliorer. Toutefois, il y aura également des coûts associés aux soins de santé, aux hôpitaux et aux ambulances.

Avez-vous calculé ces coûts? À combien s’élèvent-ils? Est-ce le tiers? La moitié? Et, qu’en est-il du travail permanent, des accidents de travail? Pour les produits comestibles, l’effet se fait sentir plus tard. Est-ce que les symptômes durent plus longtemps?

Est-ce que quelqu’un a pris le soin de calculer ces coûts?

M. Karsten : Merci beaucoup pour cette question. Je vais laisser Alana, notre directrice de la politique et de la recherche, vous répondre, car, si je ne m’abuse, son équipe a examiné ces questions.

Alana Lavoie, directrice de la politique et de la recherche, Fédération canadienne des municipalités : Merci beaucoup. C’est une très bonne question.

Je ne crois pas que nous ayons été en mesure jusqu’à maintenant de calculer tous les coûts, les coûts en amont, et l’impact qu’aurait une augmentation de la consommation sur nos sources de revenus pour comparer tout cela ensuite aux conséquences potentielles sur le système de santé.

Ce que nous avons fait, c’est que nous avons tenu compte des coûts initiaux de mise en œuvre et des coûts opérationnels des services de toute première ligne des administrations municipales du Canada pour la mise en œuvre et les coûts associés à la création d’un système durable et régulier.

C’est la première étape. Pour revenir à ce que disait M. Zabloski, nous allons devoir apprendre sur le tas et ce ne sera que plus tard que nous pourrons évaluer ces autres coûts, les économies pour le système judiciaire et les conséquences sur le système de santé par rapport à nos estimations préliminaires. Il y a certainement des choses que nous souhaitons examiner avec le temps.

Concernant les coûts initiaux, la FCM a proposé une variété de coûts qui témoigne de la souplesse nécessaire pour tenir compte des réalités des diverses municipalités, y compris les municipalités rurales où les réalités peuvent être différentes de celles des grandes régions urbaines. Mais, nous allons certainement prendre note de votre question. Merci.

Le président : Quelqu’un d’autre voudrait intervenir?

La sénatrice Galvez : L’autre point que je voulais soulever, c’est qu’il s’agit d’une expérience essai-erreur, une expérience laboratoire. Qu’arrivera-t-il si l’expérience est un échec? Quand pourrez-vous dire que l’expérience est réussie ou qu’il s’agit d’un échec? Qu’est-ce qui vous le dira?

M. Karsten : Encore une fois, sénatrice, merci beaucoup pour cette question.

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est qu’il y a des exemples — et nous avons effectué un examen approfondi des expériences menées à Denver, au Colorado, aux États-Unis — où la loi parle, faute d’un meilleur terme, d’un programme réussi. Donc, je ne crois pas que quelque chose ait été établi en cas d’échec.

J’aborde les questions de cette façon. Je me suis créé ma propre image que j’ai examinée au cours des dernières années. À mon avis, il s’agit d’un parcours, et non d’une destination. Je ne crois pas que l’on puisse dire soudainement: « Donnez-nous jusqu’au mois de septembre, et nous y arriverons. » Il s’agit d’une évolution, d’un chemin que nous parcourons ensemble. Comme je l’ai dit plus tôt, les municipalités et la FCM sont heureuses de travailler ensemble. Nous devons résoudre ce qui doit être résolu. La durabilité est un élément avec lequel nous avons besoin d’aide.

Très brièvement, j’aimerais dire que beaucoup de bonnes questions, des questions difficiles, ont été posées pour lesquelles de bonnes réponses, des réponses réfléchies, ont été données. À mon avis, ces questions difficiles doivent être posées, mais, nous pouvons collaborer. Encore une fois, c’est à ce niveau que la participation entre en ligne de compte.

Matt soulève un très bon point. Si je ne m’abuse, il a dit que nous allons apprendre ensemble. Si nous sommes pour entamer ce parcours, faisons en sorte qu’il soit réussi et faisons de notre mieux pour que ce soit profitable pour tous les Canadiens.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Bachman. Nous avons appris que des campagnes de prévention et de sensibilisation avaient déjà été faites avec des clientèles cibles sur les réseaux sociaux ou des médias auxquels les jeunes de 12 à 17 ans avaient accès.

À Montréal, à la suite de votre collaboration avec la direction de la santé publique, avez-vous déjà commencé à mettre en place cette campagne? Elle doit précéder l’arrivée de la loi. Il ne faut pas attendre la mise en place de la loi pour commencer la campagne. Est-ce que cela a débuté, et quelle forme prend cette campagne?

