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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 57 - Témoignages du 10 avril 2019


OTTAWA, le mercredi 10 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, saisi du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour l’étudier.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Chantal Petitclerc, je suis une sénatrice du Québec, et c’est un plaisir pour moi de présider aujourd’hui cette réunion.

[Traduction]

Avant de donner la parole à nos témoins, j’invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith G. Seidman, Montréal.

La sénatrice Poirier : Rose-Marie Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de Toronto.

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, de Sudbury.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l’Ontario.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Aujourd’hui nous poursuivons notre étude du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.

[Traduction]

Avant de passer à cette étude très importante, que mes collègues veuillent bien m’accorder un moment pour dire quelques mots sur l’honorable Wilbert Keon, qui vient de nous quitter.

Je n’ai pas eu le privilège de le connaître, mais, pour beaucoup d’entre nous, Wilbert Keon était un chirurgien-cardiologue de renommée mondiale. Il a fondé l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Il a aussi été vice-président de notre comité. C’était en plus, je le sais, un collègue respecté et un ami de beaucoup d’entre nous.

Vous savez peut-être qu’il a aussi présidé le sous-comité sur la santé des populations, qui a déposé, en 2009, un rapport important qui proposait au Canada un plan pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique exhaustive de la santé de la population canadienne.

Au nom de notre comité, je tiens à transmettre mes sincères condoléances à sa conjointe Anne, à leurs trois enfants et huit petits-enfants, à leurs amis et à leurs collègues.

Présentons maintenant les témoins.

[Français]

Nous accueillons, du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Mme Christianne Laizner, vice-présidente, Télécommunications; de la Commission canadienne des droits de la personne, Mme Marie-Claude Landry, présidente; de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, Mme Catherine Ebbs, présidente; et, enfin, de l’Office des transports du Canada, M. Scott Streiner, président et premier dirigeant.

[Traduction]

Notre premier groupe en compte quatre, ce qui est très inhabituel, mais nous voulons entendre autant de voix que possible, vu le temps qui nous est imparti pour étudier le projet de loi.

Je demande à tous de ne pas prendre plus que le temps prévu, pour que tous aient la possibilité de prendre la parole.

Nous entendrons les déclarations préliminaires de Mme Laizner d’abord, puis de Mme Landry, de M. Streiner et de Mme Ebbs.

[Français]

Christianne Laizner, vice-présidente, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Madame la présidente, je vous remercie de me donner l’occasion de participer à l’examen par le comité du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Comme la présidente l’a indiqué, je m’appelle Christianne Laizner et je suis vice-présidente des télécommunications au CRTC.

[Traduction]

Le CRTC croit que la capacité d’une personne de jouer un rôle important dans la société est directement liée à sa capacité de bénéficier de services de communication. Depuis une trentaine d’années, le CRTC a adopté une série de politiques réglementaires pour assurer à tous les Canadiens la possibilité d’accéder à ces services. Nous avons actualisé les politiques à mesure que de nouvelles technologies et de nouvelles ressources sont devenues exploitables.

Au milieu des années 1980, le CRTC a commencé par rendre obligatoires les services de relais par téléscripteur pour les Canadiens, soit le téléscripteur ou l'appareil de télécommunication pour les sourds, afin de supprimer les barrières aux télécommunications dans le système téléphonique.

En 2009, les exigences ont été modifiées pour inclure les services de relais par protocole internet, et, cinq ans plus tard, le service de relais vidéo, qui permettait d’accéder aux communications vocales, grâce au langage des signes. En vertu d’une décision prise par le CRTC en 2013, la messagerie texte avec le service 911 est actuellement obligatoire.

Les exigences en matière d’accessibilité, formulées à l’égard des diffuseurs, ont suivi une évolution semblable. Au début, les diffuseurs étaient tenus d’encoder seulement un petit pourcentage d’émissions pour les malentendants. Aujourd’hui, c’est toute la programmation en anglais et en français qui doit l’être pour cette clientèle.

En 2009, le CRTC a commencé à exiger des diffuseurs qu’ils fournissent, chaque semaine, quatre heures de services de vidéodescription.

[Français]

Nous sommes fiers d’affirmer que nos efforts ont retenu l’attention sur la scène internationale, particulièrement au chapitre de l’innovation. Cette semaine, à la demande de l’Union internationale des télécommunications, le CRTC présente le service de relais vidéo dans le cadre du Sommet mondial sur la société de l’information qui se déroule à Genève.

[Traduction]

Le CRTC a également établi des codes obligatoires de conduite, comme le Code sur les services sans fil et le Code des fournisseurs de services de télévision, pour faciliter les interactions avec les fournisseurs de services. Ces codes obligent à produire contrats et factures en formats accessibles et ils prolongent les périodes d’essai des services et des téléphones cellulaires, pour qu’ils satisfassent aux besoins de chacun.

[Français]

Pour déterminer si un code de conduite semblable devrait être établi pour les fournisseurs de services Internet, le CRTC tient actuellement une instance qui a mené des consultations publiques. Le dossier de cette instance comprend des propositions, qui, si elles sont adoptées, pourraient établir des protections semblables pour les abonnés à des services Internet. Une décision concernant un code sur les services Internet doit être rendue au cours des prochains mois.

Je devrais mentionner que le CRTC a un certain nombre d’outils à sa disposition pour garantir le respect des obligations réglementaires, y compris les sanctions pécuniaires dans certaines situations.

[Traduction]

Récemment, le CRTC a publié un rapport dans lequel il a conclu que les Canadiens étaient exposés à un degré inacceptable de pratiques de vente trompeuses ou agressives sur le marché des communications. Nous avons constaté que ces pratiques étaient particulièrement nocives pour les Canadiens qu’un handicap, leur âge ou leur langue maternelle rendent vulnérables. Nous envisageons un certain nombre de mesures pour mieux protéger les consommateurs et assurer leur traitement équitable par les fournisseurs de services.

Pour élaborer des politiques réglementaires, le CRTC consulte les Canadiens, notamment ceux qui sont handicapés, les fournisseurs de services et d’autres joueurs, dans des audiences publiques. L’apport des Canadiens handicapés est indispensable à l’élaboration de politiques efficaces d’accessibilité. Nous adhérons au principe du « rien pour nous sans nous ».

Dans sa volonté de faire sauter les obstacles aux communications, le CRTC présente sur son site web du contenu incontournable en langue ASL, ou langue américaine des signes, et en LSQ, la langue de signes du Québec.

[Français]

En ce qui a trait à la LSQ, la Langue des signes du Québec, le projet de loi prévoit un système dans lequel les plaintes des Canadiens vivant avec un handicap sont traitées de manière rapide et efficace, peu importe qu’elles soient traitées par le CRTC, l’Office des transports du Canada, la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral ou le commissaire à l’accessibilité, dont le bureau sera créé par cette loi.

Le président et premier dirigeant du CRTC s’est engagé à faire en sorte que ce cadre collaboratif, selon lequel il n’y a pas de mauvaise porte à laquelle frapper, fonctionne pour toutes les personnes handicapées.

[Traduction]

Le système de communication du Canada est essentiel à la prospérité socioéconomique de tous les Canadiens, mais nous savons que les l’industrie des communications se caractérise par l’innovation et un changement constant, qui, involontairement, peuvent entraver l’inclusion des personnes handicapées. Le CRTC applaudit à la démarche proposée par le projet de loi C-81 qui, en agissant en amont, renforcera notre mandat et misera sur nos réalisations.

Marie-Claude Landry, présidente, la Commission canadienne des droits de la personne : Bonjour. Je vous remercie d’avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à participer à l’étude du projet de loi C-81.

[Français]

Aujourd’hui, nous avons trois principaux messages pour ce comité. Premièrement, la Commission canadienne des droits de la personne appuie complètement ce projet de loi. Comme vous le savez, nous sommes l’institution nationale et l’organisme de surveillance des droits de la personne au Canada. Nous sommes indépendants du gouvernement et nous rendons compte de nos activités au Parlement.

Notre mission est de faire la promotion et d’assurer la protection des droits de la personne au Canada afin que chaque personne puisse vivre la vie qu’elle choisit, sans discrimination. Le projet de loi C-81 est un pas dans la bonne direction afin que chacun puisse, un jour, vivre sans obstacles.

Lorsque j’ai comparu devant le comité permanent de la Chambre des communes en octobre dernier, j’ai affirmé que la commission accueille favorablement ce projet de loi, que nous l’appuyons et que nous souhaitons qu’il soit adopté sans délai. Nous sommes toujours du même avis.

[Traduction]

Nous avions exposé dans leurs grandes lignes des recommandations qui, en présentant des solutions, contribueront, d’après nous, à rendre le projet de loi encore plus inclusif. Nous sommes heureux que certaines y aient été intégrées.

Nous nous réjouissons de ce que le projet de loi applique à l’accessibilité une approche globale, fondée sur les droits de la personne. Il reconnaît qu’un Canada exempt d’obstacles ne se limite pas aux environnements physiques, mais qu’il englobe aussi la technologie, les occasions d’emploi et les attitudes sociales, y compris les préjugés qui empêchent les personnes ayant une déficience intellectuelle, cognitive et une incapacité physique de jouer un rôle à part entière dans la société.

Voilà certaines des raisons de notre appui sans réserve au projet de loi C-81. Nous espérons son adoption rapide.

Je voulais aussi dire qu’il est également urgent que, en même temps qu’on adoptera le projet de loi, on promulgue rapidement des règlements pour en appuyer l’application.

Cette loi s’est longtemps fait attendre, et son élaboration a pris des décennies. Nous nous unissons aux milliers de Canadiens qui ne demandent qu’à la voir entrer en vigueur, mais cette loi historique sera vide de sens si un ensemble de règlements clairs ne vient pas transformer en action de simples intentions.

Nous invitons le gouvernement à agir rapidement en matière de réglementation. Nous serons heureux de donner, grâce à notre expertise, une portée considérable à l’application de cette loi.

Entre-temps, nous nous sommes déjà mis à l’ouvrage. C’était ce que je voulais finalement vous dire. Nous nous préparons déjà à la mise en œuvre.

Comme vous le savez, le projet de loi C-81, une fois adopté, élargira les rôles et responsabilités de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous nous en réjouissons et nous prenons déjà des mesures pour mettre de l’ordre dans nos affaires.

Nous avons aussi noué des contacts avec les quatre autres membres du Conseil des chefs des organismes fédéraux chargés de l’accessibilité : la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l’Office des transports du Canada et le Tribunal canadien des droits de la personne.

Ensemble, nous examinons une approche « sans fausse route » pour bien faire les choses et débarrasser le Canada de tous les obstacles pour tous les Canadiens.

En conclusion, le projet de loi bénéficie du plein appui de la commission. Nous sommes heureux d’apporter notre expertise aux discussions sur les prochaines étapes, la réglementation et la mise en œuvre complète. Tout au long du processus, nous espérons que les voix des personnes ayant une déficience continueront d’être entendues pour que cette loi historique reflète la diversité des personnes qu’elle est censée servir et protéger.

J’ai hâte de répondre à vos questions.

Scott Streiner, président et premier dirigeant, Office des transports du Canada : Je suis heureux d’être ici pour expliquer brièvement le mandat et les travaux de l’Office des transports du Canada en matière d’accessibilité et de répondre aux questions de votre comité.

[Français]

L’Office des transports du Canada, l’OTC, est le plus ancien organisme de réglementation et tribunal indépendant au Canada. Nous sommes là depuis 1904; nos responsabilités dans le domaine du transport accessible remontent à 1988 et constituent aujourd’hui un de nos trois mandats fondamentaux.

[Traduction]

Les Canadiens utilisent des services de transports pour aller au travail, visiter la famille, faire des affaires, voyager par plaisir, aller à l’école ou se faire soigner. Ces services doivent, dans toute la mesure du possible, être accessibles et faciles à utiliser pour les personnes handicapées comme pour les autres. L’accès à ces services n’est pas un privilège, mais un droit humain.

La vision de l’office est que notre système national de transport soit le plus accessible du monde. Vision ambitieuse, mais nous croyons que dans un pays fondé sur les valeurs d’égalité, de dignité et de solidarité entre tous, on ne peut pas aspirer à moins. L’office prend des mesures concrètes pour transformer cette vision en réalité.

Le 11 mars, nous avons publié dans la partie I de la Gazette du Canada, le projet de Règlement sur les transports accessibles pour les personnes handicapées. Nous en avons élaboré le texte, après deux années de consultations de groupes de défense des droits des personnes handicapées, de l’industrie et d’autres Canadiens intéressés. Ce règlement, polyvalent et exécutoire, résulte de la refonte et de la modernisation de deux règlements actuellement en vigueur et de six codes volontaires de pratique. Tout à fait par hasard, la période de consultation du public sur ce règlement se termine aujourd’hui.

