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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 29 - Témoignages du 7 février 2018


OTTAWA, le mercredi 7 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi, puis à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte. Ce soir, le comité étudie le projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports.

Nous accueillons deux groupes de témoins ce soir. Pour ce qui est du premier groupe, je tiens à souhaiter la bienvenue à Joel Neuheimer, vice-président, Commerce international et transports, et secrétaire de l’Association des produits forestiers du Canada, à Brendan Marshall, vice-président, Affaires économiques et du Nord de l’Association minière du Canada, à Brad Johnston, directeur général, Logistique, de Teck Resources Limited, et à Clyde Graham, vice-président principal, et Ian MacKay, conseiller juridique, de Fertilisants Canada. Merci d’être là.

Monsieur Neuheimer, veuillez présenter votre déclaration. Nous poursuivrons ensuite par M. Marshall, M. Johnston et M. Graham.

Vous avez déjà parlé au greffier pour ce qui est des délais, alors je vous cède la parole.

Joel Neuheimer, vice-président, Commerce international et transports, et secrétaire de l’association, Association des produits forestiers du Canada : Afin de respecter le temps qui m’est imparti, je vais passer tout de suite à la troisième page de mon mémoire, qui, si je ne m’abuse, vous a été fourni d’avance. Je vais commencer à la rubrique « Amendements nécessaires, conformes à l’esprit du projet de loi ».

L’APFC est préoccupée par un certain nombre d’autres mesures proposées dans le projet de loi C-49, notamment par la définition d’« adéquat et approprié » et l’interconnexion de longue distance, mais je me concentrerai aujourd’hui sur deux aspects importants où des rajustements mineurs feraient grandement progresser l’objectif de promouvoir un système de transport plus concurrentiel, équilibré et efficace.

Le premier point concerne les données ferroviaires. Le projet de loi C-49 jette les bases d’un système de transport plus transparent en permettant la collecte d’un ensemble de données plus robuste sur le transport ferroviaire, données qui seraient à la disposition des intervenants. Pour ce qui est des données financières, le projet fournirait à l’Office des transports du Canada un accès à l’information liée directement à l’interconnexion de longue distance prévue dans le projet de loi. Cependant, le projet de loi ne va pas jusqu’à améliorer l’information accessible dans le contexte d’autres recours inclus dans la loi.

Plus précisément, l’arbitrage des propositions finales, le mécanisme qu’on appelle APF, est un processus conçu pour favoriser la résolution de conflits commerciaux, de par son risque élevé ou sa nature. Le manque de données et d’expertise technique disponibles concernant les coûts des chemins de fer exacerbe le déséquilibre entre les parties. Alors que le transporteur ferroviaire connaît ses propres coûts pour transporter des marchandises, l’expéditeur et l’arbitre ne les connaissent pas. Les compagnies de chemin de fer utilisent ce déséquilibre pour faire passer le risque inhérent à l’APF à l’expéditeur.

Depuis des décennies, l’office a l’expertise et les ressources qu’il faut pour déterminer le coût pour la compagnie de chemin de fer du transport des marchandises en question dans le cadre d’un APF. Le fait d’imposer l’établissement de ce coût par l’office, dont le résultat serait accessible aux deux parties à l’arbitrage, rendrait le processus plus efficace et plus juste.

Par conséquent, nous recommandons l’ajout de la recommandation no 1 énoncée en annexe de notre mémoire.

Le deuxième point concerne le pouvoir d’enquête de l’office. Actuellement, l’office ne peut agir qu’en cas de plainte officielle. Cette situation est problématique, car la crainte de représailles décourage les expéditeurs d’entreprendre le processus de plainte, et lorsqu’un expéditeur dépose une plainte, le mandat de l’office se limite à régler ses problèmes précis.

Par conséquent, nous proposons l’ajout de la recommandation no 2 énoncée en annexe de notre mémoire.

Si vous me le permettez, je vais lire rapidement une partie de la recommandation numéro 2 qui se trouve au bas de la page 5 du mémoire. L’objectif est de modifier la loi comme suit :

L’Office peut, de sa propre initiative, enquêter, entendre des témoignages et se prononcer sur toute question ou tout objet pour lequel il peut, en vertu de la présente loi, enquêter, entendre des témoignages et se prononcer.

Ce changement est nécessaire pour permettre à l’office de réagir de façon plus opportune en ce qui a trait aux dossiers qui relèvent de son mandat actuel.

Plus de 600 collectivités qui dépendent de l’industrie forestière ont besoin d’un système de transport plus fiable. Les membres de l’APFC s’intéressent grandement aux questions de transport parce qu’elles représentent jusqu’au tiers du coût de leurs intrants. La disponibilité d’un système de transport efficace, fiable et concurrentiel est essentielle pour les investissements futurs dans notre secteur, ainsi que pour soutenir les familles qui comptent sur notre industrie pour subvenir à leurs besoins dans tout le Canada.

Pour les 230 000 Canadiens que le secteur forestier emploie directement partout au pays, un système plus concurrentiel de transport des marchandises tel que celui qui est décrit ici assurera un accès accru au système ferroviaire, un service plus fiable dans toute la chaîne d’approvisionnement, des tarifs plus concurrentiels et une chaîne d’approvisionnement plus compétitive.

Je serai heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir sur notre position au sujet du projet de loi. Merci beaucoup de votre attention, ce soir.

Brendan Marshall, vice-président, Affaires économiques et du Nord, Association minière du Canada : Véritable pilier économique, l’industrie minière canadienne a contribué à notre PIB national à hauteur de 57 milliards de dollars. Elle est également un employeur de premier plan, qui crée plus de 400 000 emplois directs et 196 000 emplois indirects. Toutes proportions gardées, nous sommes l’industrie qui emploie le plus grand nombre d’Autochtones canadiens dans le secteur privé et nous sommes aussi une des industries qui soutient le plus les entreprises autochtones. Par conséquent, nous sommes un partenaire de taille dans la réconciliation économique avec les Autochtones.

Si les chemins de fer sont les artères de notre pays, alors l’industrie minière est l’oxygène dont ils dépendent. Principal client des transporteurs ferroviaires du Canada, le secteur minier compte pour 20 p. 100, ou un cinquième, de la valeur totale des exportations canadiennes et pour 50 p. 100 des revenus annuels du transport ferroviaire des marchandises.

Pourtant, nous sommes aux prises avec des inégalités constantes au sein du marché du transport ferroviaire, qui entraîne d’importantes et perpétuelles défaillances de service, et ce, parce que la Loi sur les transports au Canada est un substitut imparfait à la concurrence dans un marché monopolistique. De nombreux expéditeurs sont captifs d’une société ferroviaire, et, par le fait même, soumis à la puissance du marché des compagnies de chemin de fer.

Il faut donc s’assurer que, grâce au projet de loi C-49, la troisième mesure législative en quatre ans, on vise enfin dans le mille.

J’aimerais maintenant aborder deux enjeux principaux par ordre de priorité. Le premier, c’est la transparence des données. Le renforcement de la transparence des données des sociétés ferroviaires est non seulement conforme à l’engagement du gouvernement envers la transparence des données et les politiques fondées sur des données probantes, mais aussi essentiel à l’amélioration de la fonctionnalité du marché du transport ferroviaire. Une divulgation des données robuste permettrait d’appuyer le processus décisionnel, d’améliorer la relation entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs et d’éviter les conflits inutiles et coûteux. Toutes les parties qui connaissent précisément leurs capacités et leurs limites ont intérêt à s’en servir pour obtenir des résultats exploitables et optimaux.

Bien que le projet de loi C-49 propose des mesures positives pour pallier les lacunes en matière de données sur les niveaux de service, l’AMC craint que, dans leur version actuelle, certaines dispositions relatives à la transparence ne permettent pas d’obtenir des données significatives sur le rendement de la chaîne d’approvisionnement. Une des préoccupations précises est l’exigence prévue au paragraphe 77(2), une mesure qui permettrait d’assurer la conformité des systèmes canadien et américain.

Notre inquiétude porte sur le fait que le modèle américain est fondé sur les données internes relatives aux compagnies de chemin de fer, qui ne sont que partiellement divulguées. Elles ne dressent donc pas un portrait complet et exact des expéditions. De plus, le modèle américain a été élaboré il y a plusieurs décennies, lorsque la technologie ne permettait pas de stocker et de transmettre des données à grande échelle. Avec les capacités de stockage actuelles, une telle restriction n’a pas lieu d’être, que ce soit pour le système des feuilles de route ou l’interconnexion de longue distance énoncé à l’article 76 ou celui sur le rendement décrit à l’article 77.

Afin de maintenir le niveau approprié de précision des données et de veiller à ce que la proposition reflète le contexte unique du marché canadien du transport ferroviaire, l’AMC recommande une modification, laquelle exigerait que les compagnies de chemin de fer fournissent toutes les feuilles de route plutôt que le rapport limité actuellement décrit.

Pour ce qui est du droit de l’expéditeur de déposer une demande de calcul des frais auprès de l’office, même si l’AMC appuie les améliorations proposées dans le projet de loi C-49 quant à la collecte et au traitement des données liées à l’établissement des coûts par l’office, nous avons une préoccupation mineure, mais importante, à l’égard du modèle de demande d’arbitrage des propositions finales. Actuellement, les arbitres peuvent déposer une demande de calcul des frais auprès de l’office seulement avec le consentement des deux parties à l’arbitrage. Toutefois, les sociétés ferroviaires refusent habituellement de collaborer avec les expéditeurs dans le cadre d’une telle demande, ce qui empêche les parties concernées d’être toutes aussi bien informées.

À notre connaissance, aucune raison légitime, autre que la volonté délibérée d’entraver le processus, ne pourrait justifier qu’une compagnie de chemin de fer refuse une demande de calcul des frais par l’office dans le cadre d’un arbitrage des propositions finales. Afin de maintenir les niveaux appropriés de transparence et d’accessibilité de manière à ce que les recours aux termes de la loi soient significatifs et utiles, l’AMC recommande d’accorder le droit aux expéditeurs de déposer une demande de calcul de frais auprès de l’office.

En ce qui concerne les obligations relatives aux niveaux de service, il faudrait que le paragraphe 116(1.2) du projet de loi C-49 exige de l’office qu’il détermine si une compagnie de chemin de fer s’acquitte de ses obligations en tenant compte des exigences et des restrictions de l’exploitation de celle-ci et de l’expéditeur. Le même libellé est également proposé pour régir la manière dont l’arbitre supervise le processus d’arbitrage relatif aux niveaux de service.

Les membres de l’AMC s’inquiètent du fait que le libellé proposé au sujet de la façon dont une compagnie de chemin de fer s’acquitte de ses obligations ne reflète pas la réalité du marché du transport ferroviaire monopolistique du Canada. La qualité du service d’une compagnie de chemin de fer dépend de sa façon d’affecter ses ressources.

Ces décisions incluent l’achat d’actifs, comme des locomotives, la dotation en personnel, les équipes, et la construction. Comme ces restrictions sont déterminées exclusivement par le transporteur ferroviaire, la prise en compte de ses obligations en matière de service défavorise l’expéditeur sur le plan structurel. L’objectif de l’office devrait être de faciliter la prise des bonnes décisions à la lumière des faits, et non pas une décision équilibrée pour toutes les parties.

Pour relever ce défi, l’AMC recommande soit de supprimer cette disposition, soit d’assujettir les restrictions à un examen distinct.

En conclusion, les modifications que nous vous soumettons sont légères et conformes à l’ensemble des lois proposées. Elles continueront d’assurer la rentabilité et la souplesse opérationnelle des compagnies de chemin de fer, mais elles sont toutefois assez importantes pour que cela change la donne si on n’en tient pas compte.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et je serai heureux de répondre à vos questions.

Brad Johnston, directeur général, Logistique, Teck Resources Limited : Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, Teck est une entreprise canadienne de ressources diversifiée qui emploie 8 000 personnes partout au pays. Au Canada, Teck est le principal utilisateur de voies ferrées. Nous avons enregistré l’an dernier des exportations de près de 9 milliards de dollars en Asie et dans d’autres marchés. C’est pourquoi il est si important pour nous que le projet de loi mène à un service ferroviaire de transport des marchandises transparent, juste et sûr qui répond aux besoins de tous les utilisateurs.

Durant le processus de consultations lié à l’élaboration du projet de loi, Teck a proposé des solutions équilibrées pour résoudre les problèmes majeurs que notre secteur continue de rencontrer dans le secteur du service ferroviaire. Afin de mettre les choses en perspective, d’après l’expérience de Teck, les coûts directs attribuables aux interruptions du service ferroviaire ont pu représenter jusqu’à 200 millions de dollars au cours de diverses périodes des 10 dernières années. Il s’agit là de défaillances et de coûts supplémentaires auxquels nos concurrents internationaux ne sont tout simplement pas confrontés.

Pour éliminer ces problèmes, Teck recommande entre autres les solutions suivantes : le besoin de disposer d’une base de données ferroviaires concrète, détaillée et accessible, le besoin de trouver une définition de services « adéquats et convenables », qui reconnaît le contexte particulier du monopole dans lequel nous travaillons et le besoin de favoriser une concurrence réelle dans le service ferroviaire de transport des marchandises au Canada, en permettant à « toute personne » d’exercer le droit de passage, y compris les expéditeurs.

Même si nous sommes déçus que l’introduction d’une concurrence ne soit pas prévue dans le projet de loi, nous sommes très encouragés par la vision que représente le projet de loi C-49. Selon nous, cependant, pour vraiment concrétiser totalement l’intention du projet de loi, certains rajustements mineurs sont requis.

En ce qui concerne la capacité de l’office de recueillir et traiter des données sur le calcul des frais ferroviaires, Teck croit que le projet de loi renforcera de façon importante la capacité de l’office de recueillir et de traiter ces données, lui permettant d’en arriver à calculer des coûts de façon à ce que les tarifs facturés aux expéditeurs soient équitables et justes.

Cette amélioration est primordiale au maintien de l’intégrité de l’arbitrage des propositions finales, qui constituent le recours dont disposent les expéditeurs contre le pouvoir monopolistique des compagnies de chemin de fer sur le marché. Nous craignons cependant que, vu le libellé actuel, les expéditeurs n’aient pas accès à un meilleur calcul des coûts, ce qui rend le recours inutile.

Dans le modèle actuel d’APF, les arbitres demandent le calcul des coûts à l’office seulement si la compagnie ferroviaire et l’expéditeur sont d’accord. Toutefois, les compagnies ferroviaires refusent fréquemment de coopérer et de se mettre d’accord avec les expéditeurs pour qu’une telle demande soit présentée. Encore là, les compagnies de chemin de fer exercent leur monopole dans le cadre du processus d’arbitrage lui-même, et la loi devrait interdire un tel comportement.