Mme Bachman : Pour l’instant, nous avons travaillé avec notre comité d’experts et la direction de la santé publique en fait également partie. Il est sûr que la Ville de Montréal ne pourra pas faire une campagne seule. L’important dans la mise en œuvre sera le partenariat entre tous les ordres gouvernementaux. Nous souhaitons être des partenaires des gouvernements fédéral et provincial. Donc, la direction de la santé publique fait partie du gouvernement provincial.

Je ne pourrai pas vous dire si la direction de la santé publique a déjà élaboré un début de campagne. Il est sûr que nous serons davantage interpellés sur les actions menées sur le terrain avec les groupes, puisque les grandes campagnes nationales seront faites par des organismes provinciaux.

Évidemment, la Ville de Montréal va collaborer, mais toute notre approche est liée à la santé publique. Oui, on veut récupérer des coûts, mais notre préoccupation première, c’est qu’il y ait beaucoup de prévention qui soit faite pour réduire les méfaits, et ce, particulièrement auprès des jeunes.

On va collaborer avec le gouvernement provincial, mais, pour l’instant, je vous avoue que nos efforts sont axés sur le cadre légal du projet de loi à l’étude. C’est seulement en fonction de ce cadre légal qu’on pourra faire des campagnes plus ciblées. Nous devons savoir où cela s’appliquera et où les gens pourront acheter et consommer de la marijuana. Aussi, nous devons savoir comment les succursales de la société d’État seront implantées et quel sera l’âge légal de consommation. Ce sont toutes des questions qui seront réglementées par les lois. C’est très difficile de faire des campagnes sans avoir cet encadrement légal.

[Traduction]

M. Au : Sénatrice, je vais tracer un lien entre votre question et les autres questions qui ont été posées plus tôt.

Nous ne trouverons jamais une solution ou une formule parfaite pour la mise en œuvre, et peut-être qu’il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir une solution parfaite. Toutefois, je crois qu’il y a certaines choses que nous pouvons faire dès maintenant, par exemple, éduquer les gens. C’est un problème, car, pour faire de l’éducation, les villes ont besoin de plus de ressources.

L’éducation fait partie de la solution et devrait être la priorité. Si le gouvernement nous fournit plus de ressources, nous pourrons commencer dès aujourd’hui.

Ceci dit, je reviens à la mesure de la réussite. J’ai déjà fait part de mes préoccupations par rapport à l’approche d’essais et d’erreurs. Bien entendu, je crois que nous pouvons mesurer la réussite en fonction de l’objectif fixé dans la loi, soit d’empêcher les jeunes d’avoir accès à la marijuana.

Même sur cette question, nous devons tenir compte de deux aspects. D’abord, la consommation. Nous pouvons commencer à recueillir des données sur la consommation actuelle et la mesurer, par exemple, dans un an ou deux.

Toutefois, il y a un autre aspect dont il faut tenir compte, soit la perception, sujet dont il a été question plus tôt. S’il y a une faille dans ce projet de loi, c’est que les jeunes risquent de mal comprendre l’intention derrière celui-ci. Je comprends l’intention derrière la non-criminalisation des jeunes qui se trouvent accidentellement en possession de marijuana. Mais, dans sa forme actuelle, le projet de loi donne l’impression que les jeunes peuvent être en possession de jusqu’à cinq grammes de marijuana. À mon avis, ce genre de perception est contre-productif. Nous ne pouvons pas empêcher les jeunes d’avoir ce genre d’impression.

Donc, c’est la perception qui est très difficile à mesurer. De plus en plus de jeunes pourraient avoir l’impression qu’il leur est permis d’être en possession de marijuana si la mesure législative n’est pas claire à cet égard. Comme je l’ai déjà dit, jusqu’à maintenant, à ma connaissance, aucune province n’a approuvé cette disposition. Toutes, y compris la Colombie-Britannique, disent souhaiter que la loi précise clairement que les jeunes de moins de 18 ans ne seront pas assujettis à la règle de possession simple.

La sénatrice Omidvar : Justement, le secrétaire parlementaire, Bill Blair, est venu témoigner hier concernant ce projet de loi. Il a dit que c’est tolérance zéro pour les enfants et jeunes adultes de moins de 18 ans concernant la possession de cannabis. Ceux qui se font prendre en possession de marijuana recevront une contravention. Ils ne seront pas criminalisés, à moins d’être en possession de plus de cinq grammes.