L’office se propose d’examiner toutes les réactions qu’il aura reçues, de corriger au besoin le projet de règlement et de le publier dans la partie II de la Gazette du Canada avant l’été. Sa version définitive marquera le franchissement d’une étape importante pour les voyageurs handicapés.

[Français]

Bien qu’essentielle, une réforme réglementaire à l’échelle nationale ne suffit pas. S’ajoutent à ces efforts les travaux que nous avons entrepris en collaboration avec nos collègues de Transports Canada et Affaires mondiales Canada pour faire avancer la discussion sur les pratiques en matière d’accessibilité au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Le transport aérien, par sa nature, traverse souvent les frontières. Les Canadiens et les Canadiennes, valides et handicapés, et les compagnies aériennes canadiennes ont donc intérêt à ce que les moyens de rendre le transport aérien accessible soient aussi uniformes que possible partout dans le monde.

[Traduction]

Nous avons aussi convoqué un groupe formé de plusieurs parties intéressées qui examinera, en sus des exigences réglementaires, les difficultés que présentent le rangement et le transport des moyens d’aide à la mobilité sur les avions. Ces difficultés ne cessent de s’aggraver avec l’augmentation de taille de ces dispositifs et leur évolution technique. Ce groupe de travail se recrute parmi les défenseurs des droits des handicapés, les transporteurs aériens, les avionneurs, les fabricants d’aides à la mobilité, les préposés à la manutention terrestre et les fonctionnaires du Canada et de l’étranger. Il nous tarde de recevoir ses recommandations, promises pour plus tard, cette année.

[Français]

Enfin, l’OTC se prépare à mettre en œuvre la Loi canadienne sur l’accessibilité, et le projet de loi s’il est adopté par les deux Chambres du Parlement. Cette loi nous donnerait de nouveaux outils pour promouvoir l’accessibilité du réseau de transport national, y compris des pouvoirs d’enquête accrus, le pouvoir d’ordonner une indemnisation pour souffrance et douleurs et le pouvoir de mettre sur pied un programme d’aide financière pour les participants.

[Traduction]

Comme mes collègues l’auront remarqué, l’office collabore étroitement avec les organisations représentées ici, aujourd’hui, et avec le Tribunal canadien des droits de la personne. Tous, nous serons responsables, de diverses façons, de l’enquête et de l’examen des plaintes sur l’accessibilité. Nous sommes déterminés à harmoniser les modalités pour les personnes handicapées qui veulent porter plainte et à leur assurer une expérience « sans fausse route ».

Comme la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, ici présente, l’a fait remarquer, nous avons déjà créé le Conseil des chefs des organismes fédéraux chargés de l’accessibilité, pour piloter et orienter notre collaboration mutuelle. Nous avons aussi constitué plusieurs groupes de travail. Collectivement, nous sommes déterminés à assurer une mise en œuvre efficace et en douceur du projet de loi, s’il est adopté.

Je vous remercie de votre invitation. Nous avons hâte de répondre à vos questions.

Catherine Ebbs, présidente, Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral : Bonjour. Je vous remercie de votre invitation à venir parler de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

La commission est compétente en matière de relations de travail, d’arbitrage des griefs et de dotation en personnel dans la fonction publique fédérale et chez les employés du Parlement. Son mandat découle d’un grand nombre de lois et de règlements sous leur régime, notamment de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les lois que la commission administre touchent plus de 237 000 fonctionnaires fédéraux.

La commission applique diverses méthodes à la résolution des différends. Tribunal indépendant créé sous le régime d’une loi et à fonctions quasi judiciaires, elle fonctionne comme un tribunal et préside des audiences contradictoires, mais la plupart des cas dont elle est saisie ne se rendent pas jusque là. Pour les résoudre, elle emploie divers moyens de gestion des cas et d’autres mécanismes de résolution des différends, par exemple la médiation. La commission est déterminée à régler les différends de façon impartiale et équitable et à contribuer à l’instauration d’un milieu de travail productif et efficace dans la fonction publique fédérale, pour ses employés et leurs agents de négociation.

[Français]

Avant de parler du projet de loi C-81, j’aimerais souligner un aspect particulier de notre mandat qui est fort important aujourd’hui. Au moment de traiter les griefs et les plaintes en matière de dotation présentées par les employés du secteur public fédéral, la commission doit souvent se pencher sur des questions relatives aux droits de la personne et appliquer les dispositions relatives à la discrimination prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La déficience est l’un des motifs de distinction illicite énoncés dans cette loi.

[Traduction]

Le projet de loi C-81 prévoit l’adoption de règlements pour établir des normes d’accessibilité. Les personnes ayant subi des préjudices physiques ou psychologiques, dont les biens ont été endommagés ou qui ont subi une perte économique ou d’autres conséquences négatives du fait d’une contravention à une disposition des règlements en question pourront exercer des recours sous le régime de cette loi.

Le projet de loi C-81 institue un mécanisme général de recours dans lequel intervient le commissaire à l’accessibilité. Cependant, une exception est prévue pour les employés fédéraux et les employés du Parlement. Ils auront le droit de déposer des griefs en matière d’accessibilité et d’en saisir la commission. Obligation est faite d’assurer la notification du grief au commissaire à l’accessibilité.

De même, relativement aux questions de dotation en personnel dans la fonction publique fédérale, les employés pourront signaler les contraventions aux règlements sous le régime de la Loi canadienne sur l’accessibilité. La commission sera en droit d’interpréter et d’appliquer cette loi pour déterminer si la plainte est fondée. Obligation sera faite de notifier le dépôt d’une plainte au commissaire à l’accessibilité.

Non seulement la commission pourra-t-elle entendre les griefs en matière d’accessibilité, mais elle entendra aussi les demandes de pourvois contre les décisions prises par le commissaire à l’accessibilité à l’égard du personnel du Parlement que la Loi sur les relations de travail au Parlement prive de recours. Elle entendra aussi les appels contre les décisions prises par le commissaire à l’égard de plaintes du public touchant les normes d’accessibilité et les institutions parlementaires. La fonction d’appel est un nouveau cadre de procédures pour la commission.

L’obligation de collaborer est essentielle à la mise en œuvre réussie de la Loi canadienne sur l’accessibilité, comme l’ont déjà dit d’autres témoins ici présents. Elle exige, en partie, que chaque organisme chargé d’administrer la loi assure un accès à la tribune appropriée. Ce principe, qui fait partie d’une discussion approfondie sur l’accès à la justice, exige des organismes mandatés par la loi de n’oublier personne dans sa mise en œuvre. La commission est déterminée à collaborer avec ses partenaires pour assurer la mise en place de systèmes fonctionnels qui permettront aux particuliers d’exercer un recours dans l’instance appropriée.

Mes homologues et moi continuons de nous rencontrer. Je suis déterminée à assurer l’ancrage de ce principe à la commission et dans chaque organisme.

Finalement, la commission sera honorée d’administrer les mandats supplémentaires projetés, une fois le projet de loi adopté, pour qu’elle et la société canadienne puissent atteindre l’objectif d’assurer à tous les Canadiens un pays exempt d’obstacles.

Je vous remercie de votre invitation à venir témoigner devant vous.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Avant de débuter la période des questions, j’aimerais préciser que les témoins sont accompagnés d’une équipe d’experts. Si besoin est, ils seront invités à s’avancer à la table pour donner des précisions.

[Traduction]

Je rappelle à mes collègues que chaque intervenant dispose de cinq minutes pour ses questions, réponses comprises. Vu nos nombreux témoins, veuillez bien nommer celui que vous interrogez.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos exposés. Madame Laizner et monsieur Streiner, c’est à vous que je poserai ma question. Si nous avons le temps, peut-être que Mmes Ebbs ou Landry pourront formuler des observations.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences a demandé à l’ARCH Disability Law Centre de coordonner un groupe d’avocats, recrutés dans tout le Canada et spécialistes des droits des personnes handicapées, d’analyser le projet de loi C-81. Dans son rapport final, que j’ai sous les yeux, publié le 1er octobre 2018, ce centre signale notamment que :

Les membres de l’Office des transports du Canada et du CRTC sont nommés pour leurs compétences techniques et proviennent souvent du secteur. On avait donc l’impression que ces organismes possèdent peut-être des compétences en la matière, mais pas en matière de handicaps, d’accessibilité et de droits de la personne [...]

Qu’est ce que vous en pensez et comment assurerez-vous l’élaboration de normes d’accessibilité à travers le prisme des déficiences?

Mme Laizner : J’aimerais préciser au comité que le conseil a une direction générale de la politique sociale et des consommateurs. Son mandat est de promouvoir les intérêts de tous les Canadiens et, en particulier, des Canadiens qui ont des besoins en matière d’accessibilité. Nous avons des experts, des ingénieurs, des spécialistes en matière d’établissement des coûts et des personnes handicapées. Ce groupe est important, car lors de l’élaboration de normes liées au sous-titrage codé ou à la vidéodescription, nous faisons appel à son expertise.

Nous faisons également appel aux personnes et aux organismes que nous réglementons, ainsi qu’aux personnes qui profitent de ces règlements, pour collaborer à l’élaboration de ces normes dans le cadre de nos séances publiques.

Dans le domaine des télécommunications, nous avons un groupe de travail composé d’experts en services d’urgence qui travaillent ensemble sur des initiatives telles que les messages textes au 911. Dans la prochaine version de notre politique liée au 911, nous voulons offrir l’option d’échanger des messages textes en temps réel avec les intervenants des services d’urgence, c’est-à-dire qu’une personne pourra envoyer un message texte qui sera lu en temps réel par un téléphoniste du 911 sans avoir à presser un bouton pour l’envoyer.

Nous avons aussi le Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion dont les membres travaillent avec les radiodiffuseurs et les sociétés de télécommunications à l’élaboration de normes liées à des choses comme le 911. Nous menons également des efforts collaboratifs dans le domaine de la radiodiffusion. Nous avons actuellement un groupe de travail qui comprend des programmeurs de sous-titrage codé, des sous-titreurs, des radiodiffuseurs et des personnes qui utilisent le sous-titrage codé, afin d’étudier les problèmes liés au sous-titrage codé et d’élaborer des normes à cet égard.

La sénatrice Seidman : Vous dites qu’à votre avis, cela ne représente pas un problème. Vous avez la capacité nécessaire.

Mme Laizner : Non.

M. Streiner : Je vais rapidement vous donner une réponse directe à votre question. Je ne crois pas que nous ayons un problème, mais j’aimerais faire valoir quelques points à cet égard.

Tout d’abord, l’extrait que vous avez cité concerne les membres. J’aimerais souligner que les membres de l’OTC, comme tous les membres et les commissaires de ces différents organismes, je crois, sont nommés par le Cabinet. À titre de présidents et représentants principaux de ces organismes, nous ne contrôlons pas directement la nomination de ces membres.

Je peux vous assurer que dans le cadre du processus utilisé l’année dernière pour sélectionner un grand nombre des membres actuels de l’OTC, on a tenu compte de l’expertise en matière de droits de la personne et de l’expertise en matière d’enjeux liés à l’accessibilité.

Je peux également vous dire que lorsque nous prenons des décisions liées à des cas d’invalidité, nous examinons notre propre jurisprudence et la jurisprudence du Tribunal canadien des droits de la personne et des autres tribunaux dans le cadre d’une approche axée sur les droits de la personne.

De plus, nous avons, à l’interne, un centre d’expertise sur le transport accessible. En effet, nous avons créé, il y a trois ans, un nouveau centre d’expertise au sein de l’OTC. Les membres de ce groupe se concentrent exclusivement sur les enjeux liés à l’accessibilité. C’est ce groupe qui a mené les consultations et qui a élaboré les nouveaux règlements auxquels j’ai fait référence dans ma déclaration.

Enfin, dans le cadre de notre gouvernance, nous avons un comité consultatif sur l’accessibilité composé de représentants de la communauté des droits des personnes handicapées et de l’industrie que les autres membres et moi-même rencontrons au moins une fois par année.

Mme Landry : La Commission canadienne des droits de la personne croit fermement que tout le monde, et pas seulement les membres de la commission, doit se préoccuper des normes en matière d’accessibilité et de droits de la personne des Canadiens. Nous croyons que les problèmes devraient être résolus rapidement et facilement dès qu’ils surgissent. Cette approche sectorielle reconnaît l’expertise technique, mais comme je l’ai mentionné, nous avons tous la responsabilité de veiller à utiliser une approche axée sur les droits de la personne à l’égard des problèmes qui doivent être réglés.

Le sénateur Munson : Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Comme je suis le parrain du projet de loi, je lui donne manifestement mon appui. Étant donné mes antécédents, je ne peux pas m’empêcher de poser certaines questions. On insiste sur l’approche « sans fausse route », mais dans certains des groupes de défense des droits, il y a trop de routes à emprunter pour résoudre les problèmes. Certains des groupes de défense des droits parlent d’approches complexes et coûteuses qui créent de la confusion. D’autres ont dit que le projet de loi avait tort d’accorder des pouvoirs exclusifs à l’OTC, au CRTC, et cetera.

