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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 5 - Témoignages du 21 septembre 2016 - avant-midi


CALGARY, le mercredi 21 septembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, j'aimerais, au nom du comité, exprimer notre plaisir d'être ici, ce matin, à Calgary.

Ce matin, nous poursuivons notre étude de l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada. Cette étude a commencé en mars dernier et a pour objet de trouver le meilleur moyen de transporter les produits du pétrole canadien.

Nous sommes heureux de nous trouver dans un territoire voué au pétrole et d'entendre des témoins familiers de ce secteur d'activité, contrairement aux points de vue limités que nous obtenons à Ottawa.

Lundi, à Edmonton, nos réunions ont été très productives, et nous sommes heureux de poursuivre nos délibérations ici aujourd'hui.

Permettez que je présente notre premier groupe de témoins : nous avons, de l'Office national de l'énergie, Peter Watson, président et premier dirigeant, Josée Touchette, chef des opérations, Sandy Lapointe, première vice-présidente, Réglementation, Robert Steedman, spécialiste en chef, Environnement, et Shelley Milutinovic, spécialiste en chef, Économie.

J'aimerais que les témoins présentent leurs exposés, puis les sénateurs poseront des questions. Allez-y, monsieur Watson.

Peter Watson, président et premier dirigeant, Office national de l'énergie : Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme vous l'avez dit, je suis président et premier dirigeant de l'Office national de l'énergie. Vous avez sûrement beaucoup entendu parler de l'office dans les dernières semaines et les derniers mois, notamment en ce qui concerne nos fonctions quasi judiciaires. J'aimerais donc commencer en rappelant aux honorables membres du comité les responsabilités que nous assumons en dehors de l'audition de demandes visant de nouveaux et grands projets.

Nous sommes responsables de la réglementation de l'énergie à l'échelle nationale, et, à ce titre, nous réglementons les pipelines et les installations interprovinciales et internationales afin de protéger la sécurité des Canadiens et l'environnement tout au long du cycle de vie des infrastructures en question, de la construction à la fermeture.

L'office assume quatre responsabilités fondamentales : l'approbation de projets énergétiques, la surveillance de la sécurité et de l'environnement, la diffusion d'information sur l'énergie et le dialogue avec la population et les Autochtones tout au long du cycle de vie des activités réglementées.

Les Canadiens tiennent énormément à protéger leurs cours d'eau et à protéger les terres auxquelles ils accordent de la valeur contre les risques associés à un incident sur un pipeline. Toute stratégie visant à faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports des côtes de l'Atlantique et du Pacifique du Canada doit s'appuyer sur la confiance de la population dans la surveillance réglementaire des pipelines.

Les gouvernements et les organismes de réglementation ont besoin d'assez de temps pour faire participer et entendre la population et les Autochtones avant de prendre des décisions sur les projets à venir. Nous comprenons que les Canadiens ont besoin d'être convaincus que les processus d'examen sont ouverts, accessibles, équitables et fondés sur des données scientifiques.

La question de la confiance de la population était au cœur de nos audiences sur les projets Énergie Est et du réseau principal Est. Comme vous le savez, trois de nos commissaires ont récemment décidé de se récuser, en plus de moi-même comme président et du vice-président, qui nous sommes récusés de nos fonctions administratives très limitées et précises.

Les commissaires en question ont tous agi de bonne foi. Ils se sont récusés et le vice-président et moi-même nous sommes récusés de nos fonctions administratives propres au dossier pour préserver l'intégrité et la crédibilité des décisions du conseil d'administration. Lorsqu'un nouveau conseil sera nommé, l'examen des deux demandes se poursuivra jusqu'à son terme.

Je tiens à préciser que les événements associés aux projets Énergie Est et du réseau principal Est ne doivent pas nous empêcher de continuer à travailler avec les citoyens et les collectivités du pays et à remplir cette responsabilité cruciale. Nous savons, à l'office, que nous devons mieux connaître et écouter les propriétaires terriens, les collectivités et les Autochtones et dialoguer avec eux au sujet des infrastructures que nous réglementons tout au long de leur cycle de vie. Nous savons que les gens tiennent à ce que ces infrastructures fonctionnent correctement et en toute sécurité et qu'ils ont besoin d'être convaincus que notre surveillance est efficace.

Obtenir la confiance de la population a toujours été et continue d'être mon objectif principal à l'office. C'est pourquoi nous avons entamé une ambitieuse transformation dans le cadre de notre mandat législatif pour nous améliorer et pour aligner nos ressources sur nos priorités. L'examen de la modernisation du gouvernement est aussi une excellente occasion de familiariser les Canadiens avec le rôle et le mandat de l'Office national de l'énergie.

L'un des principaux volets de notre transformation est l'amélioration de nos activités de surveillance des cycles de vie et de la façon dont nous rendons compte de ces activités aux Canadiens, parce qu'ils s'inquiètent de la sécurité des infrastructures de leurs collectivités.

Au cours de l'exercice 2015-2016, nous avons fait plus de 175 inspections. Nous avons également procédé à 19 exercices d'intervention en cas d'urgence et à cinq vérifications opérationnelles exhaustives de tous les éléments du système de gestion d'une compagnie de pipelines. Nous avons produit 161 avis de non-conformité et 10 ordonnances de sécurité, dont plusieurs étaient nouvelles et sept, des ordonnances de modification, le tout visant à garantir la sécurité des infrastructures. Nous avons aussi produit cinq sanctions administratives pécuniaires.

Notre nouveau projet de Cadre ministériel des résultats permettra aux Canadiens de mieux mesurer et d'évaluer notre rendement de façon complète. Nous sommes en train d'élaborer un cadre qui donnera à la population les outils dont elle a besoin pour nous évaluer et nous donner la rétroaction dont nous avons besoin pour nous regarder dans le miroir, et cela nous aidera à déterminer si nous faisons suffisamment bien notre travail et à comprendre ce qu'il faut faire pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.

Nous avons pris de nombreuses mesures de transformation en matière de sécurité et de gestion de l'environnement. Nous venons de commencer à afficher les évaluations d'exercices d'intervention en cas d'urgence dans des installations réglementées. Nous exigeons que les entreprises affichent leurs plans d'intervention en cas d'urgence. Et, ce mois-ci, nous avons lancé un processus par lequel les entreprises seront tenues d'afficher les renseignements relatifs à leurs programmes de gestion des cas d'urgence pour que la population puisse comprendre comment fonctionnent ces systèmes au sein d'une entreprise et comment ils fonctionnent s'il se passe quelque chose.

Grâce à la technologie de visualisation des données, nous sommes également en train de trouver de meilleurs moyens de partager des renseignements complexes et de donner aux Canadiens une idée de l'évolution de la production et de la consommation d'énergie au Canada. Nous mettons ces renseignements à la disposition des Canadiens pour qu'ils soient mieux informés et participent au dialogue sur les enjeux énergétiques.

Ce qui intéressera plus particulièrement le comité, c'est notre fonction d'information sur l'énergie et le travail que nous faisons pour fournir des données prévisionnelles par le biais de notre publication intitulée Avenir énergétique du Canada, qui évalue les divers scénarios de production et de transport au fil du temps.

Selon les prévisions, la production extraite des sables bitumineux continuera d'augmenter considérablement, au moins au cours de la prochaine décennie. Selon les données de référence du rapport publié au début de 2016, la production pétrolière du Canada augmentera d'environ 56 p. 100 entre 2014 et 2040.

Nous avons évalué un modèle de capacité limitée où aucun pipeline d'exportation pétrolière important ne serait construit d'ici 2040 : dans ce cas, plus de 1,2 million de barils par jour seraient transportés par train de l'Ouest canadien vers les États-Unis et les zones côtières du Canada. Pour vous donner un ordre de grandeur, cela représente environ dix fois le volume de pétrole brut transporté par train au cours du premier trimestre de cette année.

Le transport du pétrole brut repose sur un système intégré comprenant les pipelines, les chemins de fer et les navires pétroliers. Toute stratégie énergétique devra tenir compte des risques et des avantages associés à chaque mode de transport.

L'office ne se prononce pas sur le meilleur mode de transport de ces ressources vers les zones côtières. La raison en est que notre travail est de décider si, d'après nous, une demande qui nous est adressée est conforme à l'intérêt public. Une fois l'examen terminé, c'est au gouverneur en conseil de décider si le projet peut être réalisé.

Les Canadiens méritent et exigent un organisme de réglementation de l'énergie soucieux de la sécurité des pipelines et de la protection de l'environnement, qui sache écouter les Canadiens et qui dialogue avec eux tout au long du cycle de vie des activités réglementées. Dans le cadre de cette surveillance complète, nous continuerons de jouer le rôle d'intendant du système.

L'office a un rôle crucial à remplir, mais le secteur privé doit aussi multiplier ses efforts pour répondre aux préoccupations environnementales et continuer à développer des mesures sur les plans de la technologie et de la sécurité dans le transport de l'énergie. Il est important que le comité, dans le cadre de son examen du transport de l'énergie, s'intéresse aux moyens de développer la confiance de la population dans les procédures d'évaluation des projets et de surveillance de la sécurité de leur fonctionnement. Il est essentiel d'engager un dialogue fructueux avec la population et les Autochtones.

Par ailleurs, il est important aussi de comprendre que le travail de l'office n'est qu'un élément du vaste système d'exploitation de l'énergie au Canada. Il y a d'autres enjeux, en dehors du mandat de l'office, qui sont très importants aux yeux de la population, par exemple le changement climatique et les droits des Autochtones. C'est pour cette raison que nous apprécions le travail entrepris par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour s'attaquer au problème du changement climatique, et c'est aussi la raison pour laquelle le leadership fédéral est d'une importance capitale dans la consultation des Autochtones.

Merci de m'avoir donné la possibilité de vous donner un aperçu de notre rôle, de la situation actuelle et des perspectives d'avenir. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci, monsieur Watson.

Passons aux questions.

Le sénateur Mercer : Merci d'être parmi nous avec vos collègues.

Le travail de l'Office national de l'énergie est extrêmement important. Les Canadiens l'oublient volontiers, mais, quand ils s'en souviennent, en général ils le font un peu dans un esprit de vengeance. Mais votre travail est important, vraiment important.

Vous avez parlé de la confiance de la population et de lui permettre de donner son avis. Dans quelle mesure du point de vue du temps, d'après vous?

M. Watson : Merci de votre question.

Je voudrais dire, d'abord, que notre rôle est de réglementer dans l'intérêt public, mais nous sommes très conscients que la confiance de la population dans le mode d'évaluation et de fonctionnement des projets au Canada est cruciale. La participation à nos examens, quand nous essayons de comprendre ce que l'intérêt public représente, est d'une importance capitale.

Nous travaillons dans le cadre d'un mandat législatif. Ce mandat nous impose de procéder à un examen dans un délai déterminé. Mais je tiens à vous dire que nous travaillons avec diligence. Nos commissaires travaillent avec diligence en tout temps pour s'assurer que tous ceux, parmi les gens directement touchés par le projet et parmi ceux qui ont des renseignements ou une expertise utiles à partager — ce sont les deux conditions de participation selon notre mandat —, donc que tous ceux qui remplissent les conditions de participation aient la possibilité de participer à l'examen.

Les examens que nous effectuons en vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie sont terminés, pour ce qui est des grands projets, dans un délai de 15 mois, et nous sommes convaincus que nos procédures permettent de faire participer la population suffisamment et de façon complète dans ce délai ou dans tout délai prolongé accordé par le gouvernement.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur ce que j'ai dit dans mes remarques préliminaires. Nous savons très bien que nous travaillons aujourd'hui dans un contexte où les Canadiens se préoccupent d'enjeux importants, dont beaucoup échappent à notre mandat. Nous sommes donc conscients de ce contexte, et beaucoup de ces enjeux cognent à notre porte. Ce que nous essayons de faire, dans les délais de nos examens, c'est de veiller à ce que toute l'information que les gens veulent ont à nous fournir est correctement versée à nos dossiers pour que nous puissions prendre une décision. Nos commissaires tiennent beaucoup à entendre les gens qui sont touchés par ces projets.

Le sénateur Mercer : J'entends bien, mais il me semble que cet effort pour bâtir la confiance de la population se heurte parfois à un mur, lorsque la confiance n'est pas possible concernant certains enjeux ou que le gouvernement doit prendre les rênes, parce que c'est son rôle de diriger. Les gouvernements doivent gérer l'économie. Nous sommes dans une situation où nous avons un produit extraordinaire à vendre dans le monde, mais nous ne le vendons qu'à un seul client. Pour l'avenir de l'économie canadienne, et pas seulement celle de l'Alberta, de la Saskatchewan ou de Terre-Neuve, mais bien l'économie de tout le Canada, nous avons besoin de pouvoir dire — cela peut faire collision quand les recommandations viendront. Par exemple, si on recommande de ne pas donner suite à tel ou tel projet, il se peut que le gouvernement ait à prendre le taureau par les cornes, si on peut dire, et qu'il dise : « Merci beaucoup, mais nous allons quand même approuver tel ou tel projet. » Comment est-ce que l'Office réagit dans ce cas?

M. Watson : Je vous renvoie à notre mandat. Dans le contexte du débat entourant la politique énergétique, les systèmes de gestion de l'énergie et la transition entre les formes d'énergie, notre devoir envers les Canadiens est d'examiner et d'évaluer les projets qui nous sont soumis et de formuler une conclusion sur qui nous semble être l'intérêt public. Nous le faisons en tenant compte en général de la nature des avantages du projet et en essayant de comprendre aussi complètement que possible la nature des difficultés que le projet pourrait entraîner. C'est comme cela qu'on fonctionne en général. Nous essayons d'évaluer les avantages et les inconvénients globalement. Après cela, nous avons fait notre part, et c'est au gouvernement de décider s'il y a lieu de donner suite à un projet.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de l'inspection des pipelines. C'est une question qu'il faudra aborder et clarifier avec la population, pour bâtir cette confiance dont vous avez parlé tout à l'heure.

Pourriez-vous nous donner un résumé des inspections que vous avez faites? Est-ce qu'elles sont déclenchées par des plaintes ou est-ce qu'elles sont prévues par la réglementation? Qu'est-ce qui arrive quand une inspection révèle un problème? Dites-nous comment cela fonctionne, s'il vous plaît.

M. Watson : Un des aspects auxquels nous avons accordé beaucoup d'importance est d'améliorer la transparence de nos inspections et des résultats de ces inspections pour les Canadiens. L'année dernière, nous avons commencé à afficher tous nos rapports d'inspection sur notre site web pour que les Canadiens des collectivités où nous avons inspecté des installations puissent voir...

Le sénateur Mercer : Est-ce que c'est annoncé à l'échelle locale? Je veux dire qu'il n'y a pas de pipeline qui traverse ma collectivité, et donc je ne le vois pas.

M. Watson : Nous dialoguons activement avec les collectivités du pays pour les aider à comprendre ce que nous faisons et comment nous le faisons, et nous voulons qu'elles sachent qu'elles ont accès à toute cette information. Tous les rapports d'inspection sont publics et affichés.

Nos inspections sont déclenchées par toutes sortes de facteurs : notre évaluation des risques associés à une installation, la nature du territoire qu'elle traverse, la nature des produits transportés. Tous ces éléments font que nous considérons un peu différemment les différentes installations et les différents endroits, mais nous l'évaluons, et c'est ce qui détermine l'ordre de priorité des inspections.

Elles sont également déclenchées par des demandes de la population. Si on nous pose des questions sur un élément d'infrastructure, nous allons vérifier. Je dirais que nous avons pris des mesures très importantes, l'année dernière, pour être plus transparents.

Sandy, voulez-vous ajouter quelque chose?

Sandy Lapointe, première vice-présidente, Réglementation, Office national de l'énergie : Concernant ce qu'a dit M. Watson au sujet des conséquences, j'ajouterais que nous employons un modèle axé sur la gestion des risques pour nous assurer que toutes nos activités de surveillance sont fondées sur une évaluation des risques et tiennent compte des secteurs de risque, compte tenu des conséquences pour l'installation et du rendement pour l'entreprise.

Nous faisons une analyse. Nous examinons les enjeux spécifiques associés aux entreprises et nous nous rendons sur place plus souvent.

Pour le suivi, quand nous constatons qu'il y a non-conformité, cela devient public et c'est affiché sur notre site web avec nos rapports d'inspection. Ensuite nous faisons le suivi pour ramener l'entreprise ou l'installation à la conformité le plus tôt possible.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le sénateur Black : Merci à vous, monsieur Watson, et à vos collègues d'être parmi nous ce matin. Je vous en suis reconnaissant, et je sais que mes collègues ressentent la même chose.