Pour le processus d’APF, Teck recommande que les expéditeurs aient accès au calcul des coûts réalisé par l’office, des calculs améliorés grâce à la loi et demande que le projet de loi C-49 soit modifié en conséquence.

Pour ce qui est de la transparence et en ce qui concerne la solution que nous recommandons, le projet de loi C-49 corrige de nombreuses lacunes que présentent les données sur les niveaux de service dans le système national de transport ferroviaire. Cependant, nous craignons que, si le libellé reste tel quel, certaines dispositions sur la transparence ne produisent pas les résultats escomptés.

Le modèle américain sur lequel nous nous appuyons comporte des défauts et ne fournit pas le niveau de fiabilité, de détails de transparence requis dans le contexte canadien. Par conséquent, Teck recommande des modifications simples et claires aux articles pertinents de la loi pour que l’on puisse s’assurer que toutes les données sont fournies par les compagnies de chemin de fer plutôt que seulement un échantillon de données et que de telles données soient transparentes pour tous les utilisateurs.

Pour ce qui est du niveau de service, nous craignons que le libellé du projet de loi C-49 visant à établir si une compagnie de chemin de fer a honoré ses obligations de service ne reflète pas le déséquilibre entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs, en raison du déséquilibre entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs. Le projet de loi C-49 exigerait de l’office qu’il détermine si la compagnie de chemin de fer s’acquitte de ses obligations de service en tenant compte des exigences et des restrictions opérationnelles de la compagnie de chemin de fer et de l’expéditeur.

En ce qui concerne les services qu’une compagnie de chemin de fer peut offrir à ses clients, c’est elle qui détermine les biens, la main-d’œuvre ou l’infrastructure qu’elle fournira pour assurer la prestation des services, et n’importe lequel de ces éléments pourrait entraîner une ou plusieurs restrictions. Puisque les transporteurs ferroviaires définissent ces restrictions de façon unilatérale, il n’est pas approprié pour eux de devenir un facteur déterminant dans les décisions de l’office. Teck recommande soit de supprimer la disposition, soit de rendre les restrictions elles-mêmes sujettes à un examen.

En conclusion, il est essentiel d’apporter certaines modifications simples au projet de loi pour que notre régime canadien du transport ferroviaire des marchandises en soit un de classe mondiale. Teck croit qu’on a ici l’occasion de procéder à un changement de direction qui va bénéficier à tous les Canadiens.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Clyde Graham, vice-président principal, Fertilisants Canada : Fertilisants Canada représente les fabricants et les distributeurs en gros et au détail d’engrais potassiques, azotés, phosphatés et soufrés ainsi que des produits connexes. Pour dire les choses simplement, les fertilisants sont la nourriture des plantes.

Ensemble, nos membres emploient plus de 12 000 Canadiens dans des installations de pointe de fabrication, d’extraction et de distribution de tout le pays, et leur contribution annuelle à l’économie canadienne s’élève à plus de 12 milliards de dollars par année.

Notre association inclut des entreprises comme Koch Fertilizer Canada, The Mosaic Company, Yara Canada, K+S, CF Industries, Sherritt, Orca et une nouvelle entreprise qui est un regroupement, Nutrien. Notre association est déterminée à favoriser la croissance continue du secteur des fertilisants par des programmes et des travaux de recherche novateurs et des initiatives de sensibilisation.

Le Canada est l’un des premiers producteurs de fertilisants au monde. Nos produits aident les agriculteurs à fournir des aliments en abondance et de manière viable au Canada et aux États-Unis et dans plus de 70 autres pays dans le monde.

Nous jouons donc un rôle fondamental dans l’industrie agroalimentaire canadienne qui, selon le Conseil consultatif en matière de croissance économique du premier ministre, est très novatrice, et est un secteur de croissance potentiel important de l’économie canadienne.

Afin de répondre à la demande des agriculteurs dans le monde entier, nous nous appuyons fortement sur le réseau ferroviaire pour le transport de nos produits le long de nos corridors commerciaux et de transport vers les marchés américains et internationaux et les marchés au sein du Canada. Nous sommes un fier partenaire du système ferroviaire canadien. Notre dépendance envers le système ferroviaire est telle que nos membres sont l’un des plus importants groupes de clients en volume pour le CN et le CP.

En tant qu’intervenants clés, nous sommes encouragés à travailler avec le gouvernement, et ce dernier a montré qu’il avait à coeur de moderniser le réseau de transport canadien et d’améliorer sa capacité. Nous saluons les objectifs du projet de loi en ce qui touche le transport de marchandises et nous appuyons nombre de changements qui ont été proposés, y compris ceux qui apportent des précisions aux questions touchant la responsabilité civile, le renforcement de la sécurité ferroviaire, la promotion de la concurrence et la transparence des données.

Dans le contexte actuel de mondialisation croissante, nous sommes heureux de la reconnaissance par le gouvernement de la nécessité d’adopter une approche nuancée du transport des marchandises pour répondre aux besoins de l’économie canadienne. Cependant, nous formulons les recommandations suivantes, tout en sachant que le réseau de transport de marchandises par train doit évoluer afin d’assurer que les cadres des sociétés ferroviaires canadiennes ne nuisent pas à la qualité des emplois, au commerce et à la saine concurrence au Canada.

J’aimerais commencer par discuter des exclusions pour l’interconnexion de longue distance. Les mesures proposées dans le projet de loi empêcheraient certains produits et certaines régions de bénéficier des avantages de l’interconnexion de longue distance, et cela inquiète beaucoup nos membres.

Le Canada adhère depuis longtemps au principe du transport public comme fondement du système ferroviaire et de notre économie. Ce principe empêche les sociétés de transport de faire de la discrimination à l’encontre de certains types de biens. C’est ce qui a maintenu l’économie canadienne en marche en dépit des distances considérables.

Si l’on modifie la loi pour exclure certains types de biens et certaines régions de l’interconnexion de longue distance, cette mesure aura l’effet négatif d’éroder le principe du transport public, créant un dangereux précédent. Comme la majorité de nos membres exercent leurs activités dans des collectivités et des régions qui dépendent du réseau ferroviaire, si l’accès à l’interconnexion de longue distance leur est refusé simplement pour des raisons de localisation, le prix à payer pour poursuivre leurs activités augmentera d’autant.

En ce qui touche la sécurité, j’aimerais également que vous portiez votre attention sur les mesures visant l’exclusion des produits toxiques par inhalation de l’interconnexion de longue distance. Le produit en question est l’ammoniac anhydre. C’est un élément de base des engrais azotés qui est appliqué directement par de nombreux agriculteurs dans leur champ pour cultiver le blé, le canola et d’autres cultures clés pour l’économie canadienne. À ce jour, aucune preuve ne porte à croire que ce produit ne puisse être transporté par chemin de fer en toute sécurité. Nos membres prennent très au sérieux le transport de l’ammoniac anhydre.

Pour étoffer mon observation, je tiens à préciser que nos membres utilisent des wagons construits précisément pour la manutention en toute sécurité de nos produits. Nos membres investissent beaucoup pour obtenir une couverture d’assurance et prendre les mesures de sécurité nécessaires à la protection du transport de nos produits.

Je tiens à souligner que nos membres paient déjà des tarifs marchandises nettement supérieurs pour le transport de l’ammoniac anhydre, qui est considéré comme une marchandise dangereuse, dans certains cas, jusqu’à 400 p. 100 plus que pour d’autres marchandises.

Notre association élabore de façon proactive des codes de sécurité et des ressources didactiques pour la chaîne d’approvisionnement et pour les premiers intervenants en cas d’incident pour soutenir la manutention sécuritaire des engrais.

À l’avenir, d’autres tragédies comme celle survenue à Lac-Mégantic ne doivent jamais se reproduire. Cependant, ce faisant, il faut adopter une approche sur le transport de marchandises dangereuses axée sur des décisions de principe responsables à l’aide de données probantes. Je tiens à préciser qu’il n’existe aucune raison de sécurité et il n’y en a jamais eu, pour exercer une discrimination au sujet de l’expédition des matières toxiques par inhalation par interconnexion de longue distance.

Nos membres paient déjà les taux élevés que j’ai décrits, qui indemnisent les chemins de fer relativement à leur responsabilité et aux coûts de manutention supplémentaires. Tous les taux d’interconnexion de longue distance établis par l’office reflètent cette réalité et indemnisent adéquatement les compagnies de chemin de fer.

Les membres de Fertilisants Canada sont déçus de la décision du gouvernement de mettre un terme à la disposition sur la zone d’interconnexion agrandie dans un rayon de 160 kilomètres. Nous avons constaté que l’interconnexion dans un rayon de 160 kilomètres a permis d’améliorer la concurrence sur de plus longues distances, comme l’a admis Transports Canada.

Puisque le contexte du fret ferroviaire dans l’Ouest canadien n’a pas fondamentalement changé depuis l’adoption en 2014 du règlement sur l’interconnexion dans un rayon de 160 kilomètres, nous sommes déçus de la décision du gouvernement de mettre un terme à cette zone d’interconnexion agrandie. Le secteur des engrais canadiens est un fier partenaire du réseau ferroviaire du Canada. Ensemble, nous soutenons la compétitivité à l’échelle mondiale du secteur agroalimentaire grâce au commerce et au transport.

Notre industrie de 12 milliards de dollars et de 12 000 emplois compte sur un réseau ferroviaire moderne, concurrentiel et en santé pour survivre et prospérer. Il est crucial pour nous de veiller à ce que nos produits soient livrés en toute sécurité aux agriculteurs, et nous sommes très fiers de nos réussites à ce chapitre.

Nous appuyons vivement la plupart des propositions présentées dans ce projet de loi et en saluons les intentions. Cependant, les expéditeurs captifs doivent profiter de notre infrastructure ferroviaire à l’échelle nationale. Nous nous réjouissons que le gouvernement les appuie.

Cependant, nous croyons que d’autres efforts s’imposent et nous encourageons donc les membres du comité à tenir compte de nos recommandations. Nous estimons pouvoir améliorer le projet de loi C-49 grâce à l’adoption d’une approche de principe réfléchie et axée sur des données probantes.

Je vous remercie beaucoup et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Plett : Je crois que le président vous a fait peur et vous a fait croire qu’on allait vous couper si vous ne terminiez pas vos exposés en 30 secondes. C’était difficile de suivre certaines des choses que vous lisiez, surtout que je n’ai pas consulté les notes avant, ce qui, bien sûr, est de ma faute.

Je comprends très bien ou je crois comprendre le problème de l’interconnexion. Je suis pleinement conscient des problèmes qu’on a là, mais, ce soir, je vais poser ma question un peu différemment.

J’aimerais vous entendre tous les quatre, et je crois savoir quelle sera la réponse de Fertilisants Canada. En termes simples, par opposition à ce que nous avons ici, s’il y avait une chose que vous pourriez modifier dans le projet de loi pour l’améliorer, qu’est-ce que ce serait? Veuillez y répondre en 60 secondes ou moins. Même si cela fait en sorte que le projet de loi ne sera pas prêt en juin ou en mai, devrions-nous faire tout ce qui est en notre pouvoir et courir ce risque en nous battant avec acharnement pour voir à l’adoption des améliorations que vous espérez dans le projet de loi?

Encore une fois, je suis, bien sûr, très favorable à l’interconnexion. J’étais très favorable à la clause de temporarisation. Nous avons parlé au ministre à ce sujet et nous lui parlerons à nouveau. Pouvez-vous, en 60 secondes ou moins, nous dire quelle est votre première priorité?

M. Neuheimer : Merci beaucoup de poser cette excellente question. Dans mon cas, ce serait notre deuxième recommandation : donner à l’office le pouvoir d’agir par lui-même.

Si l’office entendait des choses au sujet de la chaîne d’approvisionnement qui ne fonctionne pas de la façon idéale que les Canadiens souhaitent, il aurait le pouvoir de se pencher sur cette question.

C’est une recommandation que David Emerson a formulée dans son examen. C’était une recommandation importante qu’il a formulée au gouvernement. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement n’était pas d’accord avec sa recommandation. Assurément, nous soutenons sa recommandation.

La dernière chose que j’ajouterais, c’est que ce type de pouvoir existe déjà aux États-Unis. L’équivalent de notre office, le Surface Transportation Board of the United States of America, a déjà la capacité d’agir. Pourquoi hésitons-nous autant à donner à notre office le même pouvoir d’agir pour s’assurer que la chaîne d’approvisionnement fonctionne?

Je sais qu’on craint que l’office commence à soudainement réinventer les politiques, mais je ne crois pas que c’est ce qui se produira. Je crois que l’office a son rôle à jouer et que, de toute évidence, Transports Canada a le sien. Transports Canada établit les politiques, et l’office s’assure que les politiques fonctionnent comme prévu.

M. Johnston : Je n’ai pas à hésiter du tout. La chose que j’aimerais changer, c’est le droit aux calculs des frais dans le cadre des processus d’APF.

Pour les expéditeurs captifs comme Teck, le processus d’APF, l’arbitrage des propositions finales, est le seul recours auquel nous avons accès en ce qui a trait aux taux. Pour dire les choses simplement, les efforts des compagnies de chemin de fer pour atténuer l’efficacité de ce recours sont l’aspect pour lequel nous vous demandons votre soutien.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, nous préférerions certainement que vous retardiez le projet de loi et fassiez bien les choses, plutôt que d’en forcer l’adoption.

M. Marshall : La recommandation prioritaire de l’AMC serait de conférer à un expéditeur le droit à une évaluation du calcul des frais durant un processus d’APF.

Les deux textes législatifs précédents qui ont essayé de réagir aux enjeux systémiques dans le marché du transport ferroviaire au Canada ont en commun d’avoir parcouru 90 p. 100 du chemin et de n’avoir pas atteint l’étape finale. L’étape finale changerait complètement les choses. Le fait de ne pas avoir atteint l’étape finale explique pourquoi nous sommes ici pour la troisième fois en cinq ans à parler des mêmes enjeux et problèmes systémiques.

À l’heure actuelle, vous avez une occasion réelle de remédier à certains des défis auxquels nous faisons face. Les mesures concernant l’APF qui figurent dans le projet de loi augmentent les données sur le calcul des frais recueillies par l’office. Cela lui procure plus de leviers. Ces derniers 10 p. 100, c’est de faire en sorte que ces renseignements puissent guider le processus décisionnel d’un APF.