Je suis simplement curieux au sujet des changements. J’aimerais que les choses restent simples si possible. Quels seront les changements observés par une personne handicapée dans les jours suivant l’entrée en vigueur de cette loi? Je veux que le projet de loi devienne une loi, mais des amendements pourraient l’améliorer.

Si vous étiez une personne handicapée qui regarde l’audience d’aujourd’hui, je crois que vous vous diriez qu’un Canada sans obstacle est une très bonne chose, mais que vous vous demanderiez également quels seront les avantages concrets pour vous au bout du compte, et comment vous pourrez formuler des plaintes qui seront traitées rapidement et efficacement. Manifestement, il y avait des problèmes auparavant ou nous ne serions pas saisis de ce projet de loi aujourd’hui.

N’importe quel témoin peut répondre à cette question, mais j’aimerais beaucoup avoir une réponse.

Mme Ebbs : Qui aimerait répondre en premier?

M. Streiner : Collaborons.

Mme Ebbs : Eh bien, lorsqu’il s’agit de la législation liée à l’accessibilité, nous nous occupons des employés de la fonction publique fédérale. Si ce projet de loi devient une loi, il y aura des changements intéressants pour les employés de la fonction publique fédérale. Actuellement, si un fonctionnaire fédéral ayant un handicap demande la prise de mesures d’adaptation et n’est pas satisfait de la réponse de l’employeur, il peut déposer un grief qui suivra les étapes de la chaîne de commandement ministérielle. Ensuite, si le problème persiste, il peut être renvoyé au conseil.

Lorsqu’une plainte est déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le plaignant doit fournir de nombreuses explications. Il doit expliquer qu’il a un handicap. Il doit décrire les mesures d’adaptation demandées et les mesures que l’employeur a négligé de prendre et les raisons pour lesquelles elles auraient dû être prises.

Grâce à la loi sur l’accessibilité et à l’attention accordée à l’élimination des obstacles et à l’élaboration de normes, ce même fonctionnaire qui a un handicap pourra maintenant utiliser les normes comme preuve, ce qui lui facilitera la tâche pour expliquer la situation et la raison pour laquelle il juge que l’employeur n’a pas respecté ses droits garantis par la loi. Ainsi, une personne handicapée qui a demandé une mesure d’adaptation n’aura qu’à s’appuyer sur les normes en vigueur et affirmer qu’elles n’ont pas été respectées. Ce sera donc un changement positif pour les employés de la fonction publique fédérale.

Le sénateur Munson : Cela se fera-t-il rapidement?

Mme Ebbs : Oui, rapidement.

Le sénateur Munson : Les choses s’éternisent dans cette ville et les décisions ne sont pas prises rapidement. J’ai seulement appris cela après avoir passé 15 ans au Sénat. Ne croyez-vous pas que les normes dont vous parlez permettront d’accélérer l’accès à la justice et l’imposition de pénalités?

Mme Ebbs : Je ne suis pas du tout en désaccord avec cette affirmation. Nous faisons de notre mieux pour éliminer les retards.

M. Streiner : J’ai plusieurs points que j’expliquerai rapidement, sénateur.

Tout d’abord, nous reconnaissons tous que la politique « sans fausse route » doit avoir un sens concret. Ainsi, un Canadien handicapé qui présente une plainte à la mauvaise personne ou au mauvais organisme doit pouvoir être aiguillé directement, rapidement et sans problème vers l’organisme approprié et le trouver facilement. Nous nous sommes engagés à veiller à ce que ce soit le cas.

Ce ne sont pas des paroles en l’air. C’est l’engagement collectif pris par les dirigeants des cinq organismes concernés, afin de veiller à ce que ce soit l’expérience vécue par les Canadiens handicapés qui cherchent une solution.

Je vais rapidement énumérer plusieurs changements, car votre question portait sur les changements plus généraux qu’on pourra observer le jour de l’entrée en vigueur de la loi. Dans les cas de règlement de plaintes, les intervenants de l’OTC seront en mesure de vérifier si la loi a été enfreinte et d’examiner les préjudices ou les pertes économiques qu’une personne handicapée pourrait avoir subies à la suite de cette infraction.

Nous serons en mesure de lancer une enquête et un processus de règlement de plainte non seulement sur le fondement des plaintes, mais également de notre propre chef, sans que les Canadiens aient à présenter une plainte si nous croyons que nous avons un motif suffisant.

Nous aurons le même pouvoir que le Tribunal canadien des droits de la personne lorsqu’il s’agit d’accorder des dommages-intérêts, ce qui permettra d’uniformiser les recours prévus dans la Loi sur les transports au Canada et ceux prévus dans la Loi sur les droits de la personne.

Nous aurons le pouvoir d’établir un programme de financement des participants, afin que les Canadiens non handicapés qui n’ont pas les ressources nécessaires puissent présenter des plaintes.

Nous disposerons d’une série de nouveaux outils de conformité pour mener des enquêtes et veiller au respect des obligations législatives et réglementaires.

Le montant de la sanction administrative pécuniaire que nous pouvons infliger si nous déterminons qu’il y a eu infraction passera d’un maximum de 25 000 $ à un maximum de 250 000 $.

Ce sont donc cinq ou six changements importants que le projet de loi apportera à notre trousse à outils.

Le sénateur Munson : Merci.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Ma question s’adresse plus spécifiquement à M. Streiner et à Mme Laizner et se rapporte à la question des exemptions.

On sait que la partie 4 énonce les pouvoirs, mais le projet de loi offrirait au CRTC, à l’Office des transports du Canada et au ministre désigné en vertu de la Loi canadienne sur l’accessibilité, selon le cas, de dispenser un organisme, qui relève de leur compétence, de l’application des obligations en vertu de la loi s’ils le jugent nécessaire.

J’aimerais savoir comment et dans quelles circonstances vous jugeriez nécessaire d’exempter un organisme réglementé. De plus, le cas échéant, quelles mesures de rechange anticipez-vous ou imaginez-vous à ce stade pour combler les lacunes qui pourraient résulter du fait d’accorder une exemption?

Mme Laizner : Madame la sénatrice, je veux tout d’abord souligner que nous sommes un tribunal administratif. Nos décisions sont donc prises à la suite d’un processus transparent et ouvert. Nous avons des incidences. Nous recueillons la preuve sur le dossier, et les intervenants y incluent les demandeurs d’une exemption, mais aussi les gens qui seront affectés par une exemption. C’est un processus complètement ouvert.

Le projet de loi prévoit qu’il y aura peut-être des situations où il sera important d’accorder une exemption. Si, après avoir délibéré sur la preuve sur le dossier, les conseillers jugent qu’une exemption est nécessaire, l’ordre d’exemption sera publié. Les raisons pour lesquelles on accorde une exemption doivent également être publiées dans nos sites web. Les gens affectés ont plusieurs droits de recours, et le projet de loi vise à ce que les exemptions soient appliquées à court terme. Nous avons le pouvoir de raccourcir davantage la période d’exemption.

J’espère que cela répond à votre question.

M. Streiner : Merci de votre question. Premièrement, je pense qu’il est important de souligner que l’Office des transports du Canada a maintenant le droit et la possibilité d’accorder une exemption. Toutefois, même s’il a le droit et la possibilité de le faire depuis 1988, cet outil n’a jamais utilisé. Je pense que cela prouve que ce n’est pas quelque chose que nous ferons facilement, sans preuve ou sans raison.

Si j’ai bien compris, les nouvelles dispositions, en ce qui concerne les exemptions, se basent sur le principe de « meet or beat », ce qui veut dire que l’organisme réglementaire nous montre qu’il y a des façons de mettre en œuvre les objectifs de la loi, mais de manière différente que les prescriptions réglementaires.

C’est la question qui est importante pour nous. Si on réussit à nous convaincre que les manières alternatives sont efficaces, nous allons considérer l’exemption.

La sénatrice Forest-Niesing : Madame Laizner, j’aurais une question de suivi. Vous avez parlé du fait que vous êtes un tribunal administratif. Donc, si quelqu’un voulait remettre en question une décision, il s’agirait d’une révision judiciaire. Je suis plus particulièrement préoccupée par la durée et la complexité d’une révision judiciaire. Avant qu’on en arrive à ce point, est-ce que, en anticipant l’application d’une exemption, vous avez l’intention de combler, par des mesures alternatives, les lacunes qui pourraient être créées par l’exemption accordée, même si cela pourrait léser certains individus?

Mme Laizner : Il y a toujours des options alternatives, comme les consultations ou les groupes de travail, mais il faudrait étudier davantage la situation.

Il est un peu difficile d’évoquer des hypothèses. Pour moi, il est important de bien connaître la demande et les raisons, de savoir si l’exemption est bien fondée et d’être au courant des interventions. Parfois, avec ce genre de choses, il est préférable de chercher à obtenir un meilleur résultat au lieu de faire les choses à moitié. C’est donc une question que nous allons examiner très attentivement. Comme l’a affirmé le président de l’Office des transports du Canada, nous ne sommes pas là simplement pour accorder des exemptions à la suite d’une demande.

[Traduction]

La sénatrice Poirier : J’aimerais remercier les témoins de leur présence et de leur témoignage. Je vous laisse décider qui répondra à ma première question, car je crois qu’elle vous concerne tous.

Le projet de loi C-81 propose de confier le traitement de toutes les plaintes à quatre organismes. Le projet de loi modifiera-t-il la façon dont ces organismes traitent les plaintes? À votre avis, le projet de loi C-81 permettra-t-il d’améliorer le traitement des plaintes?

Mme Landry : L’approche qu’utilise la Commission canadienne des droits de la personne depuis de nombreuses années fait passer les gens avant le processus. C’est très important pour nous.

Nous nous sommes certainement engagés à améliorer le processus qui suit la réunion tenue par les cinq organismes, afin que personne ne passe entre les mailles du filet et que les plaintes soient traitées aussi rapidement que possible selon les besoins des plaignants.

Comme l’une de mes collègues l’a mentionné, nous nous sommes réunis à deux reprises. Nous avons également un groupe de travail. Les membres de ce groupe travaillent ensemble pour déterminer comment nous pouvons améliorer la façon dont nous collaborons pour réussir à bâtir un Canada sans obstacle pour les personnes handicapées.

La sénatrice Poirier : Si je comprends bien, vous dites que le projet de loi C-81 améliorera ce processus.

Mme Landry : Il améliorera certainement le processus. Même si nous avons déjà commencé à travailler tous ensemble, cela améliorera le processus.

La sénatrice Poirier : Les témoins qui seront à l’aise de répondre à ma prochaine question pourront y répondre.

La semaine dernière, lorsque la ministre et un témoin du Secrétariat de l’accessibilité ont comparu, j’ai posé une question sur les 290 millions de dollars en financement sur six ans. Ils nous ont mentionné que le financement accordé à l’Office des transports du Canada, plus précisément les 2,5 millions de dollars, s’étalait sur deux ans. Toutefois, ils n’ont pas parlé du CRTC, de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique ou de la Commission canadienne des droits de la personne.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi l’OTC recevra du financement, alors que les trois autres organismes n’en recevront pas? Pourquoi le financement n’est-il pas accordé à tous ces organismes?

Mme Laizner : En fait, la majorité des activités du CRTC et des règlements qu’il prend dans le domaine des télécommunications et de la radiodiffusion sont financés par l’industrie. Il s’agit en grande partie d’un organisme financé par les utilisateurs.

Lorsque nous entrerons dans la période de mise en œuvre de la Loi canadienne sur l’accessibilité et que nous tiendrons nos audiences, les représentants de l’industrie seront présents. Dans notre cas, nos activités liées à la mise en œuvre de cette loi sont généralement financées par l’industrie.

Cela dit, personne n’a jamais refusé d’argent, mais cela pourrait expliquer la différence observée. Je ne peux pas parler pour mon collègue de l’Office des transports du Canada, mais cela pourrait vous aider à mieux comprendre la situation.

La sénatrice Poirier : En juin 2016, le gouvernement a entamé un processus de consultations publiques et ses représentants ont rencontré des Canadiens de partout au pays pour connaître leur vision de l’accessibilité au Canada.

Vos organismes ont-ils été consultés au sujet du projet de loi C-81? Si oui, pourriez-vous indiquer au comité si on a tenu compte des contributions de vos organismes dans la rédaction du projet de loi?

M. Streiner : Je répondrai au nom de l’OTC. La réponse à la question de savoir s’il y a eu des discussions entre les représentants de la ministre Qualtrough et les intervenants de l’OTC pendant la rédaction du projet de loi est affirmative.

Le processus qui englobe la présentation d’une proposition au Cabinet aux fins d’examen et, au bout du compte, la présentation du projet de loi est visé par la politique de la confidentialité des documents du Cabinet. Je peux dire que l’OTC a formulé des recommandations liées à sa trousse à outils en vue de favoriser l’accessibilité, et que ces recommandations ont notamment été versées au dossier public.