Monsieur Watson, avant de vous poser mes questions, j'ai quelques observations à faire. Je voudrais commencer par vous remercier de vos très honnêtes réflexions sur ce que vous avez partagé avec nous ce matin au sujet de l'amélioration de votre travail. Qu'on parle de l'Office national de l'énergie ou, Dieu me garde, du Sénat du Canada, il y a toujours à faire pour s'améliorer. Je suis sensible au fait que vous avez ouvertement admis que nous essayons simplement, tous autant que nous sommes, de faire mieux. Et je vous en remercie.

Avant de venir au Sénat, comme vous le savez probablement, j'ai exercé le droit pendant près de 40 ans. J'ai eu de nombreuses occasions de travailler avec l'Office national de l'énergie et d'observer son travail. Je tiens simplement à vous dire que les Canadiens devraient être fiers du travail accompli par l'office depuis des décennies.

Ce n'est pas pour rien que l'Office national de l'énergie est considéré comme l'un des meilleurs organismes de réglementation au monde, sinon le meilleur. C'est facile de critiquer — et, Dieu sait que nous tirons tous des leçons de la critique —, mais je veux que vous sachiez que le travail accompli par vous et vos collègues est important pour le Canada et qu'il est apprécié, du moins par moi et par mes électeurs.

J'ai quelques questions. Concernant Énergie Est, pouvez-vous nous donner une idée du délai dans lequel seront nommés les trois nouveaux commissaires et nous dire à quelle échéance les audiences reprendront?

M. Watson : Je vous remercie de vos commentaires et je tiens à dire que je suis moi-même très fier de l'institution, de ses commissaires et de son personnel. L'office emploie 450 personnes qui se présentent tous les jours au travail dans le but de veiller à la sécurité des pipelines, de veiller à la protection de la population et de veiller à la protection de l'environnement. C'est la passion qui anime notre organisme.

Nous sommes conscients d'avoir à nous améliorer, et nous avons entamé un processus pour le faire et pour faire plus vigoureusement ce que nous faisons.

Cela dit, nous avons eu un problème avec Énergie Est. Et je ne peux pas vous fournir d'information précise sur le délai, parce que la nomination des commissaires relève du gouverneur en conseil. Nous attendons la nomination de ces commissaires pour former un nouveau groupe d'examen.

Je peux vous assurer que nous procéderons rapidement, dès que le nouveau groupe d'examen sera formé, pour informer les nouveaux commissaires et leur fournir l'analyse dont ils ont besoin pour relancer correctement le processus d'examen et nous remettre en route.

Le sénateur Black : Merci. Donc vous n'avez aucun contrôle sur la nomination des nouveaux commissaires, mais vous vous engagez à être prêts à démarrer dès le lendemain.

M. Watson : Absolument.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

Vous avez parlé de deux choses très importantes sur lesquelles je voudrais revenir. Vous avez parlé, si vous voulez bien revenir là-dessus, des projections de l'office concernant l'augmentation de la production et de la consommation de pétrole d'ici 2040. Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?

M. Watson : Bien sûr. Je vais, en fait, demander à notre économiste en chef, qui connaît très bien ces détails, de vous donner un aperçu.

Shelley Milutinovic, spécialiste en chef, Économie, Office national de l'énergie : L'analyse de l'avenir énergétique, qui représente notre perspective sur les 25 années à venir, est la seule gratuite en son genre au Canada. La dernière version indique une augmentation de la production canadienne, qui passera d'environ 3,9 à 6,1 millions de barils par jour d'ici 2040. C'est un scénario de référence. Il y a des scénarios différents.

Compte tenu de cette projection, nous aurons besoin d'environ 900 000 barils par jour du pétrole de l'Ouest canadien d'ici 2020 et plus de 2 millions de barils par jour d'ici 2040.

Le sénateur Black : Pourriez-vous également revenir sur ce que vous avez dit sur les conséquences, compte tenu de cette information, si on n'approuve pas de nouveaux pipelines?

Mme Milutinovic : Si aucun nouveau pipeline n'est approuvé, nous avons envisagé ce scénario. Nous l'avons appelé le « modèle de capacité limitée », et il indique qu'on transporterait environ 1,2 million de barils par jour par chemin de fer. Mais le train est plus coûteux, et, du point de vue du producteur, les revenus nets sont moindres, l'argent qui revient au producteur est moindre, et il y aura une plus faible production d'ici 2040 à hauteur d'environ 500 000 barils par jour dans ce cas. Ça pèse un peu sur le PIB, il y a moins de production au fil du temps, et il y a environ 100 milliards de dollars de moins d'investissements, cumulativement, dans le secteur du pétrole et du gaz au cours de cette période.

Le sénateur Black : Je tiens à revenir sur ces trois derniers points, pour mémoire. Vous dites que, si aucun nouveau pipeline n'est approuvé, l'Office national de l'énergie est d'avis qu'il y aura... quelle baisse du PIB?

Mme Milutinovic : Je pourrai obtenir le chiffre à l'échelle du Canada et vous le communiquer. Pour l'Alberta, c'est 1,7 p. 100 de moins d'ici la fin de la période.

Le sénateur Black : L'écart d'investissement serait de combien?

Mme Milutinovic : Un peu plus de 100 milliards de dollars.

Le sénateur Black : Cent milliards?

Mme Milutinovic : Milliards, oui, selon notre scénario de référence.

Le sénateur Black : La baisse de production quotidienne serait d'environ 500 000 barils si j'ai bien compris?

Mme Milutinovic : C'est exact.

Le sénateur Black : Pouvez-vous extrapoler en termes d'emplois?

Mme Milutinovic : Je n'ai pas ce chiffre.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

M. Watson : Excusez-moi, monsieur le président. Je voudrais simplement ajouter une remarque pour le sénateur. Quand nous faisons ces évaluations du marché — et Shelley pourra m'aider ici —, je dois préciser que nous ne prenons pas position sur la question de savoir s'il faut donner suite à un projet ou non...

Le sénateur Black : Non, nous comprenons ça.

M. Watson : ... parce que nous faisons un examen, mais nos modèles permettent d'évaluer les enjeux des marchés, dont les prix, et ce sont les déterminants des prix qui orientent notre évaluation des conséquences, et non pas l'évaluation de la validité d'un projet.

Le sénateur Black : Je comprends tout à fait.

Mme Milutinovic : Ces prévisions s'appuient sur quelques hypothèses fondamentales, dont l'une est qu'on trouvera des marchés et qu'il n'y aura pas de nouvelle politique. Donc les nouvelles politiques qui n'ont pas encore force de loi ne sont pas incluses dans ces hypothèses.

Le sénateur Black : Je comprends. On vise à long terme.

Le sénateur Tannas : J'ai une question pour vous, Shelley, au sujet de vos extrapolations. Est-ce que les 6,1 millions de barils par jour d'ici 2040 seraient la production effective ou la production potentielle du Canada?

Mme Milutinovic : Dans le scénario de référence.

Le sénateur Tannas : Quelle serait la production mondiale quotidienne selon ce scénario?

Mme Milutinovic : Nous n'envisageons pas la production mondiale quand nous faisons cette analyse. Nous nous intéressons seulement au Canada.

Le sénateur Tannas : Donc, on s'intéresse seulement à ce qu'on pourrait produire en fonction de ce qui est en cours de construction et ainsi de suite, c'est ça?

Mme Milutinovic : C'est ça, et aussi en fonction des facteurs démographiques, des facteurs économiques et des prix.

Le sénateur Tannas : J'ai quelques questions d'ordre très général. Monsieur Watson, vous avez parlé de nouveaux enjeux réels qui se superposent à votre travail, notamment le changement climatique et l'expansion ou la reconnaissance des droits des Autochtones, la consolidation des droits des Autochtones.

Est-ce que votre énoncé de mission, votre mandat, est suffisamment clair pour vous tenir à distance de tous ces intervenants potentiels et vous éviter d'avoir brusquement à tenir compte de ces choses et à les factoriser dans la décision, de sorte qu'on se retrouverait avec trop de chefs dans la cuisine? Est-ce que votre mandat est suffisamment étroit et suffisamment clair pour vous tenir à distance, dans la mesure où vous en avez besoin, de ces autres enjeux, pour continuer à faire votre travail dans les délais prévus?

M. Watson : Je pense que notre mandat indique clairement que notre travail consiste à examiner et à évaluer le projet, à savoir un pipeline. Comme je l'ai dit, il y a d'autres enjeux qui créent une spirale autour de nous, mais nous continuerons à nous en tenir à notre mandat et à le respecter comme il convient dans le respect de la loi qui nous régit.

Je sais qu'il y a d'autres enjeux. Comme je l'ai dit, les gouvernements s'en occupent, et nous ferons ce que nous avons à faire pour contribuer à ces autres tâches, mais notre travail est de nous en tenir à notre mandat législatif.

Le sénateur Tannas : Vous ne ressentez pas le besoin de changer ou de clarifier ce mandat pour continuer à faire ce que vous avez à faire dans les délais prévus?

M. Watson : Notre mandat nous donne les solides instruments dont nous avons besoin pour faire notre travail et pour évaluer et comprendre les enjeux liés à la sécurité des pipelines. Ces choses-là sont claires. Et nous sommes confiants de pouvoir le faire.

Nous savons que le gouvernement est en train d'entreprendre un examen en vue de la modernisation de l'office et nous avons fait savoir que cet examen est le bienvenu. Notre loi commence à dater : elle remonte à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Nous avons les instruments dont nous avons besoin, mais je pense aussi que cet examen est une bonne chose étant donné qu'il s'agit d'un vieux texte législatif.

Nous participerons à cet examen s'il y a lieu, mais je veux vous assurer que nous avons les instruments dont nous estimons avoir besoin pour faire notre travail de surveillance des projets et garantir la sécurité de ces infrastructures dans le pays.

Le sénateur Tannas : Ma dernière question porte en fait sur l'amélioration du dialogue avec la population et avec les Autochtones. Je suis curieux de savoir à quoi ça ressemblera précisément selon vous. Pourriez-vous circonscrire un changement précis que vous allez apporter ou nous parler du processus qui le facilitera?

Je me demande aussi — c'est juste que je l'ignore — si vous vous rendez sur place? Si on prévoit de construire un pipeline, est-ce que vous allez voir sur place, dans la forêt, le long des rivières, et cetera, pour dialoguer à ce niveau avec les gens?

Peut-être que vous pourriez simplement nous donner un aperçu de ces deux aspects, l'amélioration et ce que vous faites concrètement.

M. Watson : Oui, bien sûr.

Pour répondre rapidement à la dernière question, oui, en effet, nous nous rendons sur place. Nous faisons des inspections. Si notre personnel a besoin de comprendre le terrain ou la géographie d'une certaine zone, on n'hésitera pas à envoyer du monde sur place pour vérifier et mieux comprendre.

La question de la participation est devenue un sujet de discussion. Je tiens à dire que tous les ouvrages spécialisés et certaines études récentes provenant de diverses tribunes concluent que les organismes de réglementation devraient dialoguer avec les citoyens, les collectivités et les parties intéressées et qu'il ne faut pas s'isoler de la population. Nous savons ça grâce à une étude récemment effectuée par l'Université de Pennsylvanie pour l'Alberta Energy Regulator. Nous savons ça grâce au travail effectué à l'OCDE.

Le dialogue n'est pas une option. Nous devons entrer en contact avec les collectivités et les parties intéressées et mieux comprendre leurs problèmes et leurs préoccupations.

L'une des choses sur lesquelles nous travaillons en ce moment, une nouvelle possibilité, est la façon dont nous pourrions mieux dialoguer avec les Autochtones tout au long du cycle de vie d'une infrastructure traversant des terres et territoires traditionnels et dont nous pourrions ouvrir plus largement nos processus pour permettre à ces collectivités de comprendre ce qui se passe, le fonctionnement des pipelines, et le moyen de nous communiquer leurs questions et leurs préoccupations.

C'est un élément référencé dans l'une de nos dernières décisions concernant un projet où il fallait mettre en place un cadre entre le secteur privé, les Autochtones et l'office pour faciliter leur participation aux activités et à la surveillance durant le cycle de vie de l'infrastructure.

C'est quelque chose à quoi je consacre personnellement beaucoup de temps en ce moment, pour créer les conditions de ce genre de discussion avec les Autochtones et pour pouvoir avancer.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le vice-président : J'aurais moi-même quelques questions, monsieur Watson.

Le sénateur Tannas en a parlé. C'était la première question que j'allais poser, sur les lacunes éventuelles de votre mandat, mais vous semblez être à l'aise avec la portée et le contenu de ce mandat.

Je voudrais souligner quelque chose qui me semble être une lacune. Vous en avez parlé rapidement aujourd'hui. Vous avez employé l'expression à la mode que tout le monde emploie en ce moment quand on parle de transport de pétrole : les zones côtières. C'est une expression enclavée que j'entends souvent dans le pays. Beaucoup de gens dans les provinces centrales du Canada parlent de « zones côtières », mais il y a bien des formes de zones côtières.

Je sais que l'Office national de l'énergie a pour mandat de gérer le transport du pétrole par pipeline, mais les pipelines vont dans les soutes de navires et dans l'eau. Un projet de terminus à Québec a fini par être conspué. Je dois avouer que je ne suis pas favorable à un terminus à Québec. Je ne crois pas que nous devrions exporter du pétrole brut en le transportant par le golfe du Saint-Laurent tout comme je ne crois pas qu'on devrait en transporter dans la baie de Fundy, alors qu'il y a un port idéal pour ça à Point Tupper, au Cap-Breton.

Pensez-vous que l'Office national de l'énergie a le mandat qui convient quand se pose la question des zones côtières?

M. Watson : Je voudrais faire une remarque avant de répondre à votre question.

Je ne voulais pas laisser entendre qu'il n'y a rien à revoir. Je sais que le gouvernement est en train de procéder à un examen de l'office, et, comme je l'ai dit, je pense que c'est une bonne chose parce que notre système a besoin d'être rajeuni et ouvert.

Je tiens à vous assurer et à assurer les Canadiens que nous avons les instruments dont nous avons besoin pour veiller à la sécurité des pipelines aujourd'hui. Il n'y a pas d'enjeux que nous ne puissions pas aborder, mais je pense que l'objet de l'examen du gouvernement porte sur des questions de gouvernance et d'autres choses, et il est tout à fait normal de le faire si nous voulons nous moderniser.

Cela dit, je ne veux pas spéculer sur l'issue de cet examen. Je dois m'en tenir à notre mandat actuel pour évaluer les projets de pipeline, et c'est ce que nous avons le pouvoir de faire.

D'autres juridictions et d'autres organismes ont un mandat concernant la réglementation de la sécurité dans les eaux territoriales et les environnements marins. Je sais qu'il y a d'autres juridictions et d'autres organismes qui font ça.

Donc, nous nous en tenons à notre mandat, et, compte tenu de toutes les discussions, si notre mandat change, nous respecterons fidèlement ce que le gouvernement nous demandera de faire.

Le sénateur Mercer : Quand vous examinez les projets de pipeline, et vous avez parlé de pipelines qui traversent certaines terres, en particulier des terres appartenant aux Autochtones ou sous leur contrôle... une des choses qui ressortent dans mes discussions avec des dirigeants autochtones est qu'ils sont toujours inquiets des effets à long terme de ces projets, et pas nécessairement du point de vue environnemental, mais plutôt du point de vue de la question de savoir ce que la collectivité va en tirer.

Est-ce qu'on pose ce genre de questions aux promoteurs de pipelines : « Est-ce que vous allez employer des Autochtones? Est-ce que vous allez former de jeunes Autochtones pour qu'ils participent à la construction et à l'entretien des pipelines? » Parce que c'est là que ça se passe, c'est dans les collectivités autochtones. Qu'est-ce qui va rester, pas seulement le fait qu'un pipeline passe par là, mais : qui fait le travail?

Est-ce que l'office pose ces questions ou les posera? Pour moi, c'est crucial. L'emploi et l'éducation sont la clé, selon moi, du développement des Autochtones, et voilà une occasion unique.

M. Watson : Ce type d'information socioéconomique est de l'information que nous demandons dans le cadre de notre processus d'examen des projets, et, évidemment, dans le cadre de l'évaluation plus générale de l'intérêt public. Tous les éléments d'information socioéconomiques entrent en ligne de compte.