Donc, je crois que vous avez raison; nous devons informer la population sur l’intention du projet de loi.

Ma question concerne la culture à domicile. À mon avis, il n’y a rien de plus local qu’une plante sur un rebord de fenêtre. Donc je comprends cela.

Ma question s’adresse à M. Karsten. Un des objectifs stratégiques du projet de loi, et la justification derrière cette mesure législative, est de permette aux gens qui vivent dans des communautés rurales et éloignées de faire leur propre culture de façon à avoir un approvisionnement limité sans avoir à se tourner vers le marché illicite. Monsieur Karsten, j’aimerais connaître votre opinion à ce sujet, car les autres municipalités sont principalement plus grandes. À mon avis, Halifax est une grande municipalité. Que vous disent vos représentants des communautés rurales et éloignées concernant la culture à domicile?

M. Karsten : D’abord, je crois que nous devons prendre un peu de recul et ne pas oublier que la culture à domicile est permise en vertu du règlement sur l’utilisation de la marijuana à des fins médicales. Donc, mettons cela de côté pour un instant.

Peu importe la province ou le territoire, les municipalités ont des associations provinciales et territoriales. Mais, la Nouvelle-Écosse compte sur l’Union des municipalités de la Nouvelle-Écosse, l’UMNE, qui est responsable des données. Je parle comme un politicien lorsque je dis que ce n’est pas de notre compétence.

La municipalité peut certainement formuler des conseils auprès de l’UMNE concernant sa position de façon à trouver la bonne formule avec la province. Mais, il s’agirait davantage d’une participation provinciale.

Alana, ai-je raison en ce qui a trait à ce que ferait la province?

Mme Lavoie : Certainement, en fonction de ce que permettrait le règlement fédéral. Nous avons beaucoup entendu dire aujourd’hui qu’une certaine souplesse est nécessaire pour tenir compte des réalités avec lesquelles les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations locales doivent composer.

D’un point de vue national, comme vous pouvez l’imaginer, nous entendons des choses très différentes à l’échelle du pays. Certaines municipalités rurales et éloignées sont à l’aise avec cela et satisfaites, car il s’agit du même accès qu’auront tous les autres Canadiens ailleurs au pays. Donc, c’est une question d’équité.

Mais, d’autres municipalités aimeraient adopter une approche plus prudente. Cela fait ressortir la nécessité pour tous les ordres de gouvernement de collaborer de façon à ce que les administrations locales continuent de jouir de la souplesse nécessaire pour tenir compte de leur propre réalité.

La sénatrice Omidvar : Si je ne m’abuse, et j’ai beaucoup travaillé avec la FCM, vous comptez également un caucus ou un groupe de petites communautés rurales ou éloignées. Ont-elles pris position par rapport à la culture à domicile? Si oui, pourriez-vous nous faire part de cette position?

M. Karsten : Absolument. Avec plaisir. Alana, auriez-vous plus de détails à ce sujet? J’ignore personnellement quelle est leur position, mais peut-être se sont-elles exprimées par l’entremise du caucus rural.

Mme Lavoie : Dans le cadre de mes fonctions à la FCM, je passe beaucoup de temps à m’entretenir avec les gens des régions rurales et le caucus rural. Tous appuient la position du conseil de la FCM, soit d’assurer une certaine souplesse à l’échelle du pays et de tenir compte des réalités locales. Donc, tous nos caucus ont adopté notre position.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais m’adresser à M. Zabloski. Je crois qu’il est très intéressant d’entendre le point de vue de la ville de Calgary comparativement à celui de la Ville de Richmond. Vous semblez avoir accepté le fait que le 1er juillet, ou peu importe quelle sera la date, vous devrez, dans une certaine mesure, être prêts. Sur une échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de préparation? Dans quel domaine êtes-vous le mieux préparés et où devez-vous accentuer les efforts pour être prêts?

M. Zabloski : Sur une échelle de 1 à 10, je dirais que nous sommes à 5 ou 6. Notre niveau de préparation devrait augmenter la semaine prochaine. Le 5 avril, nous allons proposer au conseil des modifications à la loi. Nous espérons qu’à ce moment, un règlement sera adopté par la Ville de Calgary pour régler cette question.

C’est au niveau de la vente au détail que nous sommes le plus prêts. En Alberta, une des principales préoccupations concerne le marché privatisé du détail. La consommation est un autre aspect pour lequel nous espérons être plus prêts.