Ces recommandations, qui visent notamment l’uniformisation des recours que nous pouvons accorder avec ceux de la Commission des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne, ont été prises en considération dans le libellé du projet de loi.

La sénatrice Poirier : Est-ce la même chose pour les autres organismes?

Mme Landry : Je répondrai au nom de la Commission canadienne des droits de la personne. On nous a certainement consultés tout au long du processus, car il était très important d’adopter une approche axée sur les droits de la personne dans la rédaction de ce projet de loi. Nous avons donc visiblement été consultés.

La sénatrice Poirier : Vos recommandations et vos observations ont-elles été prises en compte par ces intervenants?

Mme Landry : Oui.

La sénatrice Poirier : Excellent. Merci.

La sénatrice Eaton : Pour revenir sur le projet de loi du sénateur Munson et de la sénatrice Poirier, cela améliorera le processus, mais cela le rendra-t-il plus facile à utiliser? Par exemple, je vois que vous êtes tous alignés; notre pays est loin d’avoir éliminé le cloisonnement.

Si j’étais une personne handicapée et que je souhaitais présenter une plainte, pourrais-je le faire sur un site web que vous utilisez tous? Pourrais-je trouver les instructions sur Internet? Si je vous téléphonais, pourrais-je trouver, à l’autre bout du fil, une personne formée qui serait en mesure de m’indiquer que mon cas relève de la Commission des droits de la personne ou de l’Office des transports du Canada ou de Mme Ebbs, car je suis fonctionnaire? Avez-vous mis ces types de mécanismes en œuvre?

[Français]

Mme Landry : C’est une des choses qui sont extrêmement importantes. Je sais que c’est le cas pour mes collègues, qui l’ont mentionné quand nous nous sommes rencontrés à deux reprises, et c’est tout aussi important pour la Commission canadienne des droits de la personne. Moi, à titre de chef...

La sénatrice Eaton : Mais est-ce que c’est fait ou si c’est sur le point d’être mis en œuvre?

Mme Landry : Oui, tout à fait. Même dans la pratique actuelle, dans le traitement des dossiers de plaintes, il m’est arrivé de transférer des dossiers directement à certains de mes collègues lorsqu’on se rendait compte qu’il ne s’agissait pas de la bonne juridiction, et ce, pour nous assurer que le plaignant recevrait l’aide à laquelle il avait droit.

La sénatrice Eaton : Avez-vous un site web en commun?

Mme Landry : À l’heure actuelle, la Commission canadienne des droits de la personne a un site web avec une plateforme en ligne, et nous avons discuté ensemble, entre les différents partenaires, de la façon dont tout le monde pouvait tirer profit de l’expertise qu’avait développée la Commission canadienne des droits de la personne en mettant le site en ligne avec tous les renseignements disponibles.

La sénatrice Eaton : Y aura-t-il un numéro de téléphone ou quatre numéros de téléphone?

Mme Landry : Ce qui est important, madame la sénatrice, c’est que les gens qui ont besoin de soutien de la part de l’une de nos organisations ne tombent pas dans l’oubli et qu’ils ne se trompent pas de porte, et que, si jamais c’est le cas, ils reçoivent ce soutien.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Si je suis une personne handicapée, où dois-je chercher? En me rendant sur le site web, je vais trouver un numéro de téléphone. La personne qui répondra me dira à qui je dois m’adresser. J’espère que je n’aurai pas à frapper à quatre portes différentes ou à passer par quatre ou cinq sites web. L’un de vous me dira, animé des meilleures intentions : « Non, vous devez vous adresser à Mme Laizner. » Une fois rendue à Mme Laizner, j’entendrai : « Non, en fait, votre dossier relève du service des droits de la personne. »

Nous avons vécu la même chose avec Phénix et avec l’ARC. Ne serait-ce pas plus facile s’il y avait un seul numéro de téléphone qui donnait accès à des agents formés?

Mme Laizner : Nous déployons certainement des efforts pour travailler ensemble. Ce que le projet de loi garantit, c’est que les personnes qui appellent ne seront pas envoyées ailleurs. La réponse sera…

La sénatrice Eaton : À moins qu’elles vous trouvent.

Mme Landry : Elle nous trouveront.

Mme Laizner : « Dites-moi quel est votre problème et je vais faire le nécessaire pour que votre dossier se rende au bon endroit. » C’est notre engagement.

Mme Landry : Exactement.

La sénatrice Eaton : Si je suis fonctionnaire et j’ai un problème, je dois présenter un grief, n’est-ce pas? Pourquoi pas une plainte?

Quelle est la différence, s’il y en a une, entre une plainte et un grief?

Mme Ebbs : Le grief est le processus déjà en place dans le secteur public fédéral. Lorsqu’on dit que les fonctionnaires s’adresseront à la commission plutôt qu’au commissaire à l’accessibilité, ce sera au moyen d’un grief.

Dans notre cas, un grief est utilisé lorsqu’une personne croit qu’un employeur a transgressé une norme.

La sénatrice Eaton : C’est plus ou moins juste une question de vocabulaire.

Mme Ebbs : Plus ou moins, oui. Notre processus est un peu différent parce que nous sommes un tribunal qui reçoit des griefs. Nous sommes des décideurs qui écoutent les parties et qui prennent des décisions. Le commissaire à l’accessibilité procédera un peu différemment, mais le résultat sera que toutes les parties seront entendues. Nous comprendrons la préoccupation et nous prendrons une décision en conséquence.

La sénatrice Omidvar : Je comprends très bien l’argument relatif à la fausse route ou à la porte unique. Comme vous le savez tous, nous nous sommes installés dans cet édifice il y a moins d’un mois. Les portes sont nombreuses. Je n’arrête pas de passer par des portes différentes et de me perdre. C’est pour cette raison que je suis en retard, et je déteste être en retard à tout. Je comprends la proposition de la sénatrice Eaton de mettre en place une seule porte donnant accès aux autres.

Ma question est fondée sur une lettre que nous avons tous reçue concernant la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario. Il est écrit dans cette lettre que le projet de loi ne devrait pas conférer de pouvoirs exclusifs sur l’accessibilité à des organisations sous réglementation fédérale dans différentes industries, à l’OTC et au CRTC. Toujours selon cette lettre, vous détenez ces pouvoirs depuis de nombreuses années, votre bilan en matière d’accessibilité laisse à désirer, votre relation avec l’industrie est trop étroite, vous manquez d’expérience, et les industries qui sont sous réglementation fédérale sont très heureuses de l’être étant donné vos antécédents inadéquats au chapitre de la réglementation sur l’accessibilité.

Madame Laizner et monsieur Streiner, j’aimerais entendre vos réactions à ces critiques plutôt virulentes.

M. Streiner : Je pense que j’ai entendu deux questions, une sur la politique « sans fausse route » et une sur les antécédents de l’OTC. Je vais répondre à la deuxième question en premier.

En réalité, je suis très fier du bilan de l’Office des transports du Canada. Le Canada est le seul pays au monde à avoir adopté la règle « une personne, un tarif ». En vertu de cette règle, si une personne doit voyager par avion et a besoin d’un siège supplémentaire à cause de son handicap, par exemple, pour être accompagnée par un préposé ou par son chien d’assistance, elle obtient ce siège gratuitement. Nous sommes le seul pays au monde à appliquer cette politique, et c’est le résultat d’une décision prise dans une affaire entendue par l’Office des transports du Canada.

Cette affaire portait sur des transporteurs aériens donnés, mais le règlement que nous avons prépublié sous forme d’ébauche le 11 mars rendra la règle applicable à l’ensemble des transporteurs aériens faisant affaire au Canada.

C’est là un des nombreux exemples des façons dont l’OTC a fait avancer le dossier de l’accessibilité. J’ai parlé, dans ma déclaration préliminaire, de notre vision, qui est de rendre le réseau national de transport du Canada le plus accessible au monde. Dans une affaire concernant l’accessibilité des voitures de VIA Rail, la Cour suprême du Canada a reconnu notre expertise en tant que tribunal des droits de la personne responsable de l’accessibilité dans le domaine des transports. Selon la Cour suprême, les connaissances de l’OTC sur l’industrie des transports en font l’organisme approprié pour faire progresser les droits des personnes handicapées en matière d’accessibilité. Je suis très fier et heureux de défendre le bilan de l’OTC à ce chapitre.

En ce qui concerne la politique « sans fausse route », vous et d’autres sénateurs avez soulevé la question. Vous avez devant vous quatre organisations déterminées à faire en sorte que personne ne perde son temps à frapper aux mauvaises portes, comme vous l’avez vécu dans ce nouvel édifice.

La seule raison pour laquelle aucun d’entre nous ne vous a donné de réponse précise à certaines de vos questions, c’est que nous venons tout juste d’amorcer la discussion. Comme ma collègue l’a dit, nous avons parlé de la possibilité d’un site web unique. La Commission des droits de la personne et l’OTC ont déjà signé un protocole d’entente en vertu duquel quiconque s’adresse à l’une de nos organisations sera transféré à l’autre immédiatement, le cas échéant, sans aucune difficulté.

Nous sommes déterminés à transformer cette politique en pratique. Nous n’avons tout simplement pas encore tous les détails de la façon dont nous y arriverons, mais nous les aurons dans quelques mois. Nous comprenons et nous partageons les préoccupations qui ont été soulevées par le milieu des personnes handicapées et par les sénateurs.

Mme Laizner : Oui, merci pour la question. À vrai dire, je suis très fière de ce que nous accomplissons dans le domaine de l’accessibilité, mais il est toujours possible de faire mieux.

Comme vous le savez, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications font actuellement l’objet d’un examen législatif. Dans le mémoire que nous avons soumis au comité chargé de cet examen, nous avons suggéré que le gouvernement considère la possibilité de faire de l’accessibilité un objectif stratégique en vertu de ces lois afin d’élargir notre mandat dans ce domaine.

Nous avons aussi demandé des outils qui nous permettraient d’accorder, dans le secteur de la radiodiffusion, des réparations équivalentes à celles prévues par la Loi sur les télécommunications, qui contient un régime de sanctions administratives pécuniaires.

Nous travaillons avec toutes les personnes touchées. Nous travaillons avec les personnes malentendantes, sourdes ou atteintes de troubles de la parole, ainsi qu’avec les parties prenantes.

Je pense que la ministre Qualtrough a expliqué que la raison pour laquelle la loi confie la responsabilité de certains secteurs aux organisations représentées ici aujourd’hui, c’est que nous possédons des compétences spécialisées.

Dans le cas du CRTC, nous réglementons les industries des télécommunications et de la radiodiffusion depuis plusieurs décennies. Nous n’avons pas à partir de zéro ou à réinventer la roue. Nous avons des instances publiques. Nous avons des exigences en matière d’accessibilité des documents. Nous fournissons des services d’interprétation simultanée. Notre site web contient un guide qui explique comment participer à une instance publique en langue des signes québécoise. Nous possédons des compétences qui nous permettront de répondre rapidement aux exigences prévues par la nouvelle loi, ce qui est important pour en assurer le succès.

La sénatrice Moodie : Certains intervenants soutiennent que le projet de loi est faible parce qu’il n’oblige pas le gouvernement à utiliser les pouvoirs qu’il détient ou qui lui sont accordés en vertu du projet de loi pour promouvoir l’accessibilité. Selon eux, le devoir du gouvernement d’agir devrait être obligatoire et non facultatif.

À votre avis, le devoir du gouvernement d’agir devrait-il être obligatoire ou facultatif? Quelle est votre opinion à ce sujet? Le projet de loi devrait-il aller plus loin?

Keith Smith, directeur général intérimaire, Politiques et communications, Commission canadienne des droits de la personne : Nous avons examiné le projet de loi de très près. Lorsque Mme Landry a témoigné devant le comité de la Chambre des communes, nous avons proposé des amendements, dont certains ont été intégrés au projet de loi.

D’après moi, les outils qui seront mis à la disposition du commissaire à l’accessibilité seront suffisants pour répondre de manière assez profonde aux problèmes d’accessibilité.

Nous sommes généralement satisfaits du contenu du projet de loi C-81.

Mme Laizner : En notre qualité de tribunal administratif, nous appliquons les lois qui nous confient un mandat dans certains domaines. Nous ne nous prononçons pas sur les choix du gouvernement en matière de politiques, mais nous voyons d’un bon œil l’approche proactive proposée par le projet de loi.

Nous sommes prêts à nous acquitter du rôle que le projet de loi nous confère et nous croyons qu’il s’agit d’une mesure positive.

M. Streiner : Je vais me faire l’écho de ma collègue. Trois d’entre nous représentent des tribunaux administratifs, et notre rôle n’est pas d’émettre des avis sur les choix du gouvernement en matière de politiques. Il serait donc inapproprié pour moi d’exprimer une opinion à ce sujet.