Je vais demander à M. Steedman de nous parler de certains des éléments d'information que nous demandons aux entreprises de nous fournir dans le cadre du dépôt de leur projet.

Robert Steedman, spécialiste en chef, Environnement, Office national de l'énergie : Pour répondre à vos questions, monsieur le sénateur Mercer, le processus commence par le guide de dépôt de l'Office national de l'énergie, une très longue liste de renseignements que l'office s'attend à recevoir des requérants, et notamment la question de savoir s'ils ont communiqué avec tous ceux qui risquent d'être touchés par le projet le long de son trajet, notamment les collectivités autochtones. Dans ce tout, il y a toujours une question spécifique sur les possibilités d'emploi et de formation. L'office demandera des preuves que l'entreprise a pris connaissance des préoccupations des collectivités le long du trajet et qu'elle a éventuellement modifié la conception de son projet en fonction de leurs intérêts. Nous voyons souvent et nous avons vu dans des rapports récents de l'office des recommandations imposant des conditions ayant force de réglementation aux entreprises, qui sont alors tenues d'informer l'office de leurs pratiques, des résultats obtenus en matière d'emploi d'Autochtones, et de leur engagement à donner de la formation, pas seulement au cours de la construction, mais tout au long du cycle de vie du projet.

Donc, ça, c'est le début, et les entreprises le savent. C'est la question du cycle de vie du projet. Ça fait partie du travail avec les collectivités. La formation et l'emploi font de plus en plus partie de l'évaluation, et ça se passe exactement comme vous l'avez dit : suivi environnemental et travail continu sur les projets et les possibilités de construction, qui sont aussi un élément important.

Le sénateur Mercer : Les gouvernements continuent de dire que les projets d'infrastructure sont un moteur de l'économie, et c'est le plus important projet d'infrastructure qui ne fera rien débourser aux gouvernements, mais je pense que ce sont d'excellentes occasions de développement social et économique pour les Autochtones, et, jusqu'ici, je n'ai pas vu grand-chose sur la table en termes de participation des Autochtones. Je voulais faire ce commentaire plutôt que de vous poser une question.

Ma prochaine question, par contre, porte sur un point soulevé par mon collègue, le sénateur MacDonald, concernant les répercussions environnementales du transport dans les zones côtières. Votre réponse n'était pas claire, ou peut-être que quelque chose m'a échappé.

Le sénateur MacDonald et moi-même sommes de la Nouvelle-Écosse, et nous ne cachons pas notre avis sur l'endroit où devrait aboutir le pipeline d'Énergie Est. Oui, il doit passer par Saint John au Nouveau-Brunswick, sous une forme quelconque, avec une ligne remontant vers la très grande raffinerie, mais un terminus dans la baie de Fundy est très risqué.

La baie de Fundy est un environnement fragile, où se produisent les marées les plus hautes du monde. Ces marées sont très puissantes et peuvent faire beaucoup de choses, mais c'est un environnement fragile. C'est l'habitat d'été de certaines espèces de baleines très importantes, des baleines énormes. On m'a dit qu'elles sont si énormes que, même quand elles voient un navire dans leur chemin, elles ne peuvent pas aller assez vite pour éviter la collision. On va multiplier la présence de navires dans cette zone très fragile.

Si on en arrive au point où il faut décider du terminus, que ce soit à Saint John ou à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse... au fait, l'autre chose importante dont il faut tenir compte à ce moment-là, c'est que Point Tupper est actuellement le point d'entrée de beaucoup de produits pétroliers que nous importons déjà dans l'Est. Les citernes de stockage sont déjà là. Comme le sénateur MacDonald aime le faire remarquer, il y a un gazoduc qui part de l'île de Sable, et les réserves de l'île de Sable tariront inévitablement. Donc, on pourrait lancer le programme en inversant ce pipeline.

Pourriez-vous me dire à quoi ressemblera l'office — et je ne vous demande pas de préjuger de ce que l'office dira —, mais à quelle sorte de décision pouvons-nous nous attendre dans le cas dont j'ai parlé, entre Saint John et Point Tupper?

M. Watson : On pourrait se reporter à l'examen et aux recommandations de l'office dans le cas de l'expansion de Trans Mountain, dont l'examen est terminé et qui attend la décision du gouvernement du Canada, et ça va m'aider à clarifier ma réponse au président MacDonald.

Dans ce cas, nous avons clairement examiné les enjeux maritimes et les risques associés à l'environnement maritime pour les aider à déterminer si le projet tel qu'il était proposé par le promoteur était dans l'intérêt de la population canadienne. Donc, on s'intéresse à ces enjeux quand il s'agit de déterminer l'intérêt général des Canadiens. Les commissaires disposaient de nombreux éléments d'information sur les enjeux maritimes et les risques et difficultés qui s'y rattachaient et ils ont tiré une conclusion en fonction des faits.

Mais je tiens à clarifier pour les sénateurs que, si un projet a le feu vert, l'office ne réglementera pas la circulation des navires-citernes ni la sécurité des navires-citernes parce que ça ne relève pas de notre compétence.

Le sénateur Mercer : Mais est-ce que vous donnerez votre avis?

M. Watson : Nous appuierons Transports Canada et les autorités responsables avec ce qui pourra leur être utile dans notre infrastructure et nos renseignements.

Du point de vue de la compétence juridique, notre responsabilité prend fin dès qu'un navire est chargé au quai. C'est ce que j'essayais d'expliquer, mais je tiens à vous assurer, comme je l'ai montré dans cet exemple, que nous sommes toujours soucieux de l'intérêt public.

Le sénateur Mercer : D'accord, je vous entends. J'avais compris, mais je crois que je n'aimais pas votre réponse.

Le sénateur Black : Monsieur Watson, j'ai une autre question au sujet d'un commentaire que vous avez fait sur le respect du dialogue. Vous avez dit que, selon vous, et je suis tout à fait d'accord, qu'il est extrêmement important que l'office dialogue avec les collectivités, au sens large.

Compte tenu de l'évolution récente de l'affaire Énergie Est et des activités de sensibilisation menées par les commissaires, pouvez-vous nous dire ce que vous en avez appris et comment la consultation se poursuivra, si elle se poursuit?

M. Watson : Oui, bien sûr. Monsieur le sénateur, je tiens d'abord à rappeler que, après coup, on ne se trompe jamais. Pour vous donner un peu de contexte, les réunions en question ont eu lieu en janvier 2015, soit environ 18 mois avant que la demande soit jugée complète et environ deux mois avant l'échéance des demandes de participation aux délibérations. À ce moment-là, nous ne savions même pas qui participerait.

Les réunions ont eu lieu, vraiment, pour connaître l'avis des dirigeants du Québec sur les personnes que l'office devrait rencontrer au cours de mon initiative de participation nationale. C'était le but de nos réunions. Nous voulions aussi comprendre comment faire participer les Québécois au débat sur les enjeux associés aux pipelines et sur la sécurité des pipelines.

Rappelez-vous que nous venions tout juste de terminer, quelques mois auparavant, une audience très controversée sur l'inversion de la canalisation 9 pour approvisionner les raffineries de Montréal, et qu'il y avait eu beaucoup de discussions dans les collectivités au sujet de la sécurité du pipeline, des franchissements de cours d'eau, des endroits où se trouvaient les valves, de la gestion des cas d'urgence, tous les problèmes liés à l'inversion de la canalisation 9, et ce sont des préoccupations légitimes à l'échelle communautaire. Donc nous étions simplement en train d'essayer de mieux comprendre comment faire participer les Québécois à cette initiative au moment où ma tournée se poursuivait.

Dans l'esprit de certains, c'est ce qui a créé une crainte de préjugé, et c'est pourquoi, alors que les réunions étaient organisées dans les meilleures intentions du monde, notre groupe de commissaires a décidé de se récuser.

Quant à ce que vous mentionnez, nous avons tiré des enseignements de cette expérience et nous mettons en application des procédures et des processus qui nous permettront de poursuivre la mise en œuvre de notre programme d'engagement, tout en gérant les risques sensibles liés à un éventuel risque de partialité. Alors, oui, nous mettons actuellement en place de nouveaux processus et de nouvelles procédures.

Le sénateur Black : Excellent. Je vous encourage à poursuivre vos efforts dans ce sens parce qu'il est crucial que les décideurs soient au courant des préoccupations du public, tout en respectant, bien entendu, la primauté du droit.

M. Watson : Nous adhérons sans réserve à ce principe, mais nous en sommes à apprendre comment l'appliquer le plus efficacement possible.

Le sénateur Black : Merci.

Le sénateur Tannas : Je vais vous demander quelques renseignements. On a beaucoup discuté des possibilités de valeur ajoutée et de la sottise que nous commettons en envoyant nos produits non raffinés outre-mer ou au sud de la frontière.

Disposons-nous d'un réseau particulier ou même d'un réseau quelconque d'oléoducs pour le transport de produits raffinés sur de grandes distances? Pourriez-vous nous dire brièvement ce qui différencie un oléoduc de ce genre et ceux utilisés pour le pétrole brut en ce qui concerne la sécurité, l'environnement, la discussion sur les avantages et les inconvénients que vous avez mentionnée? Y en a-t-il des exemples dans le monde? S'il n'y a pas d'exemples d'importance ici au Canada sur lesquels nous pourrions nous pencher, y en a-t-il ailleurs au monde qui servent à acheminer des produits raffinés sur une grande distance jusqu'à un port de mer?

M. Watson : Je répondrai de façon très générale à votre question, puis je demanderai à Shelley et à Robert de donner certains des renseignements détaillés que vous souhaitez quant à la nature de ces réseaux et ainsi de suite.

Je tiens d'abord à signaler aux membres que nous faisons entrer en ligne de compte ces facteurs dans notre examen de tout projet de pipeline. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'un des points dont nous tenons compte dans nos activités de surveillance et de vérification de la conformité est justement la nature des produits — bruts ou produits raffinés — dans l'oléoduc, la nature des mélanges de produits qui sont effectivement transportés.

Tous ces points entrent dans l'évaluation de la manière dont nous préparons et menons nos activités de surveillance, mais je ne veux pas laisser entendre qu'il s'agit là d'un déterminant majeur parce qu'il y a d'autres déterminants importants, tels que les sites sensibles où les conduites traversent un cours d'eau, une déclivité ou un terrain qui présentent des risques que l'exploitant du pipeline devra gérer. Tous ces points sont examinés ensemble lorsque nous exerçons notre surveillance.

Je laisse donc à mes deux collaborateurs le soin de vous donner des renseignements plus détaillés sur les réseaux d'oléoducs pour pétrole brut et pour produits raffinés au Canada, ainsi que de répondre à certaines questions plus générales que vous avez posées.

Mme Milutinovic : Il existe des oléoducs pour produits raffinés au Canada, par exemple, le Trans-Northern entre l'Ontario et le Québec. Il y a aussi des oléoducs pour produits pétroliers raffinés intraprovinciaux au Canada, et les exploitants des oléoducs feront des mélanges de produits pétroliers raffinés également. Ils sont donc transportés à travers le pays dans différents types de conduites.

M. Steedman : Pour ce qui est des risques et des conséquences, je pense que toute fuite d'hydrocarbure, peu importe où elle se produit, est une mauvaise nouvelle. Ces oléoducs contiennent tous un produit liquide, et je ne pense pas, d'un point de vue technique, que la nature du liquide importe tellement. Il doit se conformer aux spécifications approuvées pour la conduite en question quant à ses caractéristiques physiques, sa viscosité et ainsi de suite. Ces points sont réglés par l'exploitant de l'oléoduc et ses clients.

Pour ce qui est du risque, la situation est toujours ambivalente. Un produit plus volatil — le carburant diesel, par exemple — s'évaporera plus rapidement et aura un effet plus grand sur la qualité de l'air pendant une courte période, mais il aura tendance à ne pas persister dans l'environnement, tandis que le pétrole brut, ou les bruts plus lourds, le bitume dilué, ont des degrés variables de volatilité. Tous dégagent certaines vapeurs, mais ils se coagulent rapidement et persistent à différents degrés, avec différents effets. Chaque pétrole brut est différent. Ce sont des produits naturels, mais anciens. Tous comportent des ambivalences.

Les exploitants d'oléoduc doivent être préparés à répondre à toutes ces situations et avoir la capacité d'y répondre. Les premiers intervenants qui seront éventuellement appelés doivent connaître toutes ces possibilités. Notre réglementation exige un tel niveau de préparation aux situations d'urgence.

Il s'agit d'un sujet compliqué, mais il peut se réduire à ceci : un oléoduc pour produits liquides doit contenir tout son liquide. C'est notre grande priorité. Comme Shelley l'a mentionné, il peut y avoir mélange de divers types, selon ce qui arrive à un carrefour pipelinier, par exemple, et selon ce que demandent les clients.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le vice-président : Monsieur Watson, j'aurais quelques questions pour terminer.

L'office estime-t-il qu'il reçoit du gouvernement fédéral le soutien auquel il s'attend et qu'il mérite dans ce processus?

M. Watson : Monsieur le président, l'office assume sa responsabilité avec beaucoup de sérieux et continuera d'exercer son mandat tel qu'il est énoncé dans la Loi sur l'Office national de l'énergie.

Comme je l'ai fait remarquer, nous sommes conscients d'être au cœur d'un débat beaucoup plus large et nous sommes incapables à l'ONE de prendre des décisions sur certaines questions simplement parce qu'elles ne font pas partie de notre mandat. J'ai mentionné que certaines questions sont examinées activement par le gouvernement fédéral et d'autres gouvernements au pays, et nous sommes heureux qu'il en soit ainsi.

Je dirai simplement que nous continuerons d'exercer au mieux de nos capacités le mandat que nous a confié le Parlement.

Le vice-président : C'est une bonne question pour conclure, parce que nous aussi nous avons un mandat, qui est de faciliter l'acheminement du pétrole vers son marché. Nous y croyons. J'encourage donc l'Office dans ses efforts. Je sais que vous avez fait mention de la mesure de la confiance du public; il s'agit d'une mesure très subjective. Nous consacrons beaucoup de temps à tenter de mesure la confiance du public. Trois personnes vociférant dans une salle d'audience ne représentent pas nécessairement le grand public.

Je vous encourage à vous en tenir à votre mandat, comme nous le ferons pour le nôtre, et je vous rappelle simplement que vous n'avez pas pour mandat de faire de l'ingénierie sociale, ni de vous inquiéter de ce que tout un chacun fait valoir auprès de l'Office. Vous devez évaluer les apports de chacun, bien sûr, et nous vous encourageons à le faire, mais, en définitive, c'est ici que se prendra la décision. Cela exigera le leadership et la direction de l'autorité fédérale de ce pays, c'est-à-dire du gouvernement fédéral.

Je vous encourage à faire votre travail et à présenter votre rapport au gouvernement fédéral. J'espère que celui-ci aura le courage de prendre la meilleure décision pour l'économie canadienne et pour tous les Canadiens et qu'il exercera son autorité dans ce sens.

Je vous remercie de vous être déplacés aujourd'hui. Nous apprécions hautement le temps que vous avez consacré à votre comparution devant le comité.

Chers collègues, je veux maintenant souhaiter la bienvenue à Peter Forrester, directeur principal, Affaires juridiques et autochtones, chez Kinder Morgan Canada.

Maître Forrester, je vous invite à faire votre exposé, après quoi les sénateurs vous poseront leurs questions.

Peter Forrester, directeur principal, Affaires juridiques et autochtones, Kinder Morgan Canada Inc. : Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

J'ai été invité à prendre la parole devant ce comité au sujet du défi que pose le transport des produits pétroliers du Canada vers les marchés étrangers, ce que j'appellerai l'accès aux marchés, et de ses recoupements avec le concept de ce qu'on appelle populairement l'approbation ou l'acceptabilité sociale. Je traite de ce sujet du point de vue de directeur principal des Affaires juridiques et autochtones, chez Kinder Morgan, le promoteur du projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain.

Trans Mountain se propose d'agrandir son oléoduc existant, qui transporte actuellement 300 000 barils par jour d'Edmonton jusqu'à la côte Ouest du Canada, pour lui donner une capacité de 890 000 barils par jour. Le but de cette expansion est de donner aux producteurs pétroliers canadiens la capacité d'accéder économiquement à la mer et ainsi de vendre sur le marché international, plutôt que d'être restreints au marché américain saturé, ce qui est actuellement leur situation. Cet accès au marché et les rendements accrus qu'il entraînera pour les producteurs et les Canadiens en général représentent, de toute évidence, un avantage considérable pour les Canadiens ainsi que pour l'économie et le niveau de vie de tous les Canadiens.