Là où nous avons le plus de préoccupations, c’est la culture à domicile et l’application des règlements connexes. Il s’agit de notre principale source de préoccupations.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup à tous les témoins. J’aurais quelques questions brèves à vous poser, un peu comme un sondage.

D’abord, j’aimerais demander aux représentants des villes s’ils seraient d’accord pour interdire la culture à domicile du cannabis ou à tout le moins pour retarder l’entrée en vigueur de cette disposition du projet de loi C-45. Autrement dit, voudriez-vous limiter la culture du cannabis aux détenteurs d’un permis à cet égard sur des terres où le zonage le permet?

M. Turner : Nous serions certes d’accord pour que la mise en œuvre de ces dispositions du projet de loi soit reportée. Nous estimons en effet qu’il sera difficile de faire appliquer les règles relatives à la culture à domicile étant donné les contraintes auxquelles se heurtent les forces de l’ordre quant à l’accès aux résidences privées.

M. Au : Je me contenterai de répondre oui.

Le président : Quelqu’un d’autre? Madame Bachman? Vous vouliez répondre?

[Français]

Mme Bachman : Tout à fait. Le Québec, pour l’instant, ne permet pas la culture à domicile dans le cadre de sa loi.

[Traduction]

M. Zabloski : Je pense que nous serions favorables à un report. Il nous faut toutefois être bien réalistes. Il serait également difficile d’assurer l’application de la loi si l’on décidait de l’interdire complètement. Je pense qu’il faudra voir comment les choses vont se dérouler après la légalisation, que la culture à domicile soit autorisée ou non. Je sais que ce n’est pas la réponse la plus claire qui soit, mais c’est vraiment le mieux que je puisse faire pour l’instant. Il sera difficile de faire appliquer les règles dans un sens ou dans l’autre.

La sénatrice Raine : Je conviens avec vous, monsieur Zabloski, que ce sera difficile dans un sens comme dans l’autre. J’ai une question que j’adresse à tous nos témoins. Comment croyez-vous que notre société pourra bénéficier du fait que l’on autorise la culture à domicile de ce produit alors que l’on ne pourra pas certifier sa teneur en THC ni s’assurer qu’il n’est pas nocif pour la santé pour toutes sortes d’autres raisons, sans compter toutes les difficultés que cela ne va pas manquer d’entraîner? En quoi pourrait-il être avantageux de permettre la culture à domicile lorsqu’on sait, si j’ai bien compris, qu’il sera possible de commander via Postes Canada tout le cannabis que l’on voudra et que celui-ci nous sera livré à domicile, peu importe l’endroit où l’on réside au pays?

M. Zabloski : Je crois que nous avons déjà traité de cet aspect et des possibilités d’accès pour les résidents des milieux ruraux.

Pour ce qui est des avantages dans le cas de la ville de Calgary, il faut savoir que les Albertains peuvent déjà faire leur propre vin ou leur propre bière à la maison, et qu’ils semblent considérer que l’on devrait procéder un peu de la même manière avec le cannabis. On a dit notamment aux municipalités qu’elles n’avaient pas à réinventer la roue. S’il existe des secteurs similaires où les choses se passent déjà d’une certaine façon, il s’agit simplement d’harmoniser le tout; les gens le comprennent bien. Soyons réalistes. Il est bien certain que la mise en œuvre de cette loi va entraîner certaines complications, et nous verrons bien comment les choses vont tourner.

M. Turner : En Ontario, il nous est vraiment difficile de voir concrètement quels seront les avantages. Nous sommes d’avis que les inconvénients l’emporteront probablement sur les bienfaits. C’est surtout notre capacité à mettre en application les nouvelles règles qui nous inquiète. En cas d’interdiction de la culture à domicile, c’est la question de la marijuana thérapeutique qui va poser problème, car je ne crois pas qu’il soit possible de faire quoi que ce soit à ce niveau, compte tenu des décisions rendues par les tribunaux. Nous devrons donc nous assurer de bien faire la part des choses entre le cannabis thérapeutique et celui destiné à des usages récréatifs.

La sénatrice Raine : Dans le même ordre d’idées, comme un consensus semble vouloir se dégager quant aux problèmes qui nous attendent, j’aurais une dernière question à vous poser. Si nous comptons sur les revenus tirés de la taxe d’accise pour financer les mesures de mise en œuvre de la loi et les autres coûts que devront engager les municipalités, pour quels motifs voudrait-on permettre la prolifération de la culture à domicile qui est à l’origine des mêmes problématiques, mais n’est pas assujettie à cette taxe d’accise?