Veuillez, s’il vous plaît, aller jusqu’au bout. Faites-le bien cette fois-ci. Je pense que nous préférerions tous ne pas revenir ici pour la quatrième fois en sept ans pour nous occuper des mêmes enjeux.

M. Graham : La réponse simple est l’interconnexion. Le projet de loi ne devrait pas encourager, autoriser, ni aider les compagnies de chemin de fer à faire une discrimination à l’endroit de certaines catégories de marchandises ou de personnes dans certaines régions du pays. Je pense que c’est fondamental, étant donné la nature du Canada. Cela ne devrait pas se produire.

Pour ce qui est des retards, si le gouvernement et le Parlement déterminent que quelque chose devrait se produire, alors rien n’explique un retard important. Toutefois, si un retard est nécessaire pour élaborer un bon projet de loi, je pense que le Parlement devrait le faire bien, plutôt que le faire rapidement.

Le sénateur Plett : S’il reste du temps pour un deuxième tour, j’aimerais y participer.

Le sénateur Dawson : C’est déjà trop tard pour ce qui est de le faire rapidement, parce que cela a été débattu en Chambre. Nous avons quatre amendements différents et nous avons reçu plus de demandes d’amendements d’autres groupes. À un moment donné, il nous faudra un projet de loi équilibré.

Vous devez toujours comprendre que, si nous acceptons vos amendements, une autre personne pourrait proposer un amendement qui irait à l’encontre de votre intérêt particulier, parce qu’elle aurait exercé des pressions pour le faire accepter.

J’ai deux recommandations pour vous : trouvez-vous un parrain et rédigez un vrai libellé sur ce que devrait être l’amendement. Le fait de formuler la demande ne correspond pas à un amendement du projet de loi.

Ne vous méprenez pas. J’ai modifié des projets de loi dans le passé, et je me sens très libre, en tant que sénateur, de modifier des projets de loi de la Chambre des communes. Je les modifie également sachant que, lorsque nous les renvoyons à la Chambre des communes, ce qui, à votre avis, va permettre de régler le problème va retourner là-bas et essuyer un refus. La Chambre l’a refusé en octobre. Elle va le refuser de nouveau, et nous allons reporter le projet de loi sans avoir fait quelque progrès que ce soit.

Puisqu’aucun d’entre vous ne veut l’adopter rapidement, assurez-vous de bien rédiger ces amendements, parce que nous ne voulons pas nous trouver dans cette situation. Il y a un appui à l’égard de ces amendements.

Faites-moi confiance, je pense que le projet de loi est équilibré. Je préférerais qu’il soit adopté tel quel. Que je l’aime ou non, si la majorité des députés appuient un amendement, nous l’accepterons. Je tiens à ce vous compreniez que vous devez aller là-bas et exercer des pressions pour vous assurer que le changement est adopté si le projet de loi retourne à la Chambre des communes.

Ce n’est pas rapide. Nous ne précipitons rien. Cela a été débattu et cela va continuer d’être débattu pendant des semaines. Préféreriez-vous voir mourir le projet de loi en juin ou plutôt le voir adopté avec des lacunes?

M. Marshall : Je vais répondre à cette question par l’affirmative. Nous aimerions que le projet de loi soit adopté d’une façon qui tient compte des enjeux auxquels nous faisons continuellement face.

Pour ce qui est de promouvoir notre cause à long terme, comme je l’ai réaffirmé en réponse à la question du sénateur Plett, j’estime fermement que, si nous ne réagissons pas à ces enjeux systémiques, pour moi, c’est très bien. Je défends les intérêts de l’industrie. J’ai beaucoup plus de travail qui arrive dans le secteur des transports.

En ce qui concerne la possibilité que nous avons en ce moment, il y a l’espace immédiat de ce projet de loi, mais il y a aussi les enjeux systémiques à long terme. Si nous ne les abordons pas, nous devrons refaire le travail. Je pense que c’est quelque chose que nous aimerions régler.

Le sénateur Dawson : Que ce projet de loi soit ou non adopté, il y aura d’autres projets de loi à l’avenir de toute façon; donc, certains de ces enjeux peuvent être réglés.

La sénatrice Gagné : Monsieur Neuheimer, j’aimerais revenir à la question des pouvoirs d’enquête de l’office.

Dans votre exposé, vous avez mentionné que, actuellement, l’office ne peut agir qu’en cas de plainte officielle et que cette situation est problématique. Vous avez aussi mentionné que la crainte de représailles décourage les expéditeurs d’entreprendre le processus de plainte, et lorsqu’un expéditeur dépose une plainte, le mandat de l’office se limite à voir ses problèmes particuliers.

Pourriez-vous expliquer davantage la question des représailles? Avez-vous été témoin de ces situations réelles? Le cas échéant, sont-elles nombreuses et récurrentes?

M. Neuheimer : D’abord, le bas de la page 2 de notre exposé parle du fait que le chemin de fer est un de nos partenaires les plus importants. Je voulais commencer par cette note positive.

Nous collaborons avec lui du mieux que nous le pouvons pour faire fonctionner les choses dans le monde réel. Un des plus grands défis qui se posent en ce moment, c’est d’apporter les produits au port de Vancouver et essentiellement au-delà. C’est quelque chose dont nous discutons directement avec ses représentants. Nous espérons qu’une partie des fonds du gouvernement consacrés aux infrastructures finira par être investie là-bas pour régler toute cette situation.

C’est vraiment l’avenir économique du Canada qui est en jeu lorsque vous cherchez à voir si ces choses peuvent fonctionner ou non. Toute la question des représailles est extrêmement délicate. C’est une des raisons pour lesquelles l’association arrive à aborder ces enjeux, plutôt que les entreprises privées.

C’est une question délicate à laquelle répondre, mais il existe des approches différentes quant à l’intérêt porté à cette cause. Si vous examinez l’histoire de la défense des intérêts lorsqu’il s’agit des défis auxquels les expéditeurs sont confrontés avec les chemins de fer, je pense que les expéditeurs prospères font très attention aux déclarations et aux commentaires qu’ils font, parce qu’ils veulent continuer de travailler avec les compagnies de chemin de fer. Ils ne veulent pas finir dans une situation de bras de fer avec celles-ci.

Pour revenir au fait que l’office a le pouvoir d’examiner les choses qui ne semblent pas fonctionner correctement dans la chaîne d’approvisionnement, cela élimine cette situation désagréable où un certain nombre d’entreprises privées doivent lever la main et dire : « Je me fais vraiment maltraiter ici. Je n’arrive pas à envoyer tous mes produits sur le marché mondial. Que puis-je faire à ce sujet? »

Si l’office avait le pouvoir d’examiner une situation de ce type, ce serait un avantage réel. Cela permettrait assurément d’éliminer une bonne partie des possibilités éventuelles d’un scénario de bras de fer, si je peux dire les choses ainsi.

C’est pourquoi nous demandons ce que nous demandons. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Gagné : Très bien.

Le sénateur Mitchell : Je comprends ce que le sénateur Dawson a dit. Dans une certaine mesure, il semble que vous ne soyez pas entièrement insatisfait de ce qui figure dans le projet de loi. Vous réclamez quelque chose de plus que ce qui se trouve dans le projet de loi.

Quels éléments aimez-vous dans le projet de loi? Parmi ce qui s’y trouve, qu’est-ce qui éliminerait le besoin d’ajouter d’autres choses qui n’ont pas été accomplies dans le projet de loi particulier? Vous devez comprendre que si le processus perdure trop longtemps et que nous avons une prorogation, celui-ci avorte, et nous devons le reprendre.

Je prends bonne note du commentaire du sénateur Dawson. D’une façon ou d’une autre, nous allons nous occuper de la législation sur le transport pendant un bon moment. Vous n’allez pas manquer de travail, monsieur Marshall.

M. Marshall : J’imagine que la question s’adressait à moi.

Le sénateur Mitchell : Plus ou moins. C’était vraiment une affirmation.

M. Marshall : D’accord. Je ne saurais trop souligner l’idée qu’un contexte de marché monopolistique est, en quelque sorte, un jeu à somme nulle. Si vous êtes un expéditeur et que nous n’avez pas d’autres occasions d’amener votre produit sur le marché, vous n’avez qu’un nombre limité de recours à votre disposition.

Tout le monde éprouve parfois des frustrations à l’endroit de Rogers, Bell ou Telus. Ce n’est pas comme si vous commandiez 100 chaînes et qu’ils vous en donnaient seulement 65. Vous pourriez alors dire : « D’accord, c’est bon. Je vais changer. » Vous ne pouvez pas faire de changement dans le marché du transport ferroviaire lorsque vous êtes captif. Il n’y a nulle part où aller.

Nous devons réagir aux enjeux qui empêchent les entreprises de croître, les entreprises qui créent de la richesse, soutiennent des emplois, des familles et des Canadiens et font croître l’économie canadienne. Les obstacles systémiques empêchent ces entreprises de prospérer, et nous devons y réagir.

Je me préoccupe moins de ma propre disposition par rapport à la défense des intérêts et des possibilités dans l’avenir. J’aimerais attirer l’attention du comité et du groupe et souligner que nous sommes tous arrivés à proposer des amendements. L’AMC fait partie d’une vaste coalition d’expéditeurs ferroviaires. Je sais que bon nombre des organisations qui participent au groupe veulent toutes que des amendements, sous une forme ou une autre, soient apportés au projet de loi.

Je sais qu’un seul secteur a formulé peu d’amendements et craint l’effondrement du projet de loi. Lorsque je regarde l’analyse faite par divers intervenants sur cette question, la majorité d’entre eux aimeraient voir le projet de loi changer. Ils veulent que certains aspects de ce projet de loi soient changés avant son adoption. Selon mon point de vue, une forte proportion de multiples secteurs fait partie de ce groupe. Je pense que c’est important de prendre cela en considération.

Simplement pour donner suite au point que vous avez fait valoir, sénateur Dawson, les trois associations qui ont comparu avant vous aujourd’hui ont cosigné, avec d’autres, une lettre portant sur deux recommandations en particulier. L’une d’elles a trait à l’évaluation du calcul des frais de l’APF, et l’autre, aux pouvoirs d’enquête. Ce projet de loi comporte un langage juridique. Je crois que la lettre a été présentée à notre comité, mais je vais m’assurer qu’elle est soumise de nouveau.

Nous faisons de notre mieux et sommes conscients que ce n’est pas une tâche facile que d’évaluer une panoplie de recommandations. Nous faisons de notre mieux pour essayer de classer par priorité les questions qui sont, à notre avis, conformes à la direction que le gouvernement a choisi d’emprunter dans ce domaine et les présenter comme des occasions raisonnables d’amélioration. C’est l’attitude que nous adoptons.

Nous essayons de sélectionner des enjeux distincts et de les assembler d’une façon acceptable et globale avant de venir à vous avec 50 propositions différentes qui vont dans tous les sens.

Le président : Y a-t-il des amendements qui ont été proposés à la Chambre, au comité?

M. Marshall : Je le crois. Les deux amendements en particulier dont je suis au courant sont, d’abord, un prolongement ou une réduction modeste de la limite géographique de l’accès à l’interconnexion de longue distance, le premier, près de la ville de Montréal, l’autre, un positionnement GPS autour de Kamloops, et ensuite l’autre, qui était non pas un amendement important, mais plutôt un amendement de procédure au sujet des données, où les durées ou les périodes de publication des données ferroviaires étaient raccourcies. Ce sont les deux amendements que je connais. Il pourrait y en avoir d’autres.

M. Neuheimer : Pour ajouter quelque chose à la liste de M. Marshall, le mécanisme d’arbitrage des propositions finales peut maintenant être appliqué pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans. C’est une année de plus. C’est un autre changement positif en plus de ceux cités par M. Marshall.

Lorsque vous prenez du recul et les examinez, ce sont des changements graduels. C’est un jeu de « gradualisme » lorsque vous commencez à examiner ces aspects individuels.

Pour revenir à l’office, le ministre de la Justice fait les lois au Canada. Il y a d’autres pouvoirs d’enquête si ces lois ne sont pas respectées. Pourquoi ne pas laisser l’office jouer ce rôle, comme autre changement graduel supplémentaire apporté au système, pour s’assurer qu’il fonctionne de la façon dont il fonctionne?

Quelques changements positifs ont été apportés, mais si vous devez passer du temps à examiner le projet de loi maintenant, encore une fois, à ce moment-ci, une des raisons pour lesquelles nous sommes ici, c’est pour vous encourager à apporter un ou deux autres changements graduels pour l’améliorer, pendant que vous y êtes.

Le président : Presque tous les expéditeurs racontent la même histoire : nous avons avancé, mais nous ne sommes jamais vraiment rendus au but. Autrement dit, le problème n’est pas réglé. À votre avis, qu’est-ce qui explique cela?

Il me semble que vous dites tous — et d’autres groupes le disent aussi — que nous ne nous rendons tout simplement jamais jusqu’au but. Pourquoi? Lorsque vous avez des monopoles, c’est un gros problème. Nous comprenons cela. Les chemins de fer sont ce qu’ils sont.

M. Neuheimer : Vous avez parlé de monopoles. Je ne le ferai pas, parce que j’essaie de collaborer avec mes partenaires du secteur ferroviaire.

Juste pour mettre les choses en contexte pour notre secteur, les activités de nos membres se déroulent habituellement à des centaines de kilomètres de la compagnie de chemin de fer concurrente. Pour ce qui est de l’interconnexion, qui n’est pas une priorité pour nous en ce moment dans notre exposé de ce soir, le concept est génial. La réalité par rapport à la façon dont cela se déploie dans un projet de loi, pour que nous abordions le scénario que je vous ai décrit, est gravement limitée, parce qu’il y a des exemptions importantes à la façon dont l’outil va fonctionner.

Pour l’instant, il y a des choses importantes dont vous devez tenir compte par rapport à ce que vous pouvez faire, le cas échéant, pour changer ce qui se trouve déjà dans le projet de loi et, idéalement, l’améliorer dans l’intérêt de tous les Canadiens.

M. Marshall : Je tablerais là-dessus. C’est le même type de perspective en ce qui concerne les données. Je reviens aux 90 p. 100 parcourus, mais il y a cette étape finale.

En ce qui concerne les données, pourquoi rater une occasion de faire preuve de vrai leadership en matière de transparence et de responsabilisation en ramenant le système canadien de la transparence des données ferroviaires sur un pied d’égalité avec celui des États-Unis, qui a été créé lorsque des gens indexaient des bibliothèques entières à l’aide de fiches?