Si le comité étudie cette question, c'est parce que, lorsque la volonté d'accéder au marché heurte le concept évolutif de l'approbation sociale, nous avons un problème, et pas un mince problème. Nous sommes dans une situation où nous voulons, en tant que Canadiens, une énergie sûre, propre, durable et abordable afin de maintenir les éléments qui, justement, assurent notre qualité et notre niveau de vie : transports, chauffage, fabrication d'ordinateurs, de voitures, de vêtements, et ainsi de suite.

Nous voulons aussi, ou du moins nous le savons, que « durable » signifie le besoin d'une transition à un monde à plus faibles émissions de carbone et une réduction de notre consommation d'hydrocarbures, y compris de pétrole. Nous savons également que cette transition prendra des décennies, que nous continuerons d'avoir besoin de pétrole pendant de nombreuses années et que, comme nous possédons des réserves de pétrole parmi les plus importantes au monde, nous continuerons pendant longtemps encore à vendre du pétrole au reste du monde. Nous sommes, après tout, une nation commerçante.

Le défi qui se pose aux Canadiens, à leur gouvernement, aux entreprises actives dans le secteur énergétique ou dépendant de lui, aux collectivités touchées et aux Premières Nations, consistera à opérer le rapprochement entre, d'une part, les approbations légales et réglementaires des grands projets d'exploitation des ressources, qui ont pour prémisse l'intérêt public, et, d'autre part, les vues concurrentes de légitimité et d'acceptation sociale, qui sont fondées sur l'accommodement de divers enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux. Comment en viendrons-nous, collectivement, à affirmer que nous avons satisfait à toutes les exigences légales et réglementaires tout en ayant gagné l'approbation sociale telle que nous pouvons aller de l'avant avec de grands projets?

Dans le contexte de grands oléoducs, on peut voir aisément combien la situation peut être compliquée. Prenons, par exemple, le projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain dont le tracé, sur presque mille kilomètres, traverserait deux provinces, de nombreuses municipalités, des districts régionaux, des terres de la Couronne, des terres agricoles, des terrains privés, des biens-fonds de petites entreprises, des routes publiques et des couloirs de services publics, sans parler du corridor maritime?

Pour que ce projet devienne un jour réalité, il devra passer par des processus réglementaires rigoureux et obtenir l'approbation de l'Office national de l'énergie, dont vous avez entendu parler aujourd'hui, de TERMPOL, du Bureau d'évaluation environnementale, de la Commission du pétrole et du gaz et du ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique, ainsi que de tous les organismes correspondants de l'Alberta.

Il devra se plier aux exigences municipales qui régissent les routes, les bâtiments et les situations locales, ainsi qu'à celles du port de Metro Vancouver. Il devra s'engager auprès des collectivités autochtones éventuellement touchées par le projet d'expansion de Trans Mountain et travailler avec elles pour en atténuer les répercussions. Trans Mountain devra respecter toutes ces conditions ainsi que tous ses engagements à l'endroit des autorités de réglementation, des parties prenantes et des collectivités autochtones tout au long de la durée du projet.

Une fois que nous aurons satisfait à toutes ces exigences légales et réglementaires, ce qui a pris, jusqu'à présent, plus de la moitié d'une décennie, une question demeurera : parviendrons-nous à l'acceptabilité sociale nécessaire à la réalisation du projet d'expansion de Trans Mountain? Par « acceptabilité sociale », les gens entendent quelque chose de plus et de supérieur aux approbations réglementaires ou aux autorisations ou permissions officielles de faire quelque chose, ce qu'en droit on comprend par « permis ». Il s'agit d'une approbation quelconque accordée formellement. L'approbation sociale, en revanche, signifie réellement une approbation communautaire ou une acceptation générale ou locale.

C'est ici que réside à la fois l'utilité et la menace de l'approbation sociale. L'utilité tient à ce que ce concept oblige des entreprises comme Trans Mountain, sans égard aux permis ou approbations qu'elles détiennent, à collaborer sans cesse avec les gouvernements, les autorités de réglementation, les collectivités et les groupes autochtones afin de bien comprendre leurs préoccupations et d'y donner suite à mesure qu'elles se manifestent. Il s'agit d'une reconnaissance du fait que les promoteurs d'un projet, les gouvernements, les autorités de réglementation, les parties prenantes et celles touchées par un projet doivent travailler ensemble pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et environnementaux que pose le projet en question à la satisfaction de toutes les parties concernées.

La menace réside dans le fait qu'il y a deux ensembles d'intérêts qui préconisent l'acceptabilité sociale comme exigence préalable au lancement d'un grand projet. Le premier est constitué de ceux qui travaillent dans ce que j'appelle la sphère d'utilité et qui cherchent à régler des revendications complexes et concurrentes en matière sociale, économique ou environnementale.

Le second groupe, plus troublant, est constitué de ceux qui prônent l'impératif de l'approbation sociale, définie par eux-mêmes comme un pouvoir de bloquer les grands projets. Ceux appartenant à cette catégorie s'opposent à l'exploitation des ressources pour des raisons idéologiques, refusent de s'engager de bonne foi dans le travail nécessaire pour en arriver à des compromis sur les enjeux liés au développement énergétique et sont résolus à exercer ce que j'appelle leur « droit de veto sous la forme de l'acceptabilité sociale ». Il importe peu que ce droit de veto qu'ils prétendent exercer puisse en réalité être diamétralement opposé à l'intérêt public et qu'il ne serve qu'à affirmer le but idéologique des protagonistes de l'approbation sociale.

La menace que pose le concept de l'approbation sociale, en ce qu'il a trait aux grands projets d'oléoduc, se conjugue à ce que les pétrolières font et ne font pas. Nous transportons des produits pétroliers. Nous n'en sommes pas les producteurs, les propriétaires ni les raffineurs. C'est pour l'autorisation, la construction et l'exploitation de ces oléoducs que nous demandons des permis. Nous devons démontrer que le projet répond à un besoin économique, qu'il est bien conçu, qu'il sera construit de façon sécuritaire, que ses effets environnementaux seront atténués et que son exploitation et son contrôle se feront de manière prudente. Le processus d'approbation de l'oléoduc peut résoudre toutes ces questions.

Ce que le processus d'approbation de l'oléoduc ne peut pas résoudre, ce sont les questions qui vont au-delà du transport de l'énergie proprement dit, à savoir les avantages et les inconvénients en aval et en amont. Exprimé autrement, l'énergie au Canada concerne l'économie, le commerce international, le changement climatique, la durabilité, la coopération fédérale-provinciale, le partage des bénéfices tirés des ressources et l'innovation. Ces questions appellent une stratégie énergétique canadienne portant sur chacun de ces enjeux d'une façon qui, ironiquement, susciterait l'approbation sociale de l'ensemble des Canadiens.

Je n'ai fait que profiler le problème. C'est le plus facile. Le plus difficile est de formuler une solution pour opérer le rapprochement. Celle-ci réside nécessairement dans la révision de ce concept d'acceptabilité sociale, dans la clarification de ce qu'elle est et n'est pas et dans un effort commun pour la susciter.

L'acceptabilité sociale n'est pas un permis. Elle n'est pas une permission officielle de faire quelque chose, comme construire un oléoduc et ne doit pas être assimilée à un permis. Les Canadiens ne doivent pas se retrouver dans le cercle vicieux de ceux appartenant à la catégorie des opposants idéologiques qui affirment, premièrement, qu'il vous faut obtenir l'approbation sociale, reconnue par nous-mêmes, avant d'entreprendre un projet; deuxièmement, qu'il nous appartient de définir subjectivement, d'après notre idéologie, ce qu'est l'approbation sociale, au sujet de laquelle nous ne souffrirons aucun compromis, qui n'est pas identique et peut même être opposée à l'intérêt social général; troisièmement, que nous refusons de vous reconnaître l'approbation sociale nécessaire à votre projet et nous y opposons notre veto.

C'est donc un jeu à somme nulle. Sans unanimité, aucun projet ne peut aller de l'avant. Ce sont soit les promoteurs du projet, soit ses opposants idéologiques, qui gagnent. Aucune place pour le compromis. Il s'agit d'une antithèse de la démocratie, de la primauté du droit, et une situation intolérable.

Quand Abraham Lincoln a hérité de la tâche ingrate de concilier des positions philosophiques diamétralement opposées du Nord et du Sud, il a eu le bon sens de reconnaître qu'il devait forger un consensus au sein de la population avant de pouvoir agir. Selon ses propres mots : « Un sentiment universel, qu'il soit bien fondé ou non, ne peut être négligé sans risque. » Lorsque nous invoquons aujourd'hui le concept d'acceptabilité sociale, n'est-ce pas justement cela que nous affirmons?

Pour que les gouvernements, les autorités de réglementation, l'industrie, les entreprises, les parties prenantes et les collectivités autochtones acceptent un grand projet, il doit y avoir un consensus général selon lequel le projet en question sert l'intérêt public. Il doit y avoir une position majoritaire, une opinion commune, un accord général quant au fait que nous — gouvernements, autorités de réglementation, promoteurs du projet, collectivités concernées et Premières Nations — travaillons dans les meilleurs intérêts de l'ensemble des Canadiens. C'est l'exercice de la démocratie, déterminée par le consentement de la population et fondée sur la primauté du droit, auquel les Canadiens et nos investisseurs s'attendent.

Lorsqu'il s'agit de développement des ressources énergétiques au Canada, notamment de l'accès au marché, ce qui manque et ce qu'il nous faut, c'est un consensus canadien sur la mise en valeur de l'énergie. Un tel consensus exigera du leadership et du courage au niveau politique et devra se faire sous la direction des gouvernements provinciaux et fédéral dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens. Un consensus au Canada dans le domaine de l'énergie nécessitera une stratégie énergétique qui fusionnera nos meilleures idées, nos meilleures vues et qui procédera, si j'ose dire, d'un compromis sur notre approche générale en matière d'énergie, de changement climatique, de transition à un monde à faibles émissions de carbone, de commerce, d'économie, de partage des ressources et de respect des droits, intérêts et préoccupations autochtones, et au besoin de règlement de leurs revendications.

Ce consensus devra être forgé en faisant en sorte que les possibilités et les difficultés économiques, environnementales et sociales associées à la mise en valeur des ressources énergétiques se soutiennent l'une l'autre, étant donné que chaque élément se répercute sur les autres. Une stratégie énergétique, pour être viable, devra reposer sur ces trois piliers travaillant ensemble : la croissance économique, la durabilité environnementale et le bien-être social de nos collectivités. Si l'on accorde trop, ou trop peu, d'attention à l'un ou à l'autre, tout l'édifice s'écroulera.

Tout consensus sur une stratégie énergétique exigera que tous les ordres de gouvernement travaillent ensemble dans le meilleur intérêt des Canadiens et de leurs commettants locaux. Un tel consensus devra être intégré aux processus d'approbation réglementaire de façon à ce que les Canadiens aient confiance qu'il est tenu compte de leur volonté tant dans une optique directionnelle que dans une perspective technique. Le secteur de l'énergie, notamment les entreprises actives dans cette industrie, qu'il s'agisse de producteurs, de transporteurs ou de distributeurs, doit continuer de travailler avec ses commettants en vue de monter qu'il y a consensus général quant au travail qu'il effectue dans le cadre de la stratégie énergétique.

J'exprime deux pensées en conclusion.

Il existe un besoin urgent de leadership et de courage politiques pour aboutir à une stratégie énergétique qui, à défaut d'être acceptée par tous les Canadiens, exprimera néanmoins la volonté de la majorité, un large consensus. Nous devons cesser de demander si tel promoteur a obtenu une acceptation sociale et demander plutôt s'il y a un consensus général selon lequel il devrait aller de l'avant avec son projet et ses activités.

Plutôt que demander si tel projet fait l'objet d'une acceptabilité sociale, on devrait se demander si tel promoteur, vu sa feuille de route, sa capacité de dialogue et ses actions courantes, a la crédibilité voulue. L'industrie a-t-elle la crédibilité voulue? Les politiques gouvernementales et internationales sont-elles crédibles? Bien que d'une extrême complexité et imbriquée dans le paysage réglementaire et légal, l'approche consensuelle comporte deux grands avantages par rapport à l'approche fondée sur l'approbation sociale. Elle nous informe des points sur lesquels nous devons faire porter notre action. S'il s'agit de la transition à une réduction des émissions de carbone, le consensus sur le « comment », le « quand » et le « quoi » doit se faire à l'extérieur du processus d'approbation d'un projet d'oléoduc particulier, qui n'est qu'un élément du paysage énergétique. L'approche consensuelle fait également ressortir et nous rappelle ce que les Canadiens souhaitent vraiment et ce dont ils ont besoin est une mise en valeur des ressources énergétiques qui fera du secteur canadien d'exploitation des ressources le leader de la protection environnemental, répondant aux besoins de la société et aux exigences de progrès économique. Pour en arriver à un consensus canadien, il faut s'appuyer sur les trois piliers.

Ma deuxième pensée, en terminant, c'est qu'il ne faut pas négliger les occasions qui s'offrent à nous, en tant que Canadiens, dans un monde à faibles émissions de carbone. Les Canadiens sont novateurs, ont été des chefs de file mondiaux de l'innovation dans le secteur énergétique. Étant un pays doté d'abondantes ressources naturelles, d'entreprises novatrices et d'une main-d'œuvre instruite, un pays respectueux de ses collectivités autochtones et ayant une longue tradition de conciliation de groupes d'intérêts multiples et différents et de solides antécédents en matière d'environnement, nous sommes bien placés pour devenir le leader mondial de l'approvisionnement d'énergie durable.

Dans la mesure où la stratégie énergétique améliorera l'économie, protégera l'environnement et répondra aux préoccupations sociales par le truchement de l'innovation et de la collaboration, nous aurons la possibilité de forger un consensus général qui, à la faveur de l'innovation, améliorera le bien-être de tous.

Merci de votre attention.

Le vice-président : Monsieur Forrester, je vous remercie vivement de cet exposé exhaustif et très étoffé. Les membres du comité auront des questions à vous poser, à commencer par le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Monsieur Forrester, je vous remercie chaleureusement de vous être déplacé aujourd'hui. Comme monsieur le président l'a fait remarquer, votre exposé était très concis et détaillé.

Vous avez sans doute touché au cœur du débat. Du point de vue du développement économique, considérant le pays dans son ensemble, les oléoducs sont une bonne chose. Sur le plan économique, il est bon que nous puissions acheminer l'un de nos plus importants produits jusqu'à un port de mer et ainsi cesser d'être captif d'un unique client et commencer à vendre ce produit sur le marché mondial et au prix mondial, plutôt qu'à rabais. Tout cela est très sensé.

J'ai senti de la frustration dans le ton de votre exposé. Est-ce que vous dites que de petits groupes d'activistes, bien que bien intentionnés, dirigent ou entravent actuellement la construction des oléoducs projetés?

M. Forrester : Ce n'est un secret pour personne que certains segments de la population canadienne sont philosophiquement opposés à l'exploitation des ressources énergétiques au Canada, en particulier quand il est question de pétrole brut. Ils s'y opposent d'une façon ou d'une autre. Ils ne sont pas intéressés à prendre part à un dialogue sur l'exploitation de l'énergie, sur les changements climatiques ou sur les mesures à prendre pour atteindre les objectifs à ce chapitre. C'est, au bout du compte, très problématique, car nous visons tous la même chose : protéger l'environnement, stimuler l'économie et prendre soin de notre société. Comment y parvenir sans un dialogue?

Vous savez tous que certains groupes disent préférer ne parler qu'au gouvernement, et non au promoteur, en sachant très bien que le promoteur pourrait en faire beaucoup pour les aider à réaliser ce qu'ils souhaitent vraiment.

Ou alors, sans égard au fait de s'adresser au gouvernement, ils disent ne pas faire partie du gouvernement, avoir un programme différent et ainsi de suite, et donc s'y opposer et s'en remettre à l'acceptabilité sociale et au droit de veto, et ils ne donnent pas leur accord social.

Par ailleurs, certains politiciens, qui savent très bien que la loi dont ils discutent ne relève pas de leur compétence ou de leur territoire, se contentent de reconnaître que tel est le cas, mais invoquent la jurisprudence en matière d'acceptabilité sociale et se vantent d'avoir obtenu ce dont ils ont besoin par un moyen détourné. Voilà la question qui nous occupe.