M. Turner : La sénatrice soulève là un excellent argument.

Sans que nous puissions vraiment voir quels seront les avantages, nous sommes conscients des répercussions au chapitre de l’application de la loi et des coûts qui s’ensuivront, lesquels ne pourront même pas être épongés par une taxe d’accise dans le cas de la culture à domicile.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup. Nous avons appris beaucoup de choses ce matin, et je tiens à vous remercier pour le travail que vous effectuez sur le terrain.

Vous avez exprimé vos préoccupations en indiquant par exemple que certains éléments étaient problématiques et que le projet de loi n’était pas clair à bien des égards. Vous avez aussi parlé d’échappatoires et de marché noir. Quelqu’un a même dit que la situation était précaire, et vous nous répondez que vous n’êtes pas prêts.

Nous sommes le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Malgré cette échéance du 1er juillet qui arrive à grands pas, nous avons encore la possibilité de faire quelque chose. Nous pouvons modifier ce projet de loi. Nous pouvons proposer des amendements et les adopter avec l’accord de tous les partis représentés au sein du comité.

J’aimerais que vous nous indiquiez un amendement que nous pourrions apporter selon vous pour améliorer ce projet de loi et vous faciliter la tâche quant aux mesures d’adaptation que vous devez prendre.

Nous saurions ainsi mieux à quoi nous en tenir. Comme vous êtes politiciens, vous avez sans doute une bonne idée de la forme que pourrait prendre un tel amendement. Il serait plus facile ensuite pour notre comité de déterminer s’il est d’accord avec ce qui est proposé et de soumettre éventuellement le tout au Sénat et au gouvernement dans le cadre du processus de modification du projet de loi.

Le président : Soit dit en passant, nos témoins ne sont pas tous des politiciens, mais c’est bel et bien le cas de M. Karsten, et nous allons commencer avec lui.

M. Karsten : Merci, et comme je suis effectivement politicien, je vais vous répondre sans plus tarder. Je suis ici pour vous exposer notre point de vue à l’échelle nationale à titre de représentant de la Fédération canadienne des municipalités. Ceci dit très respectueusement, cela fait partie des enjeux au sujet desquels notre fédération ne serait pas vraiment disposée à proposer des politiques. Notre approche est exprimée très clairement dans notre mémoire. Nous appuyons la mise en œuvre pour autant qu’elle soit sûre et efficace pour les Canadiens.

Je vous répondrais autrement si je parlais à titre de conseiller représentant Halifax, mais ce n’est pas mon rôle aujourd’hui.

Le sénateur Munson : Nous voyons maintenant que nous avons bel et bien affaire à un politicien.

Le président : Est-ce que quelqu’un d’autre veut répondre à cette question?

M. Au : Comme je l’indiquais précédemment, nous voudrions que cette politique concernant la culture à domicile soit modifiée. Selon nous, pour que la vente d’un produit légalisé puisse être autorisée au Canada, il n’est pas nécessaire qu’il soit issu de la culture à domicile. Il peut être le fruit d’une transformation en usine ou en manufacture, où il bénéficiera d’ailleurs de meilleures mesures de contrôle de la qualité.

Même si nous autorisons l’usage récréatif de la marijuana, la culture à domicile n’est pas obligatoire. Il vaudrait beaucoup mieux en fait qu’elle soit produite par une entreprise de telle sorte que nous puissions en connaître exactement la teneur.

Le président : Madame Bachman, vous vouliez répondre à cette question?

[Français]

Mme Bachman : C’est plus complexe, pour nous, de donner une réponse, étant donné que la loi québécoise va s’appliquer sur notre territoire et qu'elle nous satisfait, dans l’ensemble.

Nous avons demandé au gouvernement du Québec de prévoir, pour les municipalités, la possibilité d’adopter des réglementations spécifiques sur les lieux de consommation, par exemple, et de respecter l’autonomie municipale.

Sur les questions de financement, nous avons reçu une réponse, hier, dans le budget déposé par le gouvernement du Québec, qui nous satisfait à court terme. Ainsi, 62 millions de dollars de revenus sont prévus pour les municipalités au cours des deux prochaines années. Et maintenant, notre préoccupation sera d’avoir du financement durable. C’est peut-être cet élément qui sera le plus important pour les municipalités, soit de s’assurer de la pérennité du financement qu’elles vont recevoir pour la mise en œuvre de la légalisation.