Le contexte est vraiment important. Je crois qu’il y a une énorme occasion de leadership. Nous ne devons pas craindre le changement qui est nécessaire pour améliorer les circonstances auxquelles nous faisons face.

J’ai une réponse très simple à vos questions concernant la raison pour laquelle nous sommes constamment confrontés à ces enjeux. Je crois que c’est pour deux raisons. D’abord, c’est très difficile de comprendre un marché monopolistique. La position par défaut de nombreux décideurs, c’est que nous devons avoir un projet de loi équilibré entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer.

La réalité, c’est que le marché n’est pas équilibré entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer, pour commencer. Si chaque projet de loi qui est proposé ici repose sur le principe que nous devons avoir un texte législatif juste, équitable et équilibré, cela va contribuer à maintenir le déséquilibre dans le marché.

Comprenez-vous cela?

Le président : Je le comprends.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je tiens à vous remercier, messieurs, de votre présence parmi nous ainsi que de votre apport à l’économie canadienne; vous représentez plusieurs industries.

Comme le sénateur Tkachuk, j’aurais 1 000 questions à vous poser pour comprendre le problème. Quand le gouvernement intervient dans un dossier comme le vôtre, c’est que vous ne vous entendez pas entre vous. Est-ce que les choses ont évolué depuis cinq ans en ce qui concerne les relations d’affaires entre les expéditeurs et les transporteurs, ou est-ce que c’est coulé dans le béton depuis une décennie et que les choses ne bougent pas?

[Traduction]

M. Johnston : Je vais dire quelques mots à ce sujet. Il ne fait aucun doute que des changements périphériques ont été apportés à la relation que vous décrivez, mais, m’exprimant en tant qu’expéditeur, je dirais que les principes fondamentaux de notre relation avec chacun des chemins de fer de catégorie 1 resteraient les mêmes.

Nous sommes un expéditeur captif et nous sommes soumis à un monopole. Ce point important reste le même. Rien ne va changer cela. Il y a des obstacles très importants à la venue de nouveaux participants; je pense que nous pouvons tous nous entendre pour dire que nous n’aurons pas d’autre chemin de fer transcontinental au Canada au cours des 10 prochaines années.

Nous participons à cet effort dont nous parlons, mais qu’essayons-nous de faire? Nous ne souhaitons pas introduire une compétition réelle. Nous essayons de faire venir des substituts aux compétiteurs ou, au contraire, d’améliorer les recours qui existent pour tenter de soutenir les expéditeurs dans cette relation déséquilibrée entre l’expéditeur et le chemin de fer.

Dans le cas de Teck, encore une fois, nous avons utilisé l’APF ou l’arbitrage des propositions finales. C’est le seul recours qui est à notre disposition en tant qu’expéditeur captif quant au taux. C’est très important pour nous. Il est très important pour Teck de maintenir cela comme recours robuste, et aussi pour l’industrie minière et les expéditeurs en général. C’est pourquoi c’est la seule chose vraiment importante dont je parle ce soir et pourquoi nous demandons ce que nous demandons.

Le recours est dilué, parce que les chemins ne coopèrent pas pour ce qui est d’obtenir une décision de l’office quant au calcul des frais. Cela n’est pas surprenant. Ce n’est pas dans leur propre intérêt de le faire. Nous vous demandons de nous aider à maintenir l’APF comme unique recours des expéditeurs pour des tarifs s’appliquant aux expéditeurs captifs comme Teck.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ce monopole existe-t-il en raison d’un manque d’infrastructure? Est-ce que c’est parce que notre infrastructure ferroviaire au Canada ne répond plus aux besoins des 30 000 ou 40 000 expéditeurs?

[Traduction]

M. Johnston : Non, je dirais que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas une question d’infrastructure; c’est une question de captivité. Nos cinq mines dans le coin sud-est de la province de la Colombie-Britannique sont desservies par un seul chemin de fer. Il ne fait aucun doute que l’infrastructure qui les dessert est sûre et sécuritaire et qu’elle gère la circulation. Très certainement, il n’y aura jamais de compétition, comme un autre transporteur ferroviaire qui desservirait ces mines. Ce n’est tout simplement pas possible.

L’infrastructure en place est satisfaisante, mais parce que nous sommes captifs, nous nous retrouvons dans la situation difficile, de temps en temps, que nous connaissons.

La sénatrice Bovey : La discussion a été assez complète, mais je vais poursuivre dans une direction légèrement différente. Monsieur Marshall, vous avez mentionné un troisième enjeu, soit la question des obligations relatives au niveau de services. Vous avez dit que l’AMC recommande soit de supprimer cette disposition, soit d’assujettir les restrictions à un examen distinct.

Pourriez-vous expliquer cela davantage? Selon votre point de vue, comment cela s’insère-t-il dans les deux autres enjeux dont nous avons discuté? Si cette disposition devait être supprimée, quelles seraient les répercussions?

Lorsque vous parlez d’assujettir les restrictions à un examen distinct, cela devient-il un règlement plutôt qu’une partie de la législation?

M. Marshall : Bien sûr, je vais commencer. Je vais peut-être laisser M. Johnston intervenir à ce sujet également, parce qu’il sait beaucoup de choses.

La sénatrice Bovey : Je vous citais simplement.

M. Marshall : Très bien. Si je comprends bien, selon une partie du libellé dans les dispositions sur le niveau de services, les obligations commerciales des chemins de fer sont prises en considération dans le processus.

La préoccupation de l’AMC, c’est que les décisions commerciales d’une compagnie de chemin de fer relèvent entièrement d’elle. Une compagnie de chemin de fer va déterminer la capacité qu’elle va maintenir. Elle va déterminer combien d’équipes elle va employer, combien de wagons elle exploite et combien de locomotives elle fait fonctionner. Elle va déterminer tous ces paramètres de ses activités.

L’Office des transports du Canada a reconnu la façon dont les chemins de fer ont exercé leurs activités par le passé, l’exploitation des actifs et la décision Louis Dreyfus. Le modus operandi des chemins de fer, c’est qu’ils maintiennent tout juste assez de capacité pour maximiser leurs profits. Ils le font aux dépens du service que leurs expéditeurs demandent ou du service dont leurs expéditeurs ont besoin pour apporter le produit sur le marché.

Nous nous inquiétons du fait que la prise en considération de ces décisions ferroviaires unilatérales déforme ce que nous considérons comme un résultat approprié découlant de ce processus. Je vais céder la parole à M. Johnston, s’il a quoi que ce soit à ajouter.

M. Johnston : Je vais lire une partie du libellé proposé au paragraphe 169.37(3) portant sur l’arbitrage relatif au niveau de services. Pour un expéditeur comme Teck, cela présente un défi.

L’arbitre établit les modalités concernant les sommes visées à l’alinéa 169.31(1)c.1) […] de façon à ce que ces modalités soient équitables tant pour les expéditeurs que pour la compagnie de chemin de fer.

Teck est d’avis qu’il s’agit là d’un libellé inapproprié pour un projet de loi ou une instruction à l’intention d’un arbitre.

L’arbitre devrait être responsable d’arriver au bon résultat en fonction des éléments de preuve présentés par chaque partie à l’arbitrage. Cela ne serait pas nécessairement une décision équitable. Elle pourrait favoriser l’expéditeur, ou parfois, la compagnie de chemin de fer.

Le fait de charger un arbitre d’arriver à une décision équitable n’est pas, à notre avis, approprié. Cela fait partie d’un libellé sur le niveau de services que nous aimerions voir modifié ou supprimé du projet de loi.

Le sénateur Mercer : Monsieur le président, je siège au présent comité depuis 15 ans, quoique de façon discontinue. Cela signifie que je suis actuellement le membre le plus ancien du comité, même si vous y avez siégé quelques fois, de façon discontinue.

Au cours des 15 dernières années, j’ai observé les projets de loi. Je n’ai jamais vu un projet de loi où plus d’amendements ont été proposés de la part d’un si grand nombre de groupes différents de partout au pays. Si le présent projet de loi doit s’effondrer, et l’importance des amendements pourrait très bien contribuer à le faire, entendons-nous pour dire que le gouvernement du Canada est carrément responsable de la production de ce projet de loi compliqué. Si on devait le diviser en cinq textes différents, je pense que trois de ces textes seraient maintenant adoptés, et nous serions ici pour débattre des deux autres.

Cela conclut ma déclaration politique pour ce soir; je me préoccupe de certaines choses. Nous continuerons de parler des retards. Je ne m’y oppose pas, mais j’ai aussi en tête une foule de chômeurs à Hamilton, en Ontario, à qui au moins une compagnie ferroviaire a dit que, une fois le projet de loi adopté, on commanderait de nouveaux wagons-trémies et de nouveaux wagons de chemin de fer pour leurs voies ferrées. Il y a des emplois en jeu pour ces personnes. Je me préoccupe de ces personnes, mais aussi de toutes les complications que vous avez ajoutées à cela.

Je crois que ma frustration vient du fait que je ne sais pas où nous allons. Devons-nous commencer par empiler les amendements, et le gouvernement va soudainement hurler, ou la Chambre des communes va hurler, si nous les lui envoyons? Nous devrions le déchirer complètement et recommencer de nouveau, et pourtant, ces personnes à Hamilton qui ont besoin de ces bons emplois ne les auront pas. Cela me dérange vraiment.

Quelle solution nous permettrait d’accélérer collectivement ce processus et de faire adopter tous ces amendements? Le sénateur Dawson et moi nous sommes réunis plus tôt avec quelques personnes qui devaient être des témoins ici. Elles proposaient des amendements dont je n’avais pas encore entendu parler. Cela fait des mois que nous débattons de ce projet de loi, et nous continuons de recevoir de nouveaux amendements. Vous avez proposé de nouveaux amendements encore une fois ce soir, donc je ne sais pas si les témoins de demain ou de la semaine prochaine en auront d’autres à ajouter.

Nous allons crouler sous le poids de ces amendements. Quelqu’un a-t-il une suggestion à proposer par rapport à la façon de sortir de ce pétrin?

M. Graham : Si je pouvais offrir une suggestion, bien humblement je dirais, qu’une partie de la difficulté que le Parlement a eue avec le projet de loi tient à la question de l’équilibre. Lorsque le débat entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer a lieu, le gouvernement est d’avis que si les expéditeurs obtiennent un avantage perçu dans une partie de la législation, alors les compagnies de chemin de fer doivent obtenir un certain avantage équitable en contrepartie. Cela oblige les deux Chambres du Parlement à essayer de trouver cet équilibre délicat. On a l’impression qu’il doit être préservé, sinon le système de transport va basculer d’un côté ou de l’autre.

Je conseillerais aux sénateurs d’examiner les propositions qui leur ont été soumises en pensant au problème de l’équité. Quand vous pensez à l’arbitrage des propositions finales, à des choses du même genre, diriez-vous que le système est équitable? À notre humble avis, pour ce qui concerne l’interconnexion, nous devons nous demander s’il est juste de laisser de côté certains produits et certaines régions du pays pour des motifs qui, selon nous, ne sont pas étayés par des faits ou des données probantes?

Peut-être que la tâche de la Chambre, comme vous le disiez, consiste à écouter différentes personnes qui font des témoignages et défendent un point de vue et à trouver un équilibre, mais à mon avis, le rôle du Sénat, c’est de faire cette évaluation en visant l’équité.

Y a-t-il, dans le projet de loi, certaines dispositions qui sont injustes? Est-ce que les transporteurs ont présenté des propositions qui permettraient de traiter avec davantage d’équité les gens qui dépendent du système ferroviaire?

M. Marshall : J’aimerais mettre les choses en contexte.

J’adorerais que les gens de Hamilton se mettent à construire ces wagons. J’adorerais qu’une partie des membres de mon association n’ait pas à essuyer des pertes de marchandises de 200 millions de dollars en raison d’un problème du service ferroviaire. J’adorerais aussi que certains membres de mon association ne soient pas obligés de réduire les activités dans leurs installations parce qu’ils n’ont pas suffisamment d’espace d’entreposage pour certains matériaux. S’ils ne peuvent pas avoir de wagons qui viennent se charger de leurs matériaux, ils doivent cesser la production, et cela a des répercussions sur leurs employés.

À long terme, ce qui serait le mieux, c’est que le système ferroviaire redonne du travail à ces travailleurs de Hamilton, puisqu’il y a un plus grand volume de transport ferroviaire de marchandises sur le réseau canadien. La production est plus élevée. Il y a davantage de minerais, de céréales, de fertilisants et de produits forestiers. C’est dans ce contexte que j’adorerais voir ces travailleurs retourner travailler à Hamilton. Je crois qu’un moyen d’y arriver consisterait à régler certains des problèmes systémiques.

La dernière chose que je voudrais dire, c’est que je comprends bien qu’il n’est pas facile de s’y retrouver. C’est entre autres pour cette raison que nous avons examiné les nombreux enjeux intéressants que nous relevons dans ce projet de loi et que nous avons tenté de les résumer le plus simplement possible; c’est aussi pour cette raison que nous avons demandé à plusieurs personnes de signer collectivement des lettres où l’on précise les enjeux prioritaires pour tous en les soumettant à votre examen.

Nous cherchons vraiment à rendre ce processus le plus concis possible, même si nous comprenons très bien qu’il est difficile de s’y retrouver.

Le sénateur Mercer : Ce sera mon dernier commentaire, puisque nous n’avons presque plus de temps. Pour justifier ma présence ici aujourd’hui, je dois vraiment faire un retour en arrière. Tout le monde a parlé de l’expédition de marchandises à partir du port de Vancouver. J’aimerais vous inciter à envisager d’expédier des marchandises à partir du port de Halifax, et je voudrais vous rappeler qu’il n’y a pas eu d’arrêt de travail au port de Halifax depuis 1972. Certaines personnes présentes ici n’étaient pas nées en 1972.

Nous sommes également plus près, par mer, puisque nous pouvons passer par le canal de Suez pour nous rendre jusqu’aux marchés vers lesquels vous expédiez vos marchandises. J’aimerais que vous considériez cela comme une recommandation que je vous fais : vous devriez envisager d’expédier les marchandises à partir du port de Halifax. Si le port de Vancouver a toujours des problèmes de main-d’œuvre, le port de Halifax n’en a pas. Nous sommes ouverts au commerce.

M. Marshall : Aidez-nous à transporter nos marchandises jusqu’au port, et nous y transporterons notre clientèle.

La sénatrice Galvez : J’aimerais que la discussion se poursuive de manière positive et constructive. Il est vrai que nous avons entendu beaucoup de témoins. Je ne dirais pas qu’il y a une tonne d’amendements, mais quatre sujets reviennent constamment. Il est, évidemment, question de la transparence, de l’indépendance de l’office, de l’interconnexion et des caméras à bord des trains. Ce sont les quatre grands sujets sur lesquels les témoignages ont porté; il n’y a donc pas une tonne d’amendements.