Le sénateur Mercer : Il est toutefois intéressant de constater que les politiciens qui doivent se faire réélire, les députés de la Chambre des communes et les membres du Cabinet, subissent les pressions de la part de ce que vous avez décrit comme de petits groupes, et je trouve ironique, puisque nous en discutons, que toutes les personnes qui n'accepteront pas une décision positive au sujet des oléoducs seront les premières à en accepter les retombées pour l'essor économique.

Vous avez parlé de crédibilité, cependant, et de crédibilité des compagnies. Je dirais qu'un des problèmes ici concerne le manque de crédibilité des compagnies en cause. L'admissibilité sociale ne se bâtit pas par le biais du processus de réglementation; c'est quelque chose qu'il faut faire tous les jours. Toutes les compagnies en cause doivent y contribuer. L'acceptabilité sociale repose sur votre solide réputation de bon citoyen et de bon voisin soucieux de l'environnement et des bonnes relations de travail que vous entretenez avec la communauté autochtone, et cetera.

Comment trouver l'équilibre? C'est ce que nous nous efforçons de faire depuis des mois. Le pays s'y efforce depuis des années, et nous poursuivrons notre tâche. Si la décision de construire un oléoduc ou des oléoducs est prise, nous nous pencherons sur la question pendant encore longtemps.

Quand donc les participants au processus, les compagnies, interviendront-ils pour aller chercher l'approbation jour après jour?

M. Forrester : Du côté des oléoducs Kinder Morgan et Trans Mountain, nous estimons que c'est une tâche quotidienne à laquelle nous ne pouvons échapper. Nous exploitons le pipeline Trans Mountain, qui aboutit à la côte, depuis 1952, soit depuis plus de 60 ans, et nous traversons plusieurs réserves et plusieurs municipalités. Nous collaborons quotidiennement avec les habitants de ces secteurs. Notre plus grande source de fierté, c'est que nous avons déjà réalisé des projets dans le passé et que certaines Premières Nations, certaines collectivités et certaines personnes qui s'opposaient à nous sont non seulement devenues de fervents partisans de notre initiative, mais ont également intégré les rangs de notre entreprise. Voilà donc qui prouve qu'il faut y travailler tous les jours.

Le problème survient quand vous soumettez un nouveau projet et qu'on vous traite de bon acteur, de faire peut-être toutes ces choses formidables depuis plus de 60 ans et de faire éventuellement ce qu'il faut pour l'environnement, et ainsi de suite, mais que vous n'organisez pas le dialogue en général, que vous ne parles par de l'empreinte carbone, ni des us et coutumes locaux. Il est très difficile d'avoir ces conversations, car l'approbation d'un projet d'oléoduc fait intervenir beaucoup de parties. C'est là que les choses se corsent.

Le sénateur Mercer : Il y a un vieux dicton qui dit : « Qu'avez-vous fait pour moi dernièrement? » et c'est l'un des problèmes en politique. Votre gouvernance est exemplaire et vous êtes un bon citoyen depuis 60 ans, mais tout cela ne vaut pas grand-chose aujourd'hui, parce que les personnes avec qui vous faites aujourd'hui affaire n'étaient peut-être pas dans le décor durant ces 60 années. Si vous pouvez compter sur ces alliés, alors le monde l'ignore. C'est avec vous que nous discutons maintenant et je ne veux pas vous pointer du doigt, vous êtes la seule personne présente, mais c'est un problème que l'industrie. Celle-ci a bien travaillé. Je suis au courant de certains de ses bons coups. Je suis au courant de son bon travail dans la collectivité, mais les Canadiens qui donnent leur approbation sociale, eux, ne le savent pas. Le problème est le suivant : si les petits groupes de personnes qui sont, selon votre définition, des activistes opposés aux oléoducs, le savent, ils ne l'acceptent pas.

Or, vous ne devez pas perdre de vue que les politiciens, ceux qui sont élus et qui prendront les décisions, doivent eux-mêmes se faire socialement accepter, acquérir leur permis pour demeurer politiciens, auprès des personnes qui s'y opposent. Il y a donc une tension entre les deux. C'est un jeu de vendeur. La logique est une chose, mais la vente en est une autre.

M. Forrester : Je pense que vous avez tout à fait raison et que vous avez bien cerné le problème. Dans l'optique de l'entreprise et de l'industrie, vous pouvez renforcer cette crédibilité dans le cadre de vos activités. Vous l'intégrez aux projets et vous y allez très, très largement, très profondément, ce que nous avons fait comme jamais auparavant. Vous poursuivez pendant toute la durée du projet, la facturation et la matérialisation des retombées et vous partagez vos constatations. Or, vous vous retrouvez à l'échelle locale et avec des personnes qui pensent comme vous. Vous devez ensuite vous fier aux organismes de réglementation et au gouvernement pour l'obtention de l'acceptabilité sociale sous la forme de la politique sur l'énergie.

J'en conviens donc avec vous, il y a un manque et je suis d'accord avec vous que c'est attribuable, en partie, au fait que si vous avez adopté un cycle de quatre ans, il est difficile d'aborder toutes ces questions. Allez-vous régler les questions avec les Premières Nations en l'espace de quatre ans? Allez-vous relever tous les enjeux environnementaux en quatre ans? Vous pouvez toutefois faire avancer les choses; vous pouvez notamment dégager un consensus, en toute franchise, et présenter des rapports et recommander au gouvernement de tenir compte du consensus général des politiciens et des Canadiens toutes les fois qu'il prend des décisions.

Le sénateur Tannas : Merci d'avoir accepté de comparaître devant notre comité aujourd'hui, monsieur Forrester.

Peut-être que cela vous a échappé, mais on entend toujours dire que si nous pouvions nous rendre jusqu'à la côte, nous pourrions réaliser un bénéfice de X $ par baril, exact? Je n'ai jamais pu me faire une idée exacte de ce que cela représente.

Il me semble que, dans votre organisation, vous êtes aux premières loges pour savoir ce que cela pourrait représenter. Vous avez 300 000 barils par jour qui sont transportés vers le littoral du Pacifique. Avez-vous une opinion à ce sujet et savez-vous quel prix net les producteurs albertains reçoivent par baril, par rapport à ce qui va au sud?

M. Forrester : Permettez-moi de vous dire ceci. Quand on parle d'accès à la côte, on parle d'expéditions dont le volume est suffisant pour pouvoir se rendre, au plan économique, jusqu'en Asie, en particulier, mais aussi à d'autres endroits, selon un critère économique; cela veut dire que vous devez avoir un certain volume dans votre canalisation et sur vos navires.

Donc, les 300 000 barils par jour que vous voyez passer dans le port représentent le volume qui n'aboutit finalement pas sur les marchés asiatiques, car ce n'est pas assez pour être rentable. De toute évidence, si vous augmentez les volumes, les frais d'expédition sont beaucoup moins élevés et vous pouvez expédier de façon économique en Asie.

Avec le chiffre magique de 890 000 barils... Vous constaterez la même chose avec certains autres projets, des projets plus importants qui permettent d'employer des pétroliers de plus gros tonnage qu'on remplit un peu plus afin de pouvoir expédier économiquement la marchandise en Asie.

Quant à votre question directe à propos du coût net, dans le secteur dans lequel nous évoluons ce coût net fluctue non seulement de jour en jour, mais aussi d'heure en heure, et nous n'y pouvons rien.

Revenons à l'essentiel. Il y a un prix sur le marché international, celui du pétrole brut Brent. Il y a un prix réduit pour le Western Texas Intermediate, le WTI, qui se fonde en grande partie sur le carrefour de Cushing et ce qui s'y passe. Il y a un prix canadien général qui repose sur le Western Canadian Select.

Vous avez donc un prix pour le Brent, le WTI qui se négocie au rabais par rapport à celui-ci et le WCS qui subit le même traitement au quotidien. Si vous pouvez acheminer la production de WCS sur les marchés mondiaux, dans les raffineries, vous vous rapprochez ainsi beaucoup plus du prix du Brent et, par conséquent, l'écart diminue.

Vous obtenez deux grands avantages. Premièrement, vous avez rétréci l'écart par rapport au WTI et au Brent, car les Asiatiques, comme les Chinois, peuvent effectivement raffiner nos types de pétrole brut; vous récoltez donc cette manne et pouvez récupérer cet avantage économique. En outre, vous pouvez vendre une plus grande quantité à un certain moment, parce que, comme vous le savez tous, le marché du Midwest américain est actuellement saturé de pétrole. Il continuera à vouloir certains types de pétrole canadien, car il peut l'obtenir au rabais, et si cela convient aux raffineries locales, ce pourrait bien être la voie à suivre.

Le sénateur Mercer : Désolé, mais vous ne nous avez pas présenté de chiffres et j'admets que le prix a fluctué ce matin. Je le reconnais, mais vous devrez peut-être choisir une journée, n'importe laquelle, et expliquer ce que cela aurait voulu dire cette journée-là.

Je pense que nous avons de la difficulté, et je m'associe au sénateur Tannas à cet égard, à comprendre les véritables avantages économiques de l'accès au littoral. Si vous voulez obtenir l'approbation sociale, songez que les Canadiens peuvent faire les calculs. Ils comprendront que le fait de vendre aux Américains aux prix du pétrole brut West Texas ou de viser les prix des marchés internationaux en se rendant sur le littoral et en expédiant peu importe où, les Canadiens voudront un exemple, des chiffres réels.

Le sénateur Tannas : Je suis surpris que vous n'ayez pas à brûle-pourpoint un exemple précis de l'écart, de ce que cela représente en argent qui revient dans les poches des producteurs et du fisc des gouvernements canadiens. Je suis surpris que vous n'ayez pas cet exemple en tête.

M. Forrester : Nous avons intégré les chiffres et la méthodologie au processus de l'Office national de l'énergie. Comme vous le savez tous, les gens considèrent qu'on fait dire aux statistiques ce qu'on veut, qu'on peut jouer avec les chiffres et les modifier d'heure en heure, et c'est que c'est ainsi que les négociants de pétrole brut font leur argent; je ne veux donc pas dire devant les membres de ce comité quelque chose qui pourrait les induire en erreur. Or, s'il y a une information que je peux vous transmettre, c'est celle-ci : le baril de pétrole se négocie à environ 45 $, au prix du WTI, celui de Brent plus près des 50 $ et celui du Western Canadian Select, entre 15 $ et 20 $ de moins en permanence; en outre, le prix varie à la hausse ou à la baisse selon les volte-face des raffineries et de ce qui se passe du côté des expéditeurs. Il change donc de jour en jour, selon les devises.

Or, il est indéniable que nous négocions au rabais, qu'il s'agisse de 5 $, de 20 $ ou de 25 $ de moins, ce qui est un problème depuis toujours. C'est la raison pour laquelle nous constatons, même aujourd'hui, que nous n'arrivons même pas à mesurer l'ampleur du phénomène. Les producteurs intelligents cherchent à se débarrasser de tous leurs barils à quai — quand ils n'ont plus de capacité de stockage et quand la demande augmente — parce qu'ils peuvent ainsi récupérer une partie de la différence de prix en écoulant ces barils sur les marchés mondiaux.

Permettez-moi de réagir à ce propos. Vous dites que les Canadiens n'acceptent pas l'idée de vendre leurs ressources au rabais. Paradoxalement — et j'ai parcouru l'Ouest canadien et négocié avec les Premières Nations, puisque nous faisons affaire avec 135 Premières Nations et que nous traversons de nombreuses réserves — je peux vous dire que les chefs et les membres des Premières Nations, qui sont attachés à leur terre et qui ont à cœur la bonne exploitation de la terre et des ressources, quand ils découvrent ce qu'il se passe, ne comprennent pas comment il est possible d'extraire des ressources canadiennes de leurs territoires traditionnels et de les vendre au rabais. Voilà ce qui les intéresse.

L'histoire n'est pas aussi bien racontée qu'elle le devrait, j'en conviens. C'est une histoire compliquée, cela aussi, j'en conviens. Toutes les fois où je parle de pétrole brut Brent, de WTI et de Western, ce que je fais tous les soirs avec mon épouse, elle me répond que cela n'intéresse personne. La réalité, c'est que le pétrole se négocie au rabais et que nous devons commencer à négocier aux prix en vigueur sur les marchés mondiaux.

Le sénateur Tannas : Merci.

Je veux simplement poser une question au sujet de l'acceptabilité sociale, car je pense que nous en conviendrons tous, c'est nébuleux et cela réveille des fantômes.

Il a beaucoup moins été question de l'acceptabilité sociale au cours de la dernière année. À mon avis, tout le monde craignait que le public accepte le concept d'une façon ou d'une autre et que celui-ci soit inscrit au lexique, sans même être défini.

Est-ce que vous dites penser que l'expression « acceptabilité sociale » et le sens que tout le monde lui donne devient en fait légitime ou avez-vous l'impression qu'il y a une réalité dont nous, les Canadiens, sommes fiers, en particulier ici en Alberta, et que cette réalité s'implante peut-être et que tout le concept sera bien défini?

M. Forrester : Oui. Je suis d'accord avec vous, l'acceptabilité sociale a un peu été mise en veilleuse au cours de la dernière et je l'attribue à quelques raisons.

Premièrement, le gouvernement albertain; nous avons le gouvernement que nous avons aujourd'hui et ceux qui le composent travaillent d'arrache-pied pour régler ces questions dans leur perspective qui découle — je parle des trois pattes du tabouret — de la patte environnementale et sociale, qui conduit à l'économie. Cela en soi change la façon dont l'Alberta est perçue. Ces gens étaient chez eux cherchant à se plaindre. Maintenant, ils sont au front et doivent prendre des décisions réelles et pratiques et ils doivent aujourd'hui reconnaître qu'il est impératif pour eux de tenir compte des trois pattes du tabouret, et vous verrez ce qui se passe en Alberta maintenant; certains qualifient la situation de sombre. C'est important, ce n'est plus la même chose.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral; ceux qui en font partie sont nouveaux dans le domaine et n'ont pas encore été en mesure de remplir le mandat qui leur a été confié, mais ils tiennent le même discours et cela, en soi, revient à l'acceptabilité sociale dans cette perspective.

Troisièmement, nous sommes partout, nous misons sur certaines des démarches que nous entreprenons auprès de l'Office national de l'énergie et des parties prenantes, nous passons en revue le processus environnemental de la Colombie-Britannique, nous avons été en cause dans plusieurs affaires judiciaires et les tribunaux nous ont dit que nous sommes sur la bonne voie et que nous devons y rester. Nous en tenons compte, nous y prêtons attention et nous nous efforçons de le faire. Je pense que toutes ces choses peuvent se résumer par « réalité ».

On entend de plus en plus dire que les gens aiment notre projet, ce que nous faisons et les retombées et qu'il faut que cela se réalise; ils veulent y participer et se demandent comment, mais ils ne passent pas à l'étape suivante. Je pense que cela se déroule un peu de cette façon.

Le sénateur Tannas : Excellente réponse. Merci.

Le vice-président : Monsieur Forrester, j'ai quelques questions à vous poser. Votre présence est appréciée.

Je sais que vous travaillez sur le dossier depuis quelque temps et je suis persuadée que vous en avez étudié tous les aspects avec l'Office national de l'énergie. Je reviendrai à l'office dans une minute, mais je veux d'abord parler de prix.

Je comprends la tarification. Je siège au comité de l'énergie depuis cinq ou six ans et beaucoup de mes amis travaillent dans le secteur pétrolier. Je comprends la dynamique qui sous-tend le prix du pétrole West Texas, Western Canada Select et Brent. Le pétrole qui se rend dans l'Est du Canada, bien entendu, est presque totalement du pétrole au prix du Brent. Les médias m'ont interrogé sur la question et j'ai indiqué que la possibilité nous est offerte d'établir le prix du pétrole fait au Canada si nous pouvons acheminer notre pétrole à l'Est du pays, un prix non pas dicté par le gouvernement, mais bien par le marché.

Si nous sommes prêts à vendre notre pétrole aux États-Unis au rabais à 25 $ le baril, ou même moins en période de surabondance, et ils nous font le coup tout le temps, il est juste de présumer que les Canadiens seraient prêts à vendre le pétrole à un coût moindre à eux-mêmes.

M. Forrester : Je comprends cela. Nous ne fixons pas le prix, c'est le marché qui le fait.

Le vice-président : Le marché fixe le prix.