Donc, comme je le disais, au Québec, à court terme, le budget d’hier répond entièrement à ce que nous attendions pour les deux prochaines années. Il restera à régler la question à long terme.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Est-ce que vos forces policières sont prêtes en vue de l’entrée en vigueur de cette loi? Disposent-elles des équipements technologiques nécessaires pour détecter la consommation de cannabis au-delà de la limite permise?

M. Turner : Pour avoir parlé aux responsables des forces de l’ordre dans la région de Waterloo, je peux vous dire qu’ils ne sont pas encore prêts.

M. Au : Si je puis répondre au nom de la GRC, je dirais qu’ils ne sont pas prêts non plus.

Le président : Vous parlez du détachement de la GRC à Richmond.

M. Au : Oui.

M. Zabloski : La réponse est la même pour la ville de Calgary. Pour l’instant, les forces policières ne sont pas prêtes. Elles ont un plan pour se préparer, mais ce n’est pas encore chose faite.

Le président : Madame Bachman, est-ce que votre police est prête?

[Français]

Mme Bachman : Pour ce qui touche à la sécurité routière, effectivement, nous n’avons actuellement pas d’appareils de détection fiables. Donc, pour ce qui est de la détection, nous attendons des réponses à ce sujet.

[Traduction]

Le président : Il nous reste 15 minutes.

La sénatrice Raine : Le président ne voudrait-il pas poser une question?

Le président : Certainement, mais je vais laisser mes collègues le faire d’abord.

On pourrait peut-être s’en tenir à quatre minutes chacun, plutôt que cinq.

La sénatrice Galvez : Comme vous le savez, la société canadienne est multiethnique. Nous avons aussi les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis. Je considère que certains de ces groupes ethniques et autochtones figurent parmi les plus vulnérables du point de vue de la santé.

Je veux faire le parallèle avec le phénomène du « pas dans ma cour » que l’on observe dans le secteur de l’environnement. Personne ne veut de boutiques semblables dans son voisinage. Certains sénateurs semblent favorables à la culture du cannabis à domicile, mais je sais que cela serait très dommageable pour les populations du Nord qui sont déjà aux prises avec de trop nombreux problèmes de toxicomanie.

Mais dans les grandes villes, comme celles que vous représentez, je ne sais pas si vous vous inquiétez du profilage racial et de la prolifération de quartiers où la police semble avoir tendance à croire que les membres de ces groupes baignent dans des activités illicites reliées à la marijuana ou au marché noir.

Avez-vous réfléchi à ce problème et avez-vous prévu des fonds pour vous y attaquer?

M. Karsten : Je vais vous répondre à ce sujet en ma qualité de conseiller de la ville de Halifax. La Nouvelle-Écosse a décidé de fonctionner en suivant des modèles ayant déjà fait leurs preuves, comme celui de nos magasins où l’on vend des vins et spiritueux. La Nouvelle-Écosse a commencé avec un nombre limité de magasins qui n’ont pas soulevé de tollé quant à leur proximité. Ils sont tous installés dans de grands centres commerciaux, si bien qu’ils ne se retrouvent pas au cœur d’un quartier en particulier. Ce n’est donc pas un aspect qui nous apparaît problématique.

M. Au : Votre question porte sur la vente au détail, mais j’aimerais parler plutôt de la consommation. Je considère la marijuana comme une drogue pernicieuse. Elle diffère de certaines autres drogues qui sont consommées plus discrètement. Personne n’est au courant, mais c’est différent pour la marijuana. Son odeur se répand. Elle incommode les voisins, même lorsqu’elle est consommée à domicile. C’est l’un des aspects sur lesquels devraient se pencher les autorités municipales.

La sénatrice Poirier : Le gouvernement fédéral a fait part de son intention de prioriser la sensibilisation du public. Nous recevions hier la ministre et quelqu’un lui a fait part des préoccupations de nos collectivités locales qui s’inquiètent de ne pas voir de publicité à ce sujet à la télé et dans les journaux. Elle nous a répondu que les efforts déployés ciblent davantage les jeunes et misent donc sur différents médias sociaux comme Facebook et Twitter.

Avez-vous eu connaissance d’une campagne de sensibilisation publique dans vos villes respectives? Que ce soit le cas ou non, avez-vous été consultés par le gouvernement fédéral à ce sujet? Prévoyez-vous lancer votre propre campagne d’information sur les enjeux liés à la santé ainsi que sur les lois et les conséquences auxquelles les gens s’exposent dans différents scénarios? Disposez-vous des fonds nécessaires pour lancer une telle campagne si ce n’est pas déjà chose faite? J’aimerais donc savoir si vous avez eu connaissance de telles mesures de sensibilisation dans vos municipalités respectives.