Je me disais que vous connaissiez mieux vos homologues. Par exemple, quand il est question de transparence, il s’agit, comme vous le dites, d’un monopole ou d’un duopole. Habituellement, la question de la transparence est importante, et il y a des frictions lorsqu’il y a beaucoup de concurrence; cependant, lorsqu’il n’y a qu’un ou deux joueurs seulement, je ne comprends pas pourquoi la transparence devrait être un problème.

Selon vous, voilà quels seront les obstacles, et vous connaissez vos homologues. Par exemple, en ce qui concerne l’indépendance de l’office, je sais que les rôles sont très différents. Transports Canada joue un rôle stratégique, et l’office joue en réalité un rôle de médiation, et ça ne devrait donc pas être un gros problème.

Vous savez qu’il y a d’autres problèmes que vos homologues du secteur ferroviaire pourraient vous présenter. Je vous demande de m’aider à vous aider.

M. Johnston : J’espère que vous le pouvez. Je vais parler du sujet que vous venez d’aborder ainsi que de celui qu’a abordé le sénateur qui est intervenu avant vous. Qu’est-ce qui pourrait réellement nous aider? Qu’est-ce que nous cherchons?

Si vous envisagez sous cet angle toutes nos demandes, vous constaterez que la concurrence donne des résultats. Nous demandons d’autres choses dans le cadre de ce monopole. Vous appelez cela un marché, mais je crois que c’est un terme un peu trompeur, parce qu’il ne s’agit pas d’un marché. Nous devons composer avec le monopole, qu’il s’agisse de données, de transparence ou de services. Tous ces aspects font partie d’un marché qui fonctionne normalement, et des gens comme nous, les gens de Teck et d’autres expéditeurs en sont de temps à autre victimes.

Nous demandons de la transparence, parce qu’elle fait partie des marchés qui fonctionnent normalement. C’est pour cette raison qu’elle a tant d’importance à nos yeux. Quand vous avez six ou huit possibilités, c’est le marché qui s’occupera du service, des prix, des coûts et de l’efficience.

Les changements de données sont liés à la transparence, étant donné que c’est ce qui existe dans les marchés qui fonctionnent normalement. Il n’est pas nécessaire de procéder à un calcul des frais, dans un marché compétitif, mais dans un monopole, nous croyons que c’est ainsi que ça se passe.

Si vous voulez nous aider, envisagez, s’il vous plaît, les choses sous cet angle, en vous demandant ce qui favoriserait une réelle concurrence ou un semblant de concurrence. C’est ce que nous demandons. J’espère que cela répond à votre question.

M. Marshall : J’ai une autre réponse. Je crois que vous avez demandé pour quelles raisons ça ne se faisait pas. Pour parler en d’autres mots de l’absence d’une dynamique des marchés, selon notre expérience, si les compagnies ferroviaires ne sont pas obligées de faire quelque chose qui ne serait pas à leur avantage, elles ne sont pas vraiment susceptibles de le faire.

C’est pour cette raison que nous n’exagérons pas sur la transparence. C’est pourquoi nous n’entretenons pas des relations de travail aussi constructives que nous l’aurions voulu sous des formes que nous aimerions être plus commerciales ou plus transparentes. C’est parce qu’ils ne sont pas obligés d’agir ainsi.

M. Neuheimer : Très rapidement, sénatrice Galvez, vous avez vraiment mis le doigt sur un point sensible en parlant de la transparence. À mon avis, les deux choses que nous demandons, dans notre mémoire, à savoir que l’office fournisse l’information touchant le coût dès le début du processus d’arbitrage des propositions finales et que l’office ait le pouvoir de mener des enquêtes de son propre chef… Je crois que ces deux choses augmenteraient réellement la transparence des échanges que nous, les expéditeurs, faisons avec les transporteurs ferroviaires. Je crois que ces deux recommandations seraient utiles.

J’aimerais revenir sur la question du sénateur Mercer et sur le sujet que le sénateur Dawson a abordé plus tôt pour vous dire que nous avons consacré bien des heures à la recherche d’un consensus quant à ce que les expéditeurs désiraient. Malheureusement, le monde est loin d’être parfait. Dans le milieu des expéditeurs sont réunis de nombreux secteurs différents dont les priorités sont différentes, mais je crois que vous avez constaté ici ce soir que certains thèmes sont récurrents. Nous allons assurer un suivi et vous faire parvenir la lettre signée par six associations, celles des fertilisants, des mines, des produits chimiques de même que la nôtre et deux ou trois autres, et vous pourrez voir les deux points que nous considérons tous comme prioritaires.

Quand vous reverrez ce projet de loi, nous espérons que vous serez d’accord pour dire qu’il y a dans les exposés que vous avez entendus aujourd’hui au moins un thème commun qui vous semble logique, et que vous recommanderez à la Chambre d’adopter le projet de loi. Il est à espérer que la Chambre sera d’accord avec vous et qu’elle jugera qu’il convient d’inclure ce qu’il faut, peu importe de quoi il s’agit, pour l’améliorer.

Il n’y a pas de solution miracle. Comme je l’ai déjà dit, l’historique du projet de loi et de tout le travail connexe a trait à une mise en œuvre graduelle. Nous devons faire tout ce qu’il nous est possible de faire pour que le projet de loi avance le plus possible, en sachant que nous ne réglerons pas tout en une seule fois; mais nous pouvons certainement faire de notre mieux pour régler des choses le plus possible.

Le président : Nous avons distribué ces documents. C’était une excellente séance. Vous avez été très informatif et convaincant. Nous avons beaucoup apprécié vos exposés. Merci beaucoup aux témoins.

Nous allons poursuivre notre étude avec les prochains témoins. J’ai le plaisir d’accueillir Chris Roney, président sortant d’Ingénieurs Canada, Vee Kachroo, vice-président directeur, Opérations, Canpotex Limited, James Clements, vice-président, Planification stratégique et services de transport, Canadien Pacifique, et Jeff Ellis, chef des services juridiques et secrétaire général, Canadien Pacifique.

Merci de vous être présentés à notre réunion. J’inviterais M. Roney à commencer, après quoi ce sera le tour de M. Kachroo et de M. Clements.

Chris Roney, président sortant, Ingénieurs Canada : Notre témoignage portera aujourd’hui uniquement sur l’article 11 de la Loi sur la sécurité ferroviaire et en particulier sur la conception, la construction et l’entretien des installations ferroviaires au Canada.

Je vais discuter de deux des recommandations. La première vise à ce que des ingénieurs professionnels agréés participent à toutes les étapes du cycle de vie des infrastructures ferroviaires. Les ingénieurs agréés ont l’obligation de respecter des normes élevées en matière de connaissances, de compétence et d’expérience, et ils sont régis par un code déontologique très sévère.

Fait plus important encore, ils sont responsables devant le public de leur travail. En fait, les ingénieurs professionnels, contrairement aux membres de la plupart des autres professions, sont tenus d’assurer avant tout le bien-être du public, avant même le bien-être de leurs propres employeurs. Ce devoir primordial concerne la protection de la vie, de la santé, des biens, des intérêts économiques et de l’environnement. C’est une des principales différences entre les ingénieurs agréés et les autres professionnels, par exemple ceux dont la tâche est de protéger les infrastructures du Canada.

Les décisions clés et les grandes orientations doivent être fondées sur des conseils avisés et impartiaux d’ingénieurs et d’experts qui tiennent autant compte des coûts que des avantages à long terme et qui gardent constamment à l’esprit le bien-être du public. C’est pourquoi il est si important que des ingénieurs professionnels soient présents et participent à toutes les étapes du cycle de vie des projets ferroviaires.

Des événements récents ont cruellement mis en relief l’importance de nous assurer que, pour tout ce qui concerne l’infrastructure de notre pays, nous pouvons compter sur les bonnes personnes, qui possèdent les connaissances et les compétences nécessaires, qui sont impartiales et prennent la responsabilité du bien-être du public. Il est également essentiel de nous assurer que notre infrastructure ferroviaire est résiliente.

Cela m’amène à ma deuxième recommandation, visant à ce que l’infrastructure ferroviaire du Canada fasse l’objet d’évaluations de la vulnérabilité au climat et puisse être adaptée aux risques potentiels découlant des changements climatiques. La résilience des infrastructures civiles est le moteur de la productivité des sociétés, de la stabilité de l’industrie et d’une confiance accrue du public.

Or, le Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes indique qu’une bonne partie de nos infrastructures actuelles sont vulnérables aux effets des conditions climatiques extrêmes. Cette vulnérabilité entraîne un risque, non seulement pour la sécurité du public, mais aussi pour l’économie du pays, et ce risque pourrait être évité.

Par exemple, des crues importantes et des débits d’eau sans précédent ont gravement endommagé les voies du Chemin de fer de la Baie d’Hudson, en mai dernier. Les événements ont endommagé 5 ponts, emporté 19 sections de la plateforme de la voie et exigé une nouvelle vérification d’un nombre important de ponts et de ponceaux. Cette ligne ferroviaire sert en particulier au transport de denrées alimentaires, de fournitures et de gens vers la collectivité éloignée de Churchill, une populaire destination touristique. L’interruption du service ferroviaire a fait en sorte que tout le transport a dû se faire par voie aérienne, à grands frais.

Des évaluations objectives de la vulnérabilité au climat permettront aux propriétaires des infrastructures, aux gestionnaires et à d’autres intervenants d’être renseignés rapidement sur les répercussions potentielles des phénomènes météorologiques extrêmes sur les infrastructures qui desservent les collectivités de toutes les régions du pays, en leur permettant de planifier et de construire les infrastructures en conséquence.

Ingénieurs Canada, avec la collaboration de Ressources naturelles Canada, a mis au point un outil d’évaluation des risques climatiques qui permet d’améliorer grandement la résilience des infrastructures et d’atténuer la gravité des répercussions du climat sur les intérêts économiques des particuliers et des entreprises.

Le Protocole du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques, qu’on appelle aussi le CVIIP, constitue pour les ingénieurs et d’autres intervenants un outil de conception et de construction d’infrastructures ferroviaires qui résisteront aux changements rapides du climat.

Le protocole a été appliqué aux systèmes d’infrastructure plus d’une quarantaine de fois déjà au Canada, et trois fois ailleurs dans le monde. Nous encourageons vivement le gouvernement fédéral à imposer l’utilisation d’outils d’évaluation et de prévention tels que le CVIIP comme condition de l’approbation des demandes de financement, de l’acceptation des évaluations des impacts environnementaux et de l’approbation de projets touchant la remise en état, la revalorisation et le déclassement d’infrastructures existantes. C’est une façon de contribuer à la protection de l’environnement, de l’économie et de la sécurité publique.

Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir invité Ingénieurs Canada à présenter nos recommandations au comité aujourd’hui. Je vous assure que les membres de notre profession sont prêts et disposés à assurer la résilience et la sécurité du réseau de transport ferroviaire du Canada afin qu’il demeure un moteur de l’économie canadienne.

Le président : Est-ce que les interprètes ont tout saisi? Vous avez parlé très vite.

M. Roney : On m’a dit que j’avais quatre minutes, et j’en avais énormément à dire. Vous pouvez retrouver tout cela dans le document écrit.

Le président : Monsieur Kachroo, vous êtes le suivant.

Vee Kachroo, vice-président directeur, Opérations, Canpotex Limited : L’entreprise Canpotex est la plus grande exportatrice de potasse du monde, et son siège social se trouve à Saskatoon. L’entreprise commercialise et expédie plus de 10 millions de tonnes métriques de potasse chaque année. Elle compte 130 clients dans 40 pays, et ses actionnaires sont Mosaic et Nutrien. Son volume d’affaires équivaut à plus de 110 000 expéditions par voie ferroviaire.

Nous exportons pour environ 3 milliards de dollars de marchandises, ce qui représente quelque 500 millions de dollars de recettes fiscales pour les gouvernements canadiens. Notre entreprise est l’une des principales exportatrices du pays, et nous comptons des marchés clés au Brésil, en Chine et en Inde. Elle est également l’une des principales utilisatrices du réseau ferroviaire du pays.

Une partie de notre avantage concurrentiel, à l’étranger, est liée à notre réputation d’expéditeur fiable. Pour soutenir cette réputation, nous avons investi massivement dans notre propre chaîne d’approvisionnement hautement intégrée. Cette chaîne comprend plus de 5 000 wagons conçus sur mesure et construits à Hamilton de même que notre propre installation d’entretien des wagons à Lanigan, en Saskatchewan. Nous affrétons plus de 235 navires et nous possédons des terminaux d’exportation à Vancouver, en Colombie-Britannique, à Portland, en Oregon, et à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Nous avons misé gros dans cette aventure.

Essentiellement, la seule partie de la chaîne d’approvisionnement que nous ne contrôlons pas, c’est le transport ferroviaire. Un service ferroviaire inadéquat peut nuire à notre réputation d’expéditeur fiable, mais aussi nuire à la compétitivité de la potasse canadienne sur les marchés étrangers.

Aujourd’hui, j’aimerais parler plus précisément du transport ferroviaire jusqu’à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Saint John est maillon important de la chaîne d’approvisionnement de Canpotex. Les exportations de potasse à partir de ce port contribuent à l’activité économique de la région. En 2017, un volume supérieur à un million de tonnes de potasse a été expédié à partir de Saint John. C’est un corridor qui coûte cher, mais Canpotex est captive du CN, seule compagnie à assurer un service ferroviaire vers notre terminal de Saint John par une route directe au Canada.

Canpotex n’a aucune solution de rechange advenant que le CN n’assure pas des conditions de service adéquates ou qu’il impose des tarifs plus élevés que ceux qui prévaudraient s’il existait une concurrence. Selon notre expérience, lorsque le CN connaît des retards, les répercussions sont démesurées pour les trains de Canpotex qui se dirigent vers l’est sur les voies exclusives du CN. Ces retards entraînent des coûts pour Canpotex et font de Saint John une option d’expédition moins attrayante, et le port et le terminal sont par conséquent menacés.

Sans un accès à un service ferroviaire compétitif et fiable vers Saint John, nous allons devoir faire ces expéditions à partir de notre terminal de Vancouver ou de celui de Portland. Nous savons toutefois que le gouvernement a tenté de régler la question de la concurrence dans les services ferroviaires pour les expéditeurs captifs grâce à la disposition sur l’interconnexion longue distance du projet de loi C-49.