M. Forrester : Pour le pétrole brut, le principe économique appliqué était une simple courbe de l'offre et de la demande que nous calculions.

Le problème aujourd'hui, c'est que bien d'autres choses interviennent, notamment en particulier le raffinement et l'emplacement des raffineries, les aspects géopolitiques et les producteurs qui posent des gestes en fonction de certains objectifs politiques.

Le vice-président : Oui.

M. Forrester : Nous serons toujours liés au prix du pétrole sur les marchés mondiaux. Je suis d'accord avec vous que, de toute évidence, si nous pouvions vendre une plus grande quantité de notre produit plus près, notamment aux Canadiens et aux raffineries canadiennes, et nous pouvons le faire le plus stratégiquement possible, et les raffineries, y compris les raffineries et usines de traitement canadiennes ne sont pas idiotes, elles savent ce qu'elles font, nous pourrions obtenir de bien meilleurs prix.

On entend dire qu'au chapitre du pétrole brut et du pétrole, le Canada pourrait être un chef de file mondial et que nous importons des produits d'autres pays qui n'ont peut-être pas les mêmes préoccupations environnementales, les mêmes préoccupations subtiles, que nous, et que nous, au Canada, nous tenons compte de ces choses.

Si nous pouvons vendre et devenir chef de file mondial dans ce domaine, nous obtiendrons non seulement les prix en vigueur sur les marchés mondiaux, mais également la bannière et la marque de commerce d'être durables sur les plans environnemental, social et économique; c'est une bonne nouvelle pour le Canada et nous pouvons livrer la marchandise.

Le vice-président : Oui, je le pense aussi.

Ma deuxième question me ramène à l'Office national de l'énergie. Vous avez été appelé à négocier avec le conseil d'administration dans le cadre du processus relatif à l'oléoduc. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos observations quant à l'efficacité du conseil en fonction de son mandat — et non de ses membres, d'accord? Les administrateurs ont un mandat dont ils doivent s'acquitter. Y a-t-il, à votre avis, une façon de renforcer le conseil? Estimez-vous que le conseil est suffisamment solide? Pensez-vous qu'il faudrait supprimer certains aspects du mandat? En ajouter?

M. Forrester : L'Office national de l'énergie a fait preuve de rigueur pendant les années qu'a duré le processus; il n'a rien négligé du début à la fin, de la conception aux opérations, des mesures d'atténuation à l'intervention en cas d'urgence, aux scénarios d'intervention en cas de déversement; il a entendu parler de tous les divers enjeux, l'office a absolument fait de son mieux avec les attributions qui lui étaient confiées et, franchement, il a fait preuve d'une rigueur extrême. Rien n'a été laissé au hasard. Ils ont entendu parler de tous les aspects et ont écouté les gens qui étaient disposés à participer au processus.

L'Office national de l'énergie fait face au même problème que l'industrie des pipelines. L'office ne peut aborder que les enjeux décrits dans son mandat et quand les gens lui demandent en quoi ses initiatives sont liées au développement énergétique, de quelle manière elles répondent aux obligations de la Couronne de mener des consultations, ou de quelle façon ces initiatives respectent les cinq conditions de la Colombie-Britannique — qui, en soi sont tout à fait politiques — ou de quelle manière ses initiatives sont liées à toutes ces questions, l'Office ne peut plus rien faire. C'est pourquoi à mon avis, en fin de compte, il sera crucial d'établir une stratégie énergétique sur laquelle nous nous entendrons tous, tout au moins en atteignant un consensus, afin de pouvoir aller de l'avant.

Quand je suis à mon chalet et que je parle de pipelines et de l'Office national de l'énergie, les Canadiens orientent la conversation vers les empreintes de carbone, vers les changements climatiques, et ils veulent savoir pourquoi l'Office national de l'énergie ne traite pas ces enjeux en priorité. Mais ce n'est pas possible.

Pour qu'une telle mentalité fasse consensus parmi les Canadiens, nous devons créer un espace pour ces enjeux. Nous devons le faire en créant une stratégie énergétique que dirigeront le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et à laquelle participeront tous les secteurs de l'industrie énergétique ainsi que les Canadiens, les intervenants et les Premières Nations.

Le vice-président : Votre citation du président Lincoln, qui soutenait que l'on ne peut se permettre d'ignorer un sentiment universel, qu'il soit bon ou mauvais, est très juste et très profonde. Tous les Canadiens devraient y réfléchir, et les gouvernements aussi.

Le sénateur Mercer : Je voudrais revenir à notre discussion sur le prix. Évidemment qu'il fluctue, et il a probablement déjà changé depuis que notre discussion de tout à l'heure, et les gens diront que tout le monde s'en fiche. Je voudrais reparler de vente. Nous sommes tous des vendeurs dans cette démarche de promotion. Je voudrais parler de hambourgeois pendant quelques instants.

Un grand fabricant de hambourgeois dépense au Canada des dizaines, des centaines de milliers de dollars en publicité pour nous annoncer que ses hambourgeois ne contiennent ni hormones ni antibiotiques. Eh bien, vous savez quoi? Leurs clients ne savaient même pas que les produits de la viande contenaient ces ingrédients avant d'avoir vu cette publicité. Mais le fabricant a trouvé moyen de paraître différent de ses concurrents et d'annoncer cela à sa clientèle en lui donnant l'impression que cette différence à une importance énorme. Personne ne sait vraiment si cette différence est importante ou pas, et personne ne sait d'où vient cette viande. Mais ce fabricant s'est créé une image en nous faisant croire que, si nous achetons ses hambourgeois, nous n'avalerons pas ces ingrédients.

Si l'industrie veut obtenir l'approbation sociale des Canadiens et si elle veut que les Canadiens comprennent les avantages pratiques de tout cela, il faut que nous leur parlions des nombreux emplois que la construction du pipeline créera, des nombreux emplois que ce projet créera à la fin du processus, des nombreux emplois qu'il créera dans les centres de production en Alberta et en Saskatchewan, par exemple. Il faut dire tout cela aux Canadiens.

Les politiciens de la Chambre des communes qui subissent les pressions des petits groupes dont vous parliez devraient commencer à subir les pressions d'autres groupes qui leur disent : « Pourquoi ne lançons-nous pas ce projet? Pourquoi devons-nous vendre à bas prix au lieu de vendre à un prix mondial? Pourquoi ne créons-nous pas ces emplois dont vous allez parler aux Canadiens? » À mon avis, il est bien de faire périodiquement d'excellentes présentations à l'Office national de l'énergie, mais l'office n'est pas votre seul auditoire. Vous devriez aussi parler aux quelque 330 députés qui siègent au Parlement et qui représentent 35 millions de Canadiens que ceux-ci aient ou non voté pour eux.

Il est grand temps, mesdames et messieurs — et je vous parle à vous, monsieur Forrester ainsi qu'à tout le reste de l'industrie — de cesser de vous plaindre que vous ne recevez pas le soutien nécessaire, alors que vous ne faites rien pour l'obtenir! Vous n'avez pas préparé votre exposé. Le fabricant de hambourgeois dont je vous parlais, lui, avait peaufiné sa présentation en affirmant que sa viande est meilleure que celle de ses concurrents parce qu'il n'y ajoute pas certains ingrédients. Que cela soit vrai ou non, les Canadiens y croient et achètent ses hambourgeois.

Commençons à dire aux Canadiens que les prix changeront, mais qu'on pourra en limiter les fluctuations. Les Canadiens veulent qu'on leur présente des chiffres. Ils veulent savoir que le projet créera des emplois, non seulement en Alberta et en Saskatchewan, mais aussi en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard, partout au pays. Ils savent bien que, si cette industrie prospère, tout le pays prospérera.

M. Forrester : Je comprends tout à fait ce que vous dites. Nous avons essayé de faire cette promotion. Il est évident que nous ne l'avons pas faite aussi parfaitement que nous l'aurions dû, en partie parce que l'industrie réunit de nombreux acteurs très différents. Il faut que nous le fassions mieux.

L'autre explication est le fait que la stratégie énergétique comporte tant d'éléments que nous n'avons aucun contrôle sur ce que transporte le pipeline. Mais je suis d'accord avec vous. Nous travaillons toujours en concurrence contre d'autres, et quand je dis « nous », je désigne l'industrie des pipelines ainsi que, très franchement, les ressources canadiennes. Cette concurrence joue sur des questions d'environnement, sur des enjeux sociaux et sur l'économie. Nous sommes en mesure de soutenir la concurrence sur ces enjeux, et les gens n'y pensent pas. Je suis d'accord avec vous, nous devons faire les choses plus efficacement.

Le sénateur Mercer : Je sais que vous soutenez très bien cette concurrence, mais j'ai le privilège de vous parler directement et de travailler à d'autres échelons de la hiérarchie que la plupart des Canadiens. Toutefois, si vous voulez l'approbation sociale, c'est à eux que vous devrez vous adresser.

M. Forrester : Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Mercer : C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

Le vice-président : Monsieur Forrester, je vous remercie de vous être déplacé. Je trouve que vous faites du très bon travail. La prise des décisions définitives revient au gouvernement fédéral. La Constitution lui a conféré ce pouvoir, il doit en assumer la responsabilité et l'exercer. Merci d'être venu.

M. Forrester : Je vous remercie de voir les choses ainsi.

Le vice-président : Mesdames et messieurs, nos derniers témoins ce matin sont Ken Kobly, président-directeur général de la Chambre de commerce d'Alberta, et Justin Smith, directeur des politiques, de la recherche et des relations gouvernementales de la Chambre de commerce de Calgary.

Veuillez nous présenter vos allocutions, puis les sénateurs vous poseront des questions.

Ken Kobly, président-directeur général, Chambre de commerce d'Alberta : Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir offert cette occasion de comparaître devant vous. Je remercie Daniel d'avoir tenu compte de mon calendrier de déplacements. Je reviens de l'AGA de cinq jours de la Chambre de commerce du Canada. Ce dont nous parlons aujourd'hui a fait l'objet de nombreuses conversations pendant cette assemblée générale de toutes les chambres de commerce du Canada.

La Chambre de commerce de l'Alberta représente 126 chambres communautaires de la province de l'Alberta. Nous sommes la seule province dont toutes les chambres de commerce communautaires sont membres de la Chambre de commerce de l'Alberta et de la Chambre de commerce du Canada. Elles représentent environ 25 000 entreprises situées partout en Alberta. Nous ne représentons pas que les grandes sociétés, mais surtout les petites et moyennes entreprises, qui composent 95 p. 100 de la communauté des affaires de la province de l'Alberta et que, par conséquent, nous considérons aussi comme nos membres.

Vous imaginez bien que Calgary et Edmonton et le reste de l'Alberta ne sont pas des régions très heureuses à cause de la récession économique. Permettez-moi d'ajouter une petite parenthèse : le chauffeur de taxi qui m'a amené ici ce matin est ingénieur chimiste. Cela vous donne une idée de la gravité de l'état de notre économie et de notre taux de chômage.

Comme les membres du comité ont déjà examiné notre présentation, je ne vous ennuierai pas avec les détails. Je serai prêt à répondre à vos questions à leur sujet, mais je vais d'abord faire quelques observations.

La première a trait à l'approbation sociale. C'est un terme qui n'a jamais vraiment été défini et que l'on utilise à l'excès. Je dirais même que, dans bien des cas, on en abuse.

Nous devrions préciser cette définition avant de lancer de grands projets d'infrastructure dans notre pays, qu'il s'agisse de canalisations du transport de pétrole ou d'une centrale nucléaire. Comme cette expression n'est pas définie avec exactitude, à quel point pouvons-nous considérer qu'une masse critique de personnes approuve réellement le projet? Je vous dirai que l'on n'obtiendra jamais l'approbation de 100 p. 100 des organismes et des particuliers du Canada. C'est la vie. Je vous parlerai d'une situation différente tout à l'heure.

Regardez la turbulence qui a perturbé les audiences de l'Office national de l'énergie à Montréal, et vous pourrez prévoir la réaction à laquelle le gouvernement du Canada fera face lorsqu'il annoncera enfin l'infrastructure qu'il aura sélectionnée. Les intervenants qui s'y opposent le plus bruyamment ne l'accepteront pas, c'est aussi simple que cela. Il est certainement crucial de mener des consultations approfondies sur ces enjeux importants qui influeront sur la vie des Canadiens pendant longtemps. Nous comprenons tout à fait et nous appuyons entièrement cela.

Cependant, une fois ces consultations terminées, une fois que les organismes de réglementation auront pris leur décision, le gouvernement du Canada va devoir agir. Nous avons vu ce qui s'est passé, surtout aux États-Unis, où l'on remettait la prise de décision sur Keystone à plus tard, à plus tard, à plus tard et encore à plus tard.

Je conseille au gouvernement de faire confiance à ses organismes de réglementation. Ils ont des règles à suivre et doivent respecter le processus. Il y aura toujours de petits accrocs, mais il faut faire confiance aux gens que l'on a recrutés et écouter leur avis, pour veiller à la conformité et pour présenter des recommandations au gouvernement.

Je vais vous donner un exemple. Il y a très longtemps, j'ai siégé pendant 20 ans au conseil municipal d'une petite ville de l'Alberta dont j'ai été maire pendant 12 ans. Les gens critiquent toujours le conseil municipal en disant qu'il ne les écoute pas. En réalité, nous tenons une audience publique réglementaire; les gens y participent pour présenter leurs doléances, mais en fin de compte, c'est aux politiciens — dans ce cas-ci, au conseil municipal —, de prendre la décision définitive. Malgré cela, les gens nous critiquaient constamment en affirmant que nous n'avions pas écouté les personnes qui s'opposaient à la décision que nous prenions.

L'Alberta est l'une des régions les plus écologiquement responsables et pourtant, peu de gens le reconnaissent. Avant le gouvernement actuel, le gouvernement qui était au pouvoir a pris des mesures pour démontrer que nous développons nos ressources naturelles en respectant l'environnement. L'Alberta a l'un des régimes réglementaires et environnementaux des plus stricts en matière de mise en valeur des ressources naturelles.

Il faut aussi considérer la durée des consultations; quand doivent-elles se terminer? À l'heure actuelle, nous assistons à une consultation qui est bien trop brève, celle qui a lieu sur l'interdiction des pétroliers au large de la côte Ouest du Canada. Cette consultation, annoncée je crois vendredi dernier ou le vendredi d'avant, doit se clore le 30 septembre. Elle n'aura duré que six semaines, dont deux pendant les vacances d'été. Cela ne donne tout simplement pas assez de temps aux Canadiens qui appuient cette interdiction ou qui s'y opposent de présenter des commentaires raisonnables au gouvernement du Canada.

En fait, à l'AGA de la Chambre de commerce du Canada, nous avons adopté une motion pour encourager le gouvernement du Canada à prolonger cette période de consultation publique.

J'ai entendu le témoin précédent. Il a parlé de la différence entre le prix que nous obtenons pour le pétrole de l'Alberta et le prix mondial. Voici un fait important auquel les gens, surtout dans l'Est du Canada, ne font pas attention : près de 67 p. 100 du pétrole et près de 67 p. 100 du gaz naturel que l'Ontario et le Québec consomment leur viennent de l'étranger...

Le vice-président : Oui.

M. Kobly : ... soit des États-Unis, soit de l'Arabie saoudite. Mais j'avertis les gens de l'Est du Canada : comme ils achètent leur pétrole dans les marchés mondiaux, ils le paient très cher. Voilà un problème économique qu'ils devraient examiner.

Comment renforcer la confiance envers les organismes de réglementation? C'est très difficile, parce que les intervenants qui ne reçoivent pas une décision favorable d'un organisme de réglementation sèmeront toujours la méfiance. Je crois que c'est ce qui se passe à l'heure actuelle dans le cas de l'Office national de l'énergie. Certains individus sèment le doute sur ce que fait l'Office. Je le répète, je vous conseille de soutenir les organismes de réglementation et de croire en l'efficacité du processus.

Quand vous faites face à des problèmes, abordez-les à mesure qu'ils se manifestent. Mais on ne gagne jamais à laisser les politiciens — avec tout le respect que je vous dois —, critiquer un organisme de réglementation qui a été engagé pour mener des évaluations indépendantes pour le gouvernement du Canada.

Parlons maintenant de l'engagement des peuples autochtones; vous trouverez, dans les documents que nous vous avons remis, un article produit par le gouvernement de l'Alberta sur l'engagement des peuples autochtones. La Chambre de commerce de l'Alberta appuie sans réserve la consultation complète et approfondie des peuples autochtones.