M. Zabloski : Il y a certes une campagne de sensibilisation qui a été lancée par la province. J’ai vu moi-même une ou deux publicités. Je ne suis pas certain s’il s’agissait d’une campagne nationale de Santé Canada ou si cela venait d’une autre organisation. Quoi qu’il en soit, nous sommes assurément au fait de cette nécessité. Nous avons prévu des fonds pour faire connaître les nouveaux règlements municipaux aux citoyens de Calgary, et nous travaillons en coordination avec la province aux fins d’une campagne d’information plus globale pour la ville. Quant aux conséquences de la consommation sur la santé et aux éléments semblables, nous ne disposons pas vraiment de l’expertise nécessaire à l’interne pour faire nous-mêmes de la sensibilisation à ce sujet, et nous comptons certes sur le gouvernement fédéral pour la communication des renseignements pertinents dans ce contexte.

M. Au : Nous n’avons toujours pas eu de nouvelles du gouvernement fédéral et nous n’avons pas obtenu de fonds additionnels pour la sensibilisation. Comme je le faisais valoir précédemment, il vaut mieux le faire dès maintenant, plutôt que d’attendre à plus tard. Pour ce qui est de notre ville en particulier, je suis heureux de pouvoir vous dire que Richmond est la seule municipalité en Colombie-Britannique à offrir à tous les élèves de cinquième année un programme de prévention contre la drogue. C’est sans doute parce que tous les élèves de cinquième année suivent ce programme D.A.R.E. que Richmond a l’un des taux de consommation de drogue les moins élevés, le tout combiné à un excellent coefficient de vie active et saine. Je recommanderais donc à toutes les villes canadiennes d’en faire autant.

La sénatrice Poirier : Auriez-vous l’obligeance de communiquer les renseignements au sujet de ce programme à notre greffière?

M. Au : Oui.

Le président : Si vous pouvez transmettre cette information à la greffière du comité, elle verra à ce que tous les sénateurs la reçoivent.

Le sénateur Dean : Un grand merci pour tous vos excellents points de vue. D’une manière générale, il semble ressortir de nos échanges d’aujourd’hui que nos villes sont assez bien préparées en vue de cette échéance et qu’elles sont disposées à faire le nécessaire à cette fin.

Nous savons que la ministre de la Santé a annoncé il y a plusieurs semaines qu’il faudra compter de 8 à 12 semaines de préparation à la suite de la sanction royale avant de pouvoir donner le feu vert aux établissements de vente au détail. Je pense que nous sommes donc nombreux à prévoir une mise en œuvre à compter de la fin août dans le meilleur des cas. Nous arrivons aujourd’hui à la fin mars. J’adresse ma question à M. Zabloski qui a déjà répondu en fonction d’une échelle de 1 à 10. Il a indiqué que sa ville se situait maintenant à 5 ou 6, mais que les choses devraient s’accélérer dès la semaine prochaine avec l’adoption de règlements municipaux. En utilisant la même échelle d’évaluation, pouvez-vous nous dire, monsieur Zabloski, dans quelle mesure vous croyez être prêts dans cinq mois d’ici?

M. Zabloski : Je ne crois pas pouvoir affirmer que nous serons un jour prêts à 100 p. 100. J’ai notamment essayé de faire valoir aujourd’hui que, malgré toute la préparation que l’on puisse faire, on ne peut pas vraiment être certains de ce qu'il adviendra une fois la marijuana légalisée. À la fin de la semaine prochaine, nous espérons en être rendus à 8 ou 9 sur une échelle de 10 pour ce qui est des mesures préparatoires prises à Calgary, surtout relativement à la vente au détail.

Le sénateur Dean : Ma seconde question s’adresse à tous nos témoins. Je suis au courant de l’importance des données et de l’établissement de repères. Nous savons que Statistique Canada et le ministère de la Santé ont mené à titre comparatif des sondages pour savoir qui consommait de la marijuana, en quelle quantité et de quelle manière, et quels sont les torts perçus, entre autres indicateurs. Il y a quelques semaines, un représentant de l’institut Brookings qui témoignait devant un autre comité nous a indiqué que c’était bien davantage que ce qu’avait pu faire n’importe quel État américain. En fait, nous sommes peut-être des chefs de file mondiaux en la matière. S’agit-il du genre de données comparatives — des indicateurs de la situation avant et après nous permettant de suivre en temps réel l’impact de la loi — que les municipalités pourraient juger utiles? Madame Lavoie?