Toutefois, Canpotex ne pourrait pas utiliser cette disposition dans sa forme actuelle pour ses expéditions vers Saint John, étant donné que l’échangeur le plus proche est celui de Montréal, situé dans la zone d’exclusion du corridor Québec-Windsor. Nous proposons pour solution de modifier légèrement le projet de loi C-49 et de prévoir une exemption pour les expéditions destinées aux Maritimes et circulant dans la zone d’exclusion de l’ILD Québec-Windsor. C’est une solution d’application régionale qui est pratique, et nous avons proposé un libellé, dans notre mémoire.

Notre suggestion est conforme aux exemptions déjà prévues dans le projet de loi pour les expéditions en provenance du nord du Québec. De même, elle représente une solution régionale équitable pour les expéditeurs captifs qui font des affaires dans les Maritimes. C’est une question d’équité.

Nous pourrions vous proposer d’autres approches, par exemple prévoir une exemption pour les expéditions de potasse à destination de Saint John ou des Maritimes. Nous vous prions humblement d’examiner nos recommandations touchant l’ILD.

À notre avis, ces modestes changements assurent l’équité de toutes les expéditions. Ils feraient du corridor entre la Saskatchewan et le port de Saint John un corridor plus compétitif et plus fiable pour les expéditions de potasse à l’étranger. Je vous remercie.

Jeff Ellis, chef des services juridiques et secrétaire général, Canadien Pacifique : Je suis venu avec mon collègue, James Clements, vice-président, Planification stratégique et services de transport. Notre message général, c’est que le Sénat devrait s’empresser d’adopter ce projet de loi.

Le projet de loi C-49 n’est pas parfait. Certains des éléments qu’il contient nous préoccupent, comme vous le savez, en particulier l’absence de réciprocité avec les chemins de fer américains, qui désavantagera les chemins de fer canadiens en raison du nouveau régime d’interconnexion de longue distance proposé.

Cela dit, dans la conjoncture actuelle, l’adoption de la loi est nécessaire pour deux raisons.

Premièrement, il ne fait aucun doute que ce projet de loi permettra d’améliorer la sécurité de manière notable, puisqu’il prévoit l’installation d’appareils d’enregistrement audio-vidéo dans les locomotives en donnant aux compagnies de chemin de fer un pouvoir limité, mais approprié d’utiliser proactivement cette technologie.

Deuxièmement, l’adoption du projet de loi C-49 est nécessaire, car elle fournira au secteur la certitude dont il a besoin pour investir dans de nouveaux équipements et l’augmentation de la capacité, y compris, peut-être, de nouveaux wagons-trémies, dont vous avez entendu parler lors de la dernière séance.

En ce qui concerne la sécurité, le CP est fier d’afficher la plus faible occurrence d’accidents de train de la catégorie 1 en Amérique du Nord depuis 12 ans. C’est le résultat de nos investissements accrus dans les infrastructures, du déploiement de nouvelles technologies et de la diminution du nombre des défaillances des équipements et des ruptures de voies.

L’adoption de la technologie des enregistrements audio-vidéo est une des plus importantes mesures que l’on puisse prendre pour renforcer la sécurité ferroviaire au Canada, puisque l’on sait que les facteurs humains sont la principale cause des incidents ferroviaires.

Les données que publie chaque année le Bureau de la sécurité des transports indiquent que, en moyenne, plus de la moitié, ou 53,9 p. 100, des incidents ferroviaires survenus depuis 2009 ont été causés par des facteurs humains. Il faut faire quelque chose et s’attaquer à cette catégorie d’incidents et s’assurer que des améliorations significatives en matière de sécurité seront apportées au Canada. Les enregistrements audio-vidéo sont l’outil qui nous permettra de le faire effectivement.

Les données probantes recueillies dans d’autres administrations sont on ne peut plus convaincantes. Depuis l’installation des caméras du système DriveCam dans les autobus de son réseau de transport en commun, New Jersey Transit a observé une diminution de 68 p. 100 des accidents d’autobus entre 2007 et 2010. Le nombre de blessures subies par les passagers a chuté de 71 p. 100 pendant la même période. Le service de transport en commun sur rail Metrolink, en Californie, a de la même manière observé une importante diminution des cas de violation des signaux rouges et de dépassement des plateformes dans les stations depuis qu’il utilise des enregistrements audio-vidéo.

Si l’on désire maximiser les avantages pour la sécurité de la technologie des enregistrements audio-vidéo, il est essentiel de donner aux compagnies de chemin de fer un pouvoir limité d’utilisation des données recueillies. Les enjeux systémiques en matière de sécurité doivent être révélés avant qu’un accident ne survienne, de manière à pouvoir élaborer de façon proactive des mesures correctives efficaces et appropriées.

Le projet de loi C-49 permettra toujours aux compagnies de chemin de fer d’utiliser les données tirées des enregistrements audio-vidéo dans certaines circonstances définies et selon des limites appropriées et circonscrites avec soin dans le but d’améliorer la sécurité tout en respectant la vie privée de leurs employés. Il ne s’agit pas d’utiliser les données tirées de ces enregistrements pour examiner des infractions mineures qui ne sont pas systémiques.

Nous savons que certaines personnes ne sont pas d’accord avec l’idée de permettre aux compagnies de chemin de fer d’utiliser de façon limitée les données tirées des enregistrements audio-vidéo et qu’elles se préoccupent de la protection des renseignements personnels des employés. Nous sommes au courant de leurs préoccupations et nous reconnaissons qu’il faut s’assurer que la technologie est utilisée de façon respectueuse.

CP s’est engagé à collaborer avec Transports Canada et nos syndicats pendant l’élaboration des règlements qui régiront l’accès aux données tirées des enregistrements et leur utilisation par les compagnies de chemin de fer. Nous devons à nos employés, aux collectivités où nous sommes présents et à l’ensemble des Canadiens de faire tout ce que nous pouvons pour assurer le plus haut niveau de sécurité qui soit sur nos chemins de fer.

Ce serait une erreur de modifier le projet de loi C-49 pour empêcher l’utilisation proactive par les compagnies ferroviaires des données tirées des enregistrements audio-vidéo. Cela réduirait à néant le très grand potentiel d’amélioration de la sécurité des transports ferroviaires au Canada. C’est tout ce que j’avais à dire. Merci.

Le président : J’aimerais poser une question à M. Roney avant de poursuivre. Vous avez dit qu’il fallait que des ingénieurs professionnels participent à toutes les étapes du cycle de vie des infrastructures ferroviaires.

Ne participent-ils pas déjà à tous les aspects de cette infrastructure? Pourquoi dites-vous cela?

M. Roney : Ce n’est pas nécessairement le cas. Le paragraphe 11(2) de la Loi sur la sécurité ferroviaire prévoit que les travaux d’ingénierie doivent être approuvés par un ingénieur professionnel. Cette approbation est souvent donnée très tard dans un projet; ce n’est pas aussi complet que si elle devait être donnée à chaque étape du cycle de vie.

Il arrive très souvent que des travaux associés à l’ingénierie soient réalisés par des personnes qui n’ont pas le niveau de responsabilité des ingénieurs professionnels. La loi mentionne les principes de l’ingénierie, mais la formulation est très vague.

Dans les faits, il arrive très souvent que des travaux d’ingénierie relatifs aux installations ferroviaires du Canada soient réalisés sans une surveillance responsable d’ingénieurs professionnels. C’est ce problème qui nous préoccupe.

Le président : C’est un peu comme si j’embauchais un homme à tout faire plutôt qu’un plombier.

M. Roney : Bien sûr.

Le président : Ce n’est pas bien, ni si je le faisais moi-même.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, vous avez déjà posé ma première question, mais ne vous excusez pas. Je vais reprendre à partir de là.

J’aimerais m’adresser à l’ingénieur professionnel et enchaîner en posant des questions à M. Ellis ou M. Clements, du CP.

Vous avez donné l’exemple de Churchill et du Chemin de fer de la Baie d’Hudson. Il y a ici trois sénateurs du Manitoba, et certains d’entre nous ont très souvent emprunté ce chemin de fer.

Ce chemin de fer a été construit il y a de très nombreuses années. Pensez-vous qu’aucun ingénieur professionnel n’a participé à la construction de ce chemin de fer délabré? Il est dans cet état parce qu’il a été construit dans des fondrières. Aucun ingénieur du monde ne peut changer le fait qu’il s’agit de fondrières.

Vous semblez dire que, si des ingénieurs professionnels avaient été consultés, nous aurions à la place un magnifique chemin de fer. Je ne suis pas de cet avis. Aujourd’hui, des ponts s’effondrent à cause de séismes. Des autoroutes s’effondrent à cause des conditions climatiques.

Où voulez-vous en venir en disant que, si des ingénieurs professionnels avaient participé à chacune des étapes, du début à la fin, tout irait bien, et nos chemins de fer seraient sûrs?

Je m’adresse maintenant à M. Clements ou à M. Ellis. Si nous acceptons la recommandation des ingénieurs professionnels, y aurait-il des répercussions sur le CP ou sur ses compétiteurs? Le sénateur Mercer a mentionné le très grand nombre d’amendements que nous devons examiner. Je n’avais jamais entendu parler de celui-là avant.

J’aimerais que vous m’expliquiez un peu mieux ce qu’il en est et ensuite, j’aimerais qu’un représentant du CP nous parle du coût qu’entraînerait l’adoption des propositions des ingénieurs.

M. Roney : C’est une excellente question, et je suis ravi d’avoir la possibilité d’y répondre de mon mieux.

Nous avons souvent un problème, c’est que l’ingénierie est souvent considérée comme un investissement dans une bonne expertise. J’ai dit qu’il fallait que des personnes compétentes, possédant les connaissances et les compétences nécessaires, soient présentes lorsque les décisions sont prises.

Il arrive souvent qu’on voie l’ingénierie comme un coût plutôt que comme un investissement. C’est un défi qui se présente très souvent dans le milieu des entreprises, où il semble que les profits pour les actionnaires soient la valeur dominante. Les coûts prennent souvent le pas sur la responsabilité en matière de sécurité publique qu’un ingénieur professionnel assurerait, s’il était présent. C’est le morceau du casse-tête qui manque si l’on veut s’assurer d’une responsabilité à l’égard du public au moment de prendre des décisions.

Il y a aussi le fait qu’un grand nombre de chemins de fer ont été construits à une époque où il n’y avait pas d’accréditation pour les ingénieurs, même si des ingénieurs ont certainement participé à la construction, même sans la réglementation qui existe aujourd’hui. La majorité des lois pertinentes sont plus anciennes que notre système moderne de reddition de comptes pour les ingénieurs agréés. En outre, l’accréditation relève de la compétence fédérale, alors qu’habituellement, l’accréditation pour le reste des ordres professionnels est de compétence provinciale.

Au fil des ans, le secteur ferroviaire s’est doté de ses propres traditions et de sa propre culture. Nous reconnaissons la valeur de l’expertise qu’apportent les ingénieurs aux discussions et nous croyons qu’il faut insister là-dessus en veillant à ce que ce ne soit pas simplement optionnel. Il faut obligatoirement qu’un ingénieur agréé soit présent dans le cycle de vie entier.

Cela ne préviendrait pas nécessairement les problèmes de longue date, parce qu’il arrive souvent que les ingénieurs ne soient pas consultés en ce qui concerne l’entretien. Il faut qu’ils puissent participer au cycle de vie en entier, parce que cela aiderait énormément à veiller à la stabilité de l’infrastructure.

Une autre partie de la réponse tient également à certaines choses que vous avez déjà mentionnées, par exemple les talus de voie ferrée qui sont lessivés ou d’autres choses du genre. Nous sommes conscients de ce genre d’impacts causés par les changements climatiques. Cela concerne la deuxième recommandation que j’ai soulignée, celle à propos des évaluations de la vulnérabilité, le Protocole du CVIIP. Cela fait partie de la diligence raisonnable dont nous devons faire preuve en veillant à ce qu’un protocole comme celui-ci soit appliqué; nous devons nous assurer de prendre en considération les risques que posent les changements.

Par le passé, les ingénieurs se fiaient majoritairement à ce qui s’était passé avant, parce qu’ils croyaient que cela reflétait bien l’avenir.

Le sénateur Plett : J’aimerais que le CP réponde également.

M. Roney : C’est tout le contraire qui se passe à présent. Nous ne pouvons plus nous fier aux données recueillies dans le passé pour prédire ce qui se passera dans l’avenir. Voilà pourquoi nous avons besoin de mener des évaluations de la vulnérabilité au climat.

Le sénateur Plett : Malgré tout, il y avait des fondrières au Manitoba bien avant que les changements climatiques ne deviennent un sujet d’actualité.

James Clements, vice-président, Planification stratégique et services de transport, Canadien Pacifique : Je tiens avant tout à dire que le CP accorde une très grande importance à la sécurité. C’est la priorité numéro un de notre entreprise. Nous tirons une grande fierté de notre réputation : nous sommes la compagnie de chemin de fer qui a le plus faible taux de fréquence d’accidents de train en Amérique du Nord. Cela est en grande partie attribuable à la diligence des ingénieurs professionnels qui travaillent pour nous ainsi que toutes les autres personnes qui s’occupent de l’entretien des infrastructures de notre réseau.

Nous réinvestissons plus de 20 p. 100 de nos revenus dans l’entreprise, très majoritairement dans l’ingénierie. Je crois que sur un total de 1,3 milliard ou 1,4 milliard de dollars, 900 millions de dollars iront à l’infrastructure physique de notre réseau. C’est quelque chose que nous prenons vraiment au sérieux, et nous investissons énormément d’argent pour cela.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, nous avons un processus exhaustif d’évaluation du risque, lequel comprend une évaluation de la vulnérabilité de nos infrastructures. Nous préparons également des plans afin d’atténuer les risques auxquels sont exposées nos infrastructures.

La réussite de notre entreprise, en commençant par notre réputation auprès des collectivités où nous menons nos activités jusqu’à notre flux de rentrées au grand complet, repose sur une infrastructure bien entretenue, sécuritaire et exploitée correctement 365 jours par année.

La sénatrice Bovey : Poursuivons dans le même ordre d’idées, si vous le voulez bien, parce que j’ai suivi de très près la situation à Churchill.

À dire vrai, comme le sénateur Plett l’a mentionné, bon nombre d’entre nous ont pris ce train plus d’une fois. Il y a quelques semaines, j’ai essayé de m’y rendre en avion pour retrouver certaines personnes. Je n’avais pas d’autre choix, puisqu’on peut seulement y accéder par les airs à présent. Nous avons fini par atterrir à Rankin Inlet au lieu de Churchill, parce qu’il y avait un chariot brisé sur la piste d’atterrissage. Churchill était donc complètement coupée du monde le jour où j’étais censée m’y rendre.