Nous indiquons aussi l'avantage que, selon nous, le pays entier retire de cela. Comment partager les avantages et les risques? Je crois que les Canadiens reconnaissent à quel point ils dépendent du secteur pétrolier et gazier et tous les avantages qu'ils en ont retiré dans le passé. Les taux de chômage grimpent dans tout le pays. L'aspect positif de tout cela est le fait que quand l'Alberta développe son secteur pétrolier et gazier, tout le reste du pays profite des biens, des services, et surtout des emplois — un grand nombre d'emplois — que cela crée.

Les gens ne savent pas que les autobus de Fort McMurray viennent de Québec, d'une entreprise qui s'appelle Prévost. Nous ne fabriquons pas tous les trucs dont nous avons besoin. Les pneus des énormes camions utilisés à Fort McMurray ne viennent pas de l'Alberta, mais de l'Ontario. Tout le pays profite de la prospérité et de la stabilité du secteur pétrolier et gazier.

Parlant de ressources humaines, on en fait souvent une blague, mais c'est vrai, Fort McMurray est le deuxième endroit où l'on trouve le plus de « Newfies » au Canada...

Le vice-président : Au monde.

M. Kobly : Cela vous donne une idée de la situation. Quand ces travailleurs retournent chez eux le 31 décembre, ils ne produisent pas leurs déclarations d'impôt en Alberta. Ils les envoient dans leur province de résidence.

Le vice-président : Ils aiment leur pays.

M. Kobly : Ce sont d'autres problèmes dont le public n'a pas connaissance. À la Chambre de commerce de l'Alberta, nous nous efforçons de divulguer ces faits par l'intermédiaire de notre réseau de chambres de commerce et de nos liens avec la Chambre de commerce du Canada. C'est très, très difficile. Pour bien des raisons et de plusieurs points de vue, il est très difficile de faire connaître les effets positifs de la prospérité du secteur pétrolier et gazier de l'Alberta.

Je serai prêt à répondre à vos questions quand mon collègue de Calgary aura présenté son allocution. Je vous remercie encore de m'avoir invité à venir témoigner.

Le vice-président : Merci, monsieur Kobly.

Monsieur Smith.

Justin Smith, directeur des politiques, de la recherche et des relations gouvernementales, Chambre de commerce de Calgary : Bonjour monsieur le président et honorables sénateurs. Merci d'avoir invité la Chambre de commerce de Calgary à témoigner devant vous aujourd'hui sur ce thème qui est d'une importance capitale non seulement pour l'économie de Calgary, mais comme l'a dit Ken, pour celle de tout le pays.

J'espère que les réflexions et les points de vue sur cette question que je vais vous présenter au nom de la riche diversité des 1 700 entreprises membres de Calgary vous aideront à élaborer un cadre politique plus fiable. Il est urgent que les ressources énergétiques du Canada se rendent jusqu'aux marchés afin de maximiser la valeur de notre production pour les entreprises, pour les contribuables, pour les propriétaires de ressources et pour toute notre nation.

Je vais d'abord examiner quelques changements structuraux profonds que nous avons observés dans le secteur pétrolier et gazier au cours de ces dernières années. En fait, je n'hésiterai pas à affirmer que le XXIe siècle a été témoin du plus grand retournement du système énergétique mondial auquel le monde ait assisté depuis des générations. Ce retournement a perturbé les domaines de la géopolitique, de l'économie mondiale et, bien sûr, de l'environnement.

Les progrès scientifiques et technologiques ont libéré de nouvelles sources énergétiques : des sources d'énergie renouvelable et propre ainsi que des méthodes avancées d'extraction de l'huile de schiste et des ressources gazières. La communauté internationale a réaffirmé son engagement de s'attaquer efficacement aux changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre même si les marchés émergents utilisent plus d'énergie que jamais et si 1,3 milliard de personnes ne reçoivent toujours pas de services énergétiques modernes.

La nouvelle dynamique entre les producteurs énergétiques et les consommateurs ainsi que le rôle de l'OPEC dans les marchés du pétrole et les transformations que suscitent les États-Unis en produisant leur pétrole et leur gaz de manières non conventionnelles créent des débouchés commerciaux. Toutefois, ils causent aussi des effets imprévus sur la dynamique de l'offre et de la demande, ce qui fait fluctuer les prix.

Tout cela survient pendant que le public passe notre industrie à la loupe et que les prix demeurent à leur plus bas point. Il est bien évident que de nombreuses sociétés et autres intervenants de l'Ouest du Canada gardent les yeux fixés sur la concurrence mondiale et sur la pertinence future de notre industrie pétrolière et gazière.

Nous sommes donc ici pour tenter de répondre à la question suivante : comment amener les produits énergétiques canadiens aux marchés mondiaux en cette ère de transformation profonde? Comment instaurer un cadre réglementaire robuste qui nous permette de vendre nos produits au reste du monde tout en maintenant l'image d'une industrie respectueuse de l'environnement et socialement responsable?

La réponse à cette question est entravée par le fait que les processus d'examen du gouvernement fédéral ne sont plus considérés comme étant suffisants et légitimes. La société actuelle ne s'attaque plus uniquement au processus réglementaire; elle exige que les gouvernements prennent en main des domaines qui ne relèvent pas des organismes de réglementation.

La société exige maintenant que les gouvernements s'attaquent aux changements climatiques et aux effets d'un accroissement de la production énergétique sur les émissions de gaz à effet de serre au Canada. À la Chambre de commerce de Calgary, nous comprenons parfaitement les pressions que les changements climatiques exercent sur l'exploitation et sur l'évolution de notre industrie énergétique. En fait, nous avons reconnu avant la plupart des autres organismes commerciaux du pays l'importance d'accroître et de raffermir notre régime de tarification du carbone pour que les industries et les citoyens s'efforcent de réduire l'empreinte de carbone du Canada.

Nous sommes d'ailleurs heureux de constater que le gouvernement de l'Alberta a lancé, en novembre 2015, la mise en œuvre de son plan de leadership sur la lutte contre les changements climatiques. Grâce à ce plan, l'Alberta se place en tête de file des gouvernements qui appliquent une tarification du carbone. Il incitera les industries à fonctionner de manière plus efficiente tout en encourageant la concurrence afin d'aider les industries technologiques peu polluantes à prospérer dans notre province.

Du point de vue de la politique fédérale et de l'accès aux marchés internationaux, il faut que nous reconnaissions l'efficacité de cette notion, que d'autres provinces l'adoptent et que le gouvernement fédéral envisage de l'adopter lui aussi. Il faut que nous cessions de concentrer cette discussion sur le processus d'approbation réglementaire de nos infrastructures énergétiques pour l'orienter vers une politique raisonnable de lutte contre les changements climatiques.

Je suggère donc ceci : une fois que nous aurons établi des politiques raisonnablement strictes sur la tarification du carbone, nous n'aurons plus à nous préoccuper de l'acceptabilité sociale de nos initiatives de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le contexte de l'approbation réglementaire d'une installation. Le régime de tarification du carbone encourage déjà en soi la recherche de l'efficience à toutes les étapes du projet, de sa conception à son évaluation, puis de sa construction à l'exploitation de l'infrastructure.

En nous hâtant de fixer un prix national harmonisé pour le carbone — et la chambre de commerce espère qu'il correspondra à l'initiative de notre province —, n'oublions pas de nous pencher sans relâche sur les aspects de la politique sur les changements climatiques qui sont déjà enracinés dans notre processus de réglementation.

Je reviens à un problème extrêmement complexe que Ken a mentionné, celui des préoccupations des communautés autochtones canadiennes au sujet du transport de nos produits énergétiques vers les marchés internationaux. Ces communautés ont souffert de l'injustice et de la déception continuelle causée par des promesses non tenues. L'industrie désire lancer ses projets de développement des ressources dans un esprit de collaboration sincère et d'engagement. Nos entreprises ont cependant besoin d'une définition plus claire du rôle qu'elles peuvent jouer dans le processus de réconciliation et de consultation des communautés autochtones.

La Constitution canadienne exige que les gouvernements consultent les Autochtones et tiennent compte de leurs préoccupations avant d'entamer des développements qui menacent les droits que la Constitution leur a conférés. Le milieu des affaires a cependant de la difficulté à comprendre le rôle qu'il devrait assumer dans le cadre des consultations ainsi que sa responsabilité envers les peuples autochtones. Ce manque de clarté risque d'annuler la mise en œuvre de projets du secteur privé qui pourraient avantager la vie économique et sociale des communautés autochtones et de tous les Canadiens.

En établissant une stratégie visant à faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports des côtes Est et Ouest de notre pays, il sera crucial d'y inclure un cadre détaillé sur la réconciliation avec les peuples autochtones. Ce cadre devra expliquer clairement à l'industrie la signification et les répercussions du consentement libre, préalable et éclairé. Nous suggérons en outre que cette stratégie offre aux entreprises et aux communautés autochtones les outils qu'il leur faudra pour remplir leurs obligations. Elle devra présenter des lignes directrices exigeant que les deux parties s'engagent à faire preuve du niveau de coopération et de confiance nécessaire pour établir un esprit de réconciliation.

Enfin, nous nous devrons de respecter les cadres politiques que nous aurons instaurés. L'incertitude réglementaire constitue aujourd'hui en Alberta l'un des principaux obstacles à la concurrence. Il est extrêmement difficile de prendre des décisions en matière d'investissement et d'autres transactions commerciales tant qu'il est possible de réinterpréter les règlements à chaque étape de la transaction. Nos politiques et nos systèmes seront toujours la proie des pressions politiques. Certaines seront raisonnables, d'autres non, mais si elles ne le sont pas, il nous faut l'assurance de pouvoir nous fier aux politiques établies. De cette façon, tous les acteurs seront traités équitablement et nous pourrons vraiment évoluer dans un esprit de partenariat et de collaboration.

Je remercie le comité de nous consacrer son temps et sa réflexion. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions pendant le reste du temps qui m'est accordé.

Le vice-président : Merci, monsieur Smith.

Le sénateur Black : Messieurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté ces allocutions riches en informations. Comme vous travaillez continuellement dans ce domaine en Alberta, cette information n'a rien de spéculatif.

M. Kobly : Non.

Le sénateur Black : Vous entendez ce que vos membres vous disent. Alors, ma première question s'adresse à vous deux : que vous disent-ils? Selon vous, quelles répercussions causerons-nous en Alberta et dans tout le Canada si nous n'approuvons pas ces pipelines? Quelles répercussions causerons-nous si nous ne réussissons pas à nous entendre sur une stratégie pour mener ce projet à terme?

M. Smith : Selon moi, les répercussions reposeront sur le fait que nous ne pourrons pas écouler nos produits sur le marché. Nous ne pourrons pas en exploiter la valeur. Il faut comprendre qu'en fin de compte, ces produits de l'Alberta sont la propriété de toute la population, de tous Canadiens. N'oublions pas que, sans les revenus que génère cette ressource, sans ces revenus des contribuables, la prospérité de notre province et de notre pays s'affaiblira.

Permettez-moi de souligner à nouveau que les marchés mondiaux sont extrêmement concurrentiels pour ces produits. Les sociétés pétrolières et gazières à forte capitalisation me disent continuellement que le cadre réglementaire et la mentalité du service à la clientèle de pays comme le Mozambique, le Qatar et l'Australie leur conviennent beaucoup mieux que ceux du Canada. Je doute que nous puissions rétablir les niveaux d'investissement, de production, de commercialisation et de récupération des valeurs dont jouissait auparavant notre industrie pétrolière et gazière si nous n'établissons pas un cadre qui garantisse aux investisseurs et aux exploitants qu'ils pourront amener leurs produits vers les marchés.

M. Kobly : Honorable sénateur, je vous répondrai d'un point de vue différent en vous décrivant les répercussions que cela aura sur les particuliers.

Nous constatons déjà les répercussions de l'inaction relativement à l'installation d'un pipeline, quelque part chez nous et aussi aux États-Unis, sur les taux de chômage à Calgary, à Edmonton et dans le reste de la province. Nous n'avions pas vu des taux aussi élevés depuis 40 ans.

J'ai traversé des turbulences de ce genre quatre fois dans ma vie, mais celle-ci est très différente. Je crois qu'elle durera plus longtemps que les autres. On ne penserait jamais entendre un représentant d'une chambre de commerce parler en termes si lugubres, mais c'est la réalité. Pour les personnes touchées, le manque d'emploi dans la province de l'Alberta, et en fait dans le reste du pays, découle du fait que l'on n'installe pas de pipelines. Ces répercussions sont dramatiques, elles sont personnelles, et elles ne disparaîtront pas de sitôt. Autrement dit, si les prix du pétrole et du gaz naturel remontaient, le fait est qu'à l'heure actuelle, nous n'aurions pas la capacité d'en tirer profit.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

M. Kobly : J'espère que nous allons prendre les mesures nécessaires pour ne pas manquer le prochain débouché.

Le sénateur Tannas : Monsieur Smith, je ne siège pas régulièrement à ce comité et je ne suis ici qu'occasionnellement, mais les observations que vous avez faites sur le besoin de relier d'autres initiatives, de prendre des règlements sur tout ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et l'établissement d'un prix du carbone m'ont frappé. Ce sont des observations tellement simples et évidentes, et pourtant je n'y avais pas pensé.

Avez-vous remarqué si les gouvernements comprennent cela, si le gouvernement de l'Alberta le comprend, si les groupes environnementaux le comprennent, si le gouvernement fédéral comprend que toutes ces choses sont absolument reliées et que tout le reste ne fait que s'ajouter à cela? On ajoute des taxes aux taxes et des règlements sur les taxes. Pensez-vous que nous nous sommes engagés sur la mauvaise voie, êtes-vous optimiste, ou non?

M. Smith : Je ressentirai de l'optimisme quand je devinerai le désir d'établir une tarification sur le carbone qui soit plus stricte et globale, quelques années durant afin d'en déterminer le succès. Nous devons vérifier si la tarification réduira l'empreinte globale de carbone tout en améliorant la capacité concurrentielle de l'industrie et en soutenant le développement de technologies émergentes dans les industries que ce revenu pourrait aider à financer.

Vous avez raison, ce qui me déçoit, c'est qu'il faut toujours appliquer, aux conversations que nous tenons sur les infrastructures énergétiques, le filtre d'autres priorités de politiques publiques. La tarification du carbone en est un excellent exemple. À mon avis, la première ministre Notley a eu parfaitement raison d'essayer une chose nouvelle dans notre province. Conçue et mise en œuvre correctement après avoir consulté les bons intervenants, cette tarification peut contribuer à faire prospérer notre industrie tout en respectant davantage l'environnement.

Mais je trouve qu'elle a aussi très bien précisé qu'une fois que cette tarification serait en vigueur, il faudra que nous obtenions une approbation sociale — et je sais que Ken déteste cette expression — sur certains aspects de cette initiative. Cette politique réduira certainement les émissions de carbone à l'avenir, ce qui devrait renforcer le soutien pour les projets d'infrastructures visant à amener ces produits dans les marchés.

En outre, je suis tout à fait d'accord — comme tous les membres de la chambre de commerce — qu'il est crucial de consulter les communautés autochtones concernées. Il ne s'agira pas de cocher rapidement des réponses sur un formulaire; cette consultation sera un engagement, une collaboration durable qu'il faudra renouveler à chaque étape du projet. Cependant, certains problèmes d'ordre social, politique et économique qu'affrontent les communautés autochtones ne se résoudront pas par l'approbation réglementaire de telle ou telle installation. Nous devrons nous concentrer sur les occasions d'apprentissage, de développement des compétences, de formation à l'emploi ainsi que sur la qualité de l'eau et sur toutes sortes de problèmes qui ne s'insèrent pas dans le processus d'examen réglementaire d'une installation particulière.

Si nous ne nous engageons pas à bifurquer — c'est un terme idiot et enflé, il faut que je jette le document où je l'ai trouvé —, si nous ne nous engageons pas à séparer ces deux aspects, nous allons écraser inutilement cette industrie par une multitude de problèmes sociaux, économiques et politiques qu'il revient à tous les Canadiens de résoudre.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus. Vous avez considérablement enrichi notre débat.