Le sénateur Kutcher : Merci pour vos témoignages. Je vais commencer par faire une observation. Depuis des dizaines d’années, le système de santé mentale dit aux gens qu’il n’y a pas de mauvaise porte à laquelle frapper, et les gens demandent au système de santé mentale de mettre en place une seule porte d’entrée. Cela donne matière à réflexion.

Madame Landry, vous avez dit que certaines de vos recommandations avaient été intégrées au projet de loi C-81. Parmi celles qui ne l’ont pas été, lesquelles voudriez-vous que nous examinions?

Mme Landry : Les amendements les plus importants proposés par la Commission canadienne des droits de la personne ont été apportés au projet de loi. Nous exhortons le comité à faire en sorte que le projet de loi soit adopté dès que possible.

Il s’agit d’un projet de loi très important. Nombre des amendements ou des suggestions que la commission a présentés pourront être intégrés au règlement à venir. Un des amendements que nous avons proposés garantit que le gouvernement adoptera le règlement compris dans le projet de loi C-81.

Nous sommes aussi d’avis que l’examen quinquennal donnera à tous la possibilité de faire des suggestions qui permettront d’améliorer la loi.

Si nous attendons que le projet de loi soit parfait, nous n’atteindrons pas notre objectif de faire du Canada un pays exempt d’obstacles. J’espère que j’ai répondu à votre question. C’est la réponse que je peux vous donner. J’exhorte le comité à faire adopter le projet de loi le plus rapidement possible, pour le bien des Canadiens et pour la création d’un Canada exempt d’obstacles.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’aimerais savoir comment vous évaluez les mesures d’accessibilité actuelles : diriez-vous qu’elles sont acceptables, insuffisantes ou nettement insuffisantes? Quelle que soit votre évaluation, une fois le projet de loi C-81 adopté, qu’apportera-t-il de plus aux mesures qui existent déjà?

Mme Landry : Merci de votre question, madame la sénatrice. L’objectif du projet de loi C-81 est d’établir des normes. Ce qui existait auparavant, c’était un processus de plaintes. Ainsi, lorsqu’une personne faisait face à une situation de discrimination, individuelle ou systémique, elle pouvait porter plainte — et elle peut toujours porter plainte — à la Commission canadienne des droits de la personne. La commission étudie le dossier, l’évalue et le transmet au tribunal; le cas échéant, le tribunal détermine s’il y a ou non discrimination, tout en proposant des solutions appropriées pour traiter la situation.

Ce que propose le projet de loi C-81, c’est d’imposer la mise en place de normes qui devront être respectées. Il prévoit aussi un processus de plaintes pour traiter les cas de non-respect de ces normes par les employeurs et les organisations. À mon avis, ce sont deux lois qui sont parfaitement complémentaires, extrêmement importantes et qui apportent des avantages bien différents. Ces lois sont fort bien interreliées. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

La sénatrice Mégie : Pas tout à fait, mais je vais la poser à un autre groupe de témoins.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Je suis aussi membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. J’aimerais pouvoir vous emmener tous les deux au comité suivant et vous garder toute la journée.

Mes collègues vous ont posé toutes les questions que j’avais sur la réglementation, l’application et tout le reste. J’ai une question pour vous deux, mais surtout pour M. Streiner. Parlez-moi des lacunes qu’il y a dans vos industries sur le plan de l’accessibilité, particulièrement dans le domaine des transports, qui comprend une si grande variété de trains, de bateaux, d’avions et de drones. Je ne peux même pas imaginer toutes les autres technologies qui sont offertes.

Pouvez-vous me parler des lacunes qu’il y a dans l’industrie et chez les organismes que vous réglementez?

M. Streiner : Je devrais probablement commencer par dire que je vais donner quelques exemples, mais que dans chaque secteur de l’industrie des transports, certains fournisseurs de services font du travail remarquable, tandis que d’autres ont plus de difficultés. Par nature, de telles généralisations ne s’appliquent pas à l’ensemble des cas. Avant de répondre, je précise que je vais donner des exemples de secteurs où il y a des lacunes, mais que cela ne veut pas dire que l’industrie ne compte pas de chefs de file qui font du bon travail.

J’ai déjà mentionné un exemple dans une réponse précédente. Nous avons la politique « une personne, un tarif », qui, en vertu d’une décision antérieure, est applicable seulement à quelques transporteurs aériens. Un des avantages des régimes de réglementation, y compris la réglementation que nous sommes dans le processus d’achever, c’est qu’ils permettent d’améliorer l’uniformité.

Une plus grande uniformité est avantageuse pour les personnes handicapées parce qu’elle leur permet de vivre la même expérience sur le plan de l’accessibilité, peu importe avec qui elle voyage. L’uniformité est aussi avantageuse pour l’industrie parce qu’elle crée des conditions de concurrence équitables. Ainsi, aucun fournisseur n’est désavantagé économiquement parce qu’il offre des services plus accessibles.

Le nouveau règlement comblera les lacunes dans ce secteur et ailleurs en rendant universelles les normes qui ont été adoptées en vertu de la décision antérieure et qui sont seulement applicables aujourd’hui à quelques fournisseurs de services. Voilà le premier exemple.

Le deuxième exemple que je vais donner concerne l’assistance à l’intérieur des aéroports pour les voyageurs qui utilisent des aides à la mobilité, en particulier des fauteuils roulants, mais aussi pour les voyageurs aveugles ou autres. Même les personnes n’ayant pas de handicap ont parfois de la difficulté à trouver leur chemin à l’intérieur des aéroports. Bien sûr, dans certains cas, des personnes handicapées ont besoin d’aide pour se rendre jusqu’à la porte.

On a porté à notre attention des situations dans lesquelles il y a eu de la confusion entre l’aéroport, le transporteur aérien et le voyageur quant à qui devait fournir l’assistance. Des personnes ont fini par ne pas recevoir en temps opportun l’aide dont elles avaient besoin. Le nouveau règlement stipule clairement qui est responsable de faire quoi. C’est une des lacunes que nous tentons de corriger au moyen de la réglementation.

Le troisième exemple que je vais donner est lié aux communications. Lorsqu’on pense à la prestation de services dans le secteur des transports, ce qui nous vient à l’esprit, ce sont des choses comme faire monter des fauteuils roulants à bord d’avions ou de voitures de train. Or, sur le plan de la sécurité, les communications sont aussi absolument cruciales. Si un vol est retardé ou si une personne essaie de trouver la bonne file de l’ASFC, elle doit savoir ce qui se passe.

Il est essentiel de fournir des communications dans des formats accessibles, mais la réalité est que cela n’a pas toujours été fait par le passé. Là aussi, nous utilisons le processus de réglementation et les directives que nous donnons à l’industrie pour faire en sorte que les voyageurs handicapés aient accès à des communications dans des formats accessibles à tous pendant la durée de leur voyage.

La sénatrice Dasko : Madame Laizner, je sais que c’est une industrie très différente, mais quelles sont les lacunes à l’heure actuelle?

Mme Laizner : Je pense que la principale lacune que nous essayons de corriger à l’heure actuelle, c’est le déploiement de services Internet à large bande dans les collectivités rurales et éloignées.

Je vous ai parlé de notre service de relais vidéo, où les gens peuvent communiquer par vidéoconférence en langage des signes et par téléphone. S’ils n’ont pas accès à Internet pour se livrer à ces activités, c’est un problème.

Le CRTC a créé un fonds de 750 millions de dollars pour déployer des services à large bande dans les collectivités rurales et éloignées. Nous accepterons des soumissions pour la mise en place de services à large bande dans ces collectivités éloignées, car notre objectif est d’étendre ces services à l’ensemble du pays de manière à ce que tout le monde puisse participer pleinement à la société. C’est là où nous voyons des failles notamment.

Je vais vous donner un autre exemple. Nous avons tenu notre audience sur les pratiques de vente trompeuses ou agressives à l’automne dernier. Nous avons entendu les témoignages de personnes sourdes ou malentendantes, qui nous ont dit que même si le CRTC a ordonné, que certains rabais devraient leur être accordés — et les services de télécommunications le savent —, ces directives n’ont pas toujours été adéquatement communiquées aux vendeurs.

La personne qui doit avoir accès à ces rabais se présente à un comptoir dans un centre commercial, et ce n’est pas dans la liste d’options que le vendeur peut lui offrir. Il y a une lacune, et c’est la raison pour laquelle, à mon avis, cette mesure législative est si importante, car elle oblige ces entreprises à élaborer un plan, des rapports d’étape et des mécanismes de reddition de comptes.

Cela fait partie de la trousse d’outils pour éviter ces lacunes et pour veiller à ce que les vendeurs soient adéquatement formés pour savoir que les personnes handicapées ont des droits en vertu des politiques et des règlements du CRTC. C’est un secteur où, à mon avis, cette mesure législative peut être utile.

La présidente : Merci.

[Français]

Sur cette note, j’aimerais remercier nos témoins de leurs réponses. Merci à tous de votre collaboration à cette réunion.

Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes seulement, le temps d’installer nos prochains témoins.

Merci beaucoup.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.

[Traduction]

J’aimerais présenter nos prochains témoins et leur souhaiter la bienvenue.

Nous sommes ravis d’accueillir Bill Adair, directeur général, Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité; Kerri Joffe, avocate-conseil, ARCH Disability Law Centre; et Steven Estey, agent des relations gouvernementales et communautaires, Conseil des Canadiens avec déficiences.

Nous allons commencer avec vous, monsieur Adair.

Bill Adair, directeur général, Lésions Médullaires Canada, Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité : Avant de commencer, j'aimerais vous signaler que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.

C’est un honneur de comparaître devant ce comité en tant que représentant de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité, une coalition de 94 organisations liées aux personnes handicapées et de plus de 1 300 personnes.

L’ALFA a été formée par sept organisations : Lésions Médullaires Canada, l’Association canadienne des sourds, l’Association des femmes autochtones du Canada, Accès troubles de la communication Canada, le Réseau autochtone de la Colombie-Britannique sur les personnes handicapées, le Conseil des Canadiens avec déficiences et l’Association des malentendants canadiens.

Ce sont nos sept organisations et l’Assemblée des Premières Nations qui ont tenu des consultations avant la rédaction du projet de loi C-81. Une grande partie de la contribution de nos organisations était incluse dans le projet de loi C-81. C’est ainsi que nous savons que le projet de loi C-81, dans son état actuel, est un bon projet de loi.

Nous savons comment rendre le projet de loi C-81 plus fort et plus efficace. Nous vous avons envoyé nos 11 recommandations pour améliorer le projet de loi C-81. Elles sont incluses dans la trousse que vous avez reçue aujourd’hui.

Nous voudrions souligner deux de ces recommandations. Premièrement, nous voulons que le projet de loi C-81 reconnaisse l’ASL et le LSQ comme étant les langues des sourds au Canada. Nous ne demandons pas le statut de langue officielle. Nous demandons que la langue des signes soit incluse dans le projet de loi C-81.

Voici pourquoi. S’il n’y avait pas d’interprétation en langage des signes aujourd’hui, une personne sourde dans cette salle n’aurait pas connaissance de mes remarques et de la discussion qui suivra. Cela est vrai pour toutes les audiences publiques. En fait, le nom même sous-entend que ces réunions sont destinées à ceux qui peuvent entendre.

Qui plus est, si une catastrophe survenait soudainement, une personne sourde n’aurait pas accès à des renseignements pouvant lui sauver la vie. Ce fut le cas récemment à l’aéroport Pearson lorsqu’un incendie s’est déclaré.

Assurez-vous que le projet de loi C-81 intègre bien l’ASL et le LSQ de manière à ce que les entités sous réglementation fédérale s’attendent à ce qu’elles fournissent des ressources et des renseignements d’actualité dans les langues des signes.

Deuxièmement, nous souhaitons que le projet de loi C-81 vise à aider les personnes confrontées à des formes multiples et croisées de marginalisation et de discrimination. Ce sont les membres de notre communauté qui sont, par exemple, des chefs de famille monoparentale handicapés qui ne peuvent pas avoir un logement stable parce qu’ils n’ont pas de travail, et qui ne peuvent pas obtenir de travail parce qu’ils n’ont pas d’adresse. Les conditions de vie peuvent également être touchées par l’orientation sexuelle, la culture et la couleur de la peau.

L’ALFA recommande que le projet de loi C-81 renferme un libellé plus clair pour traiter de l’intersectionnalité. Pour ce faire, on peut ajouter à la définition de celles qui sont énoncées dans les principes directeurs de la loi, la phrase « y compris les personnes qui subissent l’effet cumulatif de formes multiples de marginalisation et de discrimination ». Nous vous demandons d’apporter cette modification au projet de loi C-81.

Vous avez peut-être entendu des gens qui disent que le projet de loi C-81 est trop faible et qu’un projet de loi aussi faible est pire que de ne pas avoir de projet de loi. Nous ne sommes pas d’accord. Il s’agit d’une loi historique qui enrichira la vie des 7 millions de personnes handicapées au Canada, mais également de leur famille, de leurs amis et de leurs collègues.