Mme Lavoie : Certainement. Je pense qu’il sera important, surtout au cours des deux premières années, de pouvoir compter sur les données comparatives que nous procurent ces sondages. Il faudra non seulement suivre ces indicateurs concernant la consommation, la mobilisation des jeunes et la sensibilisation du public, mais aussi les coûts qui sont engagés. La Fédération canadienne des municipalités s’emploie actuellement à déterminer la meilleure approche à adopter de telle sorte que nous puissions vraiment savoir à quoi nous en tenir dans deux ans d’ici et avoir une meilleure idée de ce que l’avenir nous réserve dans le cadre de ce processus d’apprentissage par l’expérience.

Le président : Quelqu’un d’autre veut répondre?

M. Zabloski : C’est formidable d’avoir de l’information, mais notre conseil tient à insister sur l’importance de l’utiliser une fois qu’on l’a obtenue. Je veux le souligner encore une fois aujourd’hui. On ne peut pas simplement laisser cette information sur les tablettes. Il nous faudra tenir d’autres rencontres comme celle-ci après la mise en œuvre pour voir ce qui fonctionne bien et apporter les correctifs nécessaires dans le cas contraire.

La sénatrice Raine : Compte tenu des informations et des données scientifiques maintenant à notre disposition quant aux torts causés au développement du cerveau jusqu’au milieu de la vingtaine, j’aimerais savoir ce que vous pensez de la question de l’âge minimal. Il semblerait que la plupart des provinces aient choisi d’utiliser le même âge que pour la consommation d’alcool, et je dirais que ce n’est pas nécessairement une bonne idée.

Est-ce que votre province vous a consultés avant de fixer l’âge minimum, et croyez-vous que celui-ci devrait être plus élevé?

Le président : À qui posez-vous la question?

La sénatrice Raine : À tous nos témoins.

M. Au : Le gouvernement de la Colombie-Britannique nous a consultés et nous avons recommandé que l’âge minimal soit fixé à 21 ans. Je crois toutefois que notre gouvernement provincial a plutôt opté pour 19 ans.

Je voudrais aussi mentionner que j’ai reçu ce matin même les résultats d’un sondage mené au cours des cinq derniers jours à la grandeur du Canada. Trois questions étaient posées. On demandait d’abord si la culture de la marijuana à domicile devrait être complètement interdite. Pas moins de 87 p. 100 des répondants ont indiqué en être convaincus alors que seulement 6 p. 100 étaient d’avis contraire. On voulait ensuite savoir si les mineurs devraient être autorisés à avoir de la marijuana en leur possession. C’est dans une proportion de 95 p. 100 que les gens ont indiqué croire fermement que cela ne devrait pas être permis. On demandait enfin si la mise en œuvre devrait être reportée jusqu’à ce que les institutions indiquent qu’elles sont prêtes. Encore là, 95 p. 100 des répondants ont fait savoir sans équivoque qu’il serait préférable d’attendre que les institutions soient prêtes.

[Français]

Mme Bachman : Nous avons effectivement été consultés par la province de Québec sur la question de l’âge légal. Nous avons été consultés avant même le dépôt du projet de loi provincial.

Ensuite, au moment du projet de loi, nous avons participé aux consultations, et l’âge de 18 ans, pour nous, était satisfaisant, à la fois par souci d’harmonisation avec les lois sur le tabac et les lois sur l’alcool. Également, notre comité d’experts nous avait recommandé l’âge de 18 ans comme la balise la plus pertinente, encore une fois par souci d’harmonisation et aussi pour que, entre 18 et 21 ans, on évite des difficultés quant à l’accès, à la légalité et à l’illégalité. Je pense que les données sur la consommation des jeunes indiquaient qu’il y avait quand même une forte consommation entre 18 et 21 ans. Pour notre comité d’experts, c’était aussi une donnée à considérer pour recommander que l’âge de 18 ans soit choisi pour le Québec, encore une fois en fonction de l’harmonisation des lois sur l’alcool et le tabac.

[Traduction]

Le président : Nous sommes rendus à la fin de notre séance d’aujourd’hui, et je tiens à remercier tous nos témoins. Je suis reconnaissant aux représentants de la Fédération canadienne des municipalités et des villes de Waterloo, Richmond, Calgary et Montréal d’avoir bien voulu participer à nos échanges au sujet des considérations municipales liées au projet de loi C-45. Un grand merci à tous.

(La séance est levée.)

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