Si vous m'avez entendu tout à l'heure, j'ai beaucoup parlé du fait que les participants doivent gagner l'approbation sociale, car elle ne leur sera pas donnée automatiquement. Monsieur Smith, vous avez mentionné d'autres priorités de politique publique. Je suis convaincu que nous devons tous faire face à ce problème. Les autres priorités de la politique publique risquent d'entraver — et c'est arrivé dans le passé — la prise de décisions positives dans le secteur pétrolier et gazier. Ces autres priorités en politique publique sont souvent représentées par des groupes environnementaux ou par d'autres groupes qui s'opposent à la construction de pipelines pour une raison ou une autre. Mais nous ne pouvons pas ignorer cela; les chambres de commerce doivent agir.

Monsieur Kobly, vous nous avez dit que vous avez soulevé ces questions lors d'une réunion et que vos collègues de tout le pays ont adopté des résolutions à ce sujet. C'est le genre de mesures qu'il faut prendre continuellement.

Personnellement, j'aime beaucoup les pipelines. Vous étiez ici, monsieur Kobly, quand j'ai parlé à des représentants d'une entreprise concernée. Je n'aime pas du tout entendre les entreprises prétendre qu'elles n'ont pas reçu l'approbation sociale. C'est une chose que l'on ne reçoit pas, mais que l'on gagne. Il faut que ces entreprises gagnent l'approbation sociale.

Est-ce que le milieu des affaires en Alberta accepte le fait qu'il faut gagner l'approbation sociale, qu'il n'existe pas de bureau qui décide un jour de délivrer des approbations sociales à la ronde? Est-ce que les entreprises acceptent cela?

M. Kobly : Excellente question, sénateur. Nous avons, en Alberta, des entreprises exemplaires qui s'efforcent de gagner l'approbation sociale en allant rencontrer les gens de leur localité et les communautés autochtones pour discuter des enjeux.

À Fort McMurray, les sociétés d'exploitation des sables bitumineux ne reçoivent aucune reconnaissance pour tout leur engagement envers les collectivités, pour le soutien qu'elles leur apportent, pour le soutien et le développement qu'elles ont fournis aux entreprises autochtones de la région de Fort McMurray.

Le sénateur Mercer : Monsieur Kobly, je crois que personne n'en parle hors de la région de Fort McMurray. C'est là le problème. Vous ne vendrez pas de hambourgeois si vous ne faites pas de publicité. Vous ne gagnerez pas l'approbation sociale si les gens ne savent pas que vous la méritez.

M. Kobly : La Chambre de commerce de l'Alberta s'efforce de promouvoir les entreprises qui donnent un exemple prodigieux de soutien communautaire. Mais ce terme est très vague. Comment s'y prend-on pour gagner l'approbation sociale? Nous faisons beaucoup de promotions pour ces entreprises.

Nous avons d'autres entreprises en Alberta qui réussissent plus ou moins bien à faire parler d'elles dans les médias, à se montrer au grand public. Le groupe de sociétés ATCO bat tous les records d'approbation sociale. C'est un engagement que le fondateur de cet organisme, Ron Southern, a pris il y a des années. Ces gens savent depuis longtemps qu'en s'engageant dans la collectivité, ils créent une image positive de leurs produits.

Un grand nombre de sociétés devraient briser les mythes qui se sont formés autour du pétrole, du gaz naturel et des émissions de gaz à effet de serre dans notre province — et nous devrions le faire nous aussi, je le répète chaque fois que je parle en public. Par exemple, il n'est pas vrai que le pétrole tiré des sables bitumineux est le plus sale au monde.

Le sénateur Mercer : Je suis d'accord avec vous.

M. Kobly : Le pétrole le plus sale vient de Californie, mais on ne voit jamais de groupes militer pour déclencher un boycottage des produits californiens ou de l'extraction du pétrole en Californie.

La raison pour laquelle on pointe du doigt les sables bitumineux — et de nouveau, on joue avec les chiffres —, c'est qu'on calcule les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux du berceau à la tombe. Autrement dit, lorsqu'une auto émet des gaz à effet de serre à Toronto, on accuse immédiatement les sables bitumineux, sans en discuter.

Le sénateur Mercer : Et pourtant, vous avez souligné très justement que l'essence des conducteurs de la rue Bloor à Toronto ne vient pas de l'Alberta.

M. Kobly : Quiconque critique le pétrole et le gaz naturel devrait essayer de vivre une seule journée sans utiliser un produit lié au pétrole, qu'il s'agisse de sa production ou de son transport vers les marchés. Je pense que cette personne reconnaîtrait vite qu'en effet, il faut que nous conservions ce qu'il nous reste. Mais en réalité, nous devrons attendre une génération entière avant de ne plus dépendre du pétrole et du gaz naturel.

Le sénateur Mercer : Je reviens au boniment publicitaire. Je siège au Sénat, sur la Colline du Parlement, depuis 2003, et j'ai vu bien des gens arriver et partir. J'ai aussi entendu bien des gens raconter une histoire pour obtenir différentes choses du gouvernement. Les gens qui m'impressionnent le plus ne sont pas ceux qui viennent demander quelque chose. Ce sont ceux qui nous disent ce qu'ils ont accompli et qui viennent remercier le gouvernement de les avoir aidés directement ou de leur avoir accordé l'approbation sociale, ou une forme quelconque d'approbation, pour accomplir cela. Il y a bien des années, j'étais représentant commercial. Je réussissais très bien parce qu'à l'époque, je ne comprenais pas ce que je comprends aujourd'hui. Je crois que maintenant, je serais en fait un meilleur vendeur. Cela ne veut pas dire que je désire retourner dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, il faut que nous évaluions l'efficacité de nos présentations. Votre exemple est excellent. J'ai visité Fort McMurray. J'ai vu le travail extraordinaire que certaines entreprises ont accompli dans la collectivité, mais les gars qui déambulent dans le centre-ville de Toronto, et encore moins le maire de Montréal, ne savent rien de tout cela, et le reste du Canada n'en sait rien non plus.

Mais revenons au domaine de la vente. Il faut dire les choses à la population. Je reçois des rapports annuels. Dans notre profession, nous recevons des multitudes de rapports annuels. Je ne les lis pas tous, je l'admets, mais parfois j'en lis un, surtout lorsqu'il s'agit d'une société pétrolière ou gazière. Je passe mon temps à travailler pour des organismes à but non lucratif et pour des organismes de bienfaisance. Je passe tout de suite à la section qui décrit ce qu'ils ont accompli pour la collectivité. Il y a toujours une section du rapport où l'organisme indique les sommes qu'il a données ou les projets qu'il a parrainés. Ces sections sont très impressionnantes, mais peu de gens lisent ces rapports annuels.

Il est crucial de dire cela aux gens, mais pas seulement en Alberta. Les Albertains comprendront vite, car où qu'on aille dans la province, on se heurte aux bonnes œuvres que les bons citoyens accomplissent. Il faut que le reste des Canadiens sachent cela.

Je suggère que nous fournissions de l'isolant à ces députés. Il faut consulter, et je crois que vous avez dit qu'il est important de faire confiance aux organismes de réglementation. Eh bien, je vous dirai que les gens ne leur font confiance que si leurs conclusions les avantagent. Dans le cas qui nous occupe, si la décision de l'organisme de réglementation ne penche pas du côté de l'Alberta, la prochaine étape sera le Cabinet. Toutefois, ces ministres sont les personnes les plus vulnérables dans une telle situation parce qu'il faut qu'ils comprennent — et je crois qu'ils comprennent; je ne veux pas les critiquer; en fait, je suis membre du même parti qu'eux —, il faut qu'ils comprennent que la santé et la prospérité de l'industrie pétrolière assurera la santé et la prospérité du Canada.

M. Kobly : Oui.

Le sénateur Mercer : Si l'Office national de l'énergie ne prend pas la bonne décision, il faut que nous nous préparions à nous adresser au prochain niveau.

Mais nous ne pouvons pas tenir cela pour acquis maintenant. Nous ne pourrons pas préparer ce message et cette campagne publicitaire le lendemain d'un refus de l'Office national de l'énergie. Nous devons y travailler jour et nuit sans manquer une journée. Il faut vendre continuellement. Vous ne vendez pas de hambourgeois en ne mettant qu'une seule annonce à la télévision.

M. Kobly : Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter quelque chose?

Le vice-président : Bien sûr.

M. Kobly : Les chambres de commerce provinciales et la chambre nationale ont ce message à cœur. La Chambre de commerce du Canada a organisé, à l'intention de gens d'affaires de partout au pays, trois visites à Fort McMurray pour qu'ils voient ce qu'il s'y passe, qu'ils voient que la région ne ressemble pas à une grosse balafre, que les sites sont remis en état.

En fait, un groupe de gens d'affaires du Québec va s'y rendre dans une ou deux semaines. L'Université de l'Alberta organise aussi une visite pour un groupe de gens d'affaires et de représentants d'organismes de bienfaisance de la Colombie-Britannique. Je m'y joindrai le 4 octobre. Donc nous y travaillons. Nous comprenons l'importance de tout cela. Je comprends les difficultés auxquelles les politiciens font face.

Le sénateur Mercer : J'ai une dernière observation à faire, monsieur le vice-président.

Le vice-président : Il ne nous reste que très peu de temps. Avant de passer la parole au sénateur Black, je voudrais vous rappeler une question que vous avez soulevée.

Le représentant de la Chambre de commerce de l'Alberta a mentionné le nombre de personnes ayant un emploi sur la côte Est, et c'est important. Chaque province de l'Atlantique a maintenant des dizaines de milliers de personnes au chômage.

M. Kobly : C'est vrai.

Le vice-président : Je suppose que toutes les entreprises membres de la Chambre de commerce de l'Alberta qui sont rattachées à une chambre de commerce savent quels travailleurs elles ont mis à pied.

La chambre de commerce a-t-elle pensé à collaborer avec les provinces de l'Est et avec ces travailleurs mis à pied pour les faire participer à ce débat afin qu'ils en parlent dans l'Est du Canada, dans les provinces de l'Atlantique, au Cap-Breton, d'où je viens. Des dizaines de milliers de travailleurs reviennent dans notre région. Ils défendraient la situation d'une manière excellente.

La chambre de commerce sait de quelles entreprises il s'agit, et ces entreprises savent qui étaient ces employés. Envisagez-vous d'agir en conséquence?

M. Kobly : C'est une excellente observation. Nous collaborons avec les provinces de l'Atlantique et nous avons une excellente relation avec la Chambre de commerce de l'Atlantique. Votre idée de demander aux travailleurs revenus dans la région sans emploi de parler de l'importance de ce projet est une excellente idée.

Le vice-président : Ces gens vont perdre leurs maisons, leurs gros camions et leurs vacances. C'est comme un jeu de dominos qui leur tombe dessus.

Le sénateur Black : Monsieur Smith, vous avez fait une excellente observation que je voudrais approfondir. Vous avez parlé des relations avec les communautés autochtones. Ai-je bien compris que vous avez suggéré que nous élaborions une sorte de feuille de route — je paraphrase, vous n'avez pas utilisé ce terme — que les entreprises pourraient suivre, ou ai-je trop simplifié ce que vous avez dit?

M. Smith : Non, je pense qu'il y a lieu de simplifier. Je voulais essentiellement dire que les gens d'affaires, comme nous, reconnaissent le caractère fondamental, l'obligation et le critère juridique que nous devons tous — gens d'affaires, citoyens, collectivités autochtones et gouvernement — respecter.

Tout comme l'expression « acceptabilité sociale », l'expression « consultation adéquate » est un peu nébuleuse pour ce qui est des mesures à prendre pour satisfaire à cette norme.

Il serait utile que les entreprises et le gouvernement unissent leurs efforts pour élaborer un cadre — il pourrait s'agir d'un cadre propre à l'Industrie ou à certains sous-secteurs de l'industrie — afin de bien montrer ce à quoi ressemble une véritable consultation.

Le sénateur Black : Pourriez-vous vous en occuper?

M. Smith : Absolument. Une des particularités de la Chambre de commerce de Calgary est qu'elle a été la première au pays à mettre sur pied un comité permanent des possibilités pour Autochtones. Au moment où la Chambre de commerce de Calgary a été établie, nos ancêtres ont reconnu l'impossibilité de réussir en affaires dans cette ville sans bonnes relations avec les collectivités autochtones avoisinantes.

Nous avons donc de l'expérience quant aux consultations et à la nature même de véritables partenariats d'affaires, et nous sommes certainement disposés à nous engager à en faire plus.

Le sénateur Black : Je vous y encourage. À mon avis, vous pourriez, à l'échelle nationale, jouer un rôle très utile à ce chapitre.

M. Smith : Absolument.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

Le vice-président : Pour une dernière question, le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Je vais revenir sur votre remarque, monsieur le président, et je modifie ma question.

Je pense que vous avez fait une suggestion très importante et j'espère sincèrement qu'elle ne s'est pas évanouie. Vous avez parlé de repérer les personnes ayant été licenciées, qui ont quitté l'Alberta et qui sont rentrées chez elles. Par exemple, il y a 32 députés dans le Canada atlantique. Il se trouve qu'ils appartiennent tous au même parti politique que moi et j'en suis enchanté, mais je sais que, si toutes les personnes qui sont retournées chez elles et sont sans emploi communiquaient avec leur député, par téléphone, par écrit, en personne, peu importe, pour l'implorer de défendre le projet d'oléoduc — je parle de l'oléoduc de l'Est, mais celui de l'Ouest est important aussi — cela aurait un effet. En tant qu'ancien politicien, vous savez pertinemment que, lorsqu'un électeur vous approche, cela a un effet.

Je veux appuyer la suggestion du sénateur MacDonald. Je crois que c'est une idée géniale. Vous avez hérité d'un électorat que vous ne souhaitiez pas avoir, mais c'est comme ça. Si vous pouviez identifier ces personnes, vous pourriez les mobiliser et leur demander de communiquer avec leur député pour qu'elles lui disent que le projet d'oléoduc est important, non seulement pour les Albertains, mais aussi pour les citoyens de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le vice-président : Permettez-moi. Que ceux qui pensent que cela ne touche pas aussi le Québec, l'Ontario et le Manitoba, se détrompent, car l'effet se fait sentir dans tout le pays.

M. Kobly : C'est probablement une façon pour nous de venir en aide aux gens qui se sont expatriés en Alberta pour nous prêter main-forte au moment où nous connaissions une grave pénurie de main-d'œuvre et qui sont retournés chez eux. Je pense que les gens ont oublié ce qui se passait dans leur coin de pays.

Le sénateur Mercer : Vous pourriez vraiment vouloir vous concentrer sur certaines personnes à Montréal, peut-être le rappeler au maire.

Le vice-président : Il y a beaucoup de Québécois qui travaillent ici aussi.

M. Smith : Monsieur le président, j'ai un dernier commentaire à faire. Je n'ai pas eu l'occasion de rebondir sur les propos du sénateur Mercer quand il a parlé d'acceptabilité sociale.

Tout comme les membres de la Chambre de commerce de Calgary, je crois que les entreprises de ce pays savent qu'il faut gagner l'acceptabilité. Absolument. Est-ce une expression qui peut sans cesse être redéfinie? À mon avis, ça ne donnerait rien.

Dernière remarque. Au Canada, nous sommes extrêmement fiers de notre passé de démocratie institutionnelle où l'on encadre ce genre de décisions et de processus décisionnel. Les dirigeants d'entreprises me demandent souvent ce qu'il manque dans la loi sur l'ONE et ses dispositions à propos de la protection de l'environnement parce que, même quand ils s'y conforment, ils ne parviennent pas toujours à obtenir l'acceptabilité sociale? Qu'est-ce qui manque dans la loi sur l'ONE au sujet de la consultation des Autochtones pour que, même quand les entreprises s'y conforment, elles ne peuvent toujours pas faire socialement accepter leurs projets?

Grâce à toute une série de lois et de règlements, les projets qui franchissent toutes les étapes sont conformes aux critères les plus élevés de sécurité, de protection de l'environnement, de consultation et de retombées économiques. Et pourtant, quand ces critères sont satisfaits, nous assujettissons tout de même ces entreprises à cette nébuleuse deuxième norme qui, bien entendu, est très difficile à atteindre, comme nous avons pu le constater.

Le sénateur Mercer : Cela nous ramène au dicton en politique que j'ai utilisé plus tôt. Qu'avez-vous fait pour moi dernièrement? Cela résume bien la mentalité de l'électeur. Malheureusement, oui, vous avez déjà fait tout cela pour moi, mais qu'avez-vous fait pour moi dernièrement? C'est vraiment et malheureusement ce qui gouverne les votes.

M. Smith : Oui.

Le vice-président : Messieurs, je tiens à vous remercier pour vos témoignages.

(La séance est levée.)

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