Il y a une analogie que j’aimerais reprendre à propos de l’ingénierie et des évaluations de la vulnérabilité au climat. J’aimerais savoir si ce que vous proposez ressemble à ce que font beaucoup de sociétés de condominiums bien gérées, soit retenir les services d’un ingénieur pour évaluer leur stationnement intérieur annuellement. D’après ce que vous dites, cela semble être une approche surtout préventive.

Si c’est bien le cas, je me demandais si l’accident qui s’est produit dans le canyon Hells Gate, en novembre 2017 — je parle du déversement — aurait pu être évité si l’infrastructure avait été évaluée de façon régulière?

Prenons la question dans un autre sens. Nous avons déjà discuté du coût de ce genre d’évaluation. J’aimerais maintenant savoir quel genre d’économies elles permettent de réaliser.

Regardons de plus près les accidents qui sont survenus. Combien d’entre eux auraient pu être évités si une évaluation technique de ce genre avait été effectuée régulièrement par rapport aux différents types de terrains au Canada, y compris les fondrières au Manitoba et les coulées boueuses en Colombie-Britannique?

M. Roney : Je ne crois pas pouvoir affirmer que ces incidents en particulier auraient pu être complètement évités. Cependant, votre analogie est somme toute juste en ce qui concerne l’importance des évaluations préventives pour les stationnements intérieurs, par exemple.

Le protocole prévoit un processus de diligence raisonnable bien documenté et bien conçu afin que l’on puisse veiller à ce que ce genre de questions soient posées, que les événements futurs soient pris en considération et que leurs impacts soient étudiés. Ce que nous recommandons, essentiellement, c’est de faire en sorte que le protocole établi soit suivi avec rigueur.

La sénatrice Bovey : Selon vous, cela devrait-il être enchâssé dans une loi ou un règlement? Je suis en train d’essayer de déterminer, à la lumière des témoignages, ce qui devrait être prévu dans la réglementation — ce que nous devons pouvoir examiner et modifier fréquemment et facilement — et ce qui devrait être inscrit dans la loi. Comme vous le savez, modifier une loi est un processus plus difficile et plus long.

M. Roney : Je n’ai pas à vous dire à vous, législateurs, qu’il faut veiller à ce que la loi prévoie une grande flexibilité dans son règlement.

À mon avis, le règlement est le choix logique.

Le président : Chers collègues, nous allons devoir essayer d’accélérer un peu les choses. Je vous prie d’essayer de demeurer brefs en ce qui concerne les questions, les préambules et les réponses.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup d’avoir mentionné l’importance des changements climatiques et de leurs impacts sur les investissements en infrastructure dans l’avenir. C’est peut-être pour cette raison que les fondrières fondent de plus en plus. Il faudrait aborder le problème à la manière d’un ingénieur.

Il semble que les expéditeurs éprouvent énormément de tension par rapport aux chemins de fer. Monsieur Ellis, monsieur Clements, j’aimerais vous donner l’occasion de réagir à deux griefs précis que les témoins précédents ont soulevés directement à votre égard.

D’abord, ils voudraient, si possible, avoir accès à davantage de vos données. À dire vrai, ils ont dit explicitement qu’ils devraient pouvoir consulter la totalité de vos feuilles de route afin de pouvoir prendre connaissance des coûts dans l’ensemble du réseau et d’évaluer les impacts pour eux.

Ensuite, ils aimeraient que l’Office des transports du Canada soit en mesure d’agir de sa propre initiative, et non seulement en réaction aux plaintes.

À ce qu’il me semble, l’essentiel de la tension tient au fait que vous avez besoin de faire des profits pour les investir dans le capital nécessaire à la construction de voies ferrées très éloignées, tandis qu’eux veulent réduire leurs coûts afin, bien entendu, de demeurer compétitifs.

Comment leurs deux demandes pourraient-elles influer sur la situation?

M. Ellis : J’aimerais commencer. M. Clements pourra continuer une fois que j’aurai terminé.

Pour commencer, on entend toutes sortes de choses à propos de monopole, de duopole et de marché captif. Je crois qu’il est important de reconnaître que tout cela est tiré du rapport Emerson. En 2014, il y a aussi eu un rapport de la Banque mondiale selon lequel le taux de fret moyen au Canada et aux États-Unis était parmi les plus faibles du monde, du moins depuis 2006.

C’est le meilleur service au monde, mais il y a un problème avec l’exploitation continue. Cependant, cela ne semble pas être vrai si on s’intéresse au contexte général des pays industrialisés.

Donc, dans cette optique, nous croyons qu’il y a effectivement des compromis dans le projet de loi. En gros, nous prévoyons déjà, en vertu du projet de loi, fournir des données supplémentaires de façon à égaler ce qui se fait aux États-Unis en matière de communication de données.

La chaîne d’approvisionnement ne se résume pas seulement aux chemins de fer, loin de là. Et pourtant, il semble que ce ne soit qu’à nous qu’on demande de fournir ce genre de renseignements. Comme le sénateur l’a mentionné, cela suppose des coûts importants.

Comparez cela aux problèmes que nous essayons de régler. Le fait est que nous serons dans une situation semblable à celle des États-Unis par rapport à la communication de données. Les États-Unis avaient été pris en exemple comme pays où les choses fonctionnent bien. Je ne vois pas comment on pourrait en vouloir plus ou demander que d’autres modifications soient apportées.

J’aimerais également dire que les entreprises ont besoin de certitude. Le marché en a besoin pour prospérer. Nous devons tenir compte des intervenants, des investisseurs, des Canadiens ordinaires qui investissent leur fonds de pension, et cetera. Nous avons besoin de certitude avant de pouvoir prendre une décision et faire des investissements massifs, comme nous voulons le faire avec les wagons-trémies.

Le sénateur Mitchell : Êtes-vous en train de dire que vous êtes la seule organisation à qui on demande de fournir ce genre d’information? Ce n’est pas demandé aux expéditeurs?

M. Ellis : Par exemple, il y a d’autres modes de transport, comme le transport routier, et cetera. Mais il semble qu’on met surtout l’accent sur les données ferroviaires.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je vais poser ma question au témoin du Canadian Pacifique. Je tenais à vous mentionner que j’ai posé la même question aux témoins du CN hier. La présidente du Bureau de la sécurité des transports du Canada, Mme Kathy Fox, qui appuie la proposition de vous donner accès à des bandes audio et vidéo aléatoires à des fins de prévention, a expliqué ce qui suit au comité lors de son témoignage, et je cite :

[Traduction]

[L]es compagnies ferroviaires canadiennes ont souvent eu des comportements révélant une culture punitive basée sur le respect des règles. Bien que des progrès aient été accomplis pour améliorer cette culture, le BST comprend les préoccupations des employés concernant l’utilisation, éventuellement abusive, de ce genre de données.

[Français]

Fin de la citation. On a entendu cette remarque à plusieurs reprises.

Tout compte fait, j’ai deux questions à vous poser. Qu’est-ce qui vous a valu cette réputation et quelle est, selon vous, la valeur ajoutée d’étudier des enregistrements aléatoires à des fins préventives par rapport à l’étude des enregistrements qui sont liés à des incidents mineurs n’ayant pas fait l’objet d’une enquête par le bureau? Grâce à l’étude des incidents mineurs, auriez-vous suffisamment de matériel pour améliorer vos pratiques?

[Traduction]

M. Ellis : C’est une question complexe. Si j’oublie quelque chose, je vous prie de me le faire savoir.

La sénatrice Gagné : Bien sûr.

M. Ellis : Premièrement, par rapport à notre réputation d’être punitifs ou être axés sur le respect des règles, je crois qu’il est important de placer cela dans le bon contexte, c’est-à-dire celui d’une industrie lourde. Il n’y a pas si longtemps que j’ai fait le saut du secteur bancaire au secteur ferroviaire. Une différence marquée dans une industrie lourde comme les chemins de fer est qu’il existe un danger pour les gens, les collectivités, les employés, et cetera. Vue de l’extérieur, l’insistance que l’on place sur les règles et la conformité peut sembler très stricte, mais c’est parce que les risques sont extrêmement élevés.

Cela dit, je crois que la culture qui règne au sein de l’industrie ferroviaire au Canada est à présent davantage axée sur les systèmes de gestion de la sécurité au lieu d’être axée sur des mesures punitives individuelles. C’est ce qui est systémique qui a de l’importance.

Maintenant, à propos des enregistreurs audio-vidéo de locomotive, les EAVL sont visés par des dispositions de protection particulièrement robustes, non seulement dans le projet de loi, mais également dans la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. L’article 28 concerne la protection des renseignements protégés. L’information recueillie à l’aide d’un EAVL ne peut pas être utilisée pour prendre des mesures disciplinaires contre quelqu’un, sauf dans le cas très précis où il s’est passé quelque chose d’extrêmement grave.

Nous aurons seulement accès à l’information de façon rétroactive, après un accident ou un incident, ou de façon aléatoire. Cela m’amène à la réponse à l’autre partie de votre question, par rapport à ce que nous comptons faire de l’information. Nous comptons l’utiliser pour cerner les lacunes dans notre programme de formation et les problèmes dans nos procédures lorsqu’il devient évident, par exemple, dans les enregistrements audio-vidéo que les chefs de train dans la cabine de conduite ont été submergés d’information ou distraits par quelque chose qui s’est passé dans la cabine ou n’importe quoi d’autre.

Lorsqu’on cerne un problème récurrent, nous pouvons prendre des mesures pour le corriger. Nous pouvons modifier les procédures et régler les problèmes de sécurité. Sans ce genre d’information, sans être en mesure de voir et d’écouter ce qui se passe dans la cabine de conduite, nous pourrions passer à côté de beaucoup de choses. Voilà pourquoi c’est important.

En ce qui concerne la capacité de l’utiliser pour le rendement individuel ou à des fins punitives, non, ce n’est pas le but. Cela vise à répondre aux préoccupations systémiques en matière de sécurité. Il s’agit d’un équilibre raisonnable entre la sécurité et le respect de la vie privée. La LPRPDE elle-même prévoit cet équilibre, essentiellement, en ce qui concerne les exemptions dans une situation liée à la sécurité.

La sénatrice Griffin : Je suis originaire de l’Île-du-Prince-Édouard, et nous n’avons pas de chemin de fer. Nous l’avons perdu au milieu ou vers la fin des années 1980. Il a été arraché. Quoi qu’il en soit, je suis toujours très intéressée de voir à quel point le chemin de fer est important pour les Maritimes en général en ce qui concerne l’expédition.

Ce commentaire s’adresse à M. Kachroo. Lorsque le comité de la Chambre des communes se penchait sur le projet de loi C-49, si je ne m’abuse, vous n’étiez pas un témoin à l’audience.

Le député Ken Hardie a proposé l’amendement visant à présenter l’interconnexion de longue distance comme une option pour les collectivités dans le nord du Québec et en Colombie-Britannique, lequel a été accepté. Il semble avoir oublié les Maritimes, il était donc agréable d’entendre votre point de vue ce soir au sujet des Maritimes.

Avez-vous une idée à quel point cela ferait une différence dans les Maritimes si l’interconnexion de longue distance y était accessible?

M. Kachroo : Je n’ai pas de précisions sur toutes les provinces maritimes. Je vais revenir sur le port de Saint John. Nous parlons de 100 à 150 emplois, ou de cet ordre-là.

Je demanderais probablement au responsable du port lui-même de me donner des précisions, mais je peux vous dire que, lorsque la mine de Sussex a fermé, il y a eu une baisse considérable du volume d’activité. Nous sommes entrés en jeu et avons rétabli le volume d’activités liées à la longue distance et les emplois dans ce terminal.

La réalité, c’est que nous sommes une organisation très axée sur le marché sur le plan commercial. Il y a une énorme différence entre le fait d’avoir un chemin de fer ou d’en avoir deux. Lorsque nous avons deux chemins de fer, beaucoup de gens diront que ce n’est pas suffisant, mais je peux vous dire que le simple fait de passer de un à deux fait une énorme différence. Nous avons des conversations très ciblées avec les responsables des deux chemins de fer, et nous collaborerons avec eux.

Nous sommes une organisation avisée sur le plan commercial. Nous rivalisons avec de nombreux concurrents à l’échelle mondiale; nous le reconnaissons. Même dans ce milieu, nous nous en sortons bien avec deux. Lorsqu’on n’en a qu’un seul, on n’a pas beaucoup d’endroits où aller.

Si on jette un œil aux prix de la potasse au cours des 15 dernières années, nous sommes dans le creux de cette période. Si on regarde les prix du transport ferroviaire au cours de la même période, ils ont augmenté chaque année. Si nous voulons continuer, nous devons non seulement être concurrentiels, mais également fiables.

Je vais vous donner un exemple bien concret. Tous les responsables de chemins de fer vous diront que, au cours des trois ou quatre derniers mois, ils ont eu plus d’activités opérationnelles et ont embauché moins de personnel. Il y a une pénurie de services.

En sortant de la Saskatchewan vers l’ouest, si on libère un wagon, il faudrait attendre de un jour et demi à trois jours pour le récupérer. C’était autrefois pareil en sortant vers l’est. À présent, le temps d’attente est de sept à onze jours.

Si on n’a pas de concurrence, on n’est pas porté à se comporter de manière responsable. C’est simplement une observation fondée sur des données. Avec une certaine concurrence au moyen de l’interconnexion de longue distance qui se rend à Saint John, on peut ajouter un autre chemin de fer au tableau. La concurrence permettra d’améliorer le service et de le rendre plus fiable. Nous pourrions ainsi considérer le port de Saint John comme une option plus concurrentielle.

Nous avons besoin d’options. Nous avons parlé de ce qui se passe sur la côte Ouest. Nous avons parlé de l’infrastructure. Nous avons parlé du temps qu’il faudra pour investir afin d’accroître la capacité.

Entre-temps, le fait d’avoir Saint John est important pour nous, mais si on en arrive à un point où l’investissement n’a pas de sens, on devra prendre cette difficile décision. Cela met une région à la merci d’une autre, mais l’argent entre en ligne de compte.

La sénatrice Galvez : Je poserai d’abord une question à M. Ellis, puis je me tournerai vers Ingénieurs Canada.