Le Canada, dans son ensemble, s’en tirera mieux si nous augmentons le nombre de contribuables en augmentant les emplois, ce qui réduit la dépendance à l’égard des prestations d’aide sociale et des paiements d’invalidité du gouvernement. Lorsque plus de gens ont de l’argent à dépenser, cela renforce l’économie.

Nous savons tous que si le projet de loi C-81 n’est pas adopté par le Sénat et ne reçoit pas la sanction royale avant les prochaines élections fédérales, il faudra plusieurs années avant que le Canada ne se rende compte des avantages d’améliorer l’accès et l’inclusion. Nous voulons que le Parlement adopte le projet de loi C-81.

Nous ne disons pas qu’un projet de loi imparfait vaut mieux qu’aucun projet de loi. Nous disons que le projet de loi C-81 aura une incidence extrêmement positive sur toutes les personnes vivant au Canada et qu’il mérite d’être promulgué.

Nous savons que chacun de vous a reçu plus de 1 340 lettres de la communauté de l’ALFA. Cela témoigne de l’appui considérable des personnes handicapées à l’égard de la Loi canadienne sur l’accessibilité et de nos attentes quant à l’adoption de ce projet de loi. Le moment est venu de faire avancer les choses. Nous voulons la Loi canadienne sur l’accessibilité. Merci beaucoup.

Kerri Joffe, avocate-conseil, ARCH Disability Law Centre : Je suis ici au nom d’ARCH Disability Law Centre, une clinique juridique spécialisée dans les droits des personnes handicapées.

ARCH a participé aux consultations qui ont donné lieu à l’élaboration du projet de loi C-81, et nous avons travaillé en étroite collaboration avec les communautés de personnes handicapées au Canada pour appuyer les efforts afin de renforcer ce projet de loi.

Nous félicitons le gouvernement et le ministre d’avoir présenté le projet de loi, une mesure importante et positive pour favoriser l’inclusion complète des personnes handicapées au pays. Cependant, nous estimons que des amendements au projet de loi sont essentiels pour bâtir un Canada exempt d’obstacles. J’aimerais me concentrer sur trois de ces amendements ce soir.

Premièrement, il y a les amendements pour obliger le gouvernement à mettre en place des mesures d’accessibilité. De nombreuses dispositions du projet de loi utilisent le terme permissif « peut ». L’effet juridique est de conférer au gouvernement et à d’autres entités les pouvoirs de prendre et d’appliquer des exigences en matière d’accessibilité, mais de ne pas exiger que ce pouvoir soit utilisé. Par exemple, le paragraphe 117(1) du projet de loi prévoit ceci :

[...] le gouverneur en conseil peut, par règlement [...]

Nous recommandons de remplacer « peut » par « doit ». Ce changement fera en sorte que la réglementation en matière d’accessibilité soit appliquée à l’emploi, à l’environnement bâti et à d’autres domaines désignés à l’article 5 du projet de loi.

Sans cette exigence, rien ne garantit que le gouvernement établira un règlement en matière d’accessibilité et, par conséquent, rien ne garantit que la loi fera la promotion de l’accessibilité au pays.

Deuxièmement, il y a les amendements pour éliminer les obstacles créés par la pauvreté et la discrimination intersectionnelle. Le projet de loi n’aborde pratiquement pas l’intersectionnalité et la pauvreté. Nous croyons qu’il doit prévoir davantage de mesures pour lutter contre les nombreux obstacles intersectionnels auxquels sont confrontées les personnes handicapées en ce qui a trait à leur identité et à leur expérience avec la pauvreté.

Nous recommandons que l’article 6 du projet de loi, la disposition sur les principes, reconnaisse l’intersectionnalité et la pauvreté en incluant des principes additionnels dans le projet de loi. Citons notamment les personnes handicapées dont un nombre disproportionné vivent dans des conditions de pauvreté, ainsi que les femmes et les filles handicapées qui sont confrontées à des obstacles uniques et croisés à la suite de discrimination fondée sur un handicap ou de multiples handicaps, la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation familiale, les caractéristiques génétiques et d’autres motifs.

Ce ne seront pas les seuls principes qui guideront l’interprétation et l’application de la loi. Ils pourront être appliqués de façon concrète, car le projet de loi C-81 prévoit maintenant que les organismes doivent tenir compte de ces principes lorsqu’ils élaborent leurs plans d’accessibilité. Pour que ces principes soient davantage applicables dans la pratique, nous recommandons que l’article 117 du projet de loi exige également que tout règlement précis sur l’accessibilité doit promouvoir l’objectif et les principes du projet de loi.

Troisièmement, il y a les amendements pour veiller à ce que le projet de loi ne mine pas les droits de la personne existants pour les personnes handicapées. La semaine dernière, à ce comité, on a demandé à la ministre Qualtrough si le projet de loi C-81 réduirait les droits de la personne existants des personnes handicapées. Comme la ministre l’a signalé, la Loi canadienne sur les droits de la personne continuera de protéger les gens contre la discrimination fondée sur le handicap une fois que le projet de loi C-81 est adopté. Cependant, nous craignons que, dans la pratique, le projet de loi C-81 minera les droits de la personne existants.

Lorsque le règlement sur l’accessibilité est élaboré, les organisations et les entreprises peuvent présumer qu’elles doivent se conformer seulement à ce règlement et qu’elles n’ont pas à s’acquitter de leur obligation de prendre des mesures d’adaptation en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elles peuvent penser que le règlement sur l’accessibilité remplace la Loi canadienne sur les droits de la personne. Lorsque les personnes handicapées demandent des mesures d’adaptation qui sont différentes de celles qui sont énoncées dans les normes ou le règlement en matière d’accessibilité, les organisations et les entreprises peuvent penser à tort qu’elles ne sont pas responsables d’offrir ces mesures d’adaptation. En effet, nous en avons fait l’expérience en Ontario lorsque la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario a été présentée.

Pour éviter que cette situation se produise, nous recommandons que l’objet du projet de loi C-81 énonce qu’aucune disposition n’amoindrisse les obligations en matière de droits de la personne des entités sous réglementation fédérale en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce faisant, on clarifie que les obligations en matière des droits de la personne continuent de s’appliquer, en plus du règlement sur l’accessibilité, lorsqu’il est adopté.

De plus, nous recommandons que l’article 117 du projet de loi devrait énoncer qu’aucune mesure dans le règlement sur l’accessibilité ne peut réduire ou minimiser le droit à la protection contre la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

À l’heure actuelle, le paragraphe 172(2) de la Loi sur les transports au Canada permet à l’Office des transports du Canada, l’OTC, de rejeter une plainte concernant l’inaccessibilité dans le réseau de transport fédéral, si le fournisseur de services de transport s’est conformé au règlement pris par l’office. Cependant, le règlement pris par l’office peut ne pas respecter la norme en matière de mesures d’adaptation de la loi sur les droits de la personne au point d’imposer une contrainte excessive et peut ne pas répondre à tous les besoins des personnes handicapées.

Nous craignons que ce paragraphe risque d’avoir l’incidence de miner les droits de la personne existants parce qu’il permet aux fournisseurs de services de transport de se protéger contre une plainte en se conformant au règlement de l’office. Pour éviter de miner ainsi les droits de la personne, ou pour éviter la possibilité de miner ainsi les droits de la personne, nous recommandons que le projet de loi C-81 retire ou aborde le paragraphe 172(2) de la Loi sur les transports au Canada.

Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Steven Estey, agent des relations gouvernementales et communautaires, Conseil des Canadiens avec déficiences : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être ici ce soir. Je suis ravi d’avoir l’occasion de discuter avec vous.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences ou CCD est un organisme national composé de personnes ayant différents types de handicaps. Nous avons des membres dans chaque province au pays et dans les territoires. Nous avons des membres à notre organisme national œuvrant pour les personnes handicapées qui se penchent sur des enjeux précis tels que les femmes handicapées et la surdité.

Au cours des deux ou trois dernières années, nous nous sommes beaucoup concentrés sur ce qui est devenu le projet de loi C-81. Je veux vous donner un peu de contexte. En 2016‑2017, notre organisation a mené une consultation, comme l’ont fait l’organisme BUILD et d’autres intervenants, pour discuter avec les Canadiens handicapés des mesures qu’ils veulent voir dans cette mesure législative.

Nous avons eu l’occasion de discuter avec plus d’un millier de personnes au pays. Nous avons tenu 22 consultations distinctes dans différentes villes au pays. Nous avons eu des consultations téléphoniques. Nous avons eu des consultations sur Internet. Nous avons consacré beaucoup de temps à essayer de déterminer ce que les gens voulaient dans cette mesure législative. Il était très important pour nous de participer à ce processus. Nous sommes très reconnaissants de cette occasion et du soutien que nous avons reçu pour pouvoir y participer.

Je tenais à ce que vous sachiez que je n’ai pas rédigé spontanément mon exposé dans l’avion pour venir ici. Mes remarques sont fondées sur des faits concrets.

Il est important d’essayer de signaler que les gens avec qui nous nous entretenons perçoivent cette discussion comme étant importante pour eux. Nous avons discuté avec des gens à Moose Jaw. Nous avons discuté avec des gens à Goose Bay. Bon nombre d’entre eux ont dit qu’ils n’ont jamais eu l’occasion d’avoir une discussion comme celle-là par le passé. C’est très important pour un grand nombre de personnes.

Depuis que la mesure législative a été présentée en juin de l’an dernier, nous avons travaillé en collaboration avec l’organisation de Bill Adair, l’ALFA, et l’organisation de Kerri Joffe, ARCH, pour essayer de nous concentrer sur nos priorités. C’est un véritable défi, car la communauté des personnes handicapées est très diversifiée. Il y a la communauté de la santé mentale. Il y a les personnes sourdes comme moi. Il y a les personnes aveugles. Tout le monde perçoit les choses différemment, a des priorités différentes, et cetera. Nous avons fait un assez bon travail pour ce qui est d'établir des priorités, et l’organisation de Bill Adair, l’ALFA, a fourni 11 recommandations clés. Je pense que vous avez tous eu l’occasion de les examiner.

Dans notre organisation ces dernières semaines, nous avons dit : « Nous avons terminé. Qu’allons-nous faire lorsque nous présenterons au Sénat nos priorités? » Nous avons tenu quelques réunions et avons posé la question suivante : « Qu’est-ce qui est le plus important pour nous? »

C’est un défi, comme je le dis, mais ce qui nous a vraiment étonnés, lorsque nous examinions non seulement la loi sur l’accessibilité à l’échelle fédérale, mais aussi la situation dans les provinces de l’Ontario, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse, d’où je viens, c’est que dans ces provinces et dans d’autres pays dans le monde, des délais sont prévus dans la loi.

Elles disent qu’elles seront accessibles d’ici telle et telle autre année, et qu’elles vont mettre en œuvre des normes dans un délai donné. Le projet de loi C-81 ne prévoit aucun délai. Cela nous préoccupe, pas seulement parce que nous pensons qu’il y a un manque de bonne volonté, mais parce que nous croyons que les fonctionnaires ne veulent pas aller de l’avant, car dans 5 ou 10 ans d’ici, nous pourrons commencer à tenir des réunions. S’il n’y a pas de filet de sécurité où nous pouvons dire que le moment est venu d’intervenir, les gens peuvent dire : « Nous travaillons très fort; nous accomplissons de bonnes choses ». Il n’y a aucun moyen de dire que nous atteindrons l’objectif dans un délai donné. Nous aimerions que le Sénat en discute, y réfléchisse et formule des recommandations à cet égard.

Bill Adair et Kerri Joffe ont déjà mis en lumière d’autres points. Nous avons aussi constaté que beaucoup se sentent oubliés par ce projet de loi, surtout dans la communauté sourde, puisqu’il ne souligne pas l’importance des langues des signes, c’est-à-dire l’ASL et la LSQ. Elles sont pourtant cruciales pour les personnes sourdes qui utilisent la langue des signes. C’est leur seul moyen pour interagir avec le monde qui les entoure. Il faut trouver une façon de le souligner dans le projet de loi. Sinon, les Canadiens souffrant de surdité continueront de se sentir oubliés. C’est au Sénat qu’il revient de prêter attention à cela et d’en tenir compte.

Mes collègues ont également parlé d’intersectionnalité. Je crois que ces points ont été bien exposés. Je ne suis pas certain qui de Bill Adair ou de Kerri Joffe en a fait mention, mais nous croyons fermement que le projet de loi doit souligner la présence d’Autochtones handicapés dans ce pays. J’insiste. Le projet de loi ne comprend rien là-dessus, pas même d’intentions à cet effet.

J’étais à Victoria il y a environ deux semaines, en compagnie de représentants de la BCANDS — je crois que cet organisme doit venir témoigner devant vous au cours des prochains jours. Nous avons discuté des Autochtones handicapés dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci. Leurs obstacles sont grands. Je leur ai fait la remarque que l’une des premières choses que j’ai entendues à propos de l’accessibilité et des personnes handicapées au sein du gouvernement fédéral remonte à il y a plus de 25 ans, quand le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, alors présidé par M. Bruce Halliday, a déposé son rapport. Le rapport de M. Halliday portait spécifiquement sur les Autochtones handicapés au Canada et leurs difficultés. Quand nous en avons discuté il y a quelques semaines, à Victoria, les représentants de la BCANDS ont déclaré que les observations faites il y a plus de 25 ans par le comité et M. Halliday sont toujours valables aujourd’hui.

Nous avons donc l’occasion d’aborder la question. J'exhorte les sénateurs à prêter attention à cela et à en tenir compte, car j’estime que c’est extrêmement important.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de m’écouter.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Merci à nos témoins de leurs présentations. C’est le moment de passer à la période des questions. Nous avons toute une liste de sénateurs qui veulent poser des questions, et nous allons commencer par la vice-présidente.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos présentations. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir transmis le point de vue des nombreux groupes de personnes handicapées. Vous nous avez aussi soumis huit propositions uniques de modification. Si je compte les trois soumises par ARCH, les deux de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité et les trois autres proposées par le CRTC, j’arrive à huit.

Dans un même ordre d’idées, monsieur Adair, vous avez déclaré, sans prétendre qu’un projet de loi imparfait serait mieux qu’aucun projet de loi, que le projet de loi C-81 aura une incidence extrêmement positive sur toutes les personnes qui vivent au Canada et qu’il mérite de devenir une loi.

On nous a dit que ce projet de loi comporte trop de lacunes pour être adopté et que, dans les circonstances, il vaudrait mieux qu’il n’y ait pas de projet de loi du tout. En revanche, vous affirmez qu’il s’agit là de modifications importantes. Nous avons reçu des lettres de personnes handicapées dans lesquelles elles disent qu’elles ne veulent pas risquer que ce projet de loi ne soit pas adopté, qu’elles veulent de ce projet de loi. Que devons-nous faire? Peut-être pouvez-vous nous éclairer?

M. Adair : Je suis heureux de vous aider et j’invite mes collègues à faire de même. Nous en avons passablement parlé.

L’alliance demande que le projet de loi soit amélioré. Nous avons soumis 11 recommandations à cet égard et nous les maintenons. Nous serions très heureux que des changements soient apportés avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale. Nous allons continuer de travailler à la mise en œuvre de ces recommandations après son adoption parce qu’il s’agit d’amendements nécessaires.

Partout au pays, les gens qui participent au projet de l’alliance nous le disent : « Nous voulons une loi. Donnez-nous un outil avec lequel nous pourrons travailler. Oui, demandez des changements, mais, au bout du compte, nous voulons l’adoption du projet de loi avant les élections. Nous aurons ainsi la structure et le cadre nécessaires à l’élimination des obstacles. Nous le voulons maintenant. Nous attendons depuis trop longtemps; c’est maintenant ou jamais. »

La sénatrice Seidman : Et vous, monsieur Estey, qu’en pensez-vous?

M. Estey : C’est une question difficile. Quand j’y réfléchis, je reviens à mes propres expériences. J’ai participé de très près à la rédaction de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées il y a 10 ou 12 ans. À l’époque, les délégations et des organismes non gouvernementaux de différents pays ont formulé des préoccupations semblables au cours des dernières séances, à la toute fin du processus de rédaction. Ils estimaient entre autres que la convention n’allait tout simplement pas assez loin.

Nous les avons écoutés, mais la convention s’est avérée une réussite. Elle est entrée en vigueur, puis a été ratifiée par plus de 120 pays.

Il va sans dire que la convention avait et a encore ses lacunes. Je crois aussi qu’elle a engendré un processus qui a permis des changements très importants pour les personnes handicapées du monde entier. Selon moi, le projet de loi est dans la même veine. Je suis loin de croire qu’il est parfait, mais j’estime qu’il met en place un processus. Je suis donc fortement en sa faveur, du moins de ce point de vue.

La sénatrice Seidman : Voilà qui est très pertinent.

Quand la ministre s’est présentée devant nous, elle a déclaré que ce projet de loi se voulait un cadre législatif, et qu’il y aurait d’autres mesures prises sous forme de règlements, de normes et de divers processus et organismes prévus dans la future loi.

Je sais que vous nous demandez d’apporter des changements, mais, au fond, ce qui nous importe, c’est que les groupes de personnes handicapées souhaitent sincèrement l’adoption de ce projet de loi avant les élections, et je suis certaine que nous ressentons tous cette urgence. Nous ne voulons pas courir le risque que vous soyez privés d’une loi à cause des élections.

Mme Joffe : Puis-je me permettre un commentaire?

La sénatrice Seidman : Bien sûr.

Mme Joffe : Je ne vais pas m’attarder à l’idée qu’un projet de loi imparfait vaut mieux que rien, mais certaines personnes se sont dites prêtes à adopter ce projet de loi même s’il est discutable à certains égards, puis à remédier en partie à ses lacunes plus tard grâce à des règlements, et cetera.

J’insiste sur le fait que certaines lacunes peuvent être corrigées plus tard. Cela dit, d’autres aspects du cadre législatif ne peuvent être modifiés que maintenant. Après, il sera trop tard.

Par exemple, la question que j’ai soulevée un peu plus tôt, à savoir l’utilisation de « peut » par rapport à « doit » dans le libellé du projet de loi, qui permettra au gouvernement et à d’autres organismes d’agir ou qui exigera qu’ils le fassent. On ne peut pas remédier à cela avec des amendements une fois le projet de loi adopté.

Un certain nombre des questions soulevées sont de cette nature. Peut-être est-ce un moyen de circonscrire une partie des questions clés à aborder à cette étape-ci.

La sénatrice Seidman : Oui, c’est une idée.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup d’être venus. J’aimerais soulever deux points : d’abord l’ASL et la LSQ.

Que pouvons-nous faire pour qu’elles soient incluses dans le projet de loi? Je sais que nous en avons parlé, mais je souhaite être précis. De quelle façon pourrait-on rédiger la modification pour qu’elle soit acceptable pour la Chambre?

Les membres du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de la Chambre se sont évidemment penchés sur la question. Ces langues n’ont pas été retenues. J’aimerais savoir ce qui les ferait changer d’avis. Avez-vous une idée, monsieur Adair? Est-ce qu'on pourrait peut-être ajouter une mention dans le préambule?

M. Adair : En collaboration avec nos collègues de l’Association des Sourds du Canada, nous avons soumis une proposition qui permet d’inclure ces notions dans le préambule.

Je ne suis pas juriste. C’est pour cette raison que ARCH et nos collègues sont présents, mais on nous a dit qu’il ne convient pas de procéder ainsi quand on rédige un projet de loi. À titre de représentants des personnes handicapées à l’échelle du pays, nous n’avons pas de réponse précise, puisque le droit n’est pas notre spécialité.

Nous estimons toutefois qu’il s’agit d’un aspect fondamental à intégrer de quelque façon que ce soit à la loi qui sera adoptée afin d’assurer la prestation de ces langues, le cas échéant.

S’en remettre aux règlements ne suffit pas. Nous estimons que l’accès à la langue des signes est un droit fondamental pour les personnes sourdes. Nous ne demandons pas le statut de langue officielle, mais plutôt que les personnes sourdes puissent communiquer en français ou en anglais grâce à la langue des signes. Il s’agit d’une considération importante.

Mme Joffe : Je crois que l’expression « comme des langues officielles » est un des obstacles qui peut avoir nui à l’intégration de la reconnaissance de l’ASL et de la LSQ au projet de loi par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Je crois que la ministre a déclaré que cela pourrait entraîner une modification à la Loi sur les langues officielles. Cela aurait en quelque sorte des répercussions bien au-delà de la portée du présent projet de loi.

Nous avons discuté du retrait de l’adjectif « officielles » avec l’Association des Sourds du Canada, puis opté pour une formulation qui reconnaît que l’American Sign Language et la Langue des signes québécoise sont les deux langues utilisées par les personnes sourdes au Canada, ce qui pourrait nous aider à surmonter les obstacles législatifs rencontrés plus tôt.

Le sénateur Munson : Nous ne sommes pas là pour rien. Il y aura des modifications. Pour reprendre les propos de la sénatrice Seidman, avez-vous une idée, peut-être après y avoir réfléchi, de la possibilité pour le gouvernement d’accepter des amendements sur certains des points que vous venez de soulever, comme l’utilisation de « peut » par rapport à « doit » et des échéances?

La dernière chose que je souhaite, en tant que parrain de ce projet de loi, c’est qu’il fasse partie des dommages collatéraux de ces fameuses élections.

Mme Joffe : J’ai entendu la ministre Qualtrough vous dire à tous la semaine dernière qu’elle est ouverte à des modifications et qu’elle souhaite que le projet de loi soit le plus solide possible.

Le sénateur Munson : Sur les questions autochtones, comme on l’a mentionné, la ministre semblait laisser entendre que des négociations sont en cours. Elles le sont depuis un bon moment déjà et rien ne figure au projet de loi.

Monsieur Estey, est-ce que vous jugez satisfaisant de répondre que puisqu’il y a diverses nations, on doit donc tenir des discussions distinctes pour gérer la question des handicaps au sein des communautés autochtones?

M. Estey : Sénateur Munson, je ne sais pas trop quoi vous répondre. Dans mes discussions avec les Autochtones handicapés, j’ai simplement constaté une vraie préoccupation quant à l’absence totale de leur réalité dans le projet de loi. Ils ne sont absolument pas mentionnés. Des discussions auxquelles ils ne participent pas sont en cours, ce qui est aussi source de préoccupation.

Comme nous arrivons à la fin de ces discussions, nous insistons sur cette réalité afin de favoriser autant que possible l’inclusion des Autochtones handicapés et de leur communauté au projet de loi d’une façon qui leur est bénéfique.

M. Adair : L’une des 11 recommandations de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité est d’inclure les Autochtones qui, dans bien des cas, relèvent du gouvernement fédéral. Alors pourquoi ne pas le faire?

Nous pourrons appliquer une solution de nation à nation à ce problème quand on en trouvera une, mais d’ici là, que devons-nous faire? C’est ce qui nous préoccupe nous ainsi que les personnes avec qui nous avons discuté, comme l’a dit Steven Estey.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question concerne les lois provinciales. Est-ce que les lois provinciales sur l’accessibilité diffèrent du projet de loi C-81? Le cas échéant, y a-t-il de grandes différences? Si le projet de loi C-81 était adopté tel quel, quel impact cela pourrait-il avoir?

Qui veut répondre?

[Traduction]

M. Adair : Comme l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont des lois, je cède la parole à mes collègues.

Mme Joffe : Le projet de loi C-81 est très différent de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario. À titre d’exemple, une importante différence est que la loi ontarienne comporte des délais pour l’accessibilité complète, ce qui n’est pas le cas de cette mesure législative pour le moment.

Il y a beaucoup d’autres différences, mais il y a aussi des similitudes. À l’instar du projet de loi, la mesure législative établit un cadre pour l’élaboration de normes et de règlements en matière d’accessibilité.

Je ne peux vérifier cette information, mais j’ai entendu dire que plusieurs provinces souhaitent créer une loi sur l’accessibilité. Elles attendent de voir l’orientation que prendra le gouvernement fédéral avec ce projet de loi et elles ont l’intention de suivre cet exemple et de s’y arrimer.

C’est encourageant. Voilà pourquoi il est d’autant plus important de veiller à ce que ce projet de loi soit le plus étoffé possible, car il servira probablement d’exemple pour les mesures législatives provinciales et même territoriales, peut-être.

M. Estey : J’aimerais ajouter aux propos de Kerri Joffe, brièvement. Je sais qu’il est question d’une loi provinciale sur l’accessibilité en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve.

J’étais en Colombie-Britannique il y a deux ou trois semaines. Lors de la réunion à laquelle j’ai participé, les responsables ont indiqué qu’ils suivaient la situation de très près. Bien que les lois provinciales et fédérales ne soient pas directement liées, j’espère que ce qui se fait à Ottawa servira de cadre et de modèle aux provinces pour assurer aux Canadiens de partout au pays, au fil du temps, une égalité qui n’existe pas nécessairement pour le moment.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Forest-Niesing : Merci de votre témoignage très instructif. Une de mes proches est atteinte de surdité. Elle a étudié l’interprétation gestuelle — la Langue des signes du Québec — et a travaillé comme interprète gestuelle pendant un certain temps. Je tiens à féliciter la présidente du comité et le greffier d’offrir l’interprétation gestuelle pour ceux qui assistent à la réunion ce soir, et je tiens à saluer les deux interprètes qui essaient de suivre notre conversation et d’en faire l’interprétation. Je sais que c’est un travail extrêmement difficile. Je veux simplement vous remercier.