Le pire accident survenu à l’intérieur du Canada s’est produit à Lac-Mégantic, au Québec. Quelque 47 personnes sont mortes. L’accident est survenu lorsqu’une petite société, MMA, transportait des matières dangereuses. Votre entreprise lui avait accordé un contrat.

Pensez-vous que d’avoir des EAVL dans la cabine du train aurait empêché l’accident?

Le lien que je souhaite établir avec Ingénieurs Canada est que nous sommes des ingénieurs professionnels. Nous faisons l’objet d’un suivi par ce programme fédéral. Nous avons des obligations éthiques et ontologiques qui nous forcent à déclarer les situations insoutenables. Si les ingénieurs professionnels étaient là et qu’ils faisaient face à beaucoup de déréglementation et d’abus, je crois vraiment qu’ils auraient l’appui de leur profession, de leur ordre et de leur école pour déclarer : « Nous ne pouvons pas maintenir cette façon de travailler. » Je pense que cela aurait pu faire une différence dans cette situation.

Je veux simplement avoir votre avis à ce sujet.

M. Ellis : En ce qui concerne Lac-Mégantic, cela a paru dans les médias très récemment, étant donné les poursuites criminelles qui sont en cours. Certains des faits qui ont été révélés témoignent de facteurs qui étaient en dehors de la cabine, comme un manque de culture de conformité, un investissement insuffisant, le fait de ne pas mettre les freins, et cetera. Ce n’est pas à moi de…

La sénatrice Galvez : Le BST a mentionné 18 facteurs.

M. Ellis : Et voilà, oui. C’est bien de cela qu’il s’agit. Je ne peux pas dire si un EAVL aurait eu une incidence particulière sur certains des facteurs.

Ce que je peux affirmer, du point de vue de l’équipement, c’est que, en investissant dans la technologie, nous avons réussi à réduire considérablement les incidents au chapitre de la défectuosité des rails. Nous les avons réduits de 39 p. 100 depuis 2007. Cela monte à 50 p. 100 en ce qui concerne les défectuosités d’équipement.

En ce qui concerne les facteurs plus difficiles liés, par exemple, à la surveillance, nous avons réussi à réduire grandement ce genre d’incident. Nous nous retrouvons au point où, une fois de plus, le problème le plus difficile à régler est le comportement humain. C’est pourquoi nous sommes d’avis que l’EAVL est aussi important. Il nous donne la capacité de savoir quelle erreur d’inattention a été commise lorsqu’un conducteur dans un train qui transporte des marchandises dangereuses brûle un signal. C’est le plus dur à comprendre. Nous pouvons surveiller les roues pour détecter les points chauds, la surchauffe de roulements à billes, les méplats, et cetera. Ce que nous ne pouvons pas faire, c’est entrer dans la cabine pour nous assurer que les systèmes, les politiques et les procédures de gestion de la sécurité fonctionnent efficacement.

D’après les études dont je vous ai parlé, qui ont été réalisées dans d’autres secteurs, comme le transport par autobus, cela s’est avéré très efficace.

M. Roney : J’apprécie vraiment vos commentaires. Un des messages que je souhaitais faire passer est la raison pour laquelle un ingénieur devrait être mis en cause. Comme le disait le sénateur Plett, cela aurait-il évité tel ou tel incident?

Vous savez quoi? C’est une question de responsabilité. Ce n’est pas une question de responsabilité organisationnelle. C’est une question de responsabilité personnelle.

L’idée est ancrée chez les ingénieurs professionnels que leur devoir premier va au-delà de celui qu’ils ont envers leur employeur. Leur devoir premier est le bien-être public, même s’il va à l’encontre de leur employeur.

La loi comporte des dispositions relatives à la dénonciation. Nous parlons de comportements humains, de tenir les gens responsables de leur comportement. Voilà la pièce manquante, et c’est l’un des messages que je souhaite vous faire passer.

En tant qu’ingénieurs, nous assumons des responsabilités qui peuvent mettre fin à notre carrière. Je suis ingénieur de structures. J’ai vécu un cas où nous faisions un travail très complexe. Les travailleurs du fer étaient un peu inquiets de couper une colonne située sous un grand bâtiment. J’avais conçu les poutres de transfert, et ils ne voulaient pas le faire. J’ai dû me rendre et me tenir en dessous de la poutre, pas seulement pour leur dire que j’avais tout vérifié et que tout était bon; je devais rester sous la poutre pendant qu’ils la coupaient.

Parfois, il ne s’agit pas que de prendre des responsabilités qui pourraient mettre fin à sa carrière; il s’agit de prendre des responsabilités qui pourraient mettre en danger des vies. En tant qu’ingénieur, c’est là la différence. Un ingénieur agréé tient compte de cela.

Le sénateur Mercer : J’ai toutes sortes de questions, mais je me limiterai à une partie. Je souhaite parler à nos amis du CP. Je suis un peu surpris de votre attitude envers l’utilisation des EAVL. Vous avez parlé de les utiliser pour des motifs disciplinaires, le cas échéant.

D’autres personnes ainsi que les syndicats ont suggéré que, peut-être, le gardien des données devrait être le Bureau de la sécurité des transports, où les pourraient être examinées. Cela signifierait que nous devrions avoir un Bureau de la sécurité des transports amélioré. Je reconnais qu’il n’a pas nécessairement les ressources nécessaires pour examiner les données de façon continue. C’est quelque chose qu’ils devront faire.

S’il est conscient de problèmes de sécurité, il peut retourner voir les responsables des chemins de fer et leur dire : « Regardez, voici certaines choses que nous avons remarquées. » Vous n’avez pas reconnu le fait que vos syndicats et les autres syndicats qui s’occupent des chemins de fer s’opposent fermement à ce que vous ayez accès aux données sans qu’elles aient été filtrées par une autre organisation, comme le Bureau de la sécurité des transports.

Qu’y a-t-il de mal à ce que les données soient détenues par le Bureau de la sécurité des transports et à ce que ce dernier dise : « CP, vous avez un problème de sécurité; voici ce que nous avons remarqué », puis qu’il collabore avec vous pour régler ce problème de sécurité, même si vous avez un très bon bilan en matière de sécurité? Je comprends cela, et je le reconnais.

M. Ellis : Encore une fois, nous respectons la vie privée de nos employés et de nos travailleurs syndiqués, qui sont l’élément vital de notre entreprise.

Nous examinons ici l’équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité dans la loi, telle qu’elle est rédigée. Il est vrai qu’une partie des dispositions devra être intégrée au règlement plus tard… Mais on n’y a accès qu’après coup, à la suite d’un incident, lorsqu’on tente de déterminer la cause, ou de façon aléatoire, selon certaines protections prévues en vertu non seulement du projet de loi, comme il a été rédigé, mais également de l’article 28 de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, qui limite grandement et empêche l’utilisation de cette information de façon punitive et personnelle pour s’en prendre à un employé donné. C’est censé être là pour qu’on l’examine de façon systématique.

En ce qui concerne notre capacité en tant que chemin de fer d’examiner nous-mêmes cette information, je pense que cela est très important. Le concept de système de gestion de la sécurité dans le réseau ferroviaire, dont, il me semble, vous avez entendu parler dans d’autres témoignages, est quelque chose que l’on possède et dont on doit assumer la responsabilité. Nous investissons énormément dans nos politiques, nos formations et nos procédures. Nous prenons cela très au sérieux, et je pense que c’est la raison pour laquelle nous avons eu un excellent bilan en matière de sécurité jusqu’à maintenant.

Le sénateur Mercer : Il doit être tenu responsable également.

M. Ellis : C’est certain, mais lorsqu’il s’agit de mettre en place les politiques et les procédures, par exemple, c’est l’entreprise qui les met en place. Afin de le faire correctement, de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et de s’assurer que c’est efficace, nous aurons besoin, à mon avis, d’accéder à cette information, mais, encore une fois, dans les limites déjà prévues dans le cadre du projet de loi.

Le sénateur Dawson : Je vais faire une erreur de débutant. J’ai une idée de la réponse, mais je vais tenter ma chance et poser la question. La semaine passée, il y a eu un accident entre Amtrak et CSX, aux États-Unis.

Tout d’abord, est-ce que le bureau de la sécurité des transports aux États-Unis encourage l’utilisation d’EAVL? Ceux-ci auraient-ils été utiles non seulement pour éviter l’accident, cela va de soi, mais pour être en mesure d’analyser ce qui s’est vraiment passé? L’incident mettait en cause deux trains.

M. Clements : Il y a eu toutes sortes de suppositions à propos de l’accident. J’ai lu des articles, et tout ce que je peux dire à ce sujet, c’est qu’il y avait des vidéos de l’intérieur de cette locomotive. Je présume qu’on pourrait les utiliser pour mieux comprendre la situation.

Aux États-Unis, nous utilisons des EAVL, tout comme d’autres transporteurs de catégorie 1 le font. En fait, il y a moins de restrictions qu’on suggère d’appliquer ici. Nous utilisons ces appareils de façon responsable, comme M. Ellis l’a dit, et nous respectons la vie privée de nos employés malgré tout.

Dans ce processus, par exemple, les données sont cryptées, et les mots de passe sont protégés. Notre équipe de gestion à l’échelon local n’est pas celle qui effectue l’analyse. Ce n’est pas le supérieur direct de l’employé qui s’en charge. L’analyse sert à évaluer les problèmes systématiques à l’échelon de l’entreprise.

Le sénateur MacDonald : La question s’adressera sans doute à M. Ellis et à notre ingénieur ici présent, mais n’importe qui peut prendre la parole pour ajouter quelque chose.

J’aimerais parler de la technologie de la boîte noire. L’autre soir, un témoin a parlé de cette technologie dans les cabines de locomotive. À quel point la technologie de la boîte noire qui est utilisée dans la locomotive est-elle sophistiquée? Cette technologie présente-t-elle une lacune? Est-ce une technologie de base?

Je ne suis aucunement technicien, mais je crois avoir une idée du type de données qu’on peut obtenir aujourd’hui à partir de la boîte noire au sujet du train : quand, comment et à quelle rapidité il a freiné, s’il n’a pas freiné, et ce qui ce passe dans la cabine. On peut déterminer beaucoup de choses à l’aide de cette technologie. À quel point la technologie de la boîte noire utilisée dans les cabines du CP est-elle avancée? Est-ce qu’elle date de 20 ans? De six mois?

M. Clements : Nous mettons constamment nos locomotives à jour. Ce faisant, nous intégrons aussi la technologie la plus à jour. Je crois qu’il y a une question importante à laquelle la technologie que vous venez de décrire ne peut répondre. Oui, nous savons quand les employés appliquent les freins, quel type de serrage des freins ils ont effectué et à quelle vitesse les trains vont. On obtient un certain nombre d’informations sur les différents systèmes et leurs états.

La question du freinage est pertinente, mais il faut savoir pourquoi les employés n’ont pas arrêté le train. Il y avait un signal rouge, mais ils n’ont pas appliqué les freins. Il faut savoir ce qui se passe au-delà de l’état de tous les systèmes pour comprendre ce qui a influencé les décisions et les gestes de l’employé au moment de l’incident.

Dans certains cas, on peut comprendre pourquoi les employés ont pris des décisions qui ne respectent pas les règles. Un EAVL peut vous permettre d’obtenir cette information, contrairement à un système sophistiqué de surveillance, lequel vous informe uniquement de l’état de la locomotive.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que le CP utilise actuellement l’enregistrement audio dans toutes ses cabines, en plus de la technologie de la boîte noire? Sinon, pourquoi?

M. Ellis : Au Canada, nous attendons que les lois nous permettent de le faire.

Le sénateur MacDonald : Vous parlez d’enregistrement vidéo. Je veux parler d’enregistrement audio. Si vous aviez un système d’enregistrement audio, en plus d’une boîte noire, vous pourriez en savoir plus.

M. Ellis : Avoir plus d’informations serait utile, mais nous n’avons pas de tels appareils en ce moment. J’étais en train d’examiner certaines parties du témoignage précédent. Je crains que je ne puisse pas citer ce qui a été dit de façon précise, mais il s’agissait d’un exemple d’utilisation d’un enregistreur de conversations installé dans le poste de pilotage d’un avion où on pouvait entendre sur l’enregistrement, avant que le son coupe complètement : « Il y a de la fumée qui sort. »

Je crois que le témoin a dit, concernant les difficultés rencontrées par le BST au moment de reconstituer les événements : « Le problème que nous avions par la suite, c’était que nous devions essayer de reconstituer ce qui s’était passé et de savoir d’où provenait la fumée. » C’est ce qui arrive quand nous n’avons pas d’enregistrement vidéo. La fumée provenait-elle du tableau de bord? De la trappe d’aération?

Pour revenir sur ce que disait M. Clements, l’un des problèmes sur le plan humain est la possibilité que quelqu’un ne voie pas un signal. La personne n’a pas vu le feu à ce moment-là. Regardait-elle par terre? Est-ce qu’elle surveillait d’autres commandes? Y avait-il trop d’informations?

Nous pouvons en faire plus du point de vue de la sécurité si nous avons accès à ces données et que nous modifions notre gestion de la sécurité pour régler les problèmes relevés.

Le sénateur MacDonald : Vous avez mentionné que les données publiées par le Bureau de la sécurité des transports indiquaient qu’en moyenne, plus de la moitié des incidents ferroviaires qui ont lieu depuis 2000 n’ont pas été causés par des facteurs humains. Je présume que les défaillances de l’équipement et les problèmes d’infrastructure ne sont pas considérés comme des facteurs humains. J’ai l’impression qu’il serait possible de faire valoir qu’il s’agit en fait de facteurs humains pour nombre de raisons.

Parmi ces 50 p. 100 d’incidents causés par des facteurs humains, combien découlent d’une erreur commise dans la cabine d’une locomotive et combien découlent de facteurs extérieurs, comme les personnes qui immobilisent leur voiture ou leur autobus sur les voies ferrées? Combien de ces incidents découlent de facteurs extérieurs?

M. Ellis : Personnellement, je ne peux pas donner de réponse précise, mais la réponse à votre autre question à propos de la distinction entre les facteurs humains et les défaillances mécaniques est oui. Je peux fournir plus de renseignements. Nous avons précédemment fourni de l’information à ce sujet qui montre une baisse marquée des accidents liés aux défaillances mécaniques et aux problèmes d’équipement. Nous n’avons pas de renseignements concernant les facteurs humains.

Nous devrons faire un suivi en ce qui concerne la ventilation des différents types de facteurs humains.

Le président : Je tiens à remercier sincèrement les témoins de leur présence. Nous tiendrons une brève réunion à huis clos après avoir levé la séance, puisque nous devons discuter un peu des travaux futurs du comité.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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