Dans cette veine, j’ai l’impression que peu de personnes s’opposent à la recommandation d’inclure l’interprétation gestuelle et d’inclure la surdité en tant que handicap dans la portée du projet de loi.

Y a-t-il eu de la résistance? Si oui, pourquoi?

M. Adair : La résistance que nous observons de façon récurrente dans nos organismes et beaucoup d’autres, c’est que la recommandation que nous avons présentée au comité HUMA n’a pas été retenue. Nous revenons à la charge parce que cela demeure un facteur important.

Même si des interprètes gestuels sont présents ici aujourd’hui, la réalité c’est que les gens qui regardent la diffusion sur ParlVu ne verront pas l’interprétation. Ils devront attendre une semaine avant que ce soit disponible. Ce n’est pas de l’inclusion, mais de l’exclusion. Voilà pourquoi c’est important, encore une fois.

Il y a une certaine volonté à régler le problème, et nous avons le devoir d’essayer.

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai une autre question concernant les Autochtones handicapés. Je suppose que ma question s’adresse à M. Estey.

En vous écoutant, je pense à la reconnaissance évidente et nécessaire des besoins particuliers et distincts des personnes handicapées des communautés autochtones. Ce qui me pose problème, c’est la façon d’y arriver sans créer une catégorie distincte et sans laisser entendre que les Autochtones handicapés sont différents des personnes handicapées dont il est question dans ce projet de loi.

Lorsqu’on parle des personnes handicapées, les Autochtones doivent certainement être inclus.

M. Estey : Je vais faire ce qui me semble le plus raisonnable. Je sais que mon collègue Neil Belanger, de BCANDS, comparaîtra devant le comité demain matin. Je pense qu’il est beaucoup mieux placé que moi pour répondre à la question.

Je pourrais tenter une réponse et dire des choses insensées, ou je pourrais me contenter de dire que je ne suis pas certain de la meilleure façon de procéder. Je vous invite à poser la question à Neil Belanger demain matin, d’accord?

La sénatrice Forest-Niesing : Merci de votre franchise.

La présidente : Merci. Nous veillerons à poser la question.

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être des nôtres. Je vais imiter ma collègue et renoncer à poser une autre question. Cela dit, j’ai de la difficulté à comprendre les véritables enjeux liés aux Autochtones et à trouver les solutions appropriées sans prendre en compte d’autres enjeux. Nous attendrons à demain. Je vous remercie.

J’avais des questions, dont une sur les Autochtones, une sur le calendrier et les délais et une sur l’interprétation gestuelle, qui a été posée.

On a parlé de l’absence de délais. Nous savons qu’il y en a dans la loi ontarienne. Cet enjeu a été soulevé encore une fois aujourd’hui, par vous, monsieur Estey.

J’ai diverses questions à ce sujet : quels sont les délais? Dans quelle mesure voulons-nous établir un échéancier? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller? Avez-vous pensé à des dates précises? Aimeriez-vous qu’il y ait une date précise, pour que ce soit réaliste?

J’aimerais en savoir davantage là-dessus.

M. Estey : C’est mercredi aujourd’hui, n’est-ce pas? Sérieusement, il faut évaluer les délais de façon réaliste. Je ne sais pas s’il est préférable de le faire pour chaque norme ou s’il faut procéder de façon générale. Cela doit être discuté.

L’Ontario, par exemple, souhaite atteindre l’accessibilité complète d’ici 2025, environ. Je sais que d’autres pays ont une approche semblable. Lorsque nous avons comparu au comité HUMA, la ministre ontarienne responsable de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario y était aussi pour témoigner. J’oublie son nom, je suis désolé. Elle a expliqué l’approche de la province. Ils ont examiné ce qui s’était fait dans le monde, en particulier au Royaume-Uni, qui a été parmi les premiers pays à adopter une mesure législative de ce genre, en 2007, je crois. À l’époque, le Royaume-Uni s’était donné comme objectif d’être accessible dès 2025. En Ontario, on a jugé qu’il était important de fixer une date pour mesurer les progrès.

Kerri Joffe et Bill Adair habitent tous les deux en Ontario; ils sont probablement plus au courant que moi. Je vous invite à consulter les rapports publiés depuis l’entrée en vigueur de la LAPHO. Cet enjeu est abordé dans le troisième rapport récemment publié. Dans notre communauté, ou du moins pour le CCD, l’objectif semble plutôt nébuleux. L’accessibilité sera atteinte, mais quand?

Il faut un élément de comparaison, sans quoi il est très difficile d’affirmer qu’on ne progresse pas aussi rapidement qu’on le devrait. Le contre-argument sera toujours « Eh bien, nous faisons des progrès ».

La sénatrice M. Deacon : Je comprends tout à fait, car j’ai joué un rôle par rapport à la LAPHO. En 2005 et en 2009, 2025 nous semblait extrêmement loin. Les administrations en ont fait une cible, un critère, et elles ont beaucoup progressé.

Si j’ai posé cette question, c’est parce que je souhaite que cette inspiration, cette aspiration et cette ambition demeurent des priorités au fil des étapes. Je me demandais si, en 2018 ou 2019, l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité ou d’autres avait déterminé qu’une date précise — 2040 ou 2034 — était raisonnable. Je ne sais si une date a été avancée dans le cadre de vos consultations et vos discussions, d’où mes questions à ce sujet, en partie.

Mme Joffe : Je suis tout à fait d’accord avec Steve Estey et vous, sénatrice, pour dire que les délais représentent une mesure de reddition de comptes essentielle dans ce projet de loi. ARCH appuie cette recommandation. J’ai entendu les arguments et contre-arguments concernant l’absence de délais. Cela aurait un effet dissuasif. Les organismes attendraient qu’un délai soit fixé avant de préparer des plans d’accessibilité à la hâte.

Je pense qu’il y a deux réponses à cela. Premièrement, l’inclusion d'un échéancier dans la réglementation en matière d’accessibilité forcerait les organismes et le gouvernement à s’y conformer. Donc, ils ne pourraient pas attendre à la date limite. Si on craint vraiment de décourager la conformité, un article supplémentaire pour être ajouté au projet de loi pour indiquer que malgré l’objectif de rendre le Canada accessible d’ici 2040, par exemple, tous doivent prendre des mesures pour satisfaire aux exigences en matière d’accessibilité le plus tôt possible ou dans un délai raisonnable.

L’ajout d’un article au projet de loi permettrait d’atténuer toute préoccupation concernant un possible effet dissuasif.

La sénatrice M. Deacon : Même si la LAPHO fixait le délai à 2025, on pouvait voir sur votre site web, en janvier 2012, ce que vous aviez accompli, et il y avait d’autres délais.

Mme Joffe : Tout était dans la réglementation.

La sénatrice M. Deacon : C’était dans la réglementation.

Me reste-t-il du temps?

La présidente : J’ai bien peur que votre temps soit écoulé, mais je vous remercie. Je sais que nous accueillerons des représentants de l’Ontario, et ce sera intéressant d’entendre leur point de vue.

La sénatrice Poirier : Merci à tous de votre présence. Merci de vos exposés. Je vous en suis très reconnaissante.

J’aimerais faire un suivi sur les discussions que nous avons eues avec d’autres. Ensemble, si j’ai bien compris, monsieur Adair et madame Joffe, vous nous avez présenté quelque 11 amendements à examiner. Vous dites encore souhaiter l’adoption du projet de loi, mais qu’il comporte certaines mesures très importantes qui devraient être mises en œuvre plus tôt, en particulier si nous remplaçons « peut » par « doit » et autres choses du genre.

Je suppose que vous avez tous comparu devant le comité HUMA; pourriez-vous me dire si ces 11 amendements y ont été présentés?

M. Adair : L’alliance a présenté 12 recommandations. Certaines d’entre elles ont été examinées, dans une certaine mesure, et une recommandation a été adoptée. Cette recommandation, proposée par divers organismes, visait à faire de la communication une des principales priorités.

La sénatrice Poirier : Je parle des 11 recommandations qui restent.

M. Adair : Elles ne sont toujours pas acceptées.

La sénatrice Poirier : Ces 11 recommandations ont-elles été présentées au comité HUMA, puis rejetées?

M. Adair : Oui.

La sénatrice Poirier : C’est important à savoir, parce que si nous proposons des amendements et que certains sont adoptés, nous savons qu’il y a une autre étape. Ils devront être adoptés à l’autre endroit.

M. Adair : J’aimerais simplement préciser que des modifications utiles et importantes ont été apportées graduellement, mais pas toutes celles que nous avions demandées. Nos demandes n’ont pas été complètement ignorées. Il est important d’en tenir compte.

La sénatrice Poirier : Merci.

Mme Joffe : J'aimerais seulement préciser que j’ai uniquement parlé des trois recommandations sur lesquelles je voulais attirer votre attention, mais nous en avons d'autres. Elles seront dans notre mémoire que je compte terminer ce soir.

La sénatrice Poirier : Je vous en suis reconnaissante.

J’avais d’autres questions, mais on y a déjà répondu, pour la plupart. Je vais donc en rester là, puisque nous n’avons pas beaucoup de temps. Merci.

Le sénateur Kutcher : Je suis conscient qu’il reste peu de temps. Je demanderais seulement de parler avant la sénatrice Deacon, la prochaine fois, pour qu’elle ne puisse pas poser toutes mes questions encore une fois.

Je tiens à vous remercier de vos suggestions d’amélioration extrêmement réfléchies, claires et concises. Merci.

Le sénateur Munson : J’ai une brève question à laquelle on n’a pas répondu. En fait, c’est davantage une question philosophique qui porte sur l’identité du pays.

Nous avons parlé du projet de loi de 105 pages, de tous les amendements et du reste. Alors que la discussion tire à sa fin, pourriez-vous nous donner une idée de ce que cela signifie pour les personnes handicapées? Je parle ici d’un changement de culture et d’attitude axé sur l’inclusion, plutôt qu’une culture de plainte. Cela fait partie du tissu social de notre pays. Je pense qu’avec ce projet de loi, avec ou sans amendements, le Canada sera un chef de file du changement de culture et d’attitude qui s’annonce. J’aimerais avoir vos commentaires à cet égard.

M. Adair : Une des 11 recommandations de l’alliance est de créer une culture d’inclusion et d’équité.

Nous savons que la mesure législative mènera à des changements, mais c’est lié à l’attitude de la population canadienne. Notre pays deviendra de plus en plus fort au fil du temps, à mesure que nous apprendrons à composer avec nos différences et notre diversité et que nous prendrons conscience que cela enrichit nos vies sur les plans social et économique.

Nous avons un grand intérêt pour l’adoption d’une mesure législative, mais nous souhaitons aussi une élaboration et une mise en œuvre concrète de mesures d’éducation et de formation. Plus tôt, nous avons entendu des représentants de la fonction publique. Les employeurs de ce secteur savent que dans bien des cas, les personnes handicapées qu’ils embauchent ont un meilleur rendement que ceux qui ne sont pas handicapés ou qui pourraient avoir un handicap dans cinq ans. Il y a des inconnus. Nous amorçons un changement culture, et c’est ce type de pays que le Canada aspire à être.

M. Estey : Permettez-moi d’ajouter quelque chose, brièvement. Je vous remercie de la question, sénateur Munson. Cela me rappelle quelque chose. J’ai travaillé pour l’Organisation mondiale des personnes handicapées, représentant les groupes de personnes handicapées de 130 pays du monde. Il y a environ 15 ans, un collègue a écrit The Last Civil Rights Movement, qui raconte l’histoire de cet organisme. C’est pour ainsi dire l’objectif des personnes handicapées, qui n’ont pas eu leur mouvement des droits civiques, contrairement à d’autres groupes. Essentiellement, les personnes handicapées n’ont pas discuté de leur émancipation.

Voilà la raison d’être de ces discussions et de mesures comme le projet de loi C-81 et la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées. Je fais ce travail depuis plus de 25 ans, et j’ai toujours l’impression que notre plus grand défi est que personne ne nous prête attention et que nous passons toujours inaperçus. C’est toujours un défi.

Donc, le projet de loi C-81 et les discussions connexes ont une grande importance, car ils nous permettent d’attirer l’attention du gouvernement, des fonctionnaires, des sénateurs et des parlementaires, et cela nous permettra de progresser. Je suis tout à fait d’accord avec vous : nous sommes à l’aube d’un changement extrêmement important, et je vous remercie de l’avoir souligné.

La présidente : Vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Joffe : Non. Je suis avocate et, pour des questions philosophiques de ce genre, je m’en remets à la communauté.

La présidente : Merci. Sur cette très bonne note, monsieur Estey, monsieur Adair et madame Joffe, merci beaucoup de votre contribution à notre étude du projet de loi C-81, que nous poursuivrons demain.

(La séance est levée.